I. — DU GOUVERNEMENT PAR LES INDIGÈNES.Les provinces n’étaient pas les seules possessions de la république. A des titres différents, Rome dominait sur de vastes régions qu’on nommait les pays alliés, parce qu’on leur avait laissé avec les dehors de l’indépendance une douteuse liberté, regiones dubix libertatis. Tacite, parlant des rois qui avaient conservé leur trône en subissant l’alliance de Rome, les appelle, dans son grand style, vetos servitutis instrumentum. Mais Strabon dit plus simplement : De tous les pays qui forment l’empire romain, les uns sont gouvernés par des rois ; le reste, sous le nom de provinces, est immédiatement administré par les Romains. Il y a aussi des villes libres ; quelques pays enfin sont gouvernés par des dynastes, des phylarques, des prêtres, et reconnaissent la souveraineté de la république, quoiqu’ils vivent conformément à leurs propres lois. Ces princes étrangers, ces magistrats de cités libres, ces chefs nationaux qui se faisaient les ministres de Rome, donnaient de la force à son empire, sans augmenter ses dépenses, ce qui satisfaisait à la fois son avarice et son orgueil. Le sénat n’aimait pas à multiplier les armées et les fonctionnaires. Ayant à contenir et à défendre soixante millions d’hommes avec quelques milliers de soldats et quelques centaines d’agents, il avait gouverné le plus possible par les indigènes. Et il avait eu raison, car le peuple romain n’était, au milieu des nations soumises, qu’une imperceptible minorité ; et cette minorité si faible, il ne fallait pas l’user à force de la faire servir. Agir ainsi n’était point, comme Tacite le donne à croire, astuce
odieuse, mais prudence. Lui-même dit en un autre endroit : On rendit aux Rhodiens la liberté, qui leur avait été
souvent reprise ou confirmée, selon qu’ils avaient bien mérité de Rome par
leurs services, ou compromis la paix publique par leurs discordes intestines.
Rome, d’ailleurs, maîtresse incontestée du monde, n’en était plus réduite aux
combinaisons machiavéliques qu’elle avait pu employer aux jours de sa
faiblesse. Ces rois qu’elle conservait ne commandaient qu’à des populations
dociles et peu nombreuses ; qu’elle dise un mot, et ils tomberont sans même
exciter un murmure, car ils ne sont, tout le monde le sait, que des
proconsuls romains[1].
Comme elle avait laissé leurs lois aux républiques de Tout l’empire de Rome était donc ainsi divisé : d’un côté,
les pays directement gouvernés par elle ; de l’autre, ceux qu’elle faisait
administrer par les nationaux. Les premiers étaient les contrées, comme Plus loin, vers l’Arménie et l’Euphrate, il y avait à faire la police des frontières : qui pouvait mieux s’en charger, si loin de I’Italie, que les gouvernements indigènes ? Par les rudes leçons de Sylla et de Lucullus, de Pompée et de César, ces princes avaient appris quelles étaient la force de Rome et leur propre faiblesse. Ils acceptaient donc leur rôle avec résignation ; et, l’hérédité leur étant à peu prés laissée[3], ils considéraient leur royaume comme un patrimoine où ils avaient intérêt à maintenir l’ordre et la sécurité en veillant pour Rome sur les mouvements des nations voisines. Rois et dynastes de Thrace
et d’Asie Mineure. — C’était en Thrace que l’on commençait à
trouver des rois alliés. Ils s’étaient partagés prudemment, dans les guerres
civiles de Rome, entre les deux factions, afin que l’ami du vainqueur sauvât
celui du vaincu. Rhœscuporis avait servi Brutus ; son frère Rhœscus, les
triumvirs, qui pardonnèrent au premier en faveur du second. Ces relations
introduisaient dans le pays quelques habitudes romaines ; mais les Thraces
n’en restaient pas moins des Barbares malgré les vers latins de Cotys[4] ; et dans l’Hæmus
habitaient des peuplades misérables et féroces qui devaient à leurs
continuels brigandages le. surnom de bandits. Les couleurs dont Hérodote et
Thucydide peignaient ces peuples, quatre siècles auparavant, étaient encore
vraies, car Tacite emploie les mêmes. Ils se tatouaient le corps, achetaient
leurs femmes et souvent vendaient leurs enfants. Ils regardaient comme
indigne d’un guerrier de labourer la terre, et ne connaissaient d’autres
sources de gain que la guerre ou le vol. Ils immolaient à leur dieu, que les
Grecs appelaient Hermès, des victimes humaines ; et le sanctuaire d’une autre
de leurs divinités s’élevait au centre d’une forêt profonde, sur la plus
haute cime du Rhodope. De telles mœurs ne font pas les peuples nombreux et
forts. En Asie, plus de la moitié des domaines de la république
avait gardé des chefs nationaux. Le premier personnage de l’État était, après le roi, le
grand prêtre de Mà ; nommé à vie et toujours choisi dans la famille royale,
il possédait tous les privilèges de la souveraineté. A Comana, six mille
esclaves des deux sexes étaient attachés au service du temple, dont les
revenus étaient considérables. Celui de Jupiter, dans Prés des Cappadociens habitaient les Galates, autrefois
divisés en trois peuplades qui formaient chacune quatre tétrarchies. Les
douze tétrarques et les juges expédiaient les affaires ordinaires ; mais,
quand il s’agissait d’un meurtre un jury de trois cents guerriers se
réunissait à l’ombre des chênes et prononçait. Cette organisation, souvenir
de la première patrie, s’était peu à peu modifiée : chaque tribu n’avait plus
eu qu’un chef, puis tout le peuple s’était partagé entre deus princes ; plus
tard encore, Dejotarus avait reçu du sénat le titre de roi avec Durant une expédition des Parthes dans l’Asie Mineure, un
rhéteur avait sauvé la ville de Laodicée. Son courage et son éloquence furent
magnifiquement récompensés. Antoine, si prodigue du titre de roi, le plaça
bien cette fois, en le donnant à Palémon, le fils du rhéteur, avec la garde
de toute la frontière orientale, depuis le Pont-Euxin jusque vers la Cilicie[5]. Polémon se
montra si habile, qu’Auguste ne songea pas à punir de l’amitié d’Antoine un
homme qui se chargeait de surveiller, pour le compte de l’empire, les rois
d’Arménie. Il conserva aussi le prince de Samosate, qui, dans l’angle compris
entre le mont Amatius et l’Euphrate, rendait les mêmes services au sujet des
Parthes ; mais il dépouilla, dans Eu Syrie, Damas avait reçu garnison romaine, mais la province renfermait une foule de chefs arabes ou juifs, les uns pillards insoumis, les autres se partageant entre les Romains et les Parthes, les meilleurs étant toujours d’une fidélité douteuse. Un d’eux est arrivé à une triste célébrité : je veux parler d’Hérode. Hérode et les Juifs. — Pour devenir maître d’un État de 30 à 40 lieues de long, cet usurpateur avait déployé plus de bravoure, d’adresse et de cruauté, plus de vices et de talents qu’il n’en eût fallu pour la conquête d’un empire. Mais Hérode avait affaire à une race indocile et opiniâtre qui ne se laissait vaincre que par celui qui pouvait l’écraser, et il l’avait domptée par les supplices. Il était d’un pays et d’une époque où l’on donnait, où l’on recevait la mort avec une facilité qu’heureusement nous ne comprenons pas ; et, de tous ceux qui eurent alors ce triste droit du sang, personne n’en abusa comme lui. Ses amis, ses proches même, périrent ; sa femme, la belle Mariamne, fut décapitée ; il fit étrangler deux de ses fils, et, cinq jours avant sa mort, il ordonna encore le supplice d’un troisième. Sûr de la haine du peuple et voulant cependant que sa mort fût pleurée, il réunit dans l’hippodrome de Jéricho les principaux de la nation et commanda qu’on les tuât dès qu’il aurait rendu l’esprit, afin que le deuil et un deuil véritable fût dans tout le pays. Quand il eut expiré, sa sœur Salomé cacha sa mort durant un jour et scella de l’anneau royal un ordre de délivrance. L’Orient fait bon marché de la vie ; il aime la force et la magnificence ; Hérode, qui savait effrayer et éblouir, régna trente-quatre ans et reçut le titre de Grand.
Il descendait d’une race odieuse aux Juifs ; son père,
l’Iduméen Antipater, avait été, en Judée, l’agent de César, et lui-même
devait toute sa fortune à Antoine. Après la bataille d’Actium, il se rendit à
Rhodes auprès du vainqueur et lui avoua noblement son amitié pour son
bienfaiteur. Octave, fatigué de bassesses, prit plaisir à rencontrer un homme
; il lui laissa son royaume, qu’il augmenta de tous les dons faits à
Cléopâtre aux dépens de Cependant ces Romains semblent avoir eu un respect involontaire pour les doctrines si pures du culte mosaïque. Strabon les admire, et, malgré son mépris hautain pour un peuple qu’il connaît mal, le superstitieux Tacite leur rend hommage[7]. Quand Pompée prit Jérusalem, il respecta les trésors du temple ; Agrippa y sacrifia, comme autrefois Alexandre, et les gouverneurs que Rome envoya aux Juifs, loin de s’offenser du zèle intolérant de ce peuple, relevèrent l’éclat de ses fêtes en y associant l’autorité impériale[8]. Un signe plus certain serait les privilèges accordés aux Juifs déjà répandus en grand nombre dans toutes les provinces : l’égalité avec les habitants des villes où ils étaient établis, sans l’obligation de contribuer aux charges de la cité, la permission d’observer partout leurs lois et leurs fêtes, même l’exemption du service militaire. Tuais ces édits, qui leur auraient assuré d’étranges avantages, sont ils authentiques ? On en a douté ; quelques articles au moins sont suspects. Chef de ce peuple, Hérode profita habilement pour lui-même de ces traditions de la politique romaine ; il obtint la faveur d’Auguste, qui le chargea de débarrasser de brigands les environs de Damas. Mais un jour que le roi juif poursuivit les bandits jusque sur les terres des Arabes Nabatéens, l’empereur crut à une expédition sérieuse, à des projets de conquête, et réprima durement l’ambition de son vassal. Jusqu’à présent, lui écrivit-il, je t’ai traité comme un ami ; à l’avenir je te traiterai comme un sujet. Hérode s’humilia. Cependant, pour plaire au maître, il n’épargnera rien : statues, temples, villes de marbre, seront élevés en son honneur sous les yeux des Juifs indignés de ces nouveautés sacrilèges ; mais, imbu des mœurs grecques, Hérode n’était plus un prince israélite. Il pensionnait des poètes à Rome, il distribuait des prix aux jeux d’Olympie, il adorait la divinité des fondateurs de l’empire, et, en même temps, il effaçait l’une après l’autre toutes les institutions chères à son peuple ; le souverain pontificat et le sanhédrin étaient avilis, les lois nationales étaient méprisées, et la terreur planait sur toutes les têtes fidèles à l’ancien culte. Mais les Juifs n’étaient pas seulement en Judée. Ce petit
peuple avait pullulé avec une incroyable fécondité[9], et pour lui la
dispersion était commencée. Il serait difficile,
dit Strabon, de trouver un lieu sur la terre
habitable qui ne les eût reçus et où ils ne fussent fermement établis. A
Alexandrie, ils occupent une grande partie de la ville et ils y forment comme
une république vivant sous ses propres lois[10]. A Cyrène, en
Asie Mineure, dans Chose étrange, deux petits peuples, nés sur une terre
stérile, mais tous deux d’une inépuisable fécondité, couvraient et se
disputaient l’Orient. L’histoire des vouges apostoliques de saint Paul
montre, dans toutes les cités, des synagogues en face de l’école grecque ; et
comme si les deux civilisations allaient à la rencontre l’une de l’autre, les
Juifs pénètrent en Grèce jusqu’au pied du Parthénon, d’où ils menacent la
fille de Jupiter, et la civilisation grecque avance triomphante jusqu’en
Judée, où elle consacre à Pan et aux Nymphes l’antre d’où sort le Jourdain[13]. C’est en grec
que les apôtres annonceront la nouvelle loi des Juifs ; en grec aussi que
l’ancienne a été traduite par les Septante et que leurs successeurs vont la
défendre. Mais, avec la langue de Platon, bien des idées platoniciennes ont
pénétré dans ce monde mosaïque si longtemps fermé ; à ne regarder qu’il la
surface, il semble que le polythéisme et le judaïsme sont déjà près de
s’entendre, puisque Ies hommes éminents de Dans leurs colonies les plus lointaines, les Juifs vivaient à part, de mille industries parfois suspectes, et, malgré leur apparente humilité, pleins d’orgueil pour la pureté de leur race et de leur croyance ; pleins de mépris pour ces populations lettrées, artistes, légères et rieuses, qu’ils exploitaient en se courbant devant elles. En Judée même, la répulsion que la masse des Juifs
éprouvait à l’égard des idées étrangères s’augmentait de toute la haine
excitée par un prince qui s’était fait le représentant d’une union réputée sacrilège
et qui tenait ce peuple, à la tète dure, sous un despotisme inexorable. Aussi
Ce maître, tout l’Orient l’attendait, et, dans II. — FRONTIÈRE DU NORD.Pour compléter cette étude du monde romain, il reste h passer la revue des peuples qui bordaient la frontière de l’empire et qui seront incessamment mêlés à son histoire, quelques-uns même compris dans ses limites. Bretons. — Germains. — Les légions n’avaient pas encore assez inquiété les Germains pour que, sous la menace de l’invasion, ceux-ci eussent rapproché leurs peuples et formé de vastes confédérations comme ils en auront plus tard. Dans leurs plaines sans limites et sous leurs forêts séculaires, dont une seule avait une longueur de soixante journées de marche, fermentait un chaos de peuplades prolifiques, gens numerosa, qui étaient invincibles, parce qu’un conquérant étranger n’aurait su où les saisir. Point de villes dans lesquelles se concentrât la vie nationale : ils n’avaient que de pauvres et innombrables villages, épars dans les cantons, pagi. Point de temples : ils n’étaient pas capables d’en élever ; point de statues des dieux : ils n’auraient su en faire ; ils adoraient cette nature qu’ils aiment tant encore, la terre, les sources, les montagnes, les forêts pleines de mystère et de religieuses terreurs. Point de caste sacerdotale, point non plus d’aristocratie guerrière qui les tînt sous le joug, quoiqu’ils eussent reconnu à leurs prêtres le droit de punir certaines fautes ; mais des devins, hommes et femmes, des sacrifices de chevaux, quelquefois d’hommes ; et l’avenir cherché dans les entrailles des victimes[20]. Enfin leurs chefs étaient élus parmi les plus braves[21]. Si les rois, choisis dans des familles consacrées, devaient cette dignité à leur naissance, simples représentants de la tribu, ils n’avaient d’autre prérogative que de maintenir l’unité nationale ; le conseil des chefs, puis le peuple, examinait les plus importantes affaires, de minoribus rebus principes consultant, de majoribus omnes, et l’on décidait par le suffrage des armes, en frappant les glaives contre les boucliers. Ils ne chargeaient même pas l’autorité publique de réprimer les crimes privés ; l’offensé vengeait lui-même son injure, ou lui et les siens forçaient l’agresseur à fournir une compensation payée en bétail. Ainsi, ni la religion ni l’organisation sociale n’arrêtaient, chez les Germains, l’élan de leur fougueuse nature. Et cette liberté, ces ardeurs d’un sang trop jeune, ils les dépensaient dans les combats et dans des jeux presque aussi terribles : sauter au milieu des glaives et des framées menaçantes, ou descendre sur leurs boucliers, à travers les précipices, la pente rapide des montagnes. Après la victoire venaient les orgies sans fin : tout le butin y passait. Au réveil, on recommençait les courses lointaines. Car un homme libre, un fils de ce dieu Tuiston qu’ils célébraient dans leurs chants nationaux[22], ne travaillait point ; il eût rougi d’amasser par la sueur ce qu’il pouvait gagner avec du sang. Ses esclaves, pris à la guerre ou achetés, et sa femme avaient le soin du troupeau, sa principale richesse, ou labouraient le champ ; pour lui, jamais, même dans les festins, il ne quittait ses armes. Comme chez les Peaux-Rouges, la chasse et les combats devaient seuls occuper un guerrier[23]. La religion réfléchit les mœurs et les pensées intimes des croyants : au Walhalla, l’Olympe des Germains, il n’y aura que continuelles batailles et festins prolongés. Les femmes germaines étaient les dignes compagnes de leurs époux. Le jour des fiançailles, elles recevaient en présent des bœufs, un cheval de guerre, un bouclier avec le glaive et la framée[24] ; ces dons virils leur annonçaient qu’elles auraient à prendre leur part dans les dangers sic vivendum, sic pereundum. Le sang ne les effrayait pas. On rapporte ses blessures à une mère, à une épouse, et celles-ci ne craignent pas de compter les plaies, d’en sonder la profondeur. Dans la mêlée, elles donnent aux combattants des vivres et des encouragements. On a vu, dit-on, des armées chancelantes et à demi rompues que des femmes ont ramenées à la charge en présentant leur sein aux fuyards, en leur montrant la captivité pire que la mort.... Aussi croient-ils qu’il y a dans ce sexe quelque chose de divin et de prophétique. Ils ne dédaignent pas ses conseils et n’oublient point ses prédictions. A Rome, c’est en prenant la toge, l’habit de la cité et de la paix, que le jeune homme était fait citoyen ; chez les Germains, ce n’était qu’après avoir reçu dans l’assemblée publique le bouclier et la lance qu’il pouvait s’asseoir parmi les guerriers. De ce jour, il s’attachait à un chef renommé. Il y a, disait Tacite, une grande émulation parmi les compagnons pour la première place auprès du chef, et parmi les chefs, pour avoir les compagnons les plus nombreux et les plus braves. Dans l’action, il serait honteux pour le chef d’être surpassé en courage ; pour ses compagnons, de ne pas l’égaler en bravoure. Qui oserait revenir d’un combat où le chef est mort serait déshonoré pour sa vie entière. Si la cité languit dans l’oisiveté d’une longue paix, les chefs vont offrir leur courage aux nations qui sont en guerre, tant le repos leur est à charge, tant ils savent que la gloire est dans les périls et là aussi les moyens de garder autour d’eux une suite brillante ; car les compagnons n’ont d’autre solde que la table du chef et ses dons militaires, un cheval de bataille, une sanglante et victorieuse framée. Ces associations de périls et de gloire formeront les bandes aventureuses qui, durant quatre siècles, harcèleront sans relâche l’empire romain, en lui portant mille coups pour un qu’il saura parer. Au-dessous des guerriers, les lites, qui, sans être esclaves, n’étaient point libres : c’étaient les restes ou les descendants de peuplades vaincues. Ils avaient femmes et enfants ; ils pouvaient ester en justice ; mais ils n’entraient pas à l’assemblée publique et travaillaient au profit de ceux qui les avaient pris sous leur patronage, mundium. Tacite assure que cette société grossière et brutale traitait l’esclave avec douceur, respectait la femme, ouvrait à l’étranger la porte de chaque maison et garantissait à l’accusé le jugement de ses pairs : plus d’une coutume de l’Europe féodale y était contenue en germe. Ces rois, par exemple, que nous trouvons sans pouvoir, mais entourés d’un religieux respect, sortiront de leurs forêts et de leur obscurité pour monter au trône de Clovis ; et quelques-uns de ces chefs auxquels leurs compagnons se donnent à la vie, à la mort, seront les ancêtres de nobles seigneurs qui devront leur puissance au dévouement de leurs fidèles[25]. Quand ces hommes violents ; au regard féroce, le corps à demi couvert par la dépouille des aurochs ou des bêtes fauves, chantent, la bouche serrée contre le bouclier, leur hardi t sauvage, il n’y a cœur si ferme qui ne tremble ; mais leurs yeux bleus et vagues, leur frais visage ombragé d’une blonde chevelure, disent que ces enfants terribles s’apaiseront un jour et se laisseront conduire par la voix amie qui réveillera en eux les instincts naïfs. Le Sicambre adouci baissera la tête, pour écouter les oiseaux du ciel, les mille bruits mystérieux des grands bois, ou les hymnes des prêtres se perdant sous les arceaux des cathédrales gothiques ; plus tard, il sera poète rêveur et savant curieux ; mais toujours il gardera quelque chose de sa brutalité native et souvent son inconscience du bien et du mal. Beaucoup de traits de ce tableau sont empruntés à l’historien poste qui s’est plu à embellir les mœurs des Barbares pour les opposer aux vices des Romains. Le livre de Tacite est l’évangile historique de nos voisins, et ils en ont fait sortir quantité d’admirables choses pour l’honneur de leur race. Avec une imprudente générosité, nos savants les ont longtemps soutenus dans leurs prétentions à ne voir dans la civilisation moderne d’autres facteurs que le germanisme, das Germanenthum, comme si le reste des nations étaient demeurées inactives et silencieuses devant la révélation nouvelle descendue du Sinaï germanique. En renonçant à gratifier les Gaulois de toutes les vertus qu’on leur attribuait, nous nous sommes acquis le droit de refuser aux Germains l’auréole qu’ils se donnent. La vérité est que, durant quatre siècles, cette race de proie fut le fléau du monde, et Grégoire de Tours répond à Tacite, quand il montre les instincts malfaisants et grossiers de ces hommes sans respect pour la parole jurée, sans pitié pour le vaincu, sans foi envers la femme, l’enfant et le faible. Recherchez avec soin, dit un très savant homme[26], ce que la civilisation doit aux conquérants de l’empire d’Occident, vous serez fort en peine de trouver quelque bien dont on puisse leur faire honneur. Pourquoi Rome ne soumit-elle pas Daces. — On
ne voit ordinairement le danger que sur le Rhin, parce que c’est là que les
coups les plus retentissants ont été frappés, mais il était aussi sur le
Danube, et la barbarie faisait effort pour sortir par ces deux portes à la
fois. Même avant Actium, les légions avaient dû accourir sur les deux
frontières de Au milieu de leurs déserts, ces hordes à demi nomades sont
comme les flots qui dans le calme courent capricieusement le long du rivage,
mais que les vents amoncèlent en vagues furieuses. À la voix d’un homme
habile et résolu, souvent ces tribus se rapprochent et élèvent pour quelque
temps des empires formidables. Un Gète, Byrébistas, avait récemment placé
tout son peuple sous son commandement, par les mêmes moyens dont se suit plus
tard Attila, en exaltant le fanatisme religieux et guerrier[27]. Tout avait plié
devant lui, depuis le Pont-Euxin jusqu’au pays des Noriques[28]. Les Boïes,
chassés d’Italie, avaient trouvé asile parmi ces peuples : Byrébistas les
avait forcés de fuir encore vers les Vindéliciens et avait fait de leur pays
un désert. Les Taurisques avaient eu le même sort : représailles inattendues
des incursions de ces tribus pillardes dans la haute Italie ; Divisés en cinq petits États, les Daces avaient perdu toute ambition. Cependant ils pouvaient encore armer quarante mille combattants, et c’était moins contre les Pannoniens que contre eux qu’Octave avait laissé vingt-cinq cohortes dans Ségeste[29]. Les événements justifieront ces alarmes. La plus grande honte militaire de l’empire lui sera infligée par ce peuple. Les Chérusques tueront bien Varus et trois légions, niais les Daces forceront Domitien à pensionner leurs chefs. Comme tant de grands fleuves, le Danube arrive pauvrement à la mer ; aussi nulle ville importante ne s’était élevée prés de ses embouchures. Les Bastarnes, les Gètes, les Sarmates, erraient sur ses bords, armés de flèches empoisonnées et attendant que l’hiver jetât un pont de glace sur le fleuve, pour venir enlever sur l’autre rive quelques captifs et un maigre butin[30]. Hérodote a fait aux Gètes une belle réputation. Il les appelle les plus braves et les plus justes des Thraces. Les Gètes, ajoute-t-il, se croient immortels et pensent que celui qui meurt va trouver leur dieu Zalmoxis et des banquets sans fin[31]. Tous les cinq ans, ils tirent au sort quelqu’un de leur nation et l’envoient porter de leurs nouvelles à Zalmoxis, avec ordre de lui représenter leurs besoins. Voici comment se fait la députation. Trois d’entre eux sont chargés de tenir chacun une javeline, la pointe en haut, tandis que d’autres prennent par les pieds et par les mains celui qu’on envoie à Zalmoxis. Ils le mettent en branle et le lancent en l’air de façon qu’il retombe sur la pointe des javelines. S’il meurt de ses blessures, ils croient que le dieu leur est propice ; s’il ne meurt pas, ils l’accusent d’être un méchant que les dieux repoussent. Quand ils ont cessé de l’accuser, ils en députent un autre et lui donnent aussi leurs ordres, tandis qu’il est encore en vie. Ces mêmes Thraces tirent aussi des flèches contre le ciel quand il tonne, pour menacer le dieu qui lance la foudre, persuadés qu’il n’y a point d’autre dieu que celui qu’ils adorent. Ces mœurs permettent de mettre en doute la justice des Gètes. Scythes et Sarmates. — Au delà des Gètes, jusqu’au Palus-Méotide, toute la côte fertile de l’Euxin était abandonnée aux barbares. Là erraient encore les Scythes d’Hérodote, vivant de chair de cheval et du lait de leurs juments. Ils habitaient sur des chariots qui les transportaient incessamment des rives du Borysthène (Dniepr) à celles du Tanaïs (Don). Une de leurs tribus, les Scythes royaux, exerçait sur le reste de la nation une sorte de suprématie et fournissait le roi par lequel l’unité religieuse et politique de la race était maintenue ; chaque horde avait néanmoins son chef séparé, son culte et ses coutumes particulières. Quelques-uns s’étaient arrêtés le long du Borysthène et de l’Hypanis (Bug), où ils cultivaient le blé ; d’autres avaient subi l’influence de la colonie grecque d’Olbia. Ces tribus semblaient indomptables. De tous les peuples que nous connaissons, dit Hérodote, les Scythes sont ceux qui ont trouvé le moyen le plus sûr de garder leur liberté : c’est de ne pas se laisser approcher, quand ils ne veulent pas combattre[32]. A l’est du Tanaïs habitaient les Sarmates, qui devaient hériter quelque temps de la puissance des Scythes et être à leur tour remplacés par les Slaves, peuplades longtemps obscures, à qui la moitié de l’Europe et le tiers de l’Asie semblent aujourd’hui ne pouvoir suffire. Thucydide (II, 97) disait des nations scythiques qu’elles seraient irrésistibles si elles étaient unies. L’éloignement faisait illusion au grave historien. Ces peuples mal connus, qui avaient bravé en Europe Darius, en Asie Alexandre, paraissaient en effet bien forts ; mais, comme leurs descendants, ils l’étaient beaucoup plus pour la résistance que pour la conquête. Rome, protégée contre eux par les Carpates et le Danube, n’a rien à en craindre, et les colonies grecques établies sur les côtes de l’Euxin vivent sans trop d’inquiétude dans le voisinage de ces barbares, payant tribut aux uns, guerroyant contre les autres, et tachant de gagner les plus proches à la civilisation hellénique. Un de ces rois scythes s’était fait construire dans Olbia une vaste maison ornée de sphinx et de griffons sculptés[33]. Aux bouches du Tanaïs se trouvait même un royaume grec florissant, le Bosphore Cimmérien, qui, tout en formant un État indépendant, était, de ce côté, comme une avant-garde du monde civilisé, et par conséquent une sentinelle de l’empire au milieu des nations scythiques. III. — FRONTIÈRE DE L’EST ET DU SUD.Royaume du Bosphore et peuples du Caucase. — Ce royaume avait été laissé par Pompée au fils parricide du grand Mithridate. Pharnace avait osé combattre César, et cette audace lui avait coûté la couronne et la vie. Asander, qu’il avait laissé dans ses États, l’avait tué au retour de sa malheureuse expédition (47 av. J. C.) et avait pris sa place. Au temps qui nous occupe, il possédait ce royaume, qui, par son commerce, était le centre des relations du monde romain avec l’Orient, et, par sa fertilité, le grenier des provinces orientales. Depuis que les Parthes avaient fermé aux marchands la
route de l’Asie centrale, les produits de la haute Asie arrivaient en Europe
par la mer Caspienne et le Bosphore. Les caravanes des cités grecques
allaient les chercher jusqu’au delà du Volga, où était apporté l’or de
l’Oural, et à ce point de contact du monde civilisé et du monde barbare il se
faisait d’énormes ventes de la denrée alors la plus commune, celle pourtant
qui se plaçait le mieux, l’homme, l’esclave. Mais les montagnards du Caucase
infestaient de leurs pirateries les eaux orientales de l’Euxin. De grands et
solides navires ne leur étaient pas nécessaires. Quelques planches réunies
par des cordages, sans fer ni cuivre, faisaient une barque, et en un jour
toute une flotte sortait du chantier et du port. Si la mer devenait mauvaise,
ils ajoutaient des planches au bordage ; plus les vagues s’élevaient, plus la
frêle muraille montait ; ils la fermaient enfin en forme de voûte, puis
s’abandonnaient audacieusement aux flots et abordaient là où les jetait la
tempête[34].
Cependant des Grecs restaient encore sur cette côte ; Dioscurias, à l’entrée
de L’isthme qui sépare l’Europe de Les Colchidiens, qu’osa faisait descendre d’une colonie
laissée par Sésostris sur les bords du Phase, avaient été célèbres autrefois
par leurs richesses et leur industrie ; leur pays ne fournissait plus que les
matières nécessaires aux constructions navales, mais il les donnait en grande
abondance ; car du bord même de la mer s’élèvent des montagnes hautes de 4 à Les Ibères se partageaient en deux parties : les plus nombreux, habitants de la région montagneuse, étaient fort belliqueux ; les autres, dans la plaine, labouraient leurs champs et vivaient volontiers en paix. Leurs usages étaient ceux des Arméniens ou des suèdes, et on reconnaît le voisinage de l’Orient à leur division en castes. Le roi, sa famille et les nobles formaient la première classe ; les prêtres, qui étaient en même temps juges des différends de la nation avec ses voisins, la seconde ; les soldats et les laboureurs, la troisième ; les gens du peuple, esclaves du roi et soumis à toutes les corvées, la quatrième. Dans chaque famille les biens étaient en commun, mais administrés par l’aîné de la maison, qui seul commandait[37]. Bien des traits de ce tableau conviendraient encore aux Géorgiens d’aujourd’hui. Les Albaniens différaient peu des Ibères, et Strabon leur rend le témoignage qu’ils aimaient comme ceux-ci médiocrement la guerre. Nous comprendrons alors comment les Alains, qui habitaient au nord du Caucase, ont pu facilement forcer ces défilés redoutables. Des pâtres livrés au soin de leurs troupeaux ne devaient pas être un sérieux obstacle pour un peuple qui scalpait les têtes et se paraît de la chevelure de ses ennemis. Arménie. — L’Arménie
est la région élevée d’où descendent le Tigre et l’Euphrate, d’où rayonnent
dans toutes les directions les montagnes qui couvrent l’Asie occidentale. Le
Caucase, muraille isolée, à demi asiatique, à demi européenne, court dans le
sens de la grande ligne orographique de l’ancien continent, mais n’envoie au
sud que de courts rameaux qui viennent mourir dans l’isthme où coulent le
Phase (Rhion)
et le Cyrus (Isour).
L’Ararat, au contraire, est le centre géologique auquel peuvent se rattacher
toutes les chaînes qui traversent l’Asie Mineure, L’Arménie pour son malheur se trouvera incessamment mêlée à l’histoire des deux empires qui longent sa frontière ; elle sera le champ de bataille de leurs intrigues et de leurs armes. Aux maux de la guerre elle joindra Ies discordes intestines, se partageant entre ses deux redoutables voisins qu’elle hait tous deux, et recevant de leurs mains dix rois en moins de cinquante ans. Tout récemment Artavasde, traîné captif à Alexandrie par Marc Antoine, y avait été mis à mort par Cléopâtre. Mais, dit Tacite, la fin tragique du père nous fit un ennemi irréconciliable de soir fils Artaxias, qui, secouru par les Arsacides, sut défendre et sa personne et ses États. Auguste mettra ordre à cette indépendance dangereuse. Les Parthes.
— Ces Arsacides, qui avaient déjà vaincu deux fois les légions, partageaient
avec les Romains la domination da monde connu, et semblaient être le plus
formidable danger que l’empire eut à craindre. Ils prenaient l’ancien titre
perse de roi des rois ; car d’eux relevaient nombre de princes, les rois de Cet empire n’avait d’ailleurs que les apparences de la grandeur et de la force. La féodalité, qu’on veut trouver dans la seule Europe du moyen âge, a de tout temps régné en Asie. Au-dessous des rois on voit une aristocratie puissante dont les chefs étaient les surénas ou généraux, et qui donnait ou ôtait la couronne, en s’imposant la loi de choisir le prince dans la branche aînée des Arsacides[41]. Pour contrebalancer cette influence, les rois avaient coutume de s’associer, de leur vivant, un de leurs fils ; mais comme ils prenaient rarement l’aillé, et que les fières du fils préféré trouvaient toujours des grands pour appuyer leurs prétentions, ce choix devenait une source de crimes et de guerres ; le trône du roi des rois chancelait dans le sang. Maintenant que la politique extérieure des Romains sera plus suivie et plus vigilante, les empereurs ne manqueront pas d’avoir toujours quelque Arsacide sous la main pour tenir la cour de Ctésiphon dans la crainte perpétuelle d’une révolution. Un trait suffira à peindre cette monarchie barbare, trop voisine encore de son origine pour qu’un grand effort contre l’ennemi dit dehors ne fût pas possible, à condition cependant qu’il fût rarement nécessaire, mais trop mal organisée, trop privée de police et d’ordre, pour être véritablement à craindre. Deux Juifs, Asineus et Anileus, ouvriers tisserands, dans la ville de Nierda, ayant un jour été battus par leur maître, se réfugièrent dans une île de l’Euphrate et appelèrent à eux tous les bandits des environs. Leur troupe grossit rapidement, et ils furent bientôt assez forts pour lever des contributions sur le pays, égorgeant les troupeaux de ceux qui refusaient, mais promettant aux autres de les défendre envers et contre tous. Le bruit en alla jusqu’au roi Artaban, et le gouverneur de Babylone reçut l’ordre de ramasser le plus de troupes qu’il pourrait pour étouffer ce foyer de révolte. Le satrape fut battu, au grand plaisir du prince, qui, charmé du courage des deux frères, voulut les voir et les fil asseoir à sa table. Son dessein, dit l’auteur de ce récit, était de gagner les Juifs, pour que la crainte qu’ils inspiraient retint les grands dans le devoir ; car ceux-ci menaçaient de se révolter dès qu’ils verraient le roi occupé ailleurs. Un des généraux parthes, s’indignant de tant d’honneur fait à ces mécréants, voulait les tuer à la table même du monarque : N’en faites rien, lui dit Artaban, ils ont reçu ma foi ; mais si vous tenez à venger les Parthes de la honte qu’ils ont subie, lorsqu’ils s’en retourneront, attaquez-les a force ouverte, sans que je me mêle de l’affaire. Le lendemain il congédia les deux frères. Il n’est pas bon, leur dit-il, que vous restiez ici davantage, vous vous attireriez la haine des chefs de mes troupes, et ils attente raient à votre vie, sans nia participation. Je vous recommande la province de Babylone, garantissez-la des ravages qu’on y pourrait faire. C’est une reconnaissance que vous me devez pour n’avoir point écouté ceux qui voulaient votre perte. Les deux Juifs retournèrent dans leur île et y vécurent
longtemps, respectés des gouverneurs, vénérés des Babyloniens qu’ils
protégeaient, et tout-puissants dans Nomades d’Asie et d’Afrique.
— L’Euphrate, dit Strabon, sépare les Parthes des Romains ; mais le fleuve est bordé d’Arabes
qui n’obéissent ni aux uns ni aux autres, et qui rançonnent les marchands et
les voyageurs. Toute la ligne des frontières méridionales était
également couverte par des déserts ou par des peuplades gênantes, mais non
dangereuses. Au sud de Dans la vallée supérieure du Nil erraient les Blemmyes et
les Nubiens ; trois cohortes placées à Syène suffisaient à leur fermer
l’entrée de l’Égypte. Sur le haut plateau de l’Abyssinie, régnaient des
princes qui se diront plus tard descendants de Salomon. Ptolémée Évergète,
dont l’obélisque d’Axum, debout encore aujourd’hui, atteste les victoires,
leur avait enlevé plusieurs provinces que ses débiles successeurs laissèrent
échapper. Les Axumites, auxquels il avait appris la route de l’Inde,
s’étaient saisis de ce riche commerce que favorisait leur position près du
Bab-el-Mandeb, passage redouté que les Arabes ont appelé Les Romains ne tenaient de l’Afrique sur Les solitudes qui s’étendaient au sud de la province romaine, du pays des Numides et des Maures, étaient parcourues par les Garamantes et les Gétules, qui avaient les mêmes habitudes de sang et de rapine, mais étaient aussi trop barbares, trop divisés et trop peu nombreux, pour donner jamais de sérieuses inquiétudes. |
[1] Quelques-uns de ces rois se disaient les procurateurs du peuple romain. (Salluste, Bell. Jugurtha, 14.) Le roi Cottius s’appelle dans son inscription præfectus civitatum.
[2] Dion, LII, 43.
[3] Sauf consentement
du sénat, plus tard de l’empereur. (Josèphe, Antiq. Jud., XVI, 9, 4.) Ils payaient souvent un tribut et devaient,
en cas de guerre, des auxiliaires. (Salluste, Bell. Jugurtha, 51 ; Appien, Bell.
civ., V, 75 ; Cicéron, ad Att.,
II, 16.) L’histoire d’Hérode, racontée en détail par Josèphe, montre quelle
était la condition de ces rois. Ils n’avaient pas le droit de faire la guerre,
de disposer de leur succession et de leurs enfants, sans la permission de
l’empereur, et le serment d’obéissance qui leur était prêté par le peuple en
renfermait un autre de fidélité à l’empereur. Voyez en preuve l’expédition
contre
[4] Ovide, Pont., II, 9.
[5] Le Pont Polémoniaque, qui descendait, au sud, jusqu’aux sources de l’Iris, formait un triangle dont les points extrêmes étaient Zela, Polemonium et Trapézonte. (Strabon, Geographica, XII, p. 577.)
[6] Josèphe, Antiq. Jud., XII, 10, 6.
[7] Strabon, XVI, p.
760. Tacite (Hist., V, 5) parle
magnifiquement de la manière dont ils avaient conçu
[8] Durant la fête de Paques, les soldats en garnison à Jérusalem étaient placés à la porte du temple. (Josèphe, Bell. Jud., II, 20.) Ponce Pilate avait fait venir à Jérusalem une légion avec ses enseignes ; sur les instances des prêtres, il consentit à renvoyer les drapeaux à Césarée pour ne pas blesser les yeux des Juifs par des images que leur religion réprouvait. (Josèphe, ibid., II, 14.) Tibère lui ordonna encore d’enlever de Jérusalem les boucliers dorés qu’il y avait fait placer et dont les inscriptions, renfermant des noms de divinités païennes, étaient un sujet de scandale pour les Juifs. (Philon, de Legatione ad Caium, p. 1033.) Même sous Néron, un lieutenant du gouverneur de Syrie, étant venu à Jérusalem faire des informations sur un commencement de révolte, monta dans le temple, dit Josèphe (ibid., II, 28), et y adora Dieu et les saints lieux, sans entrer plus avant que notre religion ne le lui permettait. Enfin les officiers de l’empereur offraient chaque année des victimes en son nom. Quand les Juifs, révoltés sous Néron, veulent qu’on les refuse, les sacrificateurs crient à l’impiété et invoquent l’exemple de tous les temps, les dons offerts par les étrangers dans le temple, et qui en formaient le principal ornement, etc. (Josèphe, ibid., 51.)
[9] A la différence de la matrone romaine qui se glorifiait du titre d’univira, la femme juive regardait le veuvage comme un état de désolation. Beaucoup d’enfants dans une famille semblaient une bénédiction. Ces mœurs expliquent comment la race juive a survécu malgré sa douloureuse histoire.
[10] Philon (adv. Flacc., p. 971 c) estime qu’il y
avait un million de Juifs en Égypte. Il dit (de Legat. ad Caium, p. 1023 d) qu’il y en avait un grand nombre à
Babylone et dans les satrapies voisines. Il énumère (p.
[11] Cicéron, pro Flacco, 28.
[12] Bellum Judaïcum, VI, 9.
[13] Le Jourdain
descend des hauteurs qui s’élèvent au-dessus de Hasbeya dans l’Anti-Liban et
reçoit ensuite les eaux de Banias (Paneas), à l’extrémité
septentrionale de
[14] Le Messie n’était pas seulement attendu par les Juifs qui s’étaient répandus dans toute l’Asie occidentale, mais par les adorateurs d’Ormuzd, dont le triomphe était annoncé par le Vendidad et la plupart des écrits religieux des mazdéens. C’est du mélange des idées contenues dans les chants des prophètes hébreux avec les doctrines persanes que sont nées les Apocalypses, dont la première est le livre de Daniel, la dernière ou du moins la plus fameuse, celle de saint Jean. Cf. Michel Nicolas, Doctrines religieuses des Juifs durant les deux siècles antérieurs à l’ère chrétienne, p. 266 et suiv.
[15] Josèphe, Antiq. Jud., XVII.
[16] Voyez dans Josèphe (ibid.) les troubles qui éclatent en Judée à la mort d’Hérode ; un berger se déclara roi, un ancien serviteur d’Hérode prit aussi ce titre, il ne fallut pas moins de trois légions à Varus avec les troupes auxiliaires des rois voisins pour apaiser ces désordres. Il fit crucifier deux mille Juifs.
[17] Strabon, écho, en cet endroit, de la politique d’Auguste et de Tibère, dit : On estime que ce que les insulaires payent de droits sur nos marchandises dépasse ce que rapporterait un tribut annuel, déduction faite de la solde des troupes nécessaires pour garder l’île et y lever l’impôt.
[18] Quum videret Germanos tam facile impelli ut in Galliam venirent (Cæsar, de Bello Gall., IV, 16).
[19] Germanos consuescere Rhenum transire (Cæsar, ibid., I, 33).
[20] Le chef de famille consultait le sort tout comme le prêtre de la cité, et le roi ou le chef prenait avec celui-ci les auspices pour les affaires publiques. Si la religion avait des serviteurs particuliers pour certaines cérémonies, elle n’était pour personne un monopole. Cf. Tacite, Germ., 10 et 11. César dit qu’ils n’avaient ni corps sacerdotal ni sacrifices, et Tacite qu’ils n’avaient ni temples ni simulacres. Au temps de cet écrivain ils n’avaient pas encore reçu le culte de Wodan ni la mythologie et les traditions héroïques d’où sont sortis l’Edda et les Nibelungen.
[21] Reges ex nobilitate, dures ex virtute sumunt (Tacite, ibid., 7). Il y avait cependant une sorte de noblesse héréditaire acquise par les grands services. (Ibid., 15.) Ces peuples n’avaient pas de nom commun. Les Romains leur donnèrent celui de Germains, Wehrman, qui signifie combattant, guerrier ; ils prirent, à une époque relativement moderne, celui de Deutsch. (Waitz, Deutsch. Verfassungsgesch., p. 9.)
[22] Tuistenem serait une fausse leçon de
[23] Les Suèves, dit
César (de Bello Gall., IV, 1 ; VI,
22), ne connaissent pas la propriété individuelle du sol. Tous les ans, les
chefs assignent à chacun son lot. Le même état social existait encore du temps
de Tacite (Germ., 26) ; plus tard, il
changea, grâce au voisinage des Gallo-Romains dont les usages s’étendirent peu
à peu dans
[24] C’est le germe du douaire de nos coutumes du moyen âge : le mari dotant la femme. Les lois barbares appelèrent aussi la femme à partager les conquêtes ; ce fut le commencement de la communauté. (De Valroger, les Celtes, p. 170.)
[25] Je ne veux pas
dire que nos nobles du moyen âge descendent des Germains. Après les invasions,
le principe des clientèles romaine, gauloise et germaine, qui était le
dévouement de l’homme à l’homme, reparut, grâce aux circonstances oie se trouva
la société nouvelle. Celui du dévouement du citoyen à la cité, qui avait fait
les grandes républiques de
[26] Guérard, Prolégomènes du Polyptyque d’Irminon, t. I, p. 500.
[27] On a discuté beaucoup sur les Daces, les Gètes et les Thraces, et l’on discutera longtemps encore parce que l’on ne connaît de la langue Bétique que cent quarante-quatre noms propres qui ne suffisent pas pour déterminer le caractère de cet idiome. Il semble pourtant qu’on peut admettre que toutes les tribus établies sur les deux rives du bas Danube, les Daces au nord du fleuve, les Gètes au sud, les Thraces dans les Balkans et jusque vers la mer Égée, aient eu une origine commune. Wietersheim rapproche encore les Gètes des Goths en admettant qu’ils auraient été longtemps séparés.
[28] Strabon, VII, 3, 5.
[29] Id., ibid.
[30] Cf. Ovide, Tristes, III, 9.
[31] Ce Zalmoxis était
le Dionysos thrace et le Sabazios phrygien. On a trouvé dans
[32] Les Tristes et les Pontiques d’Ovide, le Toxaris de Lucien, l’inscription d’Olbia, n° 2058 du Corp. Inscr. Gr., Strabon, VII, 5, 4, et Pausanias, VIII, 45, 5, peignent les Scythes de la même manière qu’Hérodote.
[33] Karamsin, Hist. de Russie, t. I, p. 5, de la traduction française.
[34] Tacite, Hist., III, 47.
[35] Un oncle maternel
de Strabon avait été, sous Mithridate, gouverneur de
[36] Pline, Hist. nat., VI, 42. C’est aujourd’hui le défilé de Dariel, sur la route de Mosdok à Tiflis, au bord du Terek. La vallée entre Laars et Dariel est si profondément encaissée, que, dans les plus longs jours de l’été, le soleil y pénètre à peine quelques heures.
[37] Hérodote, II, 902-106 ; Strabon, VI, 498, etc.
[38] Reclus, Nouvelle Géographie, t. VI, p. 249.
[39] En tant qu’organisation sociale, mais noté comme littérature et langue, car on parlait grec dans toutes les cours de l’orient, et on voit les rois parthes prendre sur leurs monnaies le titre de ΦΙΛΕΛΛΗΝΕΣ.
[40] Cf. Tacite, Ann., VI, 42, et Pline, Hist. nat., VI, 30 Séleucie soutint contre les Parthes un blocus qui dura sept ans. (Tacite, Ann., XI, 9 ; cf. ibid., II, 4 sqq.) — Le Monument d’Ancyre appelle les satrapes principes et reges. Pline (Hist. nat., VI, 29) dit : Regna Parthorum duodeviginti sunt omnia, ita enim dividunt provincias.
[41] Strabon (XI, 515) parle de deux conseils qui faisaient l’élection : l’un composé de membres de la famille royale, l’autre de sages et de mages. Malheureusement Strabon renvoie pour les détails à ses Mémoires historiques, qui sont perdus, et dans lesquels il avait consacré un livre entier aux coutumes des Parthes.