III. — LES PREMIÈRES RÉQUISITIONS. M. Rouland, gouverneur de la Banque de France, est appelé à Versailles et refuse de s'y rendre. — Les délégués du Comité central. — Demande d'un million. — Discussion. — Le compte courant de la Ville de Paris. — M. Rouland accorde le million. — Ce million a peut-être sauvé Paris. — Les officiers-payeurs fédérés à la Banque. — M. Mignot, caissier principal. — Il se met a la recherche de lourde. — A la place Vendôme. — Au ministère des finances. — A l'Hôtel de Ville. — Le citoyen Édouard Merlieux. — On se prépare à la lutte. — Demande et promesse de secours. — Le double jeu de la Banque. — Elle subvient aux exigences de Paris et aux besoins de Versailles. — Promenade sur les boulevards. — Le 162e bataillon fédéré veut occuper la Banque et est évincé.Le lundi 20 mars, dans la matinée, M. Rouland, gouverneur de la Banque de France, reçut une dépêche de M. Thiers qui le mandait à Versailles : affaire urgente. M. Rouland se dit que l'affaire la plus urgente était d'attendre et de rester à Paris, afin de voir ce que l'insurrection allait devenir. Malgré l'insistance de M. de la Rozerie, conseiller à la Cour des comptes, qui fut jadis attaché à son cabinet au ministère de l'instruction publique et qui lui est resté profondément dévoué, M. Rouland se décida à ne point répondre à l'appel que M. Thiers lui adressait. Bien lui en prit, car ce. même jour la Banque, ou, pour mieux dire, la caisse de la Banque eut à subir un premier assaut. Dans les circonstances présentes, le gouverneur seul avait qualité pour prendre une détermination d'où le salut de l'institution tout entière pouvait dépendre et pour accepter, sous sa propre responsabilité, loin du Conseil général qu'on ne pouvait réunir immédiatement, les conditions que le Comité central, maître de la force, allait lui imposer. Vers une heure de l'après-midi, on prévint le gouverneur que plusieurs personnes, qui paraissaient réunies en dépuration, se présentaient comme envoyées par le Comité central[1] et demandaient à l'entretenir d'une affaire importante. M. Rouland donna ordre de les introduire, et l'huissier de service annonça successivement : MM. Varlin, Billioray, Mortier, Prudhomme, Josselin, Rousseau, Jourde, Andignoux, Gouhier, Arnaud, Assi. Ce fut Jourde et parfois Varlin qui portèrent la parole. A la question usitée en pareil cas : A qui ai-je l'honneur de parler ? — Jourde répondit : Nous sommes membres du Comité central et par lui délégués à l'administration des finances. — M. Rouland aurait pu se demander où le relieur Varlin, le rapin Billioray, le commis architecte Mortier, les ouvriers bijoutiers Prudhomme et Gouhier, le portier Rousseau, le marchand de vin Andignoux, l'employé Josselin, le magnétiseur Arnaud, l'ouvrier mécanicien Assi, avaient appris à diriger les finances ; mais il se contenta d'écouter François Jourde, qui, lui du moins, était un comptable. Jourde dit que le Comité central avait besoin d'un million et qu'il priait le citoyen gouverneur de le lui faire délivrer sans délai. La situation était pénible pour M. Rouland. Malgré le bataillon de la Banque, malgré les gardes nationaux réguliers qui se cantonnaient aux environs, Paris appartenait à l'insurrection. M. Rouland ne l'ignorait pas ; il discuta, sachant bien d'avance qu'il allait céder, mais voulant démontrer par ses objections qu'il n'agissait que sous l'empire de la contrainte. — L'argent qui est à la Banque ne lui appartient pas, elle n'en est que dépositaire. — C'est vrai, et nous le savons, riposta Jourde ; mais aujourd'hui c'est nous qui représentons la Ville de Paris ; or la Ville de Paris a ici, nous en possédons la preuve, un solde créditeur de 8 826 860 francs ; c'est là un compte courant au débit duquel nous vous demandons le million dont nous avons besoin. — M. Rouland reconnut que le chiffre indiqué par Jourde était exact, mais déclara que c'était là un dépôt dont il lui était interdit de disposer. Les membres du Comité central murmuraient ; quelques-uns prenaient des attitudes assez farouches, et Gouhier, selon son habitude, disait : Il faut en revenir aux principes de 93, je ne connais que ça ! Jourde les apaisa de la main. Son argumentation fut simple, et, — eu égard aux circonstances exceptionnelles, qui ne laissaient guère l'embarras du choix, — très sensée : Toute la population est en armes, il y a plus de cent cinquante mille fédérés, il y a leurs femmes et leurs enfants qui n'ont pas un sou, qui ne savent pas comment ils mangeront demain. Le Comité central n'a pas de quoi pourvoir à là solde ; si la solde n'est pas payée, les fédérés se payeront eux-mêmes en pillant les maisons particulières, les établissements de crédit, la Banque, que son petit bataillon sera impuissant à défendre ; ce n'est point l'intérêt des fédérés que l'on plaide : on comprend que le citoyen gouverneur ait peu de sympathie pour eux ; ce que l'on plaide, c'est l'intérêt des particuliers, c'est l'intérêt des institutions financières, c'est l'intérêt de la Banque ; en un mot, c'est l'intérêt de Paris tout entier, qu'il faut sauver d'un cataclysme possible en payant la garde nationale fédérée : donner un million pour cet objet, c'est faire une bonne action en même temps qu'une action prudente, et la Banque le comprendra. Jourde avait parlé avec un peu d'emphase, mais avec conviction. Tout en l'écoutant, M. Rouland réfléchissait : avait-il le droit, en refusant le million exigé, de donner le signal d'une collision qui amènerait peut-être le pillage de Paris ? La question ainsi posée était résolue. Il insista néanmoins pour que la somme fût réclamée au nom et au compte de la Ville de Paris, et surtout pour qu'elle fût exclusivement employée à subvenir aux besoins de la population, c'est-à-dire des gardes nationaux fédérés. — Jourde en prit l'engagement. Eh bien ! dit M. Rouland, vous aurez votre million, mais ménagez-le ; j'outrepasse mes pouvoirs en vous l'accordant, et je ne vous en donnerai pas un second. Les onze membres du Comité central passèrent à la caisse, y touchèrent le million, devant lequel ils ouvrirent de grands yeux, et, s'empressant de faire acte, d'autorité, ils signèrent le reçu l'un après l'autre. Que l'on se rappelle ces jours pleins d'indécision qui s'écoulèrent entre le 18 mars et l'élection des membres de la Commune ; que l'on se rappelle ces bataillons fédérés qui erraient en trébuchant à travers les rues, ces nouveaux maîtres ivres de leur pouvoir usurpé et menaçant quiconque ne l'acceptait pas ; que l'on se rappelle ces soldats du désordre irrités de voir que tout n'avait pas cédé devant eux et exaspérés d'être côtoyés par les hommes de bien qui rêvaient de leur résister ; que l'on se rappelle qu'il suffisait alors d'un accident, d'un malentendu pour faire éclater la lutte dont le désir couvait dans tous les cœurs, et l'on reconnaîtra qu'en consentant le sacrifice imposé, la Banque de France a probablement sauvé Paris dans la journée du 20 mars. Elle croyait bien par cet acte de patriotisme et de prudence avoir évité toute cause de conflit immédiat ; mais elle se trompait, et le soir était à peine venu qu'elle comprenait à quel péril elle avait échappé. Vers huit heures et demie, quelques bataillons appartenant aux quartiers de Belleville et de Ménilmontant, alors campés sur la place Vendôme où commandait Bergeret, envoyèrent leurs officiers comptables à la Banque pour prévenir que s'ils ne recevaient pas immédiatement leur solde, ils viendraient eux-mêmes et en nombre se payer de leurs propres mains. Les délégués aux finances, fort peu organisateurs de leur nature, ne sachant où donner du front dans la cacophonie au milieu de laquelle ils essayaient de se débattre, avaient, négligé de faire savoir aux fédérés que la paye serait faite et régulièrement reprise le lendemain. Quelques impatients, ayant entendu parler d'une démarche du Comité central à la Banque et croyant qu'elle n'avait abouti qu'à un résultat négatif, s'étaient résolus à vider les caisses pour se remplir les poches. On eut beau leur dire que la délégation aux finances avait reçu l'argent nécessaire à la solde, ils n'en voulaient rien croire, et peut-être auraient-ils tenté de forcer les portes, si le bataillon de la Banque n'eût été sous les armes et si les gardes nationaux de l'ordre n'avaient été réunis à la mairie du Ier arrondissement. On les calma comme l'on put ; on leur demanda le temps de se procurer une pièce authentique prouvant que la provision de paye avait été faite ; ils accordèrent deux heures et attendirent. Le gouverneur chargea M. Mignot, le caissier principal, de découvrir Jourde et d'en obtenir une attestation quelconque qui pût dégager la Banque et faire patienter les fédérés. M. Mignot avait alors quarante-trois ans et ne les paraissait pas ; il avait les allures fort jeunes et l'attitude peu timide ; très calme, au fond, portant avec légèreté la responsabilité des milliards dont il a la garde, fin, ironique, excellent à découvrir le côté comique des choses, il est assez insensible au péril et sait que pour faire reculer les chiens hargneux il faut parfois les regarder en face. Où trouver Jourde ? M. Mignot ne s'en doutait guère. A tout hasard, il se rendit à la place Vendôme, qui à cette heure présentait le camp retranché du Comité central. Bergeret n'y était pas ; il était suppléé par son chef d'état-major, un certain du Bisson, vieux bataillard peu scrupuleux, soldat de Cabrera en 1840, conspirateur légitimiste sous l'empire, nommé comte et général par Ferdinand II de Naples, inventeur d'un projet d'expédition par actions en Abyssinie, fort occupé à Montmartre pendant la journée du 18 mars et qui faisait scintiller dans l'hôtel de la place Vendôme les décorations dont sa poitrine était chamarrée. Là on ne savait rien de Jourde, sinon qu'il était délégué aux finances et que probablement on le rencontrerait au ci-devant ministère, rue de Rivoli. M. Mignot s'y transporta. Quoique M. Mignot soit homme à ne s'étonner de rien, il fut pris de dégoût devant le spectacle qu'il eut sous les yeux dès qu'il eut franchi le seuil du ministère. Du haut en bas, les fédérés campaient ; à chaque pas on se heurtait contre des soldats en faction dont la consigne différente n'était comprise par aucun d'eux : — Passez à gauche ! — Passez à droite ! — Passez au large ! — On ne passe pas ! — M. Mignot disait : Je voudrais parler au citoyen Jourde, au citoyen Varlin ou à tout autre membre du Comité. — On ne passe pas ! — M. Mignot insistait. — Passez au large ! — On fit enfin venir un caporal qui répondit avec quelques hoquets : Jourde ? Varlin ? mais ils ne sont pas du bataillon. — Non, ils sont délégués aux finances. — Délégués aux finances ? Jourde ? Varlin ? Je ne connais pas. — Puis criant à tue-tête : Eh ! là-bas ! Qu'est-ce qui connaît Jourde, Varlin, des délégués ? Voilà un citoyen qui les demande. — Une voix répondit : — Ça, c'est du Comité, faut voir à l'Hôtel de Ville. M. Mignot reprit sa course et arriva sur la place de l'Hôtel-de-Ville, qui était transformée en parc d'artillerie ; on n'y pouvait pénétrer ; partout des sentinelles poussaient la baïonnette au visage des passants ; A force de se démener et de parler de communications graves à faire au Comité central, M. Mignot obtint qu'un des officiers fédérés le conduirait jusqu'à l'Hôtel de Ville. De dix pas en dix pas, on s'arrêtait pour échanger le mot d'ordre et le mot de ralliement. Tant de précautions semblaient indiquer que l'on n'était pas trop rassuré en haut lieu, et que la victoire continuait à étonner les vainqueurs. Le palais était ignoble à voir. Là aussi les fédérés campaient au milieu des bouteilles vides et des morceaux de papier graisseux dont leur charcuterie avait été enveloppée. Quelques sentinelles, vautrées sur des fauteuils, le fusil entre les jambes, dodelinant leur tête alourdie, la langue épaisse et l'œil éteint, montaient la garde dans le salon qui précédait la salle où se tenait le Comité central. M. Mignot répéta sa question' : Affaire urgente, Banque de France, citoyen Jourde ou Varlin ? On ne savait où ils étaient. On entr'ouvrit une porte ; une bouffée de clameurs, de vociférations et d'injures vint jusqu'à M. Mignot : le Comité central délibérait. Ni Jourde ni Varlin ne s'y trouvaient : c'est au ministère des finances qu'on les rencontrera. M. Mignot retourna donc au ministère, sans grand espoir de
parvenir à remplir sa mission. Il s'adressa à un officier qui lui parut moins
débraillé et plus convenable que les autres. L'officier écouta et, après
avoir réfléchi quelques instants, il répondit : J'ai
votre affaire. Jourde, je le connais, il est venu ici ce soir, mais il est
parti ; il dîne chez un restaurateur du quartier et a expressément défendu
qu'on le dérangeât ; voyez le secrétaire général. Il y avait donc un
secrétaire général. On conduisit M. Mignot près d'un simple fédère qui était
chargé de ces hautes fonctions ; c'était un beau parleur, arrondissant ses
coudes et ses phrases, fort poli du reste, très empressé à satisfaire M.
Mignot, et qui se nommait. Edouard Merlieux. Il rédigea immédiatement une
instruction aux officiers-payeurs des bataillons non soldés pour leur
enjoindre de se rendre le lendemain 21 mars au ministère des finances, où les
fonds versés par la Banque seraient tenus à leur disposition. Ayant signé
cette paperasse, il la remit à M. Mignot et, lui montrant son nom, il lui dit
avec un sourire mélancolique : C'est peut-être ma tête
que je joue en vous donnant, ceci ! En toute hâte, M. Mignot revint à
la Banque, où l'on commençait à s'inquiéter de son absence prolongée et,
grâce au certificat d'Edouard Merlieux, on put repousser les demandes que les
officiers-payeurs accentuaient déjà avec une insistance menaçante[2]. Dans la journée du 21, on se préoccupa de renforcer le bataillon de la Banque, afin de pouvoir résister à l'attaque que l'on redoutait. M. Chazal se mit en rapport avec M. Méline, adjoint à la mairie du Ier arrondissement, et trois compagnies du 186e bataillon furent dirigées sur l'hôtel de la rue de la Vrillière. Le commandant, qui était un fédéré, ne se souciait pas de garder ce poste réactionnaire, et il s'empressa d'emmener une bonne partie de ses hommes, dont quelques-uns, fort heureux de se trouver à la Banque, n'en voulurent plus sortir. M. Chazal se rendit également à la mairie du IIe arrondissement, s'aboucha avec les adjoints, avec le colonel Quevauvilliers et prit avec ces messieurs quelques mesures de préservation. Il fut convenu que la Banque servirait de pivot pour la défense entre le Ier et le IIe arrondissement. On fut même au moment d'adopter un plan de barricades qui, protégeant à longue distance les approches des rues de la Vrillière, Radziwill, Baillif et Croix-des-Petits-Champs, ferait de tout ce quartier une place d'armes dont la Banque formerait le bastion central. On réfléchit que ça ressemblerait à une provocation, et, à regret, on abandonna ce projet, dont l'exécution eût peut-être fouetté l'énergie trop somnolente du gouvernement de Versailles. On s'attendait du reste si bien à être obligé dé livrer bataille, que M. Méline vint rendre compte au gouverneur des dispositions prises pour défendre la Banque, dont la situation morale devenait très singulière. Elle avait remis la veille un million au Comité central pour payer les fédérés, et de la même main elle donnait 50.000 francs à M. Tirard, maire du IIe arrondissement, 20.000 à un adjoint du VIIe, 400.000 francs au comité du IIe arrondissement et 100.000 francs à l'amiral Saisset pour solder la résistance ; en outre, elle acquittait les mandats que Versailles tirait sur elle ; du 20 au 30 mars, elle envoya plus de 15 millions de francs au gouvernement régulier, par des trésoriers-payeurs, par des inspecteurs des finances qui risquaient au moins leur liberté, et qui eurent le bonheur de déjouer la surveillance très active que Raoul Rigault avait organisée autour de la flanque. Le but qu'elle poursuivait par des moyens qui, en première apparence, pouvaient sembler contradictoires, était le même : endormir le cerbère de la révolte en lui jetant le gâteau de miel, fortifier le parti de l'ordre en subvenant à ses besoins. Le soir du 21 mars, à la veille de la manifestation pacifique qui le lendemain devait se disperser, rue de la Paix, sous les coups de fusil du Comité central, le gouverneur voulut se rendre compte par lui-même de l'état de Paris. Accompagné de M. de la Rozerie, et lui donnant le bras, il sortit. La rue de la Banque, la place de la Bourse, militairement occupées par les gardes nationaux restés fidèles au gouvernement régulier, parurent avoir un aspect rassurant. Les boulevards étaient couverts par une foule de promeneurs et de curieux, dont le flot ondulait lentement sur les trottoirs. Les cafés étaient pleins ; on se gourmait autour des marchands de journaux ; on s'arrêtait pour discuter, et, selon les opinions auxquelles appartenaient les ergoteurs de politique, on maudissait Versailles ou l'Hôtel de Ville. De toutes les conversations que l'on pouvait saisir au passage, il résultait que personne ne comprenait rien aux événements qui s'étaient produits. Quelques drapeaux rouges, prématurément apparus dans la journée, avaient été hués ; on avait ri en les voyant et l'on avait haussé les épaules. M. Rouland, appuyé sur le bras de son ami, allait de groupe en groupe, prêtant l'oreille et tachant d'entendre quelque chose de raisonnable. Comme il était arrêté près de la rue Grange-Batelière devant un cercle d'hommes qui gesticulaient, il sentit qu'on lui mettait la main sur l'épaule et il entendit quelqu'un lui dire à voix basse : Monsieur le gouverneur de la Banque de France, votre place n'est pas ici, et vous êtes bien imprudent de vous y promener. Aujourd'hui même on a arrêté M. Bonjean, et il est sous les verrous ; n'oubliez pas que vous avez été procureur général et que l'heure des représailles vient de sonner. M. Rouland se retourna et se trouva en présence d'un inconnu qui le salua en disant : A bon entendeur, salut ! Le gouverneur continua sa promenade, longea la rue de la Paix, jeta un coup d'œil sur la place Vendôme, dont l'approche était interdite par des sentinelles, et rentra à la Banque. Il put se convaincre que l'on y était sur le qui-vive. Le commandant Bernard se promenait dans la cour, car il redoutait que les fédérés ne tentassent d'entrer par surprise, comme ils l'avaient essayé la nuit précédente. Le 162e avait en effet longtemps parlementé à la porte vers deux heures du matin, afin de se la faire ouvrir, sous prétexte de veiller à la sécurité de la Banque, par pur amour de l'ordre. Derrière les grilles fermées on avait répondu avec politesse que l'on était touché de tant de bon vouloir, mais que la Banque se trouvait suffisamment gardée par elle-même ; le jour, il est vrai, elle n'était qu'un établissement financier, mais, dès que le soir venait, elle se transformait en citadelle : on y faisait des rondes, on y montait faction avec des fusils chargés, on triplait les postes pour n'être point pris au dépourvu, et l'on n'avait besoin de l'aide de personne pour faire son devoir. Le 162e bataillon fut convaincu, car il fit volte-face et s'éloigna au pas accéléré. |
[1] Comité central, séance du 20 mars 1871, présidence du citoyen Assi. — Le citoyen Assi : Le Comité, tout en évitant les reproches de sybaritisme faits au gouvernement de 1848, doit lever les difficultés ; les fonds nécessaires à la solde de la garde nationale doivent forcément se trouver. Un impôt immédiat serait difficile à recouvrer, et peut-être illégal. Le Comité enverra des délégués à la Banque et aux grandes administrations. Ces institutions fourniront, dans la limite du strict nécessaire, les fonds indispensables. La proposition est votée à l'unanimité. (Voir J. d'Arsac, les Conciliabules de l'Hôtel de Ville, Paris, 1871, p. 4.)
[2] Ministère des finances, cabinet du ministre. Paris, 20 mars 1871. — Comme plusieurs bataillons de la garde nationale de Paris, faute d'informations suffisantes, ne se sont pas présentés, s'il se rendait à la Banque de France des officiers-payeurs des bataillons non soldés, prière de les envoyer demain mardi, 21 courant, à partir de 9 heures du matin, au ministère des finances, où les fonds fournis par ladite Banque sont à leur disposition. — Par délégation du Comité, ÉDOUARD MERLIEUX.