Les Asiatiques à la mort d'Alexandre. - Soulèvement des Grecs dans l'Asie supérieure. - Athènes à la mort d'Alexandre. - Préparatifs de guerre des Athéniens. - Les Grecs entrent dans leur alliance. - Préparatifs de guerre en Macédoine. - Combat à Héraclée. - Antipater assiégé à tamis. - Mort de Léosthène. - Antiphilos nommé général. - Retour de Démosthène. - Marche de Léonnatos. - Mort de Léonnatos. - Guerre sur mer. - Bataille de Crannon. - Négociations. - Capitulation des Athéniens. - Mort de Démosthène. - Situation d'Antipater. - Guerre avec les Étoliens.Pendant que tout cela se passait à Babylone, la nouvelle de la mort du roi s'était déjà répandue dans les contrées les plus éloignées, et elle y avait produit des impressions très diverses. Maintenant que le bras qui avait groupé en un faisceau des peuples séparés par les distances les plus extrêmes avait disparu, tout devait changer, et les nations se prenaient à craindre ou à espérer pour leur avenir. Les Asiatiques, jadis les sujets des Perses, portaient à juste titre le deuil du roi. Pendant des siècles, ils avaient langui sous le joug du despotisme et de l'arbitraire ; traités en esclaves, ils n'avaient même pas joui de la paix de l'esclavage. Alexandre était pour eux sinon un libérateur, du moins un maître clément et paternel. Il les avait protégés contre l'arbitraire des fonctionnaires et la rapacité des hordes de pillards ; il avait respecté leurs coutumes et leur religion nationale ; il avait commencé même à relever leur prospérité matérielle par des mesures rapides et efficaces. Sa mort les laissait sans protecteur et sans maître à eux ; ils voyaient revenir le régime des satrapes d'autrefois, à cette différence près qu'il leur faudrait obéir désormais à des maîtres macédoniens, ce qui augmentait encore leurs préoccupations pour l'avenir. On eût dit que la renaissance provoquée par Alexandre en Asie allait être étouffée dans son printemps, et le résultat définitif de toutes ces victoires, c'était qu'une servitude plus dure remplacerait le joug des maîtres asiatiques auquel on était accoutumé. Voilà les préoccupations et les tristes pensées qui s'emparaient des peuples. L'avenir devait paraître plus sombre encore aux grands d'Asie, qui avaient déjà commencé à s'accoutumer à la nouvelle situation qu'Alexandre leur avait faite dans l'empire, et qui se réconciliaient peu à peu à son service avec l'esprit de l'Occident. Les Macédoniens, ils le savaient trop bien, ne s'étaient pas corrigés de leur orgueil, ni les Grecs de leur vanité, parce que le roi leur avait imposé silence ; les événements qui suivirent de près la mort d'Alexandre suffisaient à leur prouver que pour eux, les vaincus, il n'y avait plus de place à côté des vainqueurs. Le sort de leurs tilles, qu'ils avaient données aux grands seigneurs de l'Occident, devait bientôt leur révéler ce brusque clamer changement survenu dans leur condition. On dit que Sisygambis, la vieille mère de Darius, se donna la mort en apprenant la mort d'Alexandre ; au moins ne vit-elle pas à quelque temps de là assassiner ses petites-filles[1]. Il est à remarquer que, parmi tous les peuples de l'Asie, aucun ne profita de la mort du roi pour essayer de se soustraire à la domination étrangère. C'est là une preuve non pas seulement peut-être de leur indolence, mais de la ferme direction qu'Alexandre avait su imprimer au gouvernement de son empire. A quelques exceptions près, il y avait partout des Macédoniens comme satrapes, disposant de troupes et de colonies militaires européennes ; et cette force armée, la discipline macédonienne, l'intérêt même des populations prévinrent toute révolte. Il éclata cependant un mouvement qui faillit enlever à l'empire au moins l'extrême Orient. Déjà en 325, lorsqu'on désespérait de voir Alexandre
revenir de l'Inde, une partie des Grecs établis dans Cette nouvelle dut remplir d'inquiétude l'administrateur
de l'empire. Ce n'était pas seulement la possession des provinces supérieures
qui était compromise ; il y avait là, chose beaucoup plus grave, un exemple
d'insubordination qui, s'il était couronné de succès, tenterait les autres
colonies. C'était en tous cas une masse d'hommes considérable qui allait
traverser l'empire à la débandade et jeter des troupes exercées dans Nous ne savons pas exactement ce qui est advenu, après cet épisode, des provinces supérieures, qui avaient perdu ainsi une grande partie de leurs garnisons défensives. En tout cas, l'ordre ne fut pas troublé davantage ; les satrapes gardèrent leurs postes, et les villes d'Alexandre, abandonnées par les vétérans qu'on y avait installés, conservèrent les habitants de race asiatique associés aux premiers colons. Dans l'intervalle avait éclaté en Occident, dans les régions grecques, une insurrection qui menaçait sérieusement la puissance macédonienne. Athènes en était le foyer. Là, le parti anti-macédonien avait subi un grave échec à l'issue du procès d'Harpale, et Démosthène était, depuis le printemps de 323, banni d'Athènes. C'est à ce moment qu'Hipparque, fils d'Asclépiade, apporta à Athènes la nouvelle de la mort d'Alexandre. Le peuple entra dans une effervescence extraordinaire. C'est impossible, s'écriait l'orateur Démade, si cela était, le monde serait rempli de l'odeur de son cadavre ! D'autres regardaient la mort du roi comme certaine, disaient que c'était le moment ou jamais de secouer le joug. En vain Phocion s'efforçait de modérer la surexcitation passionnée de la foule. S'il est mort aujourd'hui, il le sera encore demain, après-demain, et nous avons le temps de prendre une décision réfléchie en toute tranquillité. Les riches surtout craignaient une guerre qui ne leur apportait que des dangers et une quantité de prestations publiques. Mais il y avait trop de pauvres, de révolutionnaires et de braillards ; les beaux noms de liberté, d'hégémonie et de gloire du temps passé étaient plus puissants que la voix de la prudence ou le respect des traités jurés. La puissance macédonienne, disait-on, était un cyclope maintenant aveuglé. On acclama ceux qui suggérèrent l'idée de se servir de ces milliers de mercenaires que Léosthène avait amenés d'Asie au Ténare, et qu'il était tout prêt à mettre en campagne au nom d'Athènes[6]. La nouvelle de la mort du roi n'était pas encore
confirmée. Pour n'engager l'État d'aucune façon et ne rien négliger
cependant, pour endormir par une inactivité apparente la vigilance
d'Antipater, on résolut d'envoyer à Léosthène pour ses mercenaires cinquante
talents prélevés sur le trésor d'Harpale et des armes provenant des arsenaux
de l'État : dès que la mort d'Alexandre serait confirmée, la république
prendrait parti ouvertement. Léosthène prit donc à la solde d'Athènes ces
8.000 hommes de troupes excellentes et éprouvées et noua des négociations
secrètes avec les Étoliens qui, à cause d'Œniadæ et de leur refus de recevoir
les bannis, devaient souhaiter une rupture entre Athènes et En attendant, les messages arrivaient coup sur coup de l'Asie, rapportant des détails plus explicites sur les événements de Babylone, parlant de la surexcitation des esprits dans les villes d'Asie-Mineure, et de Rhodes qui avait expulsé sa garnison macédonienne[7] Léosthène vint lui-même à ce moment à Athènes. Hypéride appuya ses propositions ; il s'agissait d'une levée de boucliers immédiate contre la Macédoine[8]. Des ambassadeurs macédoniens arrivaient en même temps pour recommander le maintien des conventions et rappeler les excellentes qualités d'Antipater. Nous savons que c'est un excellent maître, dit Hypéride, mais n'avons pas besoin d'un maître, même excellent. Phocion, qui avait été tant de fois stratège, mettait ses concitoyens en garde contre les résolutions précipitées : il montrait la grandeur du danger et rappelait le malheureux sort de Thèbes ; il exhortait ses concitoyens à ne pas se laisser égarer par ces hommes qui rêvaient de commander une armée. Léosthène lui demanda d'un ton narquois quels services il avait rendus à la république pendant ces longues années qu'il avait été stratège. N'est-ce donc rien, lui répliqua Phocion, que les citoyens trouvent un tombeau dans leur patrie et le repos dans leur tombeau ? Mais Léosthène vanta comme chose bien plus glorieuse la sépulture au Céramique avec l'oraison funèbre, les deux récompenses accordées aux guerriers morts pour la patrie. Voilà ce qui était digne d'un homme : l'heure de la guerre était venue ; l'assistance de tous les Hellènes était sûre et le succès certain. Phocion répondit : Tes discours, jeune homme, ressemblent au cyprès : il s'élance droit et superbe, mais il ne porte pas de fruit. Mon plus beau titre de gloire, c'est que, tant que j'ai été stratège, on n'a pas eu besoin de faire des oraisons funèbres. Et comme Hypéride lui demandait quand donc il conseillerait la guerre sinon maintenant : Quand je verrai les jeunes gens ne plus déserter leur poste, les riches donner leur fortune pour la guerre et les orateurs ne plus voler le Trésor public. Les efforts de Phocion furent inutiles : la guerre fut résolue et Léosthène rejoignit en toute hâte ses mercenaires. Les patriotes athéniens eux-mêmes, s'ils avaient calculé à
froid, auraient dû souhaiter que la politique athénienne prit une autre
direction. Athènes était assez puissante pour attendre ce qui sortirait de
cette fermentation confuse provoquée par la mort d'Alexandre, et ne se mettre
en avant que quand elle pourrait le faire avec pleine chance de succès. Il
était évident qu'en signant leur premier accommodement à Babylone, les
potentats macédoniens n'avaient pas dit leur dernier mot ; que de nouvelles
dissensions surgiraient entre le lieutenant-général et les satrapes, entre
l'empire et les provinces ; que, si la lutte éclatait, la puissance d'Athènes
et son influence sur les États de Tout d'abord, on poursuivit les partisans de Léosthène était déjà en pleine activité. En nouant des
rapports avec les Étoliens, il s'était ménagé la possibilité de pénétrer
rapidement dans le nord de Ce manifeste belliqueux dut faire sur les Hellènes une
impression extraordinaire. Les gens raisonnables[11] pensaient bien
qu'Athènes entreprenait une chose glorieuse, mais oubliait l'utile ; qu'elle
partait en guerre avant l'heure ; qu'à vouloir risquer la lutte contre les
troupes invincibles de Pendant que Léosthène marchait de l'Étolie pour aller
occuper les Thermopyles, les ambassadeurs athéniens couraient de tous côtés
pour inviter les Hellènes à une alliance contre les Macédoniens. L'accueil
qu'on leur fit dépendait de la haine qu'on éprouvait pour les Macédoniens, et
surtout des inimitiés entre voisins, dont l'ardeur venait de se rallumer. Les
Locriens et les Phocidiens[12] s'armèrent pour
s'unir à Léosthène ; les Béotiens n'en tinrent que plus fortement pour Déjà Léosthène avait atteint les Thermopyles avec son
armée. L'armée athénienne, composée de 5.000 citoyens pesamment armés, 300
cavaliers et 2.000 mercenaires, s'avança par la route de Béotie pour
rejoindre Léosthène. Afin d'empêcher la jonction, les Béotiens, réunis aux
Macédoniens de Comment Antipater avait-il pu laisser la situation s'aggraver à ce point ? Pourquoi n'était-il pas descendu depuis longtemps vers le sud avec ses troupes ? Sa position était des plus critiques. L'ordre d'Alexandre
qui l'appelait en Asie avait dû ébranler sa situation dans le pays : il était
toujours en lutte avec la reine Olympias ; et naturellement, cet ordre, qui
semblait lui avoir fait perdre la partie, avait singulièrement augmenté en
Macédoine le nombre ales partisans de la reine. La mort du roi et les
arrangements pris par les officiers supérieurs après une lutte violente lui
avaient bien attribué de nouveau le gouvernement de Antipater réunit en toute hâte ce qu'il avait de soldats
pour garantir Le détail des opérations militaires qui suivent ne se voit
pas nettement dans les auteurs. Si l'armée des Hellènes se tenait aux
Thermopyles et se contentait de les défendre, Antipater, avec son infanterie
plus faible de moitié, était hors d'état de forcer le passage. Déterminé à
attendre l'arrivée des renforts sur lesquels il pouvait compter, et
nourrissant, d'autre part, l'espoir fondé qu'à la longue les confédérés ne
resteraient pas unis et serrés les uns contre les autres[21], il se contenta
de franchir le Sperchios et d'occuper Héraclée, où se séparent les routes qui
montent vers Cette lenteur, le nombre évidemment restreint des troupes
dont disposait Antipater, enfin le désir d'encourager la bonne volonté des
Hellènes par une victoire et de rallier plus d'adhérents à Ce combat, qui dut se livrer au milieu de l'été, fut
regardé et à juste titre par les Hellènes comme un grand succès ; enflamma
partout l'enthousiasme des patriotes. Seules, les villes qui se sentaient
menacées par leur haine ou leur arrogance restèrent fidèles aux Macédoniens. Ils ne sortirent. pas de chez eux cependant, sous prétexte peut-être que Corinthe leur barrait le passage. Il y avait là, en effet, une garnison macédonienne[27]. Mégare aussi tenait pour les Macédoniens ; l'Achaïe se tenait tranquille depuis le désastre de Chéronée : quant à Sparte, depuis sa défaite en 330, elle avait en Macédoine cinquante otages, pris parmi les nobles. Mais le coup le plus sensible pour Antipater, c'était la
défection de Léosthène avait suivi l'ennemi avec toute l'armée confédérée jusqu'à Lamia Pour se couvrir, il établit des retranchements munis d'un fossé, et mena son armée rangée en bataille contre la ville. Vu le tempérament de son armée, il tenait à éviter, si faire se pouvait, un long siège. Comme l'ennemi se renfermait derrière les murailles et que rien ne pouvait le décider à une sortie, Léosthène essaya de prendre la ville d'assaut. Il renouvela l'attaque chaque jour avec la plus grande vigueur : on le repoussa avec un courage et une ténacité égale. Les alliés éprouvèrent des pertes considérables, et Léosthène comprit qu'il ne pouvait emporter la ville de vive force. Il entreprit alors un blocus en règle et ferma toutes les approches de la ville ; notamment les communications avec Phalara et la mer furent tout à fait coupées. On commença à entourer la ville d'un mur avec fossés, qui isolait complètement les assiégés. Vu le grand nombre d'hommes enfermés dans la ville, il y avait lieu d'espérer que les provisions seraient bientôt épuisées et que le manque de vivres forcerait Antipater à se rendre[30]. On était à l'équinoxe d'automne, époque où La mort de Léosthène était un coup terrible pour la cause des alliés. Bon soldat et général capable, il avait la confiance absolue des alliés[34], et son nom attirait de loin comme de près les bandes de mercenaires. Les résultats obtenus jusqu'alors avaient répondu aux plus belles espérances des coalisés ; aucun accident n'était survenu, et, sous sa direction, la guerre hellénique, comme on l'appelait à Athènes[35], paraissait devoir aboutir au plus brillant succès. Sa mort frappait au cœur la puissance des coalisés et lui enlevait sa vitalité. Plus on s'était promis de grandes choses sous son commandement, plus on avait joyeusement célébré de sacrifices, de fêtes et de processions aux messages de victoire qu'il envoyait incessamment du camp, plus on s'était abandonné à l'ivresse du succès, plus le découragement fut profond à Athènes quand on apprit sa mort. On exalta par des panégyriques outrés et des lamentations le deuil du grand mort et les regrets accordés à sa renommée. La fiancée du général, la fille d'un Aréopagite considérable, se donna la mort en disant que vierge encore, elle était déjà veuve, et que nul autre n'était digne de posséder la fiancée de Léosthène[36]. On fit au défunt les plus belles funérailles[37] ; le peuple athénien décida ensuite qu'il y aurait une fête des Morts au Céramique, et Hypéride, l'homme d'État qui était alors à la tête des affaires, fut chargé de prononcer l'oraison funèbre de Léosthène et des citoyens morts dans la campagne de Lamia[38]. Il s'agissait maintenant de nommer à la place de Léosthène
un général à qui on pût confier la direction supérieure de la guerre[39]. On craignait
que le peuple ne choisît Phocion, qui était à l'époque le seul général en vue
à Athènes ; mais Phocion avait toujours entretenu d'excellents rapports avec
les' gouvernants de On doit trouver étonnant que Démosthène, qui avait été si
longtemps le chef du parti anti-macédonien, ne fût pas encore revenu, alors
que la guerre durait déjà depuis plusieurs mois. Il est possible qu'Hypéride,
qui avait été un de ses accusateurs dans l'affaire d'Harpale, ait désiré
tenir à distance le grand orateur, auquel il lui aurait fallu céder le pas à
la tribune. Il est possible aussi que, étant donné l'attitude de Démosthène
pendant la guerre de Sparte en 330 et lors de l'arrivée d'Harpale, où il avait
déconseillé une nouvelle lutte contre Sur la proposition de Démon de Pæania, cousin de Démosthène, le peuple décréta son rappel : une trirème fut dépêchée pour aller le chercher à Égine, où il se trouvait en ce moment. Quand il débarqua, les magistrats de la ville, les prêtres, une foule immense se rendit à sa rencontre et le reçut avec des cris do joie. Il leva les mains vers le ciel pour remercier les dieux, disant que son retour était plus beau encore que celui d'Alcibiade, car il ne revenait pas par la force, mais rappelé par l'amour du peuple[43]. Quant à l'amende à laquelle il avait été condamné et qui ne pouvait être remise, on trouva un expédient pour l'acquitter ; le peuple le chargea du soin d'orner l'autel pour la fête de Zeus Sauveur, et, au lieu de la somme habituelle, on lui compta le montant de l'amende qu'il avait à payer. Pendant que ces événements se passaient à Athènes, les
choses avaient bien changé sur le théâtre de la guerre, et en faveur des
Macédoniens. Aussitôt après la mort de Léosthène, Antipater avait détruit une
partie des lignes ennemies et gagné de l'espace, ce qui lui permit de faire
des approvisionnements suffisants et d'attendre l'arrivée d'une armée de
secours. Lysimaque avait déjà amené des troupes en Thrace, et de ce côté On pouvait être alors au deuxième mois de l'année 322. L'armée des alliés n'était plus au complet : les Étoliens n'étaient pas revenus, et les contingents de plusieurs États grecs avaient regagné leurs foyers pour l'hiver[45]. C'est à ce moment aussi, semble-t-il, qu'Aryptæos abandonna la cause des alliés avec ses Molosses[46]. Il n'était plus possible, avec des forces ainsi réduites, de partager l'armée en deux corps, dont l'un continuerait le siège de Lamia, tandis que l'autre marcherait à la rencontre du gouverneur de Phrygie. L'essentiel était d'empêcher la jonction des deux armées macédoniennes, et le seul moyen, c'était une victoire rapide et décisive sur Léonnatos. Aussi le siège fut-il aussitôt levé, le camp incendié, les bagages et les invalides transportés à Méliteia, ville forte située au milieu des montagnes, sur la grande route de Lamia en Thessalie[47]. L'armée hellénique, forte de 22.000 fantassins et de plus de 3.500 cavaliers conduits par Ménon, l'hipparque de la cavalerie thessalienne, s'avança sous le commandement en chef d'Antiphilos au-devant de l'ennemi[48]. Les deux armées se rencontrèrent dans une plaine qui, entourée de hauteurs boisées, aboutissait d'un côté à un marais couvert de joncs. C'était un excellent champ de bataille pour la cavalerie, qui faisait la force de l'armée des coalisés. Un combat de cavalerie s'engagea qui se prolongea longtemps et fut mené avec vigueur : finalement, les escadrons macédoniens ne purent résister davantage au nombre et à la supériorité marquée de la cavalerie thessalienne. Ils furent rompus ; une partie fut jetée dans le marais, et parmi eux Léonnatos, qui avait combattu avec sa vigueur et son courage habituels. Couvert de blessures, il s'affaissa et mourut : c'est à grand peine que les siens purent arracher le corps de leur général à l'ennemi victorieux. Pendant ce combat de cavalerie, l'infanterie des deux côtés n'avait pas bougé. Dès que la victoire se fut décidée en faveur des alliés, la ligne macédonienne se retira sur les hauteurs boisées, soit qu'elle craignît d'être enfoncée par les Thessaliens enivrés de leur victoire, ou qu'elle eût reçu l'ordre exprès de cesser le combat[49]. Les Thessaliens cherchèrent à plusieurs reprises à s'emparer des hauteurs, mais sans succès. Épuisés par un combat de plusieurs heures, les chevaux ne pouvaient plus servir à de nouvelles tentatives. Les alliés érigèrent un trophée sur le champ de bataille et se retirèrent dans leurs positions. En dépit de leur victoire, les alliés n'avaient rien
gagné, puisqu'ils n'avaient pas pu anéantir toute l'armée de secours. C'était
un insuccès irréparable, car, le lendemain de la bataille, Antipater,
s'échappant de Lamia où l'on n'avait pas pu laisser de corps d'observation,
fit sa jonction avec l'armée de secours, dont le gros n'avait pas été entamé.
Pour lui, l'issue de la journée précédente était décidément favorable :
Léonnatos eût été un rival dangereux, et, s'il avait été vainqueur, Antipater
sauvé par lui n'aurait pu jouer à côté de lui qu'un rôle secondaire.
Maintenant, au contraire, il héritait, par la force des choses, du
commandement de l'armée même qu'avait amenée Léonnatos ; et, sans être
supérieur aux alliés, car sa cavalerie avait été fortement éprouvée, il était
du moins en état de tenir la campagne en pays ennemi. Évitant les plaines et
les moindres escarmouches, il se retira lentement de la partie méridionale de
Cependant, la guerre sur mer avait pris une tournure à laquelle on ne pouvait guère s'attendre en comparant les forces navales des deux parties belligérantes au commencement des hostilités. Dans l'état actuel de nos sources, on ne peut guère en distinguer que partiellement les diverses phases. Diodore est le seul auteur qui donne des indications quelque peu suivies. Après avoir conduit le récit de la guerre sur le continent jusqu'à la défaite de Léonnatos et la retraite d'Antipater vers la frontière de Macédoine, il continue ainsi : les Macédoniens étant maîtres de la mer, les Athéniens armèrent de nouveaux vaisseaux pour les joindre à ceux qui tenaient déjà la mer, ce qui portait leur flotte à 170 bâtiments ; celle des Macédoniens en comptait 240, commandés par le navarque Clitos. Clitos, opposé au navarque athénien Euétion, fut vainqueur dans deux batailles, et coula un grand nombre de vaisseaux ennemis près des îles Échinades. Or, ces îles sont situées sur la côte étolienne : comme on a jugé impossible que la guerre maritime ait eu lieu dans ces parages et qu'il se soit même livré deux batailles navales, on a supposé que Diodore a confondu peut-être les lies Échinades avec le port d'Échinos, à quelques lieues à l'est de Phalara, ou qu'il veut parler peut-être des îles Lichades, situées à proximité, à la pointe nord-ouest de l'Eubée. Au commencement de la guerre, les Athéniens avaient décidé
d'armer 40 vaisseaux à quatre rangs de rames et 200 trirèmes, tandis que
Clitos ne pouvait alors mettre en mer que 110 bâtiments. Même en distrayant
de ces 240 navires un nombre considérable de vaisseaux pour protéger la côte
et les ports athéniens, la flotte active eût été bien supérieure encore à
celle des ennemis, si l'on avait mis toute la diligence nécessaire aux
armements. Qu'Antipater, retiré à Lamia quand la défection de A Athènes aussi on devait savoir que Clitos attendait ces renforts importants. Cette considération explique pourquoi l'on mit à la mer un nombre si considérable de vaisseaux, pour écraser Clitos avant qu'il n'eût reçu ses renforts, ou du moins pour barrer le passage à la flotte auxiliaire et l'arrêter aussi loin que possible à l'est. On pouvait peut-être espérer dans ce cas que les Rhodiens, qui avaient déjà chassé de chez eux leur garnison macédonienne, réuniraient leurs vaisseaux à ceux des Athéniens. Depuis que Lamia étroitement assiégée était coupée du port de Phalara, la flotte macédonienne n'avait plus rien à faire dans les eaux étroites du golfe Maliaque ; elle n'aurait donc eu aucun motif de livrer deux batailles navales, comme on veut le faire dire à Diodore, si même deux victoires complètes n'avaient dû apporter aucun soulagement à l'armée de Lamia. Le navarque Clitos devait avant tout rallier ces renforts expédiés d'Asie, afin d'opérer, en débarquant sur les côtes des ennemis, des diversions qui rappelleraient leur armée de terre, ou du moins d'empêcher par des démonstrations énergiques que les alliés rentrés dans leur foyers pour l'hiver, les Étoliens, par exemple, ne retournassent à l'armée fédérale en Thessalie. Ici se place une anecdote, dont Plutarque parle à plusieurs reprises et d'où l'on peut, ce semble, tirer quelque renseignement. Clitos, dit-il, après avoir détruit à Amorgos deux ou trois vaisseaux helléniques, s'était fait appeler Poséidon et avait pris le trident[52]. Il dit encore, à propos de cette bataille navale, qu'à Athènes on se promettait un brillant succès ; qu'un beau jour Stratoclès avait traversé en toute hâte le Céramique, une couronne sur la tête, annonçant que la flotte athénienne avait remporté une grande victoire, et demandant en conséquence qu'on offrit des actions de grâces aux dieux et un repas au peuple. Au milieu du banquet, pendant que les citoyens s'abandonnaient à la joie, les débris de la flotte vaincue rentraient au Pirée. Comme les Athéniens voulaient rendre Stratoclès responsable de leur déception, il eut l'impudence de répondre : Eh bien ! qu'ai-je fait de mal en vous tenant en joie pendant trois jours[53] ? Peut-être faut-il voir une conséquence immédiate de cette
défaite dans l'incident que Plutarque raconte dans A la nouvelle de la défaite d'Amorgos, la partie de la flotte destinée à protéger la côte de l'Attique s'est sans doute concentrée rapidement devant Munychie et le Pirée, pour recueillir les débris de l'Armada vaincue et couvrir les ports. Il est probable que Clitos, en les voyant garantis de la sorte, après la tentative infructueuse sur Rhamnonte, n'en lit pas une seconde et se porta du côté où il pouvait rendre le plus de services pour la guerre de Thessalie. Le mieux qu'il pouvait faire était d'empêcher les Étoliens de rejoindre l'armée, jusqu'à ce que Léonnatos se fût avancé assez loin pour débloquer Lamia ; et si Léonnatos avait déjà succombé, si Antipater devenu libre avait pris position au delà du Pénée, la diversion sur les côtes étoliennes devenait encore plus nécessaire. Si, au commencement de la guerre hellénique, les Athéniens avaient résolu de mettre en ligne un grand nombre de vaisseaux, après cette défaite et à voir la tournure que prenaient leurs affaires en Thessalie, il était grand temps de le faire. Dans ce qu'on est convenu d'appeler les archives de la marine trouvent des listes tronquées de vaisseaux, de matériel, de sommes d'argent, etc., qui ont été transmises lors dm renouvellement des fonctionnaires, dans l'été de 322 et de 321[55]. On y voit que des vaisseaux ont été envoyés à Aphètes[56], à l'entrée du golfe de Pagase, probablement pour assurer à l'année de Thessalie ses communications avec la mer ; que d'autres ont été expédiés ensuite sous le commandement de Métrobios : c'était peut-être un envoi provisoire, en attendant que le reste de l'escadre qu'on avait décidé d'armer fût prête à Partir pour la côte de l'Étolie. Parmi ces armements complémentaires, on voit une quinquérème, la première qui ait été lancée à Athènes[57]. C'eut uniquement du passage cité de Diodore qu'il ressort qua la flotte athénienne succomba dans une seconde bataille navette. S'il indique les deux batailles comme livrées près des îles Échinades, c'est peut-être qu'il a pris ses notes un peu à la tee ou qu'il y a une lacune dans le texte. En tout cas, on ne distingue plus quel lien chronologique il y a entre cette seconde bataille sur les côtes de l'Étolie et les opérations en Thessalie. Cratère, le prostate du royaume, était arrivé d'Asie vers
le mois de mai ou de juin 322, ayant avec lui les 40.000 vétérans de la
grande armée macédonienne, 1.000 frondeurs et archers perses, et 1.500
cavaliers. Il traversa L'armée des alliés se trouvait dans la plaine au sud du fleuve, du côté des montagnes : elle était en assez mauvais état, diminuée de beaucoup de contingents grecs qui, au printemps, après la retraite des Macédoniens, avaient regagné leurs foyers, les uns lassés de cette campagne sans résultat, les autres croyant la partie gagnée, les autres enfin mus par des jalousies mesquines. Les forces des alliés ne dépassaient pas 25.000 hommes pour l'infanterie et 3.500 pour la cavalerie. Ce qui était plus fâcheux encore, c'est que cette armée était inférieure à celle des ennemis non seulement en nombre, mais aussi en expérience et en discipline. Elle comptait beaucoup de jeunes officiers, qui, pour s'entendre avec leurs subordonnés, devaient se montrer d'autant plus conciliants qu'ils avaient moins de capacité réelle et d'expérience militaire pour asseoir leur autorité. A mesure que la situation des alliés empirait, le désordre augmentait dans les masses et l'indécision dans le conseil de guerre. Ils auraient dû à tout prix se tenir sur la défensive, d'autant plus qu'ils étaient presque inattaquables sur la pente de la montagne, qu'ils pouvaient compter que des troupes fraîches leur arriveraient des États grecs, et que leurs communications étaient assurées avec le pays et avec la mer. Mais l'ennemi était proche et les pressait de jour en jour davantage. L'impatience dans l'armée grecque augmentait d'une façon inquiétante[58]. Confiants dans la cavalerie thessalienne, dans les avantages du terrain et la solidité de leurs positions dans la montagne, qui leur restaient en cas de retraite, les alliés décidèrent de livrer bataille. Au sud du Pénée s'étend, à deux milles environ vers le sud, la plaine de Crannon, entourée de hauteurs que traverse la route de Larissa à Lamia et à Pagase[59]. L'armée des alliés était campée sur les hauteurs au sud, tandis qu'Antipater avait passé le fleuve un peu au-dessus de Larissa, et de là cherché à différentes reprises à forcer l'ennemi au combat. Enfin, le 7 août, jour anniversaire de Chéronée, les colonnes de l'infanterie grecque descendirent dans la plaine et se rangèrent en bataille. Sur leur flanc droit chevauchaient les escadrons de la cavalerie thessalienne[60]. L'armée macédonienne se trouva bientôt en ligne, sa cavalerie sur l'aile gauche, pour commencer le combat avec les cavaliers thessaliens, force principale des alliés. Malgré leur bravoure et leur supériorité numérique, les Macédoniens ne purent résister à l'attaque impétueuse des Thessaliens et furent obligés de battre en retraite. Cependant, Antipater avait conduit les phalanges macédoniennes contre les hoplites ennemis : ceux-ci furent enfoncés ; une sanglante mêlée s'engagea : ne pouvant résister au nombre et au poids des phalanges, les alliés cessèrent précipitamment le combat et se retirèrent en aussi bon ordre que possible sur les hauteurs, d'où ils réussirent à repousser les attaques de la grosse infanterie macédonienne, qui tenta à plusieurs reprises d'escalader les hauteurs. Mais la cavalerie des alliés, déjà victorieuse, en voyant la retraite de l'infanterie, se hâta de la rejoindre pour ne pas être coupée. Ainsi la bataille finit sans résultat, bien que la victoire penchât du côté des Macédoniens, car leurs pertes ne dépassaient pas 130 morts, tandis que les alliés avaient perdu environ 500 hommes, dont 200 Athéniens[61]. Le lendemain, Antiphilos et Ménon réunirent en conseil de
guerre les généraux de leur armée, pour décider s'il fallait attendre de
Grèce de nouvelles troupes et risquer une bataille décisive quand on aurait
reçu des renforts suffisants, ou s'il valait mieux engager des négociations
en vue de la paix. L'armée des alliés était encore assez importante pour se
maintenir dans ses solides positions, et la bataille même de Crannon avait
prouvé que, si l'on parvenait à égaler à peu près l'effectif des Macédoniens,
on pourrait leur tenir tête : les secours ne pouvaient tarder à arriver ;
avec une bonne direction et cette excellente cavalerie thessalienne, on
devait pouvoir tenir l'ennemi en échec. Mais cette rencontre avait jeté le
découragement dans une grande partie de l'armée : on trouvait que l'insuccès
était dû à des fautes ; les derniers liens de l'entente et de la discipline
se rompirent : qui pouvait dire si les villes enverraient encore des renforts
dans les conditions présentes, et si les Macédoniens ne recevraient pas de
leur côté de nouvelles troupes ? Il semblait encore possible d'obtenir à
l'heure actuelle une paix honorable ; en présence de Cette malheureuse tentative de négociation fut plus
préjudiciable à la cause hellénique que le combat de Crannon. Elle avait
trahi le découragement et l'indécision des Grecs ; on s'aperçut qu'ils
n'étaient nullement résolus à pousser à bout et à tout prix l'entreprise
commencée. Quant à l'offre que faisait Antipater de négocier séparément avec
les différents États de Les contingents de l'armée coalisée se trouvaient encore
réunis dans une position bien fortifiée, mais l'état moral des troupes
rendait impossible tout autre mouvement militaire. Des détachements
macédoniens se présentèrent, sans rencontrer de résistance, devant les villes
thessaliennes : n'étant pas secourues par Les troupes athéniennes s'étaient retirées dans leur pays
: on se demandait s'il fallait continuer la guerre. Mais quand on vit l'armée
macédonienne arriver de A l'ouverture des négociations, Phocion demanda tout d'abord que l'armée macédonienne n'allât pas plus loin, et qu'Antipater conclût la paix sur place. Cratère fit remarquer ce qu'il y avait d'inacceptable dans cette prétention : l'armée campait pour le moment dans le pays d'alliés fidèles, à qui la guerre avait déjà imposé assez de charges ; il était juste qu'on entrât sur le territoire des vaincus. Antipater le prit affectueusement par la main et lui dit : Cédons, pour faire plaisir à Phocion. Mais, lorsque celui-ci parla des conditions auxquelles les Athéniens acceptaient la paix, Antipater l'arrêta : quand il était assiégé à Lamia, le général athénien lui avait demandé de capituler sans conditions il demandait de même aujourd'hui qu'on se soumit sans restriction à toutes les mesures qu'il jugerait à propos de prendre. C'est cette réponse que les ambassadeurs rapportèrent à Athènes. On aurait pu prolonger encore la résistance derrière les remparts, ou émigrer à Salamine comme au temps de Thémistocle, mais la flotte athénienne avait été battue deux fois déjà ; il n'y avait pas de secours à attendre. Démosthène, Hypéride, Aristonicos de Marathon, Himéræos de Phalère[69], les chefs du parti anti-macédonien, se hâtèrent de quitter la ville avant que le peuple ne les sacrifiât. Une seconde ambassade fut envoyée à Thèbes pour accepter les conditions de la paix. Elle était composée de Phocion, de Démade, du vieux Xénocrate de Chalcédoine, le chef de l'Académie à cette époque : quoiqu'il ne fût pas citoyen athénien, Xénocrate fut adjoint à la députation, car c'était une des gloires du temps, et l'on se promettait quelque résultat de son intercession auprès d'Antipater et du prostate de Macédoine[70]. Quand on introduisit les ambassadeurs, Antipater leur fit un accueil aimable et leur tendit la main pour leur souhaiter la bienvenue, à tous, dit un auteur, excepté au philosophe. Celui-ci aurait dit alors qu'Antipater avait raison de rougir devant lui seul de la cruauté qu'il voulait exercer à l'égard d'Athènes ; et, quand Xénocrate voulut prendre la parole, Antipater l'interrompit d'un air mécontent et lui imposa silence[71]. Si le fait est exact, c'est peut-être qu'Antipater ne regardait pas un métèque comme autorisé à parler au nom d'Athènes. Il y a une autre version qui dit à peu près le contraire. Antipater aurait non seulement reçu le philosophe avec une parfaite courtoisie, mais il aurait même rendu plusieurs prisonniers à la liberté sur sa demande[72]. Il se peut bien que Phocion ait dit que, puisque la ville se rendait au vainqueur sans conditions, il le priait de se souvenir de l'ancienne gloire d'Athènes et des ménagements que Philippe et Alexandre avaient observés à son égard. Antipater régla sa conduite sur d'autres considérations ; il se déclara prêt à conclure la paix et une alliance avec les Athéniens, si on lui livrait Démosthène, Hypéride et leurs complices. D'après une autre version peut-être plus conforme à la réalité, il exigea que la ville fût remise complètement en son pouvoir, avec faculté de disposer de son sort par la suite[73]. Il aura certainement manifesté l'intention de changer la constitution d'Athènes, de façon à ce qu'on pût enfin avoir avec elle des relations stables ; il ne dissimula pas non plus que, comme garantie pour l'avenir, il mettrait une garnison à Munychie et l'y laisserait tant qu'il serait nécessaire. Il réclama également une indemnité de guerre et une amende ; la situation de Samos, toujours occupée par les clérouques athéniens, serait réglée à Babylone. Phocion le pria de retrancher l'article concernant la garnison macédonienne ; mais, comme Antipater riposta en demandant s'il se portait garant que les Athéniens ne violeraient pas la paix et resteraient tranquilles, il garda le silence[74], et on s'en tint aux propositions d'Antipater. Celui-ci dit qu'il ferait volontiers à Phocion toutes les concessions, excepté celles qui tourneraient au préjudice des deux parties. Les autres ambassadeurs se déclarèrent satisfaits du
traité, notamment Démade, qui avait suggéré l'idée de la garnison
macédonienne[75].
Ainsi fut conclue, au commencement de septembre, la paix entre Athènes et On était en septembre 322[77]. Les Athéniens célébraient la fête d'Iacchos, le sixième jour des grandes Éleusinies ; le cortège des initiés, précédé du dadouque couronné, s'avançait sur la route sacrée vers la plaine d'Éleusis. Là, on aperçut des troupes macédoniennes qui la traversaient pour aller occuper Munychie. Le fait a inspiré à un des historiens de cette époque une série de tristes réflexions. Il semblait, dit-il, que la cité dût sentir plus amèrement encore l'étendue de son malheur en voyant cette humiliation coïncider justement avec la procession. On se rappelait la bataille de Salamine, dont ce jour était l'anniversaire, et où les divinités d'Éleusis avaient manifesté leur présence protectrice par des signes éclatants et de grands cris à travers les airs : en ce même jour, les dieux avaient infligé à la glorieuse cité l'humiliation la plus profonde. C'est maintenant que se réalisait la prédiction de l'oracle de Dodone, qui recommandait de garder la hauteur d'Artémis, précisément la colline d'Artémis à Munychie, avant que l'étranger ne s'en emparât[78]. Cependant, la garnison macédonienne avait pris possession de Munychie ; les autres mesures suivirent. On commença par modifier la constitution athénienne ; pour être citoyen, il fallut dorénavant posséder un avoir de plus de 2.000 drachmes, disposition aussi sensée tout au moins que rigoureuse. Jusqu'alors, en effet, d'après le recensement de 378, les citoyens dont la fortune dépassait 2.500 drachmes avaient seuls supporté les charges publiques, tandis que les citoyens moins fortunés, qui formaient la majorité dans l'assemblée du peuple, non seulement décidaient des affaires publiques sans tenir aucun compte des ressources des riches et de celles de l'État, mais vendaient encore leur suffrage dans l'assemblée et dans les tribunaux, ou se montraient toujours disposés à accepter les mesures qui flattaient leurs intérêts et leurs passions. Pour corriger cette anomalie démocratique et faire fonctionner une constitution qui permit d'établir une situation durable, il fallait réserver le droit de cité à ceux qui, par leur fortune, offraient quelque garantie. Il était permis de supposer que celui qui, en cas de guerre, était soumis à la taxe, aux liturgies et autres charges, s'efforcerait de maintenir la paix. On fut obligé cependant d'abaisser d'un cinquième le maximum du cens[79], car depuis le recensement de 378, la fortune de l'Attique avait beaucoup diminué. Néanmoins plus de la moitié des citoyens ne purent atteindre ce chiffre ; ils perdirent leurs droits actifs, et furent exclus des tribunaux et de l'assemblée du peuple. Ils perdaient du même coup une partie de leurs moyens d'existence, c'est-à-dire, les jetons de présence pour les jurys, l'assemblée, l'argent des fêtes, etc. ; si on les laissait dans le pays, mécontents et exaspérés comme ils l'étaient, ils constituaient pour la tranquillité intérieure un danger dont la garnison macédonienne elle-même, à la longue, n'aurait pu venir à bout. Les Macédoniens leur offrirent d'émigrer en Thrace ; plusieurs milliers, dit-on, acceptèrent et furent embarqués pour cette destination. Désormais, le corps social se composa à peu près de 9.000 citoyens. Il conserva ses lois traditionnelles, et les citoyens leurs propriétés[80] ; mais l'ancienne souveraineté de la ville était réduite à néant : il ne lui restait plus qu'une autonomie communale[81]. Dans ses possessions extérieures, elle perdit certainement Imbros et Oropos ; Lemnos resta aux Athéniens de Lemnos[82]. En ce qui concerne Samos, Perdiccas, le gouverneur général, décida au nom du roi qu'on rétablirait cet État, dont les Athéniens avaient fait occuper depuis 40 ans le territoire par des clérouques[83]. L'une des principales conditions imposées par Antipater, c'était la remise entre ses mains des orateurs qui s'étaient enfuis à l'approche des Macédoniens. Ils furent donc cités à comparaître de la part du peuple athénien et, comme ils ne se présentèrent pas, condamnés à mort par contumace, sur la proposition de Démade. Antipater se chargea d'exécuter la sentence. Il partit précisément alors de Thèbes pour se rendre dans le Péloponnèse, et transforma partout les constitutions démocratiques sur le modèle de celle d'Athènes. Partout il fut reçu en grande pompe : on lui décerna des couronnes d'or et des présents honorifiques, comme au véritable fondateur de l'ordre dans les pays helléniques. Il envoya une bande de valets d'armée pour lui ramener les fuyards morts ou vifs : un ancien acteur, Archias de Thurii, se chargea de la commission. Parti en toute fuite pour Égine, il y trouva dans le temple d'Éaque Hypéride, Himéræos, Aristonicos et Eucrate. On les arracha de l'autel pour les transporter à Cléonæ, où se trouvait Antipater. Celui-ci les fit périr dans les tourments[84]. Avant qu'Archias fût revenu d'Égine, Démosthène s'était réfugié à Calaurie, dans le temple de Poséidon, pour y chercher un asile. Bientôt, raconte Plutarque, sans doute d'après Douris, Archias arriva avec sa valetaille, fit cerner le temple et y pénétra de sa personne. Démosthène avait passé la nuit à côté de la statue du dieu : il s'était vu en songe concourant avec Archias dans des jeux scéniques ; le peuple le couvrait d'applaudissements, mais il finissait par perdre la victoire à cause de la mine besogneuse de son chœur. A son réveil, il voit devant lui Archias ; celui-ci le salue amicalement et l'invite à le suivre auprès d'Antipater, qui lie fera un accueil gracieux ; il lui conseille de se fier à lui et au stratège macédonien. Démosthène reste immobile. Quand tu jouais sur la scène, Archias, dit-il, ton art n'a jamais pu me faire illusion ; tu ne me persuaderas pas davantage aujourd'hui que tu m'apportes une bonne nouvelle. En vain, Archias essaie de le persuader ; puis il insiste, il menace d'user de violence. Démosthène reprend : Te voilà maintenant dans ton vrai rôle : laisse-moi un moment, le temps d'écrire quelques lignes aux miens. En disant ces mots, il recule de quelques pas, prend ses tablettes, porte son poinçon à sa bouche et le mâche entre ses dents, comme il avait coutume de faire avant de se mettre à écrire. Puis il se voila la face et pencha la tête. Cependant les sbires riaient de voir le grand homme peureux et hésitant. Alors Archias s'avance vers lui et l'invite à se lever et à le suivre : tout irait bien ; Antipater était clément. Mais Démosthène, sentant déjà les effets du poison qu'il avait sucé au bout de son stylet, se découvrit la tête et dit : Maintenant tu peux jouer Créon dans la tragédie, jeter dehors mon cadavre et le laisser sans sépulture. Frissonnant déjà et demi-mort, il fit quelques pas en chancelant et tomba mort près de l'autel du dieu[85]. La main tu vainqueur pesait bien lourdement sur l'Hellade vaincue. Outre Démosthène et les quatre orateurs, une foule de citoyens appartenant au parti anti-macédonien, tant à Athènes que dans les autres pays, furent les uns exécutés[86], les autres exilés entre le Ténare et les monts Cérauniens : la plupart se sauvèrent en Étolie. On considéra comme une grande faveur la permission accordée, sur la prière de Phocion, à quelques proscrits athéniens de se retirer dans le Péloponnèse[87]. Le Péloponnèse reçut un épimélète dans la personne du Corinthien Dinarque[88]. Seuls, les Étoliens se maintenaient encore dans leurs montagnes : isolés comme ils l'étaient, Antipater croyait pouvoir facilement les réduire dans une seule campagne d'hiver[89]. En tout cas, c'était un prétexte tout trouvé pour de nouveaux armements. Pour activer ces préparatifs et prendre les autres mesures que nécessitait la marche des événements au delà de l'Hellespont, Antipater retourna en Macédoine. A ne juger que les apparences, il était toujours en bons
termes avec le gouverneur général ; à plus d'un point de vue, leurs intérêts
étaient conformes. Les prétentions exagérées de la mère d'Alexandre étaient
une gène pour Perdiccas aussi bien que pour lui, et, pour résister à celles
des satrapes, l'administrateur de l'empire semblait ne pouvoir se passer de
l'appoint des forces de Les États grecs envoyèrent une foule d'ambassadeurs aux fêtes du mariage. Il faut admettre que les partisans des Macédoniens étaient revenus partout à la tête des affaires : on ne peut savoir au juste, en raisonnant par analogie d'après l'exemple d'Athènes, jusqu'à quel point les formes du gouvernement oligarchique avaient été appliquées : on nous dit qu'Antipater avait partout réformé la constitution des villes, et que celles-ci l'en remercièrent par l'envoi d'adresses et de couronnes d'or[94]. Seuls les Étoliens n'avaient pas encore fait leur
soumission ; tant qu'ils conservaient leur indépendance dans leurs montagnes,
la tranquillité de Il ne s'agissait pas seulement de vaincre les Étoliens, mais de dissoudre leur communauté et de transporter, dit-on, tous les habitants en Asie. Les Étoliens réunirent rapidement 10.000 combattants, mirent les femmes, les enfants et les vieillards en sûreté dans la montagne, abandonnèrent les villes de la plaine, qui ne pouvaient opposer de résistance, mirent des garnisons dans les places fortes, et attendirent de pied ferme un ennemi bien supérieur en nombre. Les Macédoniens, trouvant les villes de la plaine désertes, se hâtèrent d'assaillir les places fortes, où l'ennemi avait concentré ses moyens de résistance. Ils luttèrent avec des pertes considérables, sans résultats sérieux : mais quand vinrent les rigueurs de la saison d'hiver, quand Cratère établit à demeure ses Macédoniens dans des quartiers d'hiver bien retranchés, les Étoliens, qui étaient forcés de rester dans les hautes montagnes couvertes de neige, commencèrent à manquer du nécessaire : leur perte semblait prochaine ; il leur fallait ou bien descendre dans la plaine pour lutter contre un ennemi supérieur en nombre et parfaitement commandé, ou attendre une mort misérable par la famine. Un revirement inattendu les sauva. C'est précisément sur
ces entrefaites que le satrape de |
[1] JUSTIN., XIII, 1. CURT., X, 5. 18.
[2] CURT., IX, 7, 1. — DIODORE, XVII, 99.
[3] Le chef de la sédition de 325 s'appelle, dans les mss. de Quinte-Curce, Biton ou Bicon (IX, 7, 4 sqq.) : il ne serait pas impossible que le Philon de 323 fût la même personne.
[4] DIODORE, XIX, 14.
[5] DIODORE, XVIII, 7. Diodore est seul à raconter ces faits.
[6] PLUTARQUE, Phocion, 22. DIODORE, XVIII, 9.
[7] Ce dernier fait est attesté par Diodore (XVIII, 8). Les événements que Polyænos (VI, 48) signale à Éphèse n'ont pas leur place ici : ils se sont passés avant le départ de Philoxénos pour Babylone (324). Il n'est pas plus certain que Chios soit entrée dès à présent dans le mouvement qui obligea l'historien Théopompe à s'enfuir auprès de Ptolémée en Égypte. Alexandre avait retiré en 331 la garnison macédonienne de Chios, sur les instances des ambassadeurs chiotes qui étaient venus le trouver à Memphis : nous le savons par Quinte-Curce (IV, 8, 12), dont l'assertion se trouve confirmée par l'expression — générale, il est vrai, — d'Arrien (III, 5, 1). Un trait caractéristique, c'est qu'en apprenant la mort d'Alexandre, le tyran d'Héraclée sur le Pont, comme le raconte Memnon (ch. 4 ap. C. MÜLLER, Fr. Hist. Græc., II, p. 529), faillit mourir de joie et voua une statue à l'Εύθυμία : enfin, il pouvait respirer.
[8] Il ne semble pas que la liste des discours d'Hypéride mentionne une harangue de lui à cette occasion. Le fragment de Dexippos (fr. 2. ap. C. MÜLLER) est une composition de l'historien, aussi bien que le fragment de réplique (par Phocion) qui vient après. Les renseignements utilisés ci-dessus ont été conservés par Plutarque (Phoc. 23. De se ips., 17. Apophth. Phoc.).
[9] Diodore (XVIII, 18) en compte trois, et Plutarque (Phocion, 26) sept. C'est par l'atimie après la troisième condamnation que le comique Antiphane (ap. ATHÉN., XI, p. 451 a) explique son ρήτωρ άφωνος.
[10] Diodore (XVIII, 10) cite ce décret, en conservant assez bien la langue officielle.
[11] DIODORE, XVIII, 10.
[12] Un fragment d'inscription (C. I. ATTIC., II, n° 182) permet encore de constater que, le 18 Pyanepsion de l'archontat de Céphisodoros, c'est-à-dire vers le 27 octobre, on délibéra au sujet d'une ambassade envoyée aux Phocidiens ; mais les débris de l'inscription ne peuvent plus nous apprendre si c'est alors seulement qu'on s'occupa de conclure une alliance.
[13] DIODORE, XVIII, 11. PAUSANIAS, I, 25, 1. Alexandre avait fait fortifier Platée par reconnaissance envers la cité, pour la part qu'elle avait prise à la guerre des Athéniens contre les Perses (PLUTARQUE, Aristide, 11).
[14] HYPÉRIDE, Epitaph. 6, 15 sqq. Pausanias (I, 25, 4. cf. I, 1, 3) mentionne aussi la présence des Macédoniens dans ces premiers engagements.
[15] DIODORE, XVIII, 11. PAUSANIAS, I, 1, 3. PLUTARQUE, Phocion, 23.
[16] On ne nous dit pas à quel moment Antipater reçut la nouvelle de la maladie et de la mort d'Alexandre. Si, comme on n'en saurait douter, Alexandre avait conservé et perfectionné en Perse l'ancienne institution de la poste royale (HEROD., V, 62. H. KIEPERT, Monatsbericht der Berl. Akad., 1857, p. 123 sqq.), avec ses estafettes toutes prêtes à chaque station, c'est-à-dire à peu près tous les trois milles, une dépêche pouvait arriver de Babylone à Sardes en six jours environ, et, si le service de la poste était organisé de la même façon entre Sardes et Pella, il ne fallait guère plus de dix jours pour que la nouvelle parvint à Pella. Nous ne saurions dire de combien de jours Antipater put ainsi devancer les préparatifs des Hellènes : ce qu'on peut admettre en toute sûreté, c'est qu'il avait été informé de la mort d'Alexandre avant de venir à Athènes.
[17] DIODORE, XVIII, 11. Une preuve que Seuthès se mit à la tête du mouvement en Thrace, c'est qu'il combattit ensuite contre Lysimaque. Polyænos (IV, 16) nous apprend en passant qu'il y avait en Thrace une noblesse nombreuse.
[18] Diodore cite, parmi ceux qui s'insurgèrent contre les Macédoniens, les Molosses, soumis à Aryptæos qui, feignant d'entrer dans la ligue, embrassa en traître le parti des Macédoniens. On ne voit pas si cet Aryptæos était un adversaire ou un partisan d'Olympias.
[19] Diodore (XVIII, 12) nomme Φιλώτάν, que l'on a rectifié avec juste raison en Λεόννατον : il parle des fiançailles proposées, sans qu'on puisse savoir s'il s'agissait de la fille aînée d'Antipater, la veuve du Lynceste Alexandre, ou d'une des plus jeunes.
[20] C'est ici, ce semble, qu'il faut placer le stratagème raconté par Polyænos (IV, 5, 3).
[21] Phocion disait de l'armée des coalisés, qu'elle était très belle pour le stade ; mais je crains le retour, parce qu'Athènes n'a plus le moyen d'avoir de l'argent, des vaisseaux et des troupes (PLUTARQUE, Phocion, 23) : d'après les Vies des dix Orateurs (p. 856), le propos était de Démosthène.
[22]
De là l'expression de Plutarque (Phocion, 23) : πάλιν
άλλων άπ'
άλλοις
εύαγγελίων
γραφομένων καί
φερομένων άπό
στρατοπέδου ; sur
quoi Phocion aurait dit : Quand donc cesserons-nous de
vaincre ? Tout cela, sans doute, ne prouve pas d'une façon péremptoire
que les faits se soient passés comme il est dit ci-dessus ; mais Justin (XIII,
5, 8) écrit : detrectantem pugnam et Heracleæ urbis
tuentem se cingunt. Il confond, il est vrai, le combat et le siège
(de Lamia), mais on est pourtant en droit d'en conclure que l'engagement a eu
lieu à Héraclée, d'autant plus que Pausanias (I, 1, 3) dit de Léosthène qu'à la tête des Athéniens et de tous les autres Grecs, ayant
défait les Macédoniens, d'abord dans
[23] POLYÆN, IV, 4, 2.
[24] Diodore (XVIII, 11) donne la liste des confédérés helléniques.
[25] PAUSANIAS, I, 25, 4. Pausanias donne un deuxième catalogue des confédérés.
[26] Plutarque (Demosth., 27) rapporte les bons mots de cette délibération. Bien que Pausanias (VIII, 6, 1) dise que, dans cette guerre, les Arcadiens n'avaient combattu ni pour ni contre les Hellènes, on doit croire exacte l'assertion du biographe des orateurs (PLUT., Vit. X Orat., p. 846) affirmant que Démosthène les décida à prendre part au mouvement. Seulement, on ne s'explique pas bien comment cette adhésion des Arcadiens peut se concilier avec la situation du pays, notamment de Mégalopolis. En effet, ceci se passait avant la mort de l'excellent législateur Cercidas (voyez son épigramme sur le fameux Diogène dans DIOG. LAERT., VI. 70), que Démosthène (De Coron., p. 324 r) compte parmi les traitres coupables d'avoir (vers 344) livré leur ville natale aux Macédoniens, reproche dont, soit dit en passant, Cercidas est suffisamment lavé par son compatriote Polybe (XVII, 14). Ce doit être le parti de Polyænetos qui, à Mégalopolis, a provoqué cette défection (Cf. DIODORE, XVIII, 56), bien que ce système soulève aussi des difficultés sérieuses.
[27]
Justin (XIII, 5) nomme, il est vrai, Corinthe parmi les villes qui ont été
entraînées dans le parti de
[28] Ce synédrion n'était connu jusqu'ici que par une lettre qu'on citait comme envoyée par Démosthène. Son existence est aujourd'hui confirmée par le décret rendu en 306 en l'honneur de Timosthène de Carystos (C. I. ATTIC., II, n° 249). Les débris d'une autre inscription (C. I. ATTIC., II, n° 184) nous donnent, suivant l'ingénieuse conjecture de KOUMANOUDIS, une liste des peuples associés pour cette guerre, les noms étant suivis de chiffres bas, qui paraissent indiquer le nombre de leurs voix.
[29] DIODORE, XVIII, 12. JUSTIN, XIII, 5. STRABON, IX, p. 434. Sur l'emplacement de Lamia (Zeitoun) voyez LEAKE, Travels in Northern Grecce, II, p. 20. C. I. GRÆC., I, n° 1776.
[30] DIODORE, XVIII, 12. Hypéride est ici d'accord avec Diodore (Epitaph. IX).
[31] POLYBE, IV, 37, 2. LUKAS (Ueber Polybios' Darstellung des aitolischen Bundes, p. 64) explique autrement ce retour au pays : Probablement, dit-il, les Acarnaniens, Ambraciotes et Amphilochiens avaient profité de l'absence de leurs ennemis les Étoliens pour faire une incursion en Étolie. Ce n'est cependant pas là ce que doit signifier l'έθνικαί χρεΐαι de Diodore, au passage indiqué.
[32] Suivant Diodore (XVIII, 18), Antipater rejette plus tard toutes les propositions des Athéniens.
[33] DIODORE, XVIII, 13. Justin (XIII, 5) dit : telo e muris in transeuntem jacto occiditur, ce qui parait bien ne pas s'appliquer à un engagement proprement dit (DIODORE, ibid.). D'après Pausanias (III, 6, 2), Léosthène tomba au commencement du combat, comme Cléombrote à Leuctres, et Hippocrate à Délion.
[34] Voir ce que Pausanias dit de Léosthène (I, 25, 4).
[35] Le décret de 301 en l'honneur d'Euphilétos (C. I. ATTIC., II, n° 270) appelle cette guerre ό Έλληνικός πόλεμος.
[36] Ce renseignement est tiré de St Jérôme (Adv. Jovin., I, p. 35 éd. Francof. 1684) ; je le dois à GRAUERT (Analekten, p. 259). Grauert ajoute : L'héroïsme d'autrefois n'était pas mort à Athènes ; cependant ce suicide, si tant est que ce ne soit pas une invention, témoignerait plutôt de l'espèce d'affectation et de surexcitation que l'on admire dans ces temps d'enthousiasme rétrospectif pour la liberté. Du reste, Léosthène était veuf et avait des enfants (PAUSAN., I, 1, 3).
[37] D'après Diodore (XVIII, 13), le stratège parait avoir été inhumé dans la plaine devant Lamia. La solennité des funérailles au Céramique n'a guère pu avoir lieu dès le mois de novembre 323.
[38] PAUSANIAS, I, 29, 12. Le tableau dont parle Pausanias (I, 1, 3) doit avoir été dédié plus tard. Il s'est conservé de l'Έπιτάφιος d'Hypéride (ap. STOB., Sermon. CXXIII, p. 618) un fragment qui se rejoint presque sans lacune à un autre fragment du même discours retrouvé de nos jours dans un papyrus égyptien, à côté de fragments de trois autres discours d'Hypéride, de sorte que l'on a une idée nette et sûre des sentiments qu'exprime l'orateur. Il était dit dans une note de la première édition, insérée à cette place, que Léosthène avait été un des hétœres d'Alexandre : la question est vidée maintenant par une correction apportée au passage de Strabon sur la guerre Lamiaque (IX, p. 431).
[39] Athènes parait avoir eu, malgré l'existence du synédrion des alliés, le droit de nommer le généralissime (PAUSANIAS, I, 25, 3). On ne voit pas bien si le nouvel élu était, comme Phocion, un des dix stratèges ordinaires de l'année, parmi lesquels on choisissait les commandants, ou s'il fut élu exprès pour ce poste.
[40] Diodore (XVIII, 13) l'appelle : άνήρ συνέσει στρατηγική καί άνδρεία δαφέρων. Plutarque (Phocion, 26), en disant que, si les choses allèrent mal par la suite, ce fut en partie άπειθεία — πρός τούς άρχοντας έπιεικεΐς καί νέους όντας, vise probablement Antiphilos ; mais sa parole est de peu de poids en présence du témoignage d'Hiéronyme, suivi par Diodore.
[41] Plutarque (Parall. Dem. et Cic., 3) insinue peut-être quelque chose d'approchant, quand il dit que les hommes de guerre avaient eu peur des orateurs.
[42] L'auteur des Vies des dix Orateurs (p. 849) parle d'une réconciliation entre Hypéride et Démosthène qui aurait eu lieu après la prise d'Athènes : A. SCHÄFER (Demosthenes, III, p. 336) estime qu'il s'agit de l'entrevue des deux orateurs en Arcadie. Si la sixième lettre de Démosthène était authentique, elle démontrerait, par la plus forte des preuves, que Démosthène vivait encore loin d'Athènes alors qu'Antiphilos était déjà stratège. Il suffit de constater qu'à propos de la solennité du Céramique, Diodore (XVIII, 13) dit de Démosthène : κατ' έκεΐνον τόν χρόνον έπεφεύγει. Sans doute, Justin (XIII, 5, 11-12), après avoir dit ab exsilio revocatur, continue par interim — Leosthenes occiditur, et Plutarque (Vit. X Orat., p. 846) met le blocus de Lamia après son retour ; mais je ne suis pas d'avis, comme GRAUERT (Analekten, p. 255), qu'il faille laisser le dernier mot à ces deux auteurs.
[43] PLUTARQUE, Demosth., 27. LUCIAN, Encom. Demosth., 31.
[44] DIODORE, XVIII, 14. PLUTARQUE, Eumène, 3.
[45] DIODORE, XVIII, 15.
[46] DIODORE, XVIII, 11, 1. On ne voit pas si Aryptæos était de la famille des princes, ou simplement un personnage important de la région ; puisqu'il passa alors du côté des Macédoniens, c'est sans doute qu'il n'était pas du parti d'Olympias.
[47] Méliteia est située sur le versant septentrional de l'Othrys, au bord de l'Enipée (STRABON, XI, p. 432), à 60 ou 70 stades au-dessus de Pharsale, et à une forte étape de nuit de Larissa (POLYBE, V, 97).
[48] Par quel chemin, c'est ce qu'on ne dit pas ; ce n'était probablement pas par celui de Méliteia, la principale route pour aller en Thessalie ; il semble que Léonnatos essaya de se jeter du côté de Lamia, en passant par Phères et Thèbes, d'autant plus que cette Thèbes sur le golfe de Pagase était fidèle aux Macédoniens.
[49] Diodore, qui donne seul un récit un peu détaillé de cette bataille (XVIII, 15), adopte la première version : cependant, vu les circonstances présentes, il n'aurait pas été prudent d'engager toutes les forces de l'armée dans un combat qui ne devait être que défensif : le but principal était de rejoindre les Macédoniens de Lamia, et ce but, on le vit bien le jour suivant, pouvait être atteint sans prolonger la lutte. Aucun auteur ancien ne désigne l'endroit où eut lieu l'engagement ; il devait être à quelques milles au N.-E. de Lamia, sur la route qui mène à Thèbes de Phthiotide.
[50]
Peut-être la position dont il s'agit ici est-elle celle de Pélinnæon dans
l'Histiæotide, à l'entrée sud des défilés Cambuniens ; autrement, cette partie
de
[51] En tout cas, Léonnatos n'a pas dû avoir de flotte sérieuse à sa disposition. Quod cum nunciatum Alexandro erat, mille naves longas sociis imperari præceperat, quibus in occidente bellum gereret excursurusque cum valida manu fuerat ad Athenas delendas (JUSTIN, XIII, 5, 7). Il y a bien quelque exagération dans ce renseignement.
[52] [PLUTARQUE], De fort. Alex., II, 5. Clitos livra une seconde bataille navale en 318, mais dans d'autres parages, et il y fut vaincu et tué. Entre les Cyclades et les Sporades, il y a un large bras de mer non obstrué, route naturelle des navires qui vont de Rhodes à la côte de l'Attique ; c'est sur le bord occidental de cette voie que se trouve Amorgos, la plus avancée des Cyclades au S.-E.
[53] PLUTARQUE, Præc. reip. ger., 3. Demosth., 11. A cette bataille, la flotte athénienne était commandée par Euétion ; c'est ce qui résulte d'un décret rendu en 302/1 en l'honneur de deux métèques domiciliés à Athènes (C. I. ATTIC., II, n° 270). Plutarque aussi (Phoc., 23) appelle la guerre dite Lamiaque τόν Έλληνικόν πόλεμον.
[54]
PLUTARQUE, Phocion,
25. Immédiatement avant, entre l'élection d'Antiphilos et les événements de
Rhamnonte, Plutarque rapporte que les Athéniens avaient voulu entreprendre une
campagne contre les Béotiens ; que Phocion s'y était opposé, et que, comme
toutes ses remontrances n'aboutissaient à rien, il avait ordonné à tous les
hommes valides, jusqu'à l'âge de 60 ans, de se pourvoir de vivres pour cinq
jours, afin de marcher sur
[55] J'ai essayé jadis (N. Rhein. Museum, II [1842], p. 511 sqq.), en suivant les magistrales études de BÖCKH sur les archives de la marine, de grouper les renseignements que fournissent sur la guerre hellénique les n° XV, XVI, XVII des Seeurkunden.
[56] BÖCKH, Seeurkunden, p. 549.
[57] BÖCKH, op. cit., p. 567. Cette Pentère est commandée par l'Acharnien Pythoclès, celui qui conduisait auparavant la tétère Paralia (XVII, 25). Cf. Rhein. Museum, II, p. 524 sqq.
[58] DIODORE, XVIII, 17. — PLUTARQUE, Phocion, 26.
[59]
Ces indications topographiques sont tirées des auteurs anciens. D'après Galien
(Epidem., I, p. 350, éd., Basil. 1538), Crannon (Crannon chez Tite-Live et autres auteurs) se
trouvait έν κοιλώ
καί μεσεμβρινώ
χωρίω, et la route de Lamia est marquée sur
[60] Diodore dit : πρό τής τών πεζών φάλαγγος έστησαν τούς ίππέας, ce qui ne peut désigner autre chose que le côté ouvert et vulnérable, autrement dit, le flanc droit de l'infanterie.
[61] DIODORE, XVIII, 17. PAUSANIAS, VII, 10, 5. Pausanias, ici comme plus haut (I, 8, 4) et comme Polybe (IV, 29, 2), nomme Lamia à la place de Crannon.
[62] Diodore (XVIII, 17) dit simplement : ούδενί τρόπω κοινήν σύλλυσιν ποιήσασθαι.
[63] PLUTARQUE, Vit. X Orat., p. 876.
[64]
Ces conditions, nous ne les connaissons pas : mais comme, quelques années plus
tard, il est. question des autorités oligarchiques instituées par Antipater et
de la suppression du régime autonome (DIODORE, XVIII, 69), il est à croire que les bases du système,
c'est-à-dire la suppression de la démocratie absolue, ont dû être posées dès
maintenant, avec l'assentiment d'un parti, dans les cités de
[65] PLUTARQUE, Vit. X Orat., p. 876. Comme on ne consentit pas encore à livrer les orateurs, il est à croire que ces négociations ont été engagées en Thessalie même. Suidas (s. v. Δημοσθένης et Άντίπατρος) dit qu'on exigeait τούς δέκα ρήτορας : on peut douter cependant que, cette fois encore, comme au temps d'Alexandre, il y eût justement dix hommes d'État à réclamer. La liste des noms cités par Suidas concorde, à peu de chose près, avec celle des orateurs réclamés en 335 (ARRIAN, I, 10) et contient des personnages qui n'étaient plus en vie en 322, comme Éphialte, Charidème, Lycurgue. Démocharès, le neveu de Démosthène, se présenta cette fois l'épée au côté dans l'assemblée du peuple pour parler contre l'extradition des orateurs (PLUT., Vit. X Orat., p. 847).
[66] DIODORE, XVIII, 18.
[67] Ce refus malintentionné est rapporté par Diodore (XVIII, 18).
[68] DIODORE, XVIII, 18. PLUTARQUE, Phocion, 26. ARRIAN ap. PHOTIUS, 69 b, § 12. PAUSANIAS, VII, 10, 4. CORNELIUS NEPOS, Phocion, 2.
[69] Himéræos était le frère de Démétrios de Phalère, qui faisait partie de l'ambassade (PLUT., Demetr., 28. ATHEN., XIII, p. 542).
[70] PLUTARQUE, Phocion, 27. Il fut plus tard intimement lié avec Polysperchon (PLUT., De falso pudore). Sur ses rapports diversement interprétés avec Aristote, voyez STAHR, Aristoteles, II, p. 285 sqq.
[71] PLUTARQUE, ibid.
[72] DIOG. LAERT., IV, 9.
[73] DIODORE, XVIII, 18.
[74] Comme Phocion garda le silence, l'exclamation d'un assistant : έάν δέ ούτος φλυαρή, σύ πιστεύσεις καί ού πράξεις ά διέγνωκας ; n'est guère en situation. On l'attribue à l'Athénien Callimédon, qui se serait trouvé dans l'entourage d'Antipater. Cornelius Nepos (Phocion, 2) dit que Démosthène et les autres patriotes ont été bannis sur le conseil de Phocion et de Démade, et qu'on en voulut d'autant plus à Phocion, que Démosthène avait toujours été pour lui un ami fidèle. En tout cas, pas un ami politique.
[75] Pausanias (VII, 10) dit : Antipater aurait volontiers accordé l'indépendance aux Athéniens et à toute l'Hellade, parce que la campagne d'Asie l'obligeait à terminer la guerre aussi vite que possible, mais Démade et les autres traîtres lui déconseillèrent toute mesure de douceur vis à vis des Hellènes ; ils lui firent du peuple athénien un portrait odieux, et lui persuadèrent de mettre des garnisons à Athènes et dans la plupart des villes grecques.
[76] D'après l'auteur des Vies des dix Orateurs (p. 847), on voyait plus tard à l'entrée, du Prytanée une statue représentant Démocharès avec l'épée, dans l'attitude qu'il avait, dit-on, en parlant au peuple lorsqu'Antipater avait demandé l'extradition des orateurs. Il est plus que douteux qu'on pût encore délibérer à ce moment sur la question de savoir si l'on accepterait la paix à laquelle avaient adhéré les plénipotentiaires chargés de la conclure. Les orateurs devaient être déjà en fuite ; sans quoi, il eût fallu les livrer.
[77] PLUTARQUE, Phocion, 27. Demosth., 28. Ce jour était le 20 Boédromion de l'archontat de Philoclès (Ol. CXIV, 3).
[78] PLUTARQUE, Phocion, 27 (probablement d'après Douris). — PAUSANIAS, I, 25, 5. Il n'y avait pas encore, ce semble, de fort sur la hauteur de Munychie : ce sont les Macédoniens qui le bâtirent ensuite.
[79] BÖCKH (Staatshaushaltung, I2, p. 635) entendait par ces 2.000 drachmes (DIODORE, XVIII, 18) l'avoir tout entier, biens meubles et biens-fonds. L'opinion exprimée ci-dessus dans le texte a été également adoptée par BERGK (in Jahrbb. Philol., LXV, p. 397).
[80]
Diodore (XVIII, 48) dit, et son opinion a du poids comme représentant celle
d'Hiéronyme : — φιλανθρώπως
αύτοΐς
προσενεχθείς
συνεχώρησεν έχειν
τήν τε πόλιν
καί τάς
κτήσεις καί
τάλλα πάντα, comme si
le droit de la guerre ne leur avait absolument rien laissé. L'expression άποψηφισθέντων
employée par Plutarque (Phocion, 28) pour désigner ceux que la réforme
constitutionnelle dépouilla de leurs droits, semble indiquer que la procédure
adoptée fut de les éliminer par διαψήφισις.
On a maintes fois démontré que les chiffres de Diodore (22.000 citoyens emmenés
en Thrace, 9.000 restés à Athènes) sont erronés : les commentateurs de Diodore
font remarquer que la proportion la plus vraisemblable est de 12.000 pour la
première catégorie (comme le dit expressément Plutarque, Phocion, 28), et de
9.000 pour la seconde. Cf. BÖCKH, Staatshaushaltung, I2, p. 692. Diodore dit expressément : πάντες δέ
τάς ούσίας
είάθησαν έχειν
άναφαιρέτους.
Par conséquent, il est inexact de dire que 12.000 citoyens ont dû quitter la
terre de leurs ancêtres et errer en mendiants par
[81] Άντίπατρος, κατέλυσε τά δικαστήρια καί τούς ρητορικούς άγώνας (SUIDAS, s. v.) ; et Pausanias (VII, 10) dit expressément : Μακεδόσιν έδουλώθησαν. Cf. POLYBE, IX, 29, 2.
[82] C'est ce qui parait résulter de C. I. ATTIC., II, n° 268.
[83] DIODORE, XVIII, 18. DIOG. LAERT., X, 1. On a bien souvent déjà fait observer que l'allégation de Diodore, à savoir que les Samiens étaient rentrés après 43 ans d'absence, est inexacte (Cf. BÖCKH, Staatshaushaltung, I, p. 460). Cependant le proverbe Άττικός πάροικος, comme le remarque VISCHER (Rhein. Mus., XXII, p. 321) permet une interprétation qui justifie les 43 ans. Le même savant doute que le décret de Perdiccas ait été exécuté ; du moins, vers 302, l'île était libre (Cf. C. I. GRÆC., II, n° 2254, 1). Il est difficile d'admettre avec WESTERMANN (in Paulys Realencycl. s. v. Duris) que la tyrannie de Douris l'historien doive se placer entre 319 et 281 ; il était disciple de Théophraste, et se trouvait par conséquent à Athènes entre 322 et 281, et HAAKE (De Duride Samio, 1874) croit pouvoir affirmer qu'il y était précisément en 308, d'après un passage de Diodore (XX, 40), qui rapporte une anecdote sur Ophélas, empruntée à Douris. Ce n'est pas là cependant une preuve suffisante. Douris n'avait pas besoin d'avoir vu de ses yeux ce qu'il raconte.
[84] PLUTARQUE, Phocion, 39. Suivant d'autres auteurs (Vit. X Orat., p. 849), le fait s'est passé à Corinthe. Nous n'avons pas à examiner si Hypéride s'est lui-même coupé la langue avec les dents, ou si on la lui a coupée, ou si ni l'une ni l'autre de ces deux versions n'est vraie. D'après Plutarque (Demosth., 30), l'exécution eut lieu le 15 Pyanepsion, le jour de la νηστεία. A. MOMMSEN (Heortologie, p. 293), se fondant sur cette dernière indication, veut substituer dans le texte τρίτη έπί δέκα. Quoi qu'il en soit, la date tombe en octobre 322, c'est-à-dire en Ol. CXIV, 3, année de l'archonte Philoclès, bien que Diodore place la prise d'Athènes sous l'archonte précédent, Céphisodoros, c'est-à-dire, suivant sa manière de compter, en 323.
[85] PLUTARQUE, Demetr., 29. Il y a bien des récits différents sur la mort de Démosthène, et Plutarque rapporte un certain nombre de ces variantes. La version adoptée ci-dessus est confirmée par Strabon (VIII, p. 375). La narration qui figure dans l'Éloge de Démosthène par Lucien, narration soi-(lisant tirée des Mémoires de la famille royale de Macédoine, n'est qu'une série de tirades. Qu'il ait pris du poison, tous le disent, excepté son neveu Démocharès, qui prétendait que, θεών τιμή καί προνοία, il avait été soustrait à la brutalité et s'était endormi promptement et doucement.
[86]
Le scoliaste édité par SPENGEL
(Artium Script., p. 226) assure qu'on bannit d'Athènes 40 orateurs,et
100 de toute l'Hellade : l'Anonyme du même SPENGEL (ibid., p. 211) parle même de
98 bannis d'Athènes et de 1.800 expulsés de
[87] Il obtint par son intercession le rappel de plusieurs bannis, et il empêcha que ceux qui durent subir l'exil ne fussent, comme tant d'autres, relégués au delà des monts Acrocérauniens et du cap Ténare : ils eurent la permission de s'établir dans le Péloponnèse (PLUTARQUE, Phocion, 29). Polybe (IX, 29, 4) dit aussi, dans le beau discours de Chlæneas : οί δέ διαφυγόντες έκ πάσης έξενηλατοΰντο τής Έλλάδος.
[88] SUIDAS, s. v. Δείναρχος.
[89] Sur la situation des Étoliens, voyez POLYBE, IX, 29-30.
[90] C'est ce que fait entendre l'expression de Justin (XIII, 6, 6) : quo facilius ab eo supplementum tironum ex Macedonia obtineret.
[91] ARRIAN, ap. PHOT., p. 70 a 33. Ce ne peut guère être le Thurien Archias, le φυγαδοθήρας, sans quoi on aurait là un point de repère de plus pour assurer la chronologie. Archias aussi un frère de Nicæa ? était-ce le Pellæen mentionné parmi les triérarques de la flotte de l'Indus (ARRIAN, Ind., 18) ? c'est une question qu'il faut laisser en suspens.
[92] Il n'est guère possible d'entendre autrement l'expression de Diodore (XVIII, 14) : κοινοπραγίαν συνέθετο.
[93] DIODORE, XIX, 59. Antonius Diogenes (ap. PHOT., Bibl. p. 111, 6, 3) commence ses histoires merveilleuses par une lettre que Balacros est censé avoir écrite à sa femme, la fille d'Antipater. Il ne faut pas même tirer de cette lettre apocryphe la conclusion que j'avais cru pouvoir admettre autrefois, à savoir, que Philo, avait été mariée en premières noces avec Balacros.
[94] DIODORE, XVIII, 18.
[95] DIODORE, XVIII, 25.