Le jeune roi Alexandre prisonnier de Cassandre, et assassiné par lui. - Guerre qui a lieu probablement entre Antigone et Séleucos. -Ptolémée libérateur des Grecs. - Défection du stratège Ptolémée. -Émigration des Autariates. - Héraclès prétendant à l'empire. - Vengeance exercée par Ptolémée sur Nicoclès de Cypre. - Ptolémée sur la côte de l'Asie-Mineure. - Assassinat d'Héraclès. - Fondation de Lysimachia. - Ptolémée en Grèce. - Agathocle de Syracuse. Ophélas de Cyrène. - Mort d'Ophélas devant Carthage. - Cyrène soumise par Magas. - Mort de Cléopâtre.Nous avons de la lin de l'année 311 un monument
remarquable, une, inscription hiéroglyphique[1] dans laquelle les
prêtres de Pe et de Tep racontent comment sa Sainteté le gouverneur d'Égypte,
Ptolémée, a restitué à leurs temples le territoire de Palanout, sur la partie
libyque du Delta, qu'un roi d'Égypte avait consacré aux dieux à l'époque de
Darius et de Xerxès. L'inscription raconte la manière dont le fait s'est
passé : le satrape, qui s'est toujours conduit en héros et a déjà fait de grandes
choses pour les temples de l'Égypte, vient de partir en expédition dans le
pays des Syriens, qui étaient en guerre avec lui : Il
marcha contre eux animé d'un puissant courage, comme le vautour parmi les
oiseaux ; après les avoir faits tous prisonniers, il conduisit leurs princes,
leurs chevaux, leurs flottes et toutes leurs œuvres d'art en Égypte.
On reconnaît la bataille de Gaza et ses résultats immédiats ; les autres sont
passés sous silence. Mais il est dit tout de suite après : ensuite, après avoir marché contre le territoire des
Mer-mer-ti, il les prit tous en même temps et emmena leurs hommes, leurs
femmes avec leurs coursiers, en châtiment de ce qu'ils avaient fait contre
l'Égypte. Dans le peuple susdit on a cru reconnaître, avec raison sans
doute, les Marmarides, qui habitaient au sud de Pourquoi le nom du roi ne figure-t-il pas dans les cartouches, alors qu'il est inscrit dans le libellé de la date du monument ? La réponse à cette question résultera de l'ensemble des événements contemporains. Dans la paix de l'année 311, on reconnaissait expressément comme roi le jeune Alexandre, âgé alors de douze ans, et il était stipulé en outre que, jusqu'à sa majorité, Cassandre, en sa qualité de stratège de l'Europe, serait chargé d'avoir soin de lui. Cassandre avait en sa puissance, depuis l'année 316, le prince et sa mère Roxane ; il les tenait prisonniers à Amphipolis, et si, dans le cours de la guerre, son adversaire avait proclamé qu'il représentait les intérêts de l'enfant royal, cela n'avait certes pas dû servir à améliorer la position de celui-ci. Il est vraisemblable que, dans le traité de paix, on avait pris des dispositions spéciales, par exemple, qu'Alexandre devait être soustrait à son indigne captivité, traité en roi et élevé d'une manière conforme à ses destinées. Et c'est Cassandre qui était chargé de ce devoir ! Il ne gagnait rien à le remplir ; il lui était facile de prévoir, au contraire, que tous ceux qui lui étaient hostiles allaient constituer un parti groupé autour du jeune prince ; que, tandis que les autres chefs, éloignés du roi, conservaient leur souveraineté presque absolue, son influence à lui serait, même en Macédoine, mise en question ; bien plus, que sa sécurité personnelle serait en danger, puisqu'il avait constamment manqué aux égards dus au nom et à la postérité d'Alexandre, et qu'il l'avait même persécutée. Et que pouvait-il contre ce danger ? L'attachement du peuple pour la mémoire du grand roi était trop fort pour qu'il pût se maintenir en face de son fils ; et, s'il se décidait à appeler contre l'enfant un secours étranger, le parti de ce dernier chercherait et trouverait de l'appui chez le tout-puissant Antigone. Sa haine, son ambition, le soin de sa propre sécurité lui défendaient d'exécuter le traité : il laissa donc le jeune prince en captivité. Depuis quatre ans, le nom du jeune roi n'était sans doute pas oublié en Macédoine, mais on évitait de le prononcer ; Cassandre régnait comme un despote violent ; il devait avoir pris ses mesures pour que nulle part ne se produisit une manifestation sympathique pour le malheureux enfant, que son peuple n'entendît et ne vit rien de lui, qui grandissait caché, triste, sans amis, ne sachant rien du monde, de son empire, de son peuple. Maintenant la paix rendait son nom aux Macédoniens ; chacun maintenant avait le droit de l'appeler le roi unique et légitime. Nous n'avons pas de renseignements exprès sur ce point, mais on peut se figurer quelle vive sympathie se manifesta alors pour lui : il était l'héritier, le fils du grand, du glorieux roi ; enfant innocent, il avait éprouvé des malheurs infinis, et cependant tout ce qu'il y avait de grand et de magnifique dans le nom macédonien était son héritage ; une guerre terrible avait mis le sceau à son droit, comme le seul qui pût assurer la paix et la sécurité de l'avenir ; enfin, on pouvait le désigner comme le seul point stable sur lequel pouvaient se fixer les regards, comme l'espoir de l'empire ; il était permis de parler de lui, de sa beauté, des marques qui annonçaient en lui une grande intelligence ; on pouvait, en se rappelant l'enfance de son glorieux père, retrouver son image dans le fils ; on pouvait le célébrer, l'entourer d'acclamations, comme celui dont le front allait bientôt être orné du diadème de l'Asie et de l'Europe, celui en qui la splendeur du nom macédonien devait renaître ; il semblait qu'après les sanglantes luttes qui avaient désolé le monde depuis la mort de son père, sur cette mer sombre et furieuse, allait luire enfin l'aurore d'un jour paisible et splendide. Nous lisons, dans les pâles récits qui nous sont parvenus, que l'on disait çà et là qu'il était convenable d'arracher l'enfant royal de sa prison et de lui donner le royaume paternel[2]. Cassandre hésitait à le faire : ceux qui parlaient ainsi élevèrent sans doute la voix davantage ; la rumeur devint inquiétante ; une indication de nos sources nous permet de croire que certains hommes, et non des moins importants, excitèrent l'opinion dans ce sens ; il semblait que, si on ne la satisfaisait pas bientôt, on fût menacé de conséquences extrêmes. Cassandre était d'autant plus convaincu qu'il ne fallait pas céder ; il avait trop tardé pour pouvoir maintenant faire acte de complaisance, et les choses en étaient venues au point qu'il ne pouvait s'y refuser plus longtemps : il ne lui restait que la plus terrible des ressources. Il envoya dire à Glaucias, le gouverneur d'Amphipolis : mets à mort dans le plus grand secret l'enfant et la mère ; enfouis les cadavres, et ne dis à personne ce qui s'est passé. Le sanglant forfait fut accompli, et Alexandre tomba sous le poignard avec sa mère, la belle Roxane[3]. Nous ne savons rien sur la manière dont ce crime fut accueilli par les Macédoniens. Si la nouvelle certaine s'en était répandue tout de suite, elle aurait peut-être produit une explosion ; mais l'événement fut tenu secret d'abord, il fut connu peu à peu, puis mis en doute ; quand on le crut, il n'excita qu'une stérile commisération. Comment les autres chefs accueillirent-ils le fait ? Il est douteux qu'ils l'aient approuvé, plus douteux encore que Cassandre ait donné cet ordre avec leur approbation ou conformément à une clause secrète du traité de paix. Sans doute, le meurtre était dans l'intérêt de Ptolémée, de Séleucos et de Lysimaque ; après la mort du dernier héritier légitime d'Alexandre, Antigone n'avait pas plus de droit à posséder l'empire entier que chacun, des coalisés n'en avait contre lui et pour sa part personnelle. Sous quel prétexte aurait-il pu maintenant réclamer l'obéissance qu'il n'avait pas été assez fort jusqu'ici pour leur imposer ? Mais comment Antigone avait-il pu laisser cette jeune existence, dont la conservation avait tant d'intérêt pour lui, entre les mains d'un homme qu'il devait connaître assez pour le croire capable de tout ? Peut-être espérait-il, en lui laissant ce gage, y trouver un moyen de plus de le tenir en bride et de le mener. Du moment que le royal enfant était, par les solennelles stipulations du traité, confirmé, pour ainsi dire, à nouveau dans ses droits souverains, il devait se former autour de lui un parti qui, tourné au fond contre Cassandre, devait assurer au vicaire de l'empire, sur lequel il ne pouvait manquer de s'appuyer, une influence croissante ; il y a eu certainement une entente de cette nature entre les intérêts d'Antigone et les menées d'hommes considérables en faveur du jeune prince, menées qui ne servirent qu'à hâter sa mort. Ce meurtre faisait crouler les principales bases de la paix de 311 : le vicaire de l'empire aurait été en droit maintenant non seulement de demander des comptes à celui à qui l'enfant royal était confié, mais encore d'inviter ceux avec qui il avait traité de la paix à s'unir à lui pour une action commune contre le coupable. On ne nous parle pas de démarches de ce genre, de
négociations diplomatiques à l'occasion de ce meurtre, ni de la part
d'Antigone, ni de celle des autres chefs. Antigone était-il peut-être
satisfait, lui aussi, de ce qui s'était passé ? S'il ne l'était pas ni ne
pouvait l'être, pourquoi ne prit-il pas l'initiative de démarches communes ?
Pourquoi ne tira-t-il pas parti de ce crime pour procéder contre le criminel
? Pourquoi ne se mit-il pas aussitôt en marche pour Cette dernière hypothèse paraît la moins probable. Si l'on
considère la situation dans laquelle Antigone se trouvait depuis la paix
vis-à-vis de Séleucos, on est amené à une autre conjecture. L'auteur qui est
notre principale source pour cette époque ne fait pas la moindre mention de
la manière dont cette situation a pris fin ; et néanmoins Diodore, lorsqu'il
parle de nouveau de Séleucos[4], nous le montre
comme le maître de Babylone et des provinces supérieures : aucun autre auteur
ne nous parle non plus d'une guerre au sujet de Babylone, et cependant,
depuis l'hiver de 312/1, le pays était reconquis par Démétrios et gardé par
une garnison considérable, et Antigone lui-même, comme nous avons dû le
supposer, conclut la paix dans l'intention de faire la guerre à Séleucos, qui
s'était emparé des provinces supérieures. Cette guerre semble avoir été faite
pendant l'année 311 et une partie de l'année suivante : elle doit avoir
empêché Antigone de prendre une part plus immédiate aux affaires de
l'Occident. Séleucos, à la nouvelle de la prise de Babylone, revint sans
doute des satrapies supérieures : les Babyloniens détestaient le régime d'Antigone,
dont le fils avait si cruellement maltraité leur pays ; ils ont dû se rallier
aussitôt à leur ancien maitre. Pendant qu'on faisait la paix pour l'Occident,
Babylone a dû être l'objet d'une guerre, à laquelle seule peuvent se rapporter
quelques indications qui, autrement, n'auraient aucune signification. Arrien
dit : Les gens envoyés par le Lagide Ptolémée à
Séleucos Nicator à Babylone, après avoir franchi un isthme dans l'espace de
huit jours, traversèrent en toute hâte sur des chameaux un pays désert et
sans eau ; ils ne voyageaient que de nuit, avec des chameaux portant de l'eau[5]. Ptolémée avait,
il est vrai, dans le traité de paix, abandonné la cause de Séleucos, qu'il
croyait perdu ; mais, le voyant revenir avec des forces considérables, il est
très naturel qu'il lui ait envoyé des secours, car il voyait comme lui dans
Antigone son adversaire le plus dangereux. Antigone lui-même semble être
parti alors en campagne contre Séleucos. Séleucos,
raconte Polyænos, rangea son armée en bataille
devant Antigone, et l'action s'engagea ; le soir survint avant qu'elle fût
décidée ; il semblait qu'elle dût s'engager de nouveau le lendemain. Antigone
fit camper son armée pour lui donner quelque repos après les fatigues de la
journée, mais Séleucos ordonna aux siens de garder leur ordre de bataille et
de se reposer sans quitter leurs armes : le lendemain matin, il était prêt à
combattre ; il surprit l'ennemi au moment où il s'apprêtait à entrer en
ligne, et remporta facilement la victoire[6]. Si étrange que
soit ce stratagème, il montre néanmoins qu'il y eut une bataille et que
Séleucos fut vainqueur[7]. On dut signer
là-dessus un traité de paix qui abandonna à Séleucos Babylone et les
provinces de Si, dans un traité formel, Antigone abandonna tout l'Orient, il ne le fit certainement pas sans une nécessité pressante : les affaires de l'Occident avaient pris une tournure extrêmement dangereuse pour lui. Si c'est Antigone, et cela n'est pas douteux, qui dans la paix de 311 réclama et obtint la liberté des villes helléniques, c'était à ses yeux avant tout une garantie pour la paix et pour lui-même en face de Cassandre : le jour où ce dernier ne resterait pas dans les limites convenues, cet article donnait à Antigone le droit, en sa qualité d'administrateur de l'empire, de frapper la puissance de Cassandre à l'endroit le plus sensible ; lui-même, en éveillant les espérances de liberté chez les Hellènes, il s'assurait une influence immense sur l'opinion publique du monde grec. Il est probable que ses adversaires ne virent pas sans appréhension son entreprise contre Séleucos : si ce dernier était vaincu, si Antigone augmentait sa puissance par la conquête des satrapies de l'Orient, les potentats de l'Occident avaient toute raison d'être inquiets sur leur sort futur. Le prudent Lagide comprit le danger et trouva le plus sûr moyen d'y faire face. Quelle que soit l'importance des secours qu'il envoya
directement à Babylone, ce qui fut d'un effet infiniment plus considérable,
c'est la diversion qu'il fit et put faire sur les derrières d'Antigone sans
violer la paix jurée. Dans cette paix, on proclamait l'autonomie et la
liberté des villes grecques : nos sources no nous disent pas dans quelle
mesure. Mais Antigone n'avait-il pas envoyé des troupes et des vaisseaux au
secours des villes grecques du Pont, lorsqu'en 314 elles avaient essayé de
faire valoir leur autonomie contre le satrape de Thrace ? Toutes les villes
helléniques n'avaient-elles pas le droit aussi bien que celles-là de réclamer
la reconnaissance de leur liberté ? Antigone n'était-il pas en contradiction
avec lui-même, lorsqu'il laissait ses garnisons dans les villes du littoral
de l'Asie-Mineure aussi bien que dans les îles de l'Archipel, jusqu'en vue de
l'Hellade, et lorsque son stratège Ptolémée gardait les positions les plus
importantes de Telle est la grande diversion politique que fit le Lagide.
Il envoya des émissaires aux villes qui étaient sous l'influence de Cassandre
et de Lysimaque, et les invita à défendre avec lui la cause de la liberté :
Antigone, leur fit-il dire, n'a pas rempli cette première et plus belle
condition de la paix ; il n'a pas retiré ses garnisons des villes libres ; il
le fera encore bien moins lorsqu'il aura terminé heureusement sa campagne
d'Orient et qu'il sera deux fois plus puissant : il est temps encore
maintenant de faire de la liberté une réalité. En même temps, son général
Léonidas faisait voile pour Vers le même temps, la cause d'Antigone en Hellade subit
un deuxième et grave échec. Son neveu Ptolémée, qui était stratège sur
l'Hellespont et qui avait, pendant la dernière guerre, combattu avec succès
en Grèce, crut qu'il n'était pas suffisamment récompensé par son oncle ; il
semble qu'il avait espéré obtenir la stratégie en. Grèce, qui resta au vieux
Polysperchon, et qu'il reçut l'ordre de retourner dans sa stratégie sur
l'Hellespont. En possession d'une armée considérable et maître de la plus
grande partie de Vers le même temps, Lysimaque paraît avoir réussi à pousser aux dernières extrémités, par un blocus étroit, Callatis, qui s'était défendue si longtemps avec un courage héroïque ; la détresse de la ville en arriva au point que 1.000 citoyens, pour ne pas mourir de faim, quittèrent la ville et se réfugièrent auprès du roi Eumélos sur le Bosphore[9]. On ne dit pas pourtant qu'il ait pris la ville. Cette Pentapole de Thrace semble avoir toujours réussi, en s'appuyant sur le royaume scythe d'Eumélos, à défendre son indépendance contre Lysimaque[10]. Cassandre, lui aussi, avait combattu avec succès. Audoléon, prince des Péoniens, pressé par les Autariates, qui avaient émigré hors de leur territoire[11], lui avait demandé des secours ; il s'était avancé contre eux, les avait battus, et avait transporté toute la tribu, près de 20.000 âmes, dans l'Orbélos. Son alliance avec le stratège Ptolémée avait considérablement accru sa puissance : à l'intérieur, le parti qui avait pris les intérêts du jeune Alexandre n'osait plus lever la tète, et Ptolémée d'Égypte, malgré sa lutte pour la liberté des villes helléniques, qui aurait pu faire tort aussi à Cassandre, était son allié naturel. La situation semble avoir pris cette tournure en Occident
pendant qu'Antigone combattait encore en Orient. Il envoya aussitôt son plus
jeune fils Philippe contre Phœnix sur l'Hellespont, l'aîné Démétrios dans Cependant le roi Ptolémée d'Égypte avait eu vent des négociations secrètes du prince Nicoclès de Paphos[12] avec Antigone ; il craignit pour la possession de l'île, où il savait que d'autres princes inclinaient à la défection et que ceux qui avaient été précédemment déjà ses adversaires tenaient des réunions ; il s'empressa d'étouffer le danger dans son germe. Il envoya deux des amis, Argios[13] et Callicrate à Cypre, avec mission de supprimer le prince Nicoclès. Tous deux mirent à la voile pour Cypre, y reçurent des troupes du stratège Ménélaos, cernèrent à l'improviste le palais du prince et y pénétrèrent en lui annonçant que tout était découvert et que Ptolémée lui ordonnait de se donner la mort sur-le-champ. Le prince essaya de se justifier, mais n'y réussit pas : il se pendit. Les frères du prince, désespérant de se sauver, se donnèrent aussi la mort. Lorsque l'épouse du prince, Axiothéa, apprit ce qui se passait, elle courut avec un poignard dans l'appartement de ses filles et les perça de coups, afin que leur corps virginal ne fût pas livré aux outrages des ennemis ; puis elle convoqua au palais les épouses de ses beaux-frères et leur déclara que la vie n'était plus d'aucun prix ; que, puisque la haine sanguinaire de l'Égyptien les poussait toutes à la mort, il valait mieux se la donner volontairement. Elles fermèrent la porte du gynécée et montèrent sur la terrasse de la maison ; en bas, la foule, à la nouvelle de toutes ces horreurs, s'était amassée ; aux yeux du peuple, elles immolèrent leurs enfants dans leurs bras, mirent le feu aux charpentes, et, lorsque les flammes en jaillirent, les unes se précipitèrent dans le feu, les autres se poignardèrent : Axiothéa elle-même, après s'être mortellement frappée, se jeta mourante dans l'embrasement. C'est ainsi que finit la dynastie princière de Paphos[14]. Si nous ajoutons encore à ces événements de l'année 310 la
paix qui fut probablement conclue entre Antigone et Séleucos, nous
constaterons que dans tout l'empire d'Alexandre régnait une paix nominale,
car l'entreprise de Polysperchon en faveur d'Héraclès ne peut guère avoir été
approuvée officiellement par Antigone : l'expédition de son fils Philippe sur
l'Hellespont était motivée par une rébellion ; les efforts du Lagide pour
réaliser la délivrance des cités grecques trouvaient leur justification dans
la paix de 311, et, si Démétrios chassa les garnisons que le satrape d'Égypte
avait mises dans les villes de Cette situation était étrange, telle qu'elle pouvait être par ce temps de combinaisons inextricables et de fermentations explosives. Durant l'année suivante, la paix se maintint encore dans
les mêmes conditions. Pour réparer la perte de Pendant ce temps, il y avait eu une solution aux affaires
de l'Occident. Polysperchon, à ce qu'il paraît, s'était mis en marche au
commencement de l'année, à la tête d'une armée considérable, pour ramener en
Macédoine le jeune Héraclès en qualité de roi ; Cassandre s'était avancé
au-devant de lui ; il campait sur le territoire de Tymphæa, non loin de son
adversaire[15].
Les dispositions favorables au fils d'Alexandre s'exprimaient clairement
parmi les Macédoniens de l'armée de Cassandre ; il lui sembla dangereux de
risquer avec eux une bataille dont l'issue était douteuse pour d'autres
raisons encore que la supériorité numérique de l'adversaire. Cassandre tenta
la voie des négociations ; il envoya demander à Polysperchon à quoi lui
servirait une victoire remportée pour Héraclès ? Il ne pourrait plus agir
après cela que d'après la volonté des autres ; lui, Cassandre, serait un ami
plus utile : le bâtard d'Alexandre était un obstacle pour eux deux comme pour
tous les autres ; s'il savait l'écarter, de quelque façon que ce fût, alors
ils seraient tous deux les maîtres de l'Occident et partageraient ;
Polysperchon recouvrerait ses possessions en Macédoine[16] ; on mettrait à
sa disposition une armée suffisante pour qu'il pût rentrer avec elle dans le
Péloponnèse comme stratège de ce pays ; personne après cela n'oserait
s'attaquer à leur puissance unie. Cassandre accompagnait ses propositions de
riches présents ; il en promettait de plus riches encore : Polysperchon fut
acheté pour 100 talents, et il conclut un traité secret. Il invita le jeune
prince à un festin. Héraclès, qui appréhendait peut-être quelque mauvais
coup, s'excusa sur une indisposition ; Polysperchon se rendit auprès de lui,
lui fit des reproches sur sa méfiance et sa froideur. Héraclès se rendit avec
lui dans la salle du festin ; après le repas, il fut étranglé : c'était le
dernier descendant de la famille royale de Macédoine[17]. Après cela, les
deux généraux réunirent leurs armées ; Polysperchon recouvra ses possessions
en Macédoine, et, conformément au traité, reçut 4.000 hommes d'infanterie
macédonienne et 500 cavaliers thessaliens ; il enrôla de plus tous ceux qui
voulurent le suivre : c'est avec ces forces qu'il leva son camp pour se
rendre par Nous n'avons aucun renseignement sur la conduite que tint,
après ce traité entre Polysperchon et Cassandre, le stratège Ptolémée, qui
avait trahi la cause de son oncle et s'était attaché à Cassandre ; en tout
cas, c'en était fait de ses espérances de principauté hellénique. Nous
pouvons bien conjecturer que ce fut avec son appui que les Péloponnésiens et
les Béotiens refusèrent le passage à l'armée de Polysperchon, mais nous
n'avons aucun moyen de savoir s'il quitta Mec son armée grossie par l'incorporation des troupes du stratège Ptolémée, le satrape d'Égypte se prépara à l'attaque d'Halicarnasse, où se trouvait une garnison d'Antigone ; le siège dut commencer vers la fin de l'année 309. Démétrios accourut pour dégager la ville, et Ptolémée se vit forcé bientôt de battre en retraite sur Myndos[19]. Si Antigone avait subi les pertes les plus graves en
Europe par la trahison de Ptolémée et de Polysperchon, du moins ses fils,
Démétrios et Philippe, avaient remporté de grands succès en Asie ; l'un avait
réprimé les tentatives faites par le satrape d'Égypte pour s'affranchir, l'autre
avait reconquis les pays sur l'Hellespont, où Phœnix s'était révolté. La paix
subsistait toujours nominalement, mais à chaque instant l'orage pouvait
éclater. On devait s'attendre à ce qu'Antigone réalisât son ancien plan de
passer en Europe. Le danger le plus pressant et le plus grave était alors
pour Lysimaque ; l'Hellespont serait franchi facilement, et de Nous arrivons à l'année 308. Aussitôt que la saison le permit,
Ptolémée quitta avec sa flotte la station de Myndos, traversa les Cyclades[21], débarrassa
Andros de la garnison ennemie qui y tenait encore, et aborda à l'isthme de
Corinthe. Corinthe et Sicyone étaient encore entre lei mains de Cratésipolis,
la veuve d'Alexandre ; Ptolémée la lit sommer de se rendre, mais ses
mercenaires déclarèrent qu'il fallait défendre les deux villes. Elle était à
Corinthe : elle loua les excellents sentiments de ses soldats, qu'elle avait
souvent éprouvés, et déclara qu'elle ne céderait à aucun prix ; que, pour
plus de sécurité, elle allait faire venir des renforts de Sicyone. Elle
envoya en secret des émissaires à Ptolémée ; pendant la nuit, des hommes
armés parurent devant les portes de l'Acrocorinthe on crut que c'étaient ceux
de Sicyone et on les introduisit : c'était des troupes égyptiennes que
Cratésipolis avait appelées. C'est ainsi que Corinthe et Sicyone tombèrent au
pouvoir de Ptolémée. Ptolémée envoya de là une proclamation affirmant qu'il
était venu pour délivrer les villes helléniques, et invitant ces dernières à
l'appuyer ; il réclama aux Péloponnésiens des vivres et de l'argent ; il
espérait que le mot magique de liberté enthousiasmerait aussitôt les Grecs en
sa faveur. Mais ils avaient été trop souvent leurrés de cette façon, et ils
n'envoyèrent ni vivres, ni subsides. Irrité, dit-on, de leur conduite,
Ptolémée abandonna l'œuvre de délivrance et conclut avec Cassandre un traité
de paix, d'après lequel chacun garderait ce qu'il possédait ; puis il laissa
une forte garnison à Sicyone et Corinthe sous les ordres de Cléonidas, et
retourna en Égypte[22]. On ne peut
admettre l'exactitude des motifs avancés, alors même que Ptolémée se serait
exprimé de cette façon dans une proclamation aux Grecs ; dans tous les cas,
s'il avait cru possible d'étendre sa puissance sur Il s'était constitué en Sicile une puissance hellénique
d'un caractère tout particulier. Depuis près de cent ans, cette lie et Mais elle devait bientôt subir une épreuve plus difficile.
Les oligarques chassés de Syracuse avaient été accueillis à Agrigente, et
avaient su entraîner le peuple à la guerre contre Agathocle ; on lit de
grands préparatifs, on chercha dos alliés et on décida un prince spartiate à
accepter le commandement : les Tarentins le soutinrent avec 20 navires,
soi-disant pour délivrer Agathocle était déjà en possession de la plaine ; il avait
occupé les montagnes qui entourent Carthage ; plus de deux cents villes du
littoral lui avaient rendu hommage. Mais il n'osait pas encore attaquer la
capitale, ville très populeuse et solidement fortifiée ; il se rendit dans le
pays haut pour le soumettre. Les meilleures nouvelles venaient de Sicile :
non seulement Syracuse s'était bien tenue, mais les assiégeants étaient
repoussés, leur général avait été pris, exécuté, et on envoyait sa tête à
Agathocle. Ce dernier investit la capitale de plus en plus étroitement ; les
Carthaginois, qui avaient essayé de faire une sortie, furent repoussés avec
les pertes les plus sanglantes. L'année suivante, une deuxième victoire
d'Agathocle, en anéantissant les 1.000 Grecs qui formaient le noyau de
l'armée carthaginoise, sembla avoir enfin épuisé la puissance de l'adversaire
au point qu'Agathocle put croire à la possibilité d'un assaut sur Carthage.
Son armée ne lui parut sans doute pas suffisante pour cette lutte suprême et
difficile : il lui fallait un grand nombre de nouveaux mercenaires. Mais où
les trouver si vite ? La flotte punique commandait encore la mer, de sorte
qu'il ne pouvait faire venir des soldats ni de En 312, comme il a été dit, Ophélas[25], gouverneur de
Cyrène pour Ptolémée Lagide, s'était révolté, en s'appuyant sur l'antipathie
souvent exprimée des Cyrénéens pour la domination égyptienne : les démêlés de
Ptolémée avec Antigone lui avaient permis de maintenir sa situation ; il se
peut que, dans la paix de 311, la liberté de Lorsque les préparatifs furent terminés, Ophélas marcha
avec son armée vers l'ouest : il avait plus de 10.000 hommes d'infanterie,
600 cavaliers, 100 chars de guerre montés par plus de 300 conducteurs et
combattants. Outre ces troupes régulières, il avait environ 10.000 de ce
qu'on appelait des irréguliers : beaucoup d'entre eux emmenaient leurs femmes
et leurs enfants ; on eût cru voir une immense colonie cherchant d'autres
pénates. Après dix-huit jours de marche, on atteignit Automala, la dernière
ville du territoire cyrénéen. On suivit ensuite une vallée bordée de rochers
et on pénétra dans le désert de Il n'est pas intéressant pour nous de suivre les opérations de la guerre autour de Carthage[30] ; les entreprises d'Agathocle échouent à partir de ce moment : l'année suivante, il est forcé de se rendre à Sélinonte, pour réprimer des insurrections en Sicile ; revenant en toute hâte en Afrique, il subit une grave défaite, suivie d'un soulèvement de ses troupes ; il part secrètement, laissant à l'armée ses deux fils ; ces derniers voient les troupes cyrénéennes se révolter contre eux ; le jour anniversaire de la mort d'Ophélas, elles massacrèrent les deux jeunes gens. Par l'expédition lointaine d'Ophélas, C'était incontestablement pour Ptolémée un gain décisif.
Mais son expédition maritime de deux années lui en avait valu un second non
moins important. Il est vrai que ses projets de délivrance, si fièrement
proclamés et qui avaient rempli le monde grec de si grandes espérances,
avaient été stériles pour la liberté, mais le traité conclu avec Cassandre,
en garantissant leurs possessions respectives en Grèce, permettait à Il était visible que la direction des grandes affaires passait de plus en plus dans les mains du Lagide. Un fait de cette année (308) nous montre que les derniers débris de la maison royale étaient disposés à se confier à lui. Outre Thessalonice, l'épouse de Cassandre, il ne restait, en fait de descendants du roi Philippe, que sa fille Cléopâtre, la veuve du roi Alexandre d'Épire ; elle résidait à Sardes depuis près de quinze ans. Autrefois elle avait cherché à prendre de l'influence sur les affaires de l'empire par un mariage avec Léonnatos et avec Perdiccas, mais tous deux étaient morts avant l'accomplissement de leur union ; Cassandre avait ensuite demandé sa main, mais elle le détestait comme l'ennemi de sa maison ; Lysimaque avait aussi été refusé par elle ; Antigone lui-même et Ptolémée avaient sollicité sa main ; après l'extinction de la descendance mâle de la maison royale, une union avec elle pouvait, à ce qu'il semblait, donner des droits au diadème. Le vieil Antigone lui était antipathique, et pourtant, à Sardes, elle était en son pouvoir. C'est au Lagide, au fidèle compagnon d'armes de son frère, qu'elle accorda sa main : elle devait s'évader de Sardes, venir auprès de lui et l'épouser. Mais déjà Antigone avait donné les instructions nécessaires au gouverneur de Sardes ; elle fut arrêtée dans sa fuite et ramenée : peu de temps après, on la trouva morte, assassinée par quelques-unes de ses esclaves. Antigone fit arrêter ces dernières ; elles furent convaincues de meurtre et exécutées : le cadavre de la reine fut inhumé, par son ordre, avec tous les honneurs dus à son rang. Personne néanmoins ne douta qu'il ne fût l'auteur de l'attentat[32]. Sa situation était mauvaise ; pendant ces années de paix, l'habile politique de ses adversaires l'avait fait reculer de plus en plus, et chaque année augmentait l'insubordination, la fermeté et les prétentions de ceux qu'il avait voulu, en sa qualité d'administrateur de l'empire, obliger à la soumission ; encore un pas de plus en arrière, et la partie était perdue pour lui. C'est justement ce principe sur lequel il s'était appuyé que ses adversaires avaient toujours contesté : ils en avaient maintenant doublement le droit, puisqu'il n'y avait plus de légitime héritier de la couronne dont il pût représenter le droit et la majesté, au nom duquel il eût pu administrer l'empire. L'unité de l'empire, qu'il avait pu faire reconnaître encore en principe dans la paix de 311, n'existait plus pour ses adversaires depuis que le sang authentique de la famille royale était tari : qu'est-ce qui pouvait subsister encore, si ce n'est le système territorial ? C'est ainsi que les tendances s'affirmaient l'une en face de l'autre dans toute leur incompatibilité. Il ne s'agissait pas d'une simple question de titre ; de la solution du problème posé dépendaient les plus grands intérêts pratiques, la situation légale de l'immense empire d'Alexandre, l'avenir des pays et des peuples qu'il avait réunis en un tout grandiose : des deux côtés on devait sentir qu'il s'agissait de l'existence même ; et, pour trancher la question, il n'y avait ni tribunal, ni procédure, ni loi reconnue de tous. Il n'est guère possible d'admettre qu'il n'y ait pas eu de négociations entre les chefs sur tout cela. Elles ne pouvaient servir pourtant qu'à accentuer la contradiction. A supposer que d'un côté on eût proposé un congrès, pour amener ou une sentence arbitrale, ou une entente, comme celle qui se fit entre les principaux chefs aussitôt après la mort d'Alexandre, il ne pouvait manquer de se produire de l'autre côté une protestation contre la compétence d'un tribunal arbitral et l'opportunité d'un congrès pour lequel on n'avait ni forme arrêtée ni base incontestée. On aurait pu recourir à la prérogative traditionnelle des Macédoniens, de confirmer par leurs acclamations le droit de celui qui héritait de la couronne, et, par analogie, maintenant qu'il n'y avait plus d'héritier vivant, accorder aux Macédoniens en armes le droit d'élire librement un nouveau souverain ; mais il y avait là manifestement une pétition de principe, le postulat de l'empire, qui, d'après ses adversaires, avait cessé d'exister avec le sang royal. Dit reste, à quels Macédoniens devait-on reconnaître ce droit ? Serait-ce à la soi-disant armée impériale que commandait Antigone ? Sans doute, les Macédoniens d'Antigone avaient autrefois mis en accusation et proscrit Cassandre ; mais ni Cassandre ni ses amis n'avaient reconnu ce jugement, et Antigone lui-même, en acceptant la paix de 311, avait dû le méconnaître de fait. Alors devait-on convoquer tous les Macédoniens en armes ? Chaque potentat avait des Macédoniens dans son armée, sur ses territoires, jusqu'aux cataractes du Nil et jusqu'aux forteresses de la frontière sur l'Indus et l'Iaxarte ; comment chacun d'eux aurait-il pu permettre à ses Macédoniens de se réunir, comme relevant immédiatement de l'empire, pour établir une autorité suprême sur laquelle personne n'avait de prétention légitime et dont le droit et la puissance avait passé aux différentes fractions de la nation ? Il y aurait eu un moyen de prévenir la redoutable collision qui était visiblement imminente. On peut être certain que le Lagide n'aura rien négligé pour le recommander. Antigène, avec ce qu'il détenait de territoire, avait le rôle le plus difficile : en effet, il s'agissait pour lui de forcer à faire ses volontés ceux qu'il ne pouvait considérer que comme des usurpateurs, tandis que ceux-ci, s'en tenant simplement à, la défensive contre lui, pouvaient être prêts à lui reconnaître sur ses territoires le même droit qu'ils s'arrogeaient sur les leurs. S'il est vraisemblable que des ouvertures dans ce sens ont été faites à l'administrateur de l'empire, il est tout aussi certain qu'il les a repoussées. Quelqu'ardent que fût son désir de ceindre son front du diadème d'Alexandre, il avait assez de prudence et d'empire sur lui-même pour s'abstenir, ou du moins pour ajourner une démarche qui aurait servi aussitôt d'occasion et de justification à ses rivaux pour s'élever eux-mêmes de la même façon. Le fait que l'on continua de supputer le temps d'après les années du jeune Alexandre, de celui qui avait été assassiné, et de frapper les monnaies à son effigie, prouve que la fiction légale continuait d'être en vigueur ; Antigone n'y gagnait rien, ses rivaux n'y perdaient rien ; la question théorique restait pendante jusqu'à nouvel ordre. Il n'était déjà plus possible de la résoudre par des arguments de droit, ni par des moyens diplomatiques ; c'était devenu une simple question de puissance, qui devait être tranchée par les armes. Antigone avait laissé prendre à ses adversaires une avance
assez considérable. Séleucos avait tout l'Orient, Babylone qui formait un
centre assuré, et, à l'ouest, peut-être tout le territoire qui s'étend
jusqu'à la ligne de l'Euphrate. Avec la possession de Cypre, de Cyrène, avec
ses flottes considérables qui lui assuraient la mer Égée et avaient fait
sentir sa puissance à la côte méridionale et occidentale de l'Asie-Mineure,
le Lagide était un ennemi doublement redoutable depuis qu'il s'était
réconcilié avec Cassandre. Celui-ci avait Un seul fait suffit pour nous montrer qu'il voyait tout et
prenait ses mesures en conséquence, avec prudence et sûreté. Nous le voyons
tout d'abord occupé de la construction de la nouvelle ville d'Antigonia sur
l'Oronte ; en y établissant le centre de sa puissance, dans une position qui
menaçait également les régions de l'Euphrate et du Nil, il révèle la manière
dont il concevait sa politique. Il avait fondé une seconde Antigonia,
paraît-il, à l'époque où il avait formé le dessein de passer en Europe (313) ; celle-là, il l'établit sur le point
de la côte de |
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[2] DIODORE, XIX, 105, 2.
[3] C'est ainsi que le fait est raconté par Diodore (XIX, 105) et Justin (XV, 3). Suivant Pausanias (XI, 7, 2), on a eu recours au poison. Il n'est plus possible de déterminer la date de ce meurtre, à moins qu'on ne veuille conclure de l'ère chaldéenne mentionnée ci-dessus qu'il s'est accompli avant l'automne de 311.
[4] DIODORE, XX, 106. Ce qui manque ici aurait dû se trouver, suivant le système adopté par Diodore, à XIX, 105 ; c'est pour raconter les événements de Sicile que Diodore résume aussi superficiellement l'année 311 dans cet unique chapitre.
[5] ARRIAN., Ind., 43, 4.
[6] POLYÆN., IV, 9, 1.
[7] Appien (B. Syr., 57) cite les villes qu'a fondées Séleucos. Si la dernière localité citée marque, comme c'est probable, l'endroit où il a vaincu Démétrios en 302, Nicéphorion sur l'Euphrate pourrait bien désigner le lieu où il a battu Antigone.
[8] DIODORE, XX, 19. Cela parait bien prouver qu'Antigone était absent avec son armée. Lapéthos passait pour grecque, comme Λακώνων κτίσμα (STRABON, XIV, p. 882), Soles comme Άργείων άποικοι καθάπερ καί 'Ρόδιοι (POLYBE, XXI, 24, 10). Les monnaies de Nagidos et de Kelenderis portent des légendes grecques dès le temps des Perses.
[9] C'est précisément en cette année 310 qu'Eumélos arriva au pouvoir (DIODORE, XX, 25).
[10] L. MÜLLER (Die Münzen des Lysimachos, p. 62) arrive à ce résultat : qu'il n'existe pas de monnaies de Lysimaque provenant des villes du Pont, pas plus que de Byzance, et que les monnaies qui ont été frappées au nom de Lysimaque dans les villes en question l'ont été après son règne, et comme monnaie internationale préférée par le commerce dans la région du Pont. Les événements qui ont porté Eumélos à un si haut degré de puissance au nord du Pont sont racontés par Diodore (XX, 22 sqq.) et ont été commentés par BÖCKH (C. I. GRÆC., II, n° 102 sqq.).
[11] Les Autariates sont contraints d'émigrer par un fléau abominable, des grenouilles qui leur tombent du ciel (HERACLIDES LEMBUS, fr. 3 ap. ATHEN., VIII, p. 333. DIODORE, III, 30. APPIAN, Syr., 4. JUSTIN, XV, 2, 1). Appien place le fait trop tard, et Justin quatre ans trop tôt ; car l'ordre chronologique adopté par Diodore (XX, 19) doit être préféré à leur témoignage. Ce qui est plus remarquable, c'est la façon dont Appien motive ce fléau des Autariates. A l'entendre, ils avaient, de concert avec Μολιστόμω καί Κελτοΐς τοΐς Κίμβροις λεγομένοις, voulu faire un coup de main sur Delphes pour piller le sanctuaire, mais le dieu avait déchaîné sur eux la pluie et la tempête. et finalement ce fléau etc. On n'entend parler nulle part ailleurs d'une agression contre Delphes avant celle de 278 ; il est encore moins question d'un chef celte du nord de Molistomos, et ce que les celtisants trouvent à dire sur les Cimbres mentionnés à ce propos paraît plus qu'aventuré.
[12] WESSELING (ad Diodor. XX, 21) pense, comme bien d'autres érudits du temps passé, que ce Nicoclès de Paphos n'est autre que Nicocréon, celui à qui Ptolémée avait confié le commandement en chef à Cypre. ENGEL (Kypros, I, p. 368. 498) est aussi de cet avis. L'hypothèse s'accommoderait parfaitement aux circonstances, mais elle est insoutenable, attendu que, d'après Plutarque (Alex., 29), Nicocréon était roi de Salamine, probablement le fils de Pnytagoras (ARRIAN., Ind. 18).
[13] Vu son âge, cet Argios ne peut être le fils de Ptolémée (PAUSANIAS, I, 7) : il faudrait admettre que Ptolémée avait eu cet enfant avant son premier mariage en 324. Quant à Callicrate, on peut presque affirmer avec certitude que c'est le Samien Callicrate, fils de Bascos, que l'on rencontre dans les inscriptions de Délos publiées par HOMOLLE (Bull. de corresp. hellén., IV, p. 320 sqq.). J'ai donné des détails plus précis sur les deux personnages dans le mémoire Zum Finanzwesen der Ptolemäer (Sitzungsber. der Berl. Akad., 2 febr. 1882).
[14] DIODORE, XX, 21. POLYÆN, VIII, 48.
[15] C'est à ces conjonctures que fait allusion le chapitre de Théophraste περί λογοποιΐας, où le colporteur de nouvelles raconte qu'il sait de source absolument sûre comme quoi Polysperchon et le roi ont battu Cassandre à plate couture et l'ont fait prisonnier ; on peut lire la chose, dit-il, sur la figure des autorités de la ville : puis il s'écrie : Pauvre Cassandre ! il est bien malheureux ! Comme la chance a tourné contre lui ! Le roi ne peut pas être Arrhidée ; il faut que ce soit Héraclès, car ce n'est qu'à cette époque qu'Athènes était tout à fait pour Cassandre.
[16] DIODORE, XX, 28, 2 et 3. Je ne sais si j'ai bien compris le sens de δωρεάς : d'après le scoliaste d'Aristophane (ad Av., 510), on est en droit d'entendre par là des présents, mais des présents consistant probablement en terres, et l'on peut très bien interpréter dans ce sens les expressions de Diodore (XV, 91, 1. XVI, 3, 4. XIX, 86, 1), bien que, dans ces passages, l'intention de corrompre ne soit pas exclue le moins du monde. Les δωρεαί dont il est question ici ressemblent tout à fait aux offres faites à Eumène et qui ont été mentionnées d'après Diodore (XVIII, 50). Même les distinctions militaires qu'Eumène a droit d'accorder, sont appelées δωρεαί par Plutarque (Eumène, 8).
[17] DIODORE, XX, 28. PAUSANIAS, IX, 7. PLUTARQUE, De fals. pud., p. 530. Le crime fut consommé à Trampya (LYCOPHR., Alex., 800, cf. TZETZES, ibid.). Justin (XV, 2) est inexact : seulement, il fait la remarque que la mère d'Héraclès, Barsine, fut mise à mort en même temps que lui. Dion Chrysostome (LXIV, p. 599) s'exprime d'une façon fort embrouillée : Héraclès, fils d'Alexandre, ne fut pas roi, mais on l'apporta sans l'ensevelir à Olympias, et, après qu'elle l'eut pleuré, elle mourut elle-même.
[18] DIODORE, XX, 27.
[19] Diodore ne fait pas mention de ce siège d'Halicarnasse ; Plutarque (Démétrius, 7) le place immédiatement après le retour de Démétrios, qui revint de Babylone en 312. Comme, l'année suivante, Ptolémée fait voile de Myndos, l'affaire d'Halicarnasse doit avoir eu lieu à la fin de l'année.
[20] DIODORE, XX, 29. PAUSANIAS, I, 9, 10. Les édits d'Antiochos III (dans APPIAN., Syr., 2 et DIODORE, XXIX, 5 éd. Dindorf) nous renseignent sur l'importance de la ville.
[21] Il est possible que ce soit à cette époque qu'a été fondé le κοινόν τών νησιωτών dont on a eu connaissance tout récemment, grâce aux recherches heureuses de savants français. Du moins, la dédicace d'un vase d'or du poids de 433 ½ drachmes, de Πτολεμαΐος Λάγου Μακεδών, nous reporte au temps où Ptolémée n'avait pas encore pris le titre de roi. Cette indication se trouve dans l'inventaire du trésor du temple de Délos, document des plus intéressants que HOMOLLE a publié et commenté d'une façon magistrale dans le Bulletin de correspondance hellénique (VI, [1882], p. 1 sqq.).
[22] DIODORE, XX, 37. POLYÆN., VIII, 58. Il prit aussi Mégare, et c'est là qu'il invita le philosophe Stilpon à le suivre en Égypte (DIOG. LAËRT., II, 115) : cependant, la ville retomba au pouvoir de Cassandre.
[23] DIODORE, XX, 14. Nous ne saurions dire si c'étaient précisément des modèles de temples.
[24] Sur ces événements, nous n'avons, en fin de compte, que les relations de Diodore et de Justin, qui proviennent l'une et l'autre de Douris.
[25] Sur cet Ophélas, en dehors de ce qui a été rapporté au cours de la narration, nous n'avons à peu près aucun renseignement. On voit par Arrien (Ind., 18) qu'il était natif de Pella, fils de Silénos, et qu'il avait pris part en 325 aux triérarchies pour la flotte de l'Indus. Ophélas l'Olynthien, mentionné dans [ARISTOT.], Œconom., II, 36, n'est pas, par conséquent, celui de Pella.
[26] Justin (XXII, 7) et Orose (IV, 1, 6) appellent Ophélas regem Cyrenes, ce qui ne doit pas être une inexactitude. Diodore (XX, 40) dit κυριεύων τών περί Κυρήνην πόλεων ; Plutarque (Démétrius, 14), Κυρήνης άρξαντα. On avait dû songer naturellement à restaurer l'ancienne royauté des Battiades, qui n'existait plus, il est vrai, depuis 150 ans, mais sous laquelle le pays avait été grand et prospère.
[27] PLUTARQUE, Démétrius, 14. C'était peut-être une fille du Miltiade qui fut l'οίκιστής de la colonie attique envoyée dans l'Adriatique (BÖCKH, Securkunden, n° XIV a, p. 222 et 245).
[28] DIODORE, XX, 40.42. THEOPHR., Hist.
plant., IV, 3. POLYÆN., V. 3. Justin (XXII, 7) dit : itaque cum
ad belli societatem cum ingenti exercitu ipse venisset, Agathocles blando
adloquio et humili adulatione, cum sæpius simul cenassent adoptatusque filius
ejus ab Ophella esset, incautum interficit.
[29] DIODORE, XX, 44.
[30] Je renvoie à l'excellent ouvrage de HOLM (Geschichte Siciliens, II, p. 287 sqq.), en me contentant de faire observer que, d'après ZECH (Astronom. Untersuchungen, 1853, p. 34 et 47), l'éclipse de soleil survenue au début de l'expédition d'Afrique (DIODORE, XX, 5, 5) tombe le 10 août 310, et qu'Agathocle rentra au pays après quatre années de guerre (DIODORE, XX, 69, 5), c'est-à-dire en novembre 306.
[31] PAUSANIAS, I, 6, 8. Dans Pausanias, il est vrai, le fait se trouve placé après la bataille d'Ipsos ; mais, comme le remarque avec raison THRIGE (Res Cyren., p. 217), c'est bien ici qu'il faut le mettre. Magas était un fils de ce Philippe — probablement fils d'Amyntas — qui commandait une phalange en 334 (ARRIAN, I, 14, 2) ; sa mère, Bérénice, femme distinguée par son esprit et ses qualités, était venue en Égypte pour accompagner Eurydice, fille d'Antipater, que celui-ci envoyait épouser le Lagide. Elle était la petite-nièce d'Antipater, la petite-fille de son frère Cassandre ; sa mère s'appelait Antigone (SCHOL. THEOCRIT., XVII, 61). Le même scoliaste (ibid., 34) appelle son père Lagos, de sorte qu'elle serait sœur de père de Ptolémée. Du reste, Ptolémée n'eut pas besoin pour l'épouser de se séparer d'Eurydice, la sœur de Cassandre ; Bérénice l'accompagnait déjà à titre d'épouse dans l'expédition maritime de 309 ; elle mit au monde dans l'île de Cos Ptolémée Philadelphe, et elle avait déjà eu une fille en 316. D'après l'expression d'Agatharchide (ATHÉNÉE, XII, p. 550) : Μάγαν βασιλεύσαντα Κυρήνης έτη πεντήκοντα (jusque vers 260), on pourrait croire que Magas portait déjà le titre de roi ; c'est l'avis de THRIGE (p. 223) et la chose n'est pas en soi invraisemblable, attendu qu'il y avait encore d'autres rois soumis à Ptolémée (cf. PHILEMON, Fr. insert., 50).
[32] DIODORE, XX, 37. Mais comment Ptolémée, qui avait déjà épousé Bérénice et qui tenait à elle, pouvait-il avoir envie d'épouser Cléopâtre ? Depuis Philippe et Alexandre, ce n'était pas chose rare d'avoir plusieurs femmes, et une union avec Cléopâtre pouvait d'autant mieux être considérée comme une formalité, comme un mariage politique, qu'elle approchait de la cinquantaine.