I. — PROGRÈS DE L’IDÉE MONARCHIQUE.Déjà César, dans sa course rapide, avait franchi les Alpes glacées, méditant en sa pensée les commotions violentes et la guerre prochaine. Il touchait aux rives du Rubicon[1], barrière étroite et dernière, quand la grande ombre de la patrie en deuil se dressa devant lui. Ses traits brillent au milieu de la nuit obscure, malgré la tristesse profonde qui les couvre. De son front chargé de tours ses longs cheveux tombent en désordre ; les bras nus et debout, elle dit ces mots, entrecoupés de gémissements : Où courez-vous ? Où portez-vous mes enseignes ? Si le droit est pour vous, si vous êtes citoyens, arrêtez ! De ce côté commence le crime[2]. Le crime ! Non, mais une révolution nécessaire, que cachaient aux yeux de Lucain les illusions épiques dont il se consolait à la cour de Néron. Ce ne fut pas, en effet, la faveur du peuple qui fit de César le maître de Rome, ni son armée, ni son génie. La cause première, irrésistible, fut le besoin que l’empire avait d’un gouvernement ferme et régulier. Tout tendait à une monarchie que la perte de l’égalité, la
désorganisation de l’empire et les vœux des classes tranquilles rendaient
inévitable. Qu’avaient été le tribunat de Caïus, les consulats de Marius et
de Cinna, la dictature de Sylla, les commandements de Pompée, si ce n’est
autant de royautés temporaires[3] ? Depuis un siècle,
cette idée avait fait bien du chemin et rallié, à leur insu, bien des
esprits, même parmi les plus élevés. Cette paix que Lucrèce demande[4] ; cette sagesse
nouvelle qui conseille de fuir la vie publique et ses dangereuses séductions,
autant que les temples et leurs vaines terreurs ; ce repos que cherche
Atticus dans l’éloignement des affaires et l’amitié de tous les rivaux[5] ; les
incertitudes mêmes de Cicéron, ne sont-ce pas les indices du dégoût inspiré
par la désolante anarchie qu’on appelait la république romaine ? La république, disait Curion, mais abandonnez donc cette vaine chimère[6]. Ralliez-vous à nous, écrivait à Cicéron
Dolabella, son gendre ; ralliez-vous à César,
sous peine, en poursuivant je ne sais quelle république surannée, de ne
courir qu’après une ombre[7]. C’était le mot
de César, vain nom, ombre sans corps[8]. Si les aruspices
consultés, en 56, sur des prodiges dont le peuple s’effrayait, avaient
répondu que la république était menacée de tomber au pouvoir d’un seul, cet
avis leur avait été révélé non par les entrailles des victimes ou le vol des
oiseaux, mais par l’opinion publique dont ils avaient été l’écho inconscient[9]. Cicéron
n’écrivait-il pas lui-même : Qu’entendez-vous par
les hommes du bon parti ? Je n’en connais pas. Est-ce le sénat, qui laisse
les provinces sans administration et qui n’a point osé tenir tête à Curion ?
Sont-ce les chevaliers, dont le patriotisme a toujours été chancelant, et qui
sont maintenant les meilleurs amis de César ? Sont-ce les commerçants et les
gens de la campagne, qui ne demandent qu’à vivre en repos, n’importe sous
quel régime, fût-ce même sous un roi ?... César est maintenant à la tête de
onze légions et d’autant de cavalerie qu’il en voudra. Il a pour lui Plutarque, qui avait sous les yeux des documents que nous avons perdus, écrit de son côté : On voyait des candidats dresser des tables au Champ de Mars et acheter sans pudeur les suffrages, tandis que d’autres y amenaient des troupes armées qui, à coups de flèches, de frondes ou d’épées, chassaient leurs adversaires. Plus d’une fois, la tribune fut souillée de sang ; la ville était emportée dans l’anarchie comme l’est dans la tempête un vaisseau sans gouvernail. Aussi les sages souhaitaient-ils que cette démence n’enfantât rien de pire que la monarchie, et ils s’y résignaient[11]. — La république est incurable, disaient-ils encore ; il n’y a d’autre remède que la monarchie, et ce remède il faut le demander au médecin le plus doux[12]. Ceux qui cherchaient pour la grande malade le médecin le plus accommodant, celui qu’on aurait à payer le moins cher, voulaient désigner Pompée[13], de sorte que ce personnage arrivait doucement à son but : les consuls abdiquaient en ses mains ; qu’il abatte César, c’est le dernier obstacle ; et il compte y réussir sans peine. Il ne croit pas même qu’il soit besoin de longs préparatifs : à Ravenne[14], César n’a qu’une légion, et ses négociations persévérantes ne prouvent-elles pas sa faiblesse et ses craintes ? II. — PASSAGE DU RUBICON ; CÉSAR PREND POSSESSION DE ROME ET DE L’ITALIE (49).
Mais tout à coup la nouvelle arrive qu’il a franchi le
Rubicon, limite de sa province, et pris Ariminum, où il a montré à ses
soldats les tribuns fugitifs sous leurs habits d’esclave ; que toutes ses
forces sont en mouvement, entraînant avec elles L’ordre fut exécuté, et l’on vit ces sénateurs, hier menaçants, s’enfuir à la hâte devant une légion. En peu d’instants, la voie Appienne se couvrit d’une foule en désordre, moins irritée peut-être contre l’homme qui semblait la chasser que contre celui dont l’orgueilleuse incurie n’avait rien préparé pour la défendre. A Capoue, la confusion fut au comble. On manquait d’argent, quoiqu’on en eût exigé de toutes les villes et pris dans tous les temples[17] ; on manquait même d’hommes, car la crainte était partout ; à Rome, on avait pris les vêtements de deuil et ordonné des prières publiques, comme dans les grandes calamités. En Italie, les levées étaient difficiles : les uns se refusaient au service ; les autres se présentaient mollement ; la plupart criaient qu’on s’accommodât[18], et Cicéron trouvait que son ancien héros était un bien mauvais général[19]. Dans la précipitation de leur fuite, les consuls avaient laissé à Rome le trésor. Pompée voulait qu’ils retournassent le prendre ; mais il fallait une armée pour escorte, et c’est à peine si les deux légions de Capoue suffisaient à contenir les gladiateurs que César entretenait dans cette ville. D’ailleurs celui-ci approchait à grands pas, précédé de cette déclaration : Je viens délivrer le peuple romain d’une faction qui l’opprime et rétablir ses tribuns dans leur dignité. Pisaurum, Ancône, Iguvium, Asculum, furent pris ou plutôt ouvrirent leurs portes en chassant les garnisons pompéiennes. Pour produire en temps opportun des défections dans son
armée, on avait offert des congés aux soldats et, fait de grandes, promesses
aux chefs. Un d’eux s’était laissé séduire, Labienus, le plus renommé de ses
lieutenants. César avait mis en lui toute sa confiance. Durant l’année 50, il
l’avait chargé du commandement de Pompée, au contraire, prenait des airs de roi ; ils
n’avaient, lui et ceux qui l’entouraient, que la menace à la bouche[24]. On eût dit autant de Sylla. Cette royauté était
depuis deux ans sa secrète pensée : S’il a
déserté Rome, écrit Cicéron, ce n’est
pas qu’il n’eut pu la défendre ; s’il abandonne l’Italie, ce n’est pas la
nécessité qui l’y force ; son seul dessein dès le commencement a été de
bouleverser la terre et les mers, de soulever les rois barbares, de jeter sur
l’Italie des flots armés de peuples sauvages, de réunir sous lui
d’innombrables soldats. Un pouvoir à Deux grandes routes conduisaient de Rome vers Mais Pompée n’avait point d’armée à Rome ; réfugié dans César comprit ce plan dès que Pompée s’éloigna de Capoue.
Rejoint par deux légions, vingt-deux cohortes de Gaulois auxiliaires et trois
cents cavaliers du Noricum[28], il s’avança à
marches forcées sur le Cette clémence inusitée produisit une sensation profonde. Souvent, écrit Cicéron, je cause avec les habitants des municipes et des villages. Leur champ, leur toit, leur petit pécule, voilà leur unique souci. Ils redoutent celui en qui naguère ils se confiaient, ils aiment celui qui leur faisait peur[29], et ajoutons : qui à présent les rassure. Ces paysans de Cicéron s’inquiétant fort peu de la politique, mais beaucoup de eues intérêts, sont de tous les temps. Ils tremblaient, eu entendant gronder au-dessus de leurs têtes l’orage déchaîné par des passions qu’ils ne comprenaient lias, et ils faisaient des vœux pour celui qui semblait devoir ramener la sérénité. Le vieux consulaire finit par penser comme eux ; il en vint à souhaiter que César arrivât assez tôt à Brindes pour qu’il pût y prévenir Pompée et lui imposer la paix[30]. Cette paix était le veau ardent et sincère de César : à chaque occasion il en répétait la demande, et nul doute que, sans l’immense orgueil de Pompée qui ne souffrait pas d’égal, sans la haine violente de l’oligarchie contre le proconsul populaire, la paix se serait aisément conclue. D’Ariminum, César avait envoyé à Pompée un message où, en rappelant ses justes griefs, il renouvelait les très acceptables propositions qu’il avait déjà faites et qu’il faut répéter comme lui. On avait voulu abréger la durée légale de son imperium et on lui avait refusé le bénéfice de la loi votée en sa faveur. A l’offre de licencier son armée si Pompée renvoyait la sienne, on avait répondu par l’ordre d’en lever une troisième en Italie, et on avait retenu à Capoue les deux légions qu’on lui avait prises sous prétexte de les expédier en Asie. Toutes ces mesures avaient été dirigées contre lui. Eh bien, que Pompée parte pour l’Espagne, et lui, César, congédiera ses troupes. Alors les élections consulaires se feront en toute liberté, et le sénat, le peuple, auront recouvré leurs droits. Si quelque malentendu empêche d’accepter sur l’heure ces ouvertures, que les deux généraux se rencontrent en conférence, et toutes les difficultés s’aplaniront[31]. En apprenant ces conditions la joie avait été grande parmi ceux que la guerre civile effrayait, mais elles avaient rempli Pompée de crainte, parce qu’il savait bien que si le peuple était pris pour juge, son rival l’emporterait[32]. Aussi avait-il fait une réponse évasive où les paroles les plus claires étaient que le proconsul des Gaules devait retourner dans sa province et que, jusqu’à ce qu’il dit licencié ses troupes, les levées continueraient en Italie. César ne pouvait se fier à ces obscurités menaçantes[33] ; il n’arrêta pas sa marche. Cependant, sur la route de Brindes, devant Brindes même, il demanda encore à deux reprises une entrevue. Les consuls sont loin, répondit Pompée, on ne peut traiter sans eux. Ces aveugles, à qui la perte de l’Italie aurait dû ouvrir les yeux, ne voulaient ni voir ni entendre ; même en fuyant, ils rêvaient de victoires, de meurtres et de proscriptions. Le plus pacifique, Cicéron, ne dit-il pas : L’assassinat de César serait une solution heureuse[34] ; et Pompée ne doutait pas qu’il ne dût revenir de l’Orient, comme Sylla, maître du monde. La résistance de Corfinium avait dérangé les calculs de
César ; quand il parut sous les murs de Brindes, les consuls et leurs cinq
légions étaient déjà de l’autre côté de l’Adriatique, à Dyrrachium. Pompée
les avait fait partir, de peur qu’ils ne
tentassent quelque chose en faveur de la paix[35]. Lui-même, resté
dans la ville avec vingt-deux cohortes, n’attendait que le retour de ses
navires pour s’embarquer. César essaya, par de grands travaux, de
l’envelopper dans la place, en fermant l’entrée du port. Avant qu’ils fussent
achevés, la flotte consulaire revint et Pompée partit ( Durant ces opérations en Italie, trois légions gauloises
commandées par Fabius Maximus étaient allées prendre position à Narbonne pour
empêcher les pompéiens de sortir d’Espagne ; les trois autres, lentement
rapprochées des Alpes, pouvaient se porter, suivant les circonstances, contre
les Gaulois qui auraient remué, ou au secours soit de César en Italie, soit
de Fabius dans Cette activité prodigieuse arrache, malgré lui, à Cicéron un cri d’admiration et d’effroi : Ah ! L’horrible célérité ! Cet homme est une merveille de vigilance ; et son ami Cœlius, resté parmi les césariens, lui écrivait : Que pensez-vous de nos soldats ? Au plus fort de l’hiver, ils ont fini la guerre en se promenant[37]. Elle allait au contraire se prolonger et s’étendre. Faute de vaisseaux, César n’avait pu poursuivre son rival. Pour arrêter un retour offensif de Pompée, il fit occuper par des troupes Brindes, Sipontum et Tarente, puis il revint à Rome, qu’il n’avait point vue depuis dix ans et où tout avait repris son cours habituel : les préteurs donnant audience, les édiles préparant leurs jeux, et les gens du bon parti exploitant la circonstance pour placer leurs fonds à gros intérêts[38]. Quand le vainqueur y rentra le 1er avril (7 février), il y trouva assez de sénateurs pour reconstituer un sénat qu’il opposa à celui que Pompée faisait siéger dans son camp. Deux tribuns, Marc Antoine et Cassius, le convoquèrent au Champ de Mars, où César se rendit. Il rappela qu’il avait, suivant la loi, attendu dix années pour solliciter un second consulat, et qu’il avait été légalement autorisé à briguer, quoique absent, cette magistrature ; puis il exposa ses efforts pour éviter la guerre, ses offres réitérées de licencier ses troupes, si Pompée renvoyait les siennes. Il pria les sénateurs de l’aider dans le gouvernement de la république, à moins qu’ils n’aimassent mieux lui laisser ce fardeau ; enfin il demanda qu’une ambassade fût désignée pour aller traiter de la paix avec les pompéiens[39]. Cette dernière proposition était sérieuse, puisque César
ne perdait pas une occasion de la renouveler ; mais personne ne voulut s’en
charger, tant on redoutait les menaces faites par Pompée contre ceux qui
étaient restés à Rome. César n’insista pas : tout en poussant vivement la
guerre, il voulait se donner l’avantage de la modération ; c’est pourquoi il
parlait toujours de réconciliation et de concorde, sans persuader personne,
car l’instinct populaire ne s’y trompait pas ; on sentait que la révolution
était inévitable, et l’on se disait que César allait devenir le maître. Pour
montrer que cette royauté n’oubliait pas son origine, il réunit le peuple et
lui promit une gratification en blé et en argent. Mais déjà l’argent lui
manquait ; il se fit autoriser par son sénat à prendre le trésor déposé dans
le temple de Saturne. C’était l’or réservé pour les nécessités extrêmes, et
une loi défendait d’y toucher, si ce n’est en cas d’invasion gauloise. Un tribun,
L. Metellus, s’y opposa. J’ai vaincu III. — CÉSAR EN ESPAGNE ; SIÈGE DE MARSEILLE (49).Pompée chassé d’Italie, le plus grand péril qui menaçât en
ce moment César était un soulèvement en Gaule. Il y courut après avoir confié
le gouvernement de la ville à Lépide, fils du consul révolté en 78 contre le
sénat syllanien, le commandement de toutes les troupes laissées en Italie à
Marc Antoine et celui de l’Illyrie à son frère Caïus Antonius. Celui-ci
devait inquiéter les pompéiens sur la rive orientale de l’Adriatique ou leur
fermer la route, s’ils essayaient de pénétrer par là en Italie, comme le
bruit en courait[40]. Je vais, disait César, combattre une armée sans général ; ensuite, j’attaquerai
un général sans armée. Ce mot explique toute la guerre. Marseille,
pompéienne de cœur, l’arrêta au passage ; elle prétendait rester neutre mais elle
venait de recevoir dans ses murs Domitius, que César, sans pouvoir le gagner,
avait si généreusement traité à Corfinium. Avant le commencement des
hostilités, Domitius avait été investi par le sénat du commandement de
Terentius Varron, le polygraphe, commandait dans
l’Ultérieure ; Pétreius, un vieux soldat, dans Dans le même temps, Curion avec deux légions était passé de Sicile cri Antique, où Varus commandait pour Pompée. Durant son tribunat, voulant se donner l’honneur et, sans doute, le profit de confisquer un royaume, il avait proposé de dépouiller Juba, roi des Numides[42]. Le prince en avait naturellement gardé un ressentiment qui le fit pompéien dévoué. Il mit en mouvement toutes ses forces, les réunit à celles de Varus, et Curion, défait sur les bords du Bagradas, se tua. Les vainqueurs égorgèrent les légionnaires faits prisonniers. Dolabella, que César avait chargé de lui construire une flotte sur l’Adriatique, était aussi battu par Octavius et Scribonius Libo ; enfin C. Antonins, dans l’Illyrie, tombait aux mains des pompéiens. Quand à Rome on apprit ces malheurs des lieutenants et la triste situation du chef, dont les lettres d’Afranius exagéraient encore les dangers, on crut sa cause perdue. Plusieurs sénateurs, jusqu’alors demeurés neutres, se hâtèrent de gagner Dyrrachium. Il est triste de compter parmi eux Cicéron, qui jusqu’à ce moment était resté en Italie. Quelques mois plus tôt, cette décision eût paru du dévouement à la cause républicaine ; maintenant ou pouvait l’appeler d’un nom sévère. Il faut dire pour sa défense qu’il s’était bercé de l’idée de jouer le rôle de médiateur entre les deux rivaux. Mais, après la visite que César lui avait faite en revenant de Brindes, il avait compris qu’on ne voulait de lui que son nom ait bas des décrets qui allaient être rendus, et il avait été blessé au vif par cette découverte du peu d’importance politique qu’on lui accordait. Dès lors il avait pensé, malgré les lettres de César et les avis d’Atticus, resté à Rome, à rejoindre furtivement Pompée, tout en disant : Ah ! Je vois bien quel serait le meilleur parti. Il voulait parler d’une neutralité qui aurait sauvé sa tète et sa fortune. N’accusons pas sa faiblesse, mais sa trop clairvoyante intelligence ; car, s’il aimait d’un sincère amour cette république où l’éloquence l’avait mené aux honneurs, il savait aussi que, quel que fût le vainqueur, elle resterait sur le champ de bataille[43]. De là ces découragements, ces incertitudes et cette apparente versatilité, qu’il faut condamner cependant, parce que cet exemple d’un grand homme a peut-être en d’autres temps légitimé l’indifférence et la lâcheté, ou prêté êtes sophismes à la trahison. À la fin, il oublia sa prudence et les moqueries qu’il avait faites de la loi de Solon contre les citoyens restés neutres entre les factions ; malheureusement il les oublia à un moment où, en passant à Pompée, il allait à lui, non parce que le parti sénatorial était le plus juste, mais parce qu’il semblait devenir le plus fort. C’était du reste la règle de conduite que Cælius avait depuis longtemps conseillée. Tant qu’on en restera aux paroles, lui avait-il écrit, je serai avec les honnêtes gens ; si l’on en vient aux coups, je nie rangerai du côté de ceux qui donneront les meilleurs[44] ; et Cicéron suivait le conseil de Cælius. Mais celui-ci était allé à César, et l’autre venait, comme Amphiaraüs, se jeter vivant dans le gouffre[45].
Cependant, en Espagne, les événements avaient pris une
tournure inattendue. César avait fait construire, avec du bois léger, de
l’osier et du cuir, des bateaux qu’on pouvait porter partout. Il les
conduisit an bord de Cette province toute pompéienne conquise et pacifiée en quarante jours[48], César partit pour Marseille, où son adversaire, qui disposait d’une flotte immense, n’avait su faire parvenir qu’un secours insignifiant de seize galères conduites par Nasidius. Enfermés dans leurs murs par deux défaites sur mer que Decimus Brutus, l’habile chef qui avait si bien mené la guerre contre les Vénètes, leur avait infligées, les habitants étaient réduits aux dernières extrémités. A l’arrivée du proconsul, ils se décidèrent à traiter, livrèrent leurs armes, leurs navires et tout l’argent du trésor public. Là encore César s’honora par sa clémence ; il n’eut cependant point à l’exercer envers Domitius, qui s’était enfui avant que la ville ouvrit ses portes. Comme Alexandre, il s’inquiétait de ce qu’on pensait de
lui. Pour des villes barbares, il n’avait guère de scrupules. Qui parlait de
leur ruine ? Marseille était célèbre : c’était l’Athènes des Gaules, il
l’épargna. Il lui laissa sa liberté, ses lois, ses murailles. Mais il lui
prit ses armes, ses vaisseaux, son trésor ; il lui ôta plusieurs des villes
qui lui étaient sujettes, entre autres Agde et Antibes, dont il fit deux
colonies romaines, et il fonda, à l’embouchure de l’Argens[49], Fréjus,
destinée dans sa pensée à faire aux Massaliotes, sur la côte de l’est, la
même concurrence que leur faisait Narbonne sur celle de l’ouest. Quelques
années plus tard, sous Auguste, Fréjus sera un des arsenaux de l’empire, et
Strabon appellera Narbonne le port de toute Les dernières opérations garantissaient la soumission de toutes les provinces occidentales de l’empire, de celles qui fournissaient les plus braves soldats[50]. César, sûr maintenant de n’être plus inquiété sur ses derrières, pouvait aller chercher le général dont il venait de détruire la meilleure armée. Il était encore sous les murs de Marseille, quand il apprit que, sur la proposition de Lépide, le peuple l’avait proclamé dictateur. Bien des formalités prescrites avaient été omises ; c’étaient un préteur et le peuple, au lieu d’un consul et du sénat, qui lui avaient donné cette charge. Mais, au milieu du bruit des armes, les seules apparences de la légalité paraissaient suffire. Comme il allait prendre possession, à Rome, de sa nouvelle magistrature, il rencontra à Plaisance sa neuvième légion en pleine révolte, parce qu’elle n’avait pas encore reçu les dons promis à Brindes. L’exemple était dangereux, César les punit sévèrement : douze des plus coupables furent condamnés à périr sous la hache. Un des douze ayant prouvé qu’il était hors du camp pendant l’émeute, le centurion qui l’avait dénoncé fut exécuté à sa place. Il ne garda la dictature que onze jours, juste le temps d’accomplir quelques mesures nécessaires pour la tranquillité de Rome et de l’Italie. Depuis le commencement de la guerre, la gêne était générale, le crédit nul ; tout le numéraire semblait retiré de la circulation, et l’on craignait une abolition générale des dettes, ce qui aurait amené une affreuse perturbation[51]. César recourut à un heureux expédient, anciennement employé. Il nomma des arbitres pour faire l’estimation des meubles et des immeubles d’après le prix où ils étaient avant la guerre, et ordonna que les créanciers reçussent tout ou partie de ces biens en payement, après qu’on aurait déduit des créances les intérêts déjà payés[52]. Pour activer la circulation du numéraire, il défendit qu’on gardât chez soi plus de 60.000 sesterces en argent monnayé, mesure difficile à appliquer, surtout lorsqu’il ajouta, par respect pour l’ancien droit, que l’esclave ne serait pas autorisé à déposer contre son maître[53]. Pourtant il y eut quelque argent placé en biens-fonds ; le prix des terres se releva et le commerce trouva des capitaux. Le peuple avait espéré mieux, il l’apaisa par une large distribution de blé. Tous ceux qui, à tort ou à raison, avaient eu à souffrir de l’ancien gouvernement, obtenaient naturellement sa protection. Dès l’ouverture des hostilités, plusieurs bannis que Pompée avait fait condamner durant son troisième consulat étaient venus lui offrir leurs services : il fit présenter au peuple par les préteurs et les tribuns une loi qui les rappela. Milon, le meurtrier d’un tribun, et Antonius, le vainqueur involontaire de Catilina, furent cependant exceptés de l’amnistie. La loi de Sylla qui frappait les enfants des proscrits d’incapacité politique était encore en vigueur, elle fut rapportée ; enfin il récompensa les Cisalpins de leur longue fidélité par la concession du droit de cité[54]. Avant d’abdiquer, il présida les comices consulaires qui le nommèrent consul avec Servilius Isauricus ; les autres charges furent données à ses partisans dans toutes les formes légales. Lui-même n’avait pris les faisceaux qu’à l’époque fixée par la loi qui les lui avait promis, après la dixième année de son commandement[55]. Ainsi la république durait au profit de César : rien ne lai manquait d’un gouvernement régulier : décrets du sénat, élections du peuple, sanction des curies et des auspices. Proconsul, César devenait un rebelle dès qu’il sortait de sa province ; consul légalement institué, c’était, aux yeux de ce peuple formaliste, de son côté qu’était le droit, du côté de ses adversaires qu’était la révolte. Ceux-ci reconnaissaient eux-mêmes qu’en perdant Rome ils avaient perdu la légalité, ou du moins le pouvoir de la faire ; car, bien qu’il y eût deux cents sénateurs dans le camp de Pompée et qu’on appelât ses soldats le vrai peuple romain, on n’osait y rendre des décrets ni procéder aux élections ; l’année révolue, les consuls Lentulus et Marcellus abdiquèrent leur titre et prirent, suivant l’usage, celui de proconsuls. IV. —
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[1] Le Rubicon est très probablement le Fiumicino di Savignano, torrent aux eaux rougeâtres, à 12 milles au nord de Rimini, et formé par la réunion de trois ruisseaux de l’Apennin. Quant à la traversée de ce petit cours d’eau, Plutarque dit simplement que, la veille, César affecta de passer le jour à voir combattre des gladiateurs, tandis que ses soldats, sans bagages, filaient secrètement sur Ariminum. Le soir venu, il soupa avec quelques invités, et au bout de quelques instants sortit en les priant de l’attendre ; aussitôt il monta dans une voiture de louage, prit d’abord un autre chemin que celui qu’il voulait tenir, puis tourna vers Ariminum où il arriva avant le jour ; ces détails ne permettent pas d’accepter la légende du Rubicon, si chère aux poètes et aux rhéteurs. César, d’ailleurs, n’était pas homme à avoir de pareilles hésitations, au milieu de l’entreprise commencée, quand le crime, s’il y avait crime, était déjà commis, puisque ses soldats l’avaient devancé sur la route d’Ariminum.
[2] Lucain, Pharsale, I, 185.
[3] C. Marius et.... L. Sylla victam armis libertatem in dominationem verterunt. Post quos Pompeius occultior, non melior : et nunquam postes nisi de principatu quæsitum. (Tacite, Histoires, II, 38.)
[4] Placidam patent.... (I, 41). La philosophie d’Épicure avait fait à Rome de grands progrès. Dans la question entre la liberté et la tyrannie, elle décidait pour la dernière, les hommes étant trop insensés et trop méchants pour que le sage s’exposât au danger dans la vue de les délivrer. (Plutarque, Brutus, 42.) L’épicurisme était véritablement une doctrine de renoncement : Épicure, dit Plutarque, mettait le souverain bien en un profond repos, comme en un port couvert de tous les vents et de toutes les vagues du monde ; et Lucrèce est aussi occupé, dans son poème, à délivrer l’homme de l’ambition des honneurs et de la gloire que de le soustraire au joug de la superstition. Le comble de la sagesse est pour lui d’arriver à la paix de l’âme.
[5] Atticus fut à la fois ou tour à tour l’ami de Cicéron et de Clodius, du jeune Marius et de Sylla, de César et de Pompée, de Brutus et d’Antoine, d’Auguste enfin, qui rit entrer sa petite-fille dans la maison impériale.
[6] Cum ex eo (Curion) quærerem.... quam rem publicain, plane falebatur nullam spem reliquam (ad Att., X, 4).
[7] Cicéron, ad Familiares, IX, 9.
[8] Appellationem modo sine corpore ac specie (Suétone, César, 77).
[9] Ad unum imperium provinciæ redeant exercitusque (Cicéron, de Harusp. resp., 10).
[10] Ad Att., VII, 7. César n’avait plus alors que neuf légions.
[11] César, 28. Cf. Appien, Bell. civ., 19-20, et Dion, LIII, 19. Dans la conversation de Cratippe avec Pompée, après Pharsale, le philosophe lui démontrait qu’au point où en étaient les affaires il fallait une monarchie à la place d’un mauvais gouvernement. (Plutarque, Pompée, 75.) Un siècle et demi plus tard, Tacite (Annales, I, 9) reconnaîtra cette vérité : Non aliud discordantis patriæ remedium fuisse quart ut ab uno regeretur.
[12] On a longtemps attribué à Salluste deux lettres qu’il aurait adressées à César, l’une avant Pharsale, l’autre après la guerre d’Alexandrie. Elles sont du règne d’Auguste, et, par cette date, perdent beaucoup de leur importance historique ; elles n’en sont pas moins curieuses comme résumé des opinions de ceux qui acceptaient une monarchie. Au nom des dieux, César, prends en main la république, car toi seul peux remédier à nos maux. Ne permets pas que le grand et invincible empire du peuple romain tombe de vieillesse et d’impuissance, ou s’écroule au milieu de nos discordes insensées. Si la patrie, si tes aïeux, pouvaient se faire entendre, ils te diraient : Ô César ! nous t’avons fait naître dans la plus illustre cité, toi, notre gloire et notre appui ! nous te demandons de sauver notre empire d’une ruine prochaine ; car si, consumé par le mal qui le mine, ou frappé par les coups du sort, il vient à succomber, qui doute qu’aussitôt le monde entier ne soit livré à la dévastation, à la guerre, au carnage ?
C’est au nom de la paix publique, au nom de l’ordre
universel que l’écrivain demande au générai victorieux de pourvoir à la sûreté
de l’Italie et des provinces. La tâche est immense. Il faudra écraser la faction des
grands, établir l’égalité, donner des lois nouvelles à la terre et aux mers ;
mais aux grands travaux les grandes récompenses ! Et il indique quelques-unes des réformes
nécessaires : « Le peuple a péri ; il ne reste qu’une multitude corrompue,
livrée à une diversité infinie de métiers et de genres de vie, sans liens, sans
union, et tout à fait inhabile à prendre part au gouvernement. Peut-être qu’en
la mélangeant à des hommes nouveaux elle se réveillerait au sentiment de sa
dignité. Appelle donc de nouveaux citoyens, qui, mêlés aux anciens, aillent
fonder des colonies. Notre force militaire y gagnera, et le peuple, enchaîné à
des occupations honnêtes, cessera de faire le malheur publie. Je sais quelles
colères, quelles tempêtes se déchaîneront parmi les nobles. Ils s’écrieront, en
s’indignant, que l’on veut tout bouleverser ; que l’on traite les citoyens en
esclaves ; que l’on transforme une cité libre en royaume si on laisse un seul
donner à un grand nombre le droit de cité. Mais n’importe, le bien public le
demande ; hésiter serait un crime, une lâcheté.... Ils ont tué Drusus parce
qu’il avait tenté cette réforme : redouble donc de soins pour t’assurer des
amis et de nombreux soutiens.
Quand le peuple aura été ainsi régénéré, raffermis les
bonnes mœurs, restreins les dépenses de chacun, abolis l’usure, et détruis le
pouvoir de l’or. Que la richesse ne donne plus le droit de décider de la rie et
de l’honneur des citoyens, que les charges soient accordées au mérite, non à la
fortune, et que la loi de C. Gracchus, pour tirer au sort les centuries des
cinq classes, soit remise en vigueur ; qu’enfin le service militaire, également
réparti, pèse sur tous. Par là rendus égaux, les citoyens ne chercheront plus
qu’à se surpasser en vertu.
De nos jours, quelques nobles efféminés et lâches forment une faction qui gouverne insolemment les peuples et le sénat. Jadis la sagesse de ce grand corps raffermissait la république chancelante ; maintenant opprimé, il décrète au gré de leurs caprices, aujourd’hui dans un sens, demain dans l’autre. Ce qui est bien, ce qui est mal, la haine seule des grands en décide. Augmente donc le nombre des sénateurs, et établis le vote au scrutin secret pour qu’on ne voie plus quelques nobles qui approuvent, condamnent, ordonnent et dirigent tout à leur fantaisie.
Ainsi, appeler à Rome de nouveaux citoyens pour régénérer le peuple ; répandre dans les provinces l’élément romain par des colonies ; rétablir l’égalité en détruisant la trop grande influence de la noblesse ; donner aux armées une meilleure composition ; enfin, tout réorganiser, la terre et les mers. tels sont les vœux de l’écrivain et tels avaient été ceux de César.
[13] Tout avait été préparé de longue main pour donner à Pompée le moyen d’abattre César l’espèce de dictature qu’il avait exercée à Rome où il avait géré le consulat, en bardant contrairement aux lois le proconsulat d’Espagne, l’armée qu’il commandait en Italie, les sept légions d’Espagne absolument inutiles dans cette province pacifiée, la flotte immense dont il disposait connue intendant des vivres, les 1000 talents qu’il avait le droit pie tirer annuellement du trésor, cette loi sur les magistratures qui substituait à l’ordre ancien un ordre nouveau, uniquement destiné à empêcher César d’obtenir le consulat .... omnia contra se (Cæsarem) parari ; in se novi generis imperia constitui... ; in se jura magistratuum commutari, etc. (César, de Bello civ., 1, 85.)
[14] Ravenne est à
environ 100 lieues de Rome. Le passage du Rubicon a dû avoir lieu le
[15] Dion, XLI, 5.
[16] César, de Bello civ., I, 33, Plutarque, César, 65, Dion, XLI, 6 ; Appien, Bell. civ., II, 37.
[17] .... Pecunix a municipiis exiguntur, e fanis tolluntur (César, de Bello civ., I, 6).
[18] Plutarque, Pompée, 59 ; Appien, Bell. civ., II, 36.
[19] Quem ego hominem άπολιτιxώτατον omnium jam ante cognoram ; nunc vero etiam άστρxτηγιxώτατον (ad Atticum, VIII, 16).
[20] Ad Atticum, VII, 7, et Dion, XLI, 4.
[21] Labienus rejoignit
Pompée à Teanum, le 22 ou le
[22] Dion, XLI, 10.
[23] Cicéron, ad Att., IX, 7 c.
[24] Sermones minacis, inimicos optimatum, municipiorum hostis, meras proscriptiones, meros Sullas (ad Att., IX, 11). Sullaturit.... proscripturit, etc. Cf. Dion, XLI, 30. Cela ferait-il allusion aux massacres dont parle le pseudo-Salluste (Epist., I, 4) ? La clémence de César, dit Hirtius (de Bello Afric., 88), était en lui un don de nature, mais aussi un calcul, pro natura et pro instituto. Il faut l’en louer davantage.
[25] Bonorum sermones Romæ frequentes dicuntur (ad Att., VIII, 11). Urbem jam refertam esse optimatium audio (ad Att., LX, 1).
[26] Vehementer contemnebat hunc hominem (ad Att., VII, 8).
[27] Hoc turpe (fuga) Gnæus noster biennio ante cogitavit (ad Att., IX, 10).
[28] Ces auxiliaires du Noricum prouvent que César avait attaché à sa cause les peuples de la rive droite du haut Danube établis au nord de sa province d’Illyrie.
[29] Ad Atticum, VIII, 13.
[30] Cicéron, ad Atticum, 14.
[31] De Bello civ., I, 9. Après la prise de Corfinium, il chargea Corn. Balbus de voir les sénateurs, de les assurer qu’il souhaitait ardemment la paix, et de dire particulièrement à Cicéron qu’il consentirait à reconnaître l’autorité de Pompée s’il était certain d’avoir des garanties pour sa vie : Nihil malle Cæsarem quam principe Pompieo sine metin vivere (ad Att., VIII, 9). Crois-tu cela ? ajoute Cicéron ; et, comme à lui, tant d’abnégation m’est suspecte. Mais je crois au vif désir qu’avait César de faire une paix qui ne pouvait manquer de tourner à son avantage.
[32] De Bello civ., I, 10.
[33] Pompée disait quelques jours auparavant qu’il était certain de battre César. (Ad Att., VII, 16.)
[34] Ad Att., IX, 10.
[35] Dion, XLI, 12.
[36] Caton avait été
chargé de défendre
[37] Cicéron, ad Fam., VIII, 15.
[38] Ad Atticum, IX. 12.
[39] De Bello civ., I, 52. Depuis le passage du Rubicon jusqu’à Pharsale on peut compter cinq tentatives de négociations. Cf. ibid., I, 8, 24, 26, 32 ; III, 10, 19, 57. Aussi Paterculus a-t-il le droit de dire : Nihil relictum a Cœsare quod sereandæ pacis caussa tentari posset ; nihil receptum a Pompeianis.
[40] Cicéron (ad Atticum, X, 6) mentionne dès le 22 avril le bruit de la marche de Pompée par l’Illyrie.
[41] La ville ancienne devait être concentrée sur le plateau et, par conséquent, occuper une position très forte.
[42] Dion, XLI, 41.
[43] Ulerque regnare vult, écrivait-il à Atticus (VIII, 11). Il le lui répète (X, 7), regnandi contentio est, et, dans le Pro Marcello, il dira encore, en l’année 46 (si ce discours est bien de lui), que la guerre civile n’avait été que le conflit de deux ambitions. Celle des pompéiens lui parait bien à craindre : Primum consilium est suffocare urbem et Italiam fame, deinde agros vastare, urere, pecuniis locupletium non abstinere.... tegulam in Italia nullam relicturum. (Ad Att., IX, 7 ; XI, 6, ad Fam., IV, 14.) Cf. Dion, XLI, 56. Appien dit aussi (Bell. civ., II, 48) : ού γάρ άδηλον ήν ές μοναρχίαν τόν νιxώντα τρίψισόαι.
[44] Ad Familiares, VIII, 14.
[45] C’est Cicéron qui parle ainsi de lui-même, quand il alla rejoindre Pompée. (Ad Fam., VI, 6.)
[46] Appien, Bell. civ., II, 42.
[47] César, de Bello civ., I, 37-57. En regard de cette clémence, il fiant noter qu’Afranius, ayant saisi tous les soldats de César, venus dans son camp à la laveur d’une trêve tacite, les fit égorger. (Ibid., 76, et Appien, Bell. civ., II, 43.)
[48] César, de Bell. civ., II, 39.
[49] Fleuve dont les
puissantes alluvions ont comblé la lagune navigable qui séparait la ville de la
mer. Sur les constructions romaines de Fréjus, qui eut bien vite tous les
monuments qui semblaient nécessaires à une colonie, thermes, théâtre,
amphithéâtre et, en outre, de grands établissements militaires, un aqueduc long
de
[50] On a parlé d’un soulèvement des Folks arécomiques (Nîmes) et des Allobroges (Dauphiné et Savoie), qui, sous prétexte de fidélité au sénat romain, auraient saisi cette occasion de la guerre civile pour tirer encore une fois l’épée contre leurs vainqueurs. César les aurait punis sévèrement, et Nîmes aurait gardé longtemps sur une de ses places une inscription qui rappelait leur châtiment. Cette inscription est fausse, il faut donc supprimer le fait qu’elle avait paru prouver.
[51] Suétone, César, 42 ; Dion, XLI, 37. Les lettres du Pseudo-Salluste disent que César, en n’abolissant pas les dettes, trompa l’espoir de beaucoup, qui s’enfuirent dans le camp de Pompée, où ils trouvèrent un asile inviolable, quasi sacro atque inspoliato fano (Epist., II, 2). Cicéron répète plusieurs fois la même chose.
[52] César, De Bello civ., III, 9 ; Appien, II, 48 ; Dion, XLI, 38.
[53] Il se petit que cette loi ait été portée avant son départ pour l’Espagne.
[54] Dion, XLI, 36.
[55] 1er janvier 48, selon le calendrier romain ; en réalité, vers la fin décembre 49.
[56] Pompée reçut même quelques hommes d’Athènes. Il sépara ses contingents grecs de ses auxiliaires d’Orient, parce que, dit Appien (Bell. civ., II, 75), ils étaient plus habitués à garder leurs rangs en silence.
[57] César, de Bello civ., III, 3-5, et Appien, Bell. civ., II, 49. Les forces pompéiennes pouvaient bien s’élever à quatre-vingt mille hommes ; mais il ne faut pas juger de la force du sentiment républicain d’après le chiffre des troupes de Pompée. Ces légions avaient été enrôlées avant la rupture, en vertu d’ordres légitimes, suivant les anciens usages, avec la formalité du serment, qui plaçait chaque soldat sous le coup de pénalités extrêmes s’il y manquait. Quant aux auxiliaires, tous ces peuples et rois de I’Orient, clients de Pompée, étaient attachés à sa fortune et n’avaient pu lui refuser leur assistance. Puis étaient venus à lui les familiers et les protégés des grands que ceux-ci avaient entraînés, et à leur suite les volontaires, les aventuriers qu’attiraient sa réputation et l’espérance de faire avec lui une fructueuse campagne.
[58] Dion, XLI, 43 ; Plutarque, Pompée, 64.
[59] Dyrrachium s’élevait à la pointe d’une petite chaîne de collines abruptes parallèle à la mer, et que de vastes lagunes séparaient du continent. Au nord, un cordon de sable rattachait ces falaises au cap Pali ; au sud, ces lagunes communiquaient avec la mer par un étroit canal de décharge ; de sorte que, pour arriver par terre à Dyrrachium, il n’y avait que deux entrées étroites et faciles à défendre. César avait établi son camp au plateau d’Arapaï ; Pompée mit le sien plus au sud. Voyez Heuzey, Mission archéol. en Macédoine, p. 370 et suiv.
[60] César dit (de Bello civ., III, 48) avoir été informé, après la guerre, de ces paroles qui échappèrent sans doute à Pompée dans l’intimité, et qu’un de ses familiers rapporta ensuite au vainqueur.
[61] Il dit encore (ad Fam., IV, 14) : Je savais combien ceux dont j’ai suivi le parti seraient insolents, cupides et cruels après la victoire.
[62] Hic, ajoute César, cognosci licuit, quantum esset hominibus præsidii in animi fortitudine (de Bello civ., III, 28).
[63] Cette remarque du général Foy (Mémoires sur la guerre d’Espagne) flatte notre patriotisme, mais ne fait honneur ni à la prudence des généraux ni à la prévoyance des intendants.
[64] Ad Familiares, VI, 6 ; IX, 6 et 9 ; VII, 3 ; ad Atticum, XI, 3, 4, 6, etc.
[65] Certains détails donnés par César, comme les dispositions prises pour voler le trésor d’Éphèse (Bell. civ., III, 3), et qu’une lettre de Pompée arrêta, sont invraisemblables. Le de Bello civili ne vaut pas le de Bello Gallico, et il y a doute sur le véritable auteur de l’ouvrage.
[66] César donne le chiffre de quinze mille pompéiens tués ; Asinius Pollion n’en comptait que six mille, mais sans doute en laissant à part les alliés qu’on ne compta point, dit Appien (II, 82). Le même historien met parmi ces morts pompéiens dix sénateurs et quarante chevaliers.
[67] Paroles recueillies par Asinius Pollion, qui était présent à la bataille, et rapportées par Suétone. Dion prétend (XLI, 62) qu’il fit tuer ceux qui, pris une première fois les armes à la main et graciés par lui, furent trouvés parmi les captifs, mais qu’il accorda à chacun de ses amis la grâce d’un pompéien.
[68] Plutarque (Pompée, 74) met ces mots dans la bouche de Cornélie.
[69] Il avait déjà sollicité l’alliance des Parthes, mais son ambassadeur avait été jeté par eux en prison. (Dion, XLII, 2.)
[70] Elle était née vers la fin de 69, et avait, par conséquent, prés de 21 ans à l’arrivée de César.
[71] Plutarque, Pompée, trad. d’Amyot. Hadrien, cent soixante ans après, lui éleva un tombeau. (Spartien, Hadrien, 7.)