I. — Châteaux et hôtels. I. Château de Seignelay.Colbert acheta de bonne heure la terre de Seignelay, où se trouvait un château qu'il fit restaurer par Le Vau, et dont les jardins et le parc furent dessinés par Lenôtre. On ne sait rien sur ce château, qui fut détruit, dit-on, à la Révolution, si ce n'est que le grand parc existe encore, et qu'il appartient aux Montmorency depuis 1724[1]. II. Sceaux.Seignelay était trop loin de Paris pour Colbert, devenu ministre de Louis XIV. Le Roi ayant fixé sa résidence à Versailles, il fallait que ministres et courtisans eussent leur château ou leur maison de campagne à proximité de Versailles et de Paris. Colbert acheta la terre de Sceaux. La baronnie de Sceaux appartenait, depuis la fin du seizième siècle, à la famille Potier de Gesvres, dont l'un des membres, Léon Potier, duc de Tresmes, vendit, le 11 avril 1670, sa terre à Colbert pour la somme de 135.000 livres. Cette terre comprenait un château bâti pendant le règne de Henri IV et 120 arpents[2]. Puis, pour s'agrandir, Colbert acheta successivement de nombreuses terres, et finit par posséder un parc de 700 arpents[3] clos de murs. Dès l'année de son acquisition Colbert fit démolir l'ancien château et fit construire par Perrault, l'architecte de la colonnade du Louvre, un nouvel édifice, dont l'architecture était fort remarquable. Lebrun fut chargé de la décoration des appartements ; Lenôtre dessina les jardins et le parc ; Girardon, Tuby et Puget firent les sculptures ; Nicolas Jongleur fut chargé de tous les travaux hydrauliques nécessaires pour donner de l'eau aux fontaines, bassins et cascades des jardins et du parc, travail difficile, car cette terre était absolument dépourvue d'eau. C'est encore au Cabinet des estampes qu'il faut aller pour retrouver, dans les belles gravures d'Israël Silvestre, de Pérelle, d'Aveline et de Rigaud, les vues du château et des jardins de Sceaux, presque tout étant détruit actuellement. Le plan de Champin et Cicille, gravé en 1785, donne une idée exacte de l'ensemble de cette splendide propriété. Dargenville[4] nous apprend qu'on arrivait au château par une avenue à quatre rangs d'arbres, qui commençait sur la route de Paris à Orléans. Le château se composait d'un rez-de-chaussée, d'un premier étage et d'un étage mansardé, dont le toit, d'une hauteur inégale, partageait la façade sur les jardins en cinq pavillons séparés les uns des autres par de grands pilastres. Il y avait quinze fenêtres à chaque étage. La chapelle, dit Dargenville, est placée à l'extrémité de l'aile gauche, dans un pavillon carré en dehors et circulaire en dedans. Elle est ornée de pilastres corinthiens qui portent un plafond cintré en forme de coupe, peint à fresque par Lebrun. Guillet de Saint-Georges, l'historiographe de l'ancienne
Académie royale de peinture et de sculpture, décrit ainsi l'œuvre de Lebrun[5] : M. Lebrun peignit à fresque la voûte de la chapelle de
Sceaux, et comme les figures de marbre qui sont sur l'autel, et qui ont été
faites d'après les dessins de M. Lebrun par M. Tuby, représentent le baptême
du Sauveur, il a fait convenir le sujet de ses peintures à ce grand mystère.
Il a donc peint dans la voûte une Gloire céleste, où le Père éternel est
représenté dans le moment qu'il prononça ces paroles rapportées par saint
Matthieu, dans le troisième chapitre de son Évangile : C'est ici mon Fils
bien-aimé, en qui j'ai mis toute mon affection. Parmi les expressions qui contribuent à marquer la
splendeur de cette Gloire, M. Lebrun y a donné des idées et des symboles de
la Loi de nature, de la Loi de Moïse et de la Loi de grâce, et y fit paraître
les figures allégoriques de la Foi, de la Charité, de la Pureté et de
l'Obéissance. M. Audran a gravé cette Gloire. M. Lebrun commença les ouvrages
de cette chapelle et y peignit, en bas-reliefs de camaïeux rehaussés d'or,
l'histoire de saint Jean- Baptiste, pour satisfaire à la piété de M. Colbert,
qui portait le nom de Jean-Baptiste. Les jardins, dessinés par Lenôtre, se composaient de belles terrasses, de parterres de broderies et de parterres de fleurs, avec bassins et jets d'eau, le tout entouré de petits ifs et décoré de quelques belles statues : le Gladiateur, une Diane en bronze que Christine, reine de Suède, avait donnée autrefois à notre ambassadeur Servien. On y trouvait aussi une grotte, d'une agréable architecture. Le parc était percé de belles allées palissadées, c'est-à-dire bordées de très hautes charmilles, selon la mode de l'époque. Quelques allées au contraire étaient bordées de berceaux de treillage, à mailles étroites, construits sur d'élégants dessins et surmontés de dômes à tous leurs angles. Quelquefois aussi les arbres étaient taillés en portiques et en arcades, et ces voûtes de feuillages assuraient aux promeneurs l'ombre et la fraîcheur. Les bosquets avaient tous leur fontaine ou bassin. L'orangerie, dont La Quintinye soignait les beaux arbres, renfermait 280 orangers, 6 grenadiers, 8 myrtes, 150 jasmins, 126 lauriers, 2 aloès, 1 pied de fleur de la Passion, évalués, en 1683, 26.378 livres[6]. On admirait surtout, dans le parc, la salle des Marronniers, — un petit bois fait en labyrinthe et tout rempli de fontaines[7], — la Galerie d'eau, ou Allée d'eau, appelée aussi la Salle des antiques, décorée de bustes et de jets d'eau[8], — le Pavillon des Quatre-Vents, d'où l'on a une vue enchantée, — la Fontaine d'Éole et de Scylla, dont les figures en plomb, dessinées par Lebrun, jetaient des gerbes d'eau ; l'allée de ce bosquet avait pour perspective le fameux Hercule Gaulois du Puget, — la Grande cascade, une des plus belles pièces d'eau construites au XVIIe siècle, dont l'eau sortait des urnes de deux fleuves sculptés par Coyzevox[9], — la Ménagerie, peuplée d'oies et de canards, — le Grand canal, creusé probablement sous Seignelay. Beaucoup d'arbres de grande taille avaient été plantés, comme à Versailles, dans le parc de Colbert, qui, par ce procédé, eut tout de suite une belle verdure et de l'ombre. Les gazons étaient de la plus verdoyante fraîcheur. Les eaux étaient pures : tout le monde admirait leur beauté. Elles avaient été amenées dans les jardins et le parc par l'habile fontenier de Colbert, Nicolas Jongleur[10], dont le nom mériterait d'être plus connu. Citons encore Nicolas Bénard, jardinier de Colbert : c'est lui qui entretenait avec art les magnifiques jardins du ministre et dirigeait les fonteniers du parc[11]. Quinault a composé sur la résidence de Colbert un poème en deux chants[12], dont nous reproduisons le premier. J'étais dans les jardins de l'aimable demeure Où le Mécène des François Vient voir l'éclat des fleurs et l'ombrage des bois, Quand ses soins redoublés ont ménagé quelque heure Sur le temps de ses grands emplois. Ce jour même il devait s'y rendre, Et je me promenais, en rêvant, pour l'attendre. Je me fis un amusement D'observer le grand bâtiment Qui s'élève au milieu de ce séjour champêtre ; J'admirai mille fois ce chef-d'œuvre des arts Dont la beauté sans pompe enchante les regards, Et semble, en se montrant, craindre de trop paraître, Comme si la maison voulait de toutes parts Faire également reconnaître La sage modestie et la grandeur du maître. J'allais essayer, par mes vers, De tracer les charmes divers D'une architecture si belle ; J'avais le crayon dans la main, Lorsqu'une aventure nouvelle Me fit prendre un nouveau dessein. Je me vis aborder par une Nymphe aimable : Mes yeux furent surpris de l'éclat admirable Dont elle fit briller tous les lieux d'alentour : Mille fleurs ornaient son passage, Et mille oiseaux, par leur ramage, A l'envi lui faisaient la cour. Quitte, dit-elle, une entreprise Que tu ne dois point achever ; Le choix d'une déesse à qui je suis soumise Pour un autre dessein t'a voulu réserver. Cent merveilles ici se trouvent réunies ; Il faut plus d'une main, il faut divers génies Pour en bien exprimer les charmes différents : Je dois te faire voir ce que tu dois décrire ; Avec tes efforts les plus grands A peine y pourras-tu suffire. Ces beaux lieux sont chéris de la divinité Qui, s'éveillant quand tout sommeille[13], Écarte d'une main vermeille La plus épaisse obscurité, Et, pour le bien du monde, active et diligente, Avec une douce clarté, Rallume du soleil la lumière éclatante. Sa faveur me préfère aux Nymphes de sa cour ; Et, dans ce tranquille séjour, Je me fais de lui plaire une soigneuse étude. Lorsqu'elle a satisfait aux ordres du Destin, Elle vient sans éclat dans cette solitude Se délasser le soir des travaux du matin. Elle regarde avec estime Le Mécène nouveau de l'empire françois ; Elle admire l'ardeur qui sans cesse l'anime Pour le plus auguste des rois. Elle n'a jamais vu de zèle Ni plus actif ni plus fidèle. Elle a beau devancer le soleil dans les cieux, Et voler pour se rendre où son devoir l'appelle ; Dès qu'elle ouvre la porte à la clarté nouvelle, Le vigilant Colbert se présente à ses yeux ; Elle le voit toujours exact, laborieux, Toujours éveillé devant elle. La déesse, en secret, d'une pressante voix, Lui conseilla d'aller loin du bruit quelquefois Chercher un doux relâche à ses travaux pénibles, Et de ces retraites paisibles Lui fit résoudre l'heureux choix. C'est pour lui faire aimer la demeure qu'il aime Qu'elle a rendu ces lieux si beaux ; Elle y joint chaque jour mille agréments nouveaux ; Elle en a fait cesser la sécheresse extrême, Et l'on y voit partout briller de claires eaux Qu'elle puise au ciel elle-même. Regarde avec étonnement L'amas prodigieux des ondes écoulées. Le dieu du liquide élément Semble avoir fait passer ses flots dans ces vallées. Deux fleuves, couronnés de joncs et de roseaux, Ont soin d'attendre les ruisseaux Qui sortent de ce vert bocage, Et sont assis sur leur passage. Avec un doux plaisir, ces vénérables dieux Reçoivent les eaux qui descendent, Pour grossir le tribut qu'ils rendent A la nouvelle mer qui se forme en ces lieux. Mille fontaines dispersées, Après de longs détours ensemble ramassées, Forment, d'un commun mouvement, Sur ce riche vallon un spectacle charmant. Malgré le penchant qui les presse De se précipiter sans cesse Vers le lit spacieux qui leur est préparé, Elles semblent, comme enchantées, Ne pouvoir détacher leurs ondes argentées Du verdoyant émail et du sablon doré Dont si pompeusement leur chemin est paré : Loin de paraître impatientes D'arriver à la fin de leurs courses errantes, On les voit, par bouillons épais, Tâcher à remonter dans ces lieux pleins d'attraits A cent reprises différentes ; Et par cent bonds plaintifs, par cent chutes bruyantes, On les entend gémir en tombant pour jamais Dans le vaste séjour d'une profonde paix. Au milieu de ces eaux, l'eau du ciel la plus pure, Et de ces beaux jardins l'ornement le plus grand, D'une étroite prison sortant avec murmure, S'élance dans les airs en superbes torrents. Cette onde, en jaillissant d'un mouvement rapide, Forme une colonne liquide Qui jusque dans le ciel s'élève avec fierté ; Contre son poids elle dispute, Sans cesse elle remonte et répare sa chute, Et son débris lui sert de nouvelle beauté. Marchons, éloignons-nous de ce bois frais et sombre, Un jour tu reviendras le voir plus à loisir : Pour y rêver avec plaisir On y trouve toujours du silence et de l'ombre. Les vents impétueux vont plus loin murmurer ; Le seul Zéphire a l'avantage De s'y faire un secret passage ; Le grand jour n'ose y pénétrer ; L'importune chaleur n'y peut jamais entrer. Traversons ce parterre, et vois ces fleurs nouvelles Se parer à l'envi des couleurs les plus belles. D'un seul regard, découvre ici, de tous côtés, Ces charmantes diversités Qui doivent enchanter ta vue ; Ces fertiles coteaux et ces sombres déserts Où la tranquillité n'est point interrompue ; Ces vallons de saules couverts ; Ces ruisseaux serpentant dans ces prés toujours verts ; Ces plaines d'immense étendue Que d'un or précieux Cérès prend soin d'orner ; Ce mont qui de si loin fait si bien discerner L'antique tour presque abattue Qui depuis si longtemps sert à le couronner, Et dont l'orgueilleux reste ose encor s'obstiner A monter jusque dans la nue. Sur la pointe de ce coteau, Le pouvoir d'un charme nouveau Suspend un grand amas d'une onde vive et pure ; Ces eaux n'osent descendre, et n'ont jamais tenté, Pour se remettre en liberté, De rompre la molle ceinture Dont l'émail d'un gazon tient leur cours arrêté ; La fraîche et brillante verdure Prend plaisir à se voir si belle en se mirant, Et prend soin de parer d'une riche bordure De ce flottant miroir le cristal transparent. Il faut nous détourner de ce lieu qui t'enchante ; Suis-moi, me dit la Nymphe, et te hâte en passant D'admirer de ce bois naissant La jeunesse tendre et charmante. Passons dans ces jardins[14] où Pomone à l'écart, Pour travailler en paix, fait sa demeure à part. Ses travaux sont payés d'une heureuse abondance : La terre, favorable à sa persévérance, Lui donne, en cent façons, des trésors précieux ; Et chaque jour ici l'Aurore Se plaît à l'enrichir encore Des perles qu'elle épand des cieux. Dans une solitude et si riche et si belle, Observe un bâtiment tracé sur le modèle D'un temple au bord de l'Inde autrefois élevé ; L'art n'a rien fait jamais qui fût plus achevé. C'est ici que souvent l'Aurore se retire ; Avec plaisir elle y soupire ; Elle y vient en secret retracer à son gré Le tendre souvenir de son amour fatale Pour l'ingrat et charmant Céphale.... Elle a fait en ce lieu tracer son aventure ; Elle en inspira le dessin ; Et de sa clarté la plus pure Elle-même éclaira l'ingénieuse main[15] Qui prit soin d'achever cette vive peinture. Imite, s'il se peut, tant de traits excellents ; De ces tableaux muets fais des portraits parlants ; Et, pour peindre l'amour d'une aimable déesse, Tâche à joindre en tes vers la force à la tendresse. Je vis son teint pâlir et ses yeux se troubler ; Un bruit confus de voix fit son inquiétude ; Elle entendit marcher à grands pas vers ces lieux Une foule de curieux : Je retourne à ma solitude, Me dit-elle, et ce bruit m'y contraint d'y rentrer ; Aux profanes regards je ne me puis montrer. Je crus la retenir ; mais sa robe volante Fut changée, au moment que j'y portai la main, En un souffle léger que je suivis en vain. La Nymphe ne laissa qu'une trace brillante Qui s'éleva dans l'air et disparut soudain. Quinault, dans le second chant, décrit longuement le Temple de l'Aurore, l'une des principales curiosités de Sceaux. Lebrun avait peint le plafond du dôme de ce charmant pavillon[16]. Il a représenté, écrit Dargenville, cette déesse avec sa suite brillante, qui abandonne Céphale pour commencer à éclairer l'Univers. Elle tient la route du Zodiaque, et regarde le Point du jour qui la précède. Son char est attelé de deux coursiers pleins de feu ; l'Amour tient les rênes de l'un, l'autre est conduit par deux Amours, dont un élève une couronne au-dessus de sa tête, l'autre tire à lui une guirlande que tient Flore avec un jeune homme, symbole du Printemps. Une grande guirlande portée par plusieurs Amours prend naissance de la Terre et retombe sur le pied d'un taureau, signe du mois d'Avril. Au-dessus, une suivante de l'Aurore répand la rosée. La Terre, personnifiée par une femme appuyée sur une urne, fait rayer le lait de son sein, en même temps qu'elle se débarrasse de son manteau, d'où quantité d'oiseaux se répandent dans les airs. Plus haut on remarque la Vigilance, dont le coq est le symbole. Dans l'éloigne- ment, le char du Soleil commence à paraître. Une femme, plus avancée et couchée sur des gerbes de blé, caractérise l'Été. Vis-à-vis la Terre on voit l'Automne, Bacchus et Silène. Derrière ce dieu, un jeune homme tire de l'arc pour marquer que les grandes chasses se font en automne. A droite et à gauche sont Castor et Pollux. Au-dessus de la porte d'entrée se voit la Nuit sous la figure d'une femme déployant un rideau, d'où sortent des oiseaux nocturnes. Autour d'elle des spectres et des fantômes expriment la diversité et l'ambiguïté des songes. Les Heures de la nuit répandent leurs pavots, tandis que la Lune se précipite au lever du Soleil. Au milieu de ce plafond paraît, dans le Zodiaque, la Balance, signe de l'équinoxe d'Automne. Il a été gravé par Audran. Les plafonds des deux petits cabinets qui composent le pavillon de l'Aurore sont peints par M. Delobel, qui a représenté dans l'un, Zéphire et Flore, et dans l'autre, Vertumne et Pomone. En 1675, le 8 juillet, la Reine et la Dauphine allèrent visiter le château de Sceaux. La Gazette raconte brièvement cette visite : Le 8, la Reine vint ici (à Paris) le matin,
au monastère des Carmélites de la rue du Bouloir. Elle alla ensuite à Sceaux,
voir la belle maison du sieur Colbert, ministre et secrétaire d'État, qui l'y
régala magnifiquement, avec Mgr le Dauphin, lequel s'y rendit pareillement,
l'après-dînée, et retourna, avec S. M., à Saint-Germain en Laye[17]. En juillet 1677, ce fut le tour de Louis XIV d'aller à Sceaux visiter Colbert. Le Mercure Galant nous a laissé le compte rendu de cette fête. Le Roi, voulant faire l'honneur à M. Colbert d'aller voir sa belle maison, choisit le jour de cette promenade ; et ce sage ministre, en ayant été averti, se prépara à l'y recevoir en zélé sujet qui attend son maître, et un maître comme le Roi. Il ne chercha point à faire une de ces fêtes somptueuses dont l'excessive dépense n'attire souvent que le désordre, et qui satisfont plus l'ambition de ceux qui les donnent qu'elles ne causent de plaisir à ceux pour qui on les fait. La profusion qui s'y trouve semble n'appartenir qu'aux souverains ; et quand on cherche plus à divertir qu'à faire bruit par le faste, on s'attache moins à ce qui coûte extraordinairement qu'à ce qui doit paraître agréable. C'est ce que lit M. Colbert avec celte prudence qui accompagne toutes ses actions. Il songea seulement à une réception bien entendue, et il voulut que la propreté, le bon ordre et la diversité des plaisirs tinssent lieu de cette somptuosité extraordinaire[18], qu'il n'eût pu jamais porter assez loin, s'il l'eût voulu proportionner à la grâce que lui faisait le plus grand prince du monde. Cet heureux jour venu, il fit assembler tous les habitants dès le matin, leur apprit le dessein que le Roi avait de venir à Sceaux ; et, pour augmenter la joie qu'ils lui en firent paraître, et leur donner lieu de garder longtemps le souvenir de l'honneur que S. M. lui faisait, il leur dit qu'ils devaient payer une année de taille au Roi, mais qu'ils songeassent seulement à trouver de quoi satisfaire aux six premiers mois, et qu'il paierait le reste pour eux. Ils se retirèrent fort satisfaits et se furent préparer à donner des marques publiques de la joie qu'ils avaient de voir le Roi. Ce prince n'en découvrit pourtant rien aux environs de Sceaux : tout y était tranquille, et l'on n'eût pas même dit en entrant dans la maison de M. Colbert qu'on y eût fait aucuns préparatifs pour la réception de Leurs Majestés. Elles en voulurent voir d'abord les appartements, dont les ornements et les meubles étaient dans cette merveilleuse propreté, qui n'arrête pas moins les yeux que l'extraordinaire magnificence. On se promena ensuite, et ce ne fut pas sans admirer plusieurs endroits particuliers du jardin. La promenade fut interrompue par le divertissement du prologue de l'opéra d'Hermione, après lequel on acheva de voir les raretés du jardin. Les plaisirs se rencontrèrent partout. D'un côté il y avait des voix, des instruments de l'autre ; et le tout étant court, agréable, donné à propos et sans être attendu, divertissait de plus d'une manière : point de confusion et toujours nouvelle surprise. Je ne vous parle point du souper, tout y était digne de celui qui le donnait : on ne peut rien dire de plus fort pour marquer une extrême propreté, jointe à tout ce que les mets les mieux assaisonnés peuvent avoir de délicatesse. M. Colbert servit le Roi et la Reine ; et Mgr le Dauphin fut servi par M. le marquis de Seignelay. LL. MM. s'étant assises, et auprès d'elles Mgr le Dauphin, Mademoiselle d'Orléans[19], Madame la Grande Duchesse[20] et Mademoiselle de Blois[21], le Roi fit mettre à table plusieurs dames, dont je ne m'engage pas à vous dire les noms selon leur rang. Ces dames furent Mademoiselle d'Elbeuf, Madame la duchesse de Richelieu, Madame de Béthune, Madame de Montespan, Madame la maréchale d'Humières, Madame la comtesse de Guiche, Madame de Thianges, Madame la marquise de la Ferté, Madame d'Heudicourt, Madame Colbert, Madame la duchesse de Chevreuse, Madame la comtesse de Saint-Aignan, Madame la marquise de Seignelay et Mademoiselle Colbert. Toutes ces dames furent servies par les gens de M. Colbert, le Roi n'ayant voulu donner cet ordre à aucun de ses officiers. Il y avait deux autres tables en d'autres salles, à l'une desquelles était, M. le Duc[22], et à l'autre M. le prince de Conty, M. de la Roche-sur-Yon, son frère, et M. le duc de Vermandois[23], avec plusieurs autres personnes des plus qualifiées de la Cour. M. le duc de Chevreuse et M. le comte de Saint-Aignan[24] firent les honneurs de ces deux tables. Le souper fut suivi d'un feu d'artifice admirable, qui divertit d'autant plus que, ce beau lieu étant tout rempli d'échos, le bruit que les boites faisaient était redoublé de toutes parts. Ce ne fut pas la seule surprise que causa ce feu : il n'y avait pas d'apparence qu'il y en dût avoir dans le lieu où il parut, et l'étonnement fut grand lorsqu'on le vit brûler tout à coup et qu'il se fit entendre. Les villages circonvoisins commencèrent alors à donner des marques de leur allégresse, et l'on en vit sortir en même temps un nombre infini de fusées volantes dans toute l'étendue de l'horizon qui peut être vue du château ; de manière qu'on eût dit que le village de Sceaux ne voulait pas seulement témoigner la joie qu'il ressentait de voir un si grand roi, mais encore que toute la Nature voulait contribuer à ses plaisirs. Le feu fut à peine fini que toute la Cour entra dans l'Orangerie, où elle fut de nouveau agréablement surprise. Elle trouva dans le même endroit où l'on avait chanté quelques airs de l'opéra un théâtre magnifique, avec des enfoncements admirables. Il paraissait avoir été mis là par enchantement, à cause du peu de temps qu'on avait eu pour le dresser. M. Lebrun y avait donné ses soins, et rien n'y manquait. La Phèdre de M. Racine y fut représentée et applaudie à son ordinaire. Cette fête parut finir avec la comédie, et M. Colbert eut l'avantage d'entendre dire à S. M. qu'elle ne s'était jamais plus agréablement divertie. A peine fut-elle hors du château qu'elle trouva de nouvelles fêtes et vit briller de nouveaux feux. Tout était en joie, on dansait d'un côté, on chantait de l'autre. Les hautbois se faisaient entendre parmi les cris de Vive le Roi ! et les violons semblaient servir d'écho à tous ces cris d'allégresse. Jamais on ne vit de nuit si bien éclairée : tous les arbres étaient chargés de lumières, et les chemins étaient couverts de feuillées. Toutes les paysannes dansaient dessous ; elles n'avaient rien oublié de tout ce qui les pouvait rendre propres ; et quantité de bourgeoises, qui voulaient prendre part à la fête, s'étaient mêlées avec elles. Ce fut ainsi que M. Colbert divertit le Roi par des surprises agréables et des plaisirs toujours renaissant les uns des autres. Ses ordres furent exécutés avec tant de justesse et tant d'exactitude que tout divertit également dans cette fête et qu'il n'y eut point de confusion. On peut dire qu'elle fut somptueuse sans faste, et abondante en toutes choses sans qu'il y eût rien de superflu[25]. Colbert recevait à Sceaux les beaux esprits du temps. On lit dans l'édition des œuvres de Boileau, publiée par Saint-Marc[26], l'anecdote suivante : Colbert avait mené Boileau et Racine à sa maison de Sceaux. Il était seul, prenant un plaisir extrême à les entendre, quand on vint lui dire que l'évêque de... demandait à le voir : Qu'on lui fasse voir tout, hormis moi, répondit-il. En octobre 1677, Colbert invita les membres de l'Académie française, dont il faisait partie[27], à venir passer une journée dans sa maison. Rendant compte de cette fête, le Mercure galant[28] commence par faire l'éloge des Grands qui aiment les lettres et dit : C'est par là qu'on a beau donner des louanges à M. Colbert, elles ne feront jamais éclater qu'imparfaitement les rares qualités qui les lui attirent. Tout le monde sait que les grandes affaires l'occupent jour et nuit ; et, son délassement étant dans l'étude, on peut dire qu'il fait son plaisir de ce qui serait le travail des autres. Il aime tellement les gens de lettres qu'il ne se dérobe aux soucis de son ministère que pour s'entretenir avec eux. Jugez par là si ce n'est pas à son esprit plutôt qu'à la considération de son rang qu'il doit la place que Messieurs de l'Académie française le prièrent, il y a quelques années, de vouloir accepter dans leur corps. Il a pour eux une estime si particulière que, leur en voulant donner d'autres marques que celles qu'ils en reçoivent lorsqu'il peut assister à leurs séances, il leur fit dernièrement l'honneur à tous de les régaler dans sa maison de Sceaux, Il les avait conviés le jour précédent par un billet qu'ils trouvèrent chacun chez eux. Monsieur l'archevêque de Paris[29], qui considère infiniment cette illustre Compagnie dont il est, ne manqua pas à s'y rendre, et il faudrait amasser bien du monde pour fournir autant d'esprit qu'il s'en trouva en peu de temps chez l'illustre ministre, qui les attendait. M. l'abbé Régnier lui présenta, en arrivant, un très beau livre qu'il a composé de la Perfection du chrétien. On se mit à table. Il y en eut deux servies en même temps, et le repas fut digne de celui qui le donnait. Il se dit mille choses agréables pendant le dîner, qui ne finit que pour mettre ces Messieurs dans une liberté plus entière de faire paraître qu'ils n'étaient qu'esprit. Au sortir de table, toute la compagnie fut dans une autre salle, où il se fit une agréable conversation. M. Quinault y lut un sonnet qu'il avait fait en venant à Sceaux, et M. Colbert demanda à M. l'abbé Furetière s'il n'avait rien fait de nouveau. Il se trouva qu'il avait sur lui quelques vers sur' les derniers exploits du Roi. C'est un fragment d'une description de l'arc de triomphe[30], dans laquelle il parle des plus remarquables actions que ce prince a faites pendant la paix et depuis la guerre, suivant qu'elles pourront être placées dans les cadres de ce magnifique édifice. Furetière lut alors trois pièces de vers : la Prise de Valenciennes, le Siège de Cambrai et la Bataille de Cassel. Après la lecture, on passa dans le cabinet de l'Aurore. Ce fut là que M. Quinault récita cinq ou six cents vers sur les peintures de cette charmante maison[31]. M. l'abbé Tallemant le jeune en loua les eaux par un poème dont il fit part à l'assemblée. Il est fort à la gloire de M. Le Jongleur, qui a trouvé le secret d'en faire venir où il n'y en a point, et où il n'y a pas même d'apparence qu'il y ait moyen de les conduire. M. Perrault, intendant des Bâtiments, parla le dernier. Il ne dit que peu de stances, mais qui réveillèrent les attentions. Les fréquents applaudissements qu'elles reçurent sont une preuve incontestable de leur beauté. Il n'y a point lieu d'en être surpris. M. Perrault est ce qui s'appelle un esprit de bon goût, qui ne donne jamais dans le faux brillant. Il écrit, et il sait comme on doit écrire. Il possède toutes les belles connaissances, et ses ouvrages ont toujours eu un fort grand succès. Il serait à souhaiter que nous en eussions davantage, mais ses occupations ne lui permettent pas de travailler. Au sortir du cabinet, on alla voir les appartements, et on se promena ensuite de tous côtés dans le jardin. Ces messieurs eurent partout sujet d'admirer ; mais, quelques beautés qu'ils découvrissent, rien ne leur parut si digne de leurs éloges que celui qui les avait reçus si obligeamment. Avouez-le, madame. Pour aimer ainsi les gens d'esprit, il faut être parfaitement honnête homme[32]. II faut se détacher de la grandeur et du bien, pour se regarder en philosophe et chercher la véritable solidité dans les sciences. Il est certain qu'on ne peut les aimer davantage que fait M. Colbert. Il ne se contente pas d'être de l'Académie française ; il y a nombre de ces messieurs qui composent une autre petite académie qui s'assemble toutes les semaines sous son nom[33]. C'est avec eux qu'il s'entretient fort souvent sur les plus hautes matières. On a vu de tout temps la plupart de ceux qui ont fait une figure considérable dans le monde avoir de grandes bibliothèques, et donner même des pensions à plusieurs personnes d'esprit ; mais c'étaient d'ignorants ambitieux qui ne faisaient l'un et l'autre que par ostentation, et qui se mettaient peu en peine de voir les livres et les savants. M. Colbert n'en use pas de cette sorte. Il ne dédaigne point de se familiariser avec les gens de lettres, de s'abaisser jusqu'à ceux qui sont fort éloignés de son rang, et de se dépouiller de la grandeur qui l'environne pour se rendre en quelque façon leur égal. Comme il a toutes les lumières qui peuvent lui en faire aimer l'entretien, doit-on s'étonner si, se rendant le père et le protecteur des sciences et des beaux- arts, il seconde si bien le Roi qui les fait fleurir et qui n'a pas mérité le nom de LOUIS LE GRAND par sa seule valeur, mais encore par toutes les actions de sa vie ? M. Boyer donna en sortant cet impromptu à M. Colbert : MADRIGAL. Ici tout plaît, ici tout est charmant, La sagesse partout et la magnificence, Partout la pompe et l'agrément, Partout le choix et l'abondance. Mais n'en déplaise à ces beautés, Dont les plus curieux se peuvent satisfaire, Le plaisir le plus grand dont nous sommes tentés Est d'avoir le bonheur de plaire Au maître glorieux de ces lieux enchantés. Après la mort de Colbert, le château de Sceaux passa à Seignelay, son fils aîné, qui, n'ayant pas les goûts simples de Colbert transforma sa maison et en fit une splendide et riche résidence. Depuis son voyage en Italie, Seignelay était devenu un amateur distingué et un connaisseur émérite. Son caractère, dit Sandras de Courtilz[34], était entièrement opposé à celui de son père ; il était aussi magnifique en toutes choses que le défunt avait été économe. Sa table était somptueuse et ses meubles superbes ; il avait un cabinet entouré de miroirs, un autre dont le lambris était de bois de Calemba, qu'il avait fait venir de Siam ; il avait acheté d'Alvarez[35] pour 300.000 livres[36] de tableaux et statues d'Italie, dont il lui avait payé une partie en passeports et en vaisseaux qu'il lui avait prêtés. Le marquis de Seignelay avait beaucoup d'érudition et de politesse ; mais il était vain au dernier point et aimait ses plaisirs avec excès. Seignelay réunit à Sceaux un mobilier, des objets d'art, des tableaux, des statues, des pièces d'orfèvrerie de la plus grande valeur. Le mobilier de Sceaux, à la mort de Colbert, avait été repris par Seignelay pour la somme de 50.477 livres[37] ; l'abbé de Choisy évaluait, en 1690, le mobilier de Sceaux à 1.700.000 livres[38]. La description suivante de la fête donnée au Roi par Seignelay, en juillet 1685, fait si bien connaître la résidence de Colbert, que nous n'hésitons pas à la reproduire presque tout entière. Cette fête magnifique, somptueuse, contraste, comme on le verra, avec celle donnée quelques années auparavant par Colbert, et accuse nettement la différence des caractères du fils et du père. Le Roi avait été à Meudon, chez Louvois, le 2 juillet 1685[39] ; il ne pouvait refuser à Seignelay l'honneur de lui faire visite ; aussi accepta-t-il l'invitation qui lui fut faite par Seignelay de venir, le 16 juillet 1685, souper en sa maison de Sceaux. Le Roi ayant résolu d'aller souper à Sceaux, dans la maison qui appartient à M. le marquis de Seignelay, Sa Majesté l'en avertit quelques jours auparavant, afin qu'il eût le temps de se préparer il la recevoir avec toute la Maison Royale. Ce marquis donna aussitôt les ordres qu'il crut nécessaires pour répondre à l'honneur qu'il devait recevoir, et n'oublia rien de tout ce qu'il s'imagina devoir être agréable à Sa Majesté. Le jour fut choisi ; mais le temps s'étant tourné à la pluie, il y eut à craindre qu'il ne changeât pas si tôt, et le Roi eut la bonté de marquer un autre jour. Ce fut le lundi 16 de ce mois (juillet). M. le marquis de Seignelay prit de si grands soins d'empêcher la foule, qu'il n'entra dans le château que des personnes distinguées et des officiers de la Maison Royale. Ce qui l'engagea à se servir de cette précaution fut, non seulement afin que le Roi ne fût point incommodé de la presse qui suit ordinairement ces sortes de divertissements, mais encore afin qu'il ne vît point de personnes inconnues, qui sont deux choses qui gênent et qui sont cause qu'on ne jouit qu'imparfaitement des plaisirs auxquels on s'est préparé. Ainsi l'on peut dire que le premier que S. M. goûta en entrant dans Sceaux fut celui de ne s'y trouver qu'avec sa Cour ordinaire, et d'être assuré que les divertissements qu'on lui avait préparés seraient pour Elle des plaisirs tranquilles. Le Roi arriva à Sceaux sur les six heures et demie du soir, accompagné de Mgr le Dauphin, de Madame la Dauphine, de Monsieur, de Madame, de Monsieur le Duc, de Madame la Duchesse, de M. le duc de Bourbon, de Mademoiselle de Bourbon, de M. le duc du Maine, de Mademoiselle de Nantes, de plusieurs ducs et pairs, maréchaux de France et des plus qualifiés seigneurs de la Cour. Quelques personnes étaient arrivées avant le Roi, du nombre desquelles étaient M. le cardinal de Bonzi et M. le nonce du Pape. S. M. fut reçue, à la descente de son carrosse, par M. le marquis de Seignelay, M. le coadjuteur de Rouen[40], MM. les ducs de Chevreuse et de Beauvilliers, MM. les marquis de Maulevrier et de Blainville, et M. le bailli Colbert. Mesdames les duchesses de Chevreuse, de Villeroy, de Beauvilliers et de Mortemart ; Mesdames les marquises de Seignelay, de Croissy, de Beuvron, de Médavy et Madame la comtesse de Saint-Géran vinrent recevoir Madame la Dauphine et Madame. Le Roi les salua avec cet air tout engageant qui lui est ordinaire. Il entra ensuite par la porte du milieu dans l'appartement bas du château, où il vit une enfilade de huit ou neuf pièces fort proprement meublées, mais avec plus de bon goût que de richesse, ou plutôt avec une modeste magnificence, s'il est permis de parler ainsi. Au sortir de cet appartement on trouva diverses chaises[41] tirées par des hommes pour se promener dans les jardins. Il y a longtemps qu'on se sert de ces sortes de chaises à Versailles, et c'est de là que l'usage en est venu. Elles ne sont que pour une personne ; mais il y en avait une à Sceaux d'une invention singulière et toute nouvelle. Elle était à quatre places, et quatre parasols y étaient attachés. Rien n'est si commode et si doux que ces chaises, parce qu'elles sont conduites par des hommes qui ne marchent point devant, mais qui sont de chaque côté de la chaise. Madame la Dauphine, Madame la Duchesse, Madame la princesse de Conty et Madame de Maintenon, comme dame d'atours de Madame la Dauphine, prirent place dans cette chaise ; et plusieurs princesses, duchesses et autres dames qualifiées se servirent des autres. Il y en eut quelques-unes qui se firent un plaisir de marcher et qui suivirent en cela l'exemple de Madame. Mgr le Dauphin, Monsieur, M. le duc de Bourbon, M. le duc du Maine et tous les princes et seigneurs de la Cour accompagnèrent le Roi à pied, et M. de Seignelay fut toujours auprès de S. M. pour lui montrer ce qu'il y avait à voir, et pour l'éclaircir de ce qu'Elle aurait pu souhaiter d'apprendre touchant les choses qu'Elle voyait. Il faut remarquer que le Roi était au premier rang de toute la Cour, et qu'il n'y avait du monde qu'à côté et derrière ce prince ; de sorte que, rien ne lui dérobant la vue des lieux où il se promenait, il jouissait sans obstacle de l'air que la confusion empêche ordinairement de respirer dans ces sortes de divertissements. Après qu'on eut traversé de belles allées palissadées, on arriva à un pavillon nommé le Pavillon de l'Aurore, parce que l'Aurore, en se levant, est plutôt remarquée de ce lieu- là que d'aucun autre, et qu'il semble qu'elle ne paraisse tous les matins que pour l'éclairer. Ce pavillon peut être encore appelé le Pavillon de l'Aurore à cause qu'on y voit cette déesse peinte de la main de M. Lebrun ; ce qui suffit pour faire juger des beautés du dedans. Ce pavillon a douze ouvertures, en comptant celle de la porte ; et, comme ce salon est élevé, on monte pour y entrer par deux escaliers opposés l'un à l'autre. Il y a dedans deux enfoncements qui se regardent et qui renferment chacun trois croisées. Le tour de l'un de ces deux enfoncements était rempli de toutes sortes d'eaux glacées, de confitures sèches et de fruits aussi beaux qu'ils étaient rares pour la saison. Il y avait dans l'autre enfoncement ce que la France a de plus habiles maîtres pour les instruments, et de quoi faire entendre une symphonie douce et proportionnée à l'étendue de ce lieu. Le Roi, Mgr le Dauphin, Madame la Dauphine, Monsieur, Madame, les princes, princesses, duchesses et dames qualifiées entrèrent seuls dans ce salon, ce lieu n'étant pas assez spacieux pour contenir tous les seigneurs qui accompagnaient S. M. ; mais tous les courtisans eurent l'avantage de faire leur cour, en se promenant dans le jardin autour des fenêtres de ce salon, d'où ils étaient vus de tous ceux qui étaient dedans et qui en remplissaient les fenêtres, goûtant à la fois quatre différents plaisirs, puisqu'ils respiraient un air frais et agréable, après avoir essuyé la chaleur et la poussière du chemin ; qu'ils jouissaient d'une très belle vue qui offrait des bois, des plaines et des coteaux, et qui en certains endroits s'étendait jusqu'à Paris ; qu'ils entendaient une symphonie très douce, et qu'ils se rafraîchissaient en même temps avec les fruits et les eaux glacées. Toutes les augustes personnes qui remplissaient ce salon s'y trouvèrent si commodément qu'elles y demeurèrent pendant plus d'une heure, après quoi l'on en descendit pour continuer la promenade. On vit une belle pièce d'eau qui est à côté du château, et l'on se rendit ensuite dans la salle appelée des Marronniers, où sont cinq fontaines très agréables, savoir : quatre tirant vers les angles, et une dans le milieu. On alla de là dans un petit bois fait en labyrinthe et tout rempli de fontaines, puis dans l'Allée d'eau. Le long de chaque côté de cette allée, on voit régner quantité de bustes sur des scabellons, et des jets d'eau qui s'élèvent aussi haut que le treillage. Chaque jet d'eau paraît entre deux bustes, et chaque buste entre deux jets d'eau. Il y a une rigole, le long du bas de chaque côté de l'allée, pour recevoir l'eau qui tombe d'un si grand nombre de jets, et aux quatre coins de cette allée sont quatre grandes coquilles qui reçoivent aussi l'eau. Derrière les bustes et les jets d'eau s'élèvent de grands treillages qui forment des murailles de verdure. Au sortir d'un lieu si beau, et où l'on respire une fraîcheur qui enchante, on alla voir le pavillon appelé des Quatre- Vents. C'est un lieu charmant pour la beauté de la vue. On revint ensuite le long du mail, puis, en descendant un peu, on se rendit auprès d'une pièce d'eau qui contient environ 6 arpents. Le lieu fut trouvé si agréable que le Roi voulut s'y reposer, afin d'y demeurer plus longtemps. S. M. choisit, pour s'asseoir, un endroit qui regarde en face une cascade, qui est à l'autre bout de cette pièce d'eau. Elle est sur le penchant d'une côte, et, comme les eaux en sont vives, on peut assurer que tout y est naturel. Elle forme trois allées d'eau, et elle est ornée de plusieurs vases de bronze, qui sont entre les bassins d'où sortent les jets. Pendant que le Roi et la Maison Royale furent assis vis-à- vis de cette cascade, plusieurs gondoles dorées et vitrées, garnies de damas de diverses couleurs, et conduites par des rameurs vêtus de blanc et fort proprement mis, avec des rubans de couleur, firent divers tours sur la pièce d'eau et passèrent plusieurs fois devant le Roi, afin de l'inviter à entrer dedans, s'il eût eu envie de se promener sur l'eau ; mais ce prince infatigable, aimant mieux prendre à pied le plaisir de la promenade, vint voir de près la cascade, qu'il avait examinée de loin pendant une demi-heure. Il demeura encore quelque temps à la considérer, puis il monta à pied jusqu'au haut, et Madame la Dauphine et les dames le suivirent dans leurs chaises. On entendit, au haut de la cascade, l'agréable bruit de plusieurs hautbois qui se mêlait à celui des eaux. Ils étaient cachés derrière la palissade, et marchèrent longtemps sans être vus, de manière qu'il semblait que cette mélodie invisible était en l'air, et que ceux qui la formaient se faisaient un plaisir de suivre le Roi. On eut le même divertissement en plusieurs endroits du jardin, où les flûtes douces et les hautbois étaient cachés dans des bosquets. Il ne restait plus qu'une pièce d'eau à voir. Le Roi voulut encore y aller après avoir vu la cascade, et, lorsqu'on retourna au château, le ciel commença à s'obscurcir, comme si le jour n'eût voulu finir que lorsque ce prince n'avait plus besoin de sa clarté, et que la nuit n'eût consenti à paraître que dans le temps que son obscurité était nécessaire pour donner plus de plaisir à S. M., en faisant briller davantage les lieux qu'on avait illuminés pour le recevoir. Quoiqu'il n'y eût aucunes lumières attachées aux murailles du dehors du château, ce que l'on appelle illuminations, il ne laissa pas de paraître fort brillant, lorsque la Cour eût tourné ses pas de ce côté-là. Toutes les fenêtres en étaient ouvertes, et un grand nombre de lustres en éclairaient les appartements aussi bien qu'une galerie haute et une galerie basse, par lesquelles on y entre, et dont les ouvertures ne sont point fermées, ce qui faisait paraître les lustres, les bras dorés et les tableaux dont ces deux galeries étaient remplies. Le Roi traversa une partie de cette galerie pour se rendre à l'Orangerie, où un concert était préparé. Il entra par le bout opposé à l'endroit où étaient ceux qui devaient faire ce concert. Ainsi ce prince les vit tous d'abord en face. On avait pris sept toises de profondeur pour les places. L'orangerie était éclairée par des lustres, grands et petits, par des plaques portant plusieurs bougies ; une partie était parée d'une belle tapisserie représentant toutes les chasses des douze mois de l'année. On chanta alors une idylle sur la paix, que Racine avait composée et dont Lully avait fait la musique, et jamais, paraît-il, il n'avait mieux réussi qu'en cette occasion. L'idylle fut chantée par les plus belles voix de l'Opéra[42]. Le concert fini, le Roi sortit par la grande porte qui est au milieu de l'Orangerie, et vit, à main droite, un grand nombre d'orangers qui formaient des allées fort éclairées par un grand nombre de lumières qui étaient derrière les caisses. Après avoir marché environ trente pas dans l'une de ces allées, S. M. découvrit d'un seul coup d'œil toute la feuillée, la table et l'illumination qui étaient dans le boulingrin. Le bassin qui est au milieu de ce boulingrin, et à qui on peut donner le nom de Canal à cause de sa grandeur, a 34 pieds et demi de large sur 48 de long, en y comprenant les pleins-cintres qui sont aux deux bouts du bassin sur sa longueur. La table était de 4 pieds 3 pouces de large et régnait tout autour du Canal, suivant son plan ; mais il n'y avait de couverts qu'aux deux endroits qui étaient sous les feuillées et qui occupaient les bouts du Canal jusqu'aux angles, et les deux parties des flancs ou côtés étaient en amphithéâtre à trois gradins descendant du côté de l'eau, ce qui donnait lieu à tous ceux qui étaient à table de voir tous les riches et galants ornements dont ces deux côtés étaient remplis. Le Roi était à table sous le milieu d'une feuillée[43], qui était à l'un des bouts du Canal, et Mgr le Dauphin était sous le milieu de la feuillée qui lui était opposée, de manière qu'ils avaient 48 pieds d'eau entre eux, et 34 et demi de large, et deux côtés de table de 48 pieds chacun, garnis d'un cordon de corbeilles et de vases de porcelaine remplis de fleurs, entre des girandoles et d'autres machines d'orfèvrerie. L'invention en était nouvelle. Elles portaient jusqu'à 25 bougies chacune ; il y en avait d'autres moins élevées. Ces machines de lumières étaient toutes différentes, et les figures allégoriques qu'elles représentaient avaient du rapport au Roi. Les deux autres gradins jusqu'à la tablette du bassin étaient tous garnis de même. Il est difficile de bien concevoir le plaisir qu'avaient ceux qui étaient à table. Il n'y avait personne au devant qui les incommodât en les regardant manger. Ils ne voyaient que l'eau, des fleurs, de brillants buffets et l'illumination des berceaux, et toutes ces choses réfléchissant dans l'eau la faisaient briller, et y paraissaient flottantes. La feuillée qui était à chaque bout du Canal, et qui couvrait les deux endroits de la table où l'on mangea, était de 18 pieds de haut, et toute par arcades, et formait une manière de vestibule. Ces deux feuillées étaient si artistement posées que les corniches et les autres parties de l'architecture s'y distinguaient parfaitement bien. L'endroit où était le Roi formait un milieu dont le plafond était cintré. Les plafonds des deux ailes étaient plats ; tous les portiques étaient en arcades, ornées des armes et des chiffres de S. M. dans le milieu. Plusieurs lustres et des festons de fleurs pendaient aussi au milieu des mêmes arcades, et des festons de fleurs ornaient celle au milieu de laquelle mangeait le Roi. Toutes ces corniches étaient bordées de 150 girandoles portant chacune 6 bougies, et entre chaque girandole il y avait une corbeille d'argent remplie de fleurs. On avait mis des rideaux de damas blanc à toutes les arcades, afin qu'on ne fût pas surpris par la pluie, et ces rideaux étaient renoués à chacun des pilastres ; de sorte que si le mauvais temps fût survenu, on se serait trouvé enfermé sous ces feuillées comme dans des tentes, et l'on n'y aurait souffert aucune incommodité. Il y avait deux buffets de parade vis-à-vis les flancs de la table ; ils étaient appuyés chacun contre une grande arcade de berceaux du boulingrin, et ces arcades formaient un couronnement à chaque buffet. Ils étaient de 20 pieds de face, et avaient trois gradins. Chaque gradin était de glace de miroir ; et ces glaces, en faisant réfléchir l'orfèvrerie qui remplissait les buffets, semblaient la multiplier. Elle était composée de plusieurs pièces curieuses de vermeil doré, d'argent et d'or, entre lesquelles il y avait un grand nombre de girandoles qui portaient plusieurs bougies, et dont les lumières, multipliées dans les glaces, faisaient doublement briller l'orfèvrerie, puisqu'elles donnaient aussi de l'éclat aux pièces qu'elles représentaient. Les côtés de ces deux buffets étaient ornés de plusieurs orangers. Tout le berceau[44] qui faisait le pourtour du boulingrin était illuminé depuis la corniche jusqu'au bas, et il y avait une lumière à chaque maille du treillage. Tous les cintres des portiques et des pilastres du treillage étaient aussi ornés de lumières, et il y avait une girandole de cristal au- dessus de chaque pilastre. Les dômes qui sont dans les angles el qui s'élèvent au-dessus des berceaux étaient entièrement illuminés, et il y avait dans les fonds de ces berceaux quantité de lumières qui formaient des soleils et des chiffres du Roi avec des couronnes. Il y eut cinq services de tout ce qu'il y avait de plus rare pour la saison, à l'égard des viandes et des fruits. Ceux qui eurent l'honneur de manger à la table de S. M. furent : Madame la Dauphine, Monsieur, Madame la Duchesse, Mademoiselle de Nantes, Madame la duchesse d'Arpajon, Madame la maréchale de Rochefort, Madame de Maintenon, Madame la princesse d'Harcourt, Madame la duchesse d'Uzès, Mademoiselle d'Uzès, Madame la duchesse de Villeroy, Madame la princesse de Montauban, Madame la duchesse de Sully, Madame la duchesse de Roquelaure, Madame la marquise de Thianges, Madame la comtesse de Gramont, Madame de Grancey, Madame la marquise de Médavy, Mademoiselle d'Arpajon, les six filles d'honneur de Madame la Dauphine. Le Roi fut servi par M. le marquis de Seignelay ; Madame la Dauphine, par M. le bailli Colbert, et Monsieur, par M. le marquis de Blainville. Voici les noms des personnes qui remplirent les places de la table qui fut servie pour Mgr le Dauphin : Madame, Madame la princesse de Conty, Mademoiselle de Bourbon, Madame la duchesse de Ventadour, Madame de Duras Fort, Madame la princesse de Lillebonne, Mademoiselle de Lille- bonne, Madame la duchesse de Gramont, Madame la duchesse de Foix, Madame la princesse de Tingry, Madame la maréchale d'Humières, Madame la duchesse de la Ferté, Madame la comtesse de Roye, Mademoiselle de Roussy, Madame de Coasquin, Madame la marquise de Béringhen, Madame la marquise de Maré, Madame la comtesse de Bury, Madame la marquise de la Fare, les quatre filles d'honneur de Madame. Mgr le Dauphin fut servi par M. le marquis de Maulevrier, qui servit aussi Madame. Quelques dames dont les noms me sont échappés eurent encore place à ces deux tables. Les trompettes et les timbales, les violons, les flûtes douces et les hautbois se firent entendre alternativement pendant le repas... Dans le temps que le Roi se mit à table, on servit, dans le château, deux tables de vingt à trente couverts, chacune pour les personnes distinguées de la Cour qui voulurent y prendre place. Il y en avait encore plusieurs autres le long du dessous des berceaux du boulingrin, et quantité de buffets où l'on ne refusait pas à boire à tous ceux qui en souhaitaient, non plus que des plats de la desserte du Roi, qui furent presque tous donnés à ceux qui en demandèrent. Il y avait aussi des tables le long des murailles des cours du château, où mangèrent les valets. S. M., en se levant de table, se tourna vers M. le marquis de Seignelay et lui marqua, avec cet air tout engageant qui lui est si naturel, la satisfaction qu'elle avait de la manière dont elle avait été reçue. Ce prince fit ensuite le tour du boulingrin. Il examina les buffets, les berceaux et la feuillée ; puis, étant sorti du jardin pour monter en carrosse, il trouva les mêmes personnes qui l'avaient reçu à son arrivée, et les salua avec le même air de bonté qu'il avait fait en entrant : après quoi il monta en carrosse, et trouva les cours, la porte et l'avenue du château bordées de grosses lumières. On peut dire que M. de Seignelay n'a rien oublié pour recevoir un si grand monarque, et que M. Bérain a parfaitement bien répondu à l'intention de ce marquis[45]. L'année suivante, Seignelay reçut à Sceaux les ambassadeurs de Siam : Ils y virent jouer toutes les eaux, dont la beauté surprend et étonne tous ceux qui n'ont pas encore eu le plaisir de les voir. Ils les regardèrent avec beaucoup d'attention, et, comme on leur demanda s'ils n'en étaient point surpris, ils répondirent : Non. Ce non étonna et fut cause qu'on leur dit qu'elles passaient pour belles. Le principal ambassadeur répondit qu'il les trouvait encore plus belles qu'on ne croyait, aussi bien que le château et les meubles ; mais que rien de ce qui appartenait au ministre de la mer du plus grand roi de l'Europe ne les surprenait, et qu'ils étaient persuadés qu'il lui était facile d'avoir tout ce qu'on pouvait s'imaginer de beau. Il dit ensuite que, s'ils ne louaient pas toutes ces choses comme elles le méritaient, c'était parce qu'ils gardaient toutes leurs louanges pour les beautés de Versailles[46]. Ils furent régalés, avant que de partir, d'une superbe collation servie en ambigu[47], et ils sortirent fort contents et de ce qu'ils avaient vu et du repas qu'on leur avait fait[48]. Seignelay mort, ses enfants vendirent, en 1699, le château de Sceaux au duc du Maine pour la somme de 530.000 livres. Le château devint alors, sous la direction de l'aimable duchesse du Maine, un centre littéraire fort distingué : les fêtes et les représentations théâtrales données par la duchesse étaient aussi célèbres que recherchées. Après le duc du Maine, le château appartint successivement au comte d'Eu et au duc de Penthièvre. A la Révolution, il fut déclaré propriété nationale, vendu en 1798 et démoli par les acquéreurs. Les objets d'art furent enlevés et envoyés à Paris, au musée des Petits-Augustins ou dans les jardins du Luxembourg et des Tuileries. La bibliothèque fut aussi enlevée et envoyée à Paris[49]. Seul, le jardin de la Ménagerie, séparé du parc, fut acheté par le maire de Sceaux, qui le consacra aux fêtes du pays. Hôtels.Colbert avait un hôtel à Paris, rue Neuve des Petits Champs, à l'angle oriental de la rue Vivienne ou Vivien, comme l'on disait alors[50], à gauche de l'hôtel de Duras. La rue Vivienne séparait l'hôtel Colbert de l'hôtel Mazarin, devenu aujourd'hui la Bibliothèque Nationale. L'hôtel Colbert fut formé de diverses propriétés que le ministre acheta et ajouta à la maison que Mazarin lui avait donnée par son testament. La plus importante de ces acquisitions fut celle de l'hôtel Bautru, acheté le 20 mai 1665, au prix de 220.000 livres, dont 100.000 payés comptant, 48.000 dans six mois, et pour le reste une rente annuelle de 3.600 livres. En 1669, Colbert acheta 56.970 livres un terrain appartenant au duc de Nevers et situé derrière le jardin du palais Mazarin. En 1672, il acquit, au prix de 30.800 livres, la maison de Claude Girardin, prête-nom de Bruant, ancien premier commis de Fouquet, qui avait filé à Liège, au moment de l'arrestation de son maître. Bruant avait acheté cette maison à une veuve Vanel au prix de 150.000 livres. La Chambre de justice la confisqua et la vendit à Colbert[51]. En 1678, Colbert acheta encore, moyennant 58.400 livres, une maison située entre son hôtel et l'hôtel de Bouillon[52]. Ainsi agrandi, l'hôtel Bautru, devenu l'hôtel Colbert, était l'un des plus beaux de Paris. L'hôtel Bautru[53] avait été bâti derrière le Palais- Cardinal, du vivant du cardinal de Richelieu, dont M. de Bautru était l'un des familiers. On avait surnommé cette maison la Gentille, comme étant galante. Elle avait été bâtie sur les dessins de Le Vau ; elle renfermait une longue suite de beaux, superbes et très commodes appartements, fort bien meublés, qui conduisaient à un alcôve aussi gentil que singulier et à une galerie. La galerie était soutenue d'un portique et peinte par Moëlon, artiste absolument inconnu aujourd'hui. On y entrait par un vestibule peint par le même, et dans les trumeaux ce peintre avait représenté les exercices de la vie guerrière, au milieu d'une ordonnance de pilastres corinthiens. Ceux du fond étaient de la main de Biart, autre peintre inconnu, et étaient si bien exécutés qu'ils semblaient sortir hors d'œuvre. Deux figures dans deux niches ornaient les deux bouts et étaient aussi de Biart. L'alcôve était entourée de paysages enchâssés dans de l'ébène et peints par un ornement tout extraordinaire, fort galant et surprenant. L'hôtel Colbert était décoré de nombreux tableaux et de belles tapisseries, et richement meublé. En 1687, après la mort de haute et puissante dame Marie Charron, veuve de Colbert, on vendit les meubles de l'hôtel, et la vente produisit 314.926 livres, soit plus d'un million et demi d'aujourd'hui[54]. En 1720, le Régent acheta l'hôtel Colbert, y logea ses écuyers et y établit ses écuries. A son tour, l'hôtel des Écuries de Mgr le duc d'Orléans fut détruit, et aujourd'hui quelques maisons et les passages Colbert et Vivienne sont construits sur l'emplacement de l'hôtel du grand ministre de Louis XIV. A Versailles, Colbert était logé à la Surintendance, bâtiment situé à l'extrémité de l'aile méridionale du château. — Seignelay avait un hôtel à Versailles, rue de l'Orangerie, n° 10 et 12. II. — Bibliothèque. Colbert aimait les livres et les manuscrits, et, tout en réorganisant la bibliothèque du Roi, il se fit une des plus belles bibliothèques du XVIIe siècle. Il écrivait, en 1679, à l'intendant d'Auvergne, M. de Marie : Le plaisir de former ma bibliothèque étant presque le seul que je prenne dans le travail auquel la nécessité du service et les ordres du Roi veulent que je sois attaché, je sais par expérience qu'il se trouve quelquefois dans les monastères et les abbayes considérables des provinces, d'anciens manuscrits qui peuvent être de considération, et qui sont souvent abandonnés dans la poussière et dans l'ordure des chartriers par l'ignorance ou le défaut de connaissance des religieux. Vous me ferez sur cela un singulier plaisir, dans le cours des visites que vous faites dans la généralité de l'Auvergne, de vous informer, sans affectation, si vous en pourriez trouver, et, en ce cas, d'en traiter ou vous en accommoder aux meilleures conditions qu'il se pourra. Vous jugerez facilement que cette recherche consiste plutôt en quelque sorte d'adresse et de considération que les religieux auront pour vous qu'en dépense considérable et de prix. Et, où il y aura quelque religieux qui les connaîtra, il y a quelque apparence qu'ils ne voudront pas les vendre. Mais comme ils sont presque toujours dans la poussière des chartriers et inconnus, on peut les avoir avec plus de facilité. Je vous prie de vous mettre un peu en peine et de me donner une marque de votre amitié. Il adressa le même jour une lettre semblable aux intendants de Caen et Limoges. Les chanoines de cette dernière ville possédaient de précieux manuscrits, que Baluze, bibliothécaire de Colbert, convoitait depuis longtemps ; les chanoines furent inflexibles, et, sept ans plus tard, Baluze ayant fait de nouvelles tentatives ne fut pas plus heureux. Ailleurs, Colbert eut plus de chance : les chanoines de Metz lui donnèrent plusieurs manuscrits[55], entre autres la Bible de Charles le Chauve, en échange d'un portrait de Louis XIV. Ses agents visitèrent les couvents du Midi, les bibliothèques de Louviers, de Rouen, etc., et en tirèrent de nombreux manuscrits. Quelquefois, comme à Limoges, ils trouvaient de la résistance ou des demandes de prix trop élevés ; alors Colbert, qui ne faisait aucune folie, même pour sa bibliothèque, passait outre. A Tours, il avait eu de belles espérances ; mais le chapitre de Saint-Gatien refusa de céder ses manuscrits. Colbert écrivit à l'intendant : Sur le sujet des manuscrits de Saint-Gatien, je vous prie de ne vous point servir ni d'aucune autorité ni d'aucune persuasion pour cela, parce que je crois que vous êtes bien persuadé que je ne désire me servir ni de l'une ni de l'autre pour les choses qui me regardent. S'ils avaient cru que leurs manuscrits eussent été dans ma bibliothèque aussi bien que chez eux, ils m'auraient fait plaisir de me les donner ; mais, puisque cela n'est pas, je vous prie de ne leur en rien témoigner du tout. Dans les pays étrangers, Orient, Flandre, Italie, Angleterre, les consuls étaient chargés d'acheter des manuscrits et des livres précieux, ou des chartes et autres documents, toujours avec recommandation de modérer la dépense. En Angleterre, Colbert faisait acheter des livres à une vente, et chargeait M. de Barillon, notre ambassadeur, de faire ses acquisitions : il lui écrivait le 16 mai 1682 : Je crois que vous voudrez bien vous employer à une curiosité de littérature qui regarde ma satisfaction et qui n'a rien de commun avec les affaires du Roi. L'on a envoyé ici des catalogues de la bibliothèque du feu sieur Smith, qui se doit vendre à Londres le 15 décembre ; et, comme j'ai fait vérifier les livres de cette bibliothèque sur la mienne, j'ai trouvé qu'il y en avait un nombre assez considérable qui manquaient à ma bibliothèque, et, quoique le plus grand nombre ne soient pas des livres rares et curieux, je suis bien aise de les avoir. C'est pourquoi vous me ferez un singulier plaisir d'ordonner à quelqu'un de vos gens, ou à quelque Anglais, ainsi que vous l'estimerez plus à propos pour éviter que ceux qui les vendent ne fassent trop de cas de votre entremise, de voir tous ces livres et d'en faire le marché au meilleur prix qu'il sera possible. Et je vous prie de faire observer à ceux que vous emploierez dans cet achat qu'il serait à propos de faire tirer ces livres auparavant que la vente du catalogue fût ouverte, parce qu'il serait peut-être difficile que, dans cette vente, ces livres ne se trouvassent joints avec d'autres qui ne seraient pas nécessaires. Comme vous serez peut-être bien aise d'être informé de tout ce que ces livres peuvent valoir, je vous dirai que, par le calcul que j'ai fait faire sur le pied que les livres pourraient coûter ici, le tout pourrait monter ici environ à 1.100 livres ; mais, parce que nous estimons que les livres sont plus chers en Angleterre, on croit qu'ils pourront monter jusqu'à 1.500 livres. Vous pouvez même donner ordre de passer ce prix de quelque chose, si vous l'estimez nécessaire. Et pour ce qui est du paiement, je vous prie de prendre le prix sur le correspondant du sieur Formont, et j'aurai soin de le faire rembourser ici. M. de Barillon acheta les livres et tarda à les envoyer à Paris : Colbert lui fit savoir qu'il les attendait avec impatience, surtout le Traité de la Trinité de Michel Servet, livre rare, pour lequel Calvin fit brûler vif son auteur, à Genève, en 1553. Godefroy, Baluze, Carcavi, dirigent et surveillent les achats de livres, les copies faites dans les dépôts d'archives[56]. Colbert écrit à Godefroy, historiographe à Lille, pour le remercier des copies qu'il a fait faire à Lille, et il termine sa lettre en lui disant : Je suis bien aise de vous ajouter ce mot pour vous dire que vous me ferez un singulier plaisir de vous appliquer à rechercher, partout où vous pourrez avoir correspondance, des manuscrits anciens, comme cartulaires d'abbayes, chroniques et autres pièces, pour l'ornement de ma bibliothèque. Je ferai volontiers la dépense qu'il sera nécessaire de faire pour cela[57]. Baluze, un des plus célèbres érudits de ce temps, était le bibliothécaire de Colbert et rédigeait de savants mémoires sur certaines questions : Droits de la Reine sur les Pays-Bas, Assemblées du clergé, qui intéressaient spécialement le ministre. Comme Richelieu, Colbert s'entourait de savants et leur faisait étudier une question difficile, afin d'avoir une opinion solide sur la question. Colbert entendait que sa bibliothèque fût dans un ordre parfait. En 1672, plusieurs volumes avaient disparu : mécontent, il écrivit à Baluze une lettre sévère : Je trouve quelques-uns des livres contenus en vos mémoires dans le cabinet de mon fils ; mais j'y en trouve si peu, qu'en vérité je suis surpris qu'un si grand nombre de livres soient sortis de ma bibliothèque et qu'ils aient été donnés à toutes sortes de personnes, la plupart sans ordre, sans date et sans savoir même à qui. Vous jugerez vous-même assez facilement qu'il faut qu'une bibliothèque périsse avec le temps, si elle n'est mieux et plus soigneusement conservée. J'estime nécessaire que vous veniez demain ici de grand matin pour vérifier tous les livres qui sont dans le cabinet de mon fils et dans le mien, les retirer tous et les reporter dans ma bibliothèque, et qu'à l'avenir vous n'en donniez aucun sans mon ordre exprès, par écrit, avec un reçu. Il faudra en même temps que vous demandiez ceux que vous dites avoir été donnés à Mademoiselle Royon, M. l'abbé de Bourzéis, M. de Maulevrier, M. Carcavi et autres, et que vous me donniez un mémoire de ceux que mon frère l'ambassadeur en Angleterre a pris. Surtout je vous prie de faire cette recherche dans huit jours, et que je sache ceux qui manqueront. J'envoie un valet à cheval pour vous faire trouver une chaise et vous amener demain ici ; il est nécessaire que vous arriviez, s'il est possible, demain à sept heures du matin. Colbert exigea encore que, tous les trois mois, Baluze lui remît un mémoire de tous les livres qui seraient sortis de sa bibliothèque[58]. Il voulait aussi qu'elle fût tenue au courant, que Baluze achetât les livres nouveaux et qu'elle fût complète sur certaines questions : le jansénisme, la régale[59]. M. P. Clément a publié[60] bon nombre de lettres de Baluze à Colbert qui nous font connaître en détail les soins que le ministre et le savant apportaient à l'augmentation et à la bonne administration de cette bibliothèque, les dépenses que nécessitaient les achats, auxquels il faudra, dit Baluze, employer environ 400 écus[61], les copies de documents anciens et de manuscrits, la traduction allemande, les reliures. Pour les reliures, écrit Baluze en 1671, je fais état qu'il faudra y employer 500 écus par an[62]. Par ce moyen, on pourra relier 200 volumes in-folio, 200 in-quarto, 200 in-octavo, environ une centaine in-12 ; c'est-à-dire environ 700 volumes par an. Ainsi, dans peu d'années, la bibliothèque de Monseigneur se trouvera être toute bien reliée. A ses livres, Colbert joignait des médailles, des curiosités des vieux temps, des lampes antiques[63] ; mais il ne paraît pas que ces divers objets aient formé une importante collection. L'admirable bibliothèque de Colbert fut vendue, en 1728, par le fils de Seignelay. Les manuscrits furent achetés par Louis XV, qui les paya 100.000 écus[64] et les fit transporter à la Bibliothèque royale. Cette collection comprenait 6.907 volumes manuscrits, 524 volumes de pièces relatives au royaume et aux affaires étrangères, 60 portefeuilles de pièces diverses, 622 diplômes de nos rois avec les sceaux et une grande quantité de chartes[65]. — Le catalogue des volumes imprimés contient 18.219 articles et forme 3 volumes in-12. On vendit 3,005 livres (environ 15.000 francs) la fameuse Bible de Mayence de 1462, imprimée sur vélin[66]. III. — Fortune. Colbert fut toujours âpre à l'argent. Faire et augmenter sa fortune et celle de ses enfants, de ses frères, de ses neveux et cousins, fut toujours l'objet de ses préoccupations les plus vives. Il mourut extrêmement riche[67]. L'inventaire de ses biens, fait après sa mort, prouve qu'il laissa une fortune immense en terres, en rentes constituées, sans compter les tableaux de maîtres, les objets d'art, les diamants[68]. Faut-il s'en étonner ? Outre les appointements de ses places et une gratification annuelle, s'élevant ensemble, non compris son traitement de secrétaire d'État de la marine, à 55.000 livres[69], Colbert obtint à plusieurs reprises des gratifications extraordinaires très considérables. C'est ainsi qu'il est porté, sur les états de comptant[70] de 1677 et 1679, pour 400.000 livres, en considération de ses services et pour lui donner moyen de les continuer... En dehors de ces gratifications, la famille de Colbert (fils, gendres, frères, cousins) figure encore pour 157.000 livres dans les comptants de 1679. Il touchait enfin, tous les trois ans, des États de Bourgogne, une somme de 6.000 livres, en raison des services qu'il pouvait rendre à la province. Un vote de cette assemblée, en 1691, établit le fait péremptoirement : Sur lesquelles 26.000 livres, y est-il dit, il sera donné 6.000 livres à M. de Pontchartrain, ainsi qu'elles ont été payées à MM. Colbert et Le Peletier[71]. La Provence, le Languedoc, la Bretagne, l'Artois, faisaient- ils de ces générosités aux contrôleurs généraux ? Dans ce cas, les émoluments de toute sorte de Colbert devaient dépasser 100.000 livres, sans parler, je le répète, des années où, à l'occasion d'un mariage, comme cela avait eu lieu pour ses filles, pour Seignelay, pour d'Ormoy, la faveur royale le gratifiait d'un don variant de 200.000 livres à 1 million. Il faut ajouter que jamais grande
fortune ne fut mieux administrée, et que toute occasion de dépense oiseuse
était soigneusement évitée. On a blâmé Colbert d'avoir sollicité de plusieurs papes des dispenses de bulles au moment même où il excitait les évêques contre eux[72]. Le reproche est fondé. Les sollicitations de ce genre étaient, il est vrai, habituelles de la part des ministres et des Grands ; mais Colbert usa à son tour sans scrupule du crédit qu'il avait à la cour de Rome pour s'exonérer des contributions qu'elle levait sur les titulaires d'évêchés, d'abbayes, et l'on a de lui à ce sujet maintes lettres de demande ou de remercîment aux papes et aux cardinaux influents[73]. |
[1] Lettres, instructions et mémoires, VII, I, note. — JAL, Dict. crit. de biogr. et d'hist., art. Colbert.
[2] 41 hectares.
[3] 240 hectares.
[4] Voyage pittoresque aux environs de Paris.
[5] Vie de Lebrun, dans le t. Ier des Mémoires inédits sur la vie et les ouvrages des membres de l'Académie royale de peinture et de sculpture, publiés par L. Dussieux et E. Soulié, 1854, 2 vol. in-8°, t. I, p. 30.
[6] Lettres, instructions et mémoires, VII, 370, 389.
[7] SANDRAS DE COURTILZ, Vie de Colbert, 1695, p. 104.
[8] DANGERVILLE.
[9] Prononcez Coazevô.
[10] Ou Le Jongleur. (Mercure galant, octobre 1677, p. 140. — ADVIELLE, Histoire de la ville de Sceaux, 1883, p. 229.)
[11] ADVIELLE, ouvrage cité, p. 229.
[12] Publié en 1813 par Debure.
[13] L'Aurore.
[14] Le potager.
[15] Celle de Lebrun.
[16] Le pavillon de l'Aurore existe encore. — Il reste aussi de l'ancien château : l'orangerie, le canal et la grille d'entrée avec ses deux petits pavillons et deux piédestaux surmontés de groupes d'animaux attribués à Coyzevox.
Un nouveau château a été construit, dans ces dernières années, à Sceaux, pour M. le duc de Trévise, et un lycée, le lycée Lakanal, a été bâti dans l'ancien parc.
[17] Gazette, 1675, p. 526.
[18] Colbert se souvenait de Fouquet et ne cherchait pas à imiter sa prodigalité.
[19] Mademoiselle de Montpensier, fille de Gaston d'Orléans.
[20] Autre fille de Gaston, mariée au grand-duc de Toscane.
[21] Fille de la duchesse de la Vallière.
[22] Henri-Jules de Bourbon, fils du Grand Condé.
[23] Fils de la duchesse de la Vallière.
[24] Gendres de Colbert.
[25] Mercure galant, juillet 1677, p. 281.
[26] T. I, p. 414.
[27] Il avait été reçu en 1666. Il eut pour successeur La Fontaine.
[28] Octobre 1617, p. 125.
[29] François de Harlay.
[30] La porte Saint-Denis, construite par François Blondel.
[31] Il s'agit du poème de Sceaux.
[32] Au XVIIe siècle, honnête homme exprime l'idée d'un homme bien élevé, distingué, ayant du goût, de l'esprit, de l'instruction et une tenue correcte.
[33] Cette réunion, qui date de 1663, devint l'Académie des inscriptions et belles-lettres.
[34] Page 306.
[35] Louis Alvarez, fameux joaillier, l'un des fournisseurs de Louis XIV (Mercure galant, 1687, avril, p. 216. — Livre commode, édit. Éd. Fournier, I, 247).
[36] 1.500.000 francs d'aujourd'hui.
[37] Lettres, instructions et mémoires, VII, 380.
[38] 8 millions et demi de francs de nos jours.
[39] Mercure galant, juillet 1685, p. 44.
[40] Frère du marquis de Seignelay.
[41] Fauteuils à roues.
[42] Dans les fêtes du mariage du duc de Bourbon avec mademoiselle de Nantes, fille de Louis XIV, qui eurent lieu à Trianon et à Versailles les 23 et 24 juillet 1685, la musique du Roi, dit la Gazette (p. 446), chanta les airs de l'opéra qui avait servi de divertissement, à Sceaux, au régal que le marquis de Seignelay avait donné au Roi. — Cet opéra est certainement l'idylle de la Paix ; divers documents de l'époque disent que Racine composa un opéra pour la fête de Sceaux.
[43] Une gravure de Bérain (Cabinet des estampes, topographie, Sceaux) nous donne la vue de cette feuillée. C'est une élégante construction en charpente entourée de feuillée, formant une galerie percée d'une grande arcade au milieu et de quatre arcades plus petites et moins hautes à droite et à gauche de la grande, où était le Roi. En haut de chaque arcade, il y a un lustre et des guirlandes : à la grande arcade, il y a trois lustres et l'écusson royal. — Le buffet est garni de grandes pièces d'orfèvrerie, de plats surtout : deux orangers sont placés à droite et a gauche du buffet. — Le coup-d'œil de cette salle de festin, à en juger par la gravure, devait être aussi splendide que nouveau.
[44] Les berceaux, les cabinets et les salons de treillage étaient assez nombreux à Sceaux. Ils avaient été construits sur les dessins de Lenôtre et offraient, dans une belle architecture, des ornements variés et de bon goût. Ils étaient décorés de statues ou de fontaines (Cabinet des estampes).
[45] Mercure galant, juillet 1685, p. 263.
[46] Qu'ils n'avaient pas encore vues.
[47] Repas où l'on sert à la fois les viandes et le dessert.
[48] Mercure galant, septembre 1686, 99.
[49] DULAURE, Environs de Paris, VII, 112. — Un nouveau château a été construit en 1856, par M. le duc de Trévise sur les dessins de M. Lesoufaché.
[50] Plan de Paris, par NICOLAS DE FER, 1697.
[51] SANDRAS DE COURTILZ, Vie de Colbert, p. 24.
[52] Lettres, instructions et mémoires, VII, 392-393.
[53] SAUVAL, II, 255 ; III, 13. — Plan de Paris de GOMBOUST, 1652.
[54] Lettres, instructions et mémoires, VII, 380, note.
[55] Lettres, instructions et mémoires, VII, 68, 77.
[56] Chambre des comptes de Lille, archives de Guyenne et de Languedoc.
[57] Lettres, instructions et mémoires, VII, 80.
[58] Lettres, instructions et mémoires, VII, 63-64.
[59] Lettres, instructions et mémoires, VII, 73.
[60] Lettres, instructions et mémoires, VII, 371 et suivantes.
[61] Environ 6.000 francs d'aujourd'hui.
[62] Environ 7.500 francs.
[63] Lettre de Chapelain à Colbert, VII, 349.
[64] 1.300.000 francs d'aujourd'hui.
[65] Lettres, instructions et mémoires, VII, CCVI.
[66] Le tome II des Anciennes bibliothèques de Paris, par A. Franklin (dans l'Histoire générale de Paris) donne plusieurs détails intéressants sur la bibliothèque de Colbert.
[67] Montyon (Particularités sur les ministres des finances) évalue, mais sans preuves à l'appui de son opinion, la fortune de Colbert à 10 millions de livres représentant 50 millions d'aujourd'hui.
[68] Voir à l'appendice l'inventaire fait après le décès de Colbert.
[69] Appointements comme membre du Conseil royal : 4.500 livres.
— comme intendant du Trésor royal : 10.000
— comme contrôleur général : 14.000
— comme secrétaire d'État et des commandements de la Reine : 7.000
Gratification extraordinaire à raison de ses services : 20.000
Soit un total de : 55.000 liv.
[70] Les états de comptant comprenaient : les pensions et appointements de quelques grands dignitaires ; les gratifications et pensions à divers ; le quartier retranché, c'est-à-dire une indemnité accordée à de certains personnages pour les dédommager du quartier non payé de leurs rentes ; des ordonnances au porteur, sur lesquelles le nom de la partie prenante ne figurait pas, des paiements d'une nature particulière dont on ne désignait pas l'objet.
[71] A. THOMAS, une Province sous Louis XIV, p. 202.
[72] GÉRIN, Rech. hist. sur l'assemblée du clergé de France.
[73] P. CLÉMENT, VII, XXXI-XXXVIII.