Abgare

 

par Clavier - Durdent

 

 

ABGARE, nom de plusieurs souverains qui régnèrent sur l’Osrohène, pays de la Mésopotamie dans lequel était Édesse. L’un des plus célèbres est Abgare Mannus, que quelques historiens appellent aussi Abarus, Ariamne et Achare. Ce prince monta sur le trône vers l’an 37 avant J. C., époque à laquelle la Mésopotamie était soumise aux Romains ; il tenait par conséquent d’eux son autorité. Lorsque Crassus entreprit son expédition contre les Parthes, Abgare Mannus s’offrit à lui servir de guide, le conduisit à travers des déserts pour épuise son armée, et le fit enfin tomber entre les mains des Parthes. Plusieurs de ces rois ont fait des médailles en grec, qu’on trouve rassemblées dans l’ouvrage de Bayer intitulé : Historia Oshroena et Edessena ex nummis illustrata ; Petropoli, 1734, in-4°. CLAVIER.

 

ABGARE, l’un des successeurs du précédent, vivait du temps de Jésus-Christ et Procope dit qu’il jouissait de la faveur d’Auguste. Eusèbe, dans son Histoire ecclésiastique, rapporte que ce prince, attaqué d’une maladie très grave qu’aucune science humaine ne pouvait guérir, entendit parler des cures miraculeuses que Jésus-Christ opérait en Judée, qu’il lui écrivit pour le prier venir lui rendre la santé, et lui promit un asile contre ses ennemis. Le même historien ajoute que Jésus-Christ répondit au monarque, et que, quoiqu’il refusât de venir le voir, il promit de lui envoyer un de ses disciples. Eusèbe rapporte le texte de ces deux lettres, et ajoute qu’après l’ascension de Jésus-Christ, St. Thomas, un des douze apôtres, envoya dans Édesse Thaddée, l’un des soixante-dix disciples, qui convertit Abgare à la foi chrétienne, le guérit miraculeusement, et opéra plusieurs autres prodiges. Eusèbe ajoute qu’il ne parle que sur des rapports traduits littéralement de la langue syriaque. Malgré l’autorité de cet historien, qui n’élève aucun doute sur l’authenticité de cette histoire, il est permis de penser qu’elle est fabuleuse ; rien ne prouve qu’il ait possédé la langue syriaque, ni qu’il soit allé lui-même à Édesse, pour y consulter les traditions et les archives d’où il dit avoir tiré les deux lettres. Le fait n’est rapporté par aucun écrivain ecclésiastique antérieur à lui, et ceux qui lui sont postérieurs n’en ont parlé que rarement. St. Jérôme en fait mention dans ses Remarques sur St. Matthieu ; et il s’appuie sans doute sur l’autorité d’Eusèbe car il dit : L’Histoire ecclésiastique nous apprend que l’apôtre St. Thaddée fut envoyé à Édesse vers le roi Abgare. Sans s’arrêter aux raisons qui peuvent faire rejeter cette histoire, il suffira d’ajouter que la lettre de Jésus-Christ à Abgare parait avoir été inconnue aux pères de l’Église (qui étaient d’ailleurs persuadés que Jésus-Christ n’avait rien écrit) ; quelle n’est mentionnée dans aucun ancien catalogue de lois canoniques ; et qu’enfin elle ne parait point avoir fait partie du Nouveau Testament, où sans doute, une lettre écrite de la propre main de Jésus-Christ aurait obtenu la première place. Ajoutons encore qu’au concile de Rome, tenu en 494, sous le pape Gélase, cette lettre fut rejetée comme apocryphe. On a encore attribué au même prince le projet de faire la guerre aux Juifs pour venger le déicide qu’ils avaient commis sur la personne de Jésus-Christ (Voyez Basnage, Histoire des Juifs, liv. I, ch. 7, et les Prolégomènes sur la Bible, par Dupin, t. 2, ch. 6). On peut aussi consulter au sujet de la prétendue correspondance de Jésus-Christ avec Abgare, Tillemont, Mémoire pour servir à l’Histoire ecclésiastique, t. I ; L’Histoire ecclésiastique du P. Alexandre, t. I ; et la Bibliothèque des auteurs ecclésiastiques, du P. Dupin, t. I. DURDENT.