I. — LES LOIS LICINIENNES : PARTAGE DU CONSULAT.Tandis que Rome faisait au dehors de si persévérants efforts pour rétablir sa puissance, les tribuns, dans l’intérieur de la ville, continuaient la lutte contre le patriciat. Comme un siècle auparavant, les dettes étaient la cause des nouvelles dissensions. L’impôt foncier étant le principal revenu de l’État, les malheurs de la guerre, surtout quand elle se rapprochait de Rome, avaient le double résultat de forcer le trésor à demander davantage à la propriété, et en même temps de diminuer la valeur des terres et de leurs produits. L’impôt devenait plus lourd et les ressources qui servaient à le payer étaient moins grandes. De là les dettes, si nombreuses après l’invasion gauloise comme elles l’avaient été après les guerres royales, et les deux révolutions dont elles furent l’occasion : l’une qui donna naissance au tribunat, l’autre qui eut pour conséquence le partage des charges curules. En 389 il fallait reconstruire la ville incendiée. Sans doute, la maison d’un plébéien coûtait peu à rebâtir. Mais où celui qui avait tout perdu, meubles et troupeaux, pouvait-il puiser pour remettre son petit champ en culture, abriter sa famille, racheter quelque bétail et payer la taxe de guerre, la taxe pour le Capitole[1], la taxe pour reconstruire les temples et les murailles, si ce n’est dans la bourse du patron ? Les assignations faites aux plébéiens sur le territoire de Véies avaient été une autre cause d’emprunts. L’État ne donnant que la terre, il fallait souvent qu’un riche fit l’avance des instruments aratoires, du troupeau et des semences nécessaires, à l’exploitation des sept jugera. Mais l’intérêt était lourd, le créancier impitoyable ; les ergastula se remplirent donc encore ; Camille lui-même se signala par sa dureté. Ici se place une histoire obscure. Tite-Live, écho involontaire mais persévérant des haines patriciennes, raconte que Marcus Manlius Capitolinus, jaloux de la gloire de Camille qui éclipsait la sienne et irrité d’être oublié dans la distribution des charges, se fit le patron des pauvres et délivra de prison jusqu’à quatre cents débiteurs. Chaque jour la foule grossissait autour de lui et dans sa maison du Capitole. Les grands vous oppriment et vous ruinent, disait-il sans cesse ; non contents de s’approprier les terres de l’État, ils détournent l’argent de la république ; ils cachent l’or repris aux Gaulois, et, tandis que vous épuisez vos dernières ressources à rendre aux temples leurs trésors, ils gardent pour leurs plaisirs cet argent qu’ils reçoivent pour une œuvre sacrée. On nomma, autant contre lui que contre les Volsques, un dictateur, Corn. Cossus, qui, au retour de la campagne, le fit traîner en prison ; un sénatus-consulte lui ayant rendu la liberté, deux tribuns gagnés par les patriciens, ou jaloux eux-mêmes de sa popularité, l’accusèrent de haute trahison. Dans les comices centuriates, Manlius rappela ses exploits ; il montra les armes de trente ennemis tués par lui, huit couronnes civiques, trente-deux récompenses militaires, et les cicatrices qui couvraient sa poitrine, et le Capitole qu’il avait sauvé ! Cette vue, ces paroles, excitaient la compassion du peuple, et il allait être acquitté, lorsque l’assemblée fut rompue et le jugement remis à un autre jour. Dans une réunion du peuple tenue en un lieu d’où la citadelle de Rome ne pouvait être aperçue, selon d’autres par une sentence des duumvirs[2], il fut condamné à mort. D’après Dion, Manlius, occupant le Capitole avec ses partisans, aurait été précipité de la roche Tarpéienne par un traître qu’il écoutait sans défiance. On rasa sa maison du Capitole ; défense fut faite de jamais bâtir sur cette colline, et la gens Manlia décida qu’aucun de ses membres ne porterait à l’avenir le prénom de Marcus (384)[3]. Manlius, qui a eu le sort de Cassius et de Manlius, doit avoir été, comme eux, sacrifié à la haine des grands[4] ; mais il n’était sans doute qu’un agitateur vulgaire ; C. Licinius Stolon et L. Sextius furent de véritables réformateurs. C’étaient de riches et, nobles plébéiens, auxquels l’égalité des deux ordres par le tribunat militaire ne parut qu’un mensonge politique : de 400 à 367, il ne fut encore élu au tribunat militaire qu’une quinzaine de plébéiens. Tite-Live, qui, comme tant d’autres historiens, donne volontiers de petites causes à de grands événements[5], raconte qu’un sénateur, Fabius Ambustus, avait marié l’aînée de ses deux filles au patricien Serv. Sulplicius et la seconde à un riche plébéien, Licinius Stolon. Un jour, les deux sœurs causaient dans la maison de Sulpicius ; celui-ci, alors tribun militaire, revint du Forum, précédé de son licteur, qui, suivant l’usage, frappa la porte de sa baguette. A ce bruit, la jeune Fabia s’inquiète, puis s’étonne du nombreux cortège qui suit le tribun. L’aînée rit à la fois de cet étonnement et de cette ignorance, et les railleries montrent toute la distance mise entre elle et sa sœur par le mariage qui avait fait passer celle-ci dans une maison où les honneurs ne devaient jamais entrer. Fabia en prit un si vif chagrin, que son père s’en aperçut et lui promit qu’elle aussi verrait un jour en sa demeure les dignités qu’elle avait vues chez sa sœur. Dès lors il commença à se concerter avec son gendre et un autre jeune homme de cœur, L. Sextius. L’aventure est jolie ; il ne déplaît pas à Tite-Live de jeter quelques fleurs au milieu de cette sévère histoire de la moins romanesque des nations, et nous faisons comme lui, mais sans y croire. La jeune Fabia avait maintes fois, chez son père et chez les amis de, sa famille, entendu ce bruit de licteur ; souvent aussi elle avait vu lei cortège qui suivait toujours les magistrats et les puissants personnages. Rien de tout cela ne devait donc la surprendre, et elle savait bien, en épousant Licinius, quelle condition ce plébéien devait lui faire. La révolution qui s’apprêtait ne provint pas plus d’une jalousie de femme, que la guerre de Troie n’eut pour cause l’enlèvement d’Hélène ; elle fut le dernier acte d’une lutte poursuivie depuis cent vingt années, et qui ne s’était pas arrêtée un jour. Licinius Stolon et L. Sextius, nommés tribuns du peuple en 376, demandèrent formellement le partage du consulat, et, pour forcer les plébéiens à prendre intérêt à cette question, ils présentèrent les résolutions suivantes : A l’avenir on n’élira plus de tribuns militaires, mais
deux consuls, dont l’un sera toujours plébéien ; personne ne possédera plus
de 500 jugera ( Le moment de la lutte suprême était donc arrivé. Elle fut digne de ses commencements. Point de violences inutiles, mais, des deux côtés, une admirable persévérance. Dix années de suite les tribuns se font réélire. En vain le sénat gagne leurs collègues, dont le veto les arrête, et recourt deux fois à la dictature. Camille, menacé d’une lourde amende, peut-être d’un second exil pour ses vieux jours, abdique, et Manlius, proclamé après lui, choisit un plébéien, Licinius Calvus, pour son maître de la cavalerie. Un oppose aux tribuns la sainteté de la religion ; pas un plébéien n’est dans le sacerdoce. Pour détruire ce motif et prévenir l’intervention des dieux que les patriciens auraient pu lire dans les oracles de la sibylle, ils ajoutent cette quatrième rogation, que le sénat accepte, afin de mettre de son côté les apparences de la justice : Au lieu de duumvirs pour les livres sibyllins, on nommera à l’avenir des décemvirs, dont cinq seront plébéiens. Cependant le peuple, fatigué d’aussi longs débats, allait
se trahir lui-même ; il ne demandait plus que les deux lois sur les dettes et
les terres, que les patriciens étaient disposés à accorder. Hais les tribuns
déclarèrent les trois propositions inséparables ; elles seront adoptées ou
rejetées ensemble. Les comices par tribus les votèrent, le sénat les accepta,
et les centuries proclamèrent consul l’un des deux tribuns, L. Sextius. Dans
leurs curies, les patriciens refusèrent l’imperium
au consul plébéien, et la guerre, qui allait finir, se ranima plus violente.
Les détails de cette dernière lutte sont mal connus. Il est vaguement parlé
de menaces terribles et d’une nouvelle retraite du peuple. Camille
s’interposa. Il venait de remporter sa dernière victoire sur les Gaulois ;
cinq fois dictateur, sept fois tribun militaire, rassasié de gloire et
d’honneurs, il voulait un repos dignement mérité par soixante années de
services. Vaincus par ses conseils et son exemple, les sénateurs cédèrent ;
l’élection de Sextius fut ratifiée ; et Camille, fermant pour un siècle et
demi l’ère des révolutions, voua un temple à Les portes de la cité politique étaient donc enfin forcées ; les plébéiens vont siéger à leur tour sur la chaise curule En signe de l’admission de ces nouveaux venus dans le vrai peuple romain, aux trois jours de fête des grands jeux célébrés pour les trous vieilles tribus, il en fut ajouté un quatrième pour les plébéiens[8]. II. — LES PLÉBÉIENS ARRIVENT À TOUTES LES CHARGES.L’adoption des lois liciniennes marque une ère nouvelle dans l’histoire de la république. Mais ces lois furent-elles fidèlement observées, et quelles conséquences en sortirent pour les grands, pour le peuple, pour la fortune de Rome ? Ce sont les questions que nous allons examiner en séparant, pour plus de clarté, les lois politiques des lois sociales ou relatives aux dettes et à la propriété. Les patriciens n’acceptaient jamais franchement les victoires populaires. Le lendemain de leur défaite ils recommençaient à disputer pas à pas le terrain perdu la veille, multipliant des obstacles pour éloigner le jour néfaste où serait consommée ne égalité qu’ils regardaient comme sacrilège. Cette fois ils cédaient le consulat lui-même, mais le consulat démembré. Deux nouvelles magistratures patriciennes furent, en effet, créées à ses dépens : la préture, pour l’administration de la justice, dont les plébéiens ne connaissaient pas les formules ; l’édilité curule[9] pour la police urbaine (366). L’intérêt de classe était, cette fois, d’accord avec l’intérêt public. Les patriciens donnaient trois places nouvelles à leur ordre, mais ils donnaient à la république trois magistratures nécessaires. La grande préoccupation des gouvernements modernes est ou doit être de protéger la fortune et la vie des citoyens ; de développer l’instruction et le commerce, de diminuer la misère et les vices. Les Romains des anciens jours n’avaient point de pareils soucis ; ils estimaient leur tâche terminée quand ils avaient pourvu à la paix intérieure et à la sécurité des frontières ; le reste regardait les individus. Les Romains dès à présent commençaient à comprendre que leurs édifices publics, en se multipliant, exigeaient une surveillance qui s’exerçât dans l’intérêt du trésor ; que la ville, en s’accroissant, avait besoin d’une police des rues contre l’incendie, des marchés contre la fraude, des bains, des cabarets et des mauvais lieux contre les querelles des débauchés. Enfin, dans les temps de disette, il fallait acheter du blé au dehors et le revendre au peuple à bas prix[10]. Les édiles plébéiens ne suffisaient plus à cette œuvre, et il était bon de doubler leur nombre. Le sénat ayant décrété, dit Tite-Live, qu’afin de remercier les dieux du rétablissement de la concorde entre la plèbe et le patriciat, un quatrième jour serait ajouté aux jeux Romains, les édiles plébéiens se refusèrent à faire cette dépense, et de jeunes nobles, pour que cet honneur ne manquât pas aux dieux immortels, offrirent de s’en charger à condition d’être nommés édiles[11]. C’est toujours l’anecdote prenant la place de l’histoire. On vient de voir les raisons sérieuses qui motivèrent cette création. Du reste, la nouvelle magistrature devint presque aussitôt commune aux deux ordres. La préture fut, de même, un dédoublement nécessaire du consulat. L’État devenu plus grand, les guerres plus fréquentes et plus lointaines laissaient peu de temps aux premiers magistrats de la république pour s’occuper de la justice civile, et la récente loi agraire de Licinius Stolon allait multiplier singulièrement les procès. Bien que la division des pouvoirs ne fût pas une idée très romaine, on vit l’utilité d’assurer le cours régulier de la justice en ayant toujours à Rome un magistrat chargé de la rendre, qui fût le suppléant du consul absent. Pour marquer ce caractère subordonné du préteur, il ne lui fut donné que six licteurs[12] ; mais il était élu comme le consul dans les comices centuriates et avec les mêmes auspices ; il présidait, à son défaut, les réunions du peuple et du sénat, et l’imperium, qu’il posséda dès l’origine, lui permettra de prendre plus fard les fonctions de chef d’armée et de gouverneur de province. Sa compétence judiciaire se résumait en trois mots : Do, je donne le juge et la formule ; Dico, je dis le droit ; Addico, j’adjuge l’objet du litige. En entrant en charge, le préteur prendra l’habitude de publier un édit où il indiquera les règles de droit qu’il se proposera de suivre ; nous verrons que cet edictum prætorium transformera peu à peu la législation romaine. On se trouva si bien de cette institution que, vingt ans plus tard, il fut créé un second préteur pour les contestations entre citoyens et pérégrins, le prætor peregrinus. Celui-là, à raison même de sa charge, devra s’inspirer des usages étrangers, jus gentium, butant que des coutumes nationales, jus civile, et ses édits prépareront la fusion de ces deux droits. Rome a donc, dés cette époque, les deux ouvriers qui vont amasser lentement les innombrables matériaux avec lesquels les jurisconsultes élèveront le magnifique monument des Pandectes. Les consuls conservaient le commandement des armées, la présidence du sénat et la levée des troupes. C’étaient encore de trop belles prérogatives pour que les patriciens ne cherchassent pas à les reprendre. La dictature leur restait ; ils s’en servirent, soit pour présider les comices et influencer l’élection des consuls, soit pour ravir à un général plébéien l’honneur d’une guerre heureuse ; de 363 à 344, en vingt années seulement, il y eut quatorze dictatures. Le premier qui commença cette longue liste, fut Manlius Imperiosus. La peste sévissait avec une intensité meurtrière et venait d’enlever Camille ; le Tibre débordait ; un tremblement de terre avait ouvert au milieu du Forum un abîme où Curtius se précipita dit-on, tout armé. Afin de conjurer les dieux irrités, on avait célébré des jeux nouveaux venus d’Étrurie, mêlés de chants et de danses au son de la flûte ; puis les statues des grands dieux avaient été couchées sur des lits et conviées, en gage de réconciliation, à un banquet sacré (lectisternium). Manlius, nommé dictateur pour enfoncer le clou sacré dans le temple de Jupiter, refusa, la cérémonie achevée, de déposer ses pouvoirs ; il conserva ses vingt-quatre licteurs et annonça une levée contre les Herniques. Cette suspension prolongée du pouvoir consulaire entrait trop dans les vues du sénat pour qu’il ne respectât pas, dans cette circonstance, l’autorité dictatoriale. Mais le tribun Pomponius accusa le dictateur. Entre autres griefs, il lui reprochait sa conduite envers son fils, banni des pénates domestiques, relégué aux champs et condamné aux travaux serviles. Ce fils de dictateur apprenait, par un supplice de chaque jour, qu’il était né d’un père digne de son surnom. Et quel était son crime ? Il s’exprimait avec peine. Au lieu de corriger ce vice naturel par l’éducation, Manlius augmente le mal ; il alourdit encore cet esprit paresseux, et ce qui reste à son fils de vivacité et d’intelligence va s’éteindre dans les habitudes rustiques qu’il lui impose. Singulier reproche dans la bouche d’un tribun ! Mais toute arme leur était bonne. D’ailleurs, comme les Anglais de nos jours, les Romains étaient fiers de leur noblesse et ils n’entendaient pas qu’un jeune patricien fût élevé d’une manière indigne de sa naissance. Pendant que le peuple entier s’irritait contre Manlius, la victime, affligée d’être un sujet de poursuites contre son père, conçut un projet dont l’exemple n’était pas sans danger dans une cité libre et qui, pourtant, mérite des louanges. A l’insu de tous, un poignard sous sa robe, il vient un matin à la maison de Pomponius, donne son nom et insiste pour être admis. Tout le monde s’éloigne afin de le laisser seul avec le tribun. Alors, il tire son poignard et menace Pomponius, encore au lit, de l’en percer s’il ne lui jure dans les termes qu’il lui dictera de ne jamais convoquer d’assemblée du peuple pour accuser le dictateur. Le tribun, à la merci d’un homme armé, jeune et robuste, s’effraye et répète le serment qui lui est imposé. Le peuple fut mécontent de voir sa vengeance lui échapper, mais il voulut récompenser la piété filiale en nommant le jeune Manlius tribun légionnaire[13]. Les chefs de la plèbe, qui savaient mettre à profit ses haines comme ses affections, saisirent cette occasion de faire attribuer aux comices la nomination de six de ces officiers (362). Quatre fois encore, dans les quatre années suivantes, on recourut à la dictature. Thiais cette charge suprême fut elle-même envahie. En 356 [14] les dangers de la guerre contre les Étrusques firent proclamer dictateur un des plus illustres plébéiens, Marcius Rutilus, qui, cinq ans plus tard, devint aussi le premier censeur de son ordre. Le consulat plébéien était comme la porte qui donnait accès dans le sanctuaire. Les patriciens essayèrent de la fermer ; de 355 à 341, ils surent faire prendre sept fois les deux consuls dans leurs rangs. Trois ans auparavant, la loi Pœtelia avait défendu la brigue (ambitus), pouf diminuer les chances de succès des hommes nouveaux qui, peu connus dans les tribus rustiques, parcouraient les campagnes en sollicitant les suffrages (358). Cependant le consulat plébéien n’avait pas été la récompense des séditieux ni des démagogues. Licinius et Sextius ne furent honorés qu’une seule fois de cette charge ; et, après eux, pendant longtemps, pas un tribun n’y parvint, car, pour restreindre le nombre des plébéiens consulaires, les patriciens réunissaient ; leurs voix sur les mêmes candidats, préférant voir le même homme, quatre fois consul, plutôt que le consulat donné à quatre hommes nouveaux[15]. En vingt-sept ans, ils n’avaient laissé arriver que huit plébéiens au consulat. C’était trop encore. Qu’importait l’habileté de Marcius et de Popilius ? Leurs services pouvaient-ils effacer la tache de leur origine ? Cette imprudente tentative des patriciens acheva leur défaite. Les riches familles plébéiennes s’irritèrent qu’on leur enlevât ce que la persévérance de Licinius leur avait donné. ; quant aux pauvres, ruinés comme toujours par l’usure, ils étaient comme toujours aussi disposés à un soulèvement. Après la première guerre contre les Samnites, les Romains
avaient mis garnison dans Capoue. Au milieu de ce beau pays, les légionnaires
se souvinrent des créanciers qui les attendaient. Rome et aussi du moyen qui
avait servi quatre-vingts ans auparavant aux Samnites pour s’emparer de la
ville, lorsque, reçus en amis par les Campaniens, ils s’étaient, durant une
fête, jetés sur ces malheureux sans armes et les avaient égorgés. Le complot
fut découvert. Pour en prévenir l’exécution, le consul 1liarcius Rutilus
renvoya les soldats par cohortes. Mais ils se réunirent aux gorges de
Lautules, passo di Portella, étroit défilé entre la mer et les
montagnes, par où il fallait passer pour se rendre de Fundi à Terracine,
c’est-à-dire de 1° Une amnistie générale et le complet oubli du passé ; 2° Un règlement militaire portant que le légionnaire sous les drapeaux ne pourrait, sans son consentement, être rayé des contrôles, c’est-à-dire être privé des avantages attachés au service militaire[18], et que celui qui aurait servi comme tribun ne pourrait être enrôlé comme centurion 3° Une réduction sur la solde des chevaliers. De leur côté, les plébéiens, rentrés dans la ville, votèrent, sur la proposition du tribun Genucius, les lois suivantes, dont le double but était de soulager les pauvres et d’empêcher que les charges ne devinssent le patrimoine héréditaire de quelques familles (342). 4° On ne sera rééligible à la même charge qu’après un intervalle de dix ans, et on ne pourra être investi de deux magistratures à la fois. 5° Les deux consuls pourront être plébéiens. 6° Le prêt à intérêt et les dettes sont abolis, les nexi seront relâchés[19]. Dans ces graves circonstances, le sénat avait montré un esprit de conciliation dont il fit preuve encore deux années plus tard, lorsqu’il laissa le dictateur plébéien, Publilius Philo, porter le dernier coup au vieux régime par la suppression du veto législatif du sénat (339). 1° Les plébiscites seront obligatoires pour tous[20]. 2° Toute loi présentée à l’acceptation des comices centuriates sera à l’avance approuvée par le sénat[21]. 3° On choisira toujours un des censeurs parmi les plébéiens ; les deux consuls pourront être de cet ordre. La dernière de ces lois était l’application à la censure de la loi licinienne sur le consulat. Par les deux autres, Publilius Philo voulait concentrer le pouvoir législatif dans les centuries et dans les tribus, afin de rendre impossible un conflit entre les deux assemblées souveraines et le sénat. Celui-ci n’avait donc plus, en signe de son ancien pouvoir, que l’approbation préalable pour les plébiscites et les lois centuriates ; et cette approbation obligatoire semblait n’être qu’une simple formalité. Mais le sénat s’entendit avec les consuls pour dresser la liste des candidats consulaires et prétoriens présentés aux centuries, et pour améliorer à l’avance les projets de loi qu’on y portait. Un jour, quand les tribuns feront corps avec la noblesse, il agira de même au sujet des plébiscites et il redeviendra alors, pour un temps, le maître de la république. Remarquons au montent où se déterminent les droits réciproques des assemblées et du sénat que, si l’on délibérait dans la curie avant le vote, on devait voter dans les comices sans délibérer. Pour les assemblées populaires, les Romains avaient sagement séparé la discussion et le suffrage : précaution utile contre les entraînements passionnés qu’une parole ardente pouvait déterminer avant le scrutin[22]. Cependant les résolutions des centuries et des tribus n’étaient point prises sans que les citoyens se fussent éclairés par un débat contradictoire dans une contio, assemblée libre présidée par un magistrat et qu’un magistrat de rang supérieur pouvait interdire[23] ; c’est là que l’on discutait les mesures qui devaient être proposées aux comices. Dans nos assemblées, on a toujours le droit de répondre à un ministre ; dans la contio, le magistrat parlait le dernier[24]. Cela signifie qu’on accorde plus, chez nous, à l’attaque contre le gouvernement, et qu’à Rome on se préoccupait davantage de le défendre. Ce seul fait montre la différence des deux sociétés. Les conséquences qu’avait eues la révolte des légions campaniennes prouvent que les séditieux ne se proposaient pas l’acte de brigandage qu’on a supposé ; mais qu’ils exécutaient un plan formé par les chefs populaires pour achever la révolution à laquelle Licinius Stolon avait donné une impulsion irrésistible. En 339, en effet, se termine la lutte politique qu’avait commencée un siècle et demi plus tôt la retraite du peuple sur le mont Sacré. Si les plébéiens sont encore exclus de quelques charges, ils y arriveront successivement, sans bruit, sans efforts, par la seule force de la constitution nouvelle dont l’esprit est, l’égalité, comme celui de l’ancienne était le privilège. Ainsi, en 337, Publilius Philo obtint la préture, et en 326 le proconsulat, charge par conséquent plébéienne dès son origine. A une époque incertaine, après 366, mais avant 342, le plébiscite Ovinien ouvrit largement le sénat aux plébéiens[25], et, en 300, la loi Ogulnia décréta qu’à l’avenir quatre pontifes et cinq augures seraient pris dans le second ordre[26]. C’était le partage du sacerdoce et l’abolition du veto patricien des augures. Quatre ans auparavant, le fils d’un affranchi, Flavius, greffier du censeur Appius, enleva aux patriciens, par la publication du calendrier[27] et des formules de procédure, le seul avantage qui leur restât, la connaissance du droit civil et sacré. Les consuls avaient toujours désigné les tribuns légionnaires. En 362 le peuple s’était attribué le droit d’en choisir six ; cinquante ans après, il se fit la part plus large et décida, par le plébiscite Atilien, qu’il en nommerait seize. Comme chacune des quatre légions levées annuellement avait six tribuns, c’étaient les deux tiers de ces officiers que la jalousie démocratique enlevait au choix des généraux. Heureusement que, chez ce peuple militaire, où tout citoyen devait avoir fait au moins dix campagnes, il était difficile que le vote populaire fit arriver au commandement des hommes incapables de l’exercer. À cette œuvre de nivellement populaire se rapporte la loi Mænia[28], établie vers la fin de la guerre du Samnium, et qui supprima le droit, jusque-là laissé aux curies, de refuser l’imperium aux magistrats élus par les centuries. Privées de toute influence sur les élections et sur la confection des lois, ces vieilles assemblées du premier peuple romain tombèrent en désuétude. Il n’y avait plus de caste patricienne, il n’y eut plus de comices curiates. Mais ce peuple, dont la vie fut une révolution perpétuelle, eut plus qu’un autre le culte du passé ; comme les citoyens qui montraient avec orgueil les images des ancêtres, il conservait religieusement le souvenir et l’image de ce que le temps ou les hommes avaient détruit. L’empire lui-même ne fit point table rase. Trois siècles après Auguste, il y avait un sénat qui prenait quelquefois son rôle politique au sérieux, et Justinien nommait encore des consuls. Les curies durèrent donc, conservées, comme les statues des rois, par le respect de tous pour les hommes et les choses des vieux âges, mais réduites à d’insignifiantes prérogatives civiles et religieuses et représentées par trente licteurs, sous la présidence du grand pontife. Par cette déchéance des curies, toute la force aristocratique du gouvernement se concentra dans le sénat, où les charges firent entrer tous les jours un nombre plus grand de plébéiens De 302 à 286, nouvelles consécrations des lois fondamentales qui étaient comme la grande charte des libertés plébéiennes ; En 302, confirmation de la loi Valeria qui, par le droit d’appel, donnait à l’accusé ses pairs pour juges ; En 299, confirmation de la loi Licinia pour le partage du consulat et, par suite, de toutes les charges ; En 286, lois du dictateur plébéien Hortensius qui consacrent toutes les conquêtes antérieures, confirment la loi Publilia relative au caractère obligatoire des plébiscites et les affranchissent de l’autorisation préalable du sénat[29]. De graves circonstances avaient amené cette dernière dictature ; le peuple, encore une fois soulevé au sujet des dettes, s’était retiré sur le Janicule. Il ne demandait que la remise en vigueur des lois contre les créanciers ; ses chefs voulurent davantage. Intéressés comme ils le sont toujours à faire des révolutions politiques dont ils profitent, ils détournèrent l’attention de la multitude de ses misères pour la reporter sur sa dignité offensée. Les lois Hortensiennes eurent donc une bien autre portée que ne l’avaient pensé les premiers meneurs de la foule. Les dettes furent abolies ou diminuées, il est vrai, mais aussi les droits des plébéiens furent de nouveau confirmés ; et, pour effacer la dernière distinction qui séparât encore les deux ordres, les nundines furent déclarées jours non fériés. C’était aux nundines, ou jours de marché, que les tribus s’assemblaient, parce que les habitants de la campagne venaient ces jours-là à Rome. Les patriciens, par orgueil, pour n’avoir rien de commun avec les plébéiens, pour que ceux-ci ne pussent compter leur petit nombre dans les curies, attendre, réunis, les décisions du sénat, ou assister en foule menaçante aux jugements de leurs tribunaux, avaient consacré les nundines à Jupiter, et s’étaient interdit, pendant leur durée, toute délibération et toute affaire[30]. Cependant on attribue au dictateur Hortensius une autre disposition qui montrerait le désir sincère de prévenir les excès de la démocratie en fortifiant dans la constitution l’élément aristocratique : les sénatus-consultes auraient été élevés au rang de lois générales et, comme les plébiscites, devaient lier tous les ordres[31]. La chose n’est point certaine, mais on verra la puissance législative du sénat s’étendre, à des matières de plus en plus nombreuses. Une création de ce temps n’a point de caractère politique, mais doit être placée à sa date. Vers 292 il fut institué une magistrature de rang secondaire, les triumvirs capitaux[32] qui remplacèrent les quæstores parricidii. Nommés dans une assemblée du peuple que présidait un préteur, ils étaient chargés de rechercher les crimes, de recevoir les témoignages contre les coupables et, après le jugement, d’assurer l’exécution de la sentence. Ils aidaient les édiles à faire la police des rues, à recouvrer les amendes que ceux-ci avaient prononcées et pouvaient, pour quelque délit, faire bâtonner les esclaves et les petites gens. Plaute les connaît déjà : Si les triumvirs me rencontraient à cette heure de la nuit, fait-il dire à Sosie[33], ils me fourreraient en prison, et, demain, on me tirerait de leur cage pour me donner les étrivières sans écouter mes raisons. Huit vigoureux gaillards battraient l’enclume sur mon dos. Nous savons qu’ils firent mettre Nævius aux fers pour punir la hardiesse de ses vers[34]. Par l’ensemble des lois promulguées depuis 367, non seulement l’égalité politique était conquise, mais le privilège était maintenant du côté des plébéiens. Éligibles à toutes les magistratures, avec le droit d’occuper à la fois les deux places de consul et de penseur, ils conservaient exclusivement plébéiennes les charges de tribuns et d’édiles plébéiens. Par leur veto, les tribuns arrêtaient les décrets du sénat, les actes des consuls et les propositions législatives ; par leur droit d’accusation, ils plaçaient les magistrats impopulaires sous la menace d’une inévitable condamnation. Les assemblées curiates étaient annulées, et les comices par tribus obligeaient par leurs plébiscites tous les ordres. Cependant l’aristocratie elle-même et surtout la fortune de Rome devaient gagner à cette égalité si douloureusement consentie. L’aristocratie s’ouvrait à tous, il est vrai ; mais c’était pour attirer, pour absorber dans son sein et au profit de son pouvoir tous les talents, toutes les ambitions. Séparée du peuple, elle se serait vite énervée ; désormais le meilleur du sang plébéien monta jusqu’à la tête ; comme une branche entée sur un tronc puissant, elle fut nourrie d’une sève féconde, et l’arbre dont les racines plongeaient profondément dans le sol fut assez fort pour étendre au loin ses rameau. Un fait obscur montre d’ailleurs que, si la loi avait
décrété l’égalité, en permettant à chaque homme de talent et de courage d’aspirer
à tout, ce qui est une grande force pour l’État, la société gardait ses
traditions de famille qui en sont une autre. En 295, pour détourner l’effet
de présages sinistres, le sénat avait prescrit deux jours de prières
publiques. À cette occasion, un débat éclata
entre les dames romaines, dans le petit temple de L’histoire est édifiante et la vertu des matrones y brille ; mais on y voit aussi des rivalités jalouses que les femmes au moins n’oubliaient pas, et ce respect du sang, de la race, qui empêcha toujours la société romaine de tomber dans la démagogie. D’ailleurs les chefs de la plèbe, n’ayant plus rien à prendre ou à détruire, vont se faire conservateurs. C’est dans la logique des passions et dans celle de l’histoire. Des lois concernant l’État, passons à celles qui se rapportent à la condition des fortunes privées. |
[1] On y fit de nouvelles constructions pour le rendre inaccessible du côté du Tibre, où l’on avait cru jusqu’à l’invasion gauloise que le fleuve suffisait à en défendre les approches.
[2] Duumviri perduellionis.
[3] Tite-Live, VI, 14-20.
[4] .... inimicorum oppressus factione (Serv., in Æn., VIII, 652).
[5] ... Parva, ut plerumque solet, rem ingentem moliundi causa intervenit (Tite-Live, VI, 54).
[6] Tite-Live, VI, 35 ; Columelle, I, 3 ; Denys, VIII, 73.
[7] Les magnifiques
débris qui subsistent du temple de
[8] Denys d’Halicarnasse, VII, 41.
[9] .... Quod pro consule uno plebeio tres patricios magistratus.... nobilitas sibi sumpsisset (Tite-Live, VII, 1). L’édilité curule forma un collège composé, comme l’édilité plébéienne, de deux membres ; il n’y eut d’abord qu’un préteur.
[10] Cicéron (de Leg., III, 5) nomme les édiles : Curatores urbis, annonæ, ludorumque solemnium.
[11] Tite-Live, VI, 42 ; VII, 1 : .... postea promiscuum fuit.
[12] Il y eut deux préteurs en 312, quatre en 227, six en 197, huit sous Sylla. On verra plus loin les motifs de ces diverses augmentations.
[13] Tite-Live, VII, 4, 5.
[14] L’année précédente fut marquée par I’établissement du vingtième sur les affranchissements. Cet impôt fut établi au sujet des prisonniers privernates, relâchés sur rançon par les soldats du consul Marcius. Son collègue Manlius l’avait fait voter par son armée dans un camp près de Sutrium. Les tribuns acceptèrent la loi, mais établirent la peine de mort pour celui qui renouvellerait ce dangereux précédent d’appeler une armée à délibérer. (Tite-Live, VII, 16.) Notons que cet impôt devait être payé en or et versé tout entier au trésor, où il constitua une réserve à laquelle il fut interdit de toucher ; excepté dans les nécessités extrêmes.
[15] Marcius et Popilius furent quatre fois consuls, Plautius et Genucius trois fois, etc. Il paraît même qu’un seul magistrat aurait réuni plusieurs charges.
[16] Le passage est si étroit qu’il suffit d’une tour et d’une porte pour le fermer. C’est là qu’était naguère la limite entre les États de l’Église et le royaume napolitain.
[17] Tite-Live, VII, 38-42 : Lex sacrata militaris.
[18] Le légionnaire sous les drapeaux ne pouvait être poursuivi par ses créanciers, et, si la campagne était heureuse, il se trouvait en état, avec sa part de butin, de payer ou de diminuer ses dettes.
[19] Tacite, Annales, VI, 16.
[20] La loi d’Horatius et de Valerius avait donné aux résolutions des tribus force de loi, en les soumettant à la sanction du sénat, patrum auctoritas. Publilius les affranchit de cette sanction post eventum, en les subordonnant, comme les lois centuriates, à l’approbation préalable du sénat. Comme pouvoir électoral, les comices par tribus nommaient les édiles, les questeurs et les tribuns.
[21] ... Ut legum, quœ comitiis centurialis ferrentur, ante initum suffragium patres auctores fierent (Tite-Live, VIII, 12).
[22] Cicéron, pro Flacco, 7 : O morem præclarum disciplinamque, quam a majoribus accepimus.... Nullam illi... vim contionis esse voluerunt, etc. ; et il oppose toutes les précautions prises par les anciens Romains aux assemblées tumultuaires des Grecs où l’on votait à main levée dès que l’orateur s’arrêtait.
[23] Aulu-Gelle, XIII, XV. Je n’ai pas besoin d’ajouter qu’il arriva souvent, aux derniers siècles de la république, que l’assemblée qui délibérait précédât immédiatement celle qui votait, ce qui diminuait singulièrement le mérite des précautions anciennement prises.
[24] Dion, XXXIX, 55.
[25] Cette loi fit passer des consuls aux censeurs le droit de dresser la liste des sénateurs, mais en les obligeant à choisir les nouveaux membres, ex omni ordine optimum quemque, parmi les anciens magistrats curules, les questeurs, les édiles plébéiens et les tribuns. Or, dans l’espace d’un lustre, il y avait 50 tribuns et 10 édiles, de sorte que les plébéiens ne tarderont pas à se trouver en majorité dans le sénat. Cf. Tite-Live, XXII, 49 : .... senatores aut qui eos magistratus gessissent unde in senatum legi deberent.
[26] Les saliens, les frères Arvales, les fériaux et le rex sacrorum, qui n’avaient aucun rôle politique, furent toujours pris parmi les patriciens.
[27] Le calendrier indiquait les jours et les heures où l’on pouvait légalement plaider. Ces jours variant chaque année, il fallait, avant Flavius, pour les connaître, consulter les pontifes ou ceux des patriciens qui étaient initiés à ces calculs mystérieux.... a paucis principum quotidie petebat (Pline, XXXIII, 6). Les Tables de Flavius, où se trouvaient révélés les legis actiones, les actus legitimi, les dies fasti, nefasti, et intercisi, formèrent le jus Flavianum. Les patriciens ayant imaginé de nouvelles formules, Sextus Ælius Catus les dévoila de nouveau en 202 ; on donna à son travail le non de jus Ælianum.
[28] Cicéron, Brutus, 14.
[29] ... Itaque eo modo legibus plebiscita exæquata sunt (Gaius, Inst., I, 3).
[30] Nundinas Jovi sacras esse (Macrobe, Saturnales, I, XVI).
[31] Théophilos, un des jurisconsultes de Justinien, au liv. I, tit. 2, § 5, de sa très utile paraphrase grecque des Institutes, célèbre Hortensius comme un véritable ami de son pays, qui mit fin aux querelles séculaires des deux ordres.
[32] Tite-Live, Épitomé, XI, et Digeste, I, 2, 2 et 50 : Triumviri capitales qui curceris custodiam haberent ut, cum animadverti oporteret, interventu corum fieret.
[33] Amphitr., I, I, 3-6.
[34] Aulu-Gelle, III, III.
[35] Tite-Live, V, 23.