HISTOIRE DES ROMAINS

 

APPENDICE

LES TRIBUNI MILITUM A POPULO

 

 

Mémoire lu à l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, le 29 janvier 1875.

 

— I —

Un certain nombre de monuments épigraphiques mentionnent, pour les derniers temps de la république et le premier siècle de l’empire, des tribuni mitilitum a populo. Voici les plus importants :

N° 1.

M • HOLCONio • m • f

RVFO • II • VIR • i • d

QVINQ • TR • MIl • a • p

FLAMINI • CAES • Aug

QVINTIO • L • • • •

M(arco) Holcon[io, M(arci) f(ilio)], Rufo, duumviro [i(ure) di(cundo)] quinq(uennali), tr(ibuno) mi[l(itum a p(opulo)], flamini Caes(aris A[ug(usti)], Quintio l(ibertus (?).... ]

Pompéi, inscription trouvée au forum en 1861. (Fiorelli, Catal. del mus. di Nap., n° I, 1298.) Elle est brisée à droite, mais se restitue facilement à l’aide des numéros suivants.

N° 2.

M • HOLCONIO • RVFO • D • V • I • D • IIII • QVINQ.

TRIB • MIL • A • POPVLO • AVGVSTI • SACERDOTI

EX • D • D

M(arco) Holconio Rufo, d(uum) v(iro) i(ure) d(icundo) quartum, quinquennali, trib(uno) mil(itum) a populo. Augusti sacerdoti, ex d(ecreto) d(ecurionum).

Pompéi. (Mommsen, Inscr. regni Neap., n° 2231.)

M. Holconius Rufus fut duumvir jure dicundo pour la quatrième fois en 752 de R. (2 av. J.-C.) ainsi que le prouve une autre inscription de Pompéi[1], avec A. Clodius Flaccus (voyez plus loin, le n° 4), qui l’était alors pour la troisième fois.

N° 3.

M • HOLCONIO • M • F • RVFO

TRIB • MIL •  A • POPVL• II • VIR • I • D • V

QVINQ • ITER

AVGVSTI • CAESARIS • SACERD

PATRONO • COLONIAE

M(arco) Holconio, M(arci) f(ilio), Rufo, trib(uno) mil(itum) a popul(o), duumvir(o) i(ure) d(icundo) quintum, quinq(uennali) iter(um), Augusti Caesaris sacerd(oti), patrono coloniae.

Pompéi, sur le piédestal d’une statue, trouvée prés du forum en 1853. (Fiorelli, Descriz. di Pompej, 1875, in-8°, p. 167.)

N° 4.

A • CLODIVS • A • F

MEN • FLACCVS • II • VIR • I • D • TER • QVINQ

TRIB • MIL • A • POPVLO

• • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • •

A(ulus) Clodius, A(uli) f(ilius), Men(enia tribu) Flaccus, duumvir i(ure) d(icundo) ter, quinq(uennalis), trib(unus) mil(itum) a populo.

Pompéi. (Mommsen, Inscr. Neap., n° 2578.) — C’est une longue inscription funéraire ; nous ne donnons ici que les trois lignes dans lesquelles sont rappelés les titres du défunt.

Suit le détail des jeux et spectacles donnés par lui à chacun de ses duumvirats. Nous avons vu, n° 2, que dans le troisième, qu’il exerça en l’an 11 avant notre ère, il eut pour collègue H. Holconius Rufus.

N° 5.

M • TVLLIVS M • F • D • V • I • D • TER • QVINQ • AVGVR • TR • MIL

A • POP • AEDEM • FORTVNAE • AVGVST • SOLO • ET • PEQ • SVA

M(arcus) Tullius, M(arci) f(ilius), d(uum)v(ir) i(ure) d(icundo) ter, quinq(uennalis), augur, tr(ibunus) mil(itum) a pop(u(o), aedem Fortunae August(ae) solo et peq(unia) sua (fecit).

Pompéi. (Mommsen, Inscr. Neap., n° 2219.)

Le titre d’Augusta, donné à la Fortune, prouve que cette inscription est d’une date postérieure à l’année 746 de R. (8 av. J.-C.), où fut décrétée par Auguste la reconstitution du culte des dieux Lares. Elle est probablement de l’an 755 (2 de notre ère), une autre inscription datée de l’année suivante (Inscr. Neap., n° 2223) mentionnant les premiers ministri du temple dont il s’agit.

N° 6.

A • VEIO • M • F • II • VIR • I • D

ITER • QVINQ • TRIB

MILIT • AB • POPVL • EX • D • D

A(ulo) Veio, M(arci) f(ilio), d(uum) vir(o) i(ure) d(icundo) iter(um), quinq(uennali), trib(uno) milit(um) ab popul(o), ex d(ecreto) d(ecurionum).

Pompéi. (Mommsen, Inscr. Neap., n° 2316.)

N° 7.

M • LVCRETIO • DECIDIAN

RVFO • D • V • III • QVINQ

PONTIF • TRIB • MILITUM

APOPVLO • PRAEF • FABR

M • PILONIUS • RVFVS

M(arco) Lucretio Decidian(o) Rufo, d(uum) v(iro) ter, quinq(uennali), pontif(ici), trib(uno) militunt a populo, praef(ecto) fabr(um), M(arcus) Pilonius Rufus (posuit).

Pompéi, sur la base d’une statue. (Mommsen, Inscr. Neap., n° 2193 ; cf. nos 2192 et 2299.)

N° 8.

SEPTIMIAE • L • F • SILvanae

M • ALLIO • M • F • MEN • RVFo

PRAEF • FABR • CEN • Q • TR • MIL • A • P • E • Q • R

HVNC • DECVRIONES • GRATIS • IN • ORDINEN • SVum

ADLEGERVNT • DVVMIVIRALIVM • NVMERO

ORDINEM • ADIIT • PETIITQVE • VT • DECRETO

QVOQVE • VOLVNTATEM • ESSE • ASCRIBerent

Septimine, L(ucii) f(iliae), Sil[vatiae].

M(arco), Allio, M(arci) f(ilio), Men(enia tribu), Ruf[o], praef(ecto) fabr(um), cen(sori ?), q(uaestori), tr(ibuno) mil(itum) a p(opulo), e[q(uiti) R(omano)]. Hunc decuriones gratis[2] in ordinem su[um] adlegerunt duumviralium numero ; ordinem adiit petiitque ut decreto quoque voluntatem esse ascrib[erent].

Abellino. (Mommsen, Inscr. Neap., n° 1838.)

N° 9.

T • POMPVLLIVS • L • F • LAPPA

II VIR • QVINQ • TRIB • MIL • A • POPVLO

PRAEF•FABR•EX•TESTAMENTO•ATRIVM

AVCTIONARIVM • FIERI • ET • MERCVRIVM

AVGVSTUM • SACRVM • PONI • IVSSIT

ARBITRATV • EPAPHRAE • LIBERTI

T(itus) Pompullius, L(ucii) f(ilius), Lappa, duumvir quinq(uennalis). trib(unus) mil(itum) a populo, praef(ectus) fabr(um), ex testamento atrium auctionarium fieri et Mercurium Augustum sacrum poni jussit, arbitratu Epaphrae liberti.

Galliano, près de Castel-Vecchio, l’anc. Superæquum. (Morcelli, de Stilo inscr., vol. I, p. 143, d’après le manuscrit de Giovenazzi ; voyez la note d’Henzen, p. 347, sur le n° 3439 d’Orelli.)

Postérieure à l’an 8 av. J.-C. à cause de l’épithète Augustus donnée à Mercure ; voyez plus haut, le n° 5.

N° 10.

M • MANLIVS • C • F

POLLIO

TR • MIL

A • POPVLO

PRAEF • FABR

CENS • PERP

M(arcus) Manlius, C(aii) f(ilius), Pollio, tr(ibunus) mil(itum) a populo, praef(ectus) fabr(um), cens(or) perp(etuus).

Cervetri, l’anc. Cære. (Henzen, n° 7084.)

N° 11.

M • MuNATVLEIVS • M • F

aNI • MaRCELLVS

trmil • A POPVLO

M(arcus) M[u]natuleius, M(arci) f(ilius), [A]ni(ensi tribu), M[a]rcellus, [tr(ibunus) mil(itum)] a populo.

Près d’Olevano. (Borghesi, Œuvres, t. VII, p. 347.)

N° 12.

P • BAEBIO • P • FIL •

POB • TVTICAVO

TRIB • MIL• A • POPVLO •

PRAEF • EQ • PRO • LEG •

PONTIFICI • III • VIR •

PLEBS • VRBAN •

PERMISS • DEC •

P(ublio) Baebio, P(ublii) f(ilio), Pob(lilia tribu), Tuticano, trib(uno) mil(itum) a populo, praef(ecto) eq(uitum), pro leg(ato), pontifici, quattuorvir(o), plebs urban(a), permiss(u) dec(urionum)

Vérone, au Musée. (Mommsen, C. I. L., t. V, n° 3334.)

Cette inscription est certainement d’une date postérieure à l’avènement d’Auguste, à cause du titre de prolégat, qui n’existait pas sous la république.

N° 13.

Q • GAVIVS • Q • F

AQVILA • DECVRIO

TR • MIL • A • POPULO

HORTIA • C • F • SECVNDA

VXOR

GAVIA • Q • F • FILIA

Q(uintus) Gavius, Q(uinti) f(ilius), Aquila, decurio, tr(ibunus) mil(itum) a populo ; Hortia, C(aii) f(ilis), Secunda, uxor ; Gavia, Q(uinti) f(ilia), filia.

Aquilée. (Mommsen, C. I. L., t. V, n° 916.)

N° 14.

...NORE • AB • DECVRIONIBUS • POPV...

...CVR • TR • MIL • APOPVLO

Corfinium. (Mommsen, Inscr. Neap., n° 5370.)

On connaît, en outre, deux fragments très mutilés, sur lesquels on a cru lire le titre dont il s’agit, et qui proviennent, l’un d’Acquasparta[3], l’autre de Capoue[4] ; mais on n’a découvert jusqu’ici, ni à Rome ni dans les provinces[5], aucune inscription mentionnant un tributius militum a populo, et les savants qui se sont occupés de ce titre n’en ont pas donné d’explication satisfaisante.

M. Mommsen a consacré à ce sujet quelques pages de son Traité du droit public des Romains[6]. Les officiers dont nous parlons sont pour lui de véritables tribuns des soldats, qui, outre leur fonction militaire, avaient le caractère de magistrats romains que l’élection populaire leur donnait[7]. N’ayant pu être attachés à une légion déterminée, ils sont restés sans emploi, et, par conséquent, n’ont pas indiqué dans leurs inscriptions, comme nous en avons tant d’exemples, dans quelle légion ils avaient servi. M. Mommsen affirme que, jusqu’à la tin de la république et même sous Auguste, le peuple continua d’élire chaque année vingt-quatre tribuns militaires. Il n’en donne d’autre preuve que ce titre porté par le duumvir Holconius en l’an dé Rome 752. Mais c’est résoudre la question par la question, puisque rien ne démontre que l’élection d’Holconius ait été faite par le peuple de Rome. M. Mommsen ajoute : Par suite de ces élections annuelles, il arriva souvent que ces tribuns ne purent être placés. Il semble étrange que, dans les temps troublés qui précédèrent l’avènement de l’empire, quand d’innombrables armées se heurtaient pour le compte de Sextus Pompée ou de Lépide, d’Antoine ou d’Octave, il ne se soit pas trouvé de place pour des titulaires de charges militaires, et qu’ils n’en aient pas eu davantage quand Auguste organisa ses vingt-cinq légions, qui exigeaient la présence de cent cinquante tribuns militaires. Enfin M. Mommsen pense, sans en fournir la preuve, que ces élections cessèrent à Rome vers l’an 14 de J.-C., quand Tibère transféra aux sénateurs le droit électoral du peuple. Aucun texte ne donne la date de la suppression de la loi qui reconnaissait au peuple le droit de nommer des tribuns militaires. Mais cette loi avait été un acte de défiance contre les commandants d’armées, et il n’est pas probable que ceux-ci aient attendu Tibère pour la faire disparaître : elle sera tombée en désuétude lorsque le pouvoir passa du forum dans les camps. Les faits cités par M. Mommsen pour montrer l’ancienne loi encore en vigueur jusque sous l’empire ne dépassent point, en effet, l’année 70 avant notre ère, et sont, par conséquent, antérieurs à l’époque où cette institution éminemment républicaine ne pouvait plus subsister.

Quant à l’âge de nos inscriptions, la date de deux d’entre elles, les nos 3 et 4, est l’an 752 de Rome (2 avant notre ère) ; celle d’une troisième, le n° 5, l’an 755 de Rome (2 de notre ère), ce qui les place dans la dernière partie du règne d’Auguste ; la langue de toutes, dépouillée de ces archaïsmes qu’on trouve encore dans la lex Julia, permet de les supposer postérieures à cette loi, et autorise une conjecture dont il sera question à la fin de ce mémoire.

En résumé, le savant auteur du Droit public des Romains n’apporte point une démonstration, mais une conjecture qui, comme on le verra, est en contradiction avec l’histoire générale de Rome dans les derniers temps de la république. Cette conjecture, qu’aucun fait ne confirme, est celle qu’ont présentée, avec des variantes, tous les auteurs qui s’étaient occupés avant lui de cette question[8], à savoir que les tribuni militum a populo étaient des magistrats de Rome et de vrais tribuns légionnaires qui, pour M. Mommsen, avaient été laissés en disponibilité[9].

J’essayerai de démontrer

1° Que les tribuns militaires élus par le peuple romain n’ont jamais été appelés tribuni militum a populo ;

2° Que l’élection des tribuns militaires a cessé dès les guerres triumvirales ;

3° Que la formule a populo se rapporte à un service municipal ;

4° Que l’histoire générale de l’empire montre la nécessité de ce service ;

5° Que le caractère de cette fonction est expliqué par les bronzes d’Osuna.

Je reprends chacune de ces questions.

— II—

Rome a eu, durant trois siècles environ, deux sortes de tribuns légionnaires : les uns nommés par les consuls, les autres par le peuple. On les distinguait quelquefois en appelant les premiers rufuli, les seconds comitiati[10] ; jamais en marquant la différence par la formule a populo.

Ainsi Tite-Live, qui parle sept fois des tribuns élus[11], ne se sert que des expressions suffragio creari, suffragio fieri, que Cicéron aussi emploie. Dans un passage de Salluste[12], on trouve bien les mots : tribunatum militarem a populo petebat ; mais il s’agit de Marius s’adressant au peuple pour lui demander le tribunat électif, et l’écrivain se sert de l’expression habituelle a populo petere, solliciter du peuple telle ou telle charge.

Fronton rappelle aussi que Caton avait été nommé par le peuple tribun militaire, a populo factus[13]. C’est la même construction de phrase que dans l’exemple précédent, et il n’est pas plus permis d’y séparer les mots a populo de factus pour les rattacher à tribunus, qu’il ne l’est de les séparer de petebat dans la phrase de Salluste. Asconius[14], qui nous apprend comment on distinguait les deux sortes de tribuns, les rufuli et les comitiati, ne leur connaît pas d’autre nom.

Après les écrivains, interrogeons les inscriptions. Il en reste bon nombre de personnages ayant obtenu à Rome de hautes charges, parmi lesquelles le tribunat légionnaire ; pas un n’ajoute à ce dernier titre les mots a populo, bien qu’il soit probable que plusieurs aient eu une des vingt-quatre places annuelles du tribunat électif. Nous le savons, par exemple, pour Marius, dont l’inscription, conservée à Arpinum, dit bien qu’il fut tribun militaire, mais sans ajouter que ce chef du parti populaire avait dû au peuple sa première charge. De sorte que la formule manquait là où, dans l’ancienne hypothèse, on devrait surtout la trouver[15]. Le seul recueil d’Orelli renferme plus de cinquante inscriptions relatives à des tribuns ayant bien véritablement servi dans l’armée romaine. Aucune ne porte les mots a populo.

Ainsi les auteurs et les inscriptions sont d’accord : le tribun, dans les légions romaines, ne s’appelait pas tribunus militum a populo.

— III —

L’usage d’élire des tribuns légionnaires était né, 360 ans avant notre ère, des défiances de la démocratie, alors que, puissante et très soupçonneuse, elle voulait qu’il n’y eût pas une fonction importante où elle ne pût faire arriver ses favoris. Cependant le patriotisme l’emportait parfois sur l’esprit de parti, et, devant le péril public, la jalousie populaire se taisait. Ainsi, lorsque éclata la seconde guerre de Macédoine, qu’on regardait comme dangereuse, le peuple accepta un sénatus-consulte qui laissait les consuls choisir tous les tribuns. Il n’est pas probable que, durant la lutte sanglante de Marius et de Sylla, les chefs qui levaient des armées en Italie ou dans les provinces sans l’ordre du sénat, même, comme Marius, des armées d’esclaves, aient respecté le droit populaire et attendu, pour compléter leurs cadres, les élections du forum romain. Cependant il est encore fait mention du tribunat électif en l’année 70[16], mais c’est pour la dernière fois. Quelques années plus tard se formaient le premier et le second triumvirat. César, Pompée et Crassus d’abord, Antoine, Octave et Lépide ensuite, se partageaient les provinces, les armées, les droits du sénat et du peuple. Les derniers s’étaient même donné le pouvoir constituant : triumviri rei publicæ constituendæ. Se représente-t-on ces chefs militaires recevant de ceux qui les proscrivaient à Rome une partie de leurs commandants de légion, alors qu’il n’y avait plus, comme dit Tacite, d’armée du peuple romain : nulla jam publica arma[17] ? Auguste, proclamé imperator, devenu le chef suprême et jaloux de toutes les forces de l’empire, ne pouvait permettre qu’il restât l’ombre d’un doute sur son droit exclusif de nommer à tous les grades par lui-même ou par ses légats. L’armée faisait sa sécurité, il lui importait qu’on n’y vît, qu’on n’y sentît aucun autre pouvoir que le sien. L’élection de chefs militaires par le peuple, même avec la discrétion que le peuple mettait alors à user des droits qu’on lui avait laissés, était absolument incompatible avec la nouvelle organisation des armées et avec le principe même du gouvernement. Aussi, après avoir été suspendue en fait durant les longues années des guerres civiles, dut-elle être virtuellement supprimée. Les tribuns élus n’ont pas dû survivre à la création du legatus par César ; s’il en était resté, Auguste les aurait fait certainement disparaître quand il prit, dés les premiers jours de son principat, le titre d’imperator et qu’il organisa régulièrement l’armée permanente.

— IV —

Lorsque l’on compare toutes nos inscriptions entre elles, il est difficile de résister à la conviction que le tribun des soldats dont elles parlent était un dignitaire municipal et non pas un fonctionnaire de l’État. Comment expliquer que Pompéi à elle seule, et dans un court espace de temps, ait fourni quatre de ces officiers supérieurs ? Si le peuple romain était allé chercher tant de chefs de ses légions dans ce petit municipe, combien n’avait-il pas dû en demander à Naples, à Pouzzoles, à Bénévent, à Tarente, à Brindes, à toutes les grandes cités de l’Italie où l’on n’en trouve pas ? Un tribun légionnaire était un personnage considérable : Caton, ancien consul, conquérant de l’Espagne et triomphateur, servit ensuite dans ce grade durant la guerre contre Antiochus. Cependant on ne voit aucun de nos tribuns, un seul excepté, arriver à une fonction d’État. Nous ne le voyons pas, dit M. Mommsen, parce que l’usage de mettre dans les inscriptions son cursus honorum était encore rare. Mais nos monuments, qui mentionnent le nombre des duumvirats obtenus et jusqu’à cinq dignités ou honneurs municipaux décernés à la même personne, auraient certainement rappelé les charges d’État gérées par les titulaires de nos inscriptions, si le peuple romain leur en avait donné.

Dans les plus anciennes inscriptions on ne marquait pas, à la suite du titre de tribun militaire, dans quelle légion cet officier, avait servi, mais on le mettait habituellement sous l’empire. Or cette désignation manque dans tous nos textes, dont plusieurs, sinon tous, sont évidemment postérieurs à la chute de la république. Ce n’est pas une preuve directe, mais c’est une présomption en faveur de notre interprétation. Enfin il est étrange qu’après avoir rempli une fonction qui pouvait donner accès dans l’ordre équestre, au sénat et aux hautes magistratures, tous nos tribuns se soient arrêtés, dans la carrière des fonctions d’État, à ce grade qui était si plein de promesses.

Le caractère de fonctionnaire municipal se montre, au contraire, avec évidence dans tous nos monuments ; car on n’y trouve mêlés, à ce titre de tribunus militum a populo, que des noms de charges municipales, tels que ceux de décurion, questeur, duumvir ou quatuorvir, quinquennal, censeur perpétuel, prêtre d’Auguste, pontife, augure ou patron de la cité. D’ailleurs, s’il s’était agi de fonctionnaires d’État, les mots a populo auraient été suivis du qualificatif Romano, parce que, toutes les fois que, dans les inscriptions des colonies et des municipes, le mot populus se rencontre seul sans déterminatif, ce n’est jamais le peuple romain qu’il désigne, mais toujours le peuple de la colonie ou du municipe[18]. Tel est le sens du mot populo dans le titre dont nous nous occupons, et ce titre doit se traduire par les mots tribun des soldats du peuple (de la colonie ou du municipe), de même que les mots II•VIR•AB•A•ERARIO dans une inscription de Lyon[19] et dans une inscription de Sens[20] doivent se traduire par duumvir du trésor (de la colonie ou de la civitas). En résumé, le tribunus militum a populo était le chef du service militaire dans la colonie ou dans le municipe, et cela ne doit pas étonner chez les Romains qui furent par excellence, en Europe, le peuple de la tradition. Dès l’origine, le service militaire avait été obligatoire pour les colonies[21] ; si nous avions leurs lois municipales, comme nous avons celle de la colonie Genetiva Julia, nous y trouverions une disposition militaire analogue à celle dont nous parlerons plus loin.

Quelques-uns des tribuns qui sont mentionnés dans nos inscriptions ont été præfecti fabrum, c’est-à-dire chefs d’ouvriers civils attachés au service d’un gouverneur de province. Le præfectus fabrum n’avait ni un grade ni une fonction militaire[22]. C’était un particulier avec lequel le gouverneur ou le légat avait traité pour réunir les hommes nécessaires à des travaux que les soldats n’accomplissaient pas. Il était, à certains égards, l’homme d’affaires du magistrat romain, et il avait momentanément un service public, comme nos munitionnaires et entrepreneurs auxquels les ministres de la guerre adjugent des fournitures à faire aux troupes ou la construction d’un fort ; mais il n’avait pas plus qu’eux une fonction publique. Cependant on s’honorait de ce poste de confiance et l’on s’en vantait dans ses inscriptions, comme nos industriels mettent sur leurs cartes : fournisseur d’un prince ou d’une grande administration.

Un seul de nos tribuns a rempli une charge d’État, celui de l’inscription de Vérone[23], grande et importante cité, où un tribun militaire du peuple, après s’être signalé sans doute dans sa fonction municipale aux yeux de l’autorité supérieure, fut nommé préfet de cavalerie dans l’armée romaine, puis prolégat, et, sa carrière militaire achevée, retourna dans sa ville natale, où il fut élu pontife et quatuorvir. C’est un cursus honorum très naturel, et qui a été celui de beaucoup de provinciaux, sortant de leur municipe pour occuper des charges d’État, y rentrant après les avoir remplies, et recevant alors de leurs concitoyens les suprêmes honneurs de la cité[24].

On comprend d’ailleurs que l’une de ces deux fonctions, tribunat et préfecture des ouvriers, pût mener à l’autre ; qu’un gouverneur, par exemple, ait choisi pour conduire les travaux de sa province un homme ayant déjà l’habitude du commandement, et, réciproquement, qu’une ville ait confié son service de police à celui qui avait dirigé une troupe nombreuse d’ouvriers.

Enfin cette fonction était habituellement donnée aux personnages les plus considérables de la ville, puisqu’on la voit attribuée à des citoyens qui furent ensuite jusqu’à trois et quatre fois duumvir, quinquennal, augure, censeur perpétuel, même patron de la cité.

Voilà ce que les inscriptions, interrogées sans idée préconçue, répondent d’elles-mêmes.

— V —

Mais on demandera à quoi pouvait servir un tribun militaire dans les pacifiques cités de l’empire romain.

L’empire s’était chargé de défendre ses sujets contre les Barbares et de se défendre lui-même contre les révoltes des sujets au premier siècle de notre ère, il ne faisait pas davantage.

Content de veiller sur les frontières et de se tenir prêt à écraser à l’intérieur toute insurrection, il laissait les provinciaux faire eux-mêmes la police de leur territoire. Pour réprimer un désordre dans une ville de Ligurie, Tibère y envoya une des cohortes de la garnison de Rome et une autre qu’il tira des Alpes Cottiennes[25] : preuve qu’entre les frontières de l’Italie et sa capitale il n’y avait pas un soldat. Le roi juif agrippa disait plus tard : Un consulaire gouverne sans un soldat les cinq cents villes d’Asie, et douze cents légionnaires, autant que la Gaule a de villes, suffisent à assurer l’obéissance de cette vaste région[26]. Toute cité, dit M. Naudet dans son mémoire sur la Police des Romains, toute cité devait pourvoir au maintien de la paix sur son territoire[27]. Chaque ville avait son commandant de nuit : Pétrone, en plusieurs endroits du Satiricon, et Apulée, dans l’Âne d’or, y font allusion ; chacune aussi avait sa prison publique, comme Amisus[28], Philippes[29], etc. Dans celle de Pompéi, on a retrouvé quatre malheureux qui, au moment de la catastrophe, avaient brisé leurs fers, mais étaient morts asphyxiés avant d’avoir pu rompre la muraille qui les enfermait. Noviodunum (Nyons) avait un præfectus arcendis latrociniis[30] pour faire bonne chasse aux brigands ; Tarragone, un præfectits murorum[31] pour tenir les remparts en bon état, un præfectus oræ maritimæ pour empêcher les descentes des écumeurs de mer[32], et toutes ces inscriptions de préfets ont le caractère municipal que nous avons reconnu à celles du tribunus militum a populo.

La paix romaine était une vérité, et la guerre fut réellement supprimée pour cent millions d’hommes pendant plus de deux siècles ; mais la piraterie qui, dans la Méditerranée, n’a cessé que de nos jours, était florissante[33]. Les stations navales établies dans l’Euxin, sur les tûtes de Syrie et d’Égypte, dans l’Adriatique et le golfe du Lion, les précautions militaires prises sur certaines parties du littoral : præfectus oræ Ponticæ, etc., ne parvenaient pas à la faire disparaître.

Le brigandage, mal endémique dans les régions montagneuses de l’Italie et de ses îles, dans l’Espagne, la Grèce, l’Asie Mineure et l’Afrique, obligeait les voyageurs prudents soit à marcher en troupes, soit à profiter du passage d’un magistrat romain gagnant sa province ou revenant à home, pour se joindre à son escorte.

Cette précaution ne suffisait pas toujours : un officier du légat de Numidie envoyé à Bougie, sous le règne d’Antonin le Pieux, pour surveiller la construction d’un aqueduc, fut attaqué en route, blessé et dépouillé par les brigands[34].

Au temps de Commode, Maternus, à la tête de bandes militairement organisées, désola l’Espagne et la Gaule[35]. Même sous le moins endurant des empereurs, Septime Sévère, un chef de brigands réunit en Italie une troupe de six cents hommes, et quelques-uns de ces bandits arrivèrent à une notoriété assez grande pour qu’Arrien ait écrit la biographie de l’un d’eux, Tilloboros[36]. Un autre, Claudius, qui dévastait la Palestine et la Syrie, vint un jour trouver Sévère à la tète d’une troupe de cavaliers, avec le costume de tribun militaire ; il salua l’empereur, l’embrassa et disparut après cette bravade, sans avoir été reconnu. Jamais on ne put mettre la main sur lui[37].

Galien trouvait même aux brigands une utilité particulière ; comme on en tuait bon nombre, le médecin voyageur rencontrait des cadavres ouverts par l’épée, par la dent des fauves ou le bec des oiseaux de proie, de sorte que, sans crainte des préjugés populaires, il pouvait étudier sur eux l’anatomie. Aussi Galien voyageait-il beaucoup[38].

Le gouvernement prenait bien, de loin en loin, quelques mesures énergiques, comme les stations de soldats établies momentanément par Auguste et Tibère en Italie, puis, au temps de Tertullien[39], dans toutes les provinces, comme les quatre mille Juifs envoyés contre les brigands de la Sardaigne, les expéditions militaires dirigées de temps à autre contre ceux de l’Isaurie, et celle que Septime Sévère organisa pour s’emparer enfin du redoutable Bulla. Mais habituellement les cités et les individus devaient pourvoir à leur sécurité. Les stations militaires, dit M. Naudet[40], n’agissaient que pour repousser l’ennemi étranger, ou pour écraser à l’intérieur la sédition menaçante ou le brigandage armé, quand ils prenaient la proportion d’une guerre contre la société ou d’un attentat contre le gouvernement.

Dans les petites villes, ce service de police était fait par des esclaves publics et des affranchis du municipe, qui étaient payés pour cet emploi, annua accipiunt[41]. A Amisus, c’étaient eux qui gardaient la prison ; et ces sortes d’esclaves étaient en assez grand nombre pour qu’à Pompéi on les ait chargés de construire plusieurs des rues de la ville[42]. Mais, dans les grandes cités, on avait eu besoin d’organiser régulièrement la force publique. Nous avons l’inscription d’un miles Brundisinus[43] : comme on peut lui donner plusieurs sens, je la passe ; une autre parle d’une offrande faite par les hastireri civitatis Mattiacorum, et il s’agit bien cette fois d’une troupe municipale[44]. Lyon et Nîmes entretenaient un corps de gardes de nuit, vigiles, commandé par un préfet, qui portait le titre de præfectus vigilum et armorum, et devait, en conséquence, veiller en outre à la conservation des armes[45]. Tarragone, ou la province Tarraconaise, avait des cohortes armées ; nous connaissons même le nom d’un préfet de la quatrième cohorte, ce qui permettrait d’en supposer davantage, si ce nombre n’était déjà considérable[46]. Pouzzoles, tout près de Pompéi, avait un collège de socii lictores populares denunciatores[47], qui faisaient certainement le double service de nos sergents de ville, c’est-à-dire, des procès-verbaux et des arrestations. Dans leur titre on retrouve, sous la forme adjective, le mot qui servait à caractériser les tribuni militum a populo. La raison nous dit que cette institution de sécurité municipale a été certainement imitée, avec des notes divers, dans tolites les villes importantes.

Il est vrai que, dés le commencement de l’empire, la loi Julienne de Vi publica avait interdit le port d’armes[48]. Mais, d’après les termes mêmes de la loi, l’ordre de désarmement n’atteignait que les individus. Il n’y est pas question des cités, dont les armes, suivant un usage général dans l’antiquité gréco-latine, étaient enfermées en des dépôts publics, comme l’étaient, même dans les camps romains, celles des légionnaires[49], et, au moyen âge, celles de nos milices urbaines ; comme le sont encore de nos jours celles de la Landwehr allemande, des régiments suisses et de notre armée territoriale. Le texte de Tacite, au sujet des Viennois publice armis mulctati, confirme cette interprétation. Un fonctionnaire municipal avait certainement la garde de l’armamentarium. Les inscriptions de Nîmes nous donnent son nom, præfectus armorum ; le στρατηγός, des villes grecques, le tribunus militum a populo des cités italiennes, remplissaient sans doute la même charge.

Il est certain en effet qu’au premier siècle de notre ère il y avait des armes dans les villes : témoin la bataille entre les gens de Pompéi et ceux de Nucérie, non pas un tumulte, mais un vrai combat, à la suite duquel on ramassa beaucoup de morts et de blessés[50], témoin encore les continuelles hostilités entre Lyon et Vienne, qui étaient des opérations de guerre ; les armées que Sacrovir et Vindex purent lever en Gaule ; les armes livrées en grande quantité aux Vitelliens par les villes de ce pays, celles que Modène offrit aux Othoniens, etc.[51] ; Vienne se racheta du pillage et du massacre à prix d’argent, ruais on lui ôta, dit Tacite, toutes ses armes de combat[52].

Vers le temps de la bataille de Bédriac, un fou se fait passer pour dieu chez les Édues et réunit jusqu’à huit mille hommes. Autun arme aussitôt sa jeunesse pour le combattre[53]. Quelques semaines après, ce sont toutes les villes de Campanie qui prennent part à la guerre, les unes pour Vespasien, les autres pour Vitellius, et les montagnards de la Ligurie qui soutiennent un combat contre les Othoniens[54]. A la même époque, deux grandes cités africaines, Leptis et Œa, se firent une véritable guerre[55], et, plus tard, la première de ces villes soutint bravement un siège contre les Austuriani[56].

Les cités libres et fédérées, qui étaient en si grand nombre, avaient gardé leurs coutumes ; et, dans les arsenaux de ces vieilles républiques batailleuses, se conservaient certainement quelques-unes des armes dont elles s’étaient servies aux jours de l’indépendance. Nous savons par Ovide[57] que les gens de Tomi avaient des armes ; Juvénal dit que les provinciaux en gardaient : spoliatis arma supersunt (VIII, 123), et Philostrate, que la jeunesse de Tarse s’exerçait à lancer le javelot[58] ; Apulée nous montre des pagani courant en armes après des voleurs qu’ils arrêtent, enchaînent et jettent dans leur Tullianum. Où les habitants de Coptos et de Tentyra trouvèrent-ils ces glaives et ces flèches qui leur servirent à s’égorger[59] ? Où s’armèrent, au milieu du troisième siècle, les gens de Sides, qui repoussèrent si vaillamment une attaque des Goths[60] ; les Athéniens, qui, sous Dexippos, chassèrent les Hérules de l’Attique en leur tuant trois mille hommes[61] ; et comment chaque ville de l’empire put-elle envoyer à Marc Aurèle les hommes tout équipés qu’il leur demanda pour son expédition contre les Marcomans[62] ? Enfin, un peu plus tard, Didius Julianus arrêta une invasion des Chauques dans la Belgique, avec la seule assistance des provinciaux tumultuairement réunis[63] ; plus tard encore, en 563, les habitants de Nisibe refusèrent une garnison, se faisant fort de défendre seuls leur ville contre les Perses[64].

Certains territoires paraissent avoir été organisés militairement ; des peuples, établis au cœur même des provinces, avaient des troupes nationales, commandées par leurs propres officiers et entretenues à leurs frais. Ainsi les décuries des Dalmates[65], les stratégies de la Thrace, de la Cappadoce et de la grande Arménie[66], ont bien l’air de divisions territoriales où des précautions militaires avaient été prises. Lorsque Paul-Émile organisa la province de Macédoine, il autorisa les habitants de certains districts à entretenir un corps de troupes pour la sécurité de leurs frontières, et nous savons que cette province était encore, au second siècle de notre ère, régie par la formule qu’elle avait reçue du vainqueur de Persée[67]. Les Helvètes avaient une forteresse où une troupe de leur nation tenait à leurs frais garnison, pour les défendre contre les maraudeurs germains[68] ; de même chez les Rhètes, dont la jeunesse avait l’habitude des armes et des exercices militaires : sueta armis et more militiæ exercita[69]. Une cohorte de Ligures veillait sur le pays qui entoure Fréjus, vetus loci auxilium[70] ; et il n’est pas sûr que cette cohorte fit partie de l’armée romaine. Elle semble bien avoir été, avec la permission, ou plutôt par l’ordre de Rome, une troupe nationale levée et entretenue par les Ligures pour défendre d’une manière permanente les approches de l’arsenal maritime bâti sur leur territoire. On a vu qu’il se trouvait des corps semblables en Macédoine, chez les Rhétiens, les Helvètes et les Espagnols de la Tarraconaise. En Afrique, quantité de chefs maures étaient chargés d’assurer la tranquillité des frontières contre les nomades[71], et l’histoire de Firmus, dans Ammien Marcellin, montre la puissance de ces chefs et les habitudes militaires des indigènes : Firmus mit en ligne vingt mille hommes, sans compter de puissantes réserves qu’il avait laissées en arrière[72]. Déjà, au temps de Galba, un gouverneur des deux Maurétanies avait pu réunir une force indigène considérable : ingens Maurorum numerus[73].

En Orient, le corps lyciaque avait de grands privilèges. Autrefois, dit Strabon (XIV, 3, §3), il délibérait sur la paix, la guerre et les alliances ; maintenant il ne le fait qu’avec une autorisation des Romains, quand ceux-ci y trouvent leur avantage. Or ceux-ci avaient intérêt à ce que la sécurité régnât dans leurs provinces, et ils ont dû autoriser souvent les Lyciens à repousser les brigandages continuels de leurs incommodes voisins, les montagnards de la Pamphylie. Mais, pour combattre, il faut des armes, des chefs, une organisation, et les paroles de Strabon nous obligent à croire que les Lyciens avaient tout cela.

A Palmyre[74] et en Égypte[75], les chefs du pouvoir exécutif dans la cité portaient le nom de stratège, et le νυxτερινός στρατηγός d’Alexandrie avait sous ses ordres un corps de νυxτοφύλαxες[76].

Qu’étaient-ce que les diogmites[77] de la province d’Asie, ces soldats à demi armés, semiermes, avec lesquels un gouverneur, à défaut de légionnaires, essaya de repousser les brigands d’Isaurie[78] ? Leur nom l’indique : ils faisaient. la chasse aux bandits, et il devait y avoir des diogmites ailleurs que dans cette province, puisque Marc-Aurèle les enrôla pour son expédition contre les Marcomans, comme, en 1870, nous avons enrôlé nos sergents de ville et nos gardes forestiers.

De tous ces faits, il est permis de conclure que, dans le haut empire, où les choses n’étaient point ordonnées avec l’uniformité qui fut donnée plus tard au régime municipal, où les mœurs et les institutions du temps de l’indépendance n’étaient point encore partout effacées, les Césars laissèrent aux colonies, aux municipes, aux villes libres et fédérées leur autonomie administrative avec la police de leur territoire, et que ce dernier service fut aussi assuré, d’une manière ou d’une autre, dans les grandes villes stipendiaires. Il s’y trouvait des armes, des prisons, des captifs à surveiller ; une garde de police à commander, des bandits à contenir, des recrues à lever et à mettre en route pour les légions ou les cohortes auxiliaires. Si des commissaires impériaux étaient chargés de cette dernière opération, ils avaient besoin, comme aujourd’hui, pour l’accomplir, de l’assistance de l’autorité municipale.

Quelle merveille que certaines villes aient réuni toutes ces attributions dans les mains d’un dignitaire particulier, et que, copiant home encore une fois, comme celles d’Italie l’avaient fait durant la guerre sociale, ou que, conservant le titre et l’usage d’une ancienne magistrature locale[79], elles aient appelé ce fonctionnaire tribun des soldats en Italie, préfet des armes et des cohortes dans les cités provinciales de l’Occident, comme à Nîmes et à Tarragone, στρτηγός έπί όπλων, dans les villes de la Grèce et de l’Asie qui avaient conservé leurs vieilles institutions ?

A Alexandrie, le commandant des gardes de nuit, appelé ό νυxτερινός στραηγός, tenait la quatrième place parmi les magistrats de la ville, et, suivant une leçon, il est vrai controversée, cette organisation existait dans les autres cités égyptiennes[80].

En résumé, les tribuni militum a populo des colonies me paraissent le débris italien d’une coutume générale, dont les préfets de l’Occident et les stratèges de l’Orient étaient le débris provincial.

— VI —

Ces préliminaires étaient nécessaires pour donner toute sa valeur au texte qu’il nous reste à citer, et qui fait apparaître, d’une manière ce me semble indiscutable, le fonctionnaire et la fonction. La loi de la colonie de Genetica Julia, qui date de la dictature de César et qui subsistait encore sous les Flaviens, c’est-à-dire à la fin du premier siècle, porte à son article 103 : Lorsque, dans la colonie de Genetiva, la majorité des décurions présents aura décidé qu’il y a lieu d’armer et de mettre en campagne, armatos educere, les colons, résidents ou agglomérés, pour défendre le territoire de la colonie, tout duumvir ou préfet préposé à la justice, qui aura reçu le commandement de ces citoyens armés, aura le droit de faire exécuter le décret de l’Ordo, sans encourir aucune responsabilité. Le duumvir ou celui qu’il aura préposé au commandement exercera les mêmes droits et le même pouvoir disciplinaire que ceux qui sont accordés au tribun militaire dans l’armée romaine....

Il y a plusieurs remarques à faire sur ce texte :

1° Le droit incontesté pour le sénat de Genetiva d’armer les citoyens et de les mettre en campagne, lorsque la défense du territoire l’exige ;

2° L’attribution régulière et permanente d’un pouvoir militaire faite aux premiers magistrats de la cité qui tiennent leurs fonctions de l’élection populaire ;

3° La mise en action de ce pouvoir par la déclaration de la majorité des sénateurs municipaux, qu’il y a lieu d’armer les citoyens et de faire une expédition ;

4° La délégation que lé duumvir peut faire de ce pouvoir à un autre citoyen ;

5° Enfin l’autorité du tribun légionnaire dans l’armée romaine donnée à ce magistrat municipal ou à son suppléant.

On a dit que cet article 103 était une faveur particulière accordée à Genetiva à raison de sa situation exceptionnelle au milieu d’un pays insurgé de la veille[81]. Mais, à cette époque de la dictature de César, mille cités étaient dans la situation de Genetiva, c’est-à-dire entre les guerres pompéiennes qui finissaient et les guerres triumvirales qui allaient commencer. Rien donc ne justifierait une si étrange exception en faveur d’une colonie relativement obscure[82].

Les lois espagnoles contiennent beaucoup de dispositions qui se rapportent à des lois ou à des coutumes de Rome[83]. Pour n’en citer qu’une, celle qui est relative à la conservation des bornes et des limites est identique dans la loi de Genetiva et dans la lex Mamilia, qui fut aussi rédigée par César. Ces emprunts ne permettent-ils pas d’en supposer d’autres ? Et aujourd’hui que nous savons combien, aux deux premiers siècles de l’empire, le régime municipal était libre et vivant, sera-t-il téméraire de penser que cet article 103, si étrange, si inexplicable, tant qu’il reste isolé, n’est lui-même qu’un débris de quelque coutume commune aux provinces latines ?

Si l’on objectait que ce droit de l’aire militairement la police sur le territoire parfois très vaste de certaines cités aurait constitué un droit anarchique, nous répondrions que, dans l’empire romain, à la différence de ce qui se passe chez nous, la responsabilité pour les actes publics était rigoureuse et sévèrement appliquée. Les sénats municipaux savaient qu’ils auraient à répondre, devant l’autorité supérieure, de l’opportunité et des suites d’une prise d’armes, comme il arriva pour Vienne et pour Pompéi. En punition d’un désordre sans importance, une partie des décurions et des citoyens de Pollentia fut mise aux fers et n’en sortit jamais[84].

 

 

 

 



[1] Voyez Mommsen, Inscr. Neap., n° 2261.

[2] Gratis, c’est-à-dire sans qu’il fût obligé de payer la somme honoraire, summa honoraria. Cf. Pline, Lettres, X, 112 et 113.

[3] Marini, Arval., p. 806 ; cf. Henzen, Bullet. arch., 1860, p. 12.

[4] Mommsen, Inscr. Neap., n° 5628

[5] Mommsen a cru reconnaître un tribunus militum a populo dans deux fragments fort mutilés, trouvés à Cabra en Bétique, et qui ne sont connus que par d’anciennes copies (C. I. L., t. II, nos 1625, 1626) ; mais sa conjecture, admise avec hésitation par M. Hübner, n’est pas adoptée par M. Léon Renier.

[6] Römisches Staatsrecht, t. II, part. I (Leipzig, 1874), p. 540-545.

[7] Cf. C. I. L., t. I, p. 58, les §§ 2, 16, 22, de la lex repetundarum, qui est probablement de l’an de Rome 654.

[8] Maffei, Mus. Veron., p. 119, n° 5 ; Morcelli, de Stilo inscr., p. 64 ; Marini, Arval., p. 548 ; Orelli, n° 3439 ; Urlichs, Bulletin de l’Instit. archéol., 1839, p. 66 ; Lange, Hist. mutat. rei milit. Rom., p. 46, note 12 ; Marquardt, Handbuch, t. III, part. II, p. 277, note 1517. — Je ne parle pas d’Hultmann, qui, supposant une lacune d’une lettre avant les mots A•POPVLO, proposait d’expliquer ainsi ces mots : nA(tus POPULO(nia). (Miscell. epigr., p. 170 et suiv.)

[9] La même thèse a été défendue par M. Giraud dans son mémoire intitulé les Bronzes d’Osuna, nouvelles recherches. D’autre part, notre savant épigraphiste, M. Léon Renier, a fait de cette question l’objet d’une de ses leçons au Collège de France, dans le sens des conclusions de ce mémoire, que M. Cagnat a développées, en 1880, dans sa thèse intitulée de Municipalibus et provincialibus militiis in imperio Romano, et que M. Ernest Desjardins (Comptes rendus de l’Acad. des inscr. pour 1882, p. 19) accepte comme incontestables.

[10] Festus, de Verborum sign., p. 260, éd. Müller, et le Pseudo-Asconius, ad Cicer. in Verr act. I, § 50, éd. d’Orelli, II, 14, 2.

[11] VII, 5 ; IX, 30, XXVII, 56, 14 ; XXVIII, 27, 14, 42, 21 ; XLIII, 12 ; XLIV, 21.

[12] Jugurtha, 63.

[13] Stratagèmes, II, 4.

[14] Page 142, éd. d’Orelli.

[15] Mommsen, Inscr. Neap., n° 4437. Il nous reste de Marius deux autres inscriptions, trouvées l’une à Arretium, l’autre à Rome (C. I. L., t. I, p. 290, nos 32 et 33), et qui sont probablement du temps d’Auguste. A cette époque, on ne s’inquiétait plus du tribunat électif ; mais il y avait bon nombre de tribuni militum a populo dans les municipes italiens et aux portes mêmes de Rome. Si leur charge eût été la même que celle que Marius avait exercée, on ne s’expliquerait pas pourquoi le tribunat de ce vieux chef du parti populaire, dont Auguste, son petit-neveu, était l’héritier, n’avait pas été caractérisé par le même titre.

[16] Cicéron, in Verr., I, 10, 30.

[17] Annales, I, 2.

[18] Voyez notamment Mommsen, Inscr. Neap., nos 26, 1486, 2342, 2346, 4059, 4065, 4497 ; Orelli, n° 2532 ; Henzen, n° 7149 ; Wilmanns, n° 2216 ; de Boissieu, p. 160 ; L. Renier, Inscr. d’Algérie, n° 2174, etc., etc.

[19] De Boissieu, p. 156, et Orelli-Henzen, n° 6931.

[20] Cette inscription, gravée sur une plaque de bronze, est aujourd’hui au musée du Louvre.

[21] Ces mots ont absolument le même sens que les mots II•VIR•AERARI, qui se lisent dans plusieurs inscriptions de Vienne ; voyez Allmer, t. II, nos 160, 161, 162, 165,164, 165, 166, 167, etc.

[22] Voyez, sur les præfecti fabrum, le mémoire de Borghesi sur l’inscription de Junius Silanus, dans ses Œuvres, t. V, p. 104-209.

[23] Voyez plus haut, l’inscription n° 12.

[24] Voyez Bullett. dell’ Instit. arch., 1851, p. 156 et suiv. ; on pourrait en citer beaucoup d’autres exemples.

[25] Suétone, Tibère, 37.

[26] Josèphe, Bell. Jud., II, 16.

[27] Mém. de l’Acad. des sciences morales et politiques, 2e série, t. VI, p. 818.

[28] Pline, Epist., 10.

[29] Actes des Apôtres, 2316.

[30] Mommsen, Inscr. Helv., 119 :

C • LVCCONI • CO r

TETRICI • PRAEFECti

ARCEN • LATROCin

PRAEFECT • PRO • IIVIRo

IIVIR BIS FLAMINIS

AVGVST

[31] C. I. L., t. II, n° 4202.

[32] C. I. L., t. II, nos 4138, 4217, 4224, 4225, 4226, 4233, 4264, 4266.

[33] Strabon, XI, 2 ; Josèphe, Bell. Jud., III, IX, 2, etc. Épictète, Entret., IV, I, 9.

[34] Inter vias latrones sum passus ; nudus, saucius evasi (Mém. de la Soc. de Constantine, 1868, pl. V). Malgré la vigilance d’Auguste, l’extinction du brigandage ne fut ni facile ni complète. Dion (LV, 28) parle de brigands qui durant trois années, 5-7 de J.-C., désolèrent la Sardaigne, des Isauriens qui étendaient si loin leurs ravages qu’il fallut faire contre eux une guerre sérieuse, et du brigand espagnol Coracottas dont Auguste mit la tête à prix, pour la somme de 250.000 drachmes (id., LVI, 45). Même sous Trajan l’Italie offrait peu de sécurité (Pline, Epist., VI, 25). L’espièglerie que Marc Aurèle raconte à Fronton (Ep., Il, 17) prouve, par l’effroi des deux bergers, que, pour eux, tout voyageur apparaissant soudain était suspect d’être un voleur, illi solent, maximas rapinationes facere. Cf. Tacite, Annales, II, 85 ; Suétone, Auguste, 32 ; Tibère, 37 ; Pétrone, Satiricon, III ; Properce, III, 16 ; Juvénal, Satires, III, 305 ; X, 20 ; Apulée, passim ; Varron, de Re rust., 16, 2 : multos agros egregios colere non expedit propter latrocinia vicinorum ut in Sardinia.... et in Hispania, prope Lusitaniam ; Strabon. V, 5 ; VI, 16 ; XII, 7 et 7 : Κλέων ό xαθ’ ήμάς τών ληστηρίων ήγεπών ; Dion Cassius, LXXIV, 2 ; LXXVI, 10 ; Lucien, Alex., 3 et 44, et mon Hist. des Romains, t. IV, p. 285. Sur la fréquence des brigandages en Asie, voyez ibid., II, p. 211 ; et pour la rive gauche du Pont-Euxin, Ovide, Tristes, I, XI, 31 et suiv.

[35] Hérodien, liv. I.

[36] Lucien, Alex., 2.

[37] Dion. LXXV, 2. Parmi les causes d’empêchement légitime pour se rendre en certain lieu dans un délai fixé, Sévère admettait l’incursus latronum. (Digeste, XXVII, 1, 13, § 7.)

[38] De Anatom. admin., I, 2, éd. Kühn, t. II, p. 221, et IV, 5, p. 385. Celse pensait de même. Comme moyen d’étudier l’anatomie, il indique gladiatorent in arena, vel militem in acie, vel viatorem a latronibus exceptum, sic vulnerari ut ejus interior aliqua pars aperiatur et in atio alla (Præf., lib. I, p. 10, édit. Targ.). Aussi déclarait-il les dissections inutiles. Dans le de Usu part. corp., éd. Kühn, t. II, p. 188, Galien parle d’un brigand de Pamphylie qui se plaisait à couper les jambes de ses victimes.

[39] Apologétique, 2.... : latronibus investigandis per universas provincias. Cf. Code Théodosien, I, 55, 6 ; mais c’est un document de l’année 392.

[40] Dans son mémoire sur la Police chez les Romains, t. IV et VI du Recueil de l’Académie des inscriptions.

[41] Pline, Epist., X, 40, et Hist. des Romains, t. IV, p. 805.

[42] Familia publica Ameriæ (Orelli, n° 2428) ; Venafri (Henzen, n° 6265) ; Brundusii (Inscr. Neap., n° 450) ; Cordubæ (C. I. L., II, n° 2644) ; Servi publici coloniarum et municipiorum, passim.

[43] Henzen, n° 7161. Henzen dit cependant de ce soldat : miles, ni fallor, est municipalis publicæ securitatis caussa delectus.

[44] Orelli (n° 4983) range ces hastiferi inter officia municipalia minora. L’inscription est de l’année 236.

[45] Kellermann, Vigiles Rom., p. 53, nos 24-29, et de Boissieu, Inscr. de Lyon, n° 419.

[46] C. I. L., t. II, nos 4438, 4217, 4224, 4225, 4226 ; 4264 et 4266. Au n° 4202, le préfet des murs était flamine de la province, et c’est le conventus provincia qui érige un monument au præf. oræ maritimæ du n° 4438.

[47] Orelli, n° 2544.

[48] Digeste, XLVIII, 6, 1 : Lege Julia de vi publica tenetur qui arma, tela domi suæ, agrove in villa, præter usum venationis, vel itineris, vel navigationis ceperit. Pompée avait déjà interdit le port d’armes dans la ville (Pline, Hist. nat., XXXIV, 39) ; et Pétrone (Satiricon, 82) montre que cette interdiction subsistait de son temps.

[49] Il y avait dans les camps un arsenal, armamentarium, où les armes des soldats étaient tenues sous clef, et des custodes armorum. Voyez Henzen, Index, p. 143. Lorsque Othon souleva les prétoriens contre Galba, il ordonna aperire armamentarium. (Tacite, Histoires, I, 38 et 80.) Tacite remarque que, même chez certains Barbares, chez les Suiones par exemple, les armes étaient clausa sub custode. (Germanie, 44.) Sous Tibère, le gouverneur d’Égypte fit enlever et porter à l’arsenal toutes les armes des Alexandrins. (Philon, in Flaccum, p. 231 de la traduction de M. Delaunay.) Tous les trois ans, les gouverneurs d’Égypte passaient la revue des armes apportées dans la province, afin d’empêcher les préparatifs séditieux. (Ibid., p. 232.) Des villes importantes avaient des armorum officinæ. (Tacite, Histoires, II, 82.) Sur l’armamentarium, voyez ce mot au Dict. des ant., p. 431, 1-2. Quand, au quatorzième siècle, au temps du roi de France, Philippe le Long, les députés des villes demandèrent à être autorisés à repousser par la force les tentatives faites pour troubler la paix publique, le roi permit aux bourgeois des villes d’organiser une milice. Ces milices furent placées sous les ordres d’un capitaine que le roi nommait dans chaque ville, et les armes furent déposées dans des arsenaux. (Ordon. du 12 mars 1316.) A Paris, les armes étaient aussi placées dans un dépôt, et la milice n’allait les prendre que lorsqu’elle était commandée de service. Les maillets de fer ou de plomb qui servaient à armer ceux de la milice qui ne portaient pas l’arbalète, étaient déposés à l’arsenal, on les émeutiers de 1581, les maillotins, allèrent les prendre de force. Au quinzième siècle, on négligea le plus souvent cette précaution et on permit aux bourgeois de garder leurs armes chez eux, à raison de la fréquence des convocations.

[50] Tacite, Annales, XIV, 17 : probra deinde saxa, postremo ferrum sumpsere.... multi.... trunco per vulnera corpore.

[51] Id., Histoires, II, 52.

[52] Ibid., I, 66 ; pour les Édues, ibid., 64.

[53] Ibid., II, 60.

[54] Tacite, Histoires, II, 12.

[55] Ibid., IV, 50.

[56] Ammien Marcellin, XXVIII, 61.

[57] Tristes, IV, 1, 73 et suiv.

[58] Apollonius, VI, 73.

[59] Juvénal, XV, 23.

[60] Fragm. hist. Græc., t. III, p. 681, édit. Didot.

[61] Ibid., 666. L’éphébie subsistait encore à cette époque à Athènes et continuait ses exercices militaires avec des professeurs d’armes, de javelot et d’arc. Une inscription porte que les éphèbes ont accompli sous les armes tous les exercices militaires d’une manière virile, έπάνδρως. Chaque année, ils venaient jurer dans le temple d’Agraule de combattre et de mourir pour la patrie (Philostrate, Apollonius, IV, 21), mais aussi de faire dans la ville et les campagnes le service de sûreté. Cf. A. Dumont, l’Éphébie attique, t. I, p. 9 et 285. Cette institution avait été imitée en d’autres cités grecques.

[62] J. Capitolin, Marc Antonin le Philosophe, 21.

[63] Spartien, Didius Julianus, 1.

[64] Ammien Marcellin, XXV, 9, 2.

[65] Pline, Hist. nat., III, 142.

[66] Ibid., IV, 73 ; Ptolémée, III, 11, §§ 8, 9, 10.

[67] Justin, XXXIII, 2.

[68] Castellum quod.... Helvetii suis militibus ac stipendiis tuebantur (Tacite, Hist., I, 67).

[69] Tacite, Hist., I, 68.

[70] Ibid., II, 94.

[71] Hist. des Romains, t. V, p. 480.

[72] Ammien Marcellin, XXVII, 5.

[73] Tacite, Hist., II, 63.

[74] De Vogué, Inscr. sémit., p. 18.

[75] Letronne, Recherches sur l’Égypte, p. 268.

[76] Strabon, XVII, 797, et Philostrate, in Flacc., 14.

[77] De διωγμός, qui signifie poursuite. Ce sont des diogmites que l’irénarque envoie pour saisir saint Polycarpe (Lettre de l’Église de Smyrne à celle de Philomelium). Ce sont aussi des diogmites qui amènent saint Athanase devant l’empereur. Cf. Waddington, Voyage archéol. en Asie Mineure, notes sur l’inscription d’Æzani, t. III, p. 255.

[78] Ammien Marcellin, XXVII, 9. Marc-Aurèle enrôla aussi des brigands, auxquels sans doute il promit le pardon pour leurs méfaits.

[79] Les Italiens avaient copié les institutions de Rome, ou, ce qui est plus probable et revient au même, Rome avait pris les institutions de l’Italie. Ainsi, même sous l’empire, on trouve, dans les cités de la péninsule, des consuls, dictateurs, préteurs, interrois, édiles, censeurs, tribuns du peuple. Durant la guerre sociale, les légions des Italiens étaient organisées comme celles de Rome, avec les mêmes grades et les mêmes dénominations. Lorsque, la paix venue, ils n’eurent plus besoin que d’un fonctionnaire chargé de veiller à la sécurité du municipe et de son territoire, ils lui auront conservé l’ancien titre militaire depuis des siècles en usage parmi eux, peut-être avec le double caractère reconnu à Rome aux tribuns électifs, de chefs militaires et de magistrats.

[80] Strabon, XVII, t. V, p. 347 de l’édit. de Letronne. Le titre de stratège se trouve dans quantité d’inscriptions grecques, même sur des monnaies. Voyez dans Wilmanns, n° 2839, le jus jurandum Aritiensium qui font serment de poursuivre sur terre et sur mer, par une guerre d’extermination, armis et bello internecivo, les ennemis de Caligula.

[81] Giraud, les Bronzes d’Osuna, et l’Ephemeris epigraphica, t. II, p. 127, où cependant MM. Mommsen et Hubner font une réserve : Sed etsi hoc præferas, cerce quæ eodem loto essent colonias municipiaque provinciarum longinquarum eo jure non magis caruisse consentaneum est.

[82] Ces droits exercés par les duumvirs de Genetiva Julia étaient si naturels et si nécessaires, qu’on les retrouve dans beaucoup de villes du moyen âge, où la milice constituait une sorte de garde civique que les magistrats municipaux pouvaient convoquer, et dont ils prenaient le commandement.

[83] Voyez Hist. des Romains, t. V.

[84] Suétone, Tibère, 37.