I. — ÉTENDUE DES LIBERTÉS MUNICIPALES.Lorsque l’on considère dans sa magnifique simplicité le plan de la création, on oserait presque dire qu’il a suffi à Dieu de deux ou trois idées pour constituer l’innombrable variété des êtres. L’humanité aussi n’a eu besoin, dans le cours de son développement historique, que de trois ou quatre principes sociaux pour réaliser les formes les plus diverses. en dégageant, par une lente élaboration, du chaos des forces brutales, la notion du juste, la théorie raisonnée des devoirs et des droits pour l’individu, la famille, la cité, l’État. Quant aux deux ternies extrêmes de cette progression, les Romains sont restés insuffisants, puisqu’ils conservaient l’esclavage, et que, au milieu de peuplés habitués à la liberté, ils ont fini par établir le despotisme ; mais ils ont amélioré la constitution de la famille et légué aux modernes le régime municipal avec les lois civiles qui en étaient la conséquence. Par cela seul, ils se sont placés presque au niveau des Grecs dans l’œuvre générale de la civilisation. Bossuet a dit des premiers siècles de la république : L’État romain
était alors du tempérament qui devait être le plus fécond en héros.
Le régime municipal, à ses beaux jours, sous l’empire, eut des effets très
différents et pourtant analogues, car il produisit le siècle des Antonins,
qui ne fut illustré par sa paisible grandeur, ses lois et ses monuments, que
parce qu’il fut riche en hommes qui s’étaient formés dans la libre
administration des cités. Ce phénomène n’est pas seulement un fait
considérable dans l’histoire de Rome ; partout où il s’est largement produit,
on trouve les mêmes résultats, que ce soit dans Rome, qui avait soumis le monde par les armes, s’en assura
la possession, paisible par le régime municipal. Elle le porta dans tous les
lieur où il n’existait pas, et elle le rapprocha de la forme qu’elle avait
conçue là où il existait déjà. Dans les pays de langue grecque et punique, en
Égypte, dans l’Afrique carthaginoise, l’œuvre était depuis longtemps
accomplie : il n’y eut que de légères réformes à introduire ; mais, dans Auguste employa beaucoup de temps à organiser d’après ces
idées les Gaulois et les peuples établis sur la rive gauche du Rhin et dans
le bassin supérieur du Danube. Pline l’Ancien trouvait encore de sou temps,
dans L’idée qui domine la vie municipale des Romains est celle du devoir civique. Le citoyen d’une ville provinciale s’appelle le municeps, celui qui prend sa part des charges publiques[4]. Ce devoir, il ne peut s’y soustraire, car nul n’a le droit de renoncer à son origine par sa seule volonté[5] ; et il est tenu de le remplir avec l’esprit de concorde et de fraternité qui semblait à l’origine la règle nécessaire des relations entre les habitants d’une même ville. Ce mot de fraternité est très romain. Cicéron avait dit : Qu’est-ce qu’une cité, si ce n’est une association de justice ? Et Ulpien considérait certainement encore la cité comme la famille agrandie, lui qui appelait même la société de commerce une sorte de lien fraternel[6]. Souvent les patrons des collèges prenaient le titre de père et de mère ; les associés, celui de frères, et ils en ont laissé sur leurs tombeaux de touchants témoignages. Jusqu’au quatrième siècle, on trouve les mots d’amour et d’affection pieuse comme expression des sentiments d’un citoyen pour sa ville[7]. Mais comment cette conception fut-elle réalisée ? Celui qui, par l’origine ou l’adoption[8], appartenait à une famille municipale ; qui, dans les murs ou sur le territoire de la cité, avait son foyer domestique, ses dieux pénates, le tombeau de ses pères, et qui accomplissait les rites sacrés, aux autels publics, en l’honneur des dieux protecteurs de la communauté : celui-là, et, dans l’origine, celui-là seulement, était municeps ; il votait au forum, et il pouvait être élu pour délibérer dans le sénat, exercer le pouvoir dans les charges, juger dans les tribunaux. L’étranger, peregrinus, le citoyen d’une autre ville de la province, même lorsqu’il s’était établi à demeure dans la cité, incola[9], l’affranchi, qui n’y fondait une famille nouvelle qu’à la seconde génération, l’esclave, dont on ne tenait pas compte, restaient en dehors du municipe. Celui-ci se composait donc de familles rapprochées les unes des autres par les liens religieux, la communauté des souvenirs, l’obligation des mêmes devoirs, la solidarité des intérêts. Aussi ne faut-il pas s’étonner que cette cité si bien unie ait fini par obtenir de Rome le caractère d’un être moral, d’une personnalité vivante et juridique[10]. Tandis qu’à Rome les révolutions effaçaient les vieilles institutions, celles-ci subsistaient au fond des provinces par l’effet de cet esprit conservateur propre aux localités où ne pénètrent pas les agitations politiques, et parce que les formules données aux provinciaux à l’époque de la conquête avaient été écrites par des hommes encore épris de la liberté municipale. Les savants de la bibliothèque Palatine auraient retrouvé dans une foule de municipes le populus, ou la noblesse dominante, la plebs, ou la foule déshéritée, les curies[11] et les curions de la période royale ; les magistratures des temps républicains[12] : tribuns du peuple[13], édiles, questeurs, censeurs, et des assemblées publiques divisées en tribus[14], en centuries[15], avec un forum, une tribune, des élections et toutes les agitations des comices. Aulu-Gelle, sous les Antonins, appelle encore les colonies l’image affaiblie, mais le vrai simulacre du peuple romain[16] ; un siècle plus tard, Modestinus disait : La loi sur la brigue n’a plus aujourd’hui d’effet à Rome, parce que la nomination aux charges y dépend du prince et non pas de la faveur populaire ; et il la considérait comme en pleine vigueur dans les municipes[17] ; en Afrique, au temps de Constantin, le peuple faisait encore des élections[18]. La cause en est que la vie municipale avait été étouffée dans Rome, parce qu’elle y eût été la vie politique, et qu’elle subsistait dans les provinces, parce qu’elle n’y pouvait porter ombrage. C’est un fait général que le vainqueur, dans son propre intérêt, respecte longtemps les coutumes sociales du vaincu. Ne faisons-nous pas ainsi, dans notre colonie algérienne, malgré nos habitudes de centralisation excessive et d’extrême uniformité ? Occupés, aux bords du Tibre, à consolider leur pouvoir et à défendre leur vie contre les conspirations des grands, les premiers empereurs ne s’inquiétèrent pas de ces obscures libertés que les indigènes à demi sauvages de l’Occident avaient autant aimées que les habitants des brillantes cités de l’Orient hellénique. Loin de les affaiblir, ils en favorisèrent l’extension ; et, grâce à l’ordre, à la bonne justice, que tous, les fous mis à part, s’appliquèrent à faire régner parmi les sujets, le régime municipal, au lieu de disparaître avec la république, prospéra durant près de deux siècles. Ces vieilles coutumes de l’Italie, retrouvées par les conquérants ou portées par eux[19] sur le sol provincial, étaient si vivaces, qu’elles y subsistèrent longtemps, comme des témoins du passé auxquels le temps dans son ouvre de nivellement hésitait à toucher. De ces témoins beaucoup ont disparu ; ce qu’il en reste suffit à prouver l’existence, dans le haut empire, d’une organisation municipale absolument différente de celle que montre le Cotte Théodosien. Ce dernier régime a été souvent décrit avec ses désastreuses conséquences ; il faut connaître aussi le premier et ses heureux effets. Il n’y a pas eu pour les villes, comme on l’a pensé, une
loi générale que nous aurions perdue[20], mais toutes les
questions relatives à l’organisation municipale avaient été depuis longtemps
résolues. La grande loi de César ou Table
d’Héraclée, pour l’Italie péninsulaire (45 avant J.-C.), la lex Rubria, pour Dans le haut empire, les lois différaient donc, comme dans
notre vieille France, d’une ville à l’autre, puisque chacune avait la sienne.
Les communes différaient aussi entre elles par leur condition politique. Vue
du dehors et dans ses rapports avec la puissance souveraine, la cité se
classait dans l’une des catégories dont nous avons examiné dans l’histoire de
la république les divers modes d’existence. Au second siècle de l’empire, on
voit, comme dans l’âge précédent, des villes stipendiaires, soumises à
l’omnipotence du gouverneur romain, tout en conservant leurs lois propres,
leur curie, leurs magistratures électives avec une certaine juridiction, et
des villes privilégiées : colonies, municipes de citoyens romains ; cités latines, alliées,
libres ou de
droit italique. Les premières étaient les plus nombreuses ; mais
le chiffre des autres serait fort élevé, si les documents permettaient de les
compter partout, puisqu’elles formaient le tiers des communautés de l’Espagne
citérieure, qu’après Vespasien elles couvrirent toute la péninsule[28], que En racontant la conquête, nous avons dû marquer les différents avantages accordés aux peuples en vue de diviser la résistance et de tromper les vaincus sur l’étendue de leur défaite[30] ; il serait inutile de recommencer ce travail pour le premier siècle de l’empire. L’histoire politique n’a pas à se préoccuper de privilèges qui n’étaient plus un moyen de domination ; mais il lui importe d’étudier, sinon clans ses variétés subsistantes, du moins dans sa forme la plus complète, le municipe, la seule chose qui fût alors vivante dans le monde romain en dehors du palais du prince. La vitalité du régime municipal sur tant de points de l’empire expliquera l’étonnante prospérité de cette époque, comme la décadence des libertés urbaines au troisième siècle nous fera prévoir la chute prochaine du colosse, à qui la base manquera. Mais ces mots de peuples alliés, de villes libres, de cités autonomes, de colonies romaines, que les inscriptions, les médailles, les tettes, nous montrent partout, n’étaient-ils pas de vaines formules, sous lesquelles se cachait le néant véritable des libertés urbaines ? On le croirait d’après certains passages d’un écrivain de ce temps-là, Plutarque, qui, après avoir compris au bord du Tibre le rôle de Rome, cette clef de voûte de l’univers, redevint dans sa petite ville de Béotie un contemporain de Philopœmen. Il ne voit pas que la paix romaine, dont il était si heureux, ne pouvait exister qu’à la condition glue les libertés municipales ne seraient pas l’indépendance. L’archonte de Chéronée, le grand prêtre d’Apollon, regrette pour son municipe les droits souverains : je les regretterais avec lui, s’il avait pu en être autrement, si même il n’avait pas été bon qu’il en fût ainsi. Le temps n’est plus, dit-il à un jeune ambitieux, d’engager des guerres, de conclure des alliances, de former de grandes entreprises. Il vous est permis pour vos débuts d’instruire devant les tribunaux une affaire civile[31], de poursuivre les abus, de défendre le faible. Vous pouvez encore surveiller l’adjudication de l’impôt, l’intendance des ports et des marchés, ou remplir quelque office de police municipale. L’occasion s’offrira peut-être aussi de conduire une négociation avec une ville voisine ou avec un prince ; enfin, avec la maturité de l’àge, vous aurez le droit d’aspirer à une mission auprès de l’empereur et à la magistrature suprême de votre pays. Mais, à quelque rang que vous soyez élevé, ne l’oubliez pas, ce n’est plus le lieu de vous dire comme Périclès revêtant sa chlamyde : Songes-y, Périclès, c’est à des hommes libres a que tu commandes, c’est à des Grecs, à des Athéniens. Dites-vous bien, au contraire : Tu commandes ; mais tu es commandé ; la ville que tu gouvernes est une ville sujette, une ville soumise aux lieutenants a de l’empereur. Il vous faut donc prendre une chlamyde plus simple ; il vous faut, du degré où vous siégez, avoir toujours l’œil sur le tribunal du proconsul et ne pas perdre de vue les sandales qui sont au-dessus de votre couronne[32]. Et ailleurs : Quelle autorité que celle qui, par un mot du gouverneur romain, peut être anéantie ou transférée à un autre[33] ! Tout cela est vrai, mais ne l’est que pour une partie de l’empire. Plutarque a même des paroles qui, dans la bouche de cet admirateur passionné de la vieille indépendance, deviennent singulièrement significatives. Après avoir dit qu’au nombre des biens les plus enviables pour un État sont la paix et la liberté, il ajoute : De la paix, il n’y a point à s’occuper, car toute guerre a cessé ; quant à la liberté, nous avons celle que le gouvernement nous laisse, et peut-être ne serait-il pas bon que nous en eussions davantage[34]. C’était dire, ou peu s’en faut, que les peuples possédaient alors toutes les libertés nécessaires. Sous la république, chaque ville avait, comme Rome, une
assemblée du peuple qui était souveraine pour faire la loi et créer les magistrats : quatorze années
seulement avant Actium, la loi municipale de César montre, dans toute
l’Italie, l’assemblée populaire en pleine possession de ses droits, populus jubet[35]. Naguère encore
on croyait que, Tibère ayant remis, dans Rome, les élections au sénat, une
révolution semblable s’était aussitôt produite dans les provinces. Il est
vrai que l’assemblée populaire, sans être formellement supprimée, fut peu à
peu dépossédée au profit de la curie, et que l’organisation municipale, de
démocratique qu’elle était, devint aristocratique, par suite d’un mouvement
de concentration qui s’accusa de jour en jour davantage dans l’administration
impériale, après avoir été la politique du sénat républicain[36]. Mais cette
révolution, à peu prés accomplie au troisième siècle, ne l’était point au
premier, pas même au second, où l’on voit encore des assemblées publiques
dans les cités. Si, à Rome, une ombre de comices et d’élections populaires se
conserva jusque sous Trajan[37], à plus forte
raison doit-on penser que la réalité remplaçait dans beaucoup de villes ces
vaines apparences, surtout dans celles qui étaient légalement soustraites,
pour leur administration intérieure, à l’action du magistrat romain, soit par
les traités d’alliance conclus au moment de la conquête et que l’on respectait
habituellement, soit par des concessions obtenues plus tard. L’Asie
Pergaméenne, Avant le troisième siècle de notre ère, l’antiquité
gréco-latine ne connaissait véritablement pas le fonctionnaire, cet ordre
nouveau, que forma, dans les monarchies modernes, la centralisation des
pouvoirs, et qui est tout à la fois, pour elles une cause de force et de
faiblesse. Les charges étaient annuelles ou temporaires, même dans l’État, à
plus forte raison dans les cités. A Rome, on y parvenait, en apparence, par
le choix du sénat, en réalité par la désignation du prince ; dans les
provinces, par l’élection populaire. Les libéralités faites au peuple par
ceux qui voulaient arriver aux magistratures, et qu’une foule d’inscriptions
mentionnent, sont déjà une présomption que les candidats avaient besoin du
peuple pour les obtenir. Mais nous avons des preuves directes. Ainsi on
trouve les comices d’élection en exercice : à Bovillæ, aux portes de Rome, en
l’année 157
[39]
; à Pérouse, sous Marc Aurèle[40] ; à Amisus,
pendant l’administration de Pline[41] ; à Tralles,
sous Hadrien[42]
; à Smyrne, vers 211
[43] ; dans Nous savons que Pompéi, au moment de la catastrophe qui l’anéantit, était occupée à des élections populaires. Un a retrouvé affichés sur les murs les professions de foi des candidats, les placards des amis, ceux des adversaires, même les recommandations du gouvernement, c’est-à-dire de la curie, en faveur d’un candidat officiel. Ces affiches se mettaient partout, jusque sur les sépultures qui, dans les cités romaines, bordaient les chemins menant à la ville ; et, dans certaines inscriptions, les morts défendent leur demeure dernière contre les candidats par les imprécations dont ils poursuivent à l’avance ceux qui apposeraient des réclames électorales sur leur tombeau .... repulsam ferat[47]. La loi de Malaga, rédigée sous Domitien, décrit minutieusement toutes les formalités nécessaires pour la tenue régulière des comices[48] et condamne à une amende de 10.000 sesterces celui qui en empêche ou en trouble la réunion. Au temps d’Alexandre Sévère, Paul commente encore la loi Julienne sur la brigue : Le citoyen, dit-il, qui sollicite une magistrature ou un sacerdoce de province et qui, à prix d’argent, ameute la foule pour obtenir des suffrages, est coupable de violence publique et condamné à la déportation[49]. Si Rome avait laissé à tant de villes leurs assemblées
électorales et législatives, elle doit avoir laissé à leurs magistrats une
part considérable de la juridiction. Mais dans quelles limites ? Nous n’avons
sur cette question que le Digeste, qui montre le droit administratif
du troisième siècle et non pas celui du premier[50]. Or, si, aux
deux époques, la loi civile était à peu prés la même, la loi administrative
ne l’était pas. Aussi les grands jurisconsultes de la république et du haut
empire, antérieurs à Salvius Julianus, n’ont fourni tous ensemble aux
Pandectes qu’un nombre de fragments égal au huitième des seules citations
d’Ulpien et de Paul. Que veut dire cette inégalité ? Qu’admis à figurer dans
la collection Justinienne pour confirmer de leur autorité le droit civil de
l’âge postérieur, continuation de celui qu’ils avaient constitué, les vieux
juristes avaient eu fort peu de chose ii donner pour le droit administratif,
parce que celui de leur temps ne subsistait plus, si ce n’est profondément
modifié[51].
Nous possédons bien encore La condition de certaines villes au milieu du premier
siècle est très nettement indiquée par Strabon et le jurisconsulte
Proculus : Marseille, dit le
premier, n’est soumise, ni pour elle-même ni pour
ses sujets, aux gouverneurs de la province[55]. Libre, dit le second, est le peuple qui n’est assujetti à la puissance d’aucun
autre ; fédéré, celui qui a conclu avec un autre un traité à conditions
égales, ou qui, dans le traité d’alliance, a promis de respecter la majesté
d’un autre peuple. Cela ne signifie pas que le premier ne soit pas libre,
mais veut dire que le second lui est supérieur : ainsi nos clients restent
des hommes libres, bien que, pour l’autorité et la dignité, ils nous soient
inférieurs. Cependant des habitants de villes fédérées peuvent être accusés
par-devant nous ; et, s’ils sont condamnés, nous les punissons[56]. Il disait
encore : Je ne doute pas que les peuples libres
et fédérés ne soient en dehors de notre empire[57]. Cicéron, avant
lui, Tacite, un peu plus tard, disaient la même chose[58], et le sénat de
Tibère avait consacré cette doctrine par une décision solennelle[59]. Chaque ville
fédérée ou libre conserve donc la propriété de son sol, sa juridiction
entière et ses péages ; seulement ses habitants gardent le droit de recourir
au tribunal du gouverneur de la province, comme les Italiens, d’après la lex Julia, peuvent accepter la décision du
juge municipal, ou porter leur cause à Rome. Il n’est aucune possession de
l’empire où l’on ne trouve de ces sortes de villes, et elles y étaient en
grand nombre, puisque toutes les cités fameuses de La vie municipale était également active et libre dans les cités de droit latin, car un écrivain des temps d’Auguste et de Tibère déclare ces sortes de villes soustraites à la juridiction du gouverneur de la province[62]. A plus forte raison l’était-elle dans les municipes de droit romain, qui gardèrent jusqu’au second siècle leur législation particulière et leurs tribunaux[63] ; même dans les colonies, où tout était romain et dont la condition, quoique plus dépendante, passait pour plus honorable[64]. Ces villes, en effet, devaient participer à la condition des cités italiennes. Dans notre ancien droit, la coutume de Paris a modifié beaucoup de coutumes provinciales. La loi municipale établie par César pour l’Italie a exercé une influence plus grande encore, car, lorsque les Romains organisèrent dans les provinces des colonies et des municipes, ils ont certainement fait de nombreux emprunts à cette loi qui, pour eux, résumait la sagesse antique et l’expérience des siècles en matière municipale[65]. La lex Julia devint même pour les jurisconsultes du troisième siècle la loi municipale par excellence. Si donc nous connaissions les pouvoirs que ces lois laissaient aux duumvirs italiens, nous serions bien prés de savoir ceux que possédaient les magistrats des colonies romaines et des municipes dans les provinces, deux sortes de villes dont la condition était si rapprochée, qu’au temps d’Hadrien on n’en voyait plus la différence. Or la lex Julia attribuait aux premiers, en matière civile, la décision du litige et les moyens d’exécution forcée[66]. Ces droits sans limite, ils les exerçaient sur toute l’étendue de leur territoire par eux-mêmes ou par leurs délégués, à moins que les parties ne préférassent se faire juger à Rome[67]. La lex Rubria
reconnaissait également au juge municipal, dans Cette disposition, qui limitait la juridiction municipale
dans Que restait-il légalement au gouverneur, en matière civile, à l’égard des cités privilégiées ? Les causes que les parties lui déféraient, les procès relatifs aux dettes et aux créances municipales dépassant un certain chiffre[75], enfin les contestations qui s’élevaient entre deux cités. Ainsi Trajan envoya en Grèce un légat extraordinaire pour fixer les limites du territoire sacré de Delphes[76] ; une autre fois il écrivit au proconsul d’Achaïe d’examiner le différend entre Lamia et Hypate et de prononcer lui-même. Pour des cas semblables, l’intervention de la puissance souveraine est encore aujourd’hui nécessaire. Voilà donc diverses catégories de cités qui étaient à peu près autonomes dans leur administration intérieure[77], et l’histoire, qui nous montre la sollicitude des empereurs pour les provinces, nous garantit qu’au temps du haut empire ces franchises furent généralement respectées. Au criminel, les testes du troisième siècle renferment aussi en des limites singulièrement étroites la juridiction municipale. Le duumvir ou l’édile n’avait le droit de prononcer contre l’homme libre qu’une amende, contre l’esclave qu’un châtiment modéré[78]. Ces derniers mots portent leur date avec eux ; ils ne peuvent avoir été écrits qu’après les Antonins : c’est Ulpien, en effet, qui les donne. Tout autre était le droit dans le haut empire, et l’on mesurera la différence des libertés municipales au commencement et à la fin de la période que nous étudions, si l’on place en regard l’esclave dont parle Cicéron, mis en crois après avoir eu la langue coupée par ordre des magistrats d’une ville d’Apulie[79], et celui du troisième siècle à qui ces mêmes magistrats ne peuvent infliger qu’une modica castigatio. Les gens de Minturnes croient mettre la main sur un voleur : ils le jugent, le condamnent à mort et à la torture avant le supplice[80]. Voilà l’ancienne juridiction ; la nouvelle prononce une amende. En Italie, le droit des justices urbaines était suspendu pour les crimes que punissaient les quæstiones perpetuæ. Ainsi, en vertu de la loi Cornélienne de sicariis, Cluentius, de Larinum, en Apulie, ne put être juge dans cette ville, où le crime avait été commis ; l’affaire vint à Rome devant la commission permanente[81]. Dans les provinces, le gouverneur avait la juridiction criminelle[82] ; mais il ne l’exerçait ni partout ni toujours avec la même étendue. En premier lieu, la police de la cité était nécessairement faite par les magistrats urbains, car, toutes les forces militaires de l’empire restant aux frontières, la sécurité dans l’intérieur dépendait encore, comme sous la république, de la vigilance des autorités locales[83]. Chaque ville avait sa prison, gardée par des esclaves publics[84] ; et, en cas d’émeute, de délit ou de crime, les duumvirs y enfermaient les coupables ; dans celle de Pompéi, on a trouvé les restes de quatre malheureux qui y étaient enchaînés au moment de la catastrophe. A Philippes, ville grecque et colonie romaine, un désordre s’étant produit à la suite des prédications de Paul et de Silas, le magistrat les fait saisir, battre de verges et jeter en prison[85]. Les choses se passent à peu près de même à Lyon pour le procès des chrétiens. Mais jusqu’où les duumvirs pouvaient-ils conduire l’affaire ? A Lyon, résidence du gouverneur, ils font l’enquête préliminaire, mettent les inculpés en détention préventive et attendent le chef de la province, car il s’agit d’un crime de lèse-majesté. A Jérusalem, les choses sont menées plus loin, parce que l’affaire ne regardait point d’abord les Romains. Les princes des prêtres et les anciens du peuple font arrêter Jésus, l’interrogent et le condamnent à mort, puis le conduisent à Pilate pour qu’il ordonne l’exécution. Le gouverneur, qui ne trouve en Jésus aucun crime de droit commun, leur répond : Prenez cet homme et jugez-le selon votre loi. Il leur reconnaît donc le droit d’infliger une peine correctionnelle ; mais c’est la mort de Jésus qu’ils poursuivent : Nous n’avons pas le droit, disent-ils, de faire mourir un coupable[86]. Alors Pilate, pour s’assurer si la sentence du sanhédrin est juste, interroge Jésus et lui demande : Êtes-vous le roi des Juifs ? — Je le suis, répond la sainte victime en ajoutant que son royaume n’est pas de ce monde. Le Romain ne comprend pas cette distinction, et le mot seul de roi des Juifs constituant à ses yeux un crime qui relève de la loi de majesté, il ratifie la condamnation. Les Actes des
Apôtres confirment cette procédure. A deux reprises, les prêtres
ordonnèrent d’emprisonner Pierre et Jean, puis s’assemblèrent pour prononcer
sur eux. La première fois, la crainte du peuple les arrêta ; la seconde, ils
allaient les condamner à mort, quand Gamaliel les décida à laisser tomber
l’affaire. Toutefois ils ne relâchèrent les prisonniers qu’après les avoir
fait battre de verges. Quelques mois plus tard, Étienne fut lapidé, sans que
les Actes mentionnent
l’intervention du procurateur. Paul rappelle lui-même aux Juifs la part qu’il
prit au jugement et à l’exécution : Avant sa
conversion, il faisait fouetter dans les synagogues ceux qui croyaient en
Jésus ; il les menait en prison et donnait contre eux son suffrage quand il
s’agissait de les faire périr. Il ajoute : Je tenais ce pouvoir des princes des prêtres.
Ceux-ci le chargèrent même d’aller à Damas saisir des Juifs convertis[87]. Ce mandat
d’amener, délivré par les chefs de la nation à Jérusalem et exécutoire bien
loin de Après l’émeute qui éclata dans Jérusalem lorsqu’on répandit le bruit que Paul avait introduit des Gentils dans le temple, on voit reparaître le droit du grand conseil national à instruire un procès criminel. Les prêtres veulent arrêter l’apôtre et le juger ; la garnison romaine intervient dans l’intérêt de l’ordre publie, et Paul, arraché des mains de la foule, est conduit à Césarée. Le grand prêtre Ananias et quelques anciens l’y suivent : Cet homme, disent-ils au procurateur, est une peste, un fauteur de désordres, et il a profané notre temple. Nous nous sommes saisis de lui pour le juger selon notre loi[88]. Or la loi juive punissait de mort les profanateurs du saint lieu ; et, pour que nul n’en ignorât, la défense faite aux étrangers sous peine de la vie de pénétrer dans l’enceinte sacrée était gravée en grec et en hébreu sur le péribole qui séparait le parvis des Juifs de celui des Gentils. Paul avait le droit de cité romaine, ce qui rendait l’affaire délicate ; elle traîna deux ans, les Juifs demandant toujours que le prisonnier fût renvoyé à Jérusalem, comme justiciable du tribunal de sa nation et non pas du tribunal romain. Le procurateur, que ce procès embarrassait, finit par y consentir[89] ; Paul trouva plus sûr alors d’en appeler à l’empereur. S’il n’avait pas eu ce droit, tout se serait passé comme pour Jésus. Ainsi, suivant les Évangiles et les Actes, les chefs du peuple à Jérusalem, lorsqu’il ne s’agit pas d’un citoyen romain, ordonnent des arrestations, jettent en prison, font battre de verges et condamnent à mort, mais livrent le condamné à l’officier romain, qui vérifie les motifs de la sentence, et, s’il la trouve juste, fait procéder à l’exécution : c’est le jugement définitif, car il a une sanction que l’autre n’avait pas, le supplice. Le premier n’en était pas moins un jugement véritable, puisque, sans la sentence des juges nationaux, Pilate n’eût point fait exécuter Jésus. L’aréopage d’Athènes a plus de liberté que le sanhédrin juif : un homme est accusé de faux, il le condamne ; un proconsul de passage par la ville, un des plus fiers patriciens de Rome, demande la grâce du coupable, on la lui refuse[90]. A Marseille, le juge prononce aussi l’exil, qui est une sentence capitale[91]. En Sicile, le préteur veut décider lui-même dans un procès de faux en écriture publique intenté à un citoyen de Thermes : l’accusé le récuse. Le sénat et le peuple romain, dit-il, ont rendu aux Thermitains leur ville, leurs terres, leurs lois ; et il réclame d’être jugé par les magistrats, d’après la loi de son pays[92]. Chéronée ne semble même pas devoir être comptée parmi les villes privilégiées, cependant son sénat prononce une sentence de mort contre un de ses plus nobles citoyens[93] ; et, quand on voit un duumvir italien, pour augmenter l’attrait d’une fête qu’il donne au peuple, faire jeter quatre hommes aux bêtes[94], il y a apparence que celui qui ordonnait le supplice avait aussi prononcé la sentence. Appien nous a montré les magistrats de Minturnes condamnant à la torture, à la mort. A Alexandrie, une émeute éclate contre le préfet d’Égypte, le plus puissant et le plus redouté des gouverneurs. Ce n’est pas lui qui intervient : les officiers municipaux font saisir les coupables, les interrogent au milieu des instruments de torture, découvrent l’instigateur du désordre et le défèrent à l’assemblée publique. Les uns demandent contre lui un décret d’infamie ; d’autres, l’exil ; le plus grand nombre, la mort : il y échappa par une fuite précipitée[95]. Un dernier fait. Dans Que ces lois aient existé seulement chez les peuples privilégiés, à un titre ou à un autre, on n’en saurait douter. Mais, en voyant que certaines villes de France au seizième siècle et certains comtés d’Angleterre au dix-septième possédaient encore le droit du glaive[98], on s’étonne moins de rencontrer ce même droit dans l’agglomération de cités à conditions diverses qui composaient l’empire romain. Les historiens de ce temps-là ne s’inquiétaient ni des supplices ni de ceux qui les subissaient, quand il ne s’agissait que de petites gens. Il nous reste cependant de Tacite un chiffre effrayant : lorsque Claude voulut donner une fête sur le lac Fucin, il fit venir des provinces dix-neuf mille condamnés à mort. C’étaient des hommes jeunes et valides, puisqu’ils devaient lutter comme soldats ou rameurs dans une bataille navale ; il est donc à croire qu’ils avaient laissé derrière eux, dans les prisons, beaucoup de leurs pareils qu’on n’avait pas jugés propres au voyage ou à la fête. Les gouverneurs avaient-ils fait seuls l’instruction de ces innombrables procès ? Ne leur fallait-il pas s’aider des magistrats municipaux pour suffire à la tâche de faire régner sans un soldat, l’ordre, la sécurité et la loi, au milieu de cent millions d’hommes ? Beaucoup de peuples à qui Rome n’avait demandé que l’abandon de leur souveraineté extérieure, toutes ces villes que l’on regardait comme placées en dehors de l’empire, ont dû conserver longtemps l’activité de leurs tribunaux. Au temps de Marc-Aurèle, un jurisconsulte disait : Pour certains crimes, le châtiment diffère avec les provinces[99]. Ces différences provenaient de coutumes locales que le conquérant avait respectées. Quelle merveille qu’il eut aussi respecté quelques-uns des anciens pouvoirs qui en dérivaient ! La principale fonction des duumvirs, marquée par leur titre même, de jure dicundo, était de rendre la justice et de faire exécuter leur sentence. En voyant qu’une ville obscure, telle que Genetiva, avait le droit d’armer ses habitants et d’investir le duumvir qui les commandait des pouvoirs possédés par le tribun militaire dans l’armée romaine, c’est-à-dire, en certaines circonstances, du droit de vie et de mort sur ses soldats et sur ses captifs[100], on ne peut s’empêcher de croire que ces magistrats avaient gardé la haute justice, sauf pour les crimes dont la connaissance, réservée en Italie au préteur de Rome, devait l’être dans les provinces aux gouverneurs[101]. Les magistrats des villes privilégiées agissaient-ils en vertu d’un pouvoir propre ? Dans les cités libres, assurément, puisque. Athènes, Alexandrie, Haliarte, Thermes, condamnent et font exécuter la sentence pour des crimes prévus par les lois cornéliennes. De même dans les colonies, puisque par un de ces changements si fréquents à Rome les pouvoirs judiciaires de l’assemblée publique avaient été transférés par Auguste au sénat municipal[102]. On a vu qu’à Genetiva les duumvirs avaient l’imperium et la potestas[103], sans doute avec l’obligation, comme à Jérusalem, d’en référer pour l’exécution au gouverneur, et sous la, condition de l’appel[104]. Enfin le magistrat romain déléguait souvent son droit de juger[105] ; un article des Bronzes d’Osuna (Chap. XCIV) édicte que cette délégation ne pourra être faite qu’à ceux qui ont dans la colonie le droit de rendre la justice, c’est-à-dire au duumvir ou à l’édile. Il faut donc, au sujet de la juridiction, concevoir la province romaine comme partagée en deux domaines différents dont les frontières, souvent confondues par les proconsuls républicains, furent habituellement respectées par les lieutenants impériaux : d’une part, le sol provincial, véritable propriété du peuple romain, où s’exerçait la toute-puissance du gouverneur[106] ; de l’autre, les terres des villes privilégiées où son autorité absolue était limitée par les traités et par les franchises reconnues à ces peuples. Sur le premier de ces domaines, le gouverneur décidait toutes les affaires d’importance[107] ; sur le second, au criminel, nous pensons qu’il n’avait, dans les colonies, les municipes et les cités latines, que les cas réservés par lés lois cornéliennes, l’examen des sentences capitales rendues par les duumvirs, l’appel de toutes les autres et les recours à sa justice faits par les villes ou les particuliers. Les écrits des jurisconsultes du haut empire qui auraient pu nous en faire connaître l’ordre administratif étant perdus, il subsiste en cette matière beaucoup de difficultés, et il faut se résigner à n’entrevoir que certaines choses. Cependant qu’on lise deux traités politiques[108] d’un contemporain de Marc-Aurèle, et l’on y trouvera, au milieu de regrets mélancoliques pour l’indépendance perdue, la preuve d’une vie municipale fort active. Plutarque y parle à chaque instant de l’assemblée publique ; de la tribune, d’où les orateurs font leurs propositions au peuple, cheval fringant qu’on peut rendre facile et doux avec de l’éloquence ; des magistratures, décernées dans les comices ; de la brigue qui s’y exerce comme dans la vieille Rome ; des tribunaux, où se jugent des procès publics ; des grandes causes, qui permettent de se signaler à l’attention de la ville entière. Jupiter est toujours le protecteur du Forum[109], le dieu qu’on invoque pour qu’il donne la sagesse aux assemblées. Les discours de Dion Chrysostome montrent sous le même aspect l’intérieur des cités. Le municipe avait sa religion particulière, comme sa justice, son administration et ses finances. Ses prêtres, pontifes, flamines, augures, étaient aussi librement élus que ses magistrats[110], mais n’étaient point annuels, comme eux ; et, si les divinités locales avaient consenti à partager leurs autels avec les dieux de Rome, elles gardaient le cœur des habitants, qui s’attachaient obstinément au culte national, aux fêtes antiques, à tout ce qui, de la terre ou du ciel, leur rappelait le souvenir des aïeux et de la vieille indépendance. La cité formait donc alors un être complet, ayant tous les organes nécessaires à ses fonctions multiples et où le principe de vie était la liberté. Ces villes n’étaient pas, comme les nôtres, tenues soigneusement isolées. L’assemblée provinciale réunissait tous les ans leurs députés[111] ; quelques-unes avaient de plus des relations étroites avec leurs voisines. Elles contractaient entre elles des liens d’hospitalité publique qui constituaient des droits réciproques ; ou elles s’associaient soit pour une œuvre commune[112], soit pour des jeux et des fêtes. Onze cités lusitaniennes construisirent le pont d’Alcantara, qui subsiste encore[113], et nombre d’inscriptions montrent des villes se cotisant pour faire des routes d’intérêt commun. Les trois colonies de Cirta[114] formaient avec leur métropole un État véritable où l’édile municipal était investi des pouvoirs attribués au questeur romain dans les provinces proconsulaires[115]. Les vingt-trois villes du corps lyciaque étaient une sorte de république fédérative, et l’on connaît, outre la confédération des trois grandes villes de la région des Sertes, une tripolitaine dans l’île de Lesbos[116], une tétrapole en Phrygie, une pentapole en Thrace[117], etc. Maintenant nous en savons assez, et cela seul importe à l’histoire politique, pour avoir le droit de regarder le haut empire non comme un État au sens moderne du mot, avec ses fonctionnaires partout présents, agissant partout et toujours de la même manière, mais comme une agrégation de communautés républicaines, qui, soumises à un pouvoir central, quant à la souveraineté politique et à l’impôt, ne l’étaient pas encore à une administration tracassière ; et qui, dans le cours habituel des choses, géraient comme elles l’entendaient leurs affaires intérieures : les municipes et les colonies avec une liberté plus grande, les villes stipendiaires avec une liberté moindre, les cités libres et fédérées avec une véritable indépendance. Sans doute, dans cette société où le droit public était fort mal défini, les princes avaient conservé sur tout l’empire cette haute tutelle que le sénat s’était autrefois réservée sur l’Italie et qui, à certains moments, devait singulièrement gêner la liberté des villes[118]. Sans doute aussi, deus choses se trouvaient parfois en contradiction, comme elles peuvent l’être dans tous les temps, le droit et le fait. De loin en loin un mauvais gouverneur empiétait sur les franchises des citoyens, et un bon prince paraissait les oublier, en chargeant un commissaire extraordinaire de corriger les abus d’une province[119]. On a surtout recueilli le souvenir de ces violations ou de cet oubli momentané du droit ; c’est le droit lui-même que nous avons cherché à établir, et cette étude montre que le peuple romain avait su résoudre, du moins dans la première organisation de son empire, le difficile problème de concilier un gouvernement monarchique et des franchises locales, un pouvoir central très fort et beaucoup de cités habituellement très libres. Nous tirerons plus tard les conséquences de ce fait pour l’histoire générale de l’empire : mais entrons dans une de ces cités, à Salpensa, à Malaga, ou à Genetiva Julia, puisqu’une heureuse fortune nous a fait retrouver une partie de ce qu’on pourrait appeler la charte de ces trois villes. Sauf des différences de détail tenant aux usages locaux, ces lois reproduiraient, si nous les possédions en entier, les principes généraux de la législation municipale à la fin du premier siècle de l’empire. II. — INTÉRIEUR D’UNE CITÉ ROMAINE
: L’ASSEMBLÉE PUBLIQUE,
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[1] Strabon, III, 3, 5.
[2] Neigebaeuer, Dacien, p. 5.
[3] Le maréchal Randon m’a souvent dit : Chaque fois que, dans une expédition, mes régiments souffraient de la soif, je m’enquérais auprès des indigènes s’il y avait des ruines romaines dans le voisinage, et quand j’en avais trouvé, je faisais aussitôt sonder le terrain toujours nous trouvions de l’eau.
[4] Municeps, de munus capessere. (Aulu-Gelle, XVI, 15.)
[5] Origine propria neminem posse voluntate sua eximi manifestum est (Cod., X, 38, 4).
[6] Juris societas (Cicéron, de Rep., I, 52). Societas jus quodammodo fraternitatis in se habet (Digeste, XVII, 2, 63).
[7] Amor et religio erga cives universos.... amor civicus (Orelli, n° 4360). L’inscription est de 386, mais païenne.
[8] La ville pouvait créer par la concession du droit de cité, allectio, de nouvelles familles. Cives origo, manumissio, alleclio vel adoptio facit (Cod., X. 7, 39). On trouve même dans Apulée (Met., IV) : Adolescens.... quem filium publicum omnis sibi civitas cooptavit, et, dans les inscriptions grecques, les mots fils du sénat, de la ville, du peuple, etc., donnés sans doute, à titre honorifique, pour récompenser ou provoquer des libéralités, sont très fréquents. (C. I. G., n° 3570 ; Waddington, Voyage arch., partie V, 4018, 4019, 4026, 4050 et n° 55, 9602.) Venise adopta ainsi Bianca Capella, la fille de la république. Le droit de cité était accordé aux femmes, civit recepta (C. I. L., t. II, n° 813). Un rescrit impérial pouvait aussi le conférer. Cf. Pline, Lettres, X, 22, 23. Dion Chrysostome, Orat., XLI ad Apam., II, 181 (édit. Reiske).
[9] Cicéron montre bien l’esprit de l’ancien droit à leur égard : Peregrini et incolæ officium est nihil præter suum negotium agere.... minimeque esse in aliena republica curiosum (de Officiis, I, 34). Plus tard l’incola partagea avec le civis les charges onéreuses, munera, comme les alliés reçus dans la cité romaine avaient dû en accepter les obligations. Ulpien (au Digeste, L, 1, 1, § 1) disait : Municipes appellati recepti in civitatem ut munera nobiscum facerent, en ajoutant : Nunc abusive municipes dicimus sua ; cujusque civitatis cives. L’incola ne pouvait d’abord arriver aux dignités, honores (Cod., X, 39, 5 et 6) ; il finit pourtant par les obtenir. (Orelli, n° 2725, et Agen. Urbicus in Gromat., p. 84.) Déjà la lex Malac. lui reconnaît le droit de voter dans l’assemblée, s’il a le jus civitatis ou le jus Latii.
[10] Personæ vice fungitur municipium et decuria (Florentin, au Digeste, XLVI, 22).
[11] Pour la division
du peuple en curies, cf. Orelli, n" 3727, 5740, 3771, et Henzen, n° 6963,
note 2,
[12] On trouvait encore du temps d’Hadrien des préteurs en Étrurie, des dictateurs dans le Latium (Spartien, Hadr., 19 ; cf. Borghesi, I, 490 ; VI, 315), et le duumvirat rappelait, par ses prérogatives, l’ancien consulat de Rome, avant la création de la censure et de la préture.
[13] Il y avait des tribuns du peuple à Teanum, à Venouse, à Pise. (Orelli-Henzen, n° 3145. 5985, 6218, 7145.)
[14] Comme à Genetiva Colonia, chap. CI.
[15] C. I. L., t. II, n° 1064. La division en centuries, qui était fondamentale à l’armée, avait été adoptée aussi pour quelques collèges d’artisans. Cf. Orelli, n°’ 4060, 4071, 4137, etc.
[16] Noct. Att., XVI, 13 : Populi Romani.... coloniæ quasi effigies parvæ simulacraque.
[17] Hæc lex in urbe hodie cesset.... Quod si in municipio contra hanc legem, magistratum aul sacerdotium quis petierit.... (Digeste, XLVIII, 14, 1.)
[18] Code Théodosien, XII, 5, 1.
[19] Ce que nous savons
des formules des provinces et des lois municipales : règlements faits pour les
Siciliens ; formule de
[20] C’est toutefois l’opinion de Mommsen (C. I. L., t. I, p. 125 et suiv.) et de Rudorff (Rœm. Rechtsg., 1, 34). Marquardt (t. IV, p. 66) dit encore de la lex Julia municipalis : Eine vollstændige und allgemeine, sowohl für die Hauplstadt selbst als für die italischen und ausseritalischen Municipien gellende Communalordnung, welche in der Kaiserzeil fortbestand. Les villes pouvaient-elles modifier leurs lois ? Les cités alliées, sans nul doute, mais les colonies etles municipes, qui recevaient leur charte de Rome, ne la modifiaient que de concert avec la puissance souveraine. Ainsi Arpinum changea le mode de votation dans ses comices (Cicéron, de Leg., III, 16). On peut voir dans les Verrines, au sujet des lois faites, pour les Siciliens, combien Rome mettait d’attention à consulter les coutumes et les désirs des peuples auxquels elle donnait des lois.
[21] Celles de Salpensa et de Malaga ont été écrites entre 81 et 84, celle d’Osuna date de César, mais fut publiée et peut-étre corrigée vers le même temps. Après avoir reçu de Vespasien le jus Latii, l’Espagne doit avoir eu à rédiger avec plus ou moins de changements ses législations municipales.
[22] Aulu-Gelle, XVI, 13. Une seule ville avait même parfois deux constitutions différentes, soit qu’elle eùt reçu deux colonies, cives novi et veteres, soit que les anciens habitants, municipes, pussent gardé leur charte et que les nouveaux, coloni, en eussent apporté une autre (Henzen, n° 6962). Cf. C. I. L., t. II, p. 501 : duplicem ordinem, duplicemque omnino rem publicam fuisse scimus compluribus oppidis, ut Pompeiis, Arretio, Valentiæ.
[23] Pline, Lettres, X, 114.
[24] Digeste, I, 3, 32.
[25] Digeste, XLVII, 12, 8, § 5. Ces lois particulières étaient encore en vigueur au troisième siècle, même plus tard. Toutefois, avant la fin du second siècle, Aulu-Gelle disait déjà : Obscura, obliterataque sunt municipiorum jura quibus uti jam per innotitiam non queunt. Ces mots jam non queunt indiquent que le mouvement qui allait faire tomber les lois municipales en désuétude ne faisait que commencer.
[26] Si lex municipii potestatem duumviris dedit ut.... nihil contra hujus legis tenorem rector provinciæ fieri patietur (Cod., VIII, 49, 1, et XI, 29, 4). Un livre de droit rédigé au cinquième siècle montre qu’au-dessous du droit romain il existait encore des coutumes locales, non seulement pour les poids et mesures, pour le calendrier, etc., mais encore pour des questions juridiques. (Bruns, Syrisches Rechtsbuch, passim, et Esmein, au Journal des Savants de mai 1380.)
[27] Toute la
correspondance de Pline et de Trajan prouve que, même à cette époque, le
gouvernement n’aimait pas encore à prendre des mesures générales
d’administration. Par exemple, Pline demande à Trajan de rendre une ordonnance
pour le Pont et
[28] Pline, Histoires naturelles, III, 5.
[29] Herzog (Galliæ Narb. prov. Rom. Historia) y compte sept colonies romaines, trente-six villes latines, et Marseille, civitas fœderata, libera et immunis. Le jus Italicum, qu’on suppose avoir été créé par Auguste ou César, transformait le sol provincial en sol italique, ce qui donnait aux habitants le domaine quiritaire et l’exemption du tribut.
[30] Voyez pour l’Italie, chapitre XVII ; pour les provinces, chap. XXXIV.
[31] Le texte dit davantage : δίxαί δημοσίαι (Préc. polit., 10).
[32] Dans ce passage que j’emprunte à M. Gréard, Morale de Plutarque, p. 224-5, sont résumés divers endroits du traité des Préceptes politiques.
[33] Plutarque, Préc. Pol., 32.
[34] Plutarque, Préc. Pol., 32.
[35] Chap. XII. Cf. Orelli-Henzen, n° 2551, 3709, 6966, 7227.
[36] Cf. Appien, Mithridate, 59 ; Pausanias, VII, 16, 6. Cicéron a formulé nettement cette politique : .... ut civitates optimatium consiliis administrentur (ad Quint. fratr., I, 1, 8, 25) ; mais il y eut cette différence entre la république et le moyen empire, que l’une se contenta de se montrer favorable à l’influence des grands dans les cités, ce qui était une forme particulière de la vie municipale, et que l’autre fut peu à peu conduit à y supprimer toute vie.
[37] Dion, LVII, 20, et Pline, Panégyrique, 63, 64, 77. Cf. Vopiscus, Tacite, 7, où il montre les soldats et le peuple, milites et Quirites, ratifiant l’élection faite par le sénat ; plus tard encore l’élection de Gordien III faite par le peuple et imposée par lui au sénat.
[38] Au second siècle
de notre ère, Justin (XXXIII, 2) dit de
[39] Orelli, n° 5701.
[40] Orelli, n° 2551.
[41] Lettres, X, 110 : .... bule et ecclesia consentiente.
[42] .... τοϊς ψηφίσμασι τής τε Βουλής xαί τώ δήμου (C. I. G., n° 2927). De même à Tarse, et en mille autres lieux, on trouve ή Βουλή xαί ό δήμος.
[43] C. I. G., n° 5161.
[44] C’est du moins ce que l’on peut conclure d’une inscription du temps de Caracalla, recueillie par M. L. Renier à Jomnium (Inscr. d’Alg., n° 4070), où un duumvir mentionne son élection par l’Ordo, ce qu’il n’eût point fait si c’eût été la coutume. A Tergeste, sous Antonin, on entrait à la curie per ædilitatis gradum (Orelli-Henzen, n° 7168). L’usage des assemblées publiques était encore si bien conservé au milieu du second siècle, que Plutarque, dans les conseils qu’il donne pour parvenir, recommande de n’apporter devant la multitude qu’une parole méditée. (Prés. pol., 6.)
[45] Code Théodosien, XII, 5, 1 : .... nominatio candidatorum populi suffragiis.
[46] Cf. Orelli-Henzen, n° 5171 : ordo et universus populus ; n° 5185 : dec. aug. et plebs ; n° 7170 consensu plebis ; n° 1770 : dec. et liberis earum, sev. aug., plebei univers ; à Gaëte, sous Hadrien, .... rogatus ab ordine, pariter et populo.... (n° 3817). Cf. n° 5882, 4020, etc., etc. Pour Ancyre et Pessinunte, voyez Perrot, de Galatia, p. 147 et suiv. ; pour Palmyre : Βουλή xαί δήμος ; cf. Letronne, Recherches sur l’admin. égyptienne, p. 268, et de Vogüé, Inscr. sémitiques, p. 18.
[47] Orelli-Henzen, n° 3700, 6966. 6977, 7227, 7276, et toutes celles auxquelles Henzen renvoie dans son Index, p. 169. Quand la nouvelle de la mort de C. César (an 4 de J.-C.) arriva à Pise, la colonie, alors en pleine crise électorale, n’avait pas de magistrats, propter contentiones candidatorum. Les détails du deuil public furent arrétés per consensum omnium ordinum. (Wilmanns, 885, et Lupi, i Decreti della colonia Pisana.)
[48] Lex Malacitana, art. 51-59.
[49] .... si turbam suffragiorum causa conduxerit.... [Sent., V, 30 (A)].
[50] Le nombre des fragments des anciens jurisconsultes insérés au Digeste n’est que de 586 ; Ulpien en a fourni 2462, Paul 2084. Cf. Puchta, Cursus der Institutionen, t. I, p. 431-477.
[51] Autre exemple du silence du Corpus jures au sujet d’une ancienne institution : il ne nomme pas une seule fois les Augustales, que les inscriptions nous prouvent avoir occupé une place considérable dans la société du haut empire, mais qui avaient disparu deux siècles avant Justinien.
[52] Paul, Sent., V, 51, 1.
[53] Digeste, II, 1, 12.
[54] En Espagne, on comptait, au temps de Pline, cinq cent treize villes, et il n’y avait que quatorze conventus juridici, un pour trente-sept, où le gouverneur tenait chaque année ses assises durant quelques jours. En France, où les tribunaux sont permanents, nous avons un juge de paix par canton, un tribunal de première instance par arrondissement, des tribunaux de commerce et moitié plus de cours d’appel (26) que l’Espagne n’avait de conventus.
[55] Liv. IV, p. 181. Marseille avait avec Rome un traité d’alliance, fœdus æquo jure percussum (Justin, XLIII, 5). Les socii populi Rom. n’étaient pas dispensés de certaines prestations stipulées au traité : soldats, navires, matelots, etc., hébergement des magistrats romains de passage par leurs villes, etc. Strabon (VIII, 365) dit des Lacédémoniens : έμειναν έλεύθεροι, πλήν τών φιλιxών λειτουργιών άλλο συντελποΰντες ούδέν. Le sénatus-consulte eu faveur des Chiotes (C. I. G., n° 2222), le plébiscite de l’an de Rome 682 pour Termessus major (C. I. L., t. I, p. 994), sont aussi explicites. Cicéron avait dit (Verrès, II, 66, 160) : Taurominitani.... qui maxime ab injuriis nostrorum magistratuum remoti consuerant esse præsidio fœderis. Cf. Id., de Prov. cons., 3, 6 :.... omitto jurisdictionem in libera civitate contra leges senatusque consulta ; Id., in Pison., 16 : lege Cæsaris justissima atque optima [multis sen. cons. dans le pro Domo, 9) populi liberi plane et vere liberi. Dans le pro Balbo (16, 35-36), à propos de Gadès qui était fœdere inferior, il célèbre cette politique qui avait su combiner les droits du peuple suzerain avec l’autonomie du peuple vassal.
[56] At fiunt apud nos rei ex civilatibus fœderalis et in cos damnatos animadvertimus (Digeste, XLIX, 15, 7, § 1). Cf. Cicéron, in Pison, 16, 37.
[57] .... Quin nobis æterni
sint (Digete, ibid.). Suétone (César, 23) et Tacite (Ann.,
XV, 45) parlent de même. Festus est plus explicite encore (p. 218) : cum populis liberis
et cura fœderatis et cum regibus postliminium nobis est ita, uti cum hostibus.
Aussi un exilé pouvait être reçu dans une ville fédérée. Cf. Polybe, VI, 14, 8
; Tacite, Ann., IV, 43. Du reste
celle indépendance ne doit s’entendre que de l’administration intérieure. Si
les peuples alliés ne faisaient point partie de la province, ils faisaient
partie de l’empire, et, au point de vue politique, ils étaient soumis au prince
ou à ses représentants. Kuhn (Die städt.
und büsgerl. Verfam. des Röm. Reichs, t. II. p. 26 et 290) compare les
villes libres et fédérées de l’empire aux cantons suisses et aux États de
[58] Cicéron, pro Balbo, 97, et Tacite, Annales, III, 55.
[59] Tacite, Annales, IV, 33, dans l’affaire de Volcatius Moschus.
[60] Roma quæ Achæis, Rhodiis et plerisque urbibus claris jus integrum libertatemque cum immunitate reddiderat (Sénèque, de Ben., V, 16). Cf. Pline, Hist. nat., V, 29. On connaît, dans la province d’Asie, dix-huit villes libres, et on ne les connaît pas toutes.
[61] Lettres, X, 95.
[62] Nîmes était cité latine, et, à cause de cela, δίά τοΰτο, n’était pas soumise τοίς προστάγμασι τών έx τής ‘Ρώμης στρατηγών (Strabon, IV, 1, 12). Cicéron dit même : Gaditan, id est fœderati (pro Balbo, 24). Toutefois le gouverneur devait, comme le préteur en Italie, exercer dans les cités latines les droits supérieurs de l’imperium pour les cas réservés dont il sera question plus loin.
[63] D’après le passage classique d’Aulu-Gelle, XVI, 15 : Municipes sunt cives Romani ex municipiis, legibus suis et suo jure utentes, muneris tantum cum populo Romano honorari participes.... nullis aliis necessitatibus, neque ulla populi Romani lege astricti.
[64] Magis obnoxia, minus libera (Aulu-Gelle, WVI, 15).
[65] Aulu-Gelle dit des colonies : .... jura, institutaque omnia populi Romani non sui arbitrii, habent (XVI, 13).
[66] Lex Julia, lin. 117-118, ap. C. I. L., t. I, p. 120. Ulpien disait encore au troisième siècle : Jus dicentis officium latissimum est. Nam et bonorum possessionem dare potest, et in possessionem mittere, pupillis non habentibus tutores constituere, judices litigantibus dare (Digeste, II, 1, 1. Cf. ibid., II, 1, 3).
[67] Die Gerichtbarkeit der Duumvirn erstreckt sich auj alle Civilsachen ohne Einschrænkung (Bethmann-Hollweg, Civilprozess, t. II, p. 23). C’est aussi l’opinion de Puchta (Cursus der Institutionen, § 90, p. 395 ; Unbeschrænkte Rechlspflege, de Keller, édit. Capmas, p. 6-7, etc.).
[68] Lex Rub., chap. XXII, quæ res non pluris HS XV millia erit. Savigny (Hist. du droit rom. au moyen âge, t. I, p. 51 de la trad. fr.) dit : Dans certaines affaires, la juridiction du duumvir était illimitée et l’exécution sur les biens pouvait être poursuivie. C’est aussi l’opinion de Mommsen (C. I. L., t. I, ad leg. Rubr., p. 118). Nos tribunaux civils ne jugent en dernier ressort que jusqu’à 1500 francs en matière personnelle et mobilière, et jusqu’à 60 francs de prix de bail en matière réelle immobilière. Lorsque l’objet du procès est d’une valeur supérieure, ils ne jugent qu’en premier ressort. L’art. 69 de la lex Mal. paraît avoir aussi fixé une limite pour le judicium pecunim communis. Malheureusement le texte manque au point le plus important.
[69] Quelque idée politique qui nous échappe se cache sans doute sous cette disposition. Ne se pourrait-il pas que les dettes ayant été un des grands soucis de Rome républicaine, le sénat ait voulu prévenir, dans les villes rattachées à sa fortune, les agitations dont la capitale avait été troublée par un règlement qui ne laissait aux magistrats des cités comprises dans l’agro Romano que la décision en matière de créance des procès de peu d’importance. Quand l’Italie devint terre romaine, cette disposition lui aura été appliquée avec le respect religieux des Romains pour les anciennes prescriptions ; elle l’aura été, par le même motif, aux colonies romaines d’outre-mer, puis à tout l’empire, à l’époque où tout l’empire eut le droit de cité. Cette limitation, au lieu d’être une atteinte à l’autorité des officiers municipaux, serait alors un privilège des citoyens romains : celui de n’être jugés en matière de dettes considérables que par le préteur de Rome ou par celui qui le représentait dans les provinces, comme, en cas d’accusation criminelle, ils n’étaient justiciables que du gouverneur, avec le droit d’en appeler au prince. Cette interprétation semble autorisée par la lex Sempronia, qui, pour diminuer les maux de l’usure, prescrivit ut cum sociis ac nomine Latino pecuniæ creditæ jus idem quod cum civibus (Tite-Live, XXXV, 7, ad ann. 561 U. C.).
[70] Ainsi Marquardt, Handbuch, t. IV, p. 67.
[71] Sent., V, 5e, 1. D’après un fragment de loi municipale (67 av. J.-C. ?), trouvé aux environs d’Este en 1880 ; le duumvir pouvait, dans les actiones famosæ, délivrer une formule et donner un juge ou un arbitre, lorsque l’intérêt en jeu ne dépassait pas 10.000 sesterces, et que le défendeur y consentait. Esmein, au Journal des Savants, 1881, p. 123.
[72] Art. 65 : … jus dicito, judiciaque dato. Voyez note 66, le commentaire d’Ulpien sur les pouvoirs du jus dicentis. Sur la division du procès en deux parties : la procédure in jure par-devant le magistrat investi de la juridiction, qui fixait l’objet du débat et marquait la marche à suivre, et la procédure in judicio par-devant les juges qu’il chargeait d’entendre l’affaire et de prononcer la sentence. Voyez de Keller, De la procédure civile chez les Romains, § 1, trad. Capmas.
[73] Regiones dicimus finira quarum fines singularum coloniarum aut municipiorum magistratibus jus dicendi coercendique libera potestas (Siculus Flaccus, Gromat. Vet., édit. Lachmann, I, p. 135). Cf. le curieux passage de Strabon sur l’élection par le corps lyciaque des magistrats et des juges (XIV, 3, 3).
[74] Au troisième siècle, Paul disait encore d’une manière générale : Apud magistralus munic., si habeant legis actionem, emancipari et manumilti potest (Sent., II, 25, 4).
[75] Lex Mal., 69.
[76] Vespasien chargea son procurateur en Corse de fixer les limites de deux communes et lui envoya à cet effet un géomètre, mensorem (Orelli, n° 4051) ; Trajan fait même chose en Macédoine (C. I. L., t. III, 591), Hadrien en Thessalie (ibid., 586), en Thrace (ibid., 749) ; Claude, dans le Tyrol (cf. la curieuse Table de Clés trouvée en 1869, édit. Dubois). La république avait agi de même. Cf. Orelli-Henzen, n° 5114 et 5115.
[77] Bethmann-Hollweg (t. I, § 18, p. 41) dit des villes latines et fédérées : .... genossen sic übrigens vollkommene Autonomie, also eigne Gesetzgebung und Gerichte. Cf. id., t. II, p. 21 et suiv. C’est aussi le sentiment de Kuhn. Les villes stipendiaires, qui étaient les plus nombreuses, restaient, il est inutile de le dire, bien qu’elles eussent leurs lois propres et une certaine juridiction, soumises à la surveillance et aux ordres des gouverneurs. L’édit de Cicéron pour son gouvernement de Cilicie (ad Atticus, VI, 11, 15) montre à combien d’affaires s’appliquait, dans ces villes, l’autorité proconsulaire.
[78] Modica casligatio (Digeste, II, 1, 12). Au sujet des amendes, voyez plus loin.
[79] Pro Cluentio, 64-66. Autre exemple à Catane. Cf. Cicéron, Verrines, IV, 45.
[80] Appien, Bell. civ., IV, 28. Cf. Tite Live, VII, 17, où deux colonies veulent punir de mort ceux de leurs citoyens qui ont pris part à une guerre contre Rome. Je ne cite pas l’exemple de Marius, qui, proscrit, pouvait être tué partout.
[81] Cicéron, pro Cluentio, 6. Polybe (VI, 13) montre le sénat de son temps déjà en possession de juger ces crimes, en quelque lieu de l’Italie qu’ils eussent été commis.
[82] Mixtum et merum imperium.... Merum est imperium habere gladii potestatem in facinoros homines. Cf. Ulpien, au Digeste, II, 1, 3.
[83] Appien montre (Bell. civ., IV, 28) les habitants de Minturnes allant à la chasse des bandits sur leur territoire.
[84] Pline, Lettres, X, 30. Ces esclaves publics étaient dans une condition particulière : ils pouvaient posséder et même tester : Sevvus publicus populi Romani partis dimidiæ testamenti faciendi jus habet (Ulpien, Reg., XX, 16).
[85] Art., XVI, 22-23.
[86] Le seul Évandile de saint Jean contient cette réserve, mais les quatre récits l’impliquent.
[87] Saul est ici, dit un chrétien de Damas, avec pouvoir, de la part des princes des prêtres, de faire prisonniers tous ceux qui invoquent le nom de Jésus. (Actes, II, 1, 2 et 14.)
[88] Actes, XXIII et XXIV.
[89] Cicéron dit, au de Legibus, III, 3 : Quum magistratus judicassit, inrogassituo, per populum mulclæ, pœnæ certatio esto [Quand le magistrat aura prononcé sa sentence, c'est devant le peuple que doit être discutée l'amende ou la peine infligée]. Est-ce d’après ce principe que le procurateur de Judée, représentant de l’empereur, c’est-à-dire du peuple romain, fixe la peine et ordonne l’exécution ?
[90] Tacite, Ann., II, 55. Le crimen de falso était
un des crimes.qui, en Italie, ressortissaient à une des quæstiones perpetuæ.
Cicéron rappelle une sentence d’exil prononcée à Athènes (Tusc., V, 57, 108) ; Démonax y fut accusé d’impiété (Lucien, Dém., 11). Dion, dans son discours sur
[91] Asconius, in Milon., p. 54.
[92] Cicéron, Verrines, II, 37.
[93] Plutarque, Cimon, 1 et 2.
[94] .... ob honorem quinq. spectaculum glad. triduo dedit et noxeos quattuor (Mommsen, Inscript. Neapol., n° 6036).
[95] Philon, in Flacc., trad. Delaunay, p. 251 et suiv.
[96] Discordite quæ.... jam per arma atque acies exercebantur (Tacite, Histoires, IV, 50).
[97] Métamorphoses, lib. IX, sub fine, et X, initio. Plutarque (Préc. pol., 19) parle d’un certain Petreus brûlé vif par les Thessaliens, mais sans dire si ce fut à la suite d’un jugement ou d’une émeute.
[98] L’ordonnance de Moulins, rédigée par l’Hôpital, le leur reconnaît encore, et Loyseau s’en étonne (Traité des seigneuries, chap. XVI, § 80). — Sous le régne de Charles II, pour en finir avec les maraudeurs écossais, les magistrats du Northumberland et du Cumberland furent autorisés à lever des compagnies de gens armés, et il fut pourvu à cette dépense au moyen de taxes locales. (Macaulay, Hist. d’Angl., chap. III.) Un même mal nécessitait, au premier siècle de l’empire, le même remède.
[99] Saturninus, au Digeste, XLVIII, 19, 16, § 9.
[100] Art. 105. Je sais bien que Polybe (VI, 37, 8) se borne à dire du tribun : xύριός έστι xαί ζημιών ό χιλίαρχος xαί ένεχυραζων xαί μαστιγών ; mais ce sont les droits du temps de paix. En campagne, en face de l’ennemi, un tribun à la tête d’un détachement isolé pouvait être forcé par les circonstances d’user du jus gladii, comme en pareil cas le ferait chez nous un colonel, mème un capitaine. Tacite (Ann., I, 38) raconte que M. Ennius, simple préfet du camp, fit tuer deux vexillaires pour prévenir une sédition, et déclara qu’il traiterait en déserteurs ceux qui ne le suivraient pas, bono magis exempto quam concesso jure, dit-il. Le préfet du camp n’était souvent qu’un primipilaire. (Orelli, n° 3449, 3509, etc.)
[101] Belhmann-Hollweg (op. cit., t. II, p. 24) reconnaît aux duumvirs italiens, après la lex Julia, la juridiction criminelle entière, sauf pour les crimes punis par les lois cornéliennes et dont, avant elles, le sénat connaissait (voyez, p. 361, n° 1, la citation de Polybe). Les quæstiones perpetuæ héritèrent d’abord de cette juridiction, qui passa, sous l’empire, aux préfets de la ville et du prétoire et aux consulaires des diverses régions. On lit au Digeste, I, 18, 10-11 : Omnia provincialia desideria quæ Romæ varios judices habent ad officium présidium pertinent. Suivant Gaius (Comm., I, 6), le gouverneur a, dans sa province, la même juridiction que les deux préteurs dans la ville.
[102] La célèbre inscription de l’autel d’Auguste à Narbonne (Orelli, n° 2489) porte que ce prince judicia plebis decurionibus conjunxit ; le fait n’a pu être isolé. D’après une autre interprétation, Auguste aurait simplement adjoint aux décurions, pour les jugements, un certain nombre de plébéiens, comme il avait fait à Rome, en créant la décurie des Ducénaires.
[103] Bronzes d’Osuna, chap. CXXV. L’imperium, qui, à Rome, était conféré par une loi curiate, avait été donné aux magistrats de la colonie jussu C. Cæsaris dict. Quant aux personnes désignées au chapitre CXXVII, je crois qu’il s’agit de magistrats romains de passage à Genetiva ou venus dans cette colonie pour y juger les cas réservés ; l’hypothèse présentée à ce sujet par Mommsen semble donc inutile.
[104] Plutarque, blâmant une tendance, qui se montrait déjà de son temps, de recourir aux gouverneurs, même pour les petites affaires, ajoute que c’est enlever ainsi toute autorité au sénat, au peuple, aux tribunaux et aux magistratures. (Préceptes Polit., 19.) Pourtant il recommande à son homme d’État le recours au magistrat romain pour les procès scandaleux qui pourraient troubler la ville, afin d’ôter aux auteurs de la proposition le désir d’y persévérer, en les obligeant à aller la soutenir au loin. (Ibid., 25.)
[105] Mandata jurisdictione. Il en est longuement question au Digeste, I, 21, 1, et II, 1, 16-17. La juridiction dérivant d’une loi, d’un sénatus-consulte ou d’une constitution impériale, ne pouvait être déléguée, à moins d’absence, si abesse cœperit ; quæ vero jure magistratus compelant, mandari possunt. J’ai souvent entendu dire à notre prince, écrit Julianus, que le gouverneur n’est pas forcé de juger lui-mème. C’est à lui d’examiner s’il suivra le procès ou s’il donnera un juge. (Digeste, I, 18, 8-9.) Voyez l’organisation judiciaire à Rome, hors de l’Italie, les juges désignés par le gouverneur étaient pris parmi les membres du conventus et parmi les notables de la province, c’est-à-dire parmi les décurions et les duumvirs, in albo decurionum, dit Keller (édit. Capmas, p. 41). Cette forme de procédure, judicium privatum, dura longtemps, mais le jugement extra ordinem finira par devenir la règle ; au temps de Dioclétien, cette révolution sera accomplie.
[106] Amplissimum jus (Gaius, Comm., I, 6).
[107] Au civil et au criminel. Voyez l’énumération faite par Cicéron (ad Atticus, VI, 1, 15). Claude avait même donné aux gouverneurs la juridiction spéciale des fidéicommis. (Cf. Suétone, Claude, 25 ; Gaius, II, 278.) Le titre de Officio præsidis, au Digeste (I, 18), n’est applicable, pour les deux premiers siècles, qu’aux villes stipendiaires.
[108] Les Préceptes politiques et Si les vieillards doivent prendre part au gouvernement.
[109] Πολίεως xαί Άγοραίου τίμας Δίος (Si un vieillard, 17, et Préc. polit., 26, 7). Dans le de Superst., 5 et 7, il énumère, entre autres maux, un échec auprès du peuple.
[110] Dans la colonie d’Apulum (Carlsbourg), le corps sacerdotal était formé d’un pontife, d’un augure, d’un flamine, d’un aruspice et des auguslaux (C. I. L., t. III, p. 483). A Genetiva (chap. XCI), les pontifes et les augustaux étaient élus comme les décurions. A Vienne, le flamine était nommé par la curie (Henzen, n° 5906, et Herzog, n° 504, 518). Le sacerdoce dans les municipes et les colonies était perpétuel, et il semble, d’après certaines inscriptions, que la dignité de pontife l’emportait en dignité sur celle de flamine et d’augure. Dans l’inscription d’Orelli n° 2298, la charge d’aruspice est tenue par un affranchi déjà sevir Aug. ; elle était donc d’ordre inférieur. Celle de flamine était aussi donnée aux femmes : Flaminica Aug., Heræ, etc.
[111] Voyez plusieurs exemples de ces associations dans Herzog, op. cit., p. 252.
[112] Orelli, n° 956. Une de ces inscriptions du temps de Trajan (C. I. L., V, 875) porte : .... ut incolæ muneribus nobiscum fungantur.
[113] C. I. L., t. II, 759.
[114] L. Renier, Inscriptions d’Algérie, n° 2296 et
[115] L. Renier, Inscriptions d’Algérie, n°
[116] Perrot, Mémoire d’archéologie, p. 174.
[117] Cette pentapole devint hexapole après Hadrien par l’adjonction d’une sixième ville. (Perrot, Mémoire d’archéologie, p. 192 et 447.)
[118] D’après Polybe (VI, 13, 4), la juridiction du sénat sur l’Italie s’exerçait pour des cas parfaitement déterminés : trahison, conjuration, meurtre, empoisonnement, et pour d’autres qui, au contraire, étaient fort vagues. L’administration impériale avait certainement conservé ces habitudes de l’administration républicaine. C’étaient les cas royaux de notre ancienne monarchie. Ainsi, en vertu d’un droit domanial ou de haute police, le sénat dans ses provinces, l’empereur dans les siennes, concédaient à des particuliers le privilége d’ouvrir des marchés publics qui se tenaient deux fois par mois. (Frontin, dans les Gromatici de Lachmann, p. 53 ; Pline, Lettres, V ; 4 ; Suétone, Claude, 12 ; Digeste, L, II, fr. 1, et Cod., IV, 60. Cf. L. Renier, Inscr. d’Alg., n° 4111, Wilmanns, Ephem. epigr., t. II, p. 274.) En vertu du même droit, le sénat avait fixé l’intérêt de l’argent à 4 pour 100 par mois en Cilicie, et Cicéron, ignorant ce sénatus-consulte, l’avait mis à 1 pour 100. (Ad Atticus, V, 21.)
[119] Comme Pline fut
envoyé en Bithynie et Maxime en Achaïe, ad ordinandum statum liberarurn civitatunt (Lettres, VIII, 24). (Cf. L. Renier, Inscr. d’Alg., n° 1812.) Wescher (Delphes, p. 22-25), Orelli-Henzen, en
citent d’autres exemples (n° 2275, 6450,
[120] A Beyrouth, la
curie était subdivisée en trentaine. (L. Renier, Bibl. de l’École des hautes études, t. XXXV, p. 302.) Certaines
villes avaient même la division romaine en seniores
et en juniores ; ainsi à Lambèse. (L.
Renier, Inscr. d’Alg., n° 1525, 3096,
etc.) Il est probable qu’il y avait aussi des classes déterminées par le cens
(cf. Cicéron, in Verrès, II, 55) et
une des questions faites au candidat prouve que des précautions avaient été
prises, comme dans
[121] Cette disposition ne laisse plus de doute sur l’authenticité du passage tant controversé de Tite-Live, XXV, 3 : .... ubi Latini suffragium ferrent.
[122] Au chapitre VIII, où sont énumérés les cas d’indignité pour le décurionat, avec une amende de 50.000 sesterces au profit du peuple, prononcée contre ceux qui se présentent aux suffrages lorsqu’ils sont dans un des cas prévus.
[123] Lex Malac., 54.
[124] Bronzes d’Osuna, chap. XCI. La lex Julia (chap. VI), la lex
Pompeia pour
[125] Lex Malac., 57 et 60, et Bronzes d’Osuna, chap. XCI. Les prædes étaient soumis à toute la rigueur de l’exécution sans jugement, ce qui constituait une forme d’obligation très commode et très sûre pour le municipe, très dure pour le débiteur. (P. Dareste, des Contrats d’État en droit rom., p. 56.)
[126] On voit qu’à
Malaga, comme en Bithynie, il y avait des gens qui inviti fiunt decuriones. Ulpien
répète indirectement la même chose au Digeste,
L, 2, 2, § 8, et Papirius lustus cite à ce sujet un rescrit de Marc Aurèle (ibid., L, 1, 39, 6). Cela ne veut pas
dire qu’au premier et au deuxième siècle on fuyait déji les fonctions
municipales. Quelques-uns les évitaient, comme on s’y refuse souvent chez nous,
par désir du repos ou dédain de la popularité ; d’autres, pour ne pas y risquer
leur fortune. Ainsi, sous Tibère, un Alexandrin se plaint, à cause de
l’insuffisance de son bien, qu’on lui impose l’intendance du gymnase. (Philon, in Flacc., trad. Delaunay, p. 247.) Mais
la participation des riches à l’administration de la cité était une nécessité,
à raison des obligations onéreuses que les magistratures imposaient, et la loi
avait dû prévoir l’abstention de ceux qui ne voulaient pas remplir le devoir
civique, munus
capere. Du reste, les grandes sévérités sont du temps où le
christianisme fit le vide dans les curies, parce que l’on ne pouvait dire à la
fois chrétien et magistrat assistant aux rites du paganisme. On a remarqué que,
dans le haut empire, les conditions d’aptitude au décurionat étaient nombreuses
; les causes d’excuse, rares ; les exemptions, peu recherchées. (Houdoy, de
[127] .... ut de plano recte legi possint (Lex Malac., 51). Ce droit du président de proposer des candidats aux charges municipales était encore une vieille coutume romaine, et il prépara celui qu’auront plus tard les curies de faire elles-mêmes les nominations, le peuple n’ayant plus qu’à confirmer l’élection par ses acclamations.
[128] Lex Julia, chap. X.
[129] Pline, Lettres, X, 83.
[130] Digeste, L, 1, fr. 38.
[131] Digeste, L, 2, fr. 2 et 7.
[132] Bronzes d’Osuna, chap. CXXXII.
[133] D’après la loi Tullia, portée à Rome par Cicéron, ces interdictions duraient deux ans, autant que la petitio.
[134] Lex Malac., 53.
[135] Orelli, n° 5079, et lex Salp., chap. XXIV.
[136] A moins que la curie n’eût décidé qu’il en serait ainsi, duumviratas gratuitus datus a decurionibus (Mommsen, Inscr. Neap., n° 2096 et beaucoup d’autres) ; mais cette gratuité était la récompense de grands services on de libéralités antérieures qui en promettaient d’autres pour l’avenir. Sur l’honorarium, voyez L. Renier, Archives des Missions, t. III, p. 319.
[137] Une foule d’inscriptions mentionnent cet usage. M. L. Renier en a recueilli un grand nombre en Numidie et dans les deux Maurétanies. Cf. Pline, Lettres, X, 113, 114, et Fronton, ad Amic., II, 6, qui, tout en parlant des sommes dépensées par Volumnius pour obtenir le décurionat, montre que cette charge était encore, au temps de Marc-Aurèle, fort recherchée, puisqu’on l’achetait très cher et qu’on était désolé de la perdre. Voyez, au Digeste, le titre de Sollicitationibus, où il est traité des dons gratuits des magistrats.
[138] Henzen, n° 6001.
Cf. Pline, Lettres, I,
[139] Apulée, Métamorphoses, I, ad fin.
[140] Consensus plebis, à Tuficum (Orelli-Henzen, n° 7170) ; à Narbonne (n° 2489). Les cenotophia Pisana montrent le peuple de Pise rendant un décret en faveur des petits-fils d’Auguste.
[141] Cf. Orelli, à Histonium (n° 2605) ; à Arretium (n° 2182) ; à Sassina (n° 2220) ; à Bénévent (n° 3763), etc., etc. Les Bronzes d’Osuna (chap. CXXXIV) interdisent aux magistrats en charge de solliciter de la curie ces témoignages d’honneur.
[142] Voyez plus haut ; de même à Bantia, Tab. Bantina, § 5, mais cette loi est ancienne, probablement du temps des Gracques.
[143] Orelli, n° 139 et passim.
[144] Ainsi à Capoue, d’après la loi agraire de Rullus (Cicéron, de Lege agr., II, 35). D’après une opinion rapportée par Pomponius, les décurions avaient été, à l’origine, la dixième partie des colons fondateurs de la colonie (Digeste, L, 16, 259, § 5).
[145] Décret des décurions de Tergeste, vers l’an 150 après J.-C. Wilmans, n° 693 : .... prout qui meruissent vita atque censu per ædilitatis gradum in curiam nostram admitterent.
[146] Pline, Lettres, I, 19 ; et, peut-être, Catulle, XXIII.
[147] Digeste, L, 27, § 2. Le texte est de
Paul. Celui qui
n’est pas décurion, dit-il, ne peut devenir duumvir, parce que les plébéiens sont exclus
des honneurs du décurionat. Voilà le droit du troisième siècle.
[148] Cicéron, de Lege agr., II, 35 ; Orelli, n° 108, 3448, etc. ; de Boissieu, Hist. de Lyon. Le nombre des décurions dut s’accroître quand l’assemblée populaire disparut. La lex Julia Mun. maintenait au même chiffre le nombre des sénateurs, en n’autorisant de nouvelles nominations que pour remplacer les morts ou ceux qui avaient été exclus après condamnation.
[149] Hulin, die Stædt. Verfass., I, 247, et
Orelli-Henzen, n° 4031, 6999.
[150] Lex Malac., passim. L’inscription
d’Orelli n° 3796 porte : vir patribus et plebi gratus ; et Orelli ajoute :
Decuriones....
patres videntur se interdum vocasse. Cf. Cicéron, in Verrès, II, 49,
[151] Voyez l’album de Canusium (Inscr. Neap., n° 635).
[152] Orelli, n° 3768 et 3765.
[153] Ornamenta decurionatia (L. Renier, Inscr. d’Alg., 1529 ; Henzen, n° 7006, 6328, 6111, 5231, etc.).
[154] Bronzes d’Osuna, chap. CXXVI et CXXVII.
[155] On trouve dans les inscriptions quantité de provinciaux appelés aux charges d’État et au sénat de Rome après avoir obtenu tous les honneurs dans leur cité. Cf. Orelli-Henzen, n° 2258, 5317 ; Wilmanns, 1169, etc.
[156] Quod semet ordo decrevit non oportere id rescindi ; mais il ajoutait : nisi et causa, id est, si ad publicam utilitatem respiciat rescissio prioris decreti (Digeste, L, 9, 5). Voici en présence, dans cette seule phrase, l’ancien droit des libertés municipales et le droit nouveau, qui allait prévaloir, de l’absolue dépendance des municipes.
[157] Lex Malac., 63, 67, 68.
[158] Lex Malac., 62, 63, 64.
[159] Herzog, 504, 518.
[160] Ambitiosa decreta decurionum rescindi debent (Ulpien, au Digeste, L, 9, 4, et Cod., 1, 46, 2). C’est la pensée du rescrit d’Hadrien.
[161] Lex Salp., 29.
[162] Lex Salp., 28.
[163] M. Giraud (Bronzes d’Osuna, p. 12) estime que la loi de 1836 n’a pas mieux fait pour nos chemins vicinaux que le règlement d’Osuna (chap. LXLVIII). La prestation ne devait point dépasser, par an, cinq journées de travail pour un homme pubère (de quatorze à soixante ans) et trois journées pour chaque attelage de chariot. Le chapitre LXLIX contient une loi d’expropriation pour cause d’utilité publique. Ce texte me parait trancher la question si souvent débattue au sujet de l’expropriation chez les Romains. Le respect absolu de la propriélé quiritaire était le principe ancien (Cicéron, in Rull., I, 5 ; de Off., II, 21, et l’édit de Venafrum, Orelli-Henzen, n° 6428) ; aussi Lic. Crassus put s’opposer au passage d’un aqueduc public à travers sa propriété (Tite-Live, XL, 51). Mais l’idée de l’État et des droits que ses besoins lui créaient devint si grande, que la régie dut fléchir, méme à Rome. (Cf. Revue de lég., 1860, p. 97, et P. Dareste, op. cit., p. 40.) Hors d’Italie, le peuple romain ayant sur le sol provincial le domaine éminent, l’empereur poueail exproprier sans indemnité (Digeste, XXI, 2, 11, pr., et VI, 1, 15, § 2). Quant aux cités dont les travaux publics étaient si considérables, elles n’auraient pu les accomplir si la prescription d’Osuna n’eût été générale. Ulpien montre (au Digeste, VIII, 4, 13, § 1) qu’à côté du principe il y avait la coutume, et l’on doit conclure de Frontin qti il était payé une indemnité.
[164] Lex Malac., chap. LXVI.
[165] Bronzes d’Osuna, Chap. LXLVI.
[166] Voyez aux Mém. de l’Acad. des inscr., t. XXIX, 2e partie, mon mémoire sur les Tribuni militum a populo.
[167] Digeste, L, 4, s, § 15.
[168] Senatum habere, sententiam rogare, ire jubere, sinere, etc. Les habitants d’Aritium font serment de poursuivre sur terre et sur mer, armis bello internecivo, par une guerre d’extermination, les ennemis de Caligula. Serment intéressé, mais qui prouve que ce peuple avait des armes et aurait pu sortir en guerre comme les gens d’Osuna.
[169] Ainsi à Venafrum
: .... cum non
minus quam duæ partes decurionum adjuerint (Édit d’Auguste, in
Henzen, n°
[170] Dans
[171] Pline, Hist. nat., III, 5. Les vici ou xώμαι avaient des administrateurs particuliers, magistri præfecti. (Cf. l’Index d’Henzen, p. 163.) Ils pouvaient être élevés à la condition d’une civitas (Waddington, Voyage de Lebas, t. III, p. 257), et une cité était quelquefois réduite à l’état de vicus. Ainsi Septime Sévère fit de Byzance, qui avait pris parti pour Niger, un bourg du territoire de Périnthe. (Dion, LXXIV, 14.) La lex Rubria et la lex Julia municipalis mentionnent en Italie trois sortes de villes ou communes ayant leur administration propre et leur juridiction : municipes, colonies, préfectures, et quatre espèces de bourgs : vici, castella, fora, conciliabula, territoires qui leur étaient subordonnés pour l’administration et la justice. Certains vici étaient la propriété d’une seule personne. (Cicéron, ad Fam., XIV, 1.) C’était le plus souvent une réunion de propriétés particulières, fundi. (Desjardins, Table alimentaire de Veleia, p. XLIII et suiv.) Ordinairement les propriétaires fonciers habitaient la ville, taudis que leurs colons, établis sur le fonds, le cultivaient. Les vicani avaient cependant leurs dieux, leurs autels, leurs sacrifices (sacra), leurs comices, leurs revenus propres, puisqu’ils pouvaient acheter et vendre (C. I. L., t. I, n° 603, et Mommsen, Inscr. Helv., n° 86), ce qui leur donnait le caractère de personne civile. Mais toute cette administration semble s’être habituellement bornée aux affaires du culte.
[172] Les communes de
France qui ont le plus vaste territoire sont dans l’ancienne Narbonnaise, la
plus romaine des provinces gauloises. Dans les Bouches-du-Rhône, elles ont une
étendue plus de trois fois supérieure à celle qu’ont les communes dans un
département moyen ; Arles est la plus grande commune de France :
[173] .... per actorem sive syndicum (Digeste, III, 4, 1, § 1, et 6, § 1).
[174] Lex Salp., 28.
[175] Plutarque, An. vitiositas, etc., 3. Les Romains ne pratiquaient pas la régie pour les travaux publics.
[176] Lex Salp., 29, et Tite-Live, XXXIV, ,7. Cf. Zumpt, Comm. epigr., p. 166 et suiv. ; Kuhn, op. cit., p. 241.
[177] Voyez, dans Apulée (Métamorphoses, X), ce qui concerne Thiasus.
[178] Lex Julia municipalis, chap. I, V, VII, VIII, X ; Lex Malac., chap. LVIII, LXI, LXVII. Cette coutume était très romaine. Comme les villes remplissaient leur caisse avec des amendes, l’État remplissait la sienne avec les confiscations prononcées à la suite des procès criminels. Dans cette société organisée d’après le cens, diminuer ou supprimer la fortune était un châtiment non seulement financier, mais politique et social.
[179] Senatus-consulte de Aquæd. et lex Mamilia Roscia, ap. Giraud, Jur. eclog., p. 167 et 170.
[180] Lex Salp., art. 27, et Table de Bantia, § 1. L’assemblée publique rompue par l’inlercessio d’un magistrat ne pouvait être réunie le même jour par celui qui l’avait convoquée la première fois. Cf. Bréal, Epigr. italique, p. 388 ; Giraud, Tables de Salpensa et lex Malac., p. 68 et suiv.
[181] Par exemple, à Malaga, pour les amendes, art. 66.
[182] Cf. Digeste, XLIX, 1, 21, pr., et ibid., 4, 1, §§ 3, 4.
[183] Paul, au Digeste, L, 1, 26. Ainsi la réintégration dans une propriété, l’envoi en possession d’un bien, d’une dot, d’un legs. Cependant les duumvirs italiens avaient la missio in bona (voyez plus haut), ce qui permet de se demander si les magistrats des colonies romaines et des cités latines ne jouissaient pas du même droit.
[184] L. Renier, Inscr. d’Algérie, n° 4070, et Index d’Henzen. Sur les præfecti lege Petronia, cf. Marquardt, Rœm. Staatsv., I, 494.
[185] Orelli, n° 798, 800, 922, 1170, 1178, 1181 ; Mommsen, Inscr. Neap., n° 625. De mème, à Lyon, un citoyen reçoit les ornements du duumvirat, quoiqu’il n’eût encore été que questeur. (Orelli, n° 4020.)
[186] Pétrone, Satiricon, 44.
[187] Métamorphoses, I, et Digeste, L, 2, 12.
[188] Les duumvirs retenaient parfois cette fonction : ainsi à Salpensa. Dans certaines villes, la questure n’était qu’un munus ; dans d’autres, un honos (Digeste, L, 4, 18, § 2). Les agents inférieurs, scribæ, librarii, etc., recevaient un traitement, qui, à Osuna, variait de 1.200 à 300 sesterces.
[189] Au Digeste (L. 16, 259, § 5), le mucus est défini publicum officium privati hominis. Les munera se divisaient en mun. personarum ou obligations imposées à la personne, qui demandaient du travail ou de l’intelligence, et en mun. patrimonii ou obligations qui entraînaient à des dépenses. (Ibid., titre IV, 1, § 5, et 18, § 1.) Si le citoyen était absent, on prenait sur ses biens pour que les munera personalia fussent remplis. (Bull. de l’Acad. des inscr., 1877, p.128.) On trouvera l’énumération des intributiones que supportaient tous les propriétaires fonciers, dans Kuhn, t. I, p. 40-69. Ces munera, volontairement remplis, réduisaient notablement les dépenses des villes, mais ils étaient déjà, au milieu du second siècle, une charge onéreuse .... munera decurionatus.... onerosa (décret de Tergeste) ils devinrent une charge intolérable lorsque l’appauvrissement progressif de l’empire et l’abandon par les chrétiens des fonctions municipales forcèrent de remplacer le dévouement intéressé par une contrainte ruineuse. A soixante ans, l’obligation de remplir les munera cessait : leges quaæ majorem annis LX otio reddunt (Pline, Lettres, IV, 25). Le Digeste et le Code donnent des chiffres différents. Un rescrit de Dioclétien (Cod. Just., X, 49, 5) fait cesser à cinquante-cinq l’obligation des munera personalia.
[190] Cod., VIII, II, et XI, 69, 5.
[191] Les empereurs n’aimaient pas que les villes augmentassent les impôts municipaux. Voyez la note 199.
[192] Apamée était colonie romaine ; quand Pline voulut examiner son budget, les habitants déclarèrent que jamais proconsul ne l’avait fait.... habuisse privilegium et vetustissimunn morem, arbitrio suo rem publicam administrari (Pline, Lettres, X, 56).
[193] Pline, Lettres, X, 26 : .... Rationes.... esse vexatas.... satis constat. (Cf. ibid., 46 et 48.)
[194] On a fait remonter jusqu’à Nerva l’institution de ces curateurs d’après un décret de ce prince inséré au Digeste (XLIII, 24, 3, § 4). Mais celui dont il s’agit dans ce rescrit est le cur. loc. public. persequendorum qui a existé de tout temps à Rome et comme en ont eu plusieurs municipes. (Cf. Orelli-Henzen, au tome III, p. 109 de l’Index, une très longue énumération de curatores rei publicæ ; L. Renier, Mél. d’épigr., p. 43, et la dissertation d’Henzen dans les Annali de 1851, p. 5-35.)
[195] Voyez, dans Plutarque (Préc. pol., 19), comment les continuels recours des villes à l’autorité souveraine contraignirent le prince à devenir plus maître qu’il ne le voulait. C’est encore, en France, un travers de l’esprit national, et ce travers a eu pour l’empire romain, comme pour nous, de graves conséquences.
[196] C’était un vieil usage du sénat romain (cf. Orelli-Henzen, n° 6450).
[197] Il le choisissait parmi des candidats proposés par les décurions (Aristide, vol. I, p. 523, éd. Dindorf).
[198] Rescrit de Septime Sévère : .... non temere permittenda est nov. vectig. exactio (Cod., IV, 62, 1).
[199] Les empereurs finirent par retenir pour eux seuls le droit d’autoriser les travaux publics (Ulpien, au Digeste, I, 16, 7, § 1 ; Modestinus et Macer, au Digeste, L, 10, 3, § 1, et fr. 6. Cf. Cod. Théod., XV, 1, 37, ann. 598), et ils l’avaient pris sans doute de bonne heure dans les villes stipendiaires. Déjà cette tendance se montre sous Trajan (Pline, Lettres, X, passim).
[200] Digeste, L, 4, 3, § 15. Cette intervention, provoquée par des abus, finira par mettre la nomination des magistrats dans la main du gouverneur.
[201] A la fin du troisième siècle, la distinction entre le jus et le judicium sera supprimée. Le gouverneur, au lieu d’établir un judicium et de constituer un judex, suivra lui-même le procès jusqu’au bout et prononcera la sentence. (Cf. Bethmann-Hollweg, III, 904.)
[202] Sous Antonin ou Marc-Aurèle, un gouverneur fit démonétiser la monnaie d’argent d’une ville parce qu’elle contenait trop de cuivre, quasi ærosa (Digeste, XLVI, 3, 102, proœm.). Hadrien supprima les tétradrachmes d’Antioche, qui étaient d’un titre trop bas. Au milieu du troisième siècle, le monnayage provincial avait cessé, sauf en Égypte (Mommsen, Hist. de la monn. rom., traduction du duc de Blacas, t. III, p. 230).
[203] Lex Malac., 60, et Digeste, L, 1, 58, § 6 ; ibid., 8, II, § 4 et § 7.
[204] C’est, du moins, la prescription d’un rescrit de l’année 585. Ils partageaient cette rrsponsabilité avec l’entrepreneur, qui, au lieu de fournir, comme chez nous, un cautionnement, présentait, lui aussi, des cautions ou répondants. (Voyez, aux Comptes rendus de l’Acad. des inscr., juillet 1875, une curieuse inscription de Cyzique.) Les héritiers étaient tenus des mêmes obligations que leur auteur (Cod., VIII, 12, 8). La responsabilité écrasante des magistrats telle qu’elle se voit surtout au Code paraît relativement récente. La loi de Malaga est beaucoup plus douce.
[205] Digeste, XLIV, 5, 15, § 1.
[206] Chap. LXLXVII, CXXIX, CXXX ; voyez aussi Table de Bantia, § 2.
[207] Les Antonins accrurent encore le nombre et l’étendue de ces responsabilités. Ainsi Trajan donna le droit au pupille d’intenter une action en indemnité contre le magistrat qui, en l’absence de tuteur légitime ou testamentaire, avait mal choisi l’homme auquel il avait déféré la tutelle dative (Code, V, 75, 5) ; et Hadrien frappa d’une amende de 40 aurei le duumvir qui laissait enterrer un mort dans la ville (Digeste, XLVII, 42, 3, § 5 ; cf. Capitolin, Marc. Ant., 13). M. Pierre Daresle (des Contrats passés par l’État en droit romain, p. 102) dit très bien : La responsabilité principale ou subsidiaire du fonctionnaire..., qui prit la forme d’une responsabilité contractuelle de droit civil, est une idée tout à fait particulière à l’empire romain. Nous sommes habitués aujourd’hui à voir dans le fonctionnaire un mandataire à peu près irresponsable.... Dans l’empire romain, il était le premier à ressentir les conséquences de ses actes.... On ne peut nier qu’il n’y eût au fond de ce système une idée très juste.... Le despotisme exagéra dans un intérêt fiscal un système qui lui offrait de grands avantages pour la perception de ses revenus... ; mais il ne faut pas que l’abus empèche de comprendre et d’apprécier la pratique ingénieuse et juste des siècles antérieurs.
[208] Keller, édit. Capmas, § 86. Cette règle d’ailleurs avait existé de tout temps, même pour le préteur romain.
[209] Dans la
correspondance de Pline (liv. X), on relève, pour une seule province et pour
moins de deux années, les travaux suivants en projets ou en cours d’exécution :
à Pruse, des thermes magnifiques ; à Nicomédie, un forum et un aqueduc pour
lequel la ville avait déjà dépensé 30.529.000 sesterces ; à Nicée, un théâtre
qui, avant d’être achevé, avait coûté 10 millions de sesterces, et un gymnase
si vaste, que les murs avaient
[210] Περί φυγής, 12.
[211] Tite-Live, XXXIV, 7, et Festus, s. v. Prætextata pulla.
[212] Les bisellarii
avaient obtenu ou acheté le droit de faire porter par leurs esclaves, aux jeux,
au théâtre, aux fêtes, un siège à deux places, bisellium, qu’ils occupaient seuls,
ce qui leur donnait toutes leurs aises. (Orelli, n°
[213] Pline, Lettres, X, 113 et 48, et beaucoup d’inscriptions. Cf. Léon Renier, Arch. des Missions, II, 319.
[214] Par exemple à Tarse (Dion Chrysostome, Orat., t. II, p. 44, éd. Reiske) et ailleurs. Des femmes achetaient ce droit.... civis recepta (C. I. L., t. II, 813 ; Orelli, n° 1663, 3710). Un tribun dit à saint Paul (Act., XXII, 28) : J’ai acheté le droit de cité romaine pour une grosse somme. Auguste avait interdit aux Athéniens de vendre leur droit de cité (Dion, LIV, 7).
[215] Beaucoup d’inscriptions montrent des individus passant du service municipal au service de l’État. Le jus adipiscendorum in urbe honorum n’avait pas suivi, pour les peuples hors d’Italie, la concession du jus civitatis. A partir de Claude une autre politique prévalut (Tacite, Ann., XI, 23-4). Cependant les Égyptiens n’arrivèrent point au sénat avant le troisième siècle. — La loi de Genetiva, en son article 154, interdit absolument d’accorder une rémunération aux magistrats et aux décurions en fonctions, ou de leur élever une statue aux frais de la ville.
[216] De Bréquigny, Vie de Dion.
[217] Orelli-Henzen, n° 6467.
[218] Les personnages qui avaient été revêtus du sacerdoce provincial au temple de Rome et d’Auguste, sacerdotales, formaient un ordre à part, souvent cité en Afrique (L. Renier, Inscr. d’Alg., n° 140, 1528, 1718, 1851). De même, les Asiarques en Asie.
[219] En 521 se continuait encore l’usage pour les villes de se donner un patron puissant : quod Faustianenses patronum cooptarent, cum liberis posterisque ejus sibi liberis posterisque suis tesseram hospitalem cum eo fecerunt, uti se in fidem atque clientelam vel suam vel posterorum smorum reciperet.... (Orelli, n° 1079).
[220] Scribantur eo ordine quo quisque eorum maximo honore in municipio functus est : puta qui duumviratum gesserunt, si hic honor præcellat (Ulpien, au Digeste, L, 5, fragm. 1 et 2).
[221] Sur la liste on
trouve cent soixante-quatre noms, mais les trente-neuf patrons, personnages
considérables (trente et un sénateurs, huit chevaliers romains), étaient
presque toujours absents, et vingt-cinq prætextati
ne votaient pas, de sorte que le nombre des décurions actifs était de cent.
Mais tous portaient ce titre. Voyez Mommsen, Inscr. Neapol.,
[222] Allecti inter quinquennalicios.
[223] D’après le Code Théodosien (XII, 1, 4), ceux qui avaient exercé des magistratures étaient assis, les autres debout. Ce classement existait encore dans la seconde moitié du cinquième siècle (cf. Sid. Apollinaire, Lettres, I, 6). M. Heuzey a trouvé en Macédoine des inscriptions qui montrent des enfants de cinq et six ans déjà membres de la curie (Mission en Macédoine, p. 140) ; même chose à Lyon (Inscr. de Lyon) et ailleurs. Ces nominations avaient été des témoignages de reconnaissance pour le père, ou un choix intéressé, en vue d’obtenir de la famille quelque grosse libéralité.
[224] C’était du moins la loi à Genetiva Julia, chap. CXXIV.
[225] Orelli, n° 946.
[226] A Rudiæ, une distribution d’argent vaut 20 sesterces à chaque décurion, 12 à chaque augustal, etc. (Orelli, n° 3858) : à Lyon, un summus curator civ. rom. prov. Lugd. donne, ob honorent perpetui pontif. : aux décurions, 15 deniers ; aux membres de l’ordre équestre, aux sévirs augustaux et aux négociants en vins, 13 deniers ; à toutes les corporations autorisées, licite coeuntibus, 12 deniers. Orelli, n° 4020 et passim, beaucoup d’autres semblables.
[227] Orelli-Henzen, n° 6086, 7181, 7199 .... ob duplam sportulam collatam sibi.... et magistri sesquiplares. Cet usage existait dans l’armée à titre de récompense d’honneur.... ob virtutem (Varron, de Ling. Lat., V, 90).
[228] Martial, Épigrammes, V, 1, 3.
[229] Un sévir marque dans son inscription qu’il l’a été deux fois. (Orelli, n° 3929.) Il ne faut pas confondre les seviri Augustales des provinces avec les sodales Augustales de Rome, collège institué par Tibère et composé des plus grands personnages de l’État, ni avec les associations qui s’étaient formées, in modum collegiorum (Tacite, Ann., I, 73), dans la capitale pour honorer le nouveau dieu.
[230] A raison de leurs fonctions religieuses, les augustaux se tenaient assez près des décurions pour que la politesse les confondit quelquefois avec eux. Ainsi, en 140, un affranchi de Domitia offre 90.000 sesterces ordini decurionum et sevirum Augustalium, et obtient ut ex reditu ejus pecuniæ, III idus jebr. natale D., præsentibus decurionibus et seviris discumbentibus in publico æquis portionibus fieret divisio.... (Orelli, n° 775, 3939 et passim).
[231] Orelli, n°
[232] Orelli, n° 3994 : .... omnibus honoribus quos libertini gerere potuerunt honoratus. Cette inscription et d’autres montrent que le sevir Augustalis, le primus et perpetuus, devaient ce titre à un décret des décurions, et qu’ils ne pouvaient eux-mêmes arriver au décurionat.
[233] C. I. L., t. II, 100. Elle finit même, comme les autres, par devenir héréditaire. (Cf. Marquardt, Handb., I, p. 516.)
[234] Orelli, n° 3920. La corporation avait une caisse, arca, pour recevoir les libéralités des nouveaux associés ou de ses membres (ibid., n° 3913, 7116 et 7535) ; mais il semble qu’une autorisation fût nécessaire.
[235] Fustibus cædi solent tenuiores homines, honestiores vero.... non subjiciuntur. Voyez, à ce sujet, mon mémoire sur les honestiores et les humiliores.
[236] Opifices et tabernarios, atque illam omnem fœcem civitatum (pro Flacco, etc.).
[237] Les professeurs étaient nommés par la curie, et les médecins recevaient d’elle une permission d’exercer, qui était toujours révocable. (Modestinus, au Digeste, XXVII, 9, 6, § 6.)
[238] Pline, Lettres, X, 24 : .... omnes cives ad munificentiam.
[239] Malgré le rescrit d’Hadrien, quelques difficultés s’élevaient parfois entre les héritiers du donateur et la cité légataire ; Antonin les supprima en prescrivant qu’à l’avenir la volonté des décurions serait regardée comme la volonté même de celle personne juridique que la cité constituait. (Gaius, Comm., II, 195.) Avant cette nouvelle législation, les villes pouvaient déjà, avec l’autorisation du sénat ou du prince, accepter un legs. (Cf. Suétone, Tibère, 31.) Ulpien énumère (au Digeste, XXXVII, 1, 3, 4) les corps qui peuvent posséder municipia, societates, decuriæ corpora.
[240] Bulletin de corresp. hellén., 1880, p.
[241] Orelli, n° 781.
[242] Revue épigr. du
[243] Pline, Hist. nat., XXIX, 8. Un d’eux était ce médecin Stertinius qui, après avoir fait doubler le traitement ordinaire du médecin de l’empereur, 250.000 sesterces, prétendait qu’il y perdait encore, sa clientèle lui en rapportant 600.000 ; un autre exigea pour une cure 200.000 sesterces ; un troisième en gagna, en quelques années, 10 millions. On peut compter les sesterces de ce temps à 17 ou 18 centimes.
[244] Strabon, XIII, 578.
[245] Res publica nostra pro filia vel parente (IV, 13).
[246] Henzen, p. 124. La correspondance de Pline contient six lettres où il mentionne ses donations à des particuliers.
[247] Cf. de Vogüé, Inscr. sémitiques, n° 8, 9, 10, 11, etc. Quelques-unes de ces inscriptions énumèrent les ornements en bronze et les enduits dont les colonnes et les architraves étaient revêtus : l’architecture polychrome d’Athènes transportée dans le désert !
[248] Digeste, L, 10, 3, § 1. Ce fragment est de Macer, jurisconsulte du troisième siècle. Si Pline consulte à chaque instant Trajan sur les travaux projetés en Bithynie, c’est qu’il remplissait dans cette province une mission extraordinaire. Il se peut d’ailleurs que dans les villes stipendiaires le gouvernement se soit de bonne heure réservé l’autorisation de dépenses qui pouvaient compromettre la rentrée de l’impôt d’État.
[249] Henzen, n° 6622. Cf. Orelli, n° 80 : .... quod liberalitates in patriam civesque, a majoribus suis tributas, exemplis suis superaverit....
[250] Pline, Lettres, X, 117. Cet usage était bien ancien, car Plaute parle, dans l’Aulularia (v. 107), de distributions d’argent.
[251] Ingredientibus curiam (Suétone, Domitien, 9). C’était une sorte de jeton de présence.
[252] Suétone, Domitien, 4.
[253] Apulée, Apolog.
[254] Pline, Lettres, VI, 31.
[255] Henzen, n° 6148. Une inscription d’Ancyre dit d’un citoyen qu’il a surpassé tout le monde par ses largesses, enrichi sa patrie par des distributions, qu’il l’a ornée de beaux ouvrages, etc. (Perrot, Galatie, p. 235, n° 125.)
[256] Martial se moque (III, 16, 59) d’un cordonnier qu’il appelle, il est vrai, sutorum regule, et d’un foulon qui avaient donné des combats de gladiateurs, l’un à Bologne, l’autre à Modène. Au Satiricon (45), il est question de gladiateurs à 2 sesterces la pièce, décrépits, faibles à tomber, si l’on soufflait dessus, et morts d’avance, vrai rebut de pacotille. (Cf. Juvénal, Satires, III, et Perse, Satires, IV.) Sous Tibère avait été pourtant rendu un sénatus-consulte qui interdisait de donner des jeux si l’on ne possédait au moins 4 millions de sesterces. (Tacite, Ann., IV, 63.)
[257] Festis insunt sacrificia, epulæ, ludi.... (Macrobe, Saturnales, I, 16).
[258] Cf. Pline, Lettres, I, 3.
[259] Pétrone, Satiricon, 71. Ces libéralités étaient de toute espèce. La petite ville d’Acræphion, près de Chéronée, a légué à la postérité, dans une fastueuse inscription, le témoignage de sa reconnaissance pour les festins, pâtisseries et gourmandises, donnés par un de ses citoyens à la population des deux sexes, même aux esclaves du municipe (C. I. G., n° 1625). Cf. Egger, Mél. d’hist. anc., p. 76 et 87. D’autres fournissaient de l’huile pour les jeux ou les bains, etc. Autre exemple curieux dans C. I. G., n° 2236, et Lebas, Inscr. de Morée, n° 149.
[260] Publicæ cenæ ad sportulas redactæ (Suétone, Néron, 16).
[261] .... Sportulas publicas sustulit revocata reclarum cenarum consuetudine (Suétone, Domitien, 7).
[262] Satires, III, 249.
[263] Martial, Épigrammes, IV, 68.
[264] Martial l’appelle pourtant ingenuas cruces (X, 82). Mais il était bien paresseux, et, malgré son habitude de tendre sans vergogne sa main ornée de l’anneau d’or, le peu de dignité qui restât dans l’âme du poète se révoltait en face de certains patrons (cf. X, 70, 74 et vingt autres endroits).
[265] 100 quadrants ou 25 as valaient en sesterces 6,25.
[266] Digeste, IX, 5, 5, § 1.
[267] À Baïes, Martial recevait de Flaccus les 400 quadrants. Martial (passim), Juvénal (Satires, I) et Fronton (Ép. à Marc Aurèle, 5 ; à Verus, 7) montrent que, sous cette forme, la clientèle était encore en pleine vigueur au siècle des Antouins ; on la retrouve même plus tard, mais elle ne comportait plus aucune idée de fidélité d’un côté, de patronage effectif de l’autre. Voyez les plaintes de Martial contre Ponticus qui lui refusait toute espèce d’assistance. Toutefois il faut distinguer entre les clients de passage, les coureurs de sportules, auxquels s’applique ce qui précède, et les clients de famille ou de cité. J’appelle ainsi ceux qui étaient clients héréditaires en vertu d’un contrat en bonne et due forme passé entre le premier patron et le premier client, pour eux et pour leur postérité (cf. Orelli, n° 4073, 3056 et suiv.), les affranchis sur lesquels l’ancien maître avait le droit de correction et les habitants d’un municipe qui s’étaient donné un patron perpétuel. (Id., ibid.)
[268] Mommsen, Inscr. Neapol., n° 625. Voyez les conseils que Fronton (ad Amic., II, 10) donne à ses compatriotes pour le choix de plusieurs patrons.
[269] Orelli, n° 784.
[270] Voyez le discours de Thrasea au sénat et les exemples fournis par Pline le Jeune.
[271] Orelli, n°
[272] Consentiente populo (Henzen, n° 7171). A Malaga (chap. LXI), à Genetiva Julia (chap. CXXX), le choix du patron se faisait par un décret de la curie rendu aux deux tiers des voix.
[273] .... Eumque cura liberis posterisque suis patronum cooptaverunt (Henzen, n° 6415). On connaît bon nombre d’actes de ce genre.
[274] Suétone, Octave, 97.
[275] Puer egregius ab
origine patronus ordinis et populi (Orelli, n° 5767). Une des filles
de Marc Aurèle avait ce titre à Guelma (L. Renier, Inscr. d’Alg., n°
[276] Orelli, n° 784.
[277] .... Eique ob merita ejus erga rem publicam scholam et statuas decrevit (Orelli, n° 344). Cf. le n° 3853 : deux statues, un bouclier d’argent, etc.
[278] Dans ce cas le municipe venait quelquefois en aide à la famille du patron. Des femmes, des filles dont les maris ou les pères s’étaient peut-être ruinés au service public, obtenaient des décurions ce qui était alors une des grandes préoccupations de la vie, un tombeau. (Inscr. de Lyon, n° 194.)
[279] Lettres, X, 79. Auguste, en vingt ans, avait reçu 1400 millions de sesterces par legs testamentaires, quoiqu’il en refusât beaucoup (Suétone, Octave, 101 et 66).
[280] On a d’assez nombreux exemples, dans les inscriptions grecques, de citoyens généreux important du blé en temps de disette et le vendant à bas prix. D’autres fois ce sont les magistrats qui font l’opération au nom de la ville. (Bullet. de corresp. hellén., févr. 1881, p. 89.)
[281] Gaius, dans son Commentaire sur les Douze Tables, dit : Sodales sunt qui
ejusdem collegii sunt, quam Graeci
έταιρίαν vocant. His autem potestatem
facit lex pactionem quam velint sibi ferre, dum ne quid ex publica lege
corrumpant. Il pense que ce droit d’association est tiré d’une loi
de Solon qu’il cite et qui montre l’étendue et la variété de ce droit (Digeste, XLVII, 22, 4). Les Douze Tables
ne défendaient que les rassemblements nocturnes, et la loi Gabinia que les
réunions clandestines (Porc. Latro, Declam.
contra Catit., § 10). Sur les collegia, corpora, sodalicia, scholæ artificum et opifecum, voyez les chapitres
XVII et XVIII d’Orelli, l’Index de
Henzen, la dissertation de Mommsen, de
Collegiis et sodaliciis, Boissier,
[282] Dion, XXXVIII, 13 ; Suétone, César, 42 ; Octave, 32 ; Josèphe, Ant. Jud., XIV, 10, 8. Cf. le sénatus-consulte de Bacch. (C. I. L., t. I, 195) ; Ulpien, ad leg. Juliam majestatis (Digeste, XLVIII, 4, 1). On attribuait volontiers à ces associations tous les désordres : la première mesure ordonnée par le sénat pour étouffer la querelle entre Nucérie et Pompéi fut de supprimer les collèges quæ contra leges instituerant (Tacite, Ann., XIV, 17). Ce texte montre bien les deux tendances contraires : dans le peuple, désir de multiplier les collèges ; dans le gouvernement, volonté de les restreindre. Le chapitre CVI de la loi de Genetiva col. interdit cœtum, conventum, conjurationem.
[283] Digeste, XLVII, 22, 2 : collegium illicitum.
[284] Digeste, III, 4, 1.
[285] Les scribes dont parle Martial (VIII, 38) formaient à Rome un de ces collèges.
[286] La veuve d’un riche affranchi lègue à un collège un emplacement pour élever une chapelle, une statue en marbre du dieu, une terrasse abritée par un toit avec une galerie où les confrères pourront faire leur repas de corps (Orelli, n° 2417).
[287] Digeste, XLVII, 22, 1, § 2 ; XXXIV, 5, 20, et XL, 3, 1 et 2.
[288] Lampride, Alexandre Sévère, 52. Hadrien avait établi quelque chose d’analogue pour les ouvriers qu’il emmenait avec lui dans ses voyages.
[289] Collegium peregrinorum. Ainsi, à Tomi existait ό εϊxος ou la chambre des armateurs alexandrins, etc. Cf. Perrot, p. 67. Une inscription (Orelli, n° 1246) porte : Les gens de Béryte, adorateurs du Jupiter d’Héliopolis, établis à Pouzzoles, et quantité d’autres.
[290] Par exemple des corporations d’artistes, musiciens et acteurs. (Cf. Egger, Mém. d’hist. anc., p. 31.) Pour les esclaves, ils ne pouvaient entrer dans un collège que du consentement de leur maître, dominis volentibus. (Digeste, XLVII, 16, 3, § 2.)
[291] Tertullien (Apologétique, c. 59) fait allusion aux sociétés de bombance : epulæ, potacula, vora trinæ.... Dans une inscription d’Orelli, n° 4073, les associés s’appellent les compagnons de la bonne chère : convictores qui una epulo vesci solent.
[292] Les ludi juvenales
célébrés par des collegia
juvenum, qu’on trouve en grand nombre en Italie au premier et au
deuxième siècle. (Cf. L. Renier, Comptes
rendus de l’Acad. des inscr., 1866, p.
[293] Voyez le curieux passage de Gaius cité plus haut. Ces collèges ou quelque chose d’analogue existent encore en Allemagne, Sterbekassen ou Grabkassen. Pour une prime très modique, la famille reçoit, à la mort de l’assuré, une certaine somme pour son enterrement : Begræbnissgeld ; même chose en Angleterre.
[294] Voyez, aux Comptes rendus de l’Acad. des inscr., 1866, une inscription de Thasos où le propriétaire d’un tombeau menace d’une amende de 4000 deniers, au profit du municipe, ceux qui voudraient y loger un autre mort. On a beaucoup d’inscriptions semblables. Le payement de l’amende était assuré parce qu’elle était au profit du municipe ou du fisc impérial, arcæ pontificum, et l’autorité publique était armée contre les violateurs de sépulture. (Digeste, XLVII, 12, 3, § 3.)
[295] Henzen, n° 6086
[296] Ei fumus imaginarium fiet (Henzen, n° 6086).
[297] Plusieurs autres
inscriptions mentionnent cette distribution de vin. Cf. Orelli, n° 2417 ; un
legs particulier assurait deux fois par an, aux simples membres de ce collège,
2 deniers et 3 setiers de vin (
[298] Magistri cenarum ex ordine albi facti.
[299] Le goût des boissons chaudes était assez répandu pour qu’il y eût à Rome beaucoup de thermopoles, .... in thermopolio.... calidum bibunt (Plaute, Curcul., II, III, 13-14).
[300] Ce tableau de l’intérieur d’une confrérie romaine est emprunté à la longue inscription trouvée à Lanuvium (Henzen, n° 6086), qui est de l’année 136, et qui porte en tête le sénatus-consulte autorisant les sociétés funéraires. On a conclu de ce texte que la citation de Marcianus au Digeste, XLVII, 22, 1, où ne se trouvent pas les mots in funus, qu’on lit dans l’inscription, était incomplète. Ce jurisconsulte parle de la doctrine établie par l’ensemble des rescrits impériaux, mandatis principalibus præcipitur, et non du sénatus-consulte invoqué à Lanuvium. Il résume cette doctrine en ces mots que les sodalicia sont défendus, et cependant qu’il est permis au menu peuple d’avoir une bourse commune, alimentée par des cotisations mensuelles, sous la condition que les réunions n’auraient pas lieu plus d’une fois par mois. Marcianus dit même plus loin : ..., religionis causa coire non probibentur (ibid., § 1), et avec la permission de leur maître les esclaves pouvaient s’affilier, collegio tenuiorum (ibid., § 2). On a opposé à ce passage de Marcianus les paroles suivantes d’Ulpien : sub prætextu religionis vel sub specie solvendi voti cœlus illicitos nec a veteranis tentare oportet (Digeste, XLVI, II, 2). J’y vois une précaution contre les désordres militaires, et je comprends qu’après tant de révolutions de caserne, le gouvernement, tenant pour suspecte toute réunion de soldats, ait placé sous l’interdiction générale, portée contre les assemblées illicites, celles de vétérans qui prétexteraient un sacrifice ou un vœu pour se réunir et concerter une prise d’armes. Il était impossible d’interdire les assemblées religieuses, s’eût été supprimer le culte. Marcianus ne dit pas autre chose. Mais il fallait pouvoir frapper les sociétés qui se couvriraient de l’apparence religieuse ; voilà le sens des paroles d’Ulpien. Les Romains avaient, comme les Anglais, des lois très rigoureuses qu’ils laissaient souvent sommeiller, mais qu’ils reprenaient au besoin. Ainsi, un principe bien arrêté de la politique impériale était d’interdire les associations, et l’usage constant était de tolérer, même dans les camps (cf. L. Renier, Inscr. d’Alg., 57, 60, 63, 70), toutes celles qui se montraient inoffensives. Contre les autres, on avait toujours en réserve la loi dont on pouvait tirer le glaive : c’est ce que l’on fit contre les chrétiens. Du reste, Mommsen avoue que ces collèges, où il ne voit que des associations funéraires, devaient se réunir ad epulas et res sacras quotiens res ferebat (p. 88), et il ajoute que toute association qui eut besoin d’une cotisation mensuelle prit, sans se constituer en collège particulier, la forme légale du collège funéraire. Je n’en demande pas davantage : avec cela seul, tout le reste devait passer. La défense, citée plus haut, d’être membre de deux collèges à la fois prouve, contrairement à l’opinion soutenue par Mommsen, qu’il y en avait de diverses sortes, car je ne pense pas que personne tint à s’affilier à deux collèges funéraires pour avoir deux tombeaux. Walter (Gesch. des Rœm. Rechts, n° 333) pense aussi que les collèges funéraires n’étaient qu’une des catégories des collèges autorisés, et il dit de la thèse de Mommsen : Seine Gründe sind nicht überzeugend.
[301] Vexilla collegiorum (Vopiscus, Aurélien, 34, et Gallien, 3).
[302] .... Populus collegii (Orelli, n° 2417 et ailleurs).
[303] Digeste, XXXIV, 5, 20.
[304] Sous Antonin, quatre sénateurs de Rome étaient patrons de la corporation des bateliers d’Ostie. (Guasco, Mus. Cap., II, p. 185.)
[305] .... partes duplas.... sesquiptas (Orelli-Henzen, n° 6086). Voyez au n° 2417 le très curieux règlement du collège d’Esculape et d’Hygie.
[306] Pline, Histoires naturelles, XVIII, 3.
[307] Munera (Digeste, L, 6, 5, § 12).
[308] Boissieu, Inscr. de Lyon, p. 336.
[309] C. I. L., t. IV, 826. Boissier, Relig. rom., t. II, p. 332.
[310] Voyez C. I. L., t. III, 633, les soixante-neuf noms inscrits sur l’album d’un de ces collèges : ce ne sont que petites gens, presque tous affranchis, quatre esclaves de la colonie, trois de particuliers.
[311] Orelli, n° 575.
[312] Orelli, n° 1485.
[313] Martial, Épigrammes, VIII, 8.
[314] Sénèque, de Benef., II, 21, 5 ; Juvénal, Satires, III, 216.
[315] Misericordis, amantis pauperes. L’inscription porte pauperis. Mais ce marchand de perles de la voie Sacrée qui se bâtit le long de la voie Appienne un tombeau qu’il ouvre à d’autres affranchis ne pouvait se dire un homme pauvre. D’ailleurs is pour es était d’usage fréquent, sans compter les solécismes si nombreux dans les inscriptions. Voyez Egger, Mém. d’hist. anc., p. 356.
[316] Cf. Léon Renier, Inscr. rom. de l’Algérie, n° 60 et 70. L’associé en voyage recevait des frais de route, le vétéran, avant de partir pour son congé, 500 deniers, etc. Le monde grec était depuis longtemps rempli d’associations analogues. Les thiases formaient des sociétés de piété, de secours mutuels, de crédit, d’assurances contre l’incendie, etc., et leurs dignitaires, les clerotes, ont peut-être donné leur nom au clergé chrétien.
[317] Il faut excepter, bien entendu, les deux guerres des Juifs et celle de Civilis, qui ont leurs causes particulières.
[318] Ainsi à Pruse, où Dion Chrysostome faillit voir la foule brûler sa maison.
[319] IV, 7-8 ; Hérodien, VII, 2, 5.
[320] Tacite loue Tibère d’avoir tenu compte de la noblesse dans la distribution des charges (Annales, IV, 6), et il montre tout le peuple de Rome prenant parti pour une grande dame romaine contre son époux riche, mais sans naissance (ibid., III, 22). Ces sentiments subsistaient encore au troisième siècle, même plus tard. (Cf. Marquardt, t. V, p. 250.)
[321] Multis in lotis : præceptores publice conducuntur (Pline, Lettres, IV, 13 ; Code Théod., XIII, 3, 2 et 3. Σιφιστάς.... xεινή μισθεύμενει, xαθάπερ xαί ίατρεύς (IV, 1, 5). Fronton (ad Amic., 7) demande une de ces places pour un de ses protégés. Des femmes mêmes exerçaient la médecine. Une inscription porte : .... Juliæ Saturninæ.... incomparabili medicæ. (De Laborde, Voyage en Espagne, t. I, 2e partie, inscr. n° 15, et Wilmanns, 241 et 2493.)
[322] Les maîtres des petites écoles, qui pueros primas literas docent, exerçant une industrie privée n’avaient pas droit à ces immunités, à moins qu’ils n’eussent été nommés par une grande société, comme celle des mines d’Aljustrel qui avait exempté les siens de toutes les charges de la communauté, afin d’assurer un bon service scolaire aux enfants de ses ouvriers. Ulpien ne leur reconnaît pas le titre de professeur : licet non sint professores (Digeste, L, 13, 1, § 6). Mais il voulait que le président veillât à ce qu’ils ne fussent pas chargés au delà de leurs forces (ibid., 2, § 8). Du reste, Rome connaissait tous nos genres de maîtres : le précepteur, qui souvent n’avait que la table, le logement et 200 drachmes (Lucien, de Merc. cond., 33 et 38), allant, comme le père de Stace (Silves, V, 5, 170), donner des leçons en ville, et celui qui recevait des élèves chez lui, à raison de 5 aurei pour une année scolaire de huit mois (Schol. ad Juv., VII, 243). Remmius Palémon se faisait, avec son école, un revenu de 400.000 sesterces (Suétone, Ill. Gramm., 23). L’empereur Pertinax commença par être professeur, mais sans succès (Capitolin, Pertinax, 1).
[323] Les légations, dont les médecins et professeurs avaient été dispensés (Digeste, XXVII, 1, 6, § 1), étaient très fréquentes et très onéreuses. A chaque événement qui marquait dans la vie des empereurs, il en arrivait à Rome ; d’autres venaient demander au prince de trancher un différend avec une cité voisine, alors même qu’il ne s’agissait que de misérables intérêts. On vient de retrouver une lettre d’Antonin aux Coronéens pour les remercier de lui avoir fait porter leurs condoléances à l’occasion de la mort d’Hadrien et leurs félicitations au sujet de l’adoption de Marc-Aurèle. Une autre du même prince rappelle que les députés de Coronée lui ont demandé de décider à qui d’elle ou de Thisbée appartenaient quelques plèthres de pâturages. (Bulletin de corresp. hellén., pour 1881, p. 450.)
[324] In prœm., 1. Les professeurs publics eurent-ils dès l’origine des rations, annonæ ? C’est probable, puisque toute l’administration en avait. En 375, à Trèves, le rhetor recevait 30 rations, le grammaticus Latinus, 20, le grammaticus Græcus, 12. (Code Théod., XIII, 3, 11.)
[325] Lettres, IV, 13.
[326] Cod., X, 52, 2 et 7. Le mot les meilleurs signifie dans ce passage les plus capables de faire subir son examen, probatissimi, comme il est dit ailleurs. L’ordo pouvait les révoquer, si non se utiles studentibus præbent.
[327] Les grammairiens expliquaient les poètes et les commentaient ; ils critiquaient les textes et exposaient les procédés et les règles du langage. Les rhéteurs enseignaient, par l’étude des grands écrivains, non pas l’éloquence, qui ne s’apprend point parce qu’elle est un don naturel, mais toutes les ressources dont un orateur peut user pour arriver à convaincre, en disposant ses arguments dans l’ordre le meilleur et en donnant à son discours la force des pensées avec les ornements et les grâces du style.
[328] Cela résulte de divers passages du traité hippocratique de l’Officine. (Dr Dechambre, Revue archéol. de 1881, p. 53.)
[329] C’est-à-dire qui n’étaient point membres d’un collège ayant une caisse de secours mutuels.
[330] .... parfois même vous donnerez vos soins gratuitement, προϊxα (Œuvres d’Hippocrate, édit. Littré, t. IX, Præcepta, § 6). L’obligation de soigner les pauvres, que Valentinien rappelle aux médecins (Code Théod., XIII, 3, 8), n’est pas un devoir nouveau qu’il leur impose ; c’était une charge à laquelle ils avaient été de tout temps soumis.
[331] Une inscription récemment trouvée à Cos est un décret honorifique pour un médecin qui, durant une épidémie, s’était particulièrement distingué par son dévouement. Une autre, découverte à Athènes, parle de plusieurs médecins publics exerçant dans cette ville. (Bull. de corresp. hellén., 1881, p. 203 et 205.)
[332] Menechm., V, V. Dans l’Amphitryon et dans Epidicus, Plaute parle encore de ces officines. Cf. Dr Briau, de l’Assistance médicale chez les Romains.
[333] Code Théodosien, XIII, 3, 8.
[334] Un passage du Protagoras de Platon, où il est question d’une somme d’argent portée par un jeune homme à Hippocrate de Cos pour devenir lui-même médecin, montre que l’enseignement médical n’était pas gratuit.
[335] Orelli, n° 3507 et 3994 ; C. I. L., t. V, 37 et 5377, etc.
[336] Paul, Sent., III, 6, 62.
[337] Paul, Sent., V, 23, 19.
[338] Digeste, XXVII, 1, 6, § 2. La même pensée conduira Constantin à limiter le nombre des clercs (Code Théodosien, XVI, 2, 3, 5 et 6.)
[339] .... νύν xατά πολλάς τών πόλεων (Galeni opera, t. XVIII, Comm. de med. off., 1, 8, édit. Kühn).
[340] Dr Vercontre,
[341] Aristide, Palin. de Smyrne.
[342] On a bien d’autres exemples : ainsi à Séville, C. I. L., t. II, n° 1174, et les inscriptions relatives aux curatores et aux procuratores alimentorum.
[343] Pline, Panégyrique, 40.
[344] .... Quos præcipue scias indigere, sustentantem foventemque orbe quodam societatis ambire (Pline, Lettres, IX, 30).
[345] C. I. G., 5545. Pline l’Ancien dit avec son emphase habituelle : Deus est mortali juvare mortatem (Hist. nat., II, 15). Voyez au chapitre LXXXVII, § 2, les opinions des philosophes sur la charité.
[346] .... ad sustinendam tenuiorum inopiam.
[347] Sive in alimenta vel eruditionem puerorum (Marcianus ad D., XXX, 117). Les legs faits ad alimenta puerorum devinrent si nombreux, qu’un rescrit de Sévère les soumit à la quarte Falcidienne. (Digeste, XXV, 2, 80.)
[348] Hoc amplius.... alimenta infirmæ lacis, puta senioribus, vel pueris pællisque (Digeste, XXX, 122).
[349] Digeste, L, 2, 8.
[350] Voyez Digeste, L, 1, 8, et titre 8, 5. Les
distributions de blé aux pauvres dans les municipes se faisaient sous la surveillance
des édiles (Digeste, XVI, 2, 17), qui
sont parfois nommés cereales (Orelli, n°
[351] Ulpien, au Digeste, VII, 1, 27, § 3 : soleni possessores certam partem fructuum municipio viliori pretio addicere. Cf. ibid., L, 8, 5.
[352] Fiscus frumentarius.
[353] Arca frumentaria, pecunia ad annonam destinata (cf. Hirschfeld, Annona, p. 83-5, et Kuhn, op. cit., I, p. 40 et suiv.).
[354] Annonæ divisio (Digeste, L, 4, 1, §§ 2 et 18, § 5).
[355] Orelli, n° 114, dans la très petite ville de Lorina, près de Cære.
[356] Ne potentiores viri humiliores adficiant, ad religionem præsidis prov. pertinet (Digeste, I, 18, 6).
[357] Académie des inscriptions et belles-lettres,
séance du
[358] Homère, Odyssée, VI, 207-208 ; cf. ibid., VIII, 516 : Pour l’homme de cœur l’étranger qui l’implore est un frère.
[359] Ces ventes volontaires étaient si fréquentes, que les jurisconsultes se sont occupés de l’homme libre qui s’est vendu (Digeste, I, 5, 21) ; et elles sont une preuve qu’à cette époque l’esclavage n’était pas toujours l’abominable institution que la société moderne condamne.
[360] Pline écrit à un de ses amis : .... quod patriam tuam omnesque qui nomen ejus auxerunt, ut patriam ipsam veneraris et diligis (Lettres, IV, 28). Les inscriptions portent souvent, à propos de libéralités faites par un citoyen, .... secundum dignitatem coloniæ (Mommsen, I. N., n° 4040).
[361] Ce mot s’appliquait à l’État comme à l’individu, et porter atteinte à la dignité du peuple romain ou de ses représentants était un des crimes frappés par la loi de majesté.
[362] Aurelius Victor répète ces mots. Salluste disait aussi : tantum antiquitatis curæque, qu’il faut traduire par : tant de respect et de sollicitude. (Fronton, Epist. ad M. Ant., 3.)
[363] Lettres, V, 8.
[364] On voit, par Ammien Marcellin (XXVIII, 4) et Claudien (in Rufin., I, 442 ; in Eutr., II, 66, et Laud. Stil., II, 152), que ces mœurs durèrent jusqu’à la fin de l’empire.
[365] Juvénal, Satires, I, 112.
[366] Déjà, peu de temps après les Antonins, Papinien disait : Exigendi tributi munus inter sordida munera non habetur et ideo decurionibus quoque mandatur (Digeste, L, 1, 17, § 7), c’est-à-dire qu’il n’y avait pas alors incompatibilité entre les fonctions municipales de décurion et celle de collecteur de tribut pour l’État. Mais il était interdit au décurion d’affermer les impôts de sa ville : decurio sua civitatis vectigalia exercere prohibetur (Digeste, L, 2, 6, § 2).
[367] Quand Tertullien se convertit au christianisme, il déclara qu’il renonçait aux affaires publiques (cf. le de Pallio). Dans le de Idololatria, il exige de ses disciples qu’ils rompent avec la société civile ; il condamne tout métier qui, de près ou de loin, touche à l’idolâtrie, l’art, qui en vit, la littérature, qui en parle. Il interdit absolument aux chrétiens les officia publica, ne permet que les officia privata, c’est-à-dire l’assistance aux fêtes pour la naissance, le mariage, dans une famille amie, etc. Dans le de Corona militis, il leur défend le service militaire. Cependant un rescrit de Sévère eis qui judaïcam superstitionem sequuntur (Digeste, L, 2, 5, § 5) autorisait les Juifs et probablement les chrétiens à arriver aux honneurs avec dispense des obligations contraires à leurs croyances. Mais les chrétiens, s’il s’agit d’eux dans ce texte, moins tolérants que l’empereur, se tinrent généralement à l’écart. L’auteur de l’Épître à Diognète avait déjà dit (chap. V) : Les chrétiens habitent leur patrie comme des étrangers. Quand l’Église fut devenue maîtresse de l’empire, elle voulut rattacher les fidèles aux devoirs civiques ; mais il était trop tard. Voyez, aux Comptes rendus de l’Acad. des inscr., 1872, un mémoire de M. Le Blant sur le détachement de la patrie.