ACILIUS
GLABRIO (MANIUS), le plus célèbre
Romain de la famille Acilia, qui,
quoique plébéienne, parvint aux premiers honneurs de la république. L.
Acilius Glabrio, aïeul de Manius, avait été trois fois tribun du peuple.
Manius commença par exercer différentes charges, et, avec une seule légion,
étouffa en Étrurie une révolte d’esclaves. L’an de Rom 563 (191 ans av. J.-C.), il fut consul avec P.
Corn. Scipion Nasica. Le sort le désigna pour commander en Grèce et combattre
Antiochos, roi de Syrie. Il traversa aussitôt la mer Ionienne avec 20.000
hommes d’infanterie, 2.000 chevaux et quinze éléphants. Ayant joint ses
troupes à celles de Philippe, roi de Macédoine, alors allié des Romains, il
subjugua toute la
Thessalie, passa le Sperchius, et ravagea la Phtiotide. Antiochus,
qui s’était emparé du fameux défilé des Thermopyles, fit garder les sommets
du mont Œta par 2.000 Étoliens. Acilius, sentant la difficulté de les chasser
de ce poste, s’adressa à Caton, son lieutenant, qui lui promit de l’enlever,
et y parvint aptes des efforts prodigieux. Cette action éclatante décida du
sort de la journée : les Syriens, qui avaient jusque-là assisté
courageusement, mais qui d’ailleurs étaient inférieurs en nombre, prirent la
fuite et furent taillés en pièces. Alors les Béotiens, qui s’étaient déclarés
pour Antiochus, parurent devant le consul dans une attitude suppliante.
Acilius les traita humainement : la seule ville de Coronée, qui avait élevé
une statue à Antiochus, fut victime de la fureur et de la cupidité des
légions. Après avoir traversé en vainqueur la Béotie, Acilius s’empara
de Chalcis et de toute l’Eubée ; puis, reprenant sa marche vers les
Thermopyles, il assiégea Héraclée, et, malgré une vigoureuse résistance, s’en
empara, tant par stratagème que par force. La prise de Lamia suivit celle
d’Héraclée. Les Étoliens envoyèrent à Acilius une députation pour obtenir des
conditions supportables. Jamais la fierté des Romains ne parut plus à
découvert que dans la manière dont Acilius reçut ces envoyés. Il leur ordonna
de livrer leurs chefs et les rois leurs alliés, et ne répondit aux
observations respectueuses qu’ils lui adressèrent, qu’en faisant apporter des
chaînes dont il menaça de les faire charger. Les Étoliens indignés se
déterminèrent à continuer la guerre, et rassemblèrent toutes leurs forces aux
environs de Naupacte. Acilius marcha sur cette ville, après avoir offert, sur
le mont Œta, un sacrifice à Hercule. Il passa le dangereux mont Corax, où,
par l’impéritie de ses ennemis, il n’eut d’autres obstacles à surmonter que
ceux que lui opposa la nature des lieux. La vigoureuse résistance des
Étoliens arrêta pendant presque tout l’été l’armée consulaire devant
Naupacte, tandis que Philippe recouvrait une partie des États qui lui avaient
été enlevés. Flaminius, qui avait vaincu ce roi, et qui résidait à Chalcis
pour veiller aux intérêts de la république, fit sentir au consul que le roi
de Macédoine était bien plus à craindre pour Rome que les Étoliens, et
l’engagea à lever le siège de Naupacte. Acilius se rendit à la sagesse de ce
conseil : il accorda une trêve aux Étoliens, et ramena son armée dans la Phocide. Les
députés de l’Étolie ne purent obtenir la paix du sénat, et Acilius se
préparait à attaquer de nouveau Naupacte, lorsque Lamia secoua le joug.
Acilius marcha contre cette place, et la prit de nouveau. Son consulat étant
sur le point d’expirer, il hésita s’il remettrait le siège devant Naupacte ;
mais les Étoliens l’avaient fortifiée pendant la trêve, et il marcha sur
Amphissa, dont il se rendit maître. Il assiégea la citadelle, lorsqu’il
apprit que L. Corn. Scipion avait débarqué à Apollonie, à la tête de 13.000
hommes de renfort, et venait le remplacer. Acilius lui remit le commandement,
et revint à Rome, où il obtint un triomphe que les dépouilles du roi de Syrie
et de ses alliés rendirent magnifique. Dans la suite, il disputa la censure à
Caton, mais il se désista de ses prétentions. Pour acquitter un vœu qu’il
avait fait avant la bataille des Thermopyles, Acilius fit construire à Rome
un temple dit de la piété, qui fut ainsi nommé, parce qu’on l’éleva au lieu
où avait été la prison dans laquelle une jeune femme, appelée Térentia, avait
allaité son père condamné à mourir de faim. Le fils de Manius Acilius, étant
décemvir, fit la consécration de ce temple, et y plaça la statue de son père
en or pur. Jusqu’alors, on n’avait encore vu aucune statue de ce métal ni à
Rome, ni dans le reste de l’Italie.
ACILIUS GLABRIO, consul sous Domitien, l’an 91 de J.-C.,
avec M. Ulpius Trajan, qui depuis parvint à l’empire, était d’une force et
d’une adresse extraordinaire. C’en fut assez pour que l’empereur, qui ne
voyait dans les plus distingués des citoyens que les jouets de ses caprices,
l’obligeât à descendre dans l’arène, pendant son consulat, et à y combattre
un lion d’une grandeur prodigieuse. Glabrio le tua sans même avoir été blessé
; le peuple applaudit à son courage et poussa de grands cris de joie ; mais
ces acclamations causèrent la perte de Glabrio : Domitien, jaloux de ce qu’il
les avait excitées, le bannit sous un prétexte frivole, et, quatre années
après, le fit mourir comme coupable d’avoir tenté de troubler l’État.
Baronius a prétendu que l’attachement d’Acilius à la religion chrétienne fut
la cause de sa mort ; mais Dion, dont il invoque le témoignage, n’a rien dit
qui pût autoriser cette assertion.
|