Augustin Ranvier, directeur. — Gabriel Ranvier, membre de la Commune. — Ses origines et ses opinions. — Incendiaire et assassin. — Ignorance d'Augustin Ranvier. — Préau de Védel. — Devient le factotum d'A. Ranvier. —Perquisitions et vols dans le quartier. — L'abbé Beugnot. — Le surveillant Villemin. — Gustave Chaudey écroué au Pavillon des Princes. — L'ami de Proudhon. — Chaudey le 22 janvier. — Dénoncé dans le Père Duchêne. — Dernière visite. — Prêtres de Saint-Médard. — Raoul Rigault arrive à Sainte-Pélagie. - Rigault et Chaudey en présence. — Procès-verbal de condamnation. — Rigault commande le feu. — L'assassinat de Chaudey. — L'assassinat de trois gendarmes. — Sainte-Pélagie délivrée. — La mort de Raoul Rigault. — L'exécution de Préau de Védel. — Le suicide d'Augustin Ranvier.La vieille maison de refuge pour les filles de mauvaise vie que Marie Bonneau, veuve de Beauharnais de Miramion, fonda en 1665, forme, dans le quartier du Jardin des Plantes, une sorte d'îlot carré, borné par les rues de la Clef, du Puits-de-l'Hermite, de Lacépède et du Battoir. Elle n'a point de cellules, mais seulement des dortoirs, des salles en commun, quelques chambres réservées à la pistole, et une division isolée généralement attribuée aux détenus politiques, et que l'on appelle, en plaisantant, le Pavillon des Princes. Cette prison est affreuse ; elle est atteinte de lèpre sénile ; on a beau la nettoyer, la fourbir, la repeindre, elle succombe sous le poids de son grand âge ; on dit qu'on va prochainement la démolir ; il y a longtemps qu'elle aurait dû être remplacée, car elle n'appartient plus à notre civilisation. Elle est moins un lieu d'emprisonnement qu'une maladrerie ; pour les malfaiteurs, elle est une école de perversité ; pour les détenus politiques, elle n'est qu'humiliante ; pour l'administration, elle est un coûteux embarras ; elle a droit à la destruction, il faut espérer qu'on ne la lui refusera pas. Elle fut peu utilisée par la Commune, mais n'en fut pas moins souillée d'un quadruple assassinat. Le 22 mars, trois gendarmes, arrêtés le matin à la caserne des Célestins, furent amenés à la prison, par ordre du commandant de place de l'état-major général, et écroués sous les noms d'Auguste Bouzon, Léon Capdeville et Dominique Pacotte ; on les mit et on les laissa ensemble pendant la durée de leur détention, qui devait se terminer d'un façon sinistre. M. Lasalle, directeur régulier, n'avait point quitté la maison ; le 23 mars, à huit heures du matin, son successeur, muni d'un ordre du Comité central, se présenta et prit possession, après avoir donné reçu d'une somme de 2030 francs qui se trouvait dans la caisse. Ce successeur était Augustin Ranvier, commissionnaire en vins, lieutenant, pendant le siège, au 122e bataillon. Il avait une quarantaine d'années et était marié à une femme beaucoup plus âgée que lui, dont il était séparé. Sainte-Pélagie, ou mieux Pélagie, comme l'on disait alors[1], pouvait, pendant la période insurrectionnelle, continuer à être la prison politique par excellence ; on devait donc la placer sous les ordres d'un homme digne de confiance ; il fallait, en outre, que cet homme fût peu scrupuleux, car on pourrait avoir à en exiger des services d'une nature délicate, tels que meurtres, assassinats et autres menues broutilles familières aux hébertistes. Le choix prouvait de la perspicacité. Ce directeur avait été indiqué par un haut personnage de la coterie révolutionnaire quand même, par un futur membre de la Commune et du Comité de salut public, par Gabriel Ranvier, qui était son frère. Comme il était urgent, avant tout, de détruire les abus du népotisme, Augustin avait été immédiatement pourvu. Fréquentant assidûment Gabriel, il avait su se pénétrer de la haine sociale dont celui-ci était dévoré. Ce Gabriel Ranvier a pesé assez lourdement sur Paris pendant deux mois pour qu'il ne soit pas superflu d'en dire quelques mots, d'autant plus qu'il représente un type très commun dans les conspirations menées sous le huis-clos des cabarets et des sociétés secrètes. Il avait essayé d'être peintre, avait brossé quelques paysages ; mais, n'ayant ni talent ni aptitude, il avait eu le bon esprit de cesser de vouloir être artiste et était devenu artisan. Il avait fait des décorations céramiques et des peintures sur laque ; il gagnait assez convenablement sa vie et aurait pu subsister de son travail, lorsqu'il eut la malencontreuse idée de s'établir, de monter un atelier, d'être patron et de quitter le bon outil qu'il avait entre les mains pour avoir l'honneur, à son tour, de diriger une maison. Les qualités du maître, l'économie, l'intelligence, le vouloir persistant, lui faisaient défaut ; il était irrésolu, aimait à boire et n'apportait pas dans son industrie trop de délicatesse, car il reproduisit sans autorisation un dessin dont la propriété appartenait à un grand éditeur de gravures. Celui-ci fit un procès, et Gabriel Ranvier fut condamné à des dommages-intérêts. Au lieu de redoubler d'efforts et de réparer par son travail la perte d'argent où sa légèreté l'avait entraîné, il rumina des projets de vengeance, parla de la revendication des droits du travailleur, et fut mis en faillite. De ce jour il fut perdu. Il s'en prit à l'état social dans lequel il vivait, à la tyrannie du capital, à l'égoïsme des classes dirigeantes ; il s'en prit de sa mésaventure à toutes sortes de lieux communs, au lieu de s'en prendre à son inconduite et à son incapacité. Il rechercha les hommes de désordre, s'affilia aux sociétés secrètes, devint orateur des clubs et fit si bien qu'il fut condamné à la prison vers la fin de l'Empire ; le 4 septembre le libéra. La chute de l'Empire, qu'il accusait de tous ses maux, ne lui suffisait pas ; il était affilié à l'Internationale, qui liquiderait la question sociale, et lié avec Gustave Flourens, qui résoudrait le problème politique. C'est assez dire qu'il n'appartenait qu'à la violence. On le vit bien au 31 octobre ; il fut un des envahisseurs de l'Hôtel de Ville, un de ceux qui demandèrent que l'on jetât le gouvernement à la Seine. A ce moment, il était commandant du 141e bataillon ; il fut révoqué, ce qui engagea les électeurs à le nommer maire du XXe arrondissement. Il était failli non réhabilité ; c'était un cas d'incapacité qui permit d'annuler légalement l'élection. Dès lors il réclame la substitution de la Commune au gouvernement de la Défense nationale. Le 29 décembre 1870, il signe l'affiche rouge : Place au peuple ! place à la Commune ! Arrêté, il est délivré le 22 janvier avec Flourens. Le 18 mars, c'est lui qui s'empare de l'Hôtel de Ville. Il avait une certaine astuce, dont il donna preuve le 20 mars en qualité de membre du Comité central, car c'est lui qui rédigea l'avis par lequel on prévient la population que les Versaillais ont expédié des repris de justice à Paris pour commettre des méfaits, afin de ternir l'honneur du peuple. Il avait prévu sans doute les excès auxquels lui et les siens allaient se livrer, et essayait, au début même de l'insurrection, d'en rejeter la responsabilité sur le gouvernement de la France[2]. Dans les conseils de la Commune, il ne manqua pas de frénésie ; son irrésolution naturelle, qu'il n'ignorait pas, le poussait aux déterminations excessives ; il avait peur de paraître faible, et afin de se donner à lui-même un brevet d'énergie, il sut toujours dépasser la violence des plus violents. Le 24 mai, il ne quitta l'Hôtel de Ville qu'au moment où les flammes en jaillissaient. Lés derniers ordres d'extermination furent signés par lui ; nous le retrouverons à la mairie de Belleville lors du plus grand crime que la Commune ait à se reproche. C'était le frère de cet homme qui venait de prendre la direction de Sainte-Pélagie ; il était dur, ivrogne, toujours au comptoir des marchands de vin du quartier, peu délicat dans le choix de ses plaisirs, fort embarrassé en présence des registres, des paperasses de toute sorte qu'il voyait dans le greffe et sachant d'autant moins comment il se tirerait de ce grimoire, que M. Beauquesne, le greffier normal, avait eu le bon esprit de partir en emportant les livres de comptabilité. Il nomma deux greffiers : Clément, qui venait on ne sait d'où, et Benn, un Anglais, qui avait été garçon passementier ; tous deux n'avaient d'autre mérite que de partager ses opinions, de vouloir, ainsi que lui, la substitution du peuple à toute autre classe de la société, la république universelle, la fédération des peuples et le collectivisme. Le mouvement de la prison étant presque nul, les écritures n'étaient point fort compliquées et les choses marchaient à peu près régulièrement ; mais Augustin Ranvier n'était point satisfait, car sa correspondance administrative lui offrait des difficultés insurmontables. Ses greffiers improvisés n'en savaient guère plus que lui à cet égard, et quoique dans ce temps-là le service épistolaire entre la Préfecture de police et les prisons ait été fort simplifié, le directeur eût été incapable de faire ce que l'on nomme le nécessaire quotidien, si, sous les verrous mêmes de Sainte-Pélagie, il n'eût trouvé l'homme qu'il lui fallait, dans la personne d'un détenu nommé Gustave-Simon Préau de Védel, ingénieur-constructeur, condamné à treize mois de prison pour escroquerie, et qui faisait fonction de bibliothécaire dans la maison. Préau de Védel avait sans doute conçu une mortelle aversion contre une société qui a des lois et qui punit les malfaiteurs. Son intelligence le rendait redoutable ; il avait de la finesse, de l'entregent, de la taille, de la force, une certaine beauté brune qui n'était pas sans charme, de la faconde, et cette bonhomie railleuse qui désagrège les scrupules les plus solides[3]. Les scrupules d'Augustin Ranvier n'étaient point de telle trempe qu'il ne pût les ébrécher sans peine, car il ne fut pas long à s'emparer du directeur et à en devenir le compagnon. Il lui faisait ses écritures et avait promesse d'être bientôt nommé premier greffier. Il continuait d'habiter la prison, mais il n'y était plus enfermé ; il avait quitté le costume des détenus, avait repris ses vêtements bourgeois et ne se montrait qu'armé d'un revolver, qu'il aimait à mettre sous le nez de ses interlocuteurs. En réalité, pendant la Commune, Préau de Védel bien plus qu'Augustin Ranvier fut le seul directeur de Sainte-Pélagie. Il commandait aux surveillants, donnait des ordres aux greffiers, décachetait la correspondance officielle, changeait les fournisseurs habituels de la prison, afin d'obtenir des pots-de-vin qu'il partageait avec Ranvier, et accompagnait celui-ci dans les cabarets du voisinage. Le soir, on se réunissait dans le salon du directeur avec des amis et quelques personnes de bon vouloir dont les mœurs ne paraissent pas avoir été trop sévères. Benn, Clément, Préau de Védel et Ranvier formaient un quatuor qui buvait et se divertissait. Grâce aux surveillants, la discipline de la prison, pleine de gens incarcérés pour crimes ou délits de droit commun, n'avait pas trop à souffrir ; seulement, si la cantine manqua quelquefois de vin, c'est que la direction en avait épuisé l'approvisionnement. On avait suspendu tout travail dans les ateliers, sous prétexte que le travail des détenus nuit à l'industrie privée ; les prisonniers, mourant d'ennui, bâillaient dans les chauffoirs, se groupaient dans les préaux, et regrettaient le temps où leur facile besogne leur permettait de gagner quelques sous. Tout se sait, même dans les geôles ; les détenus finirent par apprendre ce qui se passait chez le directeur. Un jour que Préau de Védel traversait une cour, il fut sifflé ; on lui lança quelques plaisanteries qui lui rappelèrent qu'il avait de nombreux camarades parmi ceux que la justice avait frappés ; il se le tint pour dit et préféra la société de ses nouveaux amis à celle de ses anciens compagnons de chambrée. Il avait persuadé à Augustin Ranvier qu'en qualité de directeur de Sainte-Pélagie il avait le droit et le devoir de surveiller les rues voisines, de faire des perquisitions et même des arrestations ; c'était affirmer du même coup sa propre autorité et celle de la Commune. Puisqu'il était directeur de prison, il avait, par ce fait même, pouvoir de séquestration ; c'était là un raisonnement si clair qu'il fallut bien s'y rendre. Dès lors on fit des expéditions nocturnes. On sortait vers les dix heures du soir ; on allait dans le quartier, heurtant aux portes, faisant ouvrir au nom de la loi, et, sous prétexte de s'assurer que les locataires de la maison n'entretenaient pas de relations avec Versailles, on fouillait les meubles, on forçait les tiroirs et l'on dévalisait les commodes. On ne sortait jamais de là les mains vides, et parfois on s'en allait les poches pleines. Lorsque l'on tombait par hasard sur des récalcitrants, on les emmenait à Sainte-Pélagie et on les y gardait un ou deux jours au régime de la prison. Quand l'aubaine avait été bonne, on se donnait une petite fête entre intimes, ce que l'on appelait un balthazar. Les moins gris couchaient le directeur, qui, ayant la tête un peu faible, tombait toujours le premier sous la table. Une nuit ils firent mieux ; guidés par Préau de Védel, ils se rendirent, près de la place Saint-Victor, dans une vaste maison où logent la plupart des Italiens, musiciens ambulants et modèles, qui émigrent à Paris. Ils s'adressèrent à une famille composée du père, de la mère et de deux filles déjà grandelettes ; on ne trouvait rien dans les meubles que des nippes insignifiantes ; cela parut peu naturel ; les femmes, obligées, le pistolet sur la gorge, de se mettre nues devant ces coquins, furent dépouillées des ceintures où elles avaient caché leurs économies. La prise était importante sans doute, car la noce qui suivit cette expédition se prolongea pendant deux jours. C'étaient du reste des gens d'ordre. L'abbé Beugnot, aumônier de Sainte-Pélagie, avait été forcé de quitter la prison et de se réfugier chez un ami pour éviter les mauvais traitements dont il était menacé. Dès qu'il fut parti, on crocheta la porte de son appartement, on brisa ses meubles, on vola son linge, on vida sa cave. Jusque-là rien que de naturel ; mais Ranvier, dépositaire et responsable des deniers de l'État, fit remettre à l'abbé Beugnot la facture du serrurier qui avait ouvert les serrures, et la note du commissionnaire qui avait employé quatre jours à transporter le vin de la cave au local de la direction ; l'abbé Beugnot ne crut pas devoir payer. Le 26 avril, un surveillant de la Santé, nommé Villemin, vint prendre service à Sainte-Pélagie en qualité de sous-brigadier ; ce Villemin, ancien marin, ancien soldat, homme ferme et loyal, n'avait accepté cet avancement irrégulier que sur les instances de M. Claude, chef du service de sûreté, alors détenu comme otage à la Santé. Le poste de brigadier était vacant à Sainte-Pélagie, et M. Claude avait compris que l'autorité exercée par Villemin pourrait avoir une bonne influence sur la tenue de la maison. C'est ce qu'Augustin Ranvier ne tarda pas à reconnaître ; plusieurs fois il traita Villemin de Versaillais, ce qui était alors une grosse injure, et le menaça de le faire fusiller. Villemin pliait le dos, laissait passer la bourrasque, reprenait son service, lâchait d'occuper les détenus et allait souvent causer avec Bouzon, Pacotte et Capdeville, qui étaient toujours prisonniers ; il leur portait quelque nourriture et parfois un gobette — verre de vin — supplémentaire. Tout cela déplaisait à Ranvier, qui, pour neutraliser le sous-brigadier et suivre sans doute un conseil donné par Préau de Védel, nomma un brigadier auquel tout le personnel des surveillants serait soumis. Il fit choix pour ce poste — qui est très important dans une prison — d'une de ses vieilles connaissances, brocanteur, marchand de vieux habits, revendeur de chiffons, résolument ivrogne, qui s'appelait Félix-Magloire Gentil et que Raoul Rigault avait parfois utilisé en guise de commissaire de police. Ce Gentil était homme à ne reculer devant rien ; aussi fut-il apprécié par les compagnons du directeur et admis dans leur intimité. Le vendredi 19 mai, Gustave Chaudey fut amené à Sainte-Pélagie et écroué au Pavillon des Princes. Arrêté le 13 avril par ordre de Rigault, incarcéré au Dépôt, transféré le 14 à Mazas, il devait aux sollicitations de sa femme d'avoir été transporté à Sainte-Pélagie, où il était matériellement mieux et où il se croyait peut-être plus en sûreté. Chaudey était alors un homme de cinquante-deux ans, avocat à la cour d'appel, aimé de ses collègues, auxquels plaisait sa bonhomie un peu bruyante, d'opinions républicaines modérées, inclinant vers les idées girondines. Lié avec son compatriote Proudhon, il en avait subi l'influence et en avait admiré la logique, sans trop s'apercevoir que les conclusions étaient souvent erronées, parce que les prémisses n'étaient pas toujours justes. Il ne savait pas que Proudhon s'effrayait parfois lui-même de son œuvre et que, le a mai 1860, il avait écrit à son confident, Charles Beslay : J'ai vécu, j'ai travaillé, je puis le dire, quarante ans dans la pensée de la liberté et de la justice ; j'ai pris la plume pour les servir, et je n'aurai servi qu'à hâter la servitude générale et la confusion. Aveu que plus d'un révolutionnaire a dû laisser échapper dans le secret de sa conscience. Après la révolution du 4 septembre, à laquelle Gustave Chaudey s'était associé sans réserve, il fut nommé maire du IXe arrondissement ; n'ayant pas été réélu au mois de novembre, il fut attaché comme adjoint à la mairie de Paris. Il était à l'Hôtel de Ville le 22 janvier, lorsque les émeutiers s'y présentèrent précédés par deux députations dont les orateurs exigeaient la sortie en masse. Le commandant militaire répondit que toute la garde nationale serait prochainement appelée à combattre l'ennemi ; les orateurs répliquèrent : C'est ça, on veut encore nous envoyer à la boucherie et faire massacrer le peuple ! Peu d'instants après cet incident la fusillade commença ; la place fut promptement déblayée par la garde mobile et par la gendarmerie. Cette tentative d'insurrection était comme une pointe aiguë dans le souvenir des triomphateurs du 18 mars. Force était restée à la loi, l'ordre n'avait été que momentanément troublé, le gouvernement de la Défense nationale n'avait point été écroué à Mazas ; c'étaient là trois crimes dont on faisait retomber la responsabilité sur Gustave Chaudey. Dès que la confusion qui suivit la journée du 18 mars fut
un peu calmée, quelques-uns des vainqueurs se souvinrent de Chaudey ; il
était en suspicion, on le fit surveiller. Le 31 mars 1871, la dépêche
suivante est expédiée ; Place à la Sûreté générale ; Prendre renseignements
sur le nommé Chaudey. Le général commandant la place de Paris, BERGERET. Cela n'était qu'un indice de mauvais
vouloir, que Chaudey ignora sans cloute. Ce fut le Père Duchêne qui le
dénonça et demanda qu'il fût mis à mort : Il y a,
par exemple, le misérable Chaudey qui a joué un sale rôle dans cette
affaire-là (22 janvier) et qui se balade encore dans Paris aussi tranquille qu'un
petit Jean-Baptiste ; est-ce qu'on ne va pas bientôt décréter d'accusation ce
j.-f.-là et lui faire connaître un peu le goût des pruneaux de six livres
dont il nous a régalés dans le temps ? Vermersch, rédacteur en chef de
ce journal, a déclaré qu'il n'était pour rien dans cette délation ; on en a fait
retomber la responsabilité sur un nommé Alphonse Humbert ; il nous est
impossible d'émettre une opinion à cet égard ; nous savons seulement que la
dénonciation fut publiée page 8 du n° 27 du Père Duchêne, en date du
22 germinal an LXXIX. Le soir même, 12 avril, Delescluze dit, en séance de la
Commune, à Raoul Rigault : Je suis surpris que
Chaudey ne soit pas arrêté. Le lendemain, Chaudey était arrêté par les
soins d'un certain Pillotel, qui cinq jours plus tard vint arrêter aussi 815
francs au domicile de Mme Chaudey. Des démarches très pressantes furent
vainement faites pour obtenir la liberté de ce prisonnier d'État. Un ami de
Chaudey alla en parler à Raoul Rigault, qui répondit : Entre Troppmann et Chaudey, je ne fais point de différence. On a dit qu'une haine secrète, motivée par des faits compromettants dont Chaudey avait eu connaissance, avait poursuivi ce malheureux ; nous ne faisons que mentionner ce bruit, sans y attacher une grande valeur, car nous pensons que la nature perverse de Raoul Rigault suffit à expliquer le crime dont il a revendiqué l'accomplissement et auquel il est venu présider lui-même. Chaudey n'ignorait pas que les troupes françaises avaient enfin pu pénétrer clans Paris, et il devait penser que sa délivrance était prochaine. De plus, comme on a une invincible tendance à prêter aux autres les sentiments dont on est soi-même animé, il lui était impossible d'imaginer qu'il courût d'autre danger qu'une prolongation de captivité dans le cas où les bandes de la fédération auraient réussi à repousser l'armée. Le 23 mai était pour Gustave Chaudey un double anniversaire heureux qui lui rappelait son mariage et la naissance de son fils. Ce jour-là, Mme Chaudey, traversant les rues pleines de combattants, était venue voir son mari, et, malgré ses instances, n'avait pu obtenir d'Augustin Ranvier l'autorisation de dîner avec lui. Chaudey descendit au greffe, essaya d'arracher au directeur la permission demandée et n'y parvint pas. Mme Chaudey dut s'éloigner ; elle quitta son mari en lui disant : A demain. La journée avait été assez calme ; la prison cependant avait reçu trois nouveaux hôtes. Des fédérés avaient envahi l'église Saint-Médard, et, à défaut d'adversaires en armes qu'ils n'y cherchaient pas, ils y découvrirent deux vicaires et un bedeau, qu'ils s'empressèrent d'arrêter. MM. Asselin de Villequier, Picou et Platuel furent amenés à Sainte-Pélagie, non sans avoir été injuriés pendant leur trajet par les gardes qui les escortaient et par les insurgés qu'ils rencontrèrent ; ils furent écroués sans motifs, par ordre du chef de la treizième légion qui était Sérizier, lequel n'aimait pas les prêtres, ainsi qu'il le prouva par le meurtre des dominicains d'Arcueil. Le soir était venu ; Augustin Ranvier, assez souffrant à la suite d'un des balthazars dont il avait l'habitude, était couché ; auprès de son lit, Préau de Védel, Gentil, Benn, Clément, Jollivet, officier du XIIIe arrondissement, qui avait amené les prêtres de Saint-Médard, étaient assis, et jouaient aux cartes. Vers onze heures du soir, un surveillant nommé Berthier entra dans l'appartement et dit que Raoul Rigault était au greffe, où il demandait tout de suite le directeur. Augustin Ranvier, Préau de Védel, Benn, Clément et Gentil se hâtèrent et trouvèrent en effet Raoul Rigault, vêtu en chef de bataillon, accompagné d'un commissaire de police dont on ignore le nom, et de son secrétaire particulier, qui se faisait appeler Slom. Le premier mot de Rigault fut : Nous avons quatre canailles ici, nous allons les fusiller, en commençant par Chaudey. Envoyez-le chercher. Berthier sur l'ordre de Ranvier se rendit chez Chaudey,
qu'il trouva écrivant ; il l'invita à le suivre. Chaudey descendit tel qu'il
était, en robe de chambre et en pantoufles, pénétra dans le greffe, reconnut
Raoul Rigault et le salua. Rigault lui dit : J'ai
pour mission de faire exécuter les otages ; vous en êtes un, dans cinq
minutes vous serez fusillé. Chaudey répondit : Songez-vous à ce que vous allez faire ? — La Commune a décidé que tous les otages seraient passés
par les armes ; du reste, Blanqui a été assassiné et vous payerez pour lui.
— Vous vous trompez, Rigault ; Blanqui n'a pas été
assassiné ; je suis en mesure, si vous retardez mon exécution, de vous faire
avoir de ses nouvelles et peut-être même d'obtenir sa mise en liberté.
— Vous voyez bien que vous êtes en relations avec
Versailles ; dépêchons, je n'ai pas le temps de m'amuser ! — Chaudey
dit alors : Eh bien ! je vais vous montrer comment
un républicain sait mourir. — Raoul Rigault leva les épaules, et, s'adressant
à son secrétaire Slom[4], il lui dit : Toi, écris ; puis il dicta le procès-verbal de condamnation
: Par devant nous, Raoul Rigault, membre de la
Commune, procureur général de la dite Commune, sont comparus ; Gustave
Chaudey, ex-adjoint au maire de Paris ; Bouzon, Capdeville et Pacotte, gardes
républicains, et leur avons signifié qu'attendu que les Versaillais nous
tirent dessus par les fenêtres, et qu'il est temps d'en finir avec ces
agissements, qu'en conséquence ils allaient être exécutés dans la cour de
cette maison. Paris, le 23 mai 1871. Le procureur de la Commune ; RAOUL RIGAULT. —
Le secrétaire du procureur ; SLOM. Les trois gendarmes dormaient encore dans leur
chambrée. Pendant que Slom rédigeait le procès-verbal de l'assassinat, Préau de Védel, le brigadier Gentil, le greffier Clément, avaient été au poste de la prison chercher un peloton d'exécution ; huit hommes seulement, appartenant au 248e bataillon, avaient consenti à faire l'office de bourreaux ; ils étaient commandés par le lieutenant Léonard et le sergent Thibaudier ; c'est dans l'arrière-greffe que les armes furent chargées. Est-on prêt ? dit Rigault. — Oui, répondit Préau de Védel, qui, ainsi que Gentil et Clément, tenait un fusil en main. On partit ; on insultait Chaudey, qui marchait droit et la tête haute. Sans faiblir, il pensa à sa femme, à ses enfants, à tout ce bonheur domestique, à l'avenir rêvé qui s'écroulait. Au moment où, après avoir traversé les couloirs, il mettait le pied dans le chemin de ronde, il se tourna vers le procureur de la Commune et lui dit : Rigault, j'ai une femme, j'ai des enfants. Rigault répliqua : Pas de sensiblerie, je m'en f... ! Chaudey ne parla plus et alla se placer contre la muraille, à côté d'une lanterne, redressant sa haute taille et regardant Rigault, qui disait : Bast ! quand les Versaillais me tiendront, ils ne me feront pas tant de grâce ! Léonard rangea le peloton d'exécution ; Raoul Rigault se plaça sur la gauche, tira son épée et commanda : Feu ! Les hommes ne voulaient pas tuer, cela est certain, car ils étaient placés à moins de vingt pas de Chaudey, et celui-ci ne reçut qu'une seule balle qui le blessa légèrement au bras gauche. Il agita le bras droit et trois fois de suite cria : Vive la République ! Clément se précipita sur lui et lui tira à bout portant un coup de fusil dans le ventre ; il resta debout. Gentil lui dit : Oui, je vas t'en f... de la République ! et il lui déchargea son revolver contre la tempe ; le malheureux roula par terre ; Préau de Védel s'approcha et lui fit sauter la base du crâne. C'est égal, dit Rigault, il est b... bien mort ; aux autres maintenant ! Il revint au greffe, où les trois gendarmes Bouzon, Capdeville et Pacotte, arrachés au premier sommeil, l'attendaient à demi vêtus. Rigault à peine entré leur dit : Vous allez être fusillés. Ils se récrièrent : Nous sommes soldats et nous devons être mis en liberté. — Ah ! oui, en liberté, reprit Rigault, pour que vous nous f... des coups de fusil ; pas de ça, Lisette ; allons, en route ! Dans les couloirs, on discuta pour savoir si on les exécuterait ensemble ou l'un après l'autre. Préau de Védel dit : Il faut les mettre en tas. Son avis prévalut. Le peloton d'exécution discutait aussi ; ces hommes avaient honte du métier qu'on leur faisait faire et déclaraient qu'ils en avaient assez. Slom leur fit une allocution et les rappela au sentiment du devoir. Les gendarmes furent placés contre le mur, ayant devant eux, à leurs pieds, le cadavre à peine immobile de Chaudey ; le peloton fit feu, deux des condamnés tombèrent ; Préau de Védel et Clément leur donnèrent le coup de grâce. Un des trois gendarmes n'avait point été atteint ; il avait pris sa course vers la gauche, dans le prolongement du chemin de ronde, et s'était caché derrière une guérite. Préau de Védel le découvrit et allait le tuer d'un coup de revolver, lorsque Raoul Rigault cria : Ne tire donc pas, amène-le ici, qu'il crève avec les autres. Un troisième feu de peloton le mit à mort. Préau de Védel dit : C'est une bonne chose, nous en avons nettoyé quatre. Raoul Rigault quitta la prison, car il ignorait que trois prêtres y avaient été incarcérés dans la journée. Pendant la nuit, on mit les quatre corps sur une civière qui, étant trop chargée, se brisa ; on les plaça alors dans la petite charrette où l'on jetait habituellement les ordures de la prison, et on les conduisit à l'hôpital de Notre-Dame de la Pitié. Au moment où il fut assassiné, Gustave Chaudey avait sur lui un rouleau de 1000 francs, une montre en or, deux alliances ; les hommes qui avaient aidé Raoul Rigault estimèrent que ces objets devaient être la rémunération de leur travail et s'en emparèrent. Le lendemain matin, malgré la bataille alors engagée dans toutes les rues de Paris, Mme Chaudey, accompagnée de son enfant, se présenta dès neuf heures du matin au greffe de la prison ; elle demanda à voir son mari ; par ordre d'Augustin Ranvier, on lui répondit qu'il avait été, pendant la nuit, transféré à la Préfecture de police. Le mercredi 24 mai, à deux heures de l'après-midi,
Augustin Ranvier, Gentil, Clément et Préau de Védel, armés de fusils
Chassepot, sortirent de Sainte-Pélagie et n'y reparurent plus. Le
sous-brigadier Villemin prit la direction de la prison, fit abattre le
drapeau rouge et parvint, non sans difficulté ; à nourrir les détenus. La
journée du 25 fut encore pleine d'anxiété ; mais le 26, à l'aube, on se
sentit sauvé en voyant entrer un peloton de l'armée régulière. Les transes
avaient été vives, car le bruit persistant du quartier était que les caves du
Panthéon, chargées de poudre, seraient incendiées par les fédérés dès qu'ils
seraient forcés de battre en retraite ; dans ce cas, Sainte-Pélagie et les
maisons voisines eussent été détruites par l'explosion. Celle de la poudrière
du Luxembourg, que les braves fédérés de la rue
Vavin font éclater, dit Lissagaray[5], ébranla, le 24
mai, la vieille prison, mais ne la renversa pas. Raoul Rigault ne survécut pas longtemps à Chaudey ; le meurtre n'était pas commis depuis vingt-quatre heures que déjà l'assassin avait rejoint sa victime. Très prudent malgré son arrogance, Rigault, dès le 18 avril, avait retenu un appartement rue et hôtel Gay-Lussac, chez un maître logeur nommé Chrétien ; il s'était fait inscrire sur le registre des locataires au nom d'Auguste Varenne, homme d'affaires, âgé de vingt-sept ans, né en Espagne, ayant eu Pau pour dernier domicile. Il avait là une simple chambre à coucher, qu'il partageait souvent avec une femme de théâtre. Le 24 mai, vers cinq heures du soir, quelques chasseurs à pied du 17e bataillon, qui venait d'emporter la barricade du boulevard Arago, aperçurent un commandant de fédérés qui entrait précipitamment à l'hôtel ; ils firent feu sur lui et le manquèrent. Quatre ou cinq hommes, conduits par un caporal, se jetèrent derrière lui, pénétrèrent dans la maison et en arrêtèrent le propriétaire, qui naturellement fit de sérieuses objections. La maison n'avait qu'une issue, on s'en assura, et le logeur fut requis d'aller chercher l'officier fédéré qui, disait-il, avait gravi l'escalier. En haut de l'escalier, au-dessous d'une fenêtre à tabatière ouvrant sur la toiture, M. Chrétien trouva Rigault et lui dit : Les soldats sont en bas, il faut descendre. Rigault lui proposa de fuir par les toits. Le propriétaire refusa. Non, descendez, rendez-vous ; sans cela, je serai fusillé à votre place. Raoul Rigault sembla hésiter ; puis prenant son parti : Soit, dit-il, je ne suis pas un lâche — le mot fut plus vif —, descendons ! Il portait une épée et tenait un revolver à la main. Au second étage, il rencontra le caporal qui montait escorté de deux de ses hommes ; Rigault lui dit : C'est moi ! et lui remit ses armes sans même essayer d'en faire usage. Les soldats l'entourèrent et le firent sortir de la maison pour le conduire à la prévôté installée au palais du Luxembourg ; le caporal avait gardé le revolver à la main. Rue Gay-Lussac, auprès de la rue Royer-Collard, on rencontra un colonel d'état-major, qui s'arrêta et demanda : Quel est cet homme ? Rigault répondit : C'est moi, Raoul Rigault ! A bas les assassins ! Le caporal, sans attendre d'ordre, lui appliqua le revolver sur la tête en lui disant : Crie : Vive l'armée ! Rigault cria : Vive la Commune ! Le caporal fit feu ; Rigault s'abattit la face contre terre et les bras en avant ; une convulsion le retourna ; alors un des chasseurs lui tira un coup de fusil au sein gauche. On plaça le cadavre près de la barricade de la rue Gay-Lussac, où trois autres étaient déjà étendus contre les tas de pavés ; pour le reconnaître, on lui attacha un bouchon de paille à la ceinture. On les porta tous dans une maison voisine, où ils restèrent deux jours, ainsi que le prouve ce récépissé : Reçu du concierge M. Morot, demeurant rue Saint-Jacques, n° 250, quatre cadavres, au nombre desquels celui de Raoul Rigault. — BRÈS, capitaine de la garde nationale, rue de la Huchette, n° 19. Paris, 26 mai 1871. Il n'y a point à plaindre Rigault. Il a mené à la Préfecture de police, a écrit Rossel, l'existence scandaleuse d'un viveur dépensier, entouré d'inutiles, consacrant à la débauche une grande partie de son temps. Jamais plus que lui criminel ne mérita la mort. Il n'avait jamais invoqué que la force ; il mourut frappé par sa propre divinité. Dans la matinée du 24, il apparut un moment à la mairie du XIe arrondissement, où il signa, dit-on, l'ordre d'exécuter les otages. Pourquoi n'est-il pas resté au milieu de ses complices et n'a-t-il pas aidé Genton à fusiller l'archevêque, Gabriel Ranvier à faire massacrer, rue Haxo, les prêtres et les gendarmes ? On ne sait. Il est probable que, voyant sa cause perdue, il a déserté le combat, a tenté de se dérober et d'éviter le châtiment dont il se sentait plus menacé que tout autre. Surpris, arrêté au moment où il allait changer de costume et chercher quelque refuge, il a su se raidir contre la destinée et faire bonne figure devant la mort. On doit regretter que sa vie ne se soit pas terminée le 23 mai, car Gustave Chaudey n'eût pas été assassiné. Le greffier Clément et le brigadier Gentil disparurent ; sont-ils tombés sur une barricade ? ont-ils réussi à prendre la fuite ? Nous l'ignorons. Benn et Préau de Védel furent traduits devant le 6e conseil de guerre. Benn fut condamné à deux ans de prison pour usurpation de fonctions publiques. Préau de Védel s'agita, nia, protesta, mentit ; les témoignages qui l'accusaient étaient unanimes et l'écrasèrent. Lors même qu'elle l'eût voulu, la justice ne pouvait se montrer indulgente ; il fut condamné à mort et son recours en grâce fut rejeté. En présence de ces crimes froidement accomplis, sans haine comme sans hésitation, on ne pouvait préférer miséricorde à la rigueur des lois. Avant de mourir, il écrivit à M. Thiers, alors président de la République : Je suis assassiné... mais je meurs innocent et la postérité me vengera ! Tous, du reste, tombent dans ce lieu commun et meurent en faisant appel à la postérité. Il en est un cependant qui sut échapper à ce ridicule, c'est Augustin Ranvier. Lorsque, dans la matinée du 28 mai, les soldats français s'emparèrent de la rue Saint-Maur, ils fouillèrent la maison portant le n° 139, et, dans l'appartement occupé par une dame Guyard, ils aperçurent un homme pendu au plafond ; le cadavre était déjà froid. On le transporta à l'église Saint-Joseph avec les corps de plusieurs insurgés tués sur les dernières barricades. En visitant les vêtements de ce mort inconnu pour y découvrir quelques pièces d'identité, on vit un papier attaché par une épingle à la doublure du gilet. Sur ce billet on lut : Je suis Ranvier, directeur de Sainte-Pélagie. Je meurs, parce que mon crime est impardonnable. |
[1] On renchérissait encore ; un certain Toussaint, qualifié de sous-chef d'état-major à la délégation de la guerre, écrit au directeur de la citoyenne Pélagie ; j'ai la lettre sous les yeux.
[2] Hôtel de Ville de Paris, le 20 mars 1871. — De nombreux repris de justice, rentrés à Paris, ont été envoyés pour commettre quelques attentats à la propriété, afin que nos ennemis puissent nous accuser encore. Nous engageons la garde nationale à la plus grande vigilance dans ses patrouilles. Chaque caporal devra veiller à ce qu'aucun étranger ne se glisse, caché sous l'uniforme, dans les rangs de son escouade. C'est l'honneur du peuple qui est en jeu ; c'est au peuple à le garder. (Suivent les signatures de trente-six membres du Comité central.)
[3] Préau de Védel prenait le titre de baron et s'en montrait fier. Parmi les adhérents de la Commune, il n'est pas le seul qui ait sacrifié à ce genre de vanité. Rossel n'en fut pas exempt ; on en trouverait la preuve aux Archives nationales. Sous le n° 20.098, il inscrit une demande à l'effet de faire vérifier s'il ne descend pas d'un certain Rossel, baron d'Aizalières ou d'Aizaliers.
[4] Slom n'est que l'abréviation — la première syllabe — d'un nom polonais.
[5] Loc. cit., p. 382.