I. — LE SIÈCLE D’AUGUSTE : LES LETTRES.Personne aujourd’hui ne s’abuse sur le sens de ces mots : le siècle de Périclès, de Léon X ou d’Auguste. Ces protecteurs des lettres et des arts leur doivent plus qu’ils ne leur ont donné, et ils ne sont pour rien dans le grand travail qui s’est accompli autour d’eux. Les révolutions littéraires, comme toutes les autres, se préparent lentement et elles n’éclatent qu’à l’apparition d’un homme supérieur ; or les hommes de cette sorte, c’est la nature et non pas le prince qui les forme. Cependant il faut bien donner un nom à ces époques où l’humanité, concentrant toutes ses forces productives, fait rapidement éclore une foule de chefs-d’œuvre ; et ce nom est bien choisi, quand il est celui d’un prince qui a eu du goût pour les œuvres de l’esprit et des égards pour ceux qui les exécutaient. L’histoire, à bon droit, accepte cet usage, et, quoi qu’on dise, la postérité ne séparera jamais ces princes des hommes grands par le génie, les actions ou la vertu qui ont illustré leur règne. Ce noble cortège qu’il ne conduit pas, mais qui l’entoure, est-il pour Auguste le moins éclatant ? Plaute y manque, et Térence, Lucrèce, Cicéron, César, Salluste, qui l’ont précédé ; Tacite, qui l’a suivi. Mais, à ses côtés, aidant sa marche, je vois Mécène et Agrippa, la politique et la force ; plus loin, Drusus et Germanicus, jeunes princes aimés du peuple et de l’histoire. Derrière lui, trois écrivains immortels : Virgile, menant le chœur des poètes ; Tite-Live, qui célèbre les mœurs laborieuses, le patriotisme et les hauts faits des temps passés ; Horace, le poète mélodieux du bon sens et du goût. Puis, assez loin derrière eux, Varius, qui tenta de rivaliser avec Sophocle, comme s’il pouvait y avoir place à Rome pour la muse tragique à côté des jeux de l’amphithéâtre[1] ; Tibulle, Gallus, Properce, l’élégie, rarement naturelle parce qu’elle est déjà trop savante ; Ovide, l’abondance souvent stérile ; Phèdre, froid mais limpide écrivain ; Manilius, le chantre des astres confidents du destin ; Varron, Hygin, Flaccus, l’érudition sous les seules formes qu’elle connût à Rome : grammaire et liturgie ; Celse, qu’il ne faut appeler l’Hippocrate romain qu’à la condition d’entendre qu’il copia l’Hippocrate grec ; Strabon, le grand géographe ; Vitruve, le conseiller trop vanté de ces artistes inconnus qui changèrent la face de Rome. Et le Gaulois Trogue-Pompée ; et les Grecs de Rome : Denys d’Halicarnasse, Diodore de Sicile, Nicolas de Damas, qui écrivent des histoires générales pour cet empire universel. Enfin, le grave et libre Labéon, avec son rival Ateius Capiton, qui règlent la jurisprudence, l’un au nom des vieux principes de la cité, l’autre au nom de cette puissance nouvelle alors, mais que Cicéron faisait plus ancienne que le monde et contemporaine de Dieu même, l’équité, la loi naturelle. Supposez qu’un peintre de génie jette sur la toile le
tableau dont je viens de tracer l’esquisse ; placez à côté l’École
d’Athènes de Raphaël, et, tout en reconnaissant l’éclatante supériorité
de De ce cortége d’Auguste détachons quelques hommes dont l’action sur la société romaine a été plus directe ou qui nous laisseront voir certains côtés de l’esprit de ce temps. L’histoire littéraire réserve son attention aux seules œuvres de l’art, et elle a le droit de négliger tout ce qui n’en porte pas la glorieuse empreinte. L’histoire politique, qui a besoin de faire la part des idées, va les chercher partout, là même où le talent d’écrire est sans éclat. C’est pourquoi elle interroge, à cause de leur popularité, c’est-à-dire de l’influence qu’ils ont exercée, un théologien philosophe, comme Varron, même un comédien moraliste, comme Publilius Syrus, tout en réservant la première place aux hommes de génie qui ont honoré leur siècle. De ces hommes qui ont écrit pour tous les âges, Rome en eut alors. Tandis que l’empereur donnait la pais et l’ordre, eux avaient cherché, avec une rare intelligence des devoirs du talent, à le seconder dans son œuvre d’apaisement et à relever, par le culte du beau et de l’honnête, l’âme de ce peuple que la corruption, des luttes impies et le débordement des passions avaient brisée. Je ne veux pas dire qu’Auguste ait enrôlé Horace, Virgile et Tite-Live parmi ses conseillers, à titre de professeurs de morale officielle. Leur sentiment se trouva d’accord avec les intentions du prince, et chacun, à sa façon, dans sa pleine liberté, travailla à la tâche commune. On objectera, contre ce rôle donné à Horace, par exemple, des légèretés de paroles qui nous paraissent plus coupables qu’elles ne l’étaient aux yeux d’un peuple où Caton lui-même faisait des courtisanes une institution salutaire. Malgré, ce tribut payé à la grossièreté romaine et à sa propre faiblesse, Horace est un écrivain moral. Saint Jérôme l’appelle un poète grave, et les écrivains religieux du moyen âge le citent volontiers[2]. S’il ne s’élève pas jusqu’à la fière vertu des stoïciens, il se tient entre Épicure et Zénon, dans une région moyenne un peu trop large et commode, assurément, mais où beaucoup peuvent arriver avec lui au juste, à l’honnête[3]. Il sait que la nature humaine est double. D’une main, il flagelle les ambitieux qui courent à la fortune, les efféminés qui cèdent toujours à la tentation du plaisir, les lâches qui abandonnent le gouvernement d’eux-mêmes, et les sots qui donnent l’éternelle comédie de leurs travers ; de l’autre, il peint en traits immortels le héros qui tombe obstiné en sen courage, ou le juste, ferme en ses desseins, qui verrait le monde s’écrouler sur sa tète et n’en tremblerait pas. Lorsqu’il vante, avec de mâles accents, le dédain de la pauvreté et de la mort, la retenue dans le succès, la constance dans l’adversité, ou que, d’une voix moins fière, mais toujours sensée, il donne les préceptes d’une philosophie indulgente, s’il n’enseigne pas le sacrifice, c’est du moins le goût de la sagesse pratique qu’il répand chez un peuple où il fallait donner aux vertus privées la place que ne remplissaient plus les vertus publiques. Ainsi, sans y penser beaucoup, en suivant sa fantaisie et
non pas une consigne, Horace avait pris, au sein de la société romaine, la fonction
des anciens poètes qui furent les premiers semeurs des vérités morales. Ce
qui domine toute sa philosophie, c’est le sentiment de la juste mesure que
dans l’art on appelle le goût et, dans la vie, le bon sens ; ce qu’il
conseille sans relâche, c’est la modération dans le désir, qui tient chacun à
sa place, comme le scribe du Trésor resta toute sa vie à la sienne. Il n’a
point nos mélancoliques tristesses, et ce n’est pas lui qui dirait le mot
prêté à Ésope, un de ses maîtres : Dieu mouilla
de larmes, et non d’eau, la terre dont il fit l’homme[4]. Il voit bien Dans ses vers percent çà et là les sentiments qui vont être ceux de la société nouvelle. Les anciens pouvoirs, l’aristocratie de naissance et la foule populaire y sont peu respectés. Il n’a nul souci des suffrages de l’une : Non ego ventosœ plebis suffragia veror. Et ailleurs : Odi profanum vulgus et arceo. Mais, s’il recherche ceux de l’autre, s’il souhaite à ses vers d’occuper de nobles loisirs, c’est en revendiquant fièrement les droits du talent. Il ne rougit pas d’être le fils d’un ancien esclave, et, lorsqu’il envoie son livre au libraire : Ne crains pas, lui dit-il, de rappeler mon peu de naissance et mon peu de fortune. Ce que tu ôteras à ma noblesse, tu le donneras à mon mérite. Horace est donc bien le poète d’une société qui se fait monarchique et d’une cour qui commence ; pourtant ce n’est point un courtisan. Auprès d’Auguste, sa condition est celle de Racine et de Boileau auprès de Louis XIV, meilleure même, car il n’a ni la charge ni la pension d’historiographe. Il repousse les faveurs, quoique le prince ait ajouté aux égards les plus délicats le don de son amitié ; et quand le ministre de l’empereur le presse de célébrer les hauts faits d’Auguste, il refuse[6]. II ne faut même pas que l’homme qu’il aime le plus se plaigne trop haut des rares visites du poète et de ses longs séjours à la villa qu’il lui a donnée, sans quoi Vorace répondra à Mécène par l’apologue du mulot qui ne peut plus sortir de l’armoire aux provisions où il s’est engraissé ; comme lui, il est prêt à abandonner ce qu’il a pris pour recouvrer sa liberté. Et le protecteur comprend la noble indépendance du protégé, qui avait pour devise : Je veux dominer la fortune et n’être point dominé par elle. Entendez encore ces paroles de fière liberté, même à l’égard des dieux : Ne demandons à Jupiter que ce qu’il donne et retire, la vie et la fortune ; pour la paix de l’âme, à nous de nous la donner. Horace, le flâneur du forum, l’habitué du palais des Esquilies, s’était adressé à l’homme de tous les temps, de toutes les sociétés polies et n’en avait pas moins servi les desseins du prince[7]. Virgile y répondit mieux encore, quoiqu’il vécût habituellement hors de Rome et qu’il semblât habiter en esprit bien loin de ses contemporains. Il réunissait en lui des qualités presque toujours séparées. On ne trouverait cependant pas, dans l’histoire des lettres, de génie plus harmonieux. Cœur tendre et chaste, amoureux des bois, vies champs, de la nature entière, avait un écho dans la sienne[8], il répand sa tendresse sur tout ce qu’il voit ; et ce qu’il voit, il l’anime pour le faire aimer, souffrir et pleurer. Il n’est rien où il ne nette une douleur, une larme : sunt lacryimæ rerum. Il déteste la criminelle folie des combats[9], et il s’émeut, se trouble devant tout ce qui meurt, mentem mortalia tangunt[10], que ce soit la génisse exhalant sa douce âme auprès de la crèche remplie, l’oiseau frappé au sein de la nue, ou le taureau expirant sur le sillon, à côté de son compagnon qui laisse échapper un gémissement fraternel[11]. Pour Caton, la terre est un instrument de gain ; pour Virgile, c’est la déesse nourricière, la mère de tous les êtres. Au printemps, elle reçoit l’époux céleste, le puissant Éther, descendant dans son sein en pluies fécondes qui gonflent les germes et font épanouir les moissons, les fleurs et les fruits. Il voit, il comprend l’immense circulus de la vie universelle, et, dans l’enthousiasme de sa science poétique, il pousse ce cri qui est celui de l’humanité : Felix qui potuit rerum cognoscere causas. Mais il a aussi les cordes qui vibrent au souffle des
pensers virils, pour toutes les grandeurs de la patrie, pour cette Rome qu’il
appelle la plus belle des choses, rerum
pulcherrima, pour ce roc majestueux : du Capitole qui subsistera tant que le pontife en montera les degrés et, à côté de
lui, Ces sentiments, ces souvenirs, il les recouvre de la plus
suave poésie ; aussi, à ne considérer que l’art, Virgile est un plus grand poète
qu’Homère, et cependant l’Énéide reste aussi loin de l’Iliade
que le marbre l’est de la vie, parce que le plus habile artiste ne rivalise
pas avec Oeuvre sortie vivante des mains de Dieu ou de la conscience d’un
peuple. Homère pouvait être aveugle, il chantait ce que Si les Géorgiques sont l’éloge du travail sanctifié
par la religion et récompensé par les dieux, l’Énéide est la
glorification de la monarchie consacrée par la volonté et la protection
divine. Les deux poèmes étaient donc un plaidoyer en faveur de la triple
restauration des mœurs, de la religion et de la royauté des anciens jours
qu’Auguste essayait d’accomplir. Aussi, dans ce sage Énée, que les dieux
menaient par la main des rivages troyens aux bords du Tibre, beaucoup
reconnaissaient le fils pieux que Aux yeux des contemporains de Virgile, le second Énée, les
combats finis et son père vengé, passe de même, tranquille et doux, au milieu
du monde en désordre, calmant les passions qu’il ne partage pas, ramenant sur
la terre l’ordre que les dieux mettent au ciel et portant, lui aussi, dans
ses mains les destinées de Je cite en passant ses Bucoliques, genre faux qui ne se montre qu’au sein des sociétés blasées, où l’on parle de bergers et de troupeaux, sous des lambris dorés. À ses débuts, Virgile s’était fait l’émule de Théocrite ; pourtant, dans certains vers, on sent le génie qui, plus tard, déploiera ses ailes et planera sur les plus hauts sommets. Il ne m’appartient pas de parler du style et de la composition dans l’œuvre des deux poètes Je dois cependant marquer comme un trait du caractère de Virgile que ses héroïnes sont plus poétiques que ses héros. Nul, chez les anciens, Sophocle excepté[16], n’a pénétré comme lui au fond du cœur de la femme et n’y a trouvé les trésors de tendresse, de dignité chaste et de courage qui s’y cachent. Didon est la plus passionnée des femmes que le soleil d’Afrique ait brûlées de ses feux ; son Andromaque est plus touchante que celle d’Homère, et Camille est devenue le type des vierges guerrières qu’ont célébrées les poètes. Par cette délicatesse exquise de sentiment, Virgile n’appartient pas à son temps ; il lui appartient moins encore par un autre côté de son génie. Le contrecoup des guerres civiles qu’il avait reçu dans si frêle et nerveuse nature[17] ne l’avait pas fait poète seulement, mais devin, vates. Lorsque, après tant de sang et de ruines, après tant de violences du soldat impie, la victoire d’Octave fit espérer le retour de l’ordre, il vit, d’une vue prophétique, se lever sur le monde l’aurore d’une paix qui allait durer deux siècles. Horace en célèbre la bienvenue qui sourit à tous les yeux : maintenant c’est la paix, maintenant c’est le plaisir ! Nunc
est bibendum, none pede libero Pulsanda
tellus ! s’écrie le joyeux convive de Mécène. Le cygne de Mantoue jette aussi un cri de joie ; mais sa grande et mélancolique pensée monte plus haut : il entrevoit la rénovation des âges, l’ordre des siècles qui recommence, et comme une race nouvelle qui descend des cieux pour répandre sur le monde un esprit nouveau : Ultima
Cumœi venit jam carmints ætas ; Magnus
ab integro sæclorum nascitur ordo.... Jam
nova progenies cœlo demittitur alto.... Aspice
convexo nutantem pondere mundum, Terrasque
tractusque maris cœlumque profundum ; Aspice,
venturo lœtentur ut omnia sæclo ! On dirait Colomb, perdu au milieu des mers orageuses, qui jette a son équipage tremblant le cri sauveur : Terre ! terre ! Et montre, dans les brumes de l’Occident, le nouveau monde qui va sortir du sein des flots. Virgile, en parlant ainsi, exprimait bien une idée qui ,
du fond de son cœur de poète, lui était montée à l’esprit pour en chasser les
dernières tristesses et y affermir l’espérance ; mais, dans ces beaux vers ,
il s’inspirait aussi des traditions étrusques sur le renouvellement
millénaire du monde, et peut-être à son insu se faisait-il encore l’écho de
sentiments vagues et puissants dont l’Orient tout entier tressaillait, et qui
allaient prendre corps dans la magnifique et sainte personnalité de Jésus.
Afin de recomposer les livres sibyllins brûlés dans l’incendie du Capitole,
on avait recueilli les oracles qui couraient Le messie est la foi des races religieuses qu’on opprime, et qui, selon leur génie propre, attendent un vengeur guerrier ou pacifique. Que de fois les Arabes, même les nôtres, n’ont-ils pas cru voir apparaître, comme les Juifs de Palestine, un prophète sauveur[20] ! Croyance étrusque, persane et juive[21], ou mensonge de la sibylle, cette idée du rédempteur pacifique saisit l’âme de Virgile au moment où de si longues guerres semblaient finir, et, renonçant au thème habituel de l’âge d’or, placé par les poètes grecs aux anciens jours du inonde, il osa en faire la promesse de l’avenir. Ferrea
primum Desinet
ac toto surget gens aurea mundo. L’humanité s’est habituée à cette vue plus large, et elle s’obstine, dans ses indestructibles espérances, à mettre devant elle ce qu’autrefois on mettait en arrière. L’historien qui, lui aussi, regarde du côté où s’est couché le soleil d’hier, pour y chercher quelques signes de ce que sera le soleil de demain, aime à montrer dans Virgile, a côté du chantre des temps anciens, le poète qui eut le pressentiment de l’avenir, le doux maître que Dante a pris pour guide et qui a pu être regardé comme un des précurseurs d’une grande révolution morale[22]. Horace et Virgile représentent tout ce qu’il put entrer de grec dans le génie latin. Tite-Live, au contraire, est purement romain et l’héritier d’une longue suite d’importants personnages qui, après avoir servi l’État sur les champs de bataille ou dans le conseil, voulaient le servir encore en formant les nouvelles générations par les exemples des aïeux. L’histoire, à Rome, est, comme le droit, une science patricienne. On ne sait si Tite-Live, qui paraît avoir été de bonne
maison, se rattachait par le sang aux vieilles races de Rome, mais il y
tenait à coup sûr par les sentiments et le caractère. Né à Padoue, l’année
même où César reçut le gouvernement de Une phrase de la préface révèle son procédé très oratoire, mais fort peu historique : Les faits, dit-il, qui ont précédé ou accompagné la fondation de Rome, nous sont parvenus embellis de fictions poétiques.... On pardonne à l’antiquité cette introduction des dieux dans les choses humaines, qui rend plus augustes les commencements des villes. Du reste, telle est la gloire du peuple romain dans la guerre que, lorsqu’il proclame le dieu mars pour son fondateur, les nations doivent le souffrir avec la même résignation qu’elles souffrent notre empire. Je passe volontiers à Tite-Live ce fier langage lorsqu’il s’agit des origines sacrées ; mais quand il oublie la prise de Rome par Porsenna et la rançon du Capitole emportée par les Gaulois, j’entre en défiance et je crains qu’il n’ait exagéré bien des victoires ou dissimulé bien des défaites. Il me fâche aussi de le voir copier longuement Polybe sans citer son nom, à moins d’admettre, avec le candide Rollin, qu’il lui a rendu justice dans quelques-uns de ses livres perdus. Cependant on doit reconnaître, sans parler de son grand style qui a l’ampleur de la majesté romaine, que Tite-Live possédait quelques-unes des plus précieuses qualités de l’historien : une haine vigoureuse contre le mal, de quelque côté qu’il vint, des grands ou du peuple, du sénat ou des tribuns ; l’imagination puissante qui met le mouvement, la couleur et la vie où l’annaliste ordinaire n’aurait mis qu’un fait, une date, un nom ; la faculté enfin de se faire le contemporain de ceux dont il raconte l’histoire, en restant calme devant les passions, pour les bien juger, sans perdre le sentiment de toutes les ardeurs, pour être en état de les comprendre et de les peindre. Aux jours de l’ancienne république, la liberté aristocratique eût trouvé en lui, pour se défendre, un puissant orateur. Ce qu’il ne pouvait plus être à la tribune, il le fut dans ses livres, qui sont un vrai cours d’éloquence. Nous y étudions les plus belles formes du langage, mais ses concitoyens y trouvaient les plus beaux exemples de courage, de discipline, de persévérance, de patriotisme, en un mot de vertu romaine. Quelle fut sa foi politique ? Il ne le dit pas. Mais, dans cette longue contemplation d’une histoire sept fois séculaire[23], il avait appris que les institutions ne sont pas immuables, les gouvernements perpétuels, et il eût voulu modérer cette inévitable mobilité par deux freins : le respect des mœurs et celui des lois. Cette force de conservation, il l’avait demandée même à Scipion l’Africain, le glorieux vainqueur d’Annibal, et il la demandait encore aux contemporains d’Auguste. C’est par là que ce grand historien dont l’âme s’était faite antique au contact des choses anciennes[24], ce républicain qui loue Brutus et qui doute de César, ce libre citoyen du plus grand empire après celui des dieux[25], ce rare esprit qui aimait le passé et qui comprenait le présent, tel du moins que l’avaient rendu nécessaire les crimes et la bassesse des hommes et tel que le faisait la modération du prince, eut aussi, sans l’avoir cherché, un rôle actif dans l’œuvre monarchique du vainqueur d’Antoine. Par une contradiction qu’explique la fausse position où, dès le premier jour, Auguste plaça l’empire, il convenait à sa politique que le tableau des mœurs de l’ancienne république fût mis sous les yeux de ceux dont Tacite allait dire qu’ils se précipitaient au-devant de la servitude. Le ravisseur obligé des libertés publiques aurait voulu ramener le vieux temps sans la vieille liberté ; l’homme qui avait pris l’âme clé la nation eût mis sa gloire à ce que ces corps sans âme eussent la dignité de citoyens, qui n’étaient devenus les maîtres du monde qu’en commençant par se rendre les maîtres d’eux-mêmes. de comprends la noble ambition d’Auguste d’honorer sa monarchie par des vertus républicaines, de compenser la docilité des esprits par l’austérité des mœurs, le luxe éblouissant d’une ville incomparable par les plaisirs modestes et tranquilles de la vie rustique ; mais, à vouloir ces choses contraires, on échoue sûrement. Ses poètes, ses historiens, eurent le succès qu’obtiennent les plus éloquents des hommes lorsqu’ils parlent dans un sens, et que les idées, les besoins, les usages, vont dans un autre. La foule échappe à leur influence ; quelques individus seulement la subissent et forment, ainsi qu’on le verra bientôt, ces belles protestations du passé vaincu contre le présent triomphant, qui empêcheront, comme Thrasea, la prescription en faveur des lâchetés de la conscience et des abjections du despotisme. Tite-Live et Virgile, tous deux peintres des temps anciens, auront cependant, sous t’empire, un sort différent. Après Auguste on lira peu le grand annaliste de Rome ; le pompéien deviendra suspect à cause de ses males accents, et nous perdrons les trois quarts de son œuvre. Nous avons tout gardé de Virgile, parce que ses beaux vers étaient sans danger pour la tyrannie. Parmi les anciennes traditions, son âme religieuse se plaisait surtout aux récits des choses divines dont les empereurs ne se montraient pas jaloux, et, lorsqu’il célébrait la vie rustique, ce n’était pas, comme Caton, pour y trouver les meilleurs soldats et les plus libres citoyens, mais l’oubli du forum et de la guerre, le repos et le silence des vastes campagnes[26]. Tite-Live, moins poète, était plus politique ; et le livre qu’Auguste avait encouragé comme une œuvre nationale, parut aux Caligula et aux Domitien une œuvre dangereuse[27]. Varron, autre conservateur plus pompéien que Tite-Live, puisqu’il servit Pompée, appartient à peine au siècle d’Auguste, car il mourut cinq années après Actium ; mais il représente un coté de l’esprit romain qu’il ne faut pas laisser dans l’ombre, et ses écrits eurent une influence qui oblige au moins à citer son nom. Varron obtint de Pollion cet honneur que, seul des auteurs vivants, il eut son buste à côté de ses ouvrages dans la bibliothèque de l’Atrium Libertatis, et qu’il put ainsi assister à sa postérité. L’hommage rendu à Varron dépassait son mérite. Il est vrai qu’il vécut quatre-vingt-dix ans, qu’il publia soixante-quatorze ouvrages, et ne finit de travailler qu’en finissant de vivre, de sorte qu’il représente à lui seul tout ce que le siècle d’Auguste savait des siècles antérieurs. Nous errions, lui dit Cicéron, comme des voyageurs étrangers, dans notre patrie ; tu nous as dit ce que nous sommes et en quels lieux nous vivons. Tu as fixé l’âge de Rome et les dates de son histoire ; tu nous as appris les règles des cérémonies sacrées et des sacerdoces, les usages de la paix et de la guerre, la situation des villes et des régions, en un mot toutes les choses divines et humaines, avec les causes qui leur ont donne naissance et les devoirs qu’elles imposent. L’éloge est magnifique, mais Cicéron était ce jour-là d’humeur complaisante. Cette immense érudition avait été amassée sans critique et publiée sans art. Les fables que Tite-Live raconte avec un laconisme prudent, Varron les afferme en les développant ; et, quand il imite les dialogues de Cicéron pour donner quelque vie à ses traités, il a des grâces séniles qui déplaisent, parce qu’elles en rappellent de charmantes, comme les vers rudes et lourds de ses satires Ménippées ont le tort de faire penser à ceux de Lucile et d’Horace. Théologien de la société romaine, il emprunte sa théologie à Évhémère et aux stoïciens, sans trop se préoccuper de la contradiction des deux systèmes, pas plus qu’il ne songe à concilier ses idées philosophiques avec les croyances populaires. Il y a pour lui trois religions : celle des poètes, œuvre de l’imagination et domaine de la fable, où l’esprit s’égare en se jouant ; celle des philosophes, que la raison trouve et explique ; celle enfin des magistrats, qui est une institution civile. Varron s’amuse de la première sans y croire ; croit à la seconde sans oser l’affirmer ; mais affirme la troisième par raison d’État, et compose ses Antiquités divines pour combattre l’indifférence qui menace la religion officielle. Cependant il admet l’unité de Dieu ; il croit à la grande âme du monde qui se mêle à la masse de l’univers et la gouverne par le mouvement et la raison.... La terre et les rochers sont les ossements de Dieu ; le soleil, la lune et les étoiles, ses sens ; l’éther, son âme. De l’éther, cette âme du monde se répand dans les divers éléments, les pénètre, et la parle divine que chacun d’eux contient est appelée Dieu. Sont-ce des dieux animés d’une vie propre, ou de simples manifestations du Dieu unique ? La première solution sauvait le polythéisme, la seconde le tuait. Varron, qui n’avait pas plus l’héroïsme de la pensée que celui de l’action, évite de se prononcer. Sans doute il eût bien voulu que ses dieux fissent dans le monde meilleure figure aux yeux des savants. C’est pour cela qu’il indique que ce sont des personnifications des forces terribles ou bienfaisantes de la nature. Après tout, il lui suffisait d’être compris à demi-mot par ses amis : aussi ne fait-il rien pour épurer la religion populaire, mais beaucoup pour affermir les liens dont elle enveloppe toute l’existence du citoyen, afin de donner une force de plus à l’État qui les tient dans sa main[28]. J’ai déjà montré qu’en religion, comme en tout, l’esprit des Romains est resté loin des cimes, dans les régions inférieures de la pensée ; qu’ils ne concevaient leurs dieux que comme les gardiens de la vigne et du champ, comme les protecteurs de la maison et de la famille où les cérémonies saintes s’accomplissaient exactement ; que, pour les grands dieux de la cité et pour les divinités domestiques, ils eurent un culte et non des doctrines, des rites et point de dogmes[29]. Si l’on cherche chez eux ces sentiments de reconnaissance et d’amour qui forment le fond de la piété véritable, on lie trouve qu’un formalisme étroit dont l’empreinte fut si forte, que la trace n’en est pas encore effacée. Pour les contemporains d’Auguste, le citoyen religieux est celui qui pratique, non celui qui a la vertu. A ce compte, les Romains furent les plus religieux, c’est-à-dire les plus superstitieux des hommes[30]. Varron employa douze livres de ses Antiquités divines à exposer l’organisation du sacerdoce, la nature des sacrifices, l’ordre des cérémonies, toute la liturgie en un mot. Son ouvrage était donc le rituel romain ; il eut, à ce titre, beaucoup d’autorité et une grande influence ; c’est pour cela que saint Augustin lui fit si rude guerre, ou du moins le cita si souvent :dans sa réfutation du paganisme. Les Antiquités divines étaient une œuvre petite en tant que conception religieuse ou philosophique, importante par le détail et comme pensée politique. Au moment où César et Auguste se proposaient de mettre l’ordre dans l’État, ordinare, Varron essaya de mettre l’ordre dans la religion. Quel fut le résultat de ses efforts ? Il confirma la foule populaire dans sa superstition, les gens éclairés dans leur indifférence, les magistrats et le gouvernement dans la doctrine qu’il est nécessaire, pour le bien public, de conserver les rites des aïeux. Auguste n’en demandait pas davantage. Varron traite la philosophie comme la religion : il n’aime pas à regarder en haut et ne s’arrête pas volontiers aux spéculations abstraites de Pythagore et de Platon ; il court aux règles de la vie pratique, et trouve parfois, le long du chemin, de belles pensées : On ne vit pas pour vivre, mais pour accomplir de nobles desseins ; celle-ci encore, qui est déjà chrétienne avant le Christ : Il faut vouloir pour les autres ce que l’on voudrait pour soi-même, pour les amis de l’intérieur, tels que la femme et les enfants ; pour ceux du dehors, tels que les concitoyens ; et cette affection, qui s’étend du foyer domestique à la cité, doit franchir cette enceinte, embrasser l’universalité des nations qui forment la société humaine, et s’élever jusqu’aux dieux dont les philosophes font les amis du sage[31]. Voilà le mot de l’avenir dit par un des plus vaillants défenseurs du passé. Varron n’eût-il écrit que cette parole, qu’il eût mérité de nous une place dans ce bref résumé de la littérature romaine. Mais il nous intéresse à un autre titre. Ses innombrables ouvrages où tout se trouvait, religion, philosophie, histoire, rhétorique, grammaire, sciences, économie rurale, vers et prose, etc., ont fait, sous l’empire, l’éducation de l’Occident. Par là il ressemble à Cicéron, mais avec l’art en moins. Il est une littérature, celle du théâtre, qui peut en
apprendre beaucoup sur l’état d’une société. Religieuse et patriotique dans
l’Athènes d’Eschyle, elle deviendra, à Byzance, une école de dépravation. Que
fut-elle dans Syrus avait été conduit à Rome pour sa belle figure, excellente recommandation, dit-il ; et, plus tard, affranchi, comme Phèdre et Térence, pour son esprit. Il courut longtemps l’Italie, comme Molière nos provinces, composant et jouant des mimes. Appelé à Rome par César pour les grandes fêtes du triomphe, il lutta contre Laberius, qu’il vainquit, et, jusqu’aux premières années de l’empire, il régna sur la scène. Ses pièces sont perdues, mais nous avons de lui un recueil de huit cents maximes que Sénèque cite souvent. Syrus, dit-il, est le plus grand des poètes dramatiques, lorsqu’il s’abstient des quolibets réservés aux derniers bancs du théâtre ; et Pétrone ne craint pas, en le comparant à Cicéron, de lui trouver l’âme plus élevée[32]. Je ne m’abuse pas sur l’effet utile de ces belles sentences que l’on répète souvent sans y conformer sa vie. Cependant il importe, pour se faire une idée vraie d’une société, de savoir ce qu’elle regarde comme la perfection, aussi bien en morale que dans l’art, la poésie et le droit. D’ailleurs ces maximes que les générations se transmettent ont beau n’être que la goutte d’eau qui tombe incessamment et semble se dissiper en un léger brouillard ; regardez bien, et vous trouverez que la goutte d’eau a percé le granit. L’histoire philosophique est donc tenue de recueillir les idées qui ont été chez un peuple la monnaie courante des esprits distingués. En voici quelques-unes de Syrus : — Écoute ta conscience et non les vaines opinions, car elle puna, même au début de la loi. — Qui perd l’honneur n’a plus rien à perdre. — Il est plus nécessaire de guérir les plaies de l’âme que celles du corps, et l’important est de bien vivre, non de vivre longtemps : une belle mort donne l’immortalité. — Grande fortune, grande servitude ; méprise donc tout ce que tu peux perdre. — La fortune prête, elle ne donne pas. Le plus riche est celui qui a le moins de désirs. — Se commander à soi-même est le plus bel empire, et une âme virile fait toujours ce qu’elle s’impose. — Attends d’autrui ce que toi-même tu auras fait à autrui. N’imite pas ce que tu blâmes dans les autres, et ne fais pas de leur malheur ta joie. — Tiens ta parole, même à l’ennemi, et n’aie pour lui que de bonnes pensées ; mieux vaut recevoir une injure que la faire. — Pardonne souvent aux autres, jamais à toi-même, parce qu’il faut être en paix avec les hommes, en guerre avec ses vices. — Rivalisons de douceur et de bonté, c’est la plus noble émulation. — Dieu regarde si les mains sont pures, non si elles sont pleines. — Être bienfaisant, c’est imiter Dieu. Encore quelques traits délicats : — L’homme meurt autant de fois qu’il perd un des siens. — La plus proche parenté est celle des âmes. — L’amour, comme les larmes, naît des yeux et tombe sur le cœur. Ou énergiques : — Les honneurs parent l’honnête homme ; ils flétrissent le coquin. — Là où l’accusateur est juge, c’est la force et non la loi qui prévaut. En parlant ainsi, Syrus condamnait à l’avance Séjan et les juges de Néron. Il voyait plus loin lorsqu’il voulait mettre l’humanité dans la loi : L’extrême justice est presque toujours une injustice extrême ; plus loin encore quand il disait : Discute tout ce que tu entends ; prouve tout ce que tu crois. C’est déjà le mot de Descartes. Voilà de bonnes semences jetées sur la terre aride ; mais qui sait si, emportées par le vent, elles n’iront pas germer en quelque coin fertile ? Les vieux poètes de A la liste des poètes de ce temps, on ne peut ajouter ni Auguste ni Mécène, quoiqu’ils aient essayé tous deux de parler la langue d’Horace. Le prince n’y réussit pas ; de Mécène, il reste un vers viril : Que m’importe mon tombeau ? La nature ensevelit ceux que la vie abandonne[35]. Le conseiller d’Octave, durant les jours qui précédèrent le second triumvirat, avait mieux que l’âme d’un épicurien. A prendre cette littérature du siècle d’Auguste dans son ensemble, on voit qu’elle imagine peu et qu’elle copie beaucoup ; sa voix, écho harmonieux, n’a guère de notes originales, et les meilleurs, parmi ceux qui la représentent, se souviennent plus qu’ils n’inventent : sur deux cents fragments qui nous restent des lyriques grecs, on en a compté plus de cent imités par Horace[36]. Cette constante préoccupation des œuvres du génie grec qu’eurent alors les écrivains de Rome nuisit à leur originalité ; la mémoire tua l’inspiration. A force d’art, on chassa le naturel, et, avec lui, la passion vraie, énergique ou tendre. Cependant cette littérature mérite la place qui lui est donnée dans le tableau d’honneur de l’esprit humain ; si elle n’a pas l’énergie grandiose d’œuvres nées au souffle puissant de l’imagination et des croyances populaires, elle réalise un des plus parfaits modèles de la littérature d’une société polie. Il faut remarquer aussi que, tout compensé, les lettres eurent, à cette époque, le respect d’elles-mêmes. Le poète est souvent chose légère, et l’art n’est pas la morale. Cependant notons que les plus mauvaises pièces d’Horace sont dans les Épodes, qu’il ne publia pas, et que le théâtre, dont la licence alla plus tard si loin, se tenait encore dans de telles limites, que l’on a pu extraire des pièces de Publilius Syrus un long recueil de belles sentences. Enfin, cette littérature, qui avait de la dignité, ne manquait pas d’indépendance. La liberté, qui s’était volontairement retirée des assemblées publiques, avait pris refuge au sein des lettres, car celles-ci ont le privilège de garder, même sous les ruines du temple, une étincelle du feu sacré où la noble exilée peut venir, quelque jour, rallumer son flambeau. Des sociétés abdiquent aux mains d’un homme ; l’esprit humain, jamais. En face d’Auguste, Horace chante la fatale journée (celle de Philippes) où la vertu succomba, où l’on vit couchés sur la poussière les fronts des braves menaçant encore[37]. Virgile met Caton à la tête des Justes dans les champs Élysées[38], et Tite-Live peut célébrer impunément les hauts faits de la grande aristocratie que le prince remplace ; il en sera quitte pour le surnom de Pompéien. Timagène lance contre l’empereur et les siens des traits acérés ; Auguste l’avertit d’avoir plus de réserve, et, comme il redouble, lui interdit sa maison ; mais Pollion le recueille, et toute la ville se l’arrache[39]. On vient de voir que la bibliothèque impériale n’avait été fermée ni à Catulle ni à ses imitateurs. Cependant que Labienus ne se fie pas à cette tolérance ; s’il va trop loin, un décret du sénat fera brûler son livre[40], et en vertu de la loi de majesté, Cassius Severus sera exilé en Crète pour avoir attaqué les meilleurs amis du prince ; mais il faut qu’il se soit permis de bien étranges licences, car Tacite le condamne. Une loi fut rendue pour punir les libelles diffamatoires[41] ; voilà donc les délits d’opinion qui entrent dans la législation impériale. Ils étaient déjà dans celle de la république, depuis les Douze Tables, et nous-mêmes, après vingt-trois siècles, nous ne savons pas bien encore si, lorsqu’il s’agit du gouvernement, il vaut mieux ne paf les voir, ou les poursuivre[42]. On a donné à Mécène une sorte de gouvernement de la
littérature ; mais on ne discipline que ces écrivains de bas étage qui
peuvent recevoir par ordre l’inspiration, et avec ces ministères de l’esprit
public on ne fait qu’une littérature officielle qui avorte en naissant. Que
Mécène ait régi celle-là, je le veux bien ; il a eu peu de peine à la rendre
docile, car la servilité était le grand mal de ce temps. Augusta ne se
plaint-il pas de voir son nom compromis dans les vers de courtisans
maladroits[43],
comme Tibère s’indignera de trouver son sénat trop lâche ! Mais ne mêlons pas
les grands esprits à cette tourbe, dont l’oubli a fait justice. Les lettres
d’Auguste à Horace montrent comment le prince traitait les vrais poètes, et
si certains de leurs vers choquent notre moderne fierté égalitaire, il faut,
avec ces hommes du Louis XIV faisait écrire par Colbert aux savants célèbres de son temps. Auguste écrivait lui-même à Virgile pour obtenir qu’il lui communiquât les premiers chants de l’Énéide ; à Horace, pour se plaindre de n’être pas admis en partage, avec Mécène, dans l’amitié du poète. Dans tes vers tu ne causes pas volontiers avec moi. Craindrais-tu qu’auprès de la postérité ce ne fût une honte pour toi de paraître mon ami ? Et ailleurs : Tu as fièrement repoussé mon amitié ; cependant je ne t’ai pas payé du même dédain[44]. II. —
|
[1] Marius avait fait
une tragédie, Thyeste, que Quintilien compare maladroitement aux plus belles
pièces de Sophocle et d’Euripide et qui ne fut pas plus représentée que
[2] Les papes ont été plus sévères : la première édition d’Horace imprimée à Rome est de l’année 1811, durant l’occupation française. Cf. Walckenær, Vie d’Horace, I, 319, n. 1. Son père, esclave public de Venouse, avait pris, après son affranchissement, le nom de la tribus Horatia dont cette ville faisait partie ; de là, le nom de son fils.
[3] Quid verum atque decens curo et rogo, et omnis in hoc sum (Horace, Epist., I, I, 11).
[4] Parole citée comme d’Ésope par Cantacuzène (Nicéph. Grégoras, liv. XIV, chap. IV), mais toute chrétienne.
[5] Il disait de Virgile : dimidium animæ meæ, et déclarait à Mécène qu’il mourrait avec lui, ce qui arriva à quelques jours de distance.
[6] Carm., I, VI, et II, XII. Voyez aussi Epist., I, VII. Properce fit de même (III, IX). Était-ce flatterie pour Auguste ou ressentiment contre César ? je ne sais, mais Horace ne parle jamais du dictateur, Properce non plus.
[7] Cependant il ne semble pas avoir été très populaire de son vivant ni dans le siècle qui suivit. Les graffiti de Pompéi, qui reproduisent des vers de Virgile, de Properce et d’Ovide, n’en citent pas un d’Horace, Virgile, qui fuyait le monde, est resté populaire, et la légende s’est emparée de lui, même en plein moyen âge ; le peuple n’a point connu Horace, parce qu’a la légende il faut le mystère, qu’il y en a dans l’existence de Virgile, et qu’il n’y en a pas dans celle d’Horace, qui nous a conté, par le menu, tout le détail de sa vie. Mais il fut très populaire parmi les lettrés et très souvent cité ou imité par les écrivains chrétiens.
[8] Spiritus intus alit, totamque infusa per arfus Mens agitat molem et magno se corpore miscet. Inde hominum, pecudumque genus.... (Æn., VI, 726). Virgile est si frappé du spectacle de cette vie universelle, qu’il ira jusqu’à dire : Animos tollent sata (Georg., II, 350).
[9] Scelerata insania belli (VII, 461).
[10] Æneis, I, 462.
[11] Georg., III, 495 et 518. .... Dulcis animas — Mærentem.... fraterna morte juvencum.
[12] Horace, Carm., III, 30 ; Virgile, Æn., IX, 448.
[13] Divini gloria ruris (Georg., I, 168).
[14] Dans les vers attribués à Gallus, de Virgilii morte, il est dit, à propos de l’Énéide, qu’il faut conserver malgré le vœu du poète mourant : Fac laudes Italum, fac tua fata legi.
[15] Cette idée que l’Énéide est un poème religieux, et Énée un pontife, est déjà dans Macrobe.
[16] Peut-être aussi Euripide.
[17] Il était grand, mais avait l’estomac débile et la poitrine délicate.
[18] Ils y étaient nombreux. L’ami de Virgile, Horace, parle d’eux à plusieurs reprises. Satires, I, IV, et I, IX. Cf. les passages fameux de Suétone (Vespasien, 4), de Tacite (Hist., V, 13), confirmés par Josèphe (Bell. Jud., VI, 5, 4).
[19] Cicéron, de Divinat., II, 54.
[20] C’est l’idée même du curieux livre d’Abd-el-Rader. Il admire nos richesses et notre civilisation, mais il nous reproche de ne pas croire aux messies. Cet ouvrage est un exemple de cet état particulier des esprits en Orient qui y a fait naître tant de religions.
[21] A la rigueur on
pourrait trouver une idée juive et persane dans les vers 24-25 de la quatrième
églogue qui parlent de la mort du serpent, comme dans
Occidet et serpens, et fallax herba veneni
Occidet ; Assyrium vulgo nascetur amomum.
L’amonum était, pour les Grecs, l’équivalent de l’arbre de vie, l’hom des mazdéens.
[22] Une chose me gâte un peu Virgile : il aimait l’argent et mourut riche. Dans l’ode ad Virgilium negotiatorem, Horace, qui resta toujours pauvre, l’invite à souper, à condition qu’il apportera les parfums, et il le presse de surseoir pour un moment aux affaires
Verum pone moras et studium lucri. (Carm., IV, XII.)
Cf. Martial, V, 46. J’ai parlé de sa chasteté ; comme poète, oui, encore faut-il excepter la seconde bucolique ; mais comme homme, c’est tout différent. Cf. Martial, VIII, LVI, et Donat, Vita Virg., cap. V, § 20. Du reste Horace se fait adresser par Damasippus le même reproche :
Mille puellarum puerorum mille furores. (Satires, II, III, 325.)
Cf. Carm., IV, I et X. — Tibulle (Eleg., I, IV) et Catulle (XLVIII, LXXXI, XCIX) n’avaient pas des goûts moins dépravés. Le vice grec, était devenu le vice romain. Aux yeux de ses adorateurs intéressés, Vénus Lubentina excusait tout.
[23] Les cent quarante ou cent quarante-deux livres de son Histoire romaine, dont trente-cinq seulement nous restent, commençaient aux origines de Rome et s’arrêtaient à la mort de Drusus, frère de Tibère ; c’était un espace de sept cent quarante-trois années.
[24] XLIII, 15.
[25] Maximum secundum deorum opes imperium (Tite-Live, Prœf.).
[26] Virgile, Georg., II, 459 et 468.
[27] Caligula chassa Tite-Live de toutes les bibliothèques, et Domitien fit tuer un citoyen qui professait une trop grande admiration pour l’historien. (Suétone, Domitien, 12.) Mais c’est à un pape que nous devons sans doute la perte d’une partie des Annales. Grégoire le Grand fit brûler tous les exemplaires de Tite-Live qu’il put trouver, par une pieuse horreur des prodiges qu’il racontait et par la crainte que ces récits ne servissent la cause des païens.
[28] Religio a religare (Servius, in Æneid., VIII, 349).
[29] Religione, id est cultu deorum, multo superiores (Cicéron, de Nat. Deor., II, 3) ; et ici cultus est bien pris dans le sens étroit de rites. Tout le passage l’explique ainsi.
[30] Religiosi dicuntur qui faciendarum prætermittendarumque rerum divinarum, secundun : morem civitatis, delectum habent. Festus (s. v.) ajoute : nec se superstifionibus implicant. Cela ne détruit point ce que j’ai dit dans le texte, le mot superstitio s’appliquant aux pratiques et aux croyances contraires à la religion de l’État.
[31] Sent., n. 115.
[32] Ce recueil a été interpolé ; quelques sentences n’appartiennent pas à Syrus.
[33] Il nous apprend lui-même qu’on joua son Art d’aimer avec des danses et des gestes représentant une suite de tableaux détachés.
[34] Métamorphoses, XV, 165. — Sénèque (Epist. 308) et Perse (III, 84) l’ont répété.
[35] Sénèque, Epist. 99, ad fin. Auguste avait
beaucoup écrit en prose et il avait composé, en vers, un poème sur
[36] Dès le siècle d’Auguste, les grammairiens faisaient deux parts dans la littérature latine, l’une qui était nationale, l’autre qu’ils appelaient exotique, comme imitée de l’étranger.
[37] On trouve encore dans ses vers des éloges pour L. Sextius, Q. Dellius, Pompeius Grosphus, Cassius de Parme, tous du parti opposé à Octave.
[38] .... Pios, his dantem jura Catonem (Æneis, VIII, 670).
[39] Sénèque, de Ira, III. Sur la modération d’Auguste, voyez Suétone, Octave, 51, 55, 51, 56, 61, 66 ; Sénèque, de Benef., III, 27 ; Valère Maxime, VII, VII, et Macrobe, Saturnales, II, IV.
[40] Sénèque, Controverse, V, Prœf.
[41] Tacite, Annales, I, 72.
[42] Dion, dans le discours de Mécène (LII, 31), est contraire à la poursuite, et Tacite prétend que l’interdiction de lire certains livres faisait toute leur popularité : L'ouvrage, condamné aux flammes, fut recherché et lu avidement, tant qu'il y eut péril à se le procurer ; dès que tout le monde put l'avoir, il tomba dans l'oubli (Annales, XIV, 50). Nous avons vu cela.
[43] Horace (Satires, II, X) parle des précautions qu’il fallait prendre pour louer Auguste comme il le voulait.
[44] Suétone, de Viris ill., fragm. Le poète avait refusé d’être le secrétaire du prince.
[45] VI, 190.
[46] Fragm. Hist. Græc., t. III, p. 479 (édit. Didot).
[47] Il est remarquable
que le verre à vitre de Pompéi analysé par M. Bontemps a donné la même
composition que le nôtre : silice 64, chaux 7, soude 17, alumine
[48] Cf. Orelli, Inscr., n°
[49] Hist. nat., XXIX, 8.
[50] Les arts déclinent, dit très bien Pline (Hist. nat., XXXV, 32).
[51] Populus copiosissimm statuarum (Cassiodore, Variar., VII, 13 ; Acad. des inscr., t. XXVIII, p. 592). Ott. Müller, Raoul Rochette, Jacobs, ont admis ce nombre.
[52] Sordido studio.... deditum (VIII, XIV, 6).
[53] Excepté dans leurs statues iconiques, qui étaient rares, puisqu’il fallait avoir vaincu trois fois à Olympie pour en obtenir une. (Pline, Hist. nat., XXXV, 9.)
[54] Pline, Hist. nat., XXXVII, 4.
[55] Id., ibid., XXXV, 9.
[56] Vitruve, VII, 5, et Pline, Hist. nat., XXXV, 1 et 11.
[57] Hist. nat., XXXV, 37. L’ancienne Italie
aimait les fresques et les trompe-l’œil comme la nouvelle les aime encore. De
juillet 1867 à mai 1879, on en a découvert à Pompéi huit cent quarante-trois.
Voyez le catalogue de M. Sogliano, dans Pompei
e la regione sotterrata del Vesuvio, 1879. En
[58] La construction
des quais du Tibre a fait découvrir, en 1879, dans les jardins de
[59] Excepté les Institutes de Gaius que Niebuhr a retrouvées, le Liber Regularum d’Ulpien et les Sentences de Paul. Un très grand nombre de jurisconsultes éminents sont nommés au Corpus juris, mais de leurs livres il ne reste que des fragments. Pour rédiger les Pandectes ou Digeste, on dépouilla deux mille traités de jurisprudence et l’on réduisit trois millions de sentences à cent cinquante mille.
[60] Cicéron dit du jurisconsulte Sulpicius : Jus civile semper ad æquitatem et facilitatem referebat (Philipp., IV, 5), et de Crassus : Multa tum contra scriptum pro quo et bono dixit (de Orat., I).
[61] Æneis, VI, 852. Papinien dit du droit prétorien :.... Est quod prætores introduxerunt, adjuvandi, vel supplendi vel corrigendi juris civilis gratia, propter utilitatem publicam (Digeste, I, 1, fr. 7, § 1).
[62] C’est ce que Cicéron exprime par ces trois mots : respondebant, scribebant, cavebant.
[63] Digeste, I, pr., § 1.
[64] Stationes jus docentium (Aulu-Gelle, Noct. Att., XIII, XIII, 1).
[65] Cf. Pomp. (Digeste, I, 2, 47) et Tacite (Ann., III, 75).
[66] Tour ronde de
[67] De l’un de ces
portiques, celui d’Octavie, il reste quelques colonnes, et on croit que
[68] Les Horti Sallustiani devinrent propriété impériale, et on y a trouvé une des belles statues d’Antinoüs.
[69] La superposition des ordres est d’invention romaine. Les Grecs ne la pratiquaient pas.
[70] La voûte ne
descend pas jusqu’au sol ; elle s’appuie sur un podium ou mur circulaire haut
de
[71] Virgile, Æneis, VI, 781-2.
[72] Viollet-le-Duc, Entretiens sur l’architecture.
[73] M. Ch. Blanc, Grammaire des arts du dessin, p. 86.
[74] Vii rusticitati proprios quant deliciis (Pline, Hist. nat., XXXV, 4). Deux choses diminuent beaucoup l’effet du Panthéon : par suite de l’exhaussement du sol environnant, on y descend, au lieu d’y monter, et le stuc ou le marbre, dont il avait été couvert à l’extérieur, étant tombé, la muraille apparaît dans sa nudité, laissant voir les pauvres matériaux en briques dont elle est faite et qu’Agrippa avait certainement cachés. Dans les Piante iconografiche di Roma anteriori al secolo XVI, publiés en 1880 par M. de Rossi, le Panthéon est élevé de cinq marches au portail et de quatre au pourtour ; mais je crois que ce dessin est une restitution arbitraire de l’artiste qui l’a donné vers la fin du quinzième siècle. Tous les plans du seizième siècle montrent la base du Panthéon dominée par le sol environnant.
[75] Le temple de Mars
Bisultor, bâti par Auguste sur le Capitole pour renfermer les drapeaux de
Crassus, était également rond, mais très petit. Les fouilles exécutées depuis
1861, par M. Pietro Rosa, dans les jardins Farnèse sur le Palatin, où l’on
avait déjà trouvé, à la fin du dernier siècle, la maison d’Auguste, ont fait
découvrir les restes des temples de Jupiter Vainqueur et de Jupiter stator,
quelques assises des murs de
[76] Hegel a dit dans son Esthétique : Il est tel peuple absolument disparu de la terre et de l’histoire qui n’a laissé qu’un monument, et ce monument nous permet de pénétrer jusque dans les replis de sa pensée. N’aurions-nous, en effet, que les Thermes de Caracalla et le Colisée de Titus, que nous connaîtrions au moins la moitié du caractère de la société romaine sous l’empire.
[77] A Saint-Paul de
Londres, la coupole a
[78] A Corinthe, le vieux temple dorique s’élevait sur le penchant de la colline qui portait la citadelle ; à Rhamnous, il était bâti à l’extrémité d’un plateau qui descendait à la mer par une pente abrupte ; à Crotone, à Métaponte, à Syracuse, même disposition ; à Éleusis, il était assis sur un rocher aplani, au penchant d’une colline qui dominait la ville.
[79] Cependant, après les constructions qu’Auguste éleva sur le Palatin autour de sa demeure, cette colline devait présenter un aspect imposant.
[80] On pouvait, au
Champ de Mars, faire près de
[81] Publius Victor compte, dans son Régionnaire, vingt-neuf bibliothèques publiques à Rome.
[82] Même sous l’empire, les Grecs n’aimaient pas les combats de bêtes féroces et de gladiateurs. Ces jeux répugnaient à leur esprit fait pour les arts, les lettres et la science. On n’a trouvé que deux amphithéâtres dans l’Asie-Mineure entière, et encore tout au bord de ce continent, à Cyzique et à Pergame, où habitaient beaucoup de Romains.
[83] Les aqueducs de
Rome, en ne comptant que ceux dont parle Frontin, avaient
[84] A Antibes, ils ont
creusé un tunnel de près de
[85] Au temps de
Constantin, il y avait quinze thermes à Rome. Ceux d’Agrippa, derrière le
Panthéon, occupaient une superficie égale à la moitié de celle du Palatin,
environ
[86] Je dis la source où l’artiste s’inspirera, mais non le modèle qu’il devra servilement copier, parce que l’architecture est tenue, en chaque pays, de modifier ses formes pour les approprier aux conditions de lumière, de température, de sécheresse ou d’humidité qui constituent le climat. Un monument grec, même une statue grecque, sont à Saint-Pétersbourg des contresens, quoiqu’il faille bâtir et sculpter en Russie d’après les principes généraux trouvés ou appliqués en Grèce, ainsi qu’on raisonne partout comme Socrate et Aristote, quand on veut raisonner bien, tout en parlant des langues très différentes. Fassen Sie [die Römer] alles nach den Grundsätzen Husserer Zwecke, praktischer Rücksichten auf. (Lübke, Gesh. der Archit., p. 164.) Le Dr. Schnaase (Geschichte der bildenden Künste, t. II, p. 338) dit aussi : .... Neben der reinen und idealen Gestalt der griechischen Kunst, erscheint die der Römer in einem vielleicht an sich zu ungünstigen Lichte.
[87] C’est le mode de construction indiqué par Vitruve, II, 8. La brique est éternelle, dit-il, et il a raison.
[88] Aussi ces routes,
dont l’agger, ou chaussée, était une véritable construction d’un mètre
d’épaisseur en moyenne, avaient parfois des pentes de 0,15 à 0,20 par mètre, et
des remblais ; à travers les marécages, s’élevant, en certains points, à
[89] Lübke, Geschichte der Archilektür, p. 157.
[90] Le petit monument de Lysistrate, à Athènes, est recouvert d’une coupole. Le temple d’Esculape à Épidaure, la rotonde d’Épiménide à Sparte et le Prytanée d’Athènes étaient aussi des édifices ronds, mais la voûte est une exception dans l’architecture grecque.
[91] On y a même retrouvé des échantillons de marbres aujourd’hui perdus. Les carrières de Carrare exploitées dès le temps de César (Pline, Hist. nat., I, 36), peut-être plus tôt (Strabon, I, 5, 22), firent tort à celles de Paros et du Pentélique. Mamurra, le præfectus fabrum de César, décora de ces marbres sa maison du mont Cælius.
[92] Ch. Blanc, Gramm. des arts du dessin, p. 270.
[93] Tout à Pompéi
était recouvert de stuc. Du reste il en était de même pour beaucoup de temples
grecs. Voyez dans Suétone, pour le luxe de la décoration, la description de
[94] C’est l’opinion de Viollet-le-Duc, du docteur Schnaase (Ist diese Vorhalle ein Zusatz, ein angefügter Schmuck, der nicht aus dem Ganzen hervorgegangen ist. T. II, p. 352), et c’est le sentiment qu’éprouve involontairement tout spectateur. M. Ch. Blanc dit très bien : L’architecture n’est pas une construction que l’on décore, mais une décoration que l’on construit. (Ibid., p. 274.)
[95] Il faut encore ajouter que même leurs architectes étaient Grecs. Pline en demande un à Trajan pour les travaux de Nicée ; l’empereur répond (Epist., X, 49) : Cherchez en Grèce.
[96] .... Obligat ille [Augustus] deos (Ovide, Fastes, II, 69).
[97] Les ordres grecs, et le canon de Polyclète, furent les lois de l’architecture et de la statuaire, comme l’Organon d’Aristote demeura, jusqu’à Bacon et à Descartes, la règle qui dirigea la raison dans la recherche et l’exposition de la vérité.
[98] Ce chapitre a été écrit à Paris, en novembre et décembre 1870.