HISTOIRE DES ROMAINS

 

ONZIÈME PÉRIODE — LES PRINCES AFRICAINS ET SYRIENS (180-235).

CHAPITRE LXXXIX — GOUVERNEMENT DE SEPTIME SÉVÈRE (193-211).

 

 

I. — LA COUR ; PLAUTIANUS ET JULIA DOMNA.

L’Orient pacifié et organisé, Sévère regagna l’Italie par l’Asie Mineure et la Thrace. Comme Hadrien, il n’était pas pressé de retrouver la capitale, ses fêtes et ses intrigues. Il lui semblait plus utile d’inspecter cette frontière du Danube qu’il n’avait pas vue depuis neuf années et les armées de Mœsie et de Pannonie auxquelles il devait son élévation. Partout, dit Hérodien, il remit l’ordre dans les provinces[1]. Nous admettons cette affirmation comme très fondée ; il nous est malheureusement impossible de la prouver par des faits.

Au milieu de l’année 202[2], Sévère rentra enfin à Rome. C’était la dixième année de son gouvernement.  A cette occasion, les pouvoirs impériaux étaient autrefois renouvelés, sacra decennalia ; mais on avait depuis longtemps renoncé à ce mensonge. La solennité n’était plus qu’un anniversaire célébré par des fêtes pompeuses. Sévère y ajouta une libéralité de 50 millions de drachmes, que se partagèrent, à raison de 1.000 sesterces par tête[3], les prétoriens et tous ceux qui recevaient du blé de l’État. Le prince eut sa part. On lui éleva, au pied du Capitole, un arc de triomphe qui subsiste encore. Les proportions en sont belles, mais des sculptures trop multipliées et qui semblent l’œuvre d’ouvriers plutôt que d’artistes y annoncent la décadence de l’art décoratif. Sur l’attique, une longue inscription rappelle que le monument a été construit en l’honneur du prince qui a raffermi l’État et agrandi l’empire[4].

Deux ans après, on célébra les jeux séculaires qui valurent au peuple et aux soldats de nouveaux dons[5]. Des hérauts parcoururent la ville et l’Italie en faisant cette proclamation : Venez à ces jeux, que vous ne reverrez jamais. Les derniers avaient été donnés par Domitien en l’année 88. Entre deux de ces fêtes, on laissait passer trois générations. Celle de Sévère était la huitième que les Romains eussent solennisée.

En ce temps-là il se trouvait à Rome un homme presque aussi puissant que l’empereur : le préfet du prétoire, Plautianus. On se rappelle qu’Auguste avait paru faire deux parts dans le gouvernement : l’une abandonnée au sénat, l’autre réservée au prince, et qu’il avait constitué deux sortes de fonctions, celles-ci d’ordre sénatorial, celles-là d’ordre équestre. Au sommet de la première hiérarchie était le préfet de la ville ; au sommet de la seconde, le préfet du prétoire. Ce partage n’était point sérieux ; la vérité apparut vite, et l’empereur fut politiquement ce que, dans l’état des mœurs, il devait être tout[6]. Il fit successivement passer à son conseil[7], composé de sénateurs, de jurisconsultes et des chefs de la chancellerie impériale, presque toute l’autorité législative, judiciaire et administrative du sénat. Ce corps ne conserva guère d’autre fonction que celle d’enregistrer les décisions arrêtées par le conseil.

Le fonctionnaire qui avait, entre tous, la confiance impériale, puisqu’il tenait en ses mains la vie du prince, fut celui qui gagna le plus à ce changement. A l’origine, le préfet du prétoire n’avait que le soin de veiller à la sûreté de l’imperator, qui, à cet effet, l’avait investi de la juridiction militaire sur toutes les troupes stationnées en Italie[8]. Les Grecs l’appelaient l’épée du roi[9], et il se plaçait derrière le prince dans les expéditions de guerre. Mais cette épée, l’empereur s’en servit pour toutes sortes d’offices. Fallait-il arrêter un accusé, exécuter un coupable, tuer un innocent ou seulement faire une enquête préalable : les prétoriens étaient là ; eux et leur chef devaient au prince l’obéissance militaire en tout ce qu’il commandait. La juridiction criminelle du préfet s’étendit d’abord des soldats aux esclaves, et, peu à peu, elle envahit tout. Celui qui naguère n’était que l’épée du prince, devint le compagnon de ses travaux, son appui[10], et, dans mille cas, son représentant, vice sacra agens, comme on dira plus tard. Il entra au consilium, qu’il présida en l’absence de l’empereur, prit part à toutes les affaires soit pour le conseil, soit pour l’exécution, assista le prince dans ses jugements, le remplaça par délégation, même dans la juridiction civile, et reçut pour lui les appels. Alexandre Sévère donnera bientôt force de loi à ses décisions[11]. Il était donc, avec un pouvoir indéterminé, par conséquent sans limite, une sorte de premier ministre, de grand juge, et, à certains égards, le chef de l’armée, car il faisait fonction d’intendant pour les approvisionnements militaires, d’inspecteur pour la revue des armes et le bon état des arsenaux, enfin de major général pour les opérations[12]. L’usage de composer l’armée active de détachements pris dans diverses légions et de mettre à la tête de ces corps des ducs n’ayant aucun commandement territorial, avait rendu nécessaire ce nouveau rôle des préfets du prétoire. Ce sont les prédécesseurs de ces vizirs des sultans qui tiendront d’une main le sceau du prince et de l’autre l’étendard de l’empire.

Telle était l’autorité que Pérennis avait eue sous Commode et que Plautianus exerça sous Sévère. Comme elle n’était qu’un reflet de l’autorité impériale, il convient d’entrer en défiance à l’égard des accusations vaguement portées contre les préfets qui géraient leur charge sous de vrais empereurs. Des princes soucieux de l’intérêt public pouvaient permettre de grandes sévérités ; ils n’auraient pas autorisé des crimes. Cette remarque est particulièrement nécessaire pour juger Plautianus. De petite condition, mais Africain comme Sévère, et peut-être de sa famille[13], il l’avait suivi dans toutes ses guerres, à la tête des gardes, et, dans l’intervalle des expéditions, il revenait sans doute à Rome, où l’empereur avait besoin d’un homme sur lequel il pût compter. L’autorité de la charge s’augmentait donc de l’absolue confiance que Sévère mettait en celui qui en était alors revêtu.

Cependant Plautianus avait été un jour très près d’une mortelle disgrâce. L’ordre avait été donné d’abattre les statues qu’il s’était fait élever auprès de celles des membres de la famille impériale, et Sévère avait prononcé le mot redoutable d’ennemi public que l’on avait bien vite répété. Mais Plautianus était rentré en faveur, et le prince, si terrible pour d’autres, s’était attaché à lui faire oublier cet instant de colère en le comblant de marques publiques d’estime. Un orateur avant dit dans le sénat : Avant que Sévère maltraite Plautianus, le ciel tombera. — Cet homme a raison, dit le prince aux sénateurs assis à ses côtés ; il est impossible que je fasse aucun mal à Plautianus, et je souhaite mourir avant lui[14]. Il avait violé en sa faveur une règle établie par Auguste en nommant deux fois consul le chef des prétoriens[15], et, dans la pensée d’assurer à son fils un guide expérimenté, il avait fait de Plautianus le beau-père du futur empereur. Dion rapporte qu’il vit porter au palais la dot de Plautilla la nouvelle Junon[16] et qu’elle aurait pu suffire à cinquante filles de rois.

Aussi le préfet avait-il un train royal, et tous les ordres, le sénat, le peuple, l’armée, rivalisaient à son égard de basses flatteries. Si l’on n’osait plus lui dresser des statues aussi grandes que celles du prince, on l’appelait le parent des augustes, on jurait par sa fortune et, dans les temples, on priait pour lui avec d’autant plus de ferveur, qu’il paraissait ne pas en avoir besoin. Plautianus abusa-t-il de cette toute-puissance, plus dangereuse aux mains du ministre que dans celles du maître ?

Dion l’accuse de beaucoup de sottises et de tous les crimes, sans rien préciser ou en précisant trop. Par exemple, il lui fait voler les chevaux du Soleil, semblables à des tigres, qu’on nourrissait dans une île de la mer Rouge. A la rigueur, on peut entendre que ces chevaux-tigres étaient des zèbres. Mais lorsqu’il raconte que Plautianus fit enlever cent Romains de condition libre, mariés et pères de famille, qu’il les soumit à un horrible supplice pour donner à sa fille un cortége tel qu’en ont les femmes de l’Orient et qu’il ajoute : La chose ne fut connue qu’après sa mort, nous avons le droit de dire qu’il s’est fait l’écho d’une de ces ineptes calomnies qui s’attachent aux puissants dans leur chute. Une pareille exécution ne se serait pas accomplie dans le silence, et le préfet n’aurait pu braver impunément par ce crime une constitution impériale[17], toujours en vigueur, ni l’indignation publique soulevée par les femmes et les enfants des victimes.

Ses grandes richesses feraient croire à de grandes rapines, mais Sévère, qui avait pris l’héritage des Antonins, de Niger et d’Albinus, fit largement sa part à Plautianus dans les nombreuses confiscations qu’il prononça[18]. Cet Africain ne répugnait pas plus que son maître à verser le sang. Après la victoire de Lyon, il décida la perte de la famille de Niger, que le vainqueur avait d’abord épargnée. Depuis la mort d’Albinus, la noblesse faisait bien encore de muettes imprécations, mais elle n’avait plus assez d’énergie pour faire des complots : il en supposa ou il y crut, et des victimes tombèrent. On a peine à se représenter Sévère comme un roi fainéant fermant les yeux sur les iniquités de son ministre. Si le préfet a ordonné des supplices immérités, la responsabilité doit en remonter à l’empereur, qui, rendu soupçonneux par la conduite du sénat avec le césar breton, approuvait tout.

J’ai dit le secret de cette faveur : elle était naturelle. Sévère, à qui une santé chancelante commandait de songer au lendemain, voulait assurer à ses fils et à l’empire le concours d’un homme capable de continuer son œuvre et qu’il croyait avoir fait assez grand pour qu’il n’eût pas la tentation de le devenir davantage. C’était un calcul de bon sens : la passion le déjoua.   

La trop grande prospérité du vice-empereur[19] l’aveugla. Plautianus commit l’imprudence de mettre contre lui l’impératrice par de perfides insinuations sur sa conduite, et l’héritier du trône par l’affectation d’une tendresse paternelle dont     les conseils maladroits blessaient cette âme violente. Le mariage de Plautilla, qui semblait consolider sa fortune, la précipita. Julia avait-elle été contraire à cette union ? Partageait-elle les sentiments de Caracalla contre le favori dont Le crédit offusquait cet empereur de quatorze ans qui, animé d’une haine égale contre le père et la fille, repoussait l’une de son lit et l’autre de sa maison ? Dion ne nous l’apprend pas ; mais il nous dit que la jeune Augusta, plus fière de son père que de son époux, s’était rendue insupportable a celui-ci, et que Plautianus, fort irrité contre l’impératrice, la tourmentait de mille manières. Ces querelles de ménage préparaient une catastrophe.  

Sévère avait renouvelé, en les aggravant, les peines contre l’adultère, et l’on ne parlait plus à Rome que de procès de ce genre[20]. Plautianus essaya d’envelopper Julia dans ces accusations, et Dion assure, ce qui parait fort étrange, qu’il chercha des témoignages contre elle jusque dans les tortures auxquelles il soumit de nobles femmes. Incapable de lutter avec le tout-puissant ministre, l’impératrice se réfugia au milieu de ses lettrés et de ses philosophes ; mais Caracalla ne prit pas les déplaisirs de sa mère avec cette sérénité, et sa haine en redoubla.

Seul, au palais, Sévère soutenait le préfet du prétoire. Un frère de l’empereur, Geta, qui fut collègue de Plautianus dans le consulat en 203, était convaincu qu’il méditait la ruine de la famille impériale, et, à son lit de mort, il supplia son frère de la sauver. Ses paroles firent impression sur le prince : on le vit par les honneurs décernés à l’accusateur du ministre, et Caracalla crut le moment propice pour en finir avec lui. Trois centurions qu’il soudoya vinrent un soir au palais déclarer que Plautianus les avait chargés d’assassiner Sévère et son fils ; en preuve, ils produisirent une lettre où cet ordre était écrit et qu’ils prétendirent tenir de lui. Sévère, étonné, mais non convaincu, fit appeler le préfet. Aux portes, on arrêta ses gardes, et il entra seul. Sévère lui parla avec douceur. Pourquoi, lui dit-il, veux-tu nous ôter la vie, et qui a pu t’inspirer ce dessein ? Comme Plautianus niait énergiquement, Antonin se jeta sur lui, lui arracha son épée et le frappa au visage en disant : Oui, tu as cherché à m’assassiner. Il l’eût égorgé, si son père ne l’avait arrêté, mais il commanda à un licteur de le tuer. Puisqu’il était auguste, sa parole valait un ordre ; le licteur obéit. Le corps de Plautianus, jeté du haut du palais dans une ruelle, y fut abandonné jusqu’à ce que Sévère lui eût fait donner la sépulture (23 janvier 204)[21].

Dans toute cette affaire, l’empereur avait joué un rôle misérable. Par faiblesse paternelle, il avait laissé assassiner sous ses yeux son ami. On vit bien le lendemain qu’il ne croyait pas au prétendu complot[22], car, au lieu d’insister, dans l’assemblée du sénat, sur le crime du préfet, il recourut à des lieux communs de philosophie, déplora la faiblesse naturelle à l’homme, qui ne peut supporter une fortune trop grande, et s’accusa lui-même d’avoir perdu Plautianus en le comblant d’honneurs et de témoignages d’affection. Comme il fallait, pour la justification du meurtrier, que le complot parût certain, quelques-uns des courtisans assidus du préfet allèrent le rejoindre[23]. Sa fille et son fils furent relégués à Lipari, où, plus tard, Caracalla les fit tuer.

On ne sait si c’est à titre d’ami de Plautianus que Quintillus fut frappé. C’était un personnage de haute naissance et un des premiers du sénat, niais qui vivait aux champs, loin des affaires et des intrigues. Il mourut à la manière antique. Condamné sur des dépositions calomnieuses, il se fit apporter les objets qu’il avait depuis longtemps préparés pour sa sépulture, et les voyant gâtés par le temps : Qu’est-ce que cela ? dit-il. Nous avons bien tardé ! Il brûla quelques grains d’encens sur l’autel des dieux et se livra à l’exécuteur. D’autres sénateurs, accusés de nous ne savons quels crimes, furent convaincus, assure Dion[24], et condamnés. Mais les crimes de ce temps n’en seraient pas tous du nôtre, témoin le procès suivant qui montre une des misères de ce gouvernement et de cette société. Apronianus, gouverneur d’Asie, fut accusé de se livrer à des opérations magiques pour découvrir si les destins ne lui réservaient pas l’empire. La chose est possible, car la magie était la folie de cette époque. Le législateur en avait même si grande peur qu’il avait fait de ces pratiques un crime capital, et Tertullien estime que c’était justice, parce que cette curiosité téméraire suppose toujours de mauvais desseins[25]. Apronianus fut condamné. L’intérêt de ce procès n’est pas dans les suites qu’il eut pour l’accusé, mais dans la scène que Dion raconte. Lorsqu’on nous lut les pièces de l’instruction, nous y trouvâmes cette déposition d’un témoin : J’ai vu un sénateur chauve qui se penchait pour regarder. A ces mots, nous fûmes dans les transes, car ni le témoin ni le prince n’avaient nommé personne. La crainte fut extrême parmi tous les sénateurs dont la tête, ou même seulement le haut du front, était dégarni de cheveux. Nous regardions avec anxiété autour de nous, et l’on disait tout bas : C’est un tel ; non, c’est celui-là. Je ne cacherai pas que mon trouble était si grand, que je cherchais avec ma main à ramener mes cheveux sur ma tête. Mais le lecteur ajouta que ce chauve était revêtu de la prétexte. Tous les yeux se tournèrent alors vers l’édile Bæbius Marcellinus, qui était atteint d’une calvitie complète. Il se leva et, s’avançant au milieu de l’assemblée, dit : Le témoin me reconnaîtra nécessairement, s’il m’a vu. On introduisit le délateur, qui chercha longtemps, et, à la fin, sur un léger signe qu’on lui fit, désigna Marcellinus. Convaincu ainsi d’être l’homme chauve qui avait regardé, il fut emmené hors du sénat et décapité dans le Forum, avant que Sévère eût été instruit de sa condamnation[26].

S’il l’avait connue, l’eût-il approuvée ? Il n’avait pas désigné Marcellinus dans les pièces de l’instruction transmise ait sénat, et peut-être se serait-il souvenu que lui-même avait été en grand péril, sous Commode, au sujet d’une pareille accusation[27] ?

Mais ce qu’il faut noter, ce sont ces terreurs du sénat, cette joie de détourner sur une tête probablement innocente le coup suspendu sur les autres, cette hâte à faire suivre la sentence d’une exécution immédiate, à priver l’accusé de toutes les garanties d’une bonne justice et le condamné du bénéfice de la loi de Tibère sur le délai des dix fours. On voit par là qu’une chose plus funeste que le despotisme des Césars fut la lâche servilité de ceux qui entouraient le prince et qui, ne se servant même pas pour le contenir des lois existantes, ne laissaient d’autre recours contre lui que les conjurations.

Y en eut-il sous Sévère ? Certains témoignages le disent. Plusieurs fois sa vie fut en danger, assure Ammien Marcellin[28], et des inscriptions contiennent des actions de grâces aux dieux pour les remercier d’avoir protégé l’empereur et sa famille contre les coupables machinations des ennemis de l’État. Ammien Marcellin cite un seul de ces complots, celui qu’on avait attribué à Plautianus, et il est difficile que les inscriptions, dont une est de l’année 208, se rapportent au même événement[29]. Défendu par le dévouement de ses prétoriens et des légions, ayant deux fils qui arrivaient à l’âge d’homme et qu’il fallait frapper en même temps que lui, l’empereur n’avait rien à craindre. Entre la mort de Plautianus et le départ de Sévère pour la Bretagne, Dion ne parle que des condamnations dont il vient d’être question. Comme il ne croit pas à la trahison de Plautianus et qu’il n’en signale point d’autres, nous sommes autorisés à dire qu’il n’y en eut pas et que la source des plus grandes iniquités était tarie.

Cependant Sévère a bien mauvais renom ; il le mérite à cause des exécutions dont il fit suivre chaque guerre civile et des condamnations qu’il laissa prononcer en vertu de lois détestables, telles cependant que nos sociétés en ont connu longtemps. Mais lorsqu’on serre de près les vagues accusations des écrivains postérieurs, on ne trouve plus cette tyrannie sombre à laquelle le nom de cet empereur fait songer. Spartien, par exemple, lui reproche quantité de meurtres dont son avarice fut la cause ; suivant Dion, au contraire, il ne fit mourir personne pour se procurer de l’argent[30]. Un autre ancien ne parle de confiscations que pour les méchants qui avaient été convaincus[31], et le grand apologiste chrétien de ce temps tient tous ces malheureux pour justement condamnés. N’avons-nous pas, d’ailleurs, des témoins plus dignes de foi que les scribes misérables de Dioclétien[32], ceux qui, par leur seule collaboration à l’œuvre de Sévère ; déposent en sa faveur ? Quand nous trouvons Paul et Ulpien siégeant dans le conseil impérial[33] et Papinien au prétoire, nous avons le droit de dire qu’il y avait de la sagesse dans le gouvernement et de la justice dans l’administration.

Le prince qui avait choisi de tels serviteurs était lui-même aussi bon jurisconsulte que grand général. Dans son conseil, on parlait sans entraves : Paul y soutint contre lui de savantes discussions : et lorsqu’il publia son recueil des décisions de l’empereur, il en critiqua quelques-unes avec une liberté qui honore à la fois le conseiller et le prince. On s’accorde à le représenter simple dans ses vêtements, sobre dans son régime, avec de la dignité dans la vie[34], le respect de soi et de son rang. Légat en Afrique, il avait fait bâtonner un de ses concitoyens de Leptis qui, écartant les faisceaux, l’avait embrassé en pleine rue ; et, empereur, il semble avoir vécu en prince qui pouvait poursuivre les adultères sans qu’on lui reprochât d’être moins indulgent pour les autres que pour lui-même. On ne trouve rien à relever contre ses mœurs, si ce n’est dans sa jeunesse une accusation qui est fausse[35], et, plus tard, une autre qui est absurde, celle par laquelle on prétendait expliquer son affection pour Plautianus.

Il ne laissa aucune influence aux césariens, c’est-à-dire à ses affranchis et à la domesticité du palais, même à son frère qui pensait avoir large part au pouvoir et qu’il renvoya bien vite dans son gouvernement de Dacie : prudence rare chez un prince absolu et qui fut d’autant plus appréciée. Les courtisans, mal inévitable, n’avaient pas beau jeu avec cet empereur dédaigneux des pompes du pouvoir, qui rejetait la plupart des honneurs que lui décernait le sénat, en disant aux pères conscrits : Ayez dans le cœur l’affection pour moi dont vous vous targuez dans vos décrets. Après sa campagne parthique, il refusa le triomphe sous prétexte que la goutte l’empêchait de se tenir assis sur le char triomphal, et, quand il s’agissait d’inspecter une armée, une province, il traversait tout l’empire. Il était aussi insensible au mal qu’on disait de lui : bonne disposition pour voir et agir avec sérénité. Un sénateur, dont l’esprit mordant s’était plus d’une fois exercé contre le prince, osa lui dire, quand Sévère se fit inscrire dans la famille des Antonins : Je te félicite, César, d’avoir trouvé un père. L’épigramme était à peine voilée ; Sévère parut ne pas la comprendre, et l’auteur du mot garda son crédit. Un autre, railleur impitoyable, avait été, pour les méfaits de sa langue, mis aux arrêts dans son palais comme après un procès de presse nous consignons le coupable dans une maison de santé. Il continua à mordre contre toutes gens, y compris les empereurs. Sévère commanda qu’il lui fût amené et jura qu’il lui ferait couper la tête. Tu peux bien la faire couper, répondit-il ; mais tant qu’elle me restera sur les épaules, je te jure que ni toi ni moi nous n’en serons les maîtres. L’empereur rit, et le moqueur qui se moquait de lui-même fut renvoyé libre[36]. Débonnaire à l’égard de ses adversaires, quand sa sûreté et l’ordre public n’exigeaient pas de sévérité, il fut ami fidèle et dévoué avec ceux qui avaient su gagner son affection : il les comblait de biens et d’honneurs, les soignait dans la maladie et faisait provision, pour les distribuer, de remèdes coûteux que Galien lui composait. Il guérit ainsi Antipater, son secrétaire pour les lettres grecques, le fils d’un Pison et la matrone Arria[37]. Cette conduite ne révèle pas un naturel bien farouche.

Toutes ses heures étaient consacrées au service public, parce qu’il voulait ne négliger rien de ce qui était nécessaire au succès de ses entreprises[38]. Dion nous donne l’emploi de ses journées : Dès le point du jour, il se mettait au travail, ne l’interrompant que pour une promenade à pied durant laquelle il s’entretenait des affaires publiques avec ceux qu’il appelait à l’accompagner. L’heure venue de siéger à son tribunal, il s’y rendait, à moins que ce ne fût jour férié, et y restait jusqu’à midi. Il accordait aux parties tout le temps qu’elles demandaient, et à nous, qui siégions à ses côtés, une grande liberté pour dire notre sentiment. Après l’audience, il montait à cheval ou se livrait à quelque exercice, puis se mettait au bain. Il dînait seul ou avec ses enfants, dormait habituellement après ce repas et se faisait éveiller pour s’entretenir, tout en se promenant encore, avec des lettrés grecs ou latins. Le soir il prenait un second bain et soupait avec ceux qui se trouvaient en ce moment près de lui, car il n’invitait personne et réservait les festins somptueux pour les jours où il ne pouvait s’en dispenser[39]. Cette vie bien réglée annonce un homme qui devait aimer l’ordre en tout.

L’impératrice était digne de lui. Fille de Julius Bassianus, prêtre du Soleil à Émèse[40], elle habitait cette ville lorsque Sévère commandait une légion en Syrie, et peut-être que le souvenir de sa beauté, autant que l’horoscope qui lui avait promis un époux royal, le décida à demander sa main. On lui accorde une prudence qui, dans cet esprit viril, s’alliait à l’audace. C’est elle, assure-t-on, qui avait décidé Sévère à prendre la pourpre[41]. Aussi lui montrait-il de grands égards : il l’emmenait dans ses expéditions, et, comme dans les inscriptions il se laissait appeler dominus poster, le maître, elle se nommait domna, la maîtresse[42] ; on lui donnait encore le titre de mère des camps, du sénat et de la patrie, même du peuple romain[43].

Pour l’histoire, la mère de Caracalla est restée surtout fameuse par sa triste fécondité,   et des écrivains postérieurs, ramassant les médisances de ce peuple dont c la langue était toujours en révolte[44], lui reprochaient des adultères ; mais ils lui reprochaient aussi d’avoir conspiré contre son époux. Dion ne parle ni de l’une ni de l’autre accusation, et l’absurdité de la seconde donne des doutes sur la première, alors même qu’on n’admettrait pas que l’élévation habituelle de ses pensées, ses quatre enfants[45] et le rang suprême aient dû la préserver de vulgaires égarements. Elle avait l’esprit curieux et porté vers les grands problèmes, car elle s’inquiétait des idées et des croyances qui couraient alors le monde. Dans le palais, elle s’était formé un cercle[46] de beaux esprits où l’on discutait sur toutes choses et qui a peut-être donné à un contemporain l’idée de son Banquet des savants[47]. Elle ne s’offensait pas d’être appelée Julia la Philosophe[48]. Il y a des raisons de croire que Diogène de Laërte lui dédia son Histoire des Grecs qui s’étaient rendus célèbres par la philosophie[49], et il est certain qu’elle chargea Philostrate d’écrire pour elle la Vie d’Apollonius de Tyane, à qui le fils de Sévère consacrera un héroon[50]. Toute-puissante durant le règne de Caracalla, elle philosophait encore en gouvernant l’empire[51], et elle garda ces goûts jusqu’à la mort ; ils se conservèrent même après elle au Palatin : un demi-siècle plus tard, l’impératrice Salonina se plaisait à converser avec Plotin.

Près d’elle étaient sa sœur et ses deux nièces, célèbres aussi pour leur beauté : Julia Mæsa, qui, plus tard, sut à elle seule venger sa race en renversant un empereur et qui disposa deux fois de la pourpre en faveur de deux enfants ; Julia Soæmias, que les monnaies représentent sous les traits de la Vierge Céleste, mais que Lampride accuse d’avoir été folle de son corps, réputation qu’elle dut peut-être à son fils Élagabal ; enfin la sage Mammæa, doublement mère d’Alexandre par le sang et par l’éducation qu’elle donna à ce prince en qui l’on crut entrevoir un nouveau Marc-Aurèle. Préoccupée du grand mouvement d’idées qui troublait alors les intelligences, Mammée désira, quand elle entendit parler d’Origène, connaître le plus savant des chrétiens de ce temps ; et de même que l’impératrice se faisait raconter la merveilleuse histoire de cet ascète pythagoricien qu’on disait une incarnation du dieu Protée, Apollonius de Tyane, sa nièce voulut apprendre de l’homme d’airain[52] ces doctrines étranges qui menaient joyeusement au martyre.

Dans cette société d’esprits supérieurs nous avons le droit d’introduire trois hommes dont la postérité ne prononce le nom qu’avec respect : un parent de Julia Domna, Papinien, qui lui dut sa fortune ou qui avait fait la sienne[53] ; Ulpien, compatriote des illustres Syriennes, et Paul, membre, comme lui, du conseil suprême[54]. Auprès de l’impératrice, ces graves personnages oubliaient le prétoire pour ne conserver de leur science profonde que ce qui convenait à une conversation élevée. Parfois on lisait des vers d’Oppien, que le prince avait payés au poids de l’or[55], et ceux que Gordien, le futur empereur, écrivait alors pour glorifier cette maison antonine[56] où la nouvelle dynastie cherchait ses aïeux. Philostrate, un des habitués du palais, y récitait son Heroïcos, qui montrait Caracalla sous les traits d’Achille ; Élien, fameux en ce temps-là pour la douceur de son style et sa piété profonde, était sans doute admis à y conter quelques-unes de ses Histoires variées[57], et Galien, dont nous avons cité de magnifiques paroles, certainement répétées plus d’une fois au cercle impérial, y discourait avec une verve entraînante sur la science et la philosophie, surtout quand il était aux prises avec un ami de Geta, Serenus Sammonicus, qui se mêlait de médecine et avait bien des curiosités à tirer des soixante-deux mille volumes de sa bibliothèque[58].

L’empereur se plaisait à ces graves entretiens, car ce rude soldat aimait les lettres et voulait être au courant de toute doctrine[59]. Avant d’arriver à l’empire, il avait passé aux écoles d’Athènes, causa studiorum, tout le temps d’une disgrâce[60], et Galien nous conte qu’il eut une estime particulière pour une grande dame romaine, parce qu’elle lisait Platon[61]. Cette Arria devait être aussi une habituée du cercle de l’impératrice. Ne dirait-on pas une de ces cours italiennes du quinzième siècle qui virent Platon renaître et où les plus grandes dames écoutaient de savantes dissertations sur un monde qui, lui aussi, voulait se renouveler ? Mais, à Florence, on entrait dans la pleine lumière, tandis que dans la Rome de Sévère, malgré une égale curiosité d’esprit, on errait au milieu de confuses clartés.

 

II. — LÉGISLATION ET ADMINISTRATION ; PAPINIEN.

Un prince se juge aussi par les conseillers qu’il prend. J’ai cité Papinien parmi les familiers du palais. Le grand jurisconsulte était l’ami de Sévère depuis leurs jeunes années, et, après son avènement, le prince l’avait nommé magister libellorum[62]. Cette charge obligeait le maître des requêtes à lever les doutes des juges, à répondre aux questions des gouverneurs et aux suppliques des particuliers. Ces rescrits, rédigés pour des cas spéciaux, formaient souvent des exceptions au droit commun. Ils élargissaient la législation antérieure et y faisaient pénétrer l’esprit de justice que les jurisconsultes nous ont montré. Ceux de Papinien eurent surtout ce caractère[63]. C’était un esprit sûr et clair, une âme élevée pour qui le droit et l’honnête se confondaient, un écrivain élégant dont les livres devenus classiques furent prescrits dans les écoles de droit[64]. La loi des citations, rendue deux siècles plus tard par deux empereurs chrétiens, le mit au-dessus de tous les jurisconsultes romains[65].

Après la mort de Plautianus, Sévère donna à Papinien la préfecture du prétoire, en revenant à la coutume souvent interrompue, mais très ancienne, de partager cette charge redoutable entre deux, quelquefois même entre trois titulaires[66]. Cet usage, contraire à toutes les institutions militaires de l’empire, était commandé par l’importance de la fonction et la variété de talents qu’elle exigeait.

Papinien eut pour collègue un homme de guerre, Mæcius Lætus. En voyant à la tête de l’armée le vaillant et habile défenseur de Nisibe[67], à la tête de l’administration civile le jurisconsulte dont un ancien a dit qu’il aimait la justice autant qu’il la connaissait, on doit tenir pour certain que l’État fut bien servi par ces deux hommes qui, durant huit années, restèrent autant les amis que les ministres du prince. Malheureusement, nous savons fort peu de chose de leurs travaux.

Cependant l’œuvre législative de Sévère fut considérable : les fragments de ses rescrits dépassent en nombre ceux du plus actif de ses prédécesseurs. Il fit beaucoup de lois excellentes, dit Aurelius Victor, et Tertullien ajoute des lois utiles ; car il félicite celui qu’il appelle le plus conservateur des princes[68] d’avoir réformé la loi Papia Poppæa, qui était à elle seule presque tout un code[69]. Malheureusement il ne subsiste à peu près rien de cette législation, et la plupart des rescrits de Sévère qui nous restent ne sont que des applications d’anciennes lois qui servaient aux jurisconsultes à fixer la jurisprudence[70]. Pour l’histoire de la législation romaine, ces rescrits ont donc peu d’importance ; mais ils en ont une grande pour l’histoire politique, car ils montrent dans quel esprit ce prince entendait que les lois fussent appliquées, et cet esprit est un sentiment d’équité bienveillante dont nous devons conserver le souvenir : benignissime rescripsit, dit un jurisconsulte. Lui-même marqua ce caractère de son administration lorsque, dans un discours qu’il fit lire au sénat par son fils, il demanda aux Pères d’adoucir la rigueur du droit[71]. Si un homme, dit un des grands jurisconsultes de ce temps, est accusé de crimes qui se référent à deux dispositions pénales différentes, l’une plus douce, l’autre plus sévère, c’est la première qu’on appliquera[72]. Les actes répondirent aux paroles.

Pour mettre ses richesses en sûreté, on les déposait volontiers dans un temple, et un vol en pareil lieu entraînait la peine du sacrilège ; Sévère n’accorda que l’actio furti contre ceux qui, sans toucher aux objets sacrés, avaient dérobé le dépôt d’un particulier. Toutefois il condamna à la déportation le fils d’un sénateur qui avait fait porter dans un sanctuaire un coffre où il avait, caché un homme, pour que celui-ci, la nuit venue et les portes closes, s’emparât des objets à sa convenance[73].

Dans les cas de trahison et de majesté, le fisc héritait des biens présents ou futurs du condamné ; il décida que les enfants du coupable conserveraient les droits utiles qu’avait eus leur père sur ses affranchis ; et cela fut estimé une grande douceur[74]. S’il n’abolit pas la loi injuste, mais profondément romaine de la confiscation, du moins il en adoucit les rigueurs, et ses conseillers écrivaient, en toute circonstance, que la faute du père ne retombe pas sur le fils ; que les enfants naturels, adultérins, même incestueux, ne peuvent être exclus des honneurs, à cause de la tache de leur naissance[75]. Un de ses rescrits établit un nouveau mode de confiscation contre lequel il n’y a point à réclamer : Le mari, disait-il, qui ne poursuit pas la vengeance de sa femme assassinée perdra tout ce qui lui serait revenu de la dot[76]. Il condamnait à un exil temporaire la femme qui, par des manœuvres abortives, avait enlevé à son mari l’espoir d’une paternité[77].

Vendre une statue d’empereur ou la frapper d’une pierre était un crimen majestatis qui avait coûté la vie à beaucoup ; il autorisa la vente des statues non consacrées et admit l’excuse d’erreur[78].

Point de sentence contre un absent ; l’équité s’oppose à ce qu’un jugement soit prononcé sans que la cause ait été contradictoirement entendue[79].

Si l’accusateur se désiste, interdiction pour lui de reprendre l’accusation[80]. Même chose, en France, quand le ministère public abandonne la poursuite à l’audience.

L’accusé sera traduit devant le juge du lieu où le crime a été commis[81] ; là aussi il subira sa peine[82], afin que les témoins de la faute le soient de l’expiation. Nous agissons encore de même.

Pour les déportés, la peine survivait à la mort, et le cadavre du condamné était banni de la tombe paternelle. Sévère ne rapporta pas cette loi, mais il en accorda très souvent la dispense[83].

Des pupilles étaient dépouillés par des tuteurs infidèles : il interdit aux tuteurs et curateurs d’aliéner les biens des mineurs, à moins d’une autorisation donnée par le préteur urbain ou le gouverneur[84]. Nous avons des prohibitions analogues.

Rappelons pour lui en faire honneur le rescrit qui autorisa les Juifs à briguer les honneurs municipaux sans renoncer à leur culte.

Il n’est pas certain que Sévère ait beaucoup amélioré la condition des esclaves ; au moins furent-ils après lui plus assurés des avantages qu’ils avaient déjà conquis, par l’application qu’il fit, en certaines circonstances, des dispositions qui leur étaient favorables.

Défense au maître d’intenter une action contre son affranchi à raison d’une faute qu’il aurait commise dans l’état de servitude ; défense à tous de reprocher à une femme le gain honteux qu’elle a pu être forcée de faire avant son affranchissement ; défense aux femmes de combattre dans l’arène[85].

Si un esclave a dû la liberté à un faux codicille, il la gardera, mais payera vingt solidi à l’héritier[86] : décision qui sauvait tout à la fois l’équité et la justice, en laissant à l’esclave le bénéfice d’une erreur heureuse et à l’héritier un dédommagement pour la diminution de son héritage.

Il ouvre même à leurs enfants l’accès des honneurs : Qu’on n’empêche pas Titius, né d’une femme libre, mais d’un père encore dans la servitude, d’arriver au décurionat dans sa cité[87].

Le condamné était dit servus pœnæ. Que devenait l’esclave envoyé aux mines quand une faveur du prince l’en faisait sortir ? Le condamné, répond l’empereur, était serf de la peine ; la peine étant supprimée, il est libre[88]. Singulier mode d’affranchissement : une sentence capitale ayant pour, conséquence de donner à l’esclave la liberté ! La condamnation de l’esclave avait, en effet, substitué l’État aux droits du maître, et celui-ci ne pouvait les recouvrer par le fait de la grâce que le prince accordait au servus pœnæ. C’était une application rigoureuse des principes, mais il faut que ces principes aient été quelquefois violés pour que le prince, interrogé à ce sujet, les ait de nouveau confirmés.

Le préfet de la ville avait maintenant toute la juridiction criminelle dans Rome et jusqu’au centième mille, excepté sur les sénateurs, qui étaient justiciables du sénat. Sévère lui prescrivit de recevoir les plaintes des esclaves contre les maîtres durs ou débauchés et de veiller à ce que nul d’entre eux ne fût contraint à un traite honteux[89].

Il y avait, surtout à l’armée, beaucoup d’esclaves appartenant à plusieurs maîtres. Sévère décida que, si l’un de ceux-ci affranchissait l’esclave commun, le ou les copropriétaires seraient obligés de lui vendre leur part au prix fixé par le préteur, afin que l’affranchi restât en possession de la liberté. Ce règlement a duré jusqu’à Justinien. Contrairement à un rescrit d’Hadrien, il ne laissa pas mettre à la torture l’esclave commun pour le procès d’un des maîtres, et, rappelant que la loi ne permettait point, excepté dans certains cas déterminés, d’arracher à des esclaves par la torture des aveux contre leur maître, il ajoutait : à plus forte raison leurs dénonciations ne sont-elles pas recevables[90]. Ce principe de discipline sociale avait été si souvent violé sous les mauvais princes, qu’il faut tenir compte à Sévère d’en avoir rappelé l’autorité légale.

Dans les causes fiscales, on forçait le prévenu à démontrer la légitimité de sa fortune ; il décida que c’était au delator à faire la preuve du bien fondé de son accusation. C’est encore une des règles de notre législation. Enfin il édicta ce principe que, toutes les fois qu’il y aurait doute sur le sens de la loi, on consultât les précédents ou la coutume qui, dans ce cas, auraient force de loi. Les coutumes locales n’étaient donc pas supprimées au commencement du troisième siècle[91].

Sévère, qui se plaisait à incliner doucement la loi vers les solutions indulgentes, fut rigoureux envers le désordre, sous quelque forme qu’il se produisit. Il augmenta les sévérités de la loi Julia sur les adultères, sans grand profit pour les mœurs, lesquelles ne se corrigent point par un article de code[92]. Mais il fut aussi sans complaisance pour ses propres intérêts : il rejetait tout legs où manquait la plus simple des formalités, en disant ces paroles qui sont belles dans la bouche d’un prince à qui la constitution accordait la dispense de toutes les lois : Il est vrai que je suis au-dessus des lois ; mais c’est avec elles et par elles que je veux vivre[93].

La loi défendait aux fonctionnaires de prendre femme, même de laisser leur fils se marier dans la province où ils commandaient. Cependant des mariages de cette sorte se faisaient. Pour prévenir toute pression sur les familles provinciales en vue d’unions intéressées, Sévère décida que le fonctionnaire ayant épousé, dans le ressort de sa juridiction, une riche héritière, ne pourrait hériter d’elle[94].

Les logements militaires et civils étaient une charge pour les provinces, et souvent on en abusait ; il recommanda aux gouverneurs de veiller à la stricte observation des règlements[95].

Plusieurs des dispositions que nous venons de rappeler n’étaient pas nouvelles ; mais Sévère se les appropriait en les répétant, et quelques-unes prouvent que la société romaine continuait à opérer par elle-même la plus grande évolution sociale de l’antiquité : l’esclave cessant d’être une chose pour devenir une personne.

Notons, en sens contraire, le déclin du régime municipal qui commençait. L’espèce d’hérédité établie par Auguste pour le sénat de Rome s’était peu à peu étendue. Des fils de décurion, sans doute en nombre déterminé, les prætextati, prenaient séance, mais ne votaient qu’après leur vingt-cinquième année, quand ils avaient géré une charge et que la mort ou une condamnation avait fait un vide parmi les titulaires[96]. Paul, un des conseillers de Sévère, venait d’écrire : Celui qui n’est pas membre de la curie ne peut être nommé duumvir, parce qu’il est interdit aux plébéiens de prétendre aux honneurs du décurionat. D’autre part, ses illustres contemporains, Papinien et Ulpien, admettaient qu’un homme du peuple pouvait arriver à la curie, non par la lectio que ne faisait plus le duumvir quinquennal, mais par la cooptatio. Du reste pour eux aussi les fils des décurions formaient une classe privilégiée[97]. Nous sommes donc à une époque de transition où les anciennes libertés s’effacent sans avoir complètement disparu. La curie n’est pas encore fermée aux hommes nouveaux, mais l’aristocratie municipale serre de plus en plus ses rangs, et le mouvement de concentration s’accélère. Déjà Ulpien est d’avis que le décurion qui abandonne sa ville doit y être ramené par le gouverneur de la province, afin qu’il s’acquitte des charges qui lui incombent ; et Septime Sévère prescrit à tous ses agents de n’autoriser qu’avec une extrême circonspection de nouvelles impositions municipales[98] ; aux proconsuls, à ses légats, d’exercer une rigoureuse surveillance sur les travaux publics et sur les associations illégales[99]. Il n’est rien dans la province, dit le conseiller de Sévère, qui ne puisse être exécuté par le gouverneur[100]. D La centralisation s’accroît aux dépens de la vitalité locale. Mais, on le verra plus loin, ce sont moins les princes qui empiètent que les municipes qui rendent ces empiétements nécessaires.

A lire tous ces rescrits et tant d’autres dont je n’ai point parlé, on est forcé de reconnaître que si Septime Sévère n’a pas été le réformateur que l’empire attendait depuis Auguste, il fut un prince attentif aux besoins de son temps.

De tous ces besoins, le plus impérieux, après l’horrible confusion commencée sous Commode et qui, après lui, s’était continuée durant cinq ans, c’était l’ordre public. Pour en finir avec les guerres civiles, les révoltes militaires et les brigandages à main armée, pour remettre chaque homme et chaque chose à sa place, il fallait une énergie peu commune, et Sévère eut cette énergie. Il corrigea beaucoup d’abus, disent Spartien et Aurelius Victor[101] ; il fut terrible aux méchants, ajoute Zosime, et, selon Hérodien, il rétablit l’ordre dans les provinces ; tous enfin s’accordent à le montrer sans indulgence pour les gouverneurs trouvés coupables[102], parce qu’il savait que ce sont les grands voleurs qui font les petits[103]. Un préfet d’Égypte, accusé de faux, fut frappé des peines prescrites par la vieille loi Cornelia de falsis. Mais il prit soin d’avoir rarement à punir, en s’appliquant à faire d’excellents choix, ce qui est, pour un souverain, l’art par excellence, et en comblant d’honneurs ceux qui remplissaient bien leur office[104].

Hérodien et, après lui, les modernes reprochent à Sévère d’avoir relâché la discipline, accusation étrange pour un tel homme. Elle provient d’un mot rapporté à Dion[105] du fond de la Bretagne et qui peut-être avait été fabriqué à Rome. Sur son lit de mort, il aurait dit à ses fils : Enrichissez les soldats, et moquez-vous du reste. La parole est brutale dans la forme, et cette brutalité a fait sa fortune. Mais qui a entendu cette confidence suprême et dangereuse ? Cependant ce mot, comme tant d’autres mots prétendus historiques, aura un fond de vérité si on le ramène à ces simples termes qui ont pu être la pensée de Sévère : Tenez l’armée satisfaite pour l’avoir dévouée ; c’est-à-dire payez-la bien et honorez-la, parce que toute la force de l’État est en elle. Ce qu’il conseillait, il l’avait exécuté, donnant aux généraux de riches dotations ; aux tribuns des prétoriens, la dispense des tutelles, même pour les enfants de leurs collègues ; aux vétérans, celle des obligations personnelles envers la cité[106] ; aux légionnaires, une solde plus forte, une ration de blé meilleure, des gratifications plus fréquentes et le droit de porter l’anneau d’or, insigne qui fit désormais partie de, l’uniforme. La dépréciation des métaux précieux et le besoin d’attirer la population romaine sous les drapeaux rendaient ces mesures nécessaires. Nous agissons de même, par les mêmes raisons, pour la solde, l’ordinaire de nos troupes et la médaille militaire, sans penser les corrompre. Et ces dépenses n’épuisèrent pas le trésor, puisque les finances de l’empire ne furent jamais plus florissantes[107]. Hérodien dit encore qu’il autorisa les légionnaires à demeurer avec leurs femmes[108]. Son édit fut une mesure de moralité. Depuis l’établissement des armées permanentes, il était de règle que le soldat ne fût point marié. La loi ne le permet pas, dit Dion ; c’est à certains vétérans que le prince donne le droit de contracter de justes noces, ajoute Gaius[109], en désignant les soldats qui obtenaient le congé d’honneur. Au commencement du troisième siècle, Tertullien rappelait encore ce principe[110]. Mais la nature réclamait ; les hétaïres suivaient les armées, et dans les cantines, dans les villages, qui, peu à peu, formaient une ville autour du camp, se trouvaient de nombreuses familles que la loi ne connaissait pas[111]. L’empereur, qui avait accru la sévérité des peines contre l’adultère, n’aimait point ce désordre. Il régularisa l’usage, en permettant aux légionnaires de contracter des unions légitimes[112]. Domitien avait déjà accordé à des vétérans, sans les licencier, le jus connubii. Les soldats profitèrent de ce nouveau droit pour établir leurs ménages près du camp et pour y vivre ; il en résulta des inconvénients qu’une main ferme et de simples règlements de service auraient suffi à empêcher. Sévère avait cette fermeté, mais ses successeurs ne l’auront pas, et la discipline de l’armée fléchira.

La religion du serment, que les armées de Trajan et d’Hadrien observaient encore, était bien affaiblie à l’avènement de Sévère. On a vu, sous Commode, l’insurrection des légions de Bretagne ; à sa mort, celle des prétoriens, puis de toutes les armées. Sévère lui-même, au commencement, eut à faire tête, dans son camp, à deux séditions ; à une troisième, dans Rome[113] ; à une quatrième, dans la province d’Arabie. Il rétablit la discipline, d’abord en donnant l’exemple des qualités militaires ; à Lyon, il se battit en soldat ; dans la Mésopotamie, l’armée souffrait de la soif et ne voulait pourtant pas de l’eau pourrie d’un marécage ; à la vue de tous, il en but une large coupe[114]. Puis, il ne laissa pas l’esprit frondeur se glisser au milieu des troupes : un tribun des cohortes prétoriennes expia par la mort de lâches propos[115]. Enfin, il chassa des camps le désordre et la mollesse. Plus d’un gouverneur reçut sans doute une lettre pareille à celle qu’il écrivit un jour à un des légats de la Gaule : N’est-il pas honteux que nous ne puissions imiter la discipline de ceux que nous avons vaincus ? Tes soldats vagabondent et tes tribuns sont au bain, au milieu du jour.... Où ils mangent, ce sont des cabarets ; où ils couchent, des lieux de débauche. Ils passent leur temps à danser, boire et chanter ; des repas sans terme, des libations sans mesure, voilà leur occupation. Verrait-on de telles choses, si nous avions gardé quelque sentiment de l’ancienne discipline ? Corrige d’abord les tribuns, ensuite le soldat. Tant que tu le craindras, il ne te craindra pas. Niger a dû te l’apprendre : pour que le soldat soit docile, il faut que les chefs soient respectables[116].

Ces derniers mots font grand honneur à celui qui parlait ainsi de Niger après l’avoir vaincu ; niais, à côté de cette lettre, que peut-il rester de l’accusation d’avoir détruit la discipline ? Un prince lâche ou indolent peut laisser flotter les rênes ; jamais un général que cinq années de guerre ont mis en possession du pouvoir n’a pensé que le désordre dans les camps fût une force pour lui, et Sévère, qui maintenait si énergiquement la discipline civile, devait le penser moins que tout autre. Un ancien lui rend expressément le témoignage qu’il établit un ordre excellent dans les armées[117], et Dion en donne la preuve lorsqu’il montre les troupes soulevées contre Macrin, parce que celui-ci voulait remettre en vigueur les règlements militaires du premier empereur africain.

Il accrut l’armée de trois légions auxquelles il donna le nom de Parthiques. La première et la troisième gardèrent la nouvelle province de Mésopotamie ; la seconde, composée sans cloute de soldats particulièrement dévoués, fut, contrairement à l’usage, ramenée en Italie et cantonnée près d’Albano[118], pour rappeler sans cesse aux Romains le souvenir des victoires d’Orient, mais aussi pour être une réserve fidèle contre une émeute populaire ou quelque sédition prétorienne. Sévère pouvait certainement compter sur sa nouvelle garde ; mais il était trop prudent pour oublier le rôle joué par ce corps dans les récentes catastrophes, qui lui en rappelaient de plus anciennes. La deuxième légion Parthique fut une précaution contre toute surprise. Hérodien dit cependant qu’il quadrupla le nombre des prétoriens ; ce n’est point vraisemblable, et c’était impossible sans troubler profondément toute l’organisation militaire de l’empire. Dion et Spartien n’en parlent pas ; nous ferons comme eux[119].

Est-ce l’empereur qui chargea Menander, membre de son conseil, d’écrire ses quatre livres de Re Militari[120], c’est-à-dire de rédiger une sorte de code militaire ? On peut, du moins, admettre qu’il encouragea cette entreprise. Nous savons que plus tard on parlait des règlements de Sévère pour l’armée[121].

Au nombre de ses précautions militaires, il faut compter la division de plusieurs provinces trop vastes. De la Syrie et de la Bretagne venaient de sortir des guerres civiles formidables ; il partagea chacune d’elles en deux commandements ; il fit de même en Afrique, où la Numidie, comprise depuis l’an 25 avant Jésus-Christ dans le gouvernement proconsulaire d’Afrique, forma enfin une province particulière[122].

A Rome, il tint le peuple content et paisible par des largesses dont le total s’éleva pour son règne 1 220 millions de deniers et par la régularité des distributions : les greniers de l’État eurent toujours sous lui du blé pour sept ans et de l’huile pour cinq années. Il construisit un grand temple de Bacchus et d’Hercule, des thermes dont il ne subsiste lien, et le Septizonium, portique à sept étages de colonnes qui aurait fait un vestibule, peut-être magnifique, certainement étrange, au palais des Césars, du côté de la voie Appienne, si les augures n’avaient point déclaré, que les dieux interdisaient de changer l’entrée du Palatin. Pour lui-même, il se battit sur les pentes du Janicule, aux lieux où s’élèvent le palais Corsini et la Farnesina, une villa dont les jardins descendaient jusqu’au Tibre et remontaient au sommet de la colline. Une porte ouverte prés de là, dans l’enceinte d’Aurélien, rappelle encore son nom, la porta Settimania. En bon administrateur, il répara tous les édifices publics, entre autres le Panthéon d’Agrippa[123] et le théâtre d’Ostie ; Dion trouve que Sévère mettait trop d’argent à ces constructions ; mais les travaux publics sont un luxe nécessaire, quelquefois glorieux, et l’économie que Sévère faisait régner au palais lui permettait les larges dépenses pour les choses utiles. Il subsiste quelques restes intéressants du petit arc que lui élevèrent les négociants du Forum boarium, et l’on a retrouvé plusieurs fragments d’un plan de Rome qui parait avoir été, au temps de Sévère, gravé sur des plaques de marbre ; l’ensemble devait avoir plus de 300 mètres carrés[124].

Les provinces se ressentaient de cette libéralité. On a vu ce qu’il fit à Byzance, à Antioche, à Alexandrie et dans toute l’Égypte.

En Syrie, il bâtit à Baalbek (Héliopolis) le temple de Jupiter, à droite et en contrebas du tertre où Antonin avait élevé celui du Soleil sur l’emplacement d’un sanctuaire gigantesque construit par les Phéniciens à une époque reculée. La trop riche ornementation de cette œuvre accuse, comme l’arc Septiminien de Rome, la décadence de l’art décoratif. Les architectes n’avaient plus la calme sérénité dés anciens maîtres. Leur imagination aussi s’était affolée, et ils tourmentaient la pierre comme les philosophés tourmentaient les idées. Ce temps, qui faisait colossal, ne savait plus faire simple, parce qu’il avait perdu le sentiment de la vraie grandeur. Mais, vues à distance, quel ensemble magnifique formaient ces constructions gigantesques d’Héliopolis, dont les seules ruines opposent à la majesté menaçante du désert l’image de la prodigieuse activité des hommes qui remplissaient autrefois ces solitudes de mouvement, de bruit et de richesses.

Bien d’autres villes, ajoute son biographe, lui durent de remarquables monuments[125]. Carthage, Utique, la Grande Leptis, reçurent de lui le droit italique ou l’exemption de l’impôt foncier[126]. La dernière de ces villes était son lieu d’origine ; il ne dut pas oublier de l’embellir, mais il ne reste aucune trace des travaux qu’il fit, ni de la maison paternelle, que la cité avait conservée avec un soin religieux et que Justinien fit rebâtir[127]. Sévère avait pourvu au plus pressant besoin en contraignant, par des exécutions militaires, les nomades qui désolaient la Tripolitaine à en respecter la frontière. En reconnaissance de la sécurité qui lui était rendue, la province prit l’engagement, qu’elle tint jusqu’à Constantin, de fournir chaque année à Rome une certaine quantité d’huile et de blé. Pour les Africains, dit son biographe, Sévère était un dieu. L’arc de triomphe de Théveste (Tebessa), achevé sous Caracalla, en 214, avait été commencé en l’honneur de son père[128].

Il adopta pour les provinces quelques-uns des règlements proposés par Niger à Marc Aurèle, et il en fit lui-même qui montrent sa sollicitude à prévenir jusqu’aux plus petits abus : défense à quiconque prendra femme dans la province où il gère un office de rien recevoir d’elle par testament[129] ; au soldat d’acheter un fonds dans le canton où il sert[130] ; au gouverneur de laisser les logements militaires et civils devenir une charge pour les provinciaux[131]. Enfin, il acheva, au profit des cités, la réorganisation de la poste impériale entreprise par Hadrien[132]. Ulpien nous a conservé un de ses rescrits où le législateur ne dédaignait pas d’être spirituel. La société romaine aimait les cadeaux ; on en avait fait beaucoup et de forcés aux gouverneurs de la république ; on en faisait encore à ceux de l’empire. Consulté par l’un d’eux à ce sujet, Sévère lui répond : Un vieux proverbe grec dit : Ni tout, ni toujours, ni de tous ; et le prince ajoute : refuser de tout le monde serait incivil ; accepter indistinctement est méprisable ; tout prendre serait grande avarice[133]. Une chose, du reste, valait mieux que les meilleurs rescrits, de bons gouverneurs, et les anciens reconnaissent qu’il s’appliqua à ne faire que d’excellents choix. Un d’eux, le préfet d’Égypte, ayant commis un faux, fut condamné à la déportation[134].

Les soldats continuaient à mettre, partout où il était besoin, leurs bras au service des travaux de la paix, mais sans laisser l’épée bien loin de la pioche et de la truelle[135].

Aussi la tranquillité ne fut pas une seule fois sérieusement troublée au pied de l’Atlas, ni sur les bords du Rhin, du Danube et du Tigre. En face de ce prince vigilant, dont la main était si rude, les Barbares se tenaient dans un repos craintif. Sous ce règne, on trouve des soldats établis à poste fixe dans toutes les provinces pour y faire la chasse aux bandits[136]. Est-ce une création du prince que son biographe appelle l’ennemi en tous lieux des voleurs[137] ? La longue impunité des brigands, en Espagne, en Gaule, en Syrie, dans l’Italie même, au temps de Commode et durant la période des guerres civiles[138], prouve que, si cette institution est antérieure à Sévère, elle était bien tombée et qu’il a dû la réorganiser. Le prince implacable pour le désordre a certainement voulu que la sécurité fût aussi bien assurée à l’intérieur qu’aux frontières. En vue de rendre la répression plus énergique et plus prompte, il décida que le préfet de la ville connaîtrait de tous les crimes commis en Italie, avec le droit de condamner aux mines et à la déportation.

 

III. — SÉVÈRE EN BRETAGNE ; SA MORT (208-211).

Pour éloigner ses fils des dangers de Rome, Sévère y restait peu ; il faisait de longs séjours dans ses villas de la Sabine ou de la Campanie, sans réussir à dompter ces natures ardentes. Geta, aussi bien qu’Antonin, se jetait dans le plaisir. Tous deux fuyaient la société savante dont leur mère s’entourait et les graves amis de leur père pour rechercher la compagnie des cochers du cirque et des gladiateurs. Jusque dans leurs jeux, ils portaient des sentiments de rivalité haineuse : un jour, dans une course, ils se disputèrent l’avantage avec une si violente ardeur qu’Antonin, précipité de son char, se brisa la cuisse. Sévère reprit le harnais et les emmena au fond de la Bretagne (208)[139].

Il ne pouvait y avoir, à cette extrémité de l’empire, de tels périls, que, pour les conjurer, le vieil empereur goutteux et infirme fût obligé d’entreprendre un si lointain voyage et de le faire durer si longtemps. Les seules légions de Bretagne avaient, jusque-là,-suffi à contenir ces montagnards pauvres et nécessairement peu nombreux dans leurs cantons stériles. Mais il voulait soustraire ses fils à l’influence de dangereux amis, aussi bien que ses légions à l’oisiveté ; sorti des camps où il avait commencé sa fortune, il y retournait avant de mourir pour la fixer dans sa maison. Julia Domna et Papinien l’accompagnaient. Il n’eut pas une seule bataille à livrer, car Fingal et Ossian, les héros légendaires, ne sortirent point, pour le combattre, du rustique palais de Selma ; il perdit néanmoins beaucoup de monde dans les surprises, où ces sauvages excellaient. Mais leurs montagnes couvertes de bois épais où l’on n’avançait qu’avec la hache, leurs marécages dont il fallait consolider le sol vaseux en y jetant une forêt entière, n’empêchèrent pas la lourde armée romaine d’atteindre l’extrémité de l’île où ces hommes du Midi virent avec étonnement des jours presque sans nuit.

Sévère resta trois ans dans ce pays, qui ne connaissait pas la mollesse des mœurs de l’Italie. Après la victoire sur Albinus, il l’avait partagé en deux provinces pour que l’action de l’empire y fût plus efficace et la puissance des gouverneurs moins à craindre. Geta, nommé auguste et investi de la puissance tribunitienne, administra la province méridionale. Antonin guerroya dans celle du Nord ou négocia avec les Méates et les Calédoniens, tandis que l’empereur, de la ville d’York, sa résidence habituelle, surveillait la restauration, qu’il fit exécuter par ses soldats, du mur d’Hadrien[140].

En 210, la soumission des Barbares paraissant assurée par un traite qui les obligeait à céder une partie de leur territoire, il ajouta aux titres qui rappelaient ses victoires orientales celui de Britannicus, que prit aussi Antonin. En souvenir de ce dernier triomphe du conquérant africain, le sénat fit frapper une médaille représentant deux Calédoniens attachés au tronc d’un palmier.

Pendant qu’à dessein il s’attardait à cette extrémité de l’empire, les oisifs du lac Curtius[141] avaient beau jeu pour imaginer des nouvelles. Tantôt une femme barbare, fort au courant, à ce qu’il semble, de la vie qu’on menait à Rome, donnait une leçon à Julia Domna, en opposant aux mœurs dépravées des matrones les mœurs par trop viriles des Calédoniennes. Tantôt c’était une morale en action, à la manière orientale, dont le prince était le héros et les soldats les spectateurs son fils aîné avait cherché à gagner les troupes ; la sédition apaisée, l’empereur s’était fait porter sur son tribunal et avait dit aux factieux implorant sa clémence : Reconnaissez-vous enfin que la tête commande et non pas les pieds ?[142] Ils lui prêtaient des banalités à l’apparence profonde, bonnes pour un moine, déplacées dans la bouche d’un prince qui ne comptait pas, comme Charles-Quint, sur les compensations d’outre-tombe : J’ai été tout et rien ne vaut, ou les mots peut-être plus véridiques adressés à l’urne qui devait renfermer ses cendres : Tu contiendras celui que l’univers n’a pu contenir. Les uns contaient que, pour en finir avec d’atroces douleurs, il avait demandé du poison, qu’on lui refusa ; les autres, que son fils aîné avait voulu le faire empoisonner par les médecins. Mais un empoisonnement s’exécutant dans l’ombre ne prête pas aux effets tragiques ; de plus experts montrèrent Caracalla chevauchant un jour derrière son père et tirant l’épée pour l’en frapper ; le vieil empereur, averti par les cris d’horreur de l’escorte, détourne la tête, voit l’épée nue, et le parricide n’ose achever. Puis venaient des scènes contradictoires, comme les déclamateurs du temps les aimaient ; dans l’une, Sévère, rentré sous sa tente, délibère avec ses préfets s’il ne fera pas mourir le coupable ; dans l’autre, il appelle son fils, lui présente un poignard et lui dit : Frappe ou commande à Papinien de frapper ; il t’obéira, puisque tu es son empereur.

Tout cela est fort dramatique et très invraisemblable. Caracalla montra sans doute une impatience de régner qui obligea l’empereur à rappeler que le maître véritable était le roi à la barbe blanche[143], et il était bien capable de concevoir les idées qu’on lui prête. Cependant, s’il les a eues, pourquoi ne les a-t-il pas exécutées ? Rien ne devait être plus facile pour l’homme qui, en pleine Rome, poignarda un autre empereur, son frère, dans les bras de leur mère ! A soixante-six ans, Sévère, qu’une maladie cruelle minait depuis longtemps, était à bout de vie, et Caracalla n’avait pas besoin de hâter l’œuvre de destruction que la nature accomplissait. Mais la grande ville inoccupée accueillait tout ce qui pouvait la distraire ; et l’imagination créait aisément,   en ces climats lointains, de tragiques aventures qui, après le meurtre de Geta, parurent à tout le monde des réalités.

A ces récits douteux, on préférera des paroles vraiment impériales : Ce m’est une grande satisfaction de laisser dans une paix profonde l’empire, que j’avais trouvé en proie à toutes les dissensions, et le dernier ordre donné au moment où l’agonie commençait, qui était si bien dans soit caractère : Allons, voyez si nous avons quelque chose à faire. On en a composé le mot fameux que répète un écrivain éloquent : L’officier de garde s’étant approché de sa couche, il lui donna pour mot d’ordre : Travaillons, et il tomba dans l’éternel repos[144] (4 février 211). Cet adieu que le vaillant soldat fait à la vie, et qu’il laisse aux siens conne suprême conseil, est devenu la devise de l’humanité : Laboremus.

Sévère avait écrit l’histoire de sa vie et voulait sans doute, à l’exemple d’Auguste, qu’on en gravât un résumé sur le marbre. Du moins, au temps de Spartien, on lisait ce testament politique sur le portique construit par Caracalla.

De tous les princes qui régnèrent après lui jusqu’à Dioclétien, durant près de quatre-vingts ans, il est le seul qui soit mort dans son lit. Ce fut de sa part une grande habileté et pour l’État un grand bonheur ; car ce règne de dix-huit années, terminé paisiblement, prouve l’ordre qu’il avait mis en tout.

Il lui manqua la douceur, qualité charmante dans l’individu, mais qui chez le prince devient aisément de la faiblesse. Quand Julien fait comparaître les Césars dans l’assemblée des dieux, Silène s’écrie à la vue de Sévère : De celui-ci je ne dirai rien : j’ai peur de son humeur farouche et inexorable. Dur, en effet, par système, il frappa de grands coups pour n’avoir pas à frapper souvent[145], et dans son autobiographie, que les anciens ont jugée véridique[146], il justifiait ses sévérités. Mais ces grands coups ont si bien retenti dans la postérité qu’on les entend encore et que Sévère est resté l’homme de son nom[147]. Les contemporains en jugèrent autrement[148] : il fut très regretté. Qu’on lise, en effet, son histoire, en songeant au devoir principal qu’un empereur de ce siècle avait à remplir : assurer l’ordre pour cent millions d’hommes, et l’on dira de lui avec plus de vérité encore qu’on ne l’a dit de Louis XI : Tout mis en balance, c’était un roi.

 

 

 

 



[1] Hérodien, III, 10.

[2] Il se trouve au Code, II, 5, 1, un rescrit daté de Sirmium le 18 mars 202, et dans Cohen, III, 234, une monnaie, .... ADVENT. AUG., frappée durant le troisième consulat de Sévère. Une inscription de Lambèse (L. Renier, Inscr. d’Alg., 69) donne à penser qu’en 203 Sévère se rendit en Afrique.

[3] Dion, LXXVI, 1 : cette largesse suppose deux cent mille parties prenantes.

[4] .... Ob rem publicain restitutam imperiumque populi Romani propagatum. (Orelli, n° 912.)

[5] Josèphe, II, 7 ; Hérodien, III, 8 ; Cohen, III, p. 254 et 273.

[6] Je veux dire que, par la force des choses, il devint nécessairement le chef politique et militaire, mais rien ne l’obligeait à se faire l’administrateur universel.

[7] Les membres de ce conseil, répartis en trois catégories, avaient un traitement de 200.000, 100.000 et 60.000 sesterces.

[8] Excepté les cohortes urbaines qui relevaient du præfectus urbi. (Dion, LII, 24.)

[9] Philostrate, Vie d’Apollonius, VII, 16.

[10] Socius laborum (Tacite, Annales, IV, 2) et adjutor imperii. Pomponius, au temps d’Hadrien, comparaît le préfet du prétoire au tribun des celeres sous les rois, au magister equitum sous les dictateurs. (Digeste, I, 2, 2, § 19.) Hérodien (V, 1) rapporte une lettre de Macrin au sénat où il est dit que cette charge est bien près de la souveraine puissance, et que Lampride (Diaduménien, 7) résume par les mots secundus imperii. Voyez aussi ce qu’en disent Charisius au Digeste (I, 11) et Dion (LXXV, 14)

[11] En 235. Cf. Cod., I, 26, 2.

[12] Hist. Auguste, les Gordiens, 28-29 ; les Trente Tyrans, 11. Il sera même chargé de lever la partie des impôts publics qui servaient à la solde et à l’entretien de l’armée (Zosime, II, 32), et déjà il punit les agents financiers coupables d’excès de pouvoir. (Paul, Sentent., V, 12, 6.)

[13] Son nom était Caius Fulvius Plautianus. Comme la mère de Sévère s’appelait Fulvia Pia et son grand-père Fulvius Pius, Reimar (ad Dion, LXXV, 14) en a conclu que Plautianus était de la famille impériale. Dans certaines inscriptions il est dit admis DD. NN. (C. I. L., III, 6075 ; V, 2821) ; en d’autres Augg. necessarius et comes per omnes expeditiones eorum (C. I. L., V, 1074). Une autre inscription, le n° 226, le comprend dans la maison divine et son nom y suit ceux des augustes, du césar Geta et de l’impératrice Julia.

[14] Dion, LXXV, 15 et 16.

[15] Plautianus n’avait eu d’abord que les ornements consulaires, mais Sévère les lui compta comme un consulat effectif. (Dion, LXXV, 15 ; C. I. L., VI, 220.) La règle d’Auguste avait déjà fléchi : Clemens, sous Domitien (Tacite, Histoires, IV, 68), et Tatianus, sous Hadrien (Spartien, Hadrien, 8), avaient été tout à la fois préfets du prétoire et sénateurs. Alexandre Sévère décidera bientôt, contrairement à la constitution d’Auguste, que la préfecture du prétoire sera une charge sénatoriale.

[16] Waddington, Fastes de la province d’Asie, p. 247.

[17] Dion, LXVII, 2. Ammien Marcellin montre que la loi de Domitien était encore observée au quatrième siècle, et il l’estime fort utile, receptissima inclaruit lege (Domitianus), XVIII, 4.

[18] Hérodien, III, 10. Plautianus n’eut pas, comme on l’a dit, pour administrer ses biens, épars dans les provinces, des procurateurs du domaine privé, ainsi qu’en avait l’empereur. Le procurator ad bona Plautiani, qu’on trouve mentionné dans les inscriptions (Orelli-Henzen, n° 6920), est un procurator ad bona damnatorum (ibid., n° 5190, 6519).

[19] Dion, LXXV, 15.

[20] Dion, LXXVI, 10. Cf., au Digeste (XLVIII, 5, 2, § 3), deux rescrits de Sévère à ce sujet.

[21] Le Chronicon paschale met la mort de Plautianus au 22 janvier 203. Mais, après avoir parlé du procès de Racius Constans, qui eut lieu après le retour de Sévère à Rome, par conséquent dans le courant de 202, Dion (LXXV, 10) dit que Plautianus se maintint en faveur durant une année, ce qui nous reporte au milieu de 203. Une inscription d’Algérie (L. Renier, 70) le montre en effet vivant encore le 22 août 203. Enfin, il résulte de Dion (LXXVI, 3) que la catastrophe eut lieu au moment où les derniers spectateurs des jeux Palatins sortaient du palais. Or ces jeux commençaient le 21 janvier et duraient trois jours (Marquardt, Handb., IV, 429-445). Ce serait donc le 23 janvier 204 que la tragédie se serait accomplie. Le récit d’Hérodien (III, 11 et 12), qui suppose un complot véritable de Plautianus, est beaucoup plus dramatique, mais invraisemblable. Il rapporte la légende que Caracalla fit courir, et les inscriptions témoignent qu’on l’accepta dans les provinces. Mais Dion était alors à Rome : il a tout entendu ; il n’aimait pas le préfet et n’aurait pas manqué de marquer sa trahison s’il y avait cru.

[22] .... ότι ού πάνυ σφίσι (aux dénonciateurs) πιστεύει (Dion, LXXVI, 5).

[23] Dion ne parle que de l’exécution de Cæcilius Agricola et de l’exil de Cœranus qui, rappelé sept ans après, fut le premier Égyptien qui entra au sénat. (LXXVI, 5.) Macrin, le futur empereur, était l’intendant de Plautianus ; Sévère le prit à son service.

[24] Après débat (LXXVI, 7). Cincius Severus, qui périt sous l’inculpation d’avoir voulu empoisonner l’empereur (Spartien, Sévère, 13), fut-il du nombre de ces sénateurs reconnus coupables ? Spartien le dit innocent.

[25] Apologétique, 35.

[26] Dion, LXXVI, 8 et 9. Ce récit, que j’ai dû abréger, fait connaître la procédure suivie : il montre qu’une enquête écrite et secrète était d’abord faite par le secrétaire impérial a cognitionibus, ou commissaire enquêteur ; que le procès-verbal contenait le nom de l’employé du bureau a cognitionibus qui avait dirigé l’information, ceux des témoins, les résultats de l’enquête, et qu’il avait été soumis à l’empereur, puis transmis par lui au sénat. Cf. Cuq, le Magister sacrarum largitionum, p. 124.

[27] Renvoyé par Commode devant les préfets du prétoire, il avait été absous par eux. (Spartien, Sévère, 4.)

[28] XXIX, 1. Il ne cite, il est vrai, qu’un fait suspect, l’ordre donné par Plautianus à un centurion d’assassiner Sévère.

[29] Guérin, Voyage archéol. en Tunisie, t. II, p. 62 : .... ob conservatam eorum salutem, delectis insidiis hostium publicorum. Inscr. de l’an 208. Une autre (L. Renier, Inscr. d’Alg., 2160), qui semble faire allusion à quelque complot heureusement découvert, est à peu près conçue dans les mêmes termes. Au n° 5197 d’Orelli, on lit : Quod.... Domini nostri.... sustulerunt omnes parricidiales insidiatores. On ne saurait dire à qui s’applique la phrase de Tertullien : .... qui nunc scelestarum parlium socii aut plausores quotidie revelantur, post vindemiam parricidarum recematio superstes (Apologétique, 35). Ces restes des conspirations parricides sont-ils les complices de Niger et d’Albinus ou d’autres coupables ? Dans tous les cas, on voit que Tertullien n’a aucune compassion pour ces victimes des guerres civiles ou des complots et qu’il les regarde comme des coupables.

[30] LXXVI, 16 ; mais il lui reproche d’avoir été peu scrupuleux sur les moyens de s’enrichir, ce que ne confirme aucun fait, sauf son adoption forcée par les Antonins.

[31] Zosime, I, 8.

[32] Spartien et Capitolin ont écrit leurs biographies par ordre de Dioclétien.

[33] Deux autres jurisconsultes célèbres, Tryphonius et Arrius Menander, étaient aussi membres du conseil. (Digeste, XLIX, 14, 50, et V, 4, 11, 2.)

[34] Spartien (Sévère, 4) dit que, durant son gouvernement de la Lugdunaise, Gallis ob severitatem et honorificentiam et abstinentiam tantum quantum nemo dilectus est. Le même écrivain parle d’une accusation d’adultère portée contre lui et jugée à Rome par le proconsul Didius Julianus. Un proconsul ne pouvait juger à Rome, et l’erreur sur ce point peut infirmer l’autre.

[35] Hœfner, qui la discute dans ses Untersuch. zur Gesch. des.... Severus, p. 49-51, dit : Die gante Geschichte wird nichts anderes sein, als cine gehæssige Erfindung ; les raisons données par lui et par M. Roulez semblent décisives. Sur la régularité de ses mœurs, voyez Histoire Auguste, les Trente Tyrans, 5.

[36] Dion, LXXVI, 6, 9, 16, et LXXVII, 10.

[37] Galien, de Theriaca, t. XIV, p. 218 de l’édition de Kuhn. Cette provision de remèdes trouvés au palais après la mort de Caracalla parut suspecte ; ces drogues qu’on fit passer pour du poison furent solennellement brillées, et Macrin traita le fils de Sévère d’empoisonneur. Le meurtrier des vingt mille partisans de Geta n’avait pas besoin de ce moyen discret pour se débarrasser de ses adversaires ; mais les gouvernements qui se succèdent croient toujours que le déshonneur des morts profite aux vivants.

[38] Dion, LXXVI, 16. Hérodien (III, 52 et 45) le montre fort assidu pour les soins du gouvernement.

[39] Dion, LXXVI, 17.

[40] Née en 170, dans une condition modeste (Dion, LXXVIII, 24). Cependant le sacerdoce d’Élagabal à Émèse était héréditaire et ses grands prêtres avaient porté le litre de roi jusqu’à Vespasien (Dion, LIV, 9). C’est à Domitien que commencent les monnaies impériales d’Émèse. Jamblique, philosophe néo-platonicien du quatrième siècle, prétendait descendre de cette famille royale.

[41] Du moins Capitolin (Albinus, 3) dit de Sévère :.... illorum (Albinus et Niger) utrumque bello oppressisse, maxime precibus uxoris adducius.

[42] Les Romains ont pu donner ce sens au mot domna, mais, suivant Suidas (s. v. Δόμνος), ce mot était un nom propre syrien, et tout dit que Suidas a raison.

[43] Orelli, n° 4945, et L. Renier, Inscr. d’Algérie, passim. Hertzberg (Gesch. Griechenl., t. II, p. 422) montre par beaucoup d’inscriptions la popularité de Julia Domna chez les Grecs, qui l’honorèrent comme une nouvelle Déméter. Pour les monnaies, voyez Cohen, t. III, p. 333 et suiv.

[44] Tertullien, ad Nationes, I, 47, et Apologétique, 55 : Ipsos Quirites, ipsam vernaculam.... plebem convenio, an alicui Cæsari suo parcat illa lingua Romana.

[45] Ses deux fils et deux filles que nous ne connaissons pas. Eckhel, VII, 195 : .... tulit quoque liberos sexus muliebris, que Sévère maria, étant empereur. (Tillemont, t. III, p. 592.)

[46] Philostrate, Vie d’Apollonius, I, 3 ; II, 30.

[47] L’habitude de ces sortes d’ouvrages était ancienne en Grèce ; Platon en avait donné l’exemple, que Lucien imita. Il n’est donc pas certain qu’Athénée se soit inspiré de ce qui se passait à la cour de Sévère. Cependant, au nombre des convives d’Athénée se trouvent Ulpien et Galien, deux familiers de la maison impériale, et la fête a lieu à Rome, où elle est donnée par le riche Larensius.

[48] Philostrate, Vie d’Apollonius, II, 30.

[49] Le livre était dédié à une femme ayant une grande admiration pour l’Académie ; mais son nom s’est perdu avec la dédicace, et l’on est libre de choisir entre Arria et Julia.

[50] Dion, LXXVII, 18. Beaucoup de villes en Grèce et en Asie avaient déjà fait d’Apollonius un dieu (Philostrate, Vie d’Apollonius, I, 5), et Aurélien lui dressera des autels. (Vopiscus, Aurélien, 24.) Les chrétiens eux-mêmes croyaient à ses miracles et aux oracles que rendait sa statue ; la théorie des démons expliquait tout. Voyez, à la suite des œuvres de saint Justin, la 26, question et la réponse qui y est faite.

[51] Dion, LXXVII, 18.

[52] Eusèbe, Hist. ecclés., VI, 14. C’est le nom que ses contemporains lui donnaient. Sur ses rapports avec Mammée, voyez le même auteur (ibid., VI, 21).

[53] .... et, ut aliqui loquuntur, adfinem (Spartien, Caracalla, 8). Papinien était Syrien, comme Julia, et, depuis sa jeunesse, l’ami de Sévère. Le mariage de Julia s’était fait .... interventu amicorum (Spartien, Sévère, 5).

[54] Je ne saurais affirmer que Ulpien et Paul fussent de grands amis. Le premier ne cite jamais le second, et Paul n’a mentionné Ulpien qu’une seule fois, au Digeste, XIX, 1, I, 43. Cependant les fragments d’Ulpien forment le tiers et ceux de Paul le sixième des Pandectes.

[55] Le poème sur la chasse est dédié à Caracalla .... (de Venat., I, 4).

[56] Il avait chanté en trente livres les Antoniniades, c’est-à-dire Antonin et Marc-Aurèle. Capitolin (Gord. tres, 3) dit de lui : .... declamavit audientibus etiam imperatoribus suis.

[57] L’impératrice emmenait Philostrate dans ses voyages. Quant à Elien, il était établi à Rome, et sa réputation d’écrire le grec avec une grande pureté lui avait valu le nom de Μελίγλωσσος, qui dut lui ouvrir les portes du Palatin, où l’on aimait mieux parler grec que latin. Cf. Lampride, Alexandre Sévère : .... nec valde amavit Latinam facundiam (3).... et librum in mena et legebat, sed Græce magie (54).

[58] Sammonicus avait écrit en vers sur la médecine et dédié quelques-uns de ses traités à Sévère et à Caracalla. (Macrobe, Saturnales, III, XVI, 6.) Geta lisait assidûment ses livres, familiarissimos habuit (Spartien, Geta, 5).

[59] Philosophiæ ac dicendi studiis satis deditus, doctrinæ quoque nimis cupidus (Spartien, Sévère, 18 et 1) ; .... cunctis liberalium deditus studiis (Aurelius Victor, de Cæsaribus, 20). Civilibus studiis clarus fuit et litteris doctus, philosophiæ ad plenum adeptus (Eutrope, VIII, 19).

[60] Spartien, Sévère, 3. Il se plaisait à entendre les sophistes en renom (Philostrate, Vies des Sophistes, II, 27, 3).

[61] Œuvres de Galien, t. XIV, p. 218, édit. Kuhn.

[62] .... amicissimum imperatori (Spartien, Caracalla, 8). Digeste, XX, 5, 12, pr.

[63] Tertullien (Apologétique, 4) le reconnaît hautement : Nonne et vos quotidie, experimentis illuminantibus tenebras antiquitatis, totam illam veterem et squalentem silvam legum novis principalium rescriptorum et edictorum securibus rustatis et cæditis. C’est le même travail législatif que l’Angleterre, héritière du sens pratique des Romains, fait dans l’Inde, où, prudemment, elle attend pour légiférer que les intéressés réclament et que l’expérience révèle les besoins. Dans un de ses livres, par exemple, Papinien restreint l’autorité testamentaire du père, en lui refusant le droit de mettre dans son testament une clause quam senatus aut princeps improbant.... nam quæ facta lædunt pietatem, existimationem, verecundiam nostram et, ut generaliter dixerim, contra bonos mores fiunt nec facere nos posse credendum est (Digeste, XXVIII, 7, 15). Outre Ulpien, Paul et Marcien, vivaient encore en ce temps-là : Callistrate, dont les Pandectes renferment quatre-vingt-dix-neuf fragments, deux membres du conseil, Cf. Tryphonius et Arrius Menander, qui en ont fourni un certain nombre. Le règne de Sévère, qui compte encore un jurisconsulte renommé, Tertullianus, continue donc la belle époque de la jurisprudence romaine.

[64] Pour les élèves de troisième année, les papinianistes. Spartien (Sévère, 21) l’appelle juris asylum et doctrinæ legatis thesaurum.

[65] En 426, Cod. Théodosien, I, 4, lex unica de responsis prudentium.

[66] Hérodien, III, 8. On trouve deux préfets du prétoire en exercice dès le règne de Caligula (Suétone, Caligula, 56) ; deux aussi sous Néron (Plutarque, Galba, 8 ; Tacite, Histoires, IV, 2), et sous Antonin.

[67] Une inscription du 28 mai 205 les montre tous deux en possession de la préfecture du prétoire. (Orelli-Henzen, n° 5603.)

[68] Legum conditor longe æquabilium (Aurelius Victor, de Cæsaribus, 20). Constantissimus principunt (Tertullien, Apologétique, I, 4).

[69] Les chrétiens en souhaitaient la suppression, que Constance prononça (Cod., VIII, 58, 1).

[70] Beaucoup de rescrits impériaux peuvent être comparés aux arrêts de notre Cour de cassation, dont la date ne détermine pas celle de la disposition législative que l’arrêt consacre, ni même celle du commencement de la jurisprudence sur le point dont il s’agit, mais atteste que cette disposition et cette jurisprudence étaient en vigueur a l’époque où l’histoire les rencontre, et cela suffit à justifier nos citations.

[71] .... ut aliquid laxaret (senatus) ex juris rigore (Digeste, XXIV, 1, 32, pr.). Il s’agissait d’une question particulière, des donations entre époux ; mais le même esprit se retrouve en d’autres rescrits. Dans un rescrit d’Alexandre Sévère on lit : quæ a D. Antonino, paire meo et quæ a me rescripta sunt, cum juris et æquitatis rationibus congruunt (Cod., II, 1, 8).

[72] Milior tex exit sequenda (Ulpien, au Digeste, XLVIII, 19, 32).

[73] Digeste, XLVIII, 13, 12.

[74] Digeste, XXXVII, 14, 4, et XLVIII, 4, 9. C’est à propos de ce rescrit que Marcianus dit : benignissime rescripsit.

[75] Digeste, L, 2, 2, § 2 : ne patris nota filinus macularetur. Ibid., L, 2, 6 : non impedienda dignitas ejus qui nihil admisit.

[76] Digeste, XLIX, 14, 27.

[77] Digeste, XLVII, II, 4.

[78] Digeste, XLVIII, 4, S, § 1 : lapide incerto.

[79] Digeste, XLVIII, 17, 1. L’absence n’interdit point, au contraire, un jugement favorable, au moins dans certains cas. Ainsi le préteur peut déclarer libre l’esclave à qui la liberté a été promise par fidéicommis, lors même qu’il ne se présente pas pour la réclamer. Sénatus-consulte de l’an 182, sous Commode. (Digeste, XL, 5, 28, § 4.)

[80] Digeste, XL, 16, 15, § 4.

[81] Digeste, XL, 2, 22.

[82] Digeste, XLIX, 16, 3, pr.

[83] Digeste, XLVIII, 24, 2 : .... multis petentibus indulsit.

[84] Digeste, XXVII, 9, 1. Cette importante matière de la tutelle fut réglée dans tous ses détails par une oratio Severi lue dans le sénat, aux ides de juin 195.

[85] Digeste, IV, 4, 11 ; III, 2, 24 ; Dion, LXXV, 16.

[86] Digeste, XL, 4, 47.

[87] Digeste, L, 2, 9, pr.

[88] Digeste, XLVIII, 19, 8, § 12. Ce rescrit est du règne de Caracalla, qui suivit dans ses lois civiles l’esprit des actes législatifs de son père. Ulpien, qui rapporte ce rescrit, ajoute rectissime rescripsit. Alexandre Sévère appliqua le même principe au fils, qui, en pareilles circonstances, fut libéré de la patria potestas (Cod., IX, 51, 6). Voici quelques autres rescrits de Caracalla : — L’esclave ne pourra être affranchi qu’après avoir rendu ses comptes de gestion. (Digeste, XL, 12, 34.) — Le patron qui ne nourrit pas son affranchi perd ses droits sur lui. (Digeste, XXXVII, 14, 5, § 1. Ce rescrit est peut-être d’Alexandre Sévère.) La déportation entraînait la perte des biens. Deux déportés, un fils et une mère, demandent à prélever chacun sur leur bien personnel qui allait leur être ôté de quoi assurer, l’une à son fils, l’autre à sa mère, le strict nécessaire, ad victum necessaria. On ne peut changer la loi, répond le prince, mais votre demande est pieuse : il sera fait ainsi que vous le désirez. (Digeste, XLVIII, 22, 16.) — Il condamne aux verges et à trois ans de relégation ceux qui pillent des naufragés. (Digeste, XLVII, 9, 4, etc., etc.)

[89] .... officium præf. urbi datum.... ut mancipia tueatur, ne prostituantur (Digeste, I, 12, 1, § 8) .... ut servos de dominis querentes audiat si sæviliam, si duritiam, si famem, qua eos premant ; si obscœnitatem in qua eos compulerent vel compellant (ibid.). Toutefois l’esclave ne put se porter accusateur de son maître. Sévère voulait contraindre celui-ci à l’humanité, il n’entendait pas détruire la discipline domestique. (Digeste, XLIX, 14, 2, § 6.) Une constitution de Commode avait décidé que l’affranchi qui ne secourrait pas son patron dans la maladie ou la misère rentrerait en servitude. (Digeste, XXV, 3, 6, § 1.) Dans ce titre 12 du Digeste, livre I, Ulpien résume une lettre de Septime Sévère qui est comme la charte constitutive de la préfecture de la ville.

[90] Cod., VII, 7, 1 ; Digeste, XLVIII, 18, 17, § 2 ; ibid., § 3 : Plurium servum in nullius caput torqueri posse ; Cod., IX, 41, 1 ; Digeste, XLVIII, 18, 1, § 16.

[91] Digeste, XLIX, 14, 26 ; ibid., I, 3, 38.

[92] En arrivant au consulat, Dion trouva trois mille accusations inscrites aux rôles.

[93] Licet legibus soluti sumus, attamen legibus vivimus (Institutes, II, 17, § 8).

[94] Digeste, XXXIV, 3, 2, § 1, et XXXIII. 2, 57, 63.

[95] Digeste, I, 16, 4, proœm.

[96] A Canusium, en 223, il y en avait 25 pour 100 décurions. (Papinien, au Digeste, L, 2, 6, § 1.)

[97] Digeste, L, 2, § 2, et 7, §§ 2-7.

[98] Digeste, L, 2, 1. On trouve des rescrits de Sévère pour empêcher les villes d’imposer de trop lourdes charges aux riches ; mais aussi pour contraindre à l’exécution de leurs promesses ceux qui avaient formellement pris l’engagement de faire quelque œuvre d’utilité publique ou de décoration (Digeste, L, 12, 6, §§ 2 et 3) ; sur la révocation du médecin ou professeur nommé par la ville (Digeste, XXVII, 1, 6, §§ 6, 9 et 11) ; sur l’âge exigé pour l’exercice des charges municipales, de vingt-cinq à cinquante-cinq ans (Digeste, L, 2, 11) ; sur le magistrat qui détournait à son usage les deniers publics (Digeste, III, 5, 38) ; sur l’étendue de la responsabilité du fidéjusseur d’un magistrat (Cod., VI, 34, 1, etc.).

[99] Cod., IV, 62, 1 ; Ulpien, au Digeste, I, 16, 7 ; ibid., I, 12, § 14, et Marcianus, ibid., XLVII, 22, 1.

[100] Nec quicquani est in provincia quod non per ipsum expediatur (Digeste, I, 16, 9, 1).

[101] Implacabilis delictis (Spartien, Sévère, 18) Ne parva latrocinia quidem impunita patiebatur (Aurelius Victor, de Cæsaribus, 20).

[102] Accusatos a provincialibus judices, probatis rebus, graviter punivit (Spartien, Sévère, 8).

[103] Aurelius Victor, de Cæsaribus, 20.

[104] Digeste, XLVIII, 10, 1, § 4. Ad erigendos industrios quosque judicii singularis (Spartien, Sévère, 18) .... homo in legendis magistratibus diligens (Capitolin, Albinus, 5). Strenuum quemque præmiis extollebat (Aurelius Victor, de Cæsaribus, 20).

[105] Hérodien, III, 25 ; Dion, LXXVI, 15. Alexandre Sévère dira plus tard : Miles non timet, nisi vestitus, armatus, calceatus et satur et habens aliquid in zonula (Lampride, Alex., 52).

[106] Digeste, XXVII, 1, 9. A muneribus quæ non patrimoniis indicuntur veterani.... perpetuo excusantur (Digeste, L, 5, 7).

[107] On en a la preuve par les immenses ressources qu’il laissa soit en numéraire (Hérodien, III, 49, et Spartien, Sévère, 12 : Filiis suis.... tantum reliquit quantum nullus imperatorum), soit en approvisionnements de toutes sortes. Il établit la règle, peut-être renouvelée de Trajan (Lampride, Élagabal, 26), qu’il y aurait toujours à Rome un approvisionnement de blé pour sept ans : c’était mieux que nos anciens greniers d’abondance, mais, au point de vue économique, c’était une bien mauvaise mesure.

[108] III, 8. Le mariage est permis dans l’armée anglaise, mais avec des restrictions qui diminuent beaucoup les inconvénients de cet usage. Ceux qu’on appelle officiers non-commissioned holding the rang of 1st or 2nd class staff serjeant, etc., peuvent prendre femme. Parmi les sous-officiers, trois sur quatre ou cinq, quatre sur six ou sept, six sur dix suivant le grade ; et, parmi les soldats, quatre (autrefois sept) sur cent peuvent obtenir cette autorisation. Ces ménages ont droit à une chambre garnie dans la caserne ; les femmes, les enfants, reçoivent moitié et quart de ration, ou, lorsque la famille ne suit pas sou chef dans les colonies, une indemnité de 6 deniers par jour pour la femme et de 2 deniers pour chaque enfant. (Circulaire du War-Office, 1er avril 1871.) Ces dépenses de casernement et de solde peuvent être faites pour une petite armée comme celle d’Angleterre ; elles auraient imposé au gouvernement romain d’écrasants sacrifices, d’autant plus que l’autorisation accordée par Sévère n’impliquait pas ces restrictions injustes qui, dans l’armée anglaise, font du mariage un bénéfice réservé seulement à un soldat sur vingt-cinq.

[109] Tacite, Annales, XIV, 22 ; Dion, LX, 24 ; Institutes, I, 57. Les vétérans des légions n’avaient pas besoin de cette autorisation puisqu’ils étaient tous citoyens, mais elle était nécessaire aux vétérans des corps auxiliaires, qui ne l’étaient pas.

[110] Exhort. ad Castit., 12.

[111] Quand les soldats du camp d’Émèse se soulevèrent contre Macrin, ils appelèrent des bourgs voisins leurs femmes et leurs enfants pour les mettre à l’abri derrière les murailles du camp. Beaucoup de ces familles avaient été légitimées par le rescrit de Sévère.

[112] Les femmes de soldats qui avaient accompagné leur mari, absent pour le service de la république, n’encouraient pas la forclusion lorsqu’elles avaient laissé passer le délai légal pour intenter une action temporaire. Rescrits de l’an 227. (Cod., II, 52, 1-2.) A cette date l’état légal de la femme de soldat est donc bien établi, et le rescrit de Sévère a eu son plein effet.

[113] Spartien, Sévère, 7 et 8 ; le lendemain de son entrée à Rome, aux Roches-Rouges et devant Atra.

[114] Dion, LXXV, 9.

[115] Il condamnait encore à la déportation le déserteur qui, au bout de cinq ans, se présentait lui-même. (Digeste, XLIX, 16, 13, § 6.)

[116] Spartien, Niger, 3.

[117] Zosime, I, 8.

[118] Dion, LV, 24 ; Henzen, Annales de l’Institut archéologique, 1867, p. 73-88.

[119] J’ai discuté cette question dans la Revue archéol., de 1877, p. 299 et suiv.

[120] Ce livre d’Arrius Menander semble avoir été plus important que ceux de Paternus, rédigés sous Commode, et de Macer, écrits sous Caracalla ; car c’est à lui que les Pandectes font le plus d’emprunts. Cf. Digeste, XLIX, 11.

[121] Dion, LXXVIII, 28.

[122] Voyez le mémoire de L. Renier sur l’inscription de Velleius Paterculus, aux comptes rendus de l’Académie des inscriptions, pour 1876, p. 451, et Marquardt, Handb., t. IV, p. 310.

[123] Pantheum vetustate corruptum cum omni cultu restituerit (C. I. L., VI, 896).

[124] Jordan, Forma Urbis, avec planches.

[125] Spartien, Sévère, 23. Zosime dit aussi : Il embellit quantité de villes, et Eutrope, VIII, 8 : Multa toto Romano orbe reparavit.

[126] Digeste, L, 15, 8, § 11. On a vu ce qu’il fit pour les villes syriennes.

[127] Procope, de Ædib. Justin., VI, 4.

[128] Des inscriptions dont le nombre augmente chaque année prouvent la vive impulsion donnée par Sévère aux travaux publics dans l’Afrique romaine. Voyez les Inscriptions d’Algérie de L. Renier et les divers fascicules du Bulletin de correspondance africaine.

[129] Digeste, XXXIV, 9, 2, § 1.

[130] Digeste, XLIX, 16, 9.

[131] Digeste, XXXIV, 9, 2, § 1 ; XLIX, 16, 9 et 1, 16, 4, pr. : .... ne in hospitiis præbendis oneret provinciam.

[132] Spartien, Sévère, 14. On ne connaît pas l’étendue de la réforme faite par Sévère. Auguste avait organisé ce service, vehiculatio, et imposé aux riverains des prestations onéreuses dont Nerva exempta l’Italie. Trajan développa l’institution, en corrigeant les abus auxquels donnait lieu la concession trop facile des diplômes ou permis de circulation. Les prestations n faire par les villes étaient toujours nombreuses, quoiqu’il semble qu’il soit resté quelque chose à la charge des magistrats qui usaient du cursus publicus, puisque Hadrien les en délivra ne magistratus hoc onere gravarentur (Spartien, Hadrien, 7). Antonin y apporta quelque adoucissement, et Sévère accorda aux dépens du fisc un dégrèvement dont profitèrent ceux qui avaient la charge de ces prestations : vehicularium munus a privatis ad fiscum traduxit (Spartien, Sévère, 14). Mais, après lui, tout retomba au compte des municipalités.

[133] Digeste, I, 16, 6, § 5 : .... quam rem (xeniorum) D. Sev. et imp. Ant. clegantissime epistula suit moderati, etc.

[134] Digeste, XLV111, 10, 1, § 4.

[135] Cf. Orelli-Henzen, 905 pour la Syrie ; 957 en Rhétie ; 3586 dans la Germanie Inférieure ; 4987 en Pannonie, près de Bude ; 6701 en Bretagne ; en Afrique, la via Septimiana construite par la légion IIIa Augusta. (L. Renier, Inscr. d’Alg., n° 4561, etc., etc.)

[136] Tertullien, Apologétique, 5 : Latronibus vestigandis per universas provincias militaris statio sortitur.

[137] .... latronum ubique hostis (Spartien, Sévère, 18). Voyez, plus haut, l’histoire de Bulla.

[138] Digeste, I, 12, 1, § 4 ; XLVIII, 19, 8 ; XXI1, 6, § 1.

[139] Des monnaies de l’année 208 portent la légende PROF. AVGG.

[140] C. I. L., VII, n° 912 c, et p. 99. Spartien est le premier qui ait parlé de mur construit par Sévère au nord du mur d’Hadrien, opinion aujourd’hui abandonnée.

[141] Petit bosquet qui était le rendez-vous des ardélions (Phèdre, II, V, 1), les reporters du temps, .... girruli.... supra Lacune (Plaute, Curcul., IV, I, 16).

[142] Le mot fit fortune ; on le retrouve soixante-quatre ans plus tard dans un document officiel, la proclamation de l’empereur Tacite : Acclamationes senatus : ....Severus dixit, caput imperare non pedes.

[143] Virgile, Énéide, VI, 810.

[144] Chateaubriand, Études historiques.

[145] Aurelius Victor, de Cæsaribus, 20.

[146] .... abs se texta, ornatu et fide paribus composuit. (Aurelius Victor, de Cæsaribus, 20).

[147] Imperator vere nominis sui, vere Pertinax, vere Severus (Spartien, Sévère, 14).

[148] Judicium de eo post mortem magnum omnium fuit...., ac multum post mortem amatus (Spartien, Sévère, 10) .... ab Afris ut deus habetur (ibid., 13).