HISTOIRE DES ROMAINS

 

DEUXIÈME PÉRIODE — ROME SOUS LES CONSULS PATRICIENS (509-567) - LUTTES INTÉRIEURES - FAIBLESSE AU DEHORS

CHAPITRE IX — EFFORTS POUR OBTENIR L’ÉGALITÉ POLITIQUE (449-400).

 

 

I. — RÉTABLISSEMENT DU TRIBUNAT ET DU CONSULAT.

La révolution de 510, faite par les patriciens, avait profité à l’aristocratie ; celle de 449, faite par le peuple, profita au peuple. Les décemvirs avaient abdiqué, et deux sénateurs populaires, Valerius et Horatius, étaient allés sur le mont Sacré promettre le rétablissement du tribunat et du droit d’appel, étendu à tous les citoyens, avec une amnistie pour ceux qui avaient pris part 1 la révolte. Le peuple revint sur l’Aventin, et, afin d’assurer l’exécution de ces promesses, occupa encore une fois le Capitole[1]. Mais on ne songeait pas à lui disputer la victoire. Le grand pontife tint les comices pour l’élection de dix tribuns ; puis on nomma consuls Horatius et Valerius, qui garantirent par plusieurs lois la liberté restaurée.

La première de ces lois défendit, sous peine de mort, de jamais créer une magistrature sans appel[2]. La seconde donna force de loi aux plébiscites, c’est-à-dire que les résolutions prises dans l’assemblée des tribus n’auraient plus besoin que de la sanction préalable du sénat, auctoritas patrum, comme les résolutions des centuries, pour devenir des lois générales[3]. La troisième renouvela l’anathème prononcé contre quiconque porterait atteinte à l’inviolabilité tribunitienne. La quatrième ordonnait qu’une copie de tous les sénatus-consultes, contresignée par les tribuns de la lettre T[4], afin de prévenir toute, falsification, serait remise aux édiles plébéiens et conservée par eux dans le temple de Gérés, sur I’Aventin. Une autre copie fut sans doute gardée par les questeurs dans le temple de Saturne. Le tribun Duilius fit encore passer cette loi : que le magistrat qui négligera die tenir les comices à la fin de l’année, pour l’élection des tribuns au peuple, soit puni des verges et de la hache[5].

La liberté était assurée, mais le sang versé demandait vengeance. Virginius accusa les décemvirs. Appius, leur chef, se tua dans sa prison avant le jugement ; Oppius, après lui e plus odieux, finit de même. Les autres s’exilèrent ; on confisqua Durs biens au profit du temple de Cérès. Le peuple se contenta de ces deux victimes, et Duilius déclara qu’il opposerait son veto à toute accusation nouvelle.

Cependant les deux consuls avaient repris les opérations militaires contre les Èques et les Sabins, et ceux-ci furent si bien battus par Horatius, qu’ils restèrent en paix avec Rome pendant un siècle et demi. Au retour les consuls demandèrent le triomphe ; jusqu’alors le sénat seul avait eu le droit de l’accorder : il refusa. Le tribun Icilius le fit décréter par le peuple, et les consuls triomphèrent non seulement des ennemis, mais des patriciens. Ce furent encore les tribuns qui, mêlant peu à peu le peuple aux plus grandes alaires de l’État, décidèrent dans le débat entre Ardée et Aricie[6].

Cette affaire doit nous arrêter un moment, car elle a donné lieu à un de ces trop rares récits qui nous montrent l’intérieur des cités italiennes. Ardée, très vieille cité latine à 4 milles de la mer, et Aricie, célèbre dans l’antiquité par son terrible temple de Diane et chez les modernes par son gracieux lac Nemi, se disputaient le territoire de la ville de Corioles, détruite dans une dis guerres contre les Volsques. Après plusieurs combats, elles choisirent Rome pour arbitre. Le sénat renvoya l’affaire au peuple, qui, à l’instigation des grands, joua le rôle du juge dans la fable des Plaideurs : il s’adjugea le territoire contesté. Les Ardéates, plus charmés de la déconvenue d’Aricie qu’irrités d’avoir perdu leur procès, ou du moins les nobles, qui avaient besoin d’une alliance étrangère contre la plèbe ardéatine, firent avec Rome un traité qui livrait aux Romains des terres fertiles. Cette convention parut-elle aux plébéiens d’Ardée une trahison, ou furent-ils blessés de quelque autre mesure ? On ne sait ; mais, peu de temps après, ils quittaient la ville, et, au lieu de garder, dans cette sécession, la patriotique réserve que les historiens de Rome accordent aux sécessionnistes du mont Sacré ou de l’Aventin, ils revinrent sur Ardée avec une armée volsque. Les patriciens et leurs clients, incapables de se défendre, invoquèrent le secours de leurs récents alliés. Ceux qu’on appelait des rebelles furent vaincus par une armée romaine, et leurs chefs périrent sous la hache. Pour repeupler la ville a moitié déserte, Rome y envoya une colonie ; mais les triumvirs chargés par elle du partage des terres donnèrent les meilleures à leurs amis d’Ardée : aussi la colère contre eux fut si vive parmi le peuple de Rome, que, n’osant pas reparaître devant lui, ils restèrent dans la colonie ou ils s’étaient sans doute attribués bon nombre de jugera bien choisis. Cette histoire fait voir dans les cités latines les mêmes divisions qu’à Rome et, chez tous ces peuples, des façons d’agir qui prouvent que les anciens comprenaient la justice autrement que nous, ou du moins autrement que nos traités de morale ne la définissent.

L’année 449 n’avait pas enlevé aux patriciens tous leurs privilèges. Rome a encore deux classes, mais elle n’a plus qu’un peuple, et les chefs de la plèbe siégeant dans le sénat vont, après la lutte entreprise pour obtenir l’égalité civile, en commencer une autre pour gagner l’égalité politique.

Dans une révolution, en effet, le parti qui a renversé l’obstacle ne peut s’arrêter court ; l’élan l’emporte au delà du but d’abord marqué, et il en conserve longtemps une force dont ses chefs savent tirer profit, quelquefois dans l’intérêt public, plus souvent dans celui de leur ambition. Après la victoire, les tribuns se servirent de ce reste d’énergie pour achever l’œuvre des décemvirs et accomplir la loi Terentilia. Les patriciens avaient plus d’une fois essayé de se glisser au tribunat ; la loi Trebonia leur en ferma à jamais l’entrée. Ils s’étaient réservé le pouvoir judiciaire, excepté dans le cas de sentence capitale contre un citoyen, et l’administration des finances, en laissant aux consuls le droit de nommer eux-mêmes les questeurs du trésor. Les tribuns obtinrent en 447 que les quæstores parricidii et les quæstores ærarii seraient à l’avenir nommés dans les assemblées par tribus, quoique ces deux charges restassent patriciennes[7].

Deux choses maintenaient l’outrageante distinction des deus ordres : l’interdiction des mariages entre patriciens et plébéiens, et l’occupation de toutes les magistratures par ceux qui formaient depuis l’origine de Rome le peuple souverain des patres. En 445 le tribun Canuleius demanda l’abolition de la défense relative aux mariages, et ses collègues, le partage du consulat. C’était demander l’égalité politique.

 

II. — NOUVELLE CONSTITUTION DE L’AN 454.

Nous savons aujourd’hui que toute aristocratie qui ferme ses rangs périt bientôt, parce que le temps et le pouvoir usent vite les familles politiques. Sans connaître cette vérité d’histoire, le patriciat romain agit comme s’il la comprenait, et cette intelligence des nécessités publiques fit la grandeur de Rome. Après une résistance habilement calculée pour opposer au torrent populaire une digue qui amortit sa force sans l’exciter, les grands cédaient toujours ; mais, comme une armée disciplinée qui jamais ne se lisse rompre, ils reculaient pour prendre sur un autre point une forte défensive. Ainsi se prolongea cette guerre intérieure qui forma la buste jeunesse dit peuple romain.

Quand les pères entendirent la nouvelle et audacieuse demande du tribun, l’indignation éclata. Ainsi donc, disait Claudius, dans son orgueil héréditaire, ainsi rien ne restera pur ; l’ambition plébéienne viendra tout souiller, et l’autorité consacrée par le temps, et la religion, et les droits des familles, et les auspices et les images des aïeux. — Mais le peuple usa du moyen qui lui avait deux fois servi ; il se retira en armes sur le Janicule[8] ; et le sénat, pensant que les mœurs seraient plus fortes que la loi, accepta que désormais il pourrait y avoir de justes noces entre patriciens et plébéiens.

Cette barrière tombée, il n’était plus possible d’interdire aux plébéiens l’accès des charges curules. Cependant, à force d’habileté, le patriciat à demi vaincu se défendit quarante-cinq ans encore. Car il avait dans cette lutte les dieux mêmes pour alliés, par la croyance profondément enracinée dans le peuple que la main d’un noble pouvait seule offrir pour l’État des sacrifices favorables. Les collègues de Canuleius demandaient, au nom des plébéiens, une place de consul et deux de questeurs du trésor. Le sénat accorda que les questeurs du trésor seraient indistinctement[9] choisis dans les deux ordres ; et, grâce à cette latitude, on ne vit longtemps que des patriciens dans cette charge. Quant au consulat, il aima mieux le démembrer. A ce pouvoir royal on avait enlevé déjà le droit d’accomplir certains sacrifices (rex sacrorum), la garde du trésor (quæstores ærarii) et l’instruction des affaires criminelles (quæstores parricidii) ; deux nouveaux magistrats, sine imperio, c’est-à-dire sans autorité militaire ni juridiction, les censeurs, créés en 443, pour cinq ans d’abord, pour dix-huit mois ensuite (434), héritèrent du droit consulaire de faire le cens et de régler les classes, d’administrer le domaine public et d’affermer au plus fort enchérisseur la levée de l’impôt sur les terres publiques, de surveiller les mœurs et, plus tard, de dresser la liste des sénateurs et des chevaliers[10]. Aussi finiront-ils par prendre le premier rang dans l’État, et il sera interdit d’occuper deux fois une charge devenue le suprême honneur de la cité.

Restaient aux consuls les fonctions militaires, la justice civile, la désignation des nouveaux sénateurs, la présidence de la curie et des comices, la garde de la ville et des lois ; on les donna, mais divisées entre plusieurs, sans les honneurs curules, avec six licteurs au lieu de douze, et sous le nom plébéien de tribun, à trois, quatre ou six généraux. A ces tribuns militaires, créés sans auspices[11], la religion interdit d’abord une des plus importantes prérogatives des consuls, la nomination d’un dictateur[12]. Simples lieutenants, pour ainsi dire, d’un magistrat invisible, mais que le sénat connaît et inspire, ils ne combattent pas sous leurs propres auspices, et jamais ils ne pourront obtenir la plus enviée des récompenses militaires, le triomphe[13]. Ce qu’ils ont de pouvoir se partage encore, entre eux, suivant leur nombre. Ceux-là vont à la tête des légions, celui-ci commande la réserve, un autre les vétérans, un autre encore veille aux arsenaux et aux approvisionnements pour les troupes. Un seul est investi des fonctions religieuses et judiciaires des consuls : c’est le préfet, de la ville, président du sénat et des comices, gardien de la religion, des lois et de tous les intérêts de la cité[14]. Aussi le sénat aura soin que ces prérogatives, qui renferment aussi les attributions données plus tard aux préteurs, avec le privilège important de désigner les juges, restent aux mains d’un patricien[15]. Quand les plébéiens auront forcé l’entrée du tribunat consulaire, une place au moins sera toujours réservée pour un candidat de l’autre ordre[16].

Des débris du consulat, trois charges se sont formées : la questure, la censure et le tribunat consulaire. Les deux premières sont exclusivement patriciennes. Les tribuns militaires, véritables proconsuls réduits, un seul excepté, au commandement des légions, pourront être indistinctement choisis dans les deux ordres. Mais la loi, en n’exigeant pas que chaque année un nombre déterminé d’entre eux soient plébéiens, permet qu’ils soient tous patriciens ; et ils le seront pendant prés d’un demi-siècle[17].

Malgré de si habiles précautions, le sénat ne renonçait pas au consulat. Il tenait en réserve et pure de toute souillure la magistrature patricienne, attendant pour elle des jours meilleurs. La dictature, qui n’était pas effacée du nouveau code constitutionnel, et le droit d’opposition des pères restaient aussi comme une dernière ressource pour les cas extrêmes. La religion enfin servait toujours les intérêts de l’aristocratie ; et si, malgré l’influence des grands dans les assemblées, malgré le pouvoir arbitraire du président des comices, qui avait le droit de refuser les votes pour un candidat ennemi, la majorité des suffrages se portait sur un homme nouveau, son élection pouvait encore se briser contre une décision des augures. Au besoin, Jupiter tonnait.

 

III. — LUTTES POUR L’EXÉCUTION DE LA NOUVELLE CONSTITUTION.

Quelque habileté qu’eût déployée le sénat, le principe de l’égalité politique venait de triompher, et le partage des magistratures curules n’était plus qu’une question de temps. Ce temps fut long, car il ne s’agissait plus ici de satisfaire des intérêts généraux, mais seulement l’ambition de quelques chefs du peuple. Aussi l’attaque, bien que vive, fut mal soutenue ; et les plébéiens, contents du nom, laissèrent longtemps la chose[18]. Nous les verrons, au moment suprême, prêts à abandonner Licinius Stolon et le consulat pour quelques arpents de terre.

La constitution de 444 autorisait à nommer des plébéiens au tribunat consulaire ; jusqu’en 400, pas un seul n’y parvint ; et durant les soixante-dix-huit années que cette charge subsista, le sénat fit nommer vingt-quatre fois des consuls, c’est-à-dire qu’il chercha, et réussit une année sur trois, à rétablir l’ancienne forme de gouvernement[19].

Ces perpétuelles oscillations encouragèrent les ambitieuses espérances d’un riche chevalier, Spurius Mælius (439). Il crut que les Romains abdiqueraient volontiers, entre ses mains, leur orageuse liberté, et, durant une famine, il fit aux pauvres d’abondantes aumônes. Le sénat s’alarma de cette charité, qui n’était point dans les mœurs de ce temps, et fit élever à la dictature Cincinnatus, qui, en prenant possession de sa charge, pria les dieux de ne pas permettre que la vieillesse fût pour la république une cause d’affronts ni de dommages. Cité au tribunal du dictateur, Mælius refusa de répondre et chercha au milieu de la foule qui couvrait le Forum une protection contre les licteurs. Mais le maître de la cavalerie, Serv. Ahala, l’atteignit et le berça de son épée. Malgré l’indignation du peuple, Cincinnatus approuva son lieutenant, fit démolir la maison du traître, et le préfet de l’annone, Minucius Augurinus, vendit, au prix d’un as le modius, le blé amassé par Mælius[20]. Tel est le récit de l’ami des grands[21] ; mais, à cette époque, songer à rétablir la royauté eût été un rêve insensé que Spurius n’a pu faire. Sans doute il a voulu arriver, par la faveur publique, au tribunat militaire, et, pour intimider les candidats plébéiens, les patriciens l’auront frappé, en lui imputant l’accusation que Tite-Live développe complaisamment par la bouche de Cincinnatus, d’avoir aspiré à la royauté. La foule se laisse toujours conduire par des mots, et le sénat avait eu l’art de réunir sur ce mot toutes les haines populaires. Le coup réussit : pendant les onze années suivantes le peuple laissa nommer neuf fois des consuls[22]. Il y eut cependant, en 433, un dictateur plébéien, Mamercus Æmilius, qui réduisit à dix-huit mois la durée de la censure.

Ces neuf consulats rendirent aux grands une telle confiance, que le sénat lui-même eut à souffrir de l’orgueilleuse indiscipline des consuls de l’année 428. Vaincus par les Èques, ils refusaient de nommer un dictateur. Pour triompher de leur résistance, le sénat recourut aux tribuns du peuple, qui menacèrent de faire traîner les consuls en prison[23]. Ce fut un spectacle nouveau que celui de l’autorité tribunitienne protégeant la majesté du sénat. De ce jour la considération du tribunat égala sa puissance, et peu d’années se passèrent sans que les plébéiens obtinssent quelque nouvel avantage.

Trois ans plus tôt, jaloux de voir les suffrages se porter toujours sur les grands, les tribuns avaient proscrit les robes blanches qui désignaient de loin, à tous les yeux, le candidat patricien[24] : c’était une première loi contre la brigue.

En 430 une loi mit un terme à l’arbitraire des amendes payées eu espèces[25].

En 427 les tribuns, par leur opposition aux levées, obligèrent le sénat à porter aux comices centuriates la question de la guerre contre Véies[26].

En 423 ils renouvelèrent la loi agraire et demandèrent que la dîme, plus exactement payée, à l’avenir, par les détenteurs du domaine, fût appliquée à la solde des troupes.

Ils échouèrent cette fois ; mais en 421 il parut nécessaire de porter de deux à quatre le nombre des questeurs ; le peuple n’y consentit qu’à la condition que la questure serait accessible aux plébéiens.

Trois ans plus tard, 3000 arpents du territoire de Labicum furent distribués à quinze cents familles plébéiennes. C’était bien peu : aussi le peuple réclama, en 414, le partage des terres de Bola conquises sur les Èques. Un tribun militaire, Postumius, s’y étant vivement opposé, fut tué dans une émeute de soldats. Ce crime, inouï dans l’histoire des armées romaines, fit tort à la cause populaire ; il n’y eut pas de distributions de terres, et, pendant cinq années, le sénat put faire nommer des consuls. Cette réaction patricienne en amena une autre dans le sens contraire, qui ne se termina que par la franche exécution de la constitution de l’an 444. Un Icilius, en 412, Mænius, en 410, reprirent la loi agraire et s’opposèrent aux levées. L’année suivante trois Icilius furent nommés tribuns. C’était une menace pour l’autre ordre. Les patriciens le comprirent, et en 410 trois plébéiens arrivèrent à la questure.

En 405 la solde fut établie pour les troupes, et les riches se chargèrent d’en payer la plus forte part.

Enfin, en 400, quatre tribuns militaires sur six furent plébéiens.

Les chefs du peuple arrivaient donc aux charges et jusqu’au sénat, et les pauvres obtenaient une indemnité qui nourrissait leurs familles tant qu’ils restaient sous les drapeaux. Toutes les ambitions, tous les désirs, sont pour le moment satisfaits. Le calme et l’union rentrent dans Rome : on s’en aperçoit à la vigueur des coups qu’elle porte au dehors.

 

 

 

 



[1] Cicéron, pro Cornel., I, fr. 25.

[2] Tite-Live, III, 55.

[3] Denys, XI, 45. M. Willems (le Droit public romain, p. 61) pense qu’à partir de ce moment les patriciens et leurs clients furent admis, sinon en droit du moins en fait, aux concilia plebes. Les centuries conservèrent les jugements des crimes capitaux, l’élection aux grandes magistratures, le droit de faire les lois les plus générales et de décider de la paix et de la guerre. Le pouvoir législatif des tribus s’exerça à propos des questions d’ordre intérieur et surtout pour le maintien et l’extension des droits populaires. Aulu-Gelle (Noct. Attic., X, XX, 6) définit le plébiscite : lex quam plebes, non populus, accipit.

[4] Val. Max., II, II, 7 ; Tite-Live (II, 55) dit : senatusconsulta quæ antea arbitrio cousulum supprimebantur viliabanturgue.

[5] Tite-Live, III, 55 ; Diodore, XII, 25. Une autre loi, provoquée par Trebonius, obligea de nommer toujours dix tribuns, et défendit la cooptation.

[6] Tite-Live, III, 71.

[7] Tacite, Ann., XI, 22.

[8] Florus, I, 25. Tertiam seditionem..., in monte Janiculo.... duce Canuleio. Les patriciens seuls pouvaient prendre les auspices. Ce privilège, nécessaire pour la connaissance de tous les mystères de la religion et du droit, leur donnait un caractère religieux, qu’à la longue, par le mélange des familles, les plébéiens auraient partagé. De là la vive opposition du sénat à une loi qui devait mêler les deux ordres. Quand Clisthène voulut fortifier, à Athènes, l’élément démocratique, il supprima les sacra privata.... (Aristote, Pol., VI, II, 11).

[9] Tite-Live, IV, 43 : promiscue. Les questeurs étaient dépositaires des deniers publics, c’étaient eux qui ouvraient et fermaient le trésor, où étaient aussi déposées les enseignes des légions.

[10] Pâturages, bois, pêcheries, salines, mines, droits de port, etc. (Tite-Live, XXXII, 7 ; XL, 51.) Sur les attributions des censeurs, voyez Cicéron, de Leg., III, 3 ; Hist. Auguste, Valerius, 2. Mais toutes ces attributions ne leur furent pas données dès le principe. Tite-Live dit (IV, 8) :...Res a parva origine orta. La première mention d’une lectio senatus par les censeurs est de l’année 312 (Tite-Live, VIII, 29-30), ce qui, du reste, ne veut pas dire qu’il n’y en ait pas eu auparavant.

[11] On le peut conclure du discours d’Appius (Tite-Live, VI, 41), nullus auspicato. Du moins n’avaient-ils pas les maxima auspicia (Aulu-Gelle, XIII, XV). Tite-Live dit même (V, 18) qu’ils furent nommés dans l’assemblée profane des tribus ; il est vrai qu’il se contredit ailleurs (V, 13).

[12] Religio obstaret.... (Tite-Live, IV, 31). Cependant, en 423 dans un danger pressant, les augures lèvent cette défense, et le tribun consulaire, préfet de la ville, Corn. Cossus, nomme un dictateur.

[13] Zonare, VII, 19, confirmé par le silence des fastes triomphaux. Le triomphe n’était accordé qu’à ceux qui avaient vaincu suis auspiciis.

[14] Tite-Live, VI, 5. En 424 quatre tribuns, e quibus Cossus præfuit Urbi ; de même en 431, en 383, etc.

[15] Une seule fois, en 396, Tite-Live nomme six plébéiens. Mais, au lieu de P. Mœlius, les nouveaux fragments des Fastes et Diodore (XIV, 90) nomment Q. Manlius.

[16] Quant aux fréquentes variations du nombre des tribuns consulaires, chose si étrange dans l’antiquité romaine, elles s’expliquent en ne faisant des tribuns consulaires que de simples généraux. Leur nombre croît suivant les besoins. De 443 à 432, ils sont trois, deux pour les légions, un pour rester comme préfet dans la ville. En 425, après la déclaration de guerre de Véies, on en nomme quatre. Si l’on monte à six en 404, c’est encore pour la guerre contre les Véiens. Quand ils sont huit, c’est peut-être, comme l’a soutenu Perizonius, que les censeurs avaient été comptés dans leur collège.

[17] De 444 à 400.

[18] Tite-Live dit, il est vrai, imperio et insignibus consularibus usos ; mais tout ce qui précède met hors de doute l’infériorité des tribuns sur les consuls. Si le nom seul avait été changé, les tribuns du peuple n’auraient pas mis une telle opiniâtreté à demander le consulat lui-même. Il n’y a jamais de querelle de mots, dit quelque part Mme de Staël.

[19] C’était sur la proposition du sénat que les centuries décidaient chaque année si on élirait des tribuns militaires ou des consuls. II ne proposait ordinairement des tribuns que quand ou était menacé d’une guerre ; la formule ordinaire, lors de l’élection des consuls, était : pax et otium domi forisque.

[20] Tite-Live, IV, 16 ; Florus, I, 26 ; Cicéron, Catilina, I, 1.

[21] Tite-Live, IV, 12.

[22] En trente-cinq années, de 444 à 409, le sénat fit nommer vingt fois des consuls.

[23] Tite-Live, IV, 26.

[24] En 431. Cf. Tite-Live, IV, 25.

[25] Cicéron, de Rep., II, 35 ; Tite Lire, IV, 30. La loi fixa la valeur en argent d’un bœuf et d’un mouton : un bœuf à 100 as, un mouton à 10.

[26] Tite-Live, IV, 30. En 330 ce sont les tribus qui décident que la guerre sera faite aux Volsques. (Tite-Live, VI, 21.)