LES CONVULSIONS DE PARIS

TOME TROISIÈME. — LES SAUVETAGES PENDANT LA COMMUNE

 

CHAPITRE DEUXIÈME. — LA BANQUE DE FRANCE.

 

 

XV. — LE DOUBLE DU GRAND-LIVRE.

 

La délivrance. — MM. Auguste Michel et Eugène Louvet. — Une compagnie du 58e de ligne. — L'armée prend possession de la Banque. — Le bataillon de la Banque conserve exceptionnellement ses armes. — On cache Ch. Beslay. — Le conseil des régents. — Retour de M. Rouland. — Le grand-livre de la dette inscrite. — Sauvé. — Le double. — M. Chazal, le commandant Peaucellier, le capitaine Garnier. — La Caisse des dépôts et consignations. — Les pompiers improvisés. — Enterrement des bulletins. — 40 millions pour Versailles. — Le procès-verbal du conseil. — Varlin. — Arrêté sur dénonciation. — Conduit à Montmartre. — Fusillé. — Cruauté des foules. — Illusions de Varlin. — Pourquoi il est bien mort. — Ch. Beslay réfugié à la Banque. — M. Thiers est décidé à le sauver. — Ses projets financiers. — Conduit en Suisse par son fils et par M. de Plœuc.

 

Pendant que la Banque de France sauvait le quartier du Palais-Royal, elle était enfin sauvée elle-même et voyait mettre un terme aux angoisses qui ne lui avaient pas été épargnées depuis le 18 mars. Ces soixante-huit jours écoulés devenaient pour elle de l'histoire, histoire singulièrement pénible, mais glorieuse, et qui affirmait qu'à tous les degrés de l'échelle administrative chacun avait fait son devoir sans marchander ni le dévouement ni la fatigue. On' avait sauvegardé l'existence même du crédit de la France, et après tant de semaines tourmentées on se retrouvait intact, diminué seulement de quelques millions que l'État, représenté par le ministère des finances, s'était engagé à rembourser.

Ce fut dans la matinée du 24 mai que les troupes françaises apportèrent la délivrance. Les habitants du quartier, examinant les rues désertes, dans l'espérance d'y voir passer quelques-uns de nos soldats, aperçurent un drapeau tricolore déployé sur la barricade qui défendait les approches de la place Vendôme. M. Auguste Michel, ancien sous-officier de l'armée, ayant, depuis sa libération du service militaire, toujours fait partie de la garde nationale, de nature hardie, habitué à regarder le danger en face, et qui déjà s'était distingué par une action d'éclat lors de l'insurrection de juin 1848, se dit qu'il fallait hâter l'arrivée des troupes, afin de mettre la Banque à l'abri d'un retour — possible quoique peu probable — de la part des fédérés. Seul, il partit en courant vers la place Vendôme, dans l'espoir d'y rencontrer quelque chef de corps dont il pourrait obtenir une ou deux compagnies. Arrivé près des débris de la colonne renversée, il se trouva en présence de M. Eugène Louvet, négociant de la rue Vivienne, qui, mû par le même désir, venait, lui aussi, demander du secours pour la Banque et pour la Bourse. Ces deux hommes de bon vouloir se concertèrent et, voyant le général Douay, qui fut un des mieux méritants de cette longue bataille, apparaître à la tête de son état-major, ils s'adressèrent à lui et lui expliquèrent rapidement l'état de la Banque. Vous voulez des soldats, répondit le général ; vous feriez mieux de me demander des pompiers, car Paris brûle. MM. Eugène Louvet et Auguste Michel insistèrent. Le général Douay comprit qu'il avait affaire à deux hommes dévoués qui s'étaient jetés à travers bien des chances de danger pour lui apporter un avis utile et il donna ordre au capitaine Boiteux du 58e de ligne de prendre sa compagnie et de la diriger sur la Banque, vers laquelle MM. Michel et Louvet allaient le guider. Le général Douay prenait là un surcroît de précautions, car dès la veille au soir il avait prescrit au général L'Héritier de manœuvrer de. façon à dégager la Banque le plus tôt possible. — Le capitaine Boiteux et le lieutenant Solia placèrent entre eux MM. Michel et Louvet et l'on se mit en marche, au pas de course, par la rue Saint-Honoré, la rue Richelieu, la rue Montpensier ; on traversa le jardin du Palais-Royal, on escalada le perron, on franchit le passage des Deux-Pavillons et on arriva en vue de la Banque, où les employés, le fusil en main, placés aux fenêtres, sentirent battre leur cœur à la vue des soldats français. Un fédéré armé rôdait encore par là : M. Auguste Michel se jeta sur lui et le fit prisonnier. Peu d'instants après, des détachements de l'armée, suivant les éclaireurs du 58e de ligne, prirent position dans la rue de la Vrillière.

Un seul homme peut-être ne partageait pas l'allégresse générale : c'était le commandant Bernard ; il se disait sans doute que le 12e bataillon, ayant suffi à garder la Banque pendant les jours de danger, était bon pour la garder encore lorsque le péril était passé, et que l'on aurait dû faire l'honneur de n'adjoindre aucune troupe régulière à des employés qui s'étaient transformés en soldats et qui seuls, dans Paris, avaient maintenu le privilège de défendre l'établissement auquel ils appartenaient. Le commandant Bernard avait raison ; la Banque ayant par elle-même, par elle seule, fait face aux éventualités dont elle avait été menacée, n'aurait pas dû recevoir de garnison militaire. On le comprit plus tard, mais d'une façon incomplète. Lorsque l'ordre fut donné de désarmer tout Paris, le général Douay autorisa exceptionnellement le bataillon de la Banque a conserver ses armes[1].

Dès que les soldats eurent pénétré dans la cour, on hissa au-dessus de la grande porte le drapeau tricolore, qui fut acclamé. A huit heures, le général L'Hériller venait établir son quartier général à la Banque et était installé dans les appartements du gouverneur. M. de Plœuc put immédiatement faire partir des dépêches adressés à M. Thiers, au ministre des finances, à M. Rouland : Sans pouvoir vous dire en ce moment ce qu'a été le personnel si dévoué de la Banque pendant ces deux mois si douloureux, j'ai l'honneur de vous faire connaître que ce matin à sept heures et demie la Banque de France a été délivrée par la brigade du général L'Hériller.

Les soldats étaient répandus dans les cours. M. de Plœuc se promenait parmi eux, lorsque l'on prononça le nom de Beslay ; il vit un officier se retourner et l'entendit brusquement dire : Beslay, le membre de la Commune ? Où est-il donc ? — Il se hâta de répondre : Un de nos employés porte ce nom ; quant à Charles Beslay, il y a longtemps qu'il est parti. M. de Plœuc courut à l'appartement où se trouvait Beslay, et l'y enferma à clef, après lui avoir dit : Ne vous montrez pas aux fenêtres ; comptez sur moi ; vous nous avez aidés à sauver la Banque ; à mon tour, je réponds de vous sauver. — Beslay était triste et surtout fort surpris ; il disait avec son incorrigible naïveté : Qui jamais aurait pu prévoir cela ? — Tout le monde, père Beslay, tout le monde ; quand on débute par l'assassinat, on finit logiquement par le massacre et l'incendie.

Les fédérés refoulés par l'armée française, reculant sur les quartiers du centre, regardant déjà vers les hauteurs de Belleville et des Buttes-Chaumont, s'en allaient, suivant leurs maîtres qui discutaient entre eux, faisaient des motions, et qui, au lieu de se faire tuer sur leurs barricades, trouvaient moins périlleux d'aller massacrer quelques vieillards à la Grande-Roquette. La rue de Rivoli, l'Hôtel de Ville, l'Octroi, l'Assistance publique, en feu, apprenaient que le Comité de salut public s'était réfugié à la mairie du XIe arrondissement, sous la protection de la batterie du Père Lachaise, qui tirait à toute volée sur la place de la Concorde, les Tuileries et les Halles centrales. La Banque se trouvait sur la trajectoire des projectiles ; plus d'un coup trop long ou trop court vint l'avertir que tout danger n'était pas passé pour elle ; des obus effleurèrent ses toits, brisèrent ses corniches ; des balles perdues ricochèrent le long de ses murs, et des biscaïens venus on ne sait d'où cassèrent quelques-unes de ses fenêtres. Ce n'était là qu'un dégât matériel insignifiant, comme presque toutes les maisons de Paris eurent à en supporter pendant la bataille.

Le jeudi 25 mai, les rues étaient à peine libres et déjà cependant le conseil général de la Banque était en séance. Dès que les régents, MM. Durand, Denière, Davillier, Fère, avaient pu passer, ils étaient accourus, et, sous la présidence du marquis de Plœuc, ils délibéraient, ou plutôt ils causaient, car la Banque était sauve, il n'y avait pas de mesure immédiate à prendre, et chacun était préoccupé de cette résistance désespérée que l'on avait eu le tort de ne pas prévoir. Dans cette séance, on lut un récit des événements qui avaient assailli la Banque dans les journées du 22, du 23 et du 24 mai, récit écrit par M. Marsaud et que les régents écoutaient avec avidité. Cette lecture venait de prendre fin, lorsque M. Rouland entra dans la salle du Conseil. On ne se revit pas sans quelque émotion. La séparation avait été courte, mais les circonstances l'avaient rendue singulièrement longue, et avaient plus d'une fois failli la rendre éternelle.

Le gouverneur remercia les régents et le marquis de Plœuc ; il parlait en son nom, mais il était l'organe du gouvernement qui, de son refuge de Versailles, avait suivi de loin, il est vrai, mais avec anxiété, les péripéties que la Banque avait eu à traverser. Le devoir seul a retenu les membres qui ont formé le conseil depuis deux mois au poste le plus périlleux ; ils en sont récompensés, aujourd'hui que, par le salut de la Banque, se trouve assuré le salut de la France et de la fortune publique. Puis la conversation se généralisa et M. Denière dit : Le ministère des finances est détruit ; le grand-livre de la dette inscrite est brûlé. — Mais il y a un double, dit M. Rouland ; où est-il ?A la Caisse des dépôts et consignations. M. Rouland fit appeler M. Chazal, le contrôleur, et lui dit : Allez vite, je vous prie, à la Caisse des dépôts et consignations ; voyez si le double du grand-livre peut être sauvé et prenez toute mesure pour le soustraire à l'incendie, s'il en est encore temps. M. Chazal ne se le fit pas répéter ; une compagnie de soldats du génie, appartenant au bataillon du commandant Paucellier, était dans la cour de la Banque ; il l'entraîna avec lui et partit pour le quai d'Orsay[2].

Heureusement le grand-livre lui-même, qui occupait le second étage du ministère des finances, n'avait pas été consumé ; du moins, la portion représentant la dette inscrite actuelle avait pu être arrachée aux flammes, grâce au dévouement du personnel, — employés et garçons de bureau, — resté à son poste. Dix mille registres environ, formant ce que l'on pourrait appeler la partie historique de la dette publique, furent dévorés par le feu, car on s'empressa de sauver d'abord les forts cahiers cartonnés, comprenant chacun mille noms des créanciers de l'État pour des émissions en cours aujourd'hui. C'était une masse de quatre mille registres que l'on enleva du milieu des brasiers à travers des dangers et des difficultés qui auraient pu paraître insurmontables à tout autre qu'à des gens dévoués jusqu'au sacrifice d'eux-mêmes. Les autres, enveloppés par l'incendie, laissèrent échapper leurs feuillets rongés par le feu, qui, sur l'aile du vent, allèrent apprendre aux départements voisins que Paris brûlait.

D'après la loi du 24 août 1793, un double des registres de la dette inscrite doit être fait sur fiches volantes et nominatives ; ce double, par une sage précaution, ne peut jamais être déposé dans le local qui contient le grand-livre, afin de diminuer les chances de destruction. Le double du grand-livre a été longtemps placé, rue Neuve-du-Luxembourg, dans l'ancien couvent des Haudriettes réformées, auquel l'Assomption servait jadis de chapelle. Lorsque, sous le second empire, il fut question de prendre tout le massif de constructions entouré par les rues Saint-Honoré, Luxembourg, Mondovi et Rivoli pour y établir l'Hôtel des Postes, le double, comme l'on dit en langage administratif, fut transporté à la Caisse des dépôts et consignations, où il fut installé sous la surveillance d'un fonctionnaire appartenant au ministère des finances. C'est ce double qu'il s'agissait de préserver, s'il se pouvait, de l'action des flammes.

Escorté du commandant Peaucellier, suivi de quatre-vingt-six sapeurs du génie, M. Chazal se hâtait ; la vue des Tuileries, qui n'étaient qu'une fournaise, indiquait assez qu'il n'y avait pas un instant à perdre. Depuis plus de trente-six heures que la rue de Lille était en feu, n'arriverait-on pas trop tard ? Eudes et Mégy avaient passé par là, tout flambait[3] ; les étages supérieurs de l'hôtel de la Caisse des dépôts et consignations poussaient des torrents de fumée dans les airs ; de larges traînées visqueuses glissant le long des murs qu'elles engluaient prouvaient que le pétrole avait été versé dans les combles. Par bonheur, les fortes boîtes eh bois contenant les douze ou quinze cent mille bulletins composant le double du grand-livre habitaient le rez-de-chaussée, dans une basse maison presque isolée.

Lorsque M. Chazal pénétra dans l'hôtel, il aperçut sept pompiers[4] dirigés par deux jeunes hommes qui, tête et bras nus, couverts de sueur, s'escrimaient de leur mieux contre l'incendie : c'étaient M. Gaston de Boves, directeur du syndicat des transports de la guerre par voies ferrées, et M. Delambre, qui pendant une partie de l'année 1877 a été préfet de la Charente. Tous deux s'employaient à préserver les bâtiments que les flammes n'avaient pas encore attaqués ; mais ils ne s'occupaient point du double, dont ils ignoraient l'existence ; les pompiers les secondaient de leur mieux avec une pauvre pompe que l'on alimentait vaille que vaille. Ils n'étaient guère aidés par un employé subalterne de la maison qu'il vaut mieux ne pas désigner et qui, ivre-mort, roulant de droite et de gauche, disait en bavant : A quoi bon se donner tant de mal, puisque c'est le jugement dernier ?

La compagnie du génie avait pour capitaine en second M. Féraud, qui devait être tué le lendemain, et pour capitaine en premier M. Garnier, le même qui deux jours auparavant avait jeté un pont par où l'armée française put entrer dans Paris. M. Chazal, le commandant Peaucellier, les capitaines, les sapeurs coururent au petit bâtiment où les fiches du double étaient rangées dans de lourdes caisses en bois posées sur des tables ; tout était intact. Mais les combles brûlaient, les poutres, rongées par l'incendie et flambantes, pendaient sous la toiture effondrée ; deux étages ruisselants de flammes pouvaient s'écrouler tout à coup, ensevelir sous les débris les salles qui renfermaient le double et les réduire en cendre. On forma une sorte de conseil et il fut décidé que le double devait être transporté ailleurs. — Où ? Les voitures manquaient, les bras manquaient. Transporter jusqu'à la Banque cette masse de papiers, et les registres qui s'y attachaient, et les répertoires et les cartonniers remplis de documents administratifs, il n'y fallait point songer. On prit un parti qui permettait d'agir sur place.

Chacun se rappelle que pendant la période d'investissement, lorsque Paris subit un essai de bombardement à la fois inutile et cruel qui tua quelques enfants dans une école et quelques infirmes dans un hôpital, on reçut ordre de disposer des monceaux de sablé dans la cour des maisons, afin d'amortir et de neutraliser le choc des obus. De cette époque l'hôtel de la Caisse des dépôts et consignations avait gardé des tas de sable dans ses deux cours ; on allait en profiter pour enterrer les bulletins du double, puisque l'on ne pouvait les enlever. Dans le sable les sapeurs du génie ouvrirent des tranchées ; on y apportait les fiches par paquets bien serrés, que l'on couchait les uns à côté des autres, comme des cercueils dans la fosse commune. L'opération fut longue, mais menée sans encombre jusqu'au bout.

Lorsque, vers onze heures du soir, tous les bulletins eurent été déposés dans leur lit de gravier, on repoussa le sable dessus ; cela formait trois tumulus sous lesquels dormait la sécurité de la dette inscrite ; si le grand-livre avait été brûlé, comme on le croyait alors, chaque créancier de l'État, grâce à l'initiative de la Banque, grâce à l'intelligence de M. Chazal, du commandant Peaucellier, du capitaine Garnier, eût retrouvé là le document authentique qui affirme sa créance. Lorsque l'ensablement fut complet, on jeta sur les monceaux des prélarts que l'on découvrit dans une remise, des pavés, des dessus de poêle en faïence et tous les objets incombustibles que l'on put trouver ; car il fallait non-seulement garantir les fiches contre les atteintes du feu, mais aussi contre les infiltrations de l'eau lancée par les pompés. M. Chazal put donner, dans la journée même, avis à M. Denière que le double du grand-livre était à l'abri de toute destruction. Le bâtiment qui contenait les bulletins a été épargné par l'incendie : on aurait donc pu éviter ce déménagement ; soit ; mais quels regrets et quel labeur de reconstitution, si la maisonnette avait brûlé, comme tout le faisait présumer !

M. Rouland n'avait fait qu'une courte visite à la Banque ; il était retourné à Versailles ; il y arrivait à l'heure où M. Thiers, debout à la tribune de l'Assemblée, disait aux députés consternés : Ne me demandez pas de vous consoler, je suis inconsolable ! Dans la matinée même le chef du pouvoir exécutif avait prévenu le gouverneur de la Banque de France que quarante millions lui étaient indispensables pour le lundi 29 mai ; M. Rouland, avant de quitter Paris, avait donc donné l'ordre de désensabler l'escalier des caves, afin de pouvoir verser au gouvernement l'argent demandé. On voit qu'en ce temps-là on n'accordait guère de repos à la Banque ; elle est à peine délivrée des obsessions de la Commune, qu'elle est obligée de fouiller dans ses coffres pour fournir à l'État les sommes que l'Allemagne réclame et qu'il est de notre dignité de ne lui point laisser attendre. Mais avant de procéder à la délivrance des millions qui devaient être portés à Versailles, le conseil des régents, réuni en séance extraordinaire, s'occupa de témoigner au personnel de la Banque la reconnaissance que son dévouement méritait.

Le procès-verbal est à citer, car il constitue un titre de noblesse pour la Banque. M. de Plœuc ayant dit qu'il avait le devoir de rendre un hommage tout spécial au dévouement et au courage du personnel pendant les deux mois de si grandes épreuves, le conseil, en particulier, exprime le désir que les quatre chefs principaux de l'établissement, MM. Marsaud, secrétaire général, Chazal, contrôleur, Mignot, caissier principal, de Benque, secrétaire du conseil, dont le concours de tous les instants n'a fait défaut ni au gouvernement de la Banque, ni au conseil général, soient nommément désignés en témoignage des services qu'ils ont rendus. Enfin le conseil décide qu'une médaille d'honneur, dont le module et la suscription feront l'objet d'une décision ultérieure, sera frappée pour être distribuée comme un titre permanent vis-à-vis de la Banque à chacun des employés présents à leur poste jusqu'à la dernière heure. Six cent quatre-vingt seize fonctionnaires, employés, garçons de recette, subalternes, auxiliaires, reçurent cette récompense exclusivement honorifique[5]. Tous la méritaient, car nul d'entre eux n'avait été atteint de défaillance pendant ces deux mois d'épreuve.

Le samedi 27 mai, pendant que l'insurrection, acculée sur les hauteurs de Belleville, cernée de tous côtés, allait être, par un dernier effort, rejetée sur le faubourg du Temple, où elle devait périr sans qu'un seul membre de la Commune fût là pour l'aider à pousser son dernier hoquet, la Banque faisait enlever le sable qui oblitérait la cage de l'escalier des caves. Lestement on fit cette besogne, et plus gaiement que l'on n'avait travaillé huit jours avant à enfouir toutes les richesses pour les mettre hors de la portée des griffes et des torches des fédérés. Aussi, le lendemain dimanche, M. Mignot put mettre 40 millions dans ses poches et les porter à Versailles, où l'on était certain de les recevoir, puisque la Banque les avait promis.

Ce jour-là même un des hommes qui avaient signé les réquisitions du Comité central et les premiers reçus de la Commune, Varlin, allait mourir. Sa mémoire, restée chère aux partisans de toute insurrection sociale, est aujourd'hui invoquée comme celle d'un martyr. Une sorte de légende s'est cristallisée autour de son nom, et l'on a singulièrement dénaturé la vérité qu'il était inutile d'amplifier, car elle est déjà bien assez douloureuse. On a dit que la réaction avait conduit Varlin à la mort en lui faisant traverser une voie pleine d'injures, de malédictions et de coups. En est-on bien certain et ne s'est-on pas volontairement trompé ? Si Varlin a été menacé, insulté, frappé avant de mourir, c'est précisément par ceux-là mêmes pour lesquels il combattit le 18 mars, qu'il appelait ses frères, et dont il avait peut-être sérieusement rêvé le bonheur.

Le dimanche 28 mai, vers trois heures de l'après-midi, Varlin était assis, place Cadet, à la table extérieure d'un café. Il n'avait en rien modifié sa physionomie ; il portait comme d'habitude ses cheveux grisonnants rejetés en arrière et sa forte barbe acajou qui lui cachait le menton et découvrait les lèvres. On a dit que, le matin, il avait été un des combattants de la dernière barricade, dans la rue Fontaine-au-Roi ; c'est une erreur. Cette barricade, commandée par un clerc d'huissier, membre du Comité central, nommé Louis-Fortuné Piat, était défendue par une soixantaine de fédérés de toute provenance, parmi lesquels on ne comptait pas un seul membre de la Commune. Pas plus que ses anciens collègues de l'Hôtel de Ville, Varlin n'était là ; à cet égard nulle hésitation n'est possible, car on sait le nom des derniers soldats de la révolte. Avec imprudence Varlin se montrait donc en public. Un homme décoré, qui, dit-on, était un prêtre revêtu d'habits bourgeois, l'aperçut et le dénonça à un lieutenant de la ligne, qui le fit arrêter. Ce prêtre, si c'en était un, eût mieux fait de continuer sa route. Si Mgr Darboy, si le père Olivaint, si le père Caubert, ressuscites par miracle, eussent passé par là et eussent reconnu Varlin, ils auraient détourné la tête et se seraient éloignés en priant pour cette âme fourvoyée.

On a prétendu que, par un raffinement de cruauté, on avait conduit Varlin jusqu'au sommet des buttes Montmartre. Il n'y eut là aucune cruauté, mais un fait naturel imposé par la discipline militaire. L'officier appartenait à la division du général Laveaucoupet ; celui-ci avait son quartier à Montmartre, et c'est là que le prisonnier devait être mené, car le lieutenant n'avait point qualité pour statuer sur le sort d'un membre de la Commune. On a dit aussi que Varlin avait été attaché, que des liens serraient ses poignets jusqu'à lui faire gonfler les mains ; je crois que c'est encore une erreur, et que Varlin, laissé libre, marcha entre six soldats. Tant qu'il fut dans la rue Lafayette, dans le faubourg Poissonnière, nul ne fit attention à lui. La population, exaspérée par cette longue lutte, par l'incendie, par le massacre des otages, réservait ses fureurs et ses basses insultes pour les bandes de prisonniers que l'on dirigeait sur les prévôtés ou sur Versailles ; elle restait indifférente à la vue d'un seul homme placé au milieu d'une petite escorte. Au coin d'une rue, un groupe de curieux s'approcha ; quelqu'un lui cria : Comment t'appelles-tu ? Il répondit orgueilleusement : Varlin ! Chacun se regarda comme pour s'interroger ; nul ne connaissait ce nom. Dès qu'il eut franchi les anciennes barrières et qu'il eut mis le pied sur la gibbosité qui porte Montmartre, l'attitude de la population fut modifiée, et le supplice commença. Il était là sur le territoire de l'émeute et du meurtre, sur ce fameux mont Aventin qui avait tant fait parler de lui le 18 mars ; il entrait dans la zone où le général Lecomte et Clément Thomas avaient rencontré la mort que l'on sait. Varlin put s'apercevoir que les opinions politiques et sociales préoccupent peu les gens qui ont du goût pour le meurtre. Dans la rue Ramey, dans la rue Fontenelle, les mégères de Montmartre, suivies de leurs petits, se ruèrent sur le prisonnier, que les soldats eurent grand'peine à protéger. Comme pour le général Lecomte, comme pour Clément Thomas, on criait : A mort ! A mort ! — On ne sait quel accès de vertu subit avec envahi cette populace qui hurlait : C'est un assassin ! c'est lui qui a tué l'archevêque ! c'est un incendiaire ! A la torture, il faut qu'il avoue !

La foule était énorme, plus de mille femelles accompagnées de quelques mâles pressaient les soldats qui hâtaient le pas et s'ouvraient passage à coups de crosse. Varlin était impassible, très pâle, mais très ferme ; on lui jetait des pierres, des ordures, on essayait de le frapper ; on avait crié : Chapeau bas ! et un voyou, d'un coup de latte, lui avait enlevé sa coiffure. Se souvint-il à ce moment du cortège qui, deux jours auparavant, presque à la même heure, avait gravi la rue de Belleville pour aller s'engouffrer dans la rue Haxo ? Il y était ; il était au secteur, et, dans l'espoir de sauver les otages, il lutta contre Hippolyte Parent, dernier chef de la révolte et cinq fois repris de justice. Il est désolant que ce fait n'ait point été connu, car, sans aucun doute, il eût aidé à protéger la vie de ce malheureux. L'heure n'était point à la clémence. Dans chaque insurgé prisonnier on voyait un des assassins de l'archevêque, dont le meurtre, plus que tout autre, avait mis les soldats en fureur. La victoire frappait en aveugle, elle frappa Varlin.

La cohue mugissait ; au milieu des mille clameurs qui composaient son cri, on ne distinguait que deux mots : A mort ! On arriva ainsi rue des Rosiers, auprès du général Laveaucoupet[6]. Les papiers trouvés sur Varlin ne permettaient d'avoir aucune hésitation sur son identité, que du reste il revendiquait : Oui, je suis Varlin ; Louis-Benjamin Varlin ; oui, j'ai été membre du Comité central et de la Commune ; j'ai été délégué aux finances jusqu'au 22 avril ; puis délégué aux subsistances ; j'ai été directeur de la manutention ; j'ai été adjoint, le 6 mai, à la délégation de la guerre, et depuis le 21 je suis intendant en chef de la garde nationale fédérée. Ces aveux, prononcés avec quelque jactance, entraînaient un ordre d'exécution. On voulut le fusiller dans le jardin, là même où le général Lecomte était tombé. Un officier dit : Non, pas dans notre quartier ! On emmena Varlin ; quatre chasseurs, commandés par un adjudant sous-officier, l'entouraient. La foule criait : Il faut qu'on le promène ; encore ! encore ! Faites-lui faire le tour des Buttes ! — On a affirmé que les soldats avaient obéi à cette injonction : c'est faux. Moins de dix minutes après être sorti de la rue des Rosiers, Varlin était mort[7]. On le conduisit au sommet de la colline, à l'endroit où l'on découvre la plaine de Saint-Ouen. L'adjudant sous-officier eut la sottise de lui faire une allocution. Varlin, les deux bras pendants le long du corps, se tenait très droit, et regardait la foule avec des yeux terribles. Deux soldats s'approchèrent presque à bout portant et voulurent faire feu ; les deux fusils ratèrent. Les deux autres chasseurs tirèrent, il s'affaissa sur le côté et ne remua plus ; une balle traversant le cœur l'avait foudroyé. Toute la tourbe battit des mains, comme deux mois auparavant elle avait applaudi en voyant tomber Clément Thomas. Ainsi mourut Varlin pour avoir dédaigné son bon outil d'ouvrier et avoir demandé à la révolte la réalisation de ses chimères.

La façon courageuse dont il mourut fit croire qu'il n'était pas mort, et que la justice sommaire de l'armée s'était égarée sur un faux Varlin. Une lettre que j'ai sous les yeux, écrite par des ouvriers relieurs qui l'avaient souvent fréquenté, dit : Le Varlin que l'on a fusillé à Montmartre ne peut être le vrai, qui était, par nature, un peu sournois et beaucoup poltron ; depuis treize ou quatorze ans que nous le connaissons, nous n'avons jamais cru chez lui à un acte quelconque de courage ou d'énergie. Cette observation est sans valeur. On a du resté systématiquement nié la mort de quelques personnages de la Commune ; on a été jusqu'à soutenir que Millière, que Delescluze, que Raoul Rigault, n'avaient point été tués. Ce sont là des légendes dont la réalité ne laisse même pas subsister l'apparence, mais qui serviront peut-être plus tard à motiver d'étranges revendications ; il est possible que nous voyions apparaître un jour quelque faux Raoul Rigault, comme Hérodote nous raconte qu'il y eut un faux Smerdis. Quant à la ferme attitude que Varlin a conservée non seulement devant la mort, mais devant les malédictions des bandes qui lui faisaient cortège, elle me semble facile à expliquer.

Bien des êtres que l'on croit faibles et qui le sont se redressent et trouvent en eux-mêmes une force d'extrême résistance lorsqu'ils sont placés en présence de l'inéluctable ; on dirait qu'ils empruntent au destin quelque chose de son impassibilité[8]. Ceci fut-il le cas de Varlin, on peut le présumer ; mais lorsque l'on connaît les illusions dont il s'était enivré, les efforts qu'il avait faits pour grouper tous les ouvriers dans une sorte d'affiliation générale dont le seul poids eût ébranlé les assises de la société française, lorsque l'on sait dans quels rêves il vivait, oh peut affirmer qu'il est mort résigné, car l'heure qui a précédé son supplice a mis à nu devant lui les instincts de ceux qu'il se croyait appelé à régénérer.

Pour lui la foule, c'était le peuple et il comprenait trop tard, par une sorte d'illumination suprême, en voyant comme elle le malmenait, lui son bienfaiteur et son apôtre, qu'en la conviant, sans éducation préalable, à l'exercice de droits nouveaux, il n'avait fait qu'ouvrir un champ plus vaste aux convoitises qu'aucun scrupule n'atténue. Il dut avoir là une impression qui lui donna en une seule minute l'expérience des longues existences. Il comprit la lâcheté des foules qui haïssent naturellement les vaincus, car elles ne respectent que la force ; il devina que l'homme soustrait à l'action des lois redevient l'animal qu'il a été dans les temps préhistoriques ; il s'aperçut qu'il s'était trompé en demandant aux instincts ce qui n'est que le produit de l'action de la morale et de l'instruction ; il se sentit humilié jusque dans les derniers replis de son âme par les traitements que ses amis, — ses frères, — lui infligeaient. Pour échapper à cette vision qui lui révélait d'une façon foudroyante une série de vérités élémentaires qu'il ne soupçonnait même pas, il fut satisfait de mourir ; et c'est pour cela qu'il est bien mort. Le parti qui réclame aujourd'hui Varlin comme l'un de ses martyrs, comme l'un de ses héros, peut être certain que ce malheureux l'a maudit avant de périr.

Il n'en fut point ainsi de Charles Beslay ; il n'eut point à faire, Dieu merci, une aussi cruelle expérience personnelle et les illusions de sa sénilité survécurent à la défaite de l'insurrection qu'il avait côtoyée, parfois blâmée et souvent contenue. Il put voir, lui, contrairement à Varlin, qu'il n'avait point créé d'ingratitude autour de lui. Il avait, dans une mesure considérable, porté secours à la Banque, il l'avait protégée de son mieux, très efficacement dans un jour de grand péril ; la Banque fut reconnaissante, elle se referma sur lui, le cacha et lui donna une hospitalité que tous les employés soupçonnaient et que personne ne trahit. Dans le seul intérêt de sa sécurité, on ne lui permettait pas de sortir, mais on le laissait aller et venir à sa guise dans toutes les parties de la vaste maison. Il était calme ; il se frottait les mains et disait : Je n'ai jamais été si heureux.

Sa première pensée avait été de solliciter de M. Thiers un sauf-conduit de trois jours pour mettre ordre à ses affaires ; il écrivit au président de la république et au procureur général, demandant à partager le sort de ses collègues de la Commune, dont il condamnait les crimes, tout en se déclarant partisan de leurs principes. Ainsi, tandis que les hommes jeunes qui avaient siégé à l'Hôtel de Ville se déguisaient et ne reculaient devant rien pour se mettre à l'abri des lois, ce vieillard s'offrait en holocauste. Ses lettres, qui sont du 30 mai, ne reçurent point de réponse. M. Thiers savait déjà à quoi s'en tenir sur le rôle que le père Beslay avait joué à la Banque et il était décidé à ne jamais sévir contre ce doux aliéné. M. de Plœuc, de son côté, qui s'entremettait pour lui obtenir un passeport, se chargea de lui faire entendre raison et de le maintenir dans son appartement de la Banque, jusqu'au moment où sans danger on pourrait franchir une frontière.

Charles Beslay prit assez philosophiquement son parti de n'être point martyr. Il s'était mis au travail et préparait dé nouveaux statuts qui élargiraient l'action de la Banque et qui, je me hâte de le dire, la ruineraient infailliblement si jamais ils étaient appliqués. Il eût voulu faire de la Banque de France le commanditaire du commerce, de l'industrie, de l'agriculture et des arts. C'est fort simple : tout individu ayant besoin d'argent vient en chercher à la Banque, qui s'empresse de lui en prêter sans intérêt sur sa bonne mine ; c'est cela que l'on appelle fournir des instruments de travail aux travailleurs ; en outre, l'argent n'est rendu que lorsque l'emprunteur est en mesure de le restituer. Cette opération, dont le résultat n'est douteux pour personne, paraissait une trouvaille au père Beslay, qui disait : La Banque ne peut que s'enrichir par ce système ; car, chacun faisant fortune, grâce à elle, tiendra à honneur de lui rapporter le capital avancé en y ajoutant des intérêts proportionnels. Il expliquait ce qu'il appelait ses idées à M. Marsaud, à M. Mignot, qui souriaient avec bienveillance et ne semblaient pas convaincus ; le père Beslay, toujours de bonne humeur, leur disait : Vous êtes des routiniers ! Lorsqu'on lui parlait des forfaits commis par les gens de la Commune, il s'assombrissait ; il avouait qu'on avait été trop loin, mais ajoutait aussitôt : On est venu les interrompre au milieu de l'élaboration, on ne leur a pas laissé le loisir de se constituer. Ah ! si nous avions eu le temps, nous aurions fondé la société modèle et tous les peuples, frappés d'admiration, nous eussent imités.

Je viens de relire un projet intitulé : Réformes à réaliser, qu'il écrivit pendant son séjour à la Banque, après la chute de la Commune ; à son insu, il a rédigé là un code de confiscation dont le premier article prescrit le remboursement de la dette publique. La fin justifie les moyens : afin de dégrever l'État, on confisque les fortunes particulières, ou peu s'en faut ; l'État reprend d'une main ce qu'il restitue de l'autre, à peu près comme un propriétaire qui diminuerait 1.000 francs sur un loyer à la condition que le locataire lui servirait tous les six mois une rente de 500 francs. Le père Beslay était fier de son projet ; il frappait avec conviction sur son papier en disant : L'avenir économique de la France est là !C'est possible, lui répondait M. Marsaud avec son sourire dont la bienveillance ne dissimule pas toujours l'ironie, c'est possible ; mais je crois que nous ne sommes pas encore mûrs pour de tels progrès. Et Charles Beslay reprenait son refrain : Vous êtes tous des routiniers.

La fin de mai était passée et le mois de juin aussi ; les poursuites se ralentissaient, les grandes colères de la première heure s'apaisaient ; le marquis de Plœuc avait tout préparé pour le départ de celui qu'il nommait en plaisantant son prisonnier ; il avait reçu du secrétaire de la présidence un passeport qui l'autorisait à sortir de France avec deux personnes non désignées ; ces deux personnes furent Charles Beslay et son fils, qui ne voulut céder à nul autre le droit de l'accompagner. En quittant la Banque, où il ne devait jamais reparaître, le père Beslay fut ému ; il avait été touché de l'hospitalité qui l'avait accueilli et gardé. Lorsqu'il dit adieu aux chefs de service, il avait les larmes aux yeux ; on le vit partir avec regret ; il était aimé, car sa bonté ingénue inspirait cette sorte de commisération attendrie que l'on éprouve pour les innocents. Grâce à quelques précautions, les trois voyageurs arrivèrent en Suisse sans encombre. Beslay, malgré qu'il en eût, ne dissimula pas qu'il était satisfait d'avoir franchi la frontière. M. de Plœuc le conduisit lui-même jusqu'à l'asile qu'il s'était choisi, acquittant ainsi la dette de reconnaissance que la Banque avait contractée envers le délégué de la Commune.

Le procès de Beslay fut instruit selon les formes de la jurisprudence des conseils de guerre, et il se passa à ce propos un fait qui n'a peut-être pas de précédents. Quoique Beslay fût absent, les dépositions de tous les témoins furent tellement unanimes en sa faveur qu'il fut l'objet d'une ordonnance de non-lieu. Il eût pu rentrer en France ; il préféra rester à Neuchâtel, où il s'était établi et où il essaya de nouvelles combinaisons financières dont le résultat le plus positif consistait pour lui à ne jamais fermer sa bourse aux réfugiés, qui venaient y puiser souvent. Le père Beslay, qui a écrit : J'étais impérialiste en 1815, libéral en 1820, républicain en 1848, maintenant je suis franchement socialiste, le père Beslay est mort incorrigible, incorrigiblement bon. Lorsqu'on l'enterra (mars 1878), les réfugiés de la Commune voulurent faire quelque manifestation autour de son cercueil ; son fils s'y opposa et fit bien.

 

 

 



[1] Voir Pièces justificatives, n° 8.

[2] Dans les jours qui suivirent le 4 septembre, une députation se présenta à l'Hôtel de Ville et demanda comme mesure urgente de salut que l'on jetât au feu le livre de la dette inscrite. Henri Rochefort répondit assez spirituellement à l'orateur et ajourna toute opération de ce genre jusqu'à la fin de la guerre.

[3] Voir les Convulsions de Paris, t. II, chap. II.

[4] Je crois qu'ils étaient de Rouen, mais je n'ose l'affirmer.

[5] La valeur intrinsèque de cette médaille ne dépasse pas 30 fr.

[6] On a dit qu'au moment de sa mort Varlin était porteur de 400.000 fr. ; c'est une calomnie, que des historiens sérieux ont eu tort de ne pas repousser. La vérité est que la veille, samedi matin, lors d'un dernier payement fait aux membres de la Commune, le chef de la comptabilité de la délégation aux finances avait eu quelque peine à faire accepter 300 francs à Varlin, qui refusait en disant : Je n'ai plus besoin de rien, je veux mourir.

[7] Je suis pas à pas le récit d'un témoin oculaire ; j'y lis : Je me rappelle aussi qu'après l'exécution je regardai l'heure à ma montre : il était à peine quatre heures.

[8] L'épicier Pépin, complice de Fieschi, ne fut pas autrement. Tant qu'il crut pouvoir éviter une condamnation capitale, il fut misérable et lâche ; dès qu'il comprit qu'il était perdu, il devint courageux et jusque sur l'échafaud garda une excellente attitude.