Le règne de Charles-Quint en Allemagne présente un double intérêt. Le système du gouvernement créé sous Maximilien pour maintenir la paix entre les Etats allemands, y subit sa première et sa plus rude épreuve : la réforme y naquit et y produisit les premières grandes luttes religieuses qui aient ensanglanté la chrétienté dans les temps modernes. Depuis longtemps l'Allemagne était déchirée par la rivalité des divers Etats qui la composaient. Chacun y pouvait impunément abuser de ses forces pour opprimer ses voisins. Electeurs, princes laïques ou ecclésiastiques, chevaliers, villes impériales, luttaient à qui mieux mieux de turbulence et d'ambition. Nulle part en Europe, l'absence de tout frein légal et le déchaînement des volontés individuelles ne produisirent tant de troubles et de violences. A la fin du XVe siècle, on sentit le besoin de mettre un terme à cet état de choses. On rendit au pouvoir impérial quelques débris de ses anciennes prérogatives. On établit la chambre impériale et on organisa les cercles allemands. On supprima ces tribunaux redoutés où la vengeance et la haine des faibles, coalisées contre l'orgueil menaçant des forts, empruntaient, pour s'assouvir, les formes d'une justice implacable et mystérieuse. Mais la nouvelle constitution n'avait point détruit ce vieil esprit d'indépendance locale qui fit de l'Allemagne, au moyen-âge, un corps sans tête dont les membres ne cessaient de se déchirer. Si les princes allemands avaient laissé l'autorité impériale se relever un peu de son abaissement, la nécessité seule avait pu les y déterminer. Sous Maximilien, leur salut paraissait attaché au rétablissement de l'unité dans l'empire. Le danger s'évanouit ensuite ; du moins ils le jugèrent éloigné. Alors l'empereur leur devint d'autant plus suspect qu'ils s'imaginaient lui avoir donné plus de moyens de les asservir eux-mêmes. Pour l'empêcher d'augmenter encore son pouvoir, ils cherchèrent à le dépouiller de nouveau. Ils avaient à peine créé la chambre impériale qu'ils retirèrent à Maximilien le droit d'en nommer les membres, de peur sans doute qu'il ne la remplît de ses créatures. L'immense puissance héréditaire de Charles-Quint devait leur porter bien plus d'ombrage. S'ils fixèrent sur lui leur choix, ce ne fut qu'à regret et parce que l'électeur de Saxe avait rejeté leurs suffrages. Puis, après l'avoir élu, ils lui donnèrent une nouvelle marque de défiance en lui imposant le serment de ne faire dans l'empire aucune innovation qui pût leur porter préjudice. Charles-Quint prêta ce serment de bonne grâce ; il abandonna ses domaines d'Allemagne à son frère Ferdinand, et cependant il ne put les convaincre de sa modération. Ses conquêtes en Italie augmentèrent leurs craintes. Il lui fallut user d'une circonspection extrême ; et, sans les formes d'obséquieuse déférence qu'ils affectaient à son égard, on eût dit plutôt un étranger puissant qui flatte et menace tour à tour de petits Etats voisins dont il recherche l'alliance, que le chef d'une grande nation imposant l'obéissance à ses sujets et leur dictant des lois. Telle ne fut point toutefois la cause première des secousses violentes qui sous ce prince ébranlèrent l'ordre politique en Allemagne. Sans le schisme religieux de Luther, aucun trouble grave n'y aurait sans doute éclaté. Charles-Quint se serait servi de son titre d'empereur uniquement pour fortifier sa puissance personnelle en Italie et pour repousser de l'Europe chrétienne les Musulmans, contre lesquels il protégea toujours les intérêts généraux de la chrétienté. Il n'eut point fait de longs séjours en Allemagne, et ses sujets allemands n'auraient guère eu à accuser que son indifférence à leur égard et son éloignement continuel de l'empire. Mais la grande question de la réforme divisa sous son règne l'Allemagne en deux camps opposés. Luther et ses nombreux prosélytes voulurent rétablir la primitive Eglise, en renversant ce qu'ils appelaient le royaume de Babylone et la souveraineté de Nemrod, le fort chasseur ; les catholiques s'indignèrent et demandèrent qu'on dressât des bûchers contre le novateur et ses partisans. Robertson a fort bien montré dans son Histoire de Charles-Quint combien l'esprit de cette époque était éloigné des idées de tolérance et combien les deux partis y restèrent également étrangers. L'Europe était accoutumée depuis plusieurs siècles, dit-il, à voir répandre ou soutenir par la force des opinions purement spéculatives. Cette indulgence et cette charité mutuelle que le christianisme recommande avec tant de sincérité étaient entièrement négligées ; on ignorait cette liberté de conscience qui permet à chacun de suivre son jugement en matière de doctrine ; enfin l'idée de tolérance, ce mot même dans le sens qu'on lui donne aujourd'hui, était inconnu. On pensait alors qu'employer la violence contre l'erreur était une des prérogatives naturelles de ceux qui avaient la connaissance de la vérité ; et, comme chaque parti prétendait posséder ce trésor, ils exerçaient tous, autant qu'il était en leur pouvoir, les droits qu'ils croyaient attachés à cette possession. Les catholiques romains, guidés par les décisions d'un juge infaillible, ne doutant jamais que la vérité ne fût de leur côté, réclamèrent hautement l'autorité civile contre les novateurs ; les protestants, qui n'avaient pas moins de confiance dans la bonté de leur doctrine, sollicitèrent à leur tour les princes de leur parti de réprimer ceux qui osaient la combattre ou s'y opposer. Luther, Calvin, Cranmer, Knox, fondateurs de la réformation dans leurs pays, lorsqu'ils en eurent le pouvoir et l'occasion, firent subir à tous ceux qui doutaient de la vérité de leur croyance les mêmes châtiments que l'Eglise romaine décernait contre leurs disciples. On eût cru, parmi leurs partisans et peut-être chez leurs adversaires, qu'ils se défiaient de la bonté de leur cause, s'ils n'eussent pas eu recours aux moyens violents qu'on jugeait permis pour faire triompher la vérité[1]. Charles-Quint n'avait point sans doute sur la tolérance religieuse d'autres idées que ses contemporains. Je sais qu'on a quelquefois contesté son orthodoxie. L'inquisition fit brûler comme hérétique son prédicateur favori, et dès le règne de son fils, un écrivain, que Ferréras cite sans le nommer, mettait audacieusement le vainqueur de Muhlberg parmi les protecteurs des nouvelles doctrines. Mais la vie de Charles-Quint, et surtout les dernières années de son règne, témoignent assez qu'il tenait fortement à la religion catholique. Rétablir l'autorité de l'Eglise fut toujours un de ses vœux les plus chers. Il ne perdait jamais de vue cette grande œuvre, même au milieu des affaires de toute espèce dont il était accablé. Sa correspondance nous témoigne qu'il travailla à mettre un terme au schisme grec, en réconciliant le czar de Russie, Iwan IV, avec le siège de Rome[2]. Mais s'il s'efforçait avec tant de zèle de ramener dans le sein de l'orthodoxie des nations qui depuis si longtemps en étaient séparées, à plus forte raison sa conscience de chrétien lui prescrivait-elle d'y retenir ceux de ses sujets qui cherchaient pour la première fois à s'en écarter. Il la maintint rigoureusement en Espagne, au moyen de l'inquisition dont il accrut la sévérité ; dans les Pays-Bas, par des édits de proscription cruels dans lesquels il enveloppa tous les fauteurs des hérésies nouvelles et tous ceux qui leur accorderaient protection ou asile. Mais en Allemagne, où son autorité était plus limitée, il lui fallait user de plus de ménagements, et quelle que fût la ferveur de sa foi, il crut devoir la subordonner aux besoins de sa politique. D'ailleurs, instruit dans la religion par son candide et pieux précepteur, Adrien d'Utrecht, il joignait à un respect profond pour les chefs de l'Eglise et pour ses doctrines un vif désir de la voir réformer les abus nombreux qui existaient dans son sein[3]. Il avait devant les yeux l'exemple des césars romains, qui avaient tant de fois assemblé des conciles et dirigé leurs délibérations. N'était-ce point aussi à l'un de ses prédécesseurs en Allemagne, Sigismond de Luxembourg, que la chrétienté avait dû la convocation du concile de Constance ? Charles-Quint ne croyait point que le pouvoir temporel fût blâmable d'employer la contrainte dans une certaine mesure pour forcer le pouvoir spirituel à remplir son devoir. Il condamna l'hérésie de Luther dans la diète de Worms ; mais il respecta lui-même et fit respecter avec soin le sauf-conduit qu'il lui avait accordé, et lorsque ce sauf-conduit fut expiré, il ne chercha ni à punir l'hérésiarque, ni même à découvrir sa retraite. Je n'oserais point, toutefois, affirmer avec Ranke[4] qu'il savait quelque gré à Luther d'avoir réveillé l'attention de la chrétienté sur ce besoin d'une réforme dont elle devait tirer de si grands avantages. Depuis la diète de Worms jusqu'au traité de Cambray, il joua un rôle peu actif dans les affaires de l'Allemagne. Il laissa les événements suivre leur cours sans chercher à les diriger. Tous les partis s'adressèrent tour à tour à lui. Les chevaliers lui offraient de le faire monarque absolu d'Allemagne, s'il voulait appuyer leur entreprise contre le clergé et les princes ; les paysans invoquèrent son nom lorsqu'ils cherchèrent à échapper à la servitude où les retenaient les seigneurs[5]. Les diètes allemandes réclamaient du pape la réforme des abus de l'Eglise, quand le pape leur ordonnait de détruire les hérésies chaque jour plus répandues dans l'empire. Il ne s'en occupait point, et son indifférence apparente le rendait populaire parmi les luthériens, bien qu'il eût précédemment condamné leurs doctrines. Cette popularité s'accrut d'une manière prodigieuse, lorsque la crainte de voir l'Italie opprimée par les armes impériales eut jeté le pontife de Rome dans les rangs des ennemis de l'empereur. Persuadés que l'Antéchrist allait succomber, les réformés allemands voyaient dans leur jeune souverain le vengeur suscité par Dieu pour mettre fin à ce règne impie. Aussi s'enrôlèrent-ils en foule sous ses drapeaux. La superstition les y poussait bien plus que l'avidité. Ces terribles lansquenets, qui plantèrent l'étendard impérial sur les murs de Rome, n'avaient pour la plupart reçu, en s'enrôlant, qu'un écu de gratification par tête, et depuis ils étaient demeurés à peu près sans solde. Mais ils allaient à cette guerre comme à une croisade, croisade inouïe dont les détails racontés par Guichardin[6] font frémir d'horreur ! L'Allemagne, de son côté, sembla se croire autorisée par
son chef lui-même à attaquer l'Eglise dans la personne de celui qui depuis si
longtemps en était proclamé le magistrat suprême[7]. Tous les projets, tous les égards favorables au pape que
l'on pouvait avoir précédemment, dit l'historien Ranke, cessèrent par le fait même de cette guerre. Jamais les
villes ne se déclarèrent avec plus de liberté ; jamais les princes n'insistèrent
avec plus d'énergie pour être délivrés des charges qui leur étaient imposées.
On fit la proposition de brûler sans façon les livres dans lesquels se
trouvaient renfermées les dernières instructions de la papauté et de ne prendre
pour règle que l'Ecriture-Sainte. Quoiqu'il existât une opposition excessive,
on ne prit cependant pas une résolution qui proclamât l'indépendance et la
séparation de l'Allemagne. Ferdinand signa le décret de l'empereur suivant
lequel on laissait aux Etats la liberté de se conduire en matière de
religion, chacun suivant son propre jugement, sauf à en répondre devant Dieu
et l'empereur. Cette résolution, dans laquelle il n'est pas fait mention une seule
fois du pape, peut être considérée comme le début de la réforme et de
l'établissement d'une nouvelle Eglise en Allemagne. Elle commença aussitôt à
s'établir en Saxe, dans le duché de Hesse et dans les pays voisins. Par là le
parti protestant fit un pas immense. Son existence légale fut fondée. Mais cette formation et ce progrès si rapide du parti réformé au sein de l'Allemagne y firent naître de nouvelles divisions et des haines irréconciliables. Un grand nombre d'Etats se trouvèrent exposés à une ruine prochaine', et ceux dont la sécurité était plus particulièrement menacée furent obligés d'implorer à grands cris la protection de l'empereur. Les évêques et les abbés étaient dans l'empire de grands feudataires égaux aux princes. Ils possédaient une partie considérable du territoire. Ils avaient voix délibérative dans les diètes générales et dans les diètes particulières. Sur les huit cercles de l'Allemagne, un seul, celui de Haute-Saxe, était soumis à une direction exclusivement laïque. On avait réservé à un archevêque toute la haute administration de celui du Bas-Rhin. Deux directeurs, l'un séculier, l'autre ecclésiastique, se partageaient le premier rang dans les six derniers cercles. Le collège électoral comptait trois prélats parmi ses membres, et d'après la bulle d'or, l'archevêque de Mayence en avait la présidence perpétuelle. Toute cette grande classe d'Etats née avec le catholicisme en Germanie devait nécessairement périr le jour où la réforme y triompherait. On l'a vu disparaître depuis sans que l'empire en éprouvât ni bouleversement ni secousse. Mais au XVIe siècle, il eût fallu bien du sang, bien des combats pour la détruire. Que devenait dès lors l'Allemagne déjà si menacée par les Turcs, si justement inquiète de l'ambition des rois de France ? D'ailleurs, l'esprit essentiellement conservateur de Charles-Quint haïssait toute révolution. Il avait vu de mauvais œil les soulèvements des chevaliers et les tentatives d'indépendance des paysans, lorsque paysans et chevaliers offraient d'abattre à son profit l'orgueil insolent des princes et des villes impériales. De même il devait se montrer hostile à tout effort des protestants pour détruire l'un des trois ordres alors dominants en Allemagne, et mettre les deux autres en possession de ses dépouilles. Ajoutez à cela que l'existence d'un clergé catholique possédant des domaines dans l'empire était pour le pouvoir impérial un appui nécessaire. Dans les grandes luttes du sacerdoce et de l'empire au moyen-âge, les prêtres avaient été contre les césars germains les auxiliaires dévoués de la papauté : leur résistance obstinée avait vaincu l'orgueil insolent de ces chefs du monde féodal, et grâce à eux l'Allemagne s'était à peu près transformée en une fédération d'Etats libres. Mais les choses avaient changé depuis. Le trône et l'autel, encore rivaux parfois lorsqu'il s'agissait de leurs intérêts temporels en Italie, n'en sentaient pas moins instinctivement que l'union était pour eux une condition essentielle de salut. Déjà, par un traité conclu sous le règne de Frédéric III, l'empereur et le pontife s'étaient partagé la disposition des bénéfices ecclésiastiques vacants dans l'empire, et le haut clergé allemand n'avait pas moins de respect pour les successeurs de Henri IV et de Frédéric II que pour les vicaires de Jésus-Christ. Et puis, le roi catholique, le souverain des Espagnes, ce pays toujours si dévoué à l'orthodoxie et au Saint-Siège, pouvait-il prendre sous sa protection ces ennemis jurés de l'Eglise romaine qui, dans leurs invectives, accusaient le Saint-Siège d'être le trône de Satan ? Quels dangers n'eût-il pas courus de la part de ceux mêmes auxquels sa maison dut l'affermissement de sa puissance ? Il ne faut donc pas s'étonner si bientôt il se montra plus ouvertement opposé au parti de la réforme. Mais on doit remarquer qu'il refusa toujours de faire cause commune avec les adversaires violents des innovations religieuses, et qu'il garda entre les factions opposées un juste milieu où il courait risque de se rendre suspect à la fois à l'une et à l'autre. Même au temps de ses plus grandes hostilités contre le pape Clément VII, tout en se servant des luthériens contre ce pontife, Charles-Quint n'encouragea pas leurs doctrines. Il prenait avec eux un ton sévère, et ses délégués les entretenaient sans cesse du décret de Worms, des coutumes traditionnelles de l'Eglise et de la nécessité de les rétablir[8]. Mais il laissait son frère Ferdinand leur faire des concessions temporaires. Lorsqu'il fut libre enfin de la guerre qu'il soutenait contre la France et les puissances italiennes, il résolut de profiter de cette situation favorable pour mettre un terme à l'hérésie, en s'unissant toutefois aux hérétiques pour demander la réforme de l'Eglise. Mais il fallait d'abord rassurer le pape sur ses intentions, lui montrer qu'il ne voulait porter aucune atteinte à son pouvoir temporel ou à son titre de chef de la chrétienté. Aussi, dans le traité de Barcelone, lui fit-il plusieurs concessions propres à augmenter sa puissance et celle de sa maison en Italie. Par un autre article de ce traité, il lui promettait de ramener les réformés d'Allemagne dans le sein de l'Eglise. Une nouvelle diète, assemblée à Spire (1529), sous la présidence de Ferdinand, révoqua presque aussitôt la plupart des avantages que leur avait accordés la diète précédente. Ils protestèrent contre ce décret, et de là, comme on sait, leur vint le nom de protestants. On avait voulu dans cette même assemblée les désunir en les traitant différemment, suivant qu'ils appartenaient à la secte de Luther ou qu'ils avaient adopté les opinions de Zwingle sur la présence réelle. Ils devinèrent facilement le piège, et si, dans les célèbres conférences de Marbourg, ils ne parvinrent pas à s'entendre sur le sacrement de l'Eucharistie, point fondamental de leur séparation, ils n'entreprirent pas moins de lutter en commun contre les catholiques et le pouvoir impérial. La protestation des Etats réformés de l'Allemagne contre le décret de Spire irrita Charles-Quint. Il ne manquait d'ailleurs pas de gens, soit parmi les ecclésiastiques allemands, soit parmi les officiers de son palais, qui l'engageaient à sévir contre eux d'une manière rigoureuse. Son propre frère Ferdinand l'y exhortait sans cesse, et, d'accord avec le légat du pape, Vergérius, travaillait à empêcher un accommodement qui, suivant toute apparence, aurait eu pour résultat la convocation d'un concile national eu Allemagne[9]. Charles-Quint jugeait lui-même une telle assemblée dangereuse si elle ne rétablissait pas la paix religieuse dans l'empire, et plus dangereuse encore si elle la rétablissait. Dans le premier cas, elle augmenterait de funestes divisions ; dans le second, les Etats allemands s'accorderaient peut-être à secouer le joug de l'Eglise romaine. Au contraire, il désirait vivement la convocation d'un concile universel ; mais le concile universel déplaisait au pape, et les protestants, qui d'abord l'avaient demandé avec instances, paraissaient plus disposés à le rejeter qu'à l'admettre. Ainsi l'empereur voyait tous les partis contraires au concile universel, et croyait de son devoir de ne pas consentir à un concile national. Il était venu d'Italie présider la diète d'Augsbourg. Il chercha à y jouer le rôle de médiateur entre les deux factions. Luther, en général si violent contre ses ennemis, a lui-même rendu justice à l'esprit de conciliation qui animait Charles-Quint dans cette diète célèbre[10]. Avant de juger les protestants, il fallait les entendre. L'empereur se lit présenter leurs confessions de foi, tolérance qui excita de graves murmures au sein du parti catholique. Les princes catholiques firent composer par leurs théologiens une réponse où ils admettaient quelques-unes des doctrines émises par leurs adversaires et en rejetaient beaucoup d'autres. Ce n'était point sans peine qu'ils s'étaient déterminés à cette concession. Aussi Charles-Quint eût-il voulu que les protestants s'en montrassent satisfaits. Les protestants, de leur côté, s'imaginaient avoir fait un grand sacrifice en adoucissant, autant qu'il était possible, dans leurs confessions de foi, les points sur lesquels ils différaient de leurs adversaires. On ne pouvait donc parvenir à s'accorder. Cependant l'empereur essaya un nouveau moyen de conciliation : il ordonna à chacun des deux partis de choisir sept docteurs, auxquels serait confié l'établissement de la paix religieuse. Ces quatorze docteurs n'ayant point réussi à s'entendre, on en réduisit le nombre à trois de chaque côté. Puis, l'empereur entama des négociations particulières avec les divers chefs du parti réformé. Tour à tour il employa les promesses et les menaces pour les ramener dans le sein de l'Eglise catholique ; mais il ne put ni les effrayer ni les séduire. Il revint alors à l'idée du concile universel, et il annonça qu'il insisterait vivement auprès du pape pour qu'il fût convoqué dans les six mois et assemblé l'année suivante, mais qu'en attendant cette réforme légale, il emploierait au besoin la force pour imposer l'orthodoxie. On sait comment finit la diète d'Augsbourg et quelles mesures il y fit prendre, afin de ramener l'unité religieuse en Allemagne. La chambre impériale indépendante de l'empereur, mais où dominait alors le parti catholique, commença immédiatement contre les protestants des procédures motivées sur les usurpations qu'ils avaient commises aux dépens du clergé. L'élection de Ferdinand, frère de Charles-Quint, comme roi des Romains, acheva de les effrayer[11]. Ils prétendirent qu'elle était contraire à la constitution de l'Allemagne ; et non-seulement ils ne voulurent point reconnaître le nouveau roi des Romains, mais encore ils se liguèrent à Smalkalde et refusèrent tout secours à l'empereur contre le Turc, dont les armées immenses étaient déjà campées sur les frontières de l'Allemagne. La plupart des historiens, Robertson entre autres, ont montré peu d'impartialité dans les réflexions que cette élection leur a suggérées. Ils y voient la marque d'une excessive ambition et d'un violent désir d'assurer à la maison d'Autriche la succession de l'empire. Mais Charles-Quint, en faisant désigner son frère comme roi des Romains, ne s'ôtait-il pas à lui-même la possibilité de faire donner plus tard ce même titre à son propre fils ? Il n'ignorait pas sans doute le caractère égoïste de Ferdinand, et deux fois déjà il avait cru trouver en lui un rival[12]. Ferdinand possédait tous les domaines de la maison d'Autriche, en Allemagne. Y joindre, avec l'expectative de la couronne impériale, la régence de l'empire pendant les longues absences du souverain titulaire, n'était-ce point lui assurer, parmi les princes allemands, une position égale, peut-être même supérieure à celle de son frère ? Chose remarquable, ceux qui s'élevaient avec le plus d'énergie contre l'élection de Ferdinand, accusaient en même temps Charles-Quint d'aspirer à la monarchie universelle des Etats chrétiens. Il voulait, disaient-ils, réduire la Germanie à n'être plus qu'une des provinces d'une vaste monarchie dont l'Espagne, les Pays-Bas ou l'Italie seraient le centre. Mais alors pourquoi se créer d'avance un obstacle, en mettant la succession de l'empire à la merci d'un prince qui ne devrait régner ni sur l'Italie, ni sur les Pays-Bas, ni sur l'Espagne ? De tels inconvénients ne pouvaient, ce semble, échapper à un esprit aussi clairvoyant que l'était Charles-Quint, et l'on doit admettre que s'il n'en tint pas compte, c'est qu'il voulait par là en éviter d'autres plus grands. Quand il proposa aux électeurs de nommer son frère son lieutenant perpétuel en Allemagne, sous le titre de roi des Romains, il leur donna pour motifs de sa proposition ses absences continuelles de l'Allemagne, les désordres toujours croissants qu'y excitaient les disputes de religion, le voisinage redoutable des Turcs et leurs invasions si fréquentes, enfin les avantages que pourrait offrir la présence d'un prince assez prudent pour apaiser les querelles théologiques, assez fort et assez vaillant pour arrêter l'essor de la barbarie musulmane. Aucun de ces motifs n'était en réalité sans valeur. Il fallait à l'Allemagne, et elle l'avait déjà sollicité d'une manière presque menaçante[13], un lieutenant impérial capable de remplacer son magistrat suprême, lorsqu'il résiderait en Espagne ou en Italie, lorsqu'il ferait la guerre en France ou sur les côtes de l'Afrique. Pouvait-il faire appeler à ce poste si important un prince étranger à sa famille, sans se donner à lui-même un rival redoutable ? De tous les seigneurs allemands, Ferdinand seul lui inspirait quelque confiance ; encore ne devait-il pas compter sur la durée de son dévouement. En effet, leurs intérêts resteraient-ils associés, et le roi des Romains croirait-il toujours travailler à sa propre grandeur, en affermissant l'autorité impériale et la paix publique en Allemagne ? Quoi qu'il en soit, l'élection de Ferdinand éveilla contre l'empereur les susceptibilités si naturelles au caractère germanique. On cria à la violation de la constitution de l'empire, parce que la bulle d'or avait décrété qu'il ne serait plus nommé désormais d'héritier présomptif du trône impérial. Charles-Quint se mettait en mesure de repousser les Turcs, dont tout faisait alors pressentir l'invasion prochaine. On prétendit que ses préparatifs avaient pour but secret l'asservissement de l'Allemagne. L'empereur, disait-on, veut opprimer la Germanie, en se servant des subsides mêmes qu'il tirera de la Germanie. C'est pour cela qu'il parle sans cesse de l'invasion prochaine du Turc et qu'il réclame contre lui des secours. Lui fournir ce qu'il demande serait lui donner des liens pour enchainer notre liberté. Et ce n'étaient point seulement les protestants qui tenaient ce langage ; beaucoup de princes catholiques partageaient ou feignaient de partager cette conviction. Le duc de Bavière, le plus puissant d'entre eux, se lia d'une manière intime avec le landgrave de Hesse, et dès lors ils conçurent le projet d'affaiblir la maison d'Autriche, en lui enlevant le duché de Wurtemberg. Les autres Etats catholiques, malgré leur fanatisme religieux, restèrent neutres entre l'empereur et ses ennemis. C'est à cette même époque que commencèrent les rapports cachés encore, mais étroits ; de François Ier avec les chefs du parti protestant. Et de faict, le duc Jean, électeur de Saxoigne, le duc Jean-Frédéric, son fils, les ducs Guillaume et Louis de Bavière, landsgrave de Hesse, et autres princes, firent entre eux aucunes assemblées et parlements, et mesmement un traité pour la conservation et deffense de tous les droits, privilèges et libertés du Saint-Empire ; et par plusieurs fois avaient envoyé devers le roy requérir d'y vouloir entrer, en vertu d'une ancienne ligue et alliance qui a esté inviolablement observée de fort longtemps entre l'empire et le royaume de France. A quoy le dict seigneur avait toujours respondu en termes généraux et envoyé devers eux un docteur allemand, nommé Georges Wain, pour entretenir iceux princes en son amitié, sans toutefois faire ou promettre particulièrement aucune chose qui pût contrevenir aux traittés qu'il avait avecques l'empereur..... Retournèrent devers luy les messagers d'iceux princes, et luy apportèrent un double authentique de leur traitté, afin qu'il vist et cogneust leur intention n'estre pour invasion quelconque, mais seulement pour la tuition de l'empire à laquelle il estait obligé par leur ancience alliance..... luy remontrans au surplus, comme, s'ils étaient par luy abandonnés, ils seraient contraincts ou de hasarder leurs Estats en évidens périls, ou d'entièrement se soubmettre au vouloir et intention de l'empereur..... Finablement tant luy fut dit et persuadé, qu'il se délibéra d'envoyer devers eux homme bien instruit et informé de son vouloir et intention, et avecques cette response furent les messagers renvoyés[14]. Cet homme bien instruit était Guillaume du Bellay, frère de l'historien auquel nous devons le récit de toute cette négociation. On se doute bien que le résultat de son ambassade fut de procurer aux princes protestants l'appui du monarque français. Le roi d'Angleterre fit aussi alliance avec eux, et Charles-Quint se vit menacé par une ligue formidable. Persuadé que s'il parvenait à apaiser les protestants allemands, tout ce grand mouvement finirait de lui-même, il révoqua le décret d'Augsbourg par les édits de Nuremberg et de Ratisbonne. Il y fut stipulé que l'empereur tâcherait d'obtenir la convocation dans les six mois d'un concile universel ; qu'en attendant, il y aurait paix générale en Allemagne ; qu'on n'inquiéterait personne pour cause de religion ; qu'on arrêterait les procédures commencées par la chambre impériale contre les protestants, et que .toutes les sentences déjà portées contre eux resteraient nulles et sans exécution. De leur côté, les protestants aideraient Charles-Quint à repousser les Turcs. Ainsi, dit Robertson[15], par leur constance dans leurs principes, par leur unanimité à soutenir leurs prétentions, par leur habileté à se prévaloir de l'embarras de l'empereur, les protestants obtinrent des conditions qui équivalaient presque à la tolérance de leur religion. L'empereur fit tous les sacrifices, et ils n'en firent aucun ; il n'osa même pas leur proposer d'approuver l'élection de son frère, quelque importance qu'il mît à cette affaire, et les protestants, qui jusque là n'avaient été regardés que comme une secte religieuse, acquirent dès lors le rang et le crédit d'un corps politique qu'il fallait ménager. Avec l'aide des princes de Bavière et du roi François Ier, ils obtinrent bientôt un second triomphe. Pendant que Charles-Quint, vainqueur de Soliman, allait en Italie presser le pape d'assembler le concile qu'il avait déjà tant de fois demandé, puis se rendait en Espagne, où il avait à régler des affaires importantes, ils rétablirent à main armée le fils du duc de Wurtemberg dans son héritage paternel, et ils y introduisirent leur propre religion. Ferdinand, craignant une coalition générale de l'Allemagne contre sa maison, s'empressa de conclure la paix (traité de Cadan, 1534). Il abandonna le Wurtemberg et donna de nouvelles garanties de tolérance aux confédérés de Smalkalde. En retour de ces concessions, ils le reconnurent roi des Romains, mais avec cette convention que personne désormais ne serait élevé à cette dignité que du consentement unanime des électeurs ; et cet article fut peu après confirmé par l'empereur lui-même[16]. Si l'on en croit l'ambassadeur vénitien, Marino Giustiniani, ce grand mouvement de l'Allemagne aurait été d'abord concerté entre Clément VII et le roi de France[17]. Il est certain que le pontife était irrité des instances de l'empereur pour obtenir la convocation d'un concile général. Il lui cherchait partout des ennemis, et l'on croit généralement qu'après avoir aidé à ébranler sa puissance en Allemagne, il se serait ligué avec François Ier pour le chasser de l'Italie, si la mort n'était venue mettre un terme à toutes ses intrigues (septembre 1534). Le jour où le doyen des cardinaux, Farnèse, remplaça Clément VII sur le trône pontifical, fut pour les catholiques modérés un jour d'heureux présage. Du reste, leur espérance n'aurait pas été démentie par les faits si plus tard il ne s'était laissé dominer par son entourage, et principalement par sa famille. Mais à l'époque de son avènement, il paraissait décidé à mettre l'intérêt de la religion au-dessus de ses intérêts temporels. Il reçut avec faveur les ouvertures de Charles, et par une bulle du 2 juin 1536, il convoqua un concile à Mantoue pour le 23 mai de l'année suivante. Ainsi le pape et l'empereur paraissaient désirer également la réforme de l'Eglise, et l'on pouvait espérer que leurs efforts combinés feraient enfin cesser le schisme qui désolait la chrétienté. Malheureusement, les difficultés d'une telle œuvre s'étaient accrues au point de devenir à peu près insurmontables. Le parti protestant avait grandi. Outre les membres de la ligue de Smalkalde, tout fiers de leur récent triomphe, il comprenait dans son sein beaucoup d'autres princes ou Etats. Les uns y avaient été attirés par le désir de s'emparer des biens ecclésiastiques, d'autres par une forte conviction religieuse. Ils ne voulaient faire partie d'aucune association contraire à la constitution de l'empire ; mais ils s'entendaient avec les confédérés de Smalkalde pour rejeter tout concile assemblé par le pape, présidé par ses légats, où ils paraîtraient eux-mêmes comme accusés, non comme juges. D'autre part, l'exaltation des catholiques avait crû à proportion du succès de leurs adversaires. Ceux qui les dirigeaient en Allemagne, Georges, duc de Saxe, Henri de Brunswick, Louis et Guillaume de Bavière, la plupart des princes ecclésiastiques, appelaient sans cesse la violence au secours de la foi. Chaque jour ils formaient de nouveaux complots ; mais le secret en était presque aussitôt trahi. Les protestants s'en effrayaient ou feignaient de s'en effrayer, et disaient hautement que le concile ne serait qu'un piège destiné à les détruire. Quelques-uns des agents de Charles-Quint, toujours désapprouvés par lui, mais pensant lui plaire s'ils nuisaient à ces sujets factieux qui l'avaient humilié, se laissaient entraîner eux-mêmes dans ce tourbillon d'intrigues. La guerre étrangère se joignait aux efforts des partis, en Allemagne, pour empêcher les bonnes intentions du pape et de l'empereur de produire aucun fruit. François Ier renouvela les guerres d'Italie en 1535, et Charles renonça encore une fois, pour le moment, à ses projets de concile. D'ailleurs, il survint quelques difficultés de la part du duc de Mantoue, tant sur son droit de juridiction à l'égard de ceux qui se rendraient à cette assemblée que sur la sûreté de sa capitale, au milieu d'un concours si nombreux d'étrangers. Elles forcèrent le pape de différer d'abord de quelques mois la convocation définitive du concile. Puis il ordonna que les prélats et les délégués des princes chrétiens se réuniraient à Vicence. Au jour fixé, aucun évêque, aucun théologien n'y était venu des domaines de l'empereur ou de ceux du roi de France. Il ajourna l'assemblée à un temps indéfini, pour ne pas compromettre son autorité par tant de convocations inutiles[18]. Ce fut pour les protestants un grand sujet de joie, et les catholiques exaltés ne montrèrent pas moins de satisfaction. L'empereur et le pape seuls durent en ressentir un chagrin véritable ; car ils marchaient alors en parfait accord, et Paul III se montrait digne d'être le père de toute la chrétienté, en cherchant à réunir ses membres divisés. C'est grâce à lui, en effet, que fut conclue, en 1538, la trêve de Nice, qui changea momentanément en une étroite amitié la rivalité de l'empereur et du roi de France, rivalité non moins funeste à l'orthodoxie que la préoccupation exclusive des papes pour leurs intérêts temporels. Cette amitié de deux souverains qui avaient tant de motifs de se haïr, augmenta les défiances des Etats allemands, particulièrement celles des protestants de la ligue de Smalkalde. Ils savaient que le connétable de Montmorency, dans lequel le roi de France avait une confiance sans bornes, leur était ouvertement hostile. Ils craignaient avec raison que leur ancien allié ne révélât toutes leurs intrigues secrètes, et ils s'attendaient à un châtiment prochain[19]. Plusieurs circonstances fortuites achevèrent de les effrayer. Nous avons déjà parlé du zèle imprudent de quelques-uns des agents de Charles-Quint. Les complots où ils entraient malgré lui, lui étaient imputés à lui-même, et ses désaveux le faisaient accuser de mensonge. Un de ces agents, le vice-chancelier Helde, sollicita les plus fanatiques des princes catholiques, les archevêques de Mayence et de Saltzbourg, Guillaume et Louis de Bavière, Georges de Saxe, Eric et Henri de Brunswick, de former ensemble une association, du reste purement défensive[20]. L'empereur le réprimanda fortement, au risque d'offenser gravement ce parti puissant qui voulait la proscription des chefs du protestantisme. Mais deux autres faits, qui se produisirent presque en même temps, firent douter de sa sincérité. Une querelle s'était élevée entre la bourgeoisie de Minden et quelques membres du clergé. La chambre impériale, dont les réformés contestaient la compétence dans les affaires qui intéressaient l'ordre religieux, rendit un arrêt contre la bourgeoisie de Minden. Les confédérés protestèrent contre cette sentence et déclarèrent formellement qu'ils ne la laisseraient point exécuter. En même temps un secrétaire du duc de Brunswick, nommé Etienne Faber, fut arrêté près de Cassel par le landgrave de Hesse. Il se prétendait serviteur de l'électeur de Brandebourg. Deux lettres qu'il essayait vainement de cacher tombèrent entre les mains du landgrave. La première était adressée-à l'archevêque de Mayence, la seconde au vice-chancelier. Elles donnèrent lieu à de graves soupçons. Il y était vaguement question, en effet, d'un projet formé contre les chefs du parti protestant. On ferait d'abord agir contre eux la chambre impériale ; puis le duc de Brunswick et les deux ducs de Bavière seraient nommés exécuteurs du décret. Le duc de Brunswick assurait d'ailleurs Helde de son dévouement à la personne de l'empereur ; d'où l'on pouvait conclure que ce prince n'était pas étranger au complot, bien que dans une missive récemment envoyée d'Espagne il eût montré les intentions les plus conciliantes. Le landgrave dénonce aussitôt le fait à son beau-père, Georges de Saxe, à Ferdinand et à l'empereur, et se plaint hautement. Le duc de Brunswick accuse le landgrave et l'électeur de Saxe de lui avoir tendu des pièges. L'électeur, irrité, répond par des récriminations amères. Par suite de ces discussions, dit Sleidan[21], on commença de part et d'autre une polémique d'écrits qui bientôt après fut accompagnée d'invectives violentes ; exemple donné d'abord par le duc de Brunswick, lequel, par un procédé nouveau chez les princes, n'omit aucun genre d'accusations ou d'outrages, comme l'attestent les livres qu'il fit alors imprimer. On ne s'en tint pas à cet échange d'injurieux libelles. Il y eut dans l'Allemagne du nord des mouvements de troupes, et la guerre civile parut sur le point d'éclater de nouveau. La modération de Charles-Quint arrêta encore cette explosion. Helde avait été rappelé en Espagne, et il ne tarda pas à être complètement disgracié. L'archevêque de Lunden représenta l'empereur à la diète de Francfort (1539). L'électeur de Brandebourg et l'électeur palatin y jouèrent le rôle de médiateurs. L'un était déjà protestant, l'autre allait bientôt le devenir ; mais leur amour pour la paix inspirait la confiance. Il fut convenu que ceux des Etats d'Allemagne qui professaient la religion d'Augsbourg jouiraient d'une trêve de quinze mois, pendant laquelle les édits de Nuremberg et.de Ratisbonne auraient force de loi, et toutes les actions intentées par la chambre impériale contre les protestants, y compris celle contre Minden, demeureraient suspendues.-On profitera de cette trêve pour assembler un colloque d'hommes doctes et propres à réconcilier les deux partis. — Quand bien même ce projet de réconciliation ne réussirait pas, la paix subsistera jusqu'à la convocation de la prochaine diète de l'empire. — Les protestants, de leur côté, ne commettront d'actes de violence contre personne ; ils laisseront aux ecclésiastiques, partout où il en existe encore, le cens annuel qui leur est dû. — Les anabaptistes et ceux qui suivent une confession autre que la confession d'Augsbourg ne seront point compris dans cette trêve.-Les protestants fourniront des secours contre les Turcs. — Si César donne sa sanction à ces conventions dans les six mois, les stipulations relatives à la trêve et à la défense d'augmenter le nombre des confédérés de Smalkalde, auront force de loi. — S'il ne déclare point son intention dans cet intervalle, les articles de pacification décrétés à Nuremberg resteront néanmoins en vigueur. Charles-Quint n'admit ce nouveau décret qu'après de longues hésitations. C'était l'époque de son passage par la France, et François Ier, voulant sans doute lui prouver qu'il était devenu son ami jusqu'à commettre des bassesses pour le servir, lui avait révélé tous les complots où il avait lui-même entraîné les Etats protestants. L'empereur doutait d'ailleurs des convictions religieuses de la plupart des confédérés ; c'était au désir de s'emparer des richesses du clergé qu'il attribuait surtout leur zèle ardent pour la défense des Saints Evangiles et leur haine violente contre le papisme. Mais l'influence de son chancelier Granvelle, esprit circonspect et modéré, sa prudence naturelle et son aversion pour les voies extrêmes, lui firent prendre le parti le plus sage. Il ne ratifia point la convention de Francfort dans les formes, de peur d'irriter le pape — Paul III soutenait que le premier article en était contraire aux droits du Saint-Siège — ; mais elle n'en fut pas moins observée avec la plus grande exactitude, et elle consolida cette liberté religieuse qui était le principal objet des réclamations des luthériens[22]. Ces concessions faites aux ennemis du Saint-Siège rompirent l'alliance du pape et de l'empereur. Paul III n'avait pas vu sans dépit l'inutilité de ses efforts pour réunir le concile de Mantoue. Son entourage ne cessait de le pousser aux mesures extrêmes, et il n'avait rien omis pour déterminer Charles-Quint à prendre contre les protestants quelque résolution vigoureuse. Les hérétiques, disait le légat Alexandre Farnèse, sont plus funestes à la chrétienté que les Turcs. Les Turcs ne sévissent que contre les corps des fidèles ; eux, au contraire, ils entraînent aussi les âmes dans la damnation éternelle[23]. Les deux anciens alliés se défièrent dès lors réciproquement l'un de l'autre, et leurs protestations d'amitié, de bon vouloir ou de respect, ne servirent guère désormais qu'à déguiser des haines qui de temps à autre éclataient avec d'autant plus de violence qu'elles étaient habituellement comprimées. La première assemblée convoquée dans l'empire après le voyage de Charles-Quint en France, fut celle de Haguenau. L'empereur était encore en Flandre ; Ferdinand l'ouvrit en son nom. L'empereur voulait renouveler cet essai d'un colloque déjà fait à Augsbourg avec si peu de fruit. L'Allemagne, unie de nouveau dans une foi commune, pourrait presser la convocation du concile, empêcher le pape d'y jouer le rôle d'un souverain dictant des lois à ses sujets, et hâter la réforme de l'Eglise. Il chargea la diète de Haguenau de préparer ce colloque. Toutefois, il jugeait bon de tenir les protestants en
haleine, et il craignait d'irriter le pape, à qui sa conduite était déjà
suspecte. Il fit déclarer par son frère Ferdinand qu'en attendant le résultat
du colloque, le décret d'Augsbourg aurait force de loi pour ceux qui, avant
la pacification de Nuremberg, ne faisaient pas partie de l'Eglise
protestante. Il exigea aussi qu'un légat du pape fût admis à la diète.
Aussitôt les protestants de renouveler leurs plaintes. Quant au pape, les
instructions qu'il donna à son légat se résument dans ces quelques mots : En somme, vous aurez à leur montrer et dénoncer ouvertement
et leurs crimes, et leurs péchés, et leurs erreurs[24]. Les partisans
du pontife, très nombreux dans la diète, manifestèrent de semblables
dispositions. Mais le parti modéré, à la tête duquel étaient les électeurs
palatin et de Cologne et l'évêque d'Augsbourg, s'entremit entre les factions
opposées. Il fut convenu que le colloque aurait lieu à Worms, qu'on y
discuterait sur les dogmes exposés dans la confession d'Augsbourg, et qu'on
prierait César de convoquer, aussitôt après, une nouvelle diète de l'empire,
pour sanctionner ce qui aurait été fait entre les docteurs choisis dans les
deux communions. Ce colloque eut lieu à Worms. Granvelle y représenta son maître ; Campeggio, évêque de Feltre, y assistait comme légat du pape. Mais les conférences étaient à peine commencées qu'un ordre de l'empereur les transféra à Ratisbonne, où devait s'assembler la grande diète de l'empire (1541). On avait beaucoup discuté, peu conclu. Les catholiques et les protestants, comme à l'ordinaire, s'étaient accusés réciproquement de mauvaise foi. Charles-Quint espéra sans doute que sa présence au colloque tiendrait en respect les deux partis et faciliterait un accommodement auquel le salut de l'empire paraissait attaché. Il vint donc présider lui-même la diète de Ratisbonne, une des plus nombreuses et des plus importantes de son règne. Sleidan nous a donné l'analyse du discours par lequel il en ouvrit les séances. Il y rappelle tout ce qu'il a fait depuis l'invasion du Turc en 1532, ses voyages et les contre-temps qui l'ont empêché depuis lors de revenir en Allemagne ; il y propose l'établissement de conférences propres à hâter la réconciliation des deux partis religieux ; prie qu'on lui laisse le choix des docteurs qui y soutiendront l'une et l'autre cause, mais insiste sur la nécessité de maintenir provisoirement le décret d'Augsbourg. Cette dernière partie de son discours fut vivement applaudie par les catholiques. Les protestants, au contraire, en manifestèrent quelque mécontentement. Cependant, ils lui laissèrent le choix de leurs champions dans les conférences. Charles-Quint nomma Pflug, Eck, Jean Gropper, Melanchton, Bucer et Pistorius ; tous, excepté Eck, étaient animés d'un esprit tolérant. L'empereur lui-même présenta à l'examen des membres du colloque un livre où l'on pourrait, disait-il, trouver des moyens de conciliation. Gropper en était probablement l'auteur. Eck y eût sans doute découvert plus d'une hérésie ; mais le jour où commença la discussion, il se trouvait malade. Les théologiens conférèrent paisiblement. On s'accorda même sur plusieurs points, et l'empereur proposa à la diète qu'en attendant le concile, dont il voulait solliciter de nouveau la convocation, ou bien une nouvelle assemblée des membres de l'empire, on admît comme vérités religieuses définitivement établies les dogmes sur lesquels on s'était entendu. Par là, la controverse religieuse se trouverait diminuée d'autant, et il serait plus facile de concilier ensuite tout le reste. En même temps, il engagea les protestants à ne rien innover en dehors de ce qui avait été l'objet d'un accord entre leurs docteurs et les théologiens catholiques ; mais il avertit aussi les évêques et les autres chefs du clergé qu'ils eussent à réformer chacun leurs églises particulières, de manière à frayer la voie à une réforme générale. Ces communications de l'empereur excitèrent de grands murmures parmi les catholiques. Le légat du pape, Contarini, protesta contre cette tolérance si préjudiciable aux intérêts du Saint-Siège. Mais ce sage et vertueux prélat joignait à beaucoup de lumières une modération de caractère bien rare à cette époque ; à Rome et en Allemagne, on l'accusa de tiédeur ; peu s'en fallut même qu'il ne fût suspecté de trahison. Eck n'avait point de pareilles imputations à craindre. Quand il apprit l'heureux succès des conférences et les nouvelles concessions faites aux protestants, sa colère passa toutes les bornes. Il n'osait exhaler son fiel contre l'empereur : il tonna contre Gropper et Pflug et les traita d'hérétiques et de luthériens. Charles-Quint n'en persévéra pas moins dans son système de conciliation. Bientôt après, il fit connaître aux protestants, dans un écrit particulier, ses intentions, qui leur étaient entièrement favorables. Relativement aux points sur lesquels on s'était trouvé d'accord, il n'avait rien, disait-il, à leur prescrire. Ils ne devaient point détruire les couvents ; mais ils pouvaient les réformer. La dîme annuelle devait être payée régulièrement aux églises de l'une et de l'autre communion, sans distinction de culte. Il leur était défendu d'attirer les vassaux d'autrui à leur religion ou de les prendre sous leur protection en alléguant le motif d'une foi commune, mais non point de recevoir ceux qui viendraient d'eux-mêmes les trouver[25]. En même temps, il suspendait en leur faveur tous les décrets de la diète d'Augsbourg, toutes les actions judiciaires déjà entamées, et ordonnait à la chambre impériale de leur rendre la justice avec autant d'impartialité qu'aux catholiques eux-mêmes. Il était alors, on n'en peut douter, très affecté du peu
de succès de ses efforts pour rétablir la bonne harmonie dans l'empire. A la
fin de cette diète, les princes allemands étant venus lui offrir leur
médiation pour régler le différend qui venait de s'élever entre lui et le duc
de Clèves au sujet du duché de Gueldre, il les reçut fort durement. J'ai assemblé cette diète, leur dit-il, pour rendre la paix à la Germanie en y supprimant les discordes
; j'y ai perdu beaucoup de temps et fait beaucoup de dépenses, et je n'ai pas
réussi, parce que vous n'avez point voulu vous accorder. Je m'étonne
maintenant que vous vous entendiez pour venir m'imposer vos avis dans une
chose qui ne regarde que moi seul. Aussitôt après la clôture de la diète, il partit pour l'Italie, laissant l'Allemagne dans un grand danger. Peu de temps auparavant, le sultan des Turcs avait pris la défense de la veuve de Jean Zapoly et de son fils, le jeune Etienne, contre la maison d'Autriche. Mais lorsque ses armées eurent défait celles du roi des Romains à Bude, de protecteur devenu tout à coup spoliateur, il garda pour lui les Etats de Zapoly, mit un pacha dans Bude et menaça l'Autriche elle-même. La plupart de ces graves événements suivirent de près la diète de Ratisbonne. Tout les faisait déjà prévoir avant sa dissolution. Mais l'empereur affectait de mépriser son ennemi. Se confiait-il en sa fortune, ou bien voulait-il laisser les Allemands porter un moment la peine de leurs divisions ? Quand on le suppliait de ne pas s'éloigner de l'Allemagne menacée parles armées si redoutables des Turcs, il répondait avec une forfanterie tout espagnole, qu'il avait donné si bon ordre aux affaires de Hongrie, que quand toutes les forces du Grand-Seigneur y seraient, elles n'y feraient rien, et que jusques à présent les gens qu'il y avait mandés n'étaient que canailles telles que le siège de Bude n'estait pour se lever pour eux[26]. Quelques jours après son départ de l'Allemagne, il apprit qu'un lieutenant de son frère avait perdu la bataille de Bude : cette nouvelle même ne lui fit pas rebrousser chemin. Une telle conduite paraissait bien étrange, et l'évêque de Montpellier, alors ambassadeur de François Ier à Venise, écrivait à son maître qu'elle pourrait bien coûter la couronne impériale à Charles-Quint. Les impériaulx, dit-il, ont grand doubte et craincte que le Grand-Seigneur ne s'accorde avec les terres franches, et que voyant les princes d'Allemagne, l'empereur l'avoir délaissée ainsi en ce trouble et dangier, ne soient pour eslire un autre roi des Romains, voire à l'aventure un empereur. Il se dist ici tout clairement que l'Allemagne n'est pour endurer plus un tel gouvernement, et qu'on est pour eslire en son lieu ung des ducs de Bavière[27]. Il faut remarquer, en passant, à quel prince allemand la voix publique promettait le trône, si Charles-Quint en était dépouillé. Leduc de Bavière a déjà paru plusieurs fois dans cette histoire, et toujours à la tête du parti catholique exalté. Comment donc pourrait-on concilier ce choix avec l'opinion de Robertson et de la plupart des historiens[28] ? Suivant eux, Charles-Quint, dans la diète de Ratisbonne, n'avait fait aux protestants de si larges concessions que pour obtenir leur secours contre les Musulmans ? Mais n'avait-il pas besoin aussi de celui des catholiques ? Ne lui fallait-il pas ménager avant tout ce parti puissant qui comptait parmi ses membres tant de hauts seigneurs et presque tous les princes ecclésiastiques de l'Allemagne ? Et combien ne devait point les irriter son indulgence envers les ennemis jurés du Saint-Siège et de l'orthodoxie l Son brusque départ de l'Allemagne, au moment où les Turcs la menaçaient d'une attaque formidable, leur fournissait un nouveau motif de crier à la trahison. Dans la colère violente où les mirent ces deux faits arrivés presque en même temps, est-il donc impossible qu'ils aient voulu créer un nouvel empereur et qu'ils aient fixé leur choix sur le duc de Bavière ? Environ deux ans après, les confédérés de Smalkalde ayant chassé de ses domaines Henri de Brunswick, un des principaux membres de cette faction, trouvèrent dans la citadelle de Wolfenbuttel des lettres où l'empereur et son chancelier n'étaient pas épargnés. Granvelle, y était-il dit, est un homme vénal et corrompu, qui mériterait une mort ignominieuse ; quant à César, c'est un dormeur qui ne peut s'éveiller, et si nous avons mis quelquefois le nom de ce prince en avant, c'est seulement pour servir d'épouvantail, comme les oiseleurs ont l'habitude de faire voir aux oiseaux qu'ils veulent prendre, un vautour mort pour les effrayer. Et plus tard, une autre correspondance également interceptée par le landgrave, témoigna que ce même duc de Brunswick avait réellement conspiré pour débarrasser l'empire d'un chef qui, par faiblesse ou mauvais vouloir, y laissait dépérir la foi catholique[29]. Charles-Quint, quittant l'Allemagne, ne voulut point qu'on l'accusât de fuir les Turcs. Il alla lui-même les chercher dans une autre partie de leur vaste empire, et il fit contre eux son expédition d'Alger. On sait quel en fut le résultat. Dès que le roi de France connut son échec, il résolut d'en profiter et s'unit hautement aux Turcs ; alliance inouïe jusque là et qui fut peut-être le salut de Charles-Quint. Les catholiques pouvaient-ils refuser des secours à leur souverain, lorsque son rival, l'ancien allié des protestants, conduisait comme par la main les Musulmans sur les côtes d'Italie, et y encourageait leurs ravages ? Les protestants, de leur côté, reconnaissants de la bienveillance qu'il leur avait témoignée, et ne voulant point paraître moins hostiles que les catholiques à l'ennemi commun de la chrétienté, se montrèrent les zélés défenseurs de la cause de Charles. Nous trouvons une lettre adressée pendant cette guerre à l'électeur de Saxe, leur chef, par François Ier[30]. Le style en est dur, sec et amer, et le roi de France s'y montre animé du plus violent courroux. Pendant cette lutte, il est vrai, l'empereur et son frère ne cessèrent pas de leur faire de nouvelles concessions. Dans une diète assemblée à Spire, en 1542, Ferdinand leur permit de protester d'une manière insultante contre le projet du pape de convoquer un concile dans la ville de Trente, au moment où la chrétienté tout entière était déchirée par la rivalité de ses plus puissants princes ; il renouvela tous leurs privilèges, et il y ajouta les sûretés qu'ils pouvaient désirer. La ville de Goslar était entrée récemment dans la ligue de Smalkalde et avait fait saisir les revenus du clergé de ses domaines. Un arrêt de la chambre impériale l'avait condamnée et avait chargé Henri de Brunswick de faire exécuter la condamnation. La diète de Spire accorda aux instances des protestants la suspension du décret, et ordonna au duc Henri de s'abstenir de toute hostilité contre les habitants de Goslar. Henri ne tint pas compte, il est vrai, de cette défense ; mais il expia durement son refus d'obéir, car l'électeur de Saxe et le landgrave de Hesse le dépouillèrent de ses Etats. Ces deux princes firent ensuite une protestation solennelle contre la chambre impériale et ne voulurent point reconnaître sa juridiction, sous prétexte qu'elle n'avait point été visitée ou réformée et qu'elle continuait à montrer la partialité la plus révoltante en faveur de leurs ennemis. Ils présentèrent à ce sujet une humble supplique au roi des Romains dans la diète de Nuremberg (1543). Elle fut bien accueillie, et Granvelle promit de soutenir leur cause auprès de l'empereur. En effet, lorsque Charles-Quint vint, en 1544, avant sa campagne en France, présider une nouvelle assemblée à Spire, il leur octroya une partie de leurs demandes, leur fit espérer le succès des autres, gagna par des paroles flatteuses le landgrave de Hesse, sinon le plus influent, du moins le plus belliqueux de leurs chefs[31], obtint d'eux qu'ils lui livreraient le duché de Brunswick, afin qu'il le gardât sous le séquestre impérial, et se les attacha si bien qu'ils le secondèrent puissamment dans la fameuse campagne où il s'avança presque jusque sous les murs de Paris. |
[1] Robertson, liv. XI. Traduction Suard, t. II, page 403, édition Didier.
[2] Dans une lettre écrite au pape Jules III, il lui signale une tentative semblable déjà faite par lui-même du vivant du prédécesseur d'Iwan IV, regrette qu'elle n'ait pas réussi, se réjouit vivement des bonnes dispositions du nouveau czar et conjure le pontife de saisir une occasion si favorable, qui peut-être fournira aux chrétiens le moyen de ramener la domination du Christ dans ces mêmes contrées où leur foi a trouvé son berceau. — Lanz, Correspondenz, t. III, page 73-74.
[3] Il n'aima jamais l'ordre des Jésuites, qui du reste ne devint populaire en Espagne que sous le règne de Philippe II, bien qu'il eût eu un Espagnol pour fondateur. Aussi, lorsque retiré au monastère de St-Just, il y reçut la visite de François Borgia, duc de Gandie, l'un de ses anciens favoris, que des relations avec Ignace de Loyola avaient fait entrer dans cet ordre, lui témoigna-t-il quelque mécontentement. Il lui demanda pourquoi il n'avait point choisi, pour s'y retirer, un ordre ancien et éprouvé par le cours de longues années plutôt que cette société nouvelle qui n'avait encore aucune approbation et dont on parlait d'une manière fort diverse. Voyez le curieux récit de cette entrevue dans Mignet, Charles-Quint, chap. III, page 175 de la seconde édition.
[4] M. Ranke (Histoire de la Papauté, t. Ier) va même jusqu'à prétendre que ce fut lui qui donna ordre de l'arrêter, afin de ne pas rompre le sauf-conduit qu'il lui avait accordé. Mais j'ignore de quels documents originaux il a tiré ce fait ; du reste, Charles-Quint se repentit plus tard de ne point avoir imité le manque de foi de Sigismond à l'égard de Jean Huss.
[5] V. Pfister, Histoire d'Allemagne, règne de Charles-Quint, passim.
[6] Guichardin, liv. XVII.
[7] Ranke, Histoire de la Papauté, trad. Chéron, tom. I, p. 150. Il faut dire cependant que la liste des cent griefs fut antérieure à la rupture de Charles-Quint avec le Saint-Siège. Le pontife de Rome était même alors l'ami le plus dévoué de l'empereur, Adrien d'Utrecht, autrefois son précepteur et régent constitué par lui en Castille.
[8] V. Sleidan, de Statu reipublicœ et religionis, cœsare Carolo-Quinto, liv. VI, p. 86 et suivantes. ; Lanz, Correspondenz, t. I, passim.
[9] Sleidan, page 104, verso, an. 1530.
[10] Il rejetait toute la responsabilité de la proscription qui fut lancée contre les protestants, à la fin de cette diète, sur Clément VII et sur son légat Campeggio, et faisait de César la mention la plus honorable. — Sleidan, liv. XVI, page 273 ; voyez aussi sur la diète d'Augsbourg et les influences qui s'exerçaient sur l'esprit de Charles-Quint, Merle d'Aubigné, Histoire de la Réforme.
[11] Cependant, plusieurs prélats se plaignaient déjà de la faveur que ce prince accordait à des conseillers luthériens, et du peu d'ardeur qu'il mettait à proscrire l'hérésie dans ses domaines. (Lanz, Correspondenz, t. II, p. 118.)
[12] Voyez la première partie de cette étude.
[13] Voyez la Correspondance de Charles-Quint, recueillie par Lanz, t. I, passim, entre autres une lettre à Ferdinand, p. 360 et suivantes. L'empereur, alors en Italie où il devait recevoir la couronne impériale, y écrit à son frère que aucuns par maulvais enhort s'advançaient à vouloir faire ung aultre roi des Romains.
[14] Martin du Bellay, liv. IV, p. 449, éd. Panthéon.
[15] Robertson, liv. V, t. II, p. 39.
[16] Corps diplomatique, t. IV, p. 2, 119.
[17] Relations des ambassadeurs vénitiens, t. I, ambassade de Marino Giustiniani.
[18] Fra Paolo Sarpi, p. 107 ; Pellavicini, p. 117.
[19]
Sleidan, liv. XII, p. 198, éd.
1557.
[20] Sleidan, liv. XII, p. 198.
[21] Sleidan, liv. XII, p. 191, verso.
[22]
Robertson, Histoire de Charles-Quint, t. II, liv. VI, p. 111.
[23] Sleidan, liv. XIII, p. 205.
[24] In summa nihil oportet aliud agere hic, nisi rotunde illis aperire et annuntiare scelera, et peccata, et errata illorum. — Papiers d'Etat du cardinal Granvelle, t. II, p. 583 et suivantes, instructions datées de Rome, 15 mai 1540.
[25] Neminem
alterius religionis ad ipsorum religionem oportere pellici, multo minus hoc
nomine defendi : sed tamen licere, ut recipiant, si quis ultro velit ad ipsos
transire. (Sleidan, lib. XIV, p. 228.)
[26] Négociations du Levant, t. I, p. 510-511, lettre du capitaine Paulin à François Ier, 22 août 1541.
[27] Négociations du Levant, lettre de l'évêque de Montpellier à François Ier, Venise, 14 septembre 1541.
[28] Robertson, liv. VI, t. II, p. 147, éd. Didier.
[29] Sleidan, liv. XV, p. 247, et liv. XVI, p. 266.
[30] Négociations du Levant, t. I, p. 575.
[31] Sleidan, liv. XV, p. 250.