L'assassinat d'Alexandre Sévère était une déclaration de guerre aux chrétiens, que cet empereur avait protégés, et qui, au dire d'Eusèbe, remplissaient sa maison. Désormais, en effet, tout prince montant sur le trône devait prendre parti, et s'il ne se montrait pas hostile au christianisme, il lui était nécessairement favorable. Nous avons étudié les phases diverses que traversa l'Église pour arriver à placer l'État dans cette alternative. Une religion, lorsqu'elle n'est pas reconnue à titre de culte, s'impose au pouvoir civil à titre de société. Sans cesser d'être un culte non reconnu, la religion chrétienne avait trouve moyen d'affirmer son existence devant le gouvernement romain. La mise hors la loi individuelle, ce glaive suspendu sur la tête de tout chrétien, ne suffisait plus ; chaque groupe de la société religieuse, depuis l'évêque jusqu'au laïque — pour nous servir d'une expression qu'emploie saint Clément à propos de la hiérarchie des fidèles[1], et qui de nos jours est singulièrement détournée de son sens primitif chaque groupe, disons-nous, devait être nominativement dénoncé, proscrit, puni. Aussi voit-on, de Maximin à Dioclétien, les édits se succéder avec un dispositif de plus en plus explicite. Déjà Septime Sévère avait distingué momentanément et frappé les catéchumènes. C'est au clergé que Maximin s'en prit, comme étant la source de la prédication de l'Évangile, dit Eusèbe[2], qui avait sous les yeux plusieurs passages d'Origène malheureusement perdus ; et le docteur Alexandrin devait le savoir, car, à cause de sa notoriété, il était l'un des principaux clercs visés par le décret[3]. En effet, deux de ses amis, le diacre Ambroise d'Alexandrie et le prêtre Protoctète de Césarée, furent emprisonnés et faillirent être transportés au fond de la Germanie, où ce Thrace revêtit de la pourpre se faisait amener ceux qu'il désignait pour être les objets de ses arrestations arbitraires[4]. Quant à Origène lui-même, qui avait quitté Alexandrie et s'était fixé en Palestine, il se réfugia auprès d'un de ses disciples, Firmilien, évêque de Césarée en Cappadoce ; mais là, il rencontra une persécution locale très-violente survenue à la suite d'un tremblement de terre et ordonnée par le légat Sereniamis[5]. Au contraire, en Afrique, le proconsulat de Gordien (236-237) fut plutôt favorable aux chrétiens. Du reste, Maximin n'eut que deux ans de règne incontesté. Quoiqu'il ne fût jamais venu à Rome depuis son avènement, il y avait deux agents dévoués, le chef des prétoriens, Vitalianus, et le préfet de la ville, Sabinus, qui furent tués le 27 mai 237, jour où le sénat proclama Gordien empereur[6]. Cependant le décret de persécution y avait été exécuté ; le pape saint Pontien et le prêtre saint Hippolyte, selon la chronique de ce dernier[7], furent déportés dans l'île de Sardaigne au climat pestilentiel ; le vénérable pontife donna sa démission le 28 septembre 235, et un successeur lui fut attribué le 21 novembre suivant, dans la personne de saint Antéros, qui lui-même mourut le 3 janvier 236, probablement en prison[8]. Fabien fut élu à sa Dace, mais bientôt saint Pontien vit sa peine s'aggraver, et succomba sous les coups, le 30 octobre de la même année. Son corps fut ramené de Sardaigne par les soins de saint Fabien, et celui-ci, le 13 août 237, déposa son prédécesseur dans la crypte papale sur la voie Appienne[9]. Après avoir assisté à la mort violente d'une série d'empereurs des deux Gordien (juillet 237), Maximin (mars 238), Maximus et Balbinus (juillet 238), le troisième Gordien (mars 244), enfin Philippe (10 mars 249), il parvint jusqu'à la persécution de Dèce dont il fut une des premières victimes, le 20 janvier 250. Nous serions entraînés trop loin si nous entrions dans le détail des dernières persécutions ; nous ne pouvons qu'en indiquer le caractère général. Celle de Dèce se présente, à l'égal de celle de Maximin, comme une réaction systématique contre la politique du règne précédent[10]. Seulement, tandis qu'en 235, ainsi que l'observe Harnack[11], l'exécution demeura au-dessous de l'intention, en 250, les effets en furent universels et terribles, multipliant à la fois les martyres et les apostasies. A Rome, le siège apostolique demeura vacant pendant onze mois : les prêtres et les diacres avaient été jetés en prison. Saint Saturnin, évêque de Toulouse ; saint Babylas, évêque d'Antioche ; saint Alexandre, évêque de Jérusalem, marchèrent à la mort. Il en fut de même, dans la province d'Asie, de l'évêque Carpus et de Papylus, diacre de Thyatires. Origène, alors âgé de soixante-six ans, subit les plus cruels traitements[12], mais il ne mourut à Tyr qu'en 253. Saint Cyprien, évêque de Carthage ; saint Grégoire le Thaumaturge, évêque de Néo-Césarée dans le Pont ; saint Denys, évêque à Alexandrie, échappèrent par la fuite. Ce dernier rapporte dans une lettre[13] que, chez lui, la persécution commença par une insurrection populaire dès la fin du règne de Philippe ; puis l'édit impérial vint rallumer les violences, qui s'étendirent à l'Égypte entière[14]. Dèce étant mort le 20 novembre 251, son successeur Trebonianus Gallus renouvela la persécution par un édit[15] qui l'emplit l'Afrique de troubles à cause du grand nombre de lapsi. Le pape saint Cornelius mourut exilé à Centumcellœ (Civita-Vecchia). Son successeur saint Lucius fut également exilé, mais revint lors de l'avènement de Valérien, août 253. Cet empereur était entouré de chrétiens quand il monta sur le trône[16] ; ce fut tout d'un coup qu'il se déclara persécuteur. Il publia successivement deux édits : le premier interdisant les assemblées dans les églises et les cimetières, et exilant les membres du clergé, et le second postérieur de quelque temps, ordonnant de les mettre à mort, et établissant pour les autres fidèles une hiérarchie de peines. Ainsi à Alexandrie, saint Denys est arrêté par le préfet d'Égypte et exilé à Képhro en Lybie ; dans une première lettre, transcrivant le procès-verbal, il relate la pièce officielle : Οὐδαμῶς δὲ ἐξέσται οὔτε ὑμῖν οὔτε ἄλλοις τισὶν ἢ συνόδους ποιεῖσθαι, ἢ εἰς τὰ καλούμενα κοιμητήρια εἰσιέναι[17] ; dans une seconde, il s'attend d'un moment à l'autre à être traîné au supplice. De même à Carthage, les actes de saint Cyprien parlent de deux sessions : le 30 août 257, le proconsul Aspasius Paternus lui signifie son exil dans la ville de Curubis, et il ajoute que l'ordonnance impériale ne le concerne pas seulement, lui et ses prêtres : Prœceperunt etiam, ne in aliquibus locis conciliabula fiant, nec cœmeteria ingrediantur. Si quis itaque hoc tam salubre prœceptum non observaverit, capite plectetur[18]. Le 14 septembre 258, c'est le proconsul Galerius Maximus qui le rappelle, et le condamne à mort. Saint Cyprien, dans une lettre de la fin d'août[19], nous donne la teneur du second édit : Rescripsisse Valerianum ad senatum ut episcopi et presbyteri et diacones in continenti animadvertantur, senatores vero et egregii viri et equites Romani, dignitate amissa, etiam bonis spolientur, et si ademptis facultatibus christiani esse perseveraverint, capite quoque muletentur ; matronœ vero ademptis bonis in exsilium relegentur ; Cœsariani autem quieumque vel prius confessi fuerant vel nunc confessi fuerint confiscentur et vincti in Cœsarianas possessiones descripti mittantur. Un peu plus tard, les évêques Agapius et Secundinus étaient ramenés de l'exil pour être exécutés à Cirta (Constantine) ; puis, après un certain nombre de laïques[20], les clercs Marianus et Jacobus furent décapités le 2 septembre 259 : leurs noms et ceux d'autres martyrs leurs compatriotes ont été retrouvés, en 1841, sur une inscription gravée à la fin du cinquième siècle au flanc du rocher qui surplombe le Rowland. A Rouie, le pape saint Étienne, revenu d'exil pour mettre la propriété ecclésiastique entre les mains de son archidiacre, fut jeté en prison, où il mourut le 2 août 257. Son successeur, saint Xyste II, fut surpris par des soldats dans le cimetière de Prétextat, célébrant les saints mystères avec quatre sous-diacres et les deux diacres Felicissimus et Agapitus, et ils périrent tous le 6 août 258. Le 10, l'archidiacre saint Laurent fut martyrisé pour avoir refusé de livrer les biens de l'Église. Le 21 janvier 259, saint Fructueux, de Tarragone en Espagne, fut conduit devant le magistrat qui lui demanda s'il était évêque ; il répondit : Je le suis ; l'autre reprit : Tu l'as été ; et il le fit brûler vif[21]. Mais à son tour l'empereur Valérien fut l'ait prisonnier et titis à mort par les Perses, dans le courant de la même année. Son fils Gallienus rendit la paix aux chrétiens ; nous avons déjà examiné les termes de ses décrets relatifs aux cimetières. Depuis l'année de sa mort 268 jusqu'à l'avènement de Dioclétien en 284, il ne nous reste à signaler, en fait d'édits de persécution, que celui que signa Aurélien à la fin de 274, et auquel il ne survécut que deux mois[22] ; les renseignements précis font défaut sur les circonstances qui accompagnèrent un certain nombre de martyres vers cette époque. Les dix-neuf premières années du règne de Dioclétien, qui furent pacifiques et donnèrent même à l'Église une sécurité trompeuse, offrent seulement plusieurs condamnations prononcées contre des militaires chrétiens, et dès avant l'année redoutable qui mérita d'être appelée l'ère des martyrs, une mesure générale avait été prise pour les exclure de l'armée en 298[23]. Mais on doit penser que si Dioclétien, par exemple, se serait volontiers arrêté là, il n'en était pas de même de ses collègues (il y avait deux Augustes et deux Césars depuis 292), surtout de Maximien et de Galère. Celui-ci pressa tellement le vieil empereur que, le 23 février 303, un bataillon de soldats fut envoyé avec des haches et des pioches pour démolir l'église de Nicomédie[24]. C'était le signal : le lendemain parut un édit qui ordonnait de raser les églises et de briller les Écritures, qui dégradait les chrétiens, les privait de toute action en justice, et interdisait l'affranchissement des esclaves[25]. Cette première période, où les magistrats se faisaient livrer partout les livres saints, s'appela dies traditionis. Bientôt un second édit prescrivit l'emprisonnement des membres du clergé, et un troisième voulait qu'on les forçât par tous les moyens à sacrifier[26]. Dans l'hiver 304, commença la deuxième période, connue sous le nom de dies turificationis : un quatrième édit contraignait tous les chrétiens à faire acte d'idolâtrie. Alors, dans tous les lieux publics furent dressés de petits autels avec du feu allumé, et quiconque passait par là était obligé de jeter une pincée d'encens : ainsi en était-il à l'entrée des bains, sur les places de marchés, et non-seulement pour les hommes, mais pour les femmes, les domestiques et jusqu'aux enfants à la mamelle[27]. Il est curieux de rapprocher le récit d'Eusèbe, témoin oculaire, du passage suivant de saint Jean[28] : Et les petits et les grands, et les riches et les pauvres, et les hommes libres et les esclaves recevront le caractère de la bête dans leur main droite et sur le front : et personne ne pourra acheter ni vendre, que celui qui aura le caractère ou le nom de la bête ou le nombre de son nom. En effet, rien ne peut mieux donner l'idée de la dernière persécution que la vision de l'Apocalypse. Tout ce que la force de l'autorité suprême déchaînée, toutes les cruautés que la haine jalouse, tous les raffinements que la rage impuissante pouvaient inventer, furent mis en œuvre en Occident pendant deux ans, en Orient pendant dix ans. Une ville entière fut brûlée en Phrygie. Le sang coula à flots ; et quand les bourreaux se lassèrent, ils se contentèrent de crever un œil, ou de couper un tendon des jambes aux chrétiens qu'ils envoyaient aux mines[29]. Cependant l'autorité changeait de mains sans que ses dispositions fussent modifiées. A la suite de l'abdication de Dioclétien et Maximien, Pr mai 305, deux nouveaux Césars avaient été choisis, Sévère et Maximin Daïa. L'année 30G vit successivement la mort de Constance Chlore, remplacé par son fils Constantin, et la défaite de Sévère par l'usurpateur Maxence en Italie. Celui-ci, fils de l'empereur Maximien, combattit son père, qui avait voulu reprendre la pourpre et qui se tua à Marseille en 310. Il ne renouvela pas les édits, mais sa conduite à l'égard des évêques de Rome donne la mesure de ses sentiments envers les chrétiens. Saint Marcellinus avait subi le martyre en 304 ; l'élection de son successeur saint Marcellus n'eut lieu qu'à la fin de mai 307 ; il fut dénoncé par un compétiteur, et Maxence l'envoya en exil, où il mourut le 16 janvier 309. Le tyran exila également saint Eusèbe, nommé le 16 avril, et mort sur la côte de Sicile le 17 août. Quant à saint Miltiade, dont l'avènement eu lieu le 2 juillet 310, il vit la paix de l'Église. C'est à lui que Maxence, apprenant l'arrivée de Constantin, se décida à restituer, par l'intermédiaire du préfet de Rouie, les lova ecclesiastica en 311[30]. Mais ses prédécesseurs n'avaient pas été reconnus par l'autorité civile comme propriétaires, et ce fait vient à l'appui de M. de Rossi, lorsqu'il nous montre les biens du corps des chrétiens inscrits sous le nom des papes à titre (l'association funéraire. Précisément, l'une des listes qui proviennent de la préfecture de Rome porte la mention suivante à l'année 304 : Cessavit episcopatus septem annos, vacance qui correspond aux deux pontificats de Marcellus et d'Eusèbe. De son côté, l'autre liste omet le nom de saint Marcellus, duquel Maxence voulait obtenir, d'après le Liber pontificalis, ut negaret se esse episcopum, tandis que celui de saint Eusèbe s'y trouve rétabli, parce que l'autorisation fut accordée de ramener ses restes an cimetière de la voie Appienne. Enfin, la même année, 30 avril 311, Galère, atteint d'une horrible maladie, publia dans la ville même où la persécution avait commencé, un édit pour la faire cesser. Le texte latin nous en a été conservé par Lactance[31]. L'empereur déclare qu'il a voulu forcer les chrétiens de revenir aux anciennes traditions ; comme ils ne s'y sont pas prêtés et qu'ils se trouvent en ce moment ne plus rendre de culte, ni aux divinités païennes, ni à leur Dieu, il les autorise à exister de nouveau, à rétablir leurs lieux de culte, et à se conformer à leur doctrine, et il leur demande de prier pour sa santé et le bien de la République, Eusèbe a traduit ce texte en grec[32], en maintenant l'intitulé, qui présente cette particularité de contenir les noms de Constantin et de Licinius récemment associés à l'empire, mais non celui de Maximin Daïa. La fureur de ce dernier n'était pas encore assouvie ; le 15 mai suivant, Galère étant mort, il n'osa point, à cause de ses collègues, ne pas tenir compte de l'édit ; mais afin d'éviter de le promulguer[33], il ordonna que la substance en fût notifiée à ses fonctionnaires par une circulaire de son premier ministre, et il s'ingénia alors à combattre la religion chrétienne en demeurant dans l'apparence de la légalité. Il excita par ses préfets les municipalités des cités principales, telles qu'Antioche et Tyr, à prendre des délibérations pour expulser les chrétiens, et les approuva ensuite par des proclamations qui furent affichées[34]. On composa également un manuel de l'histoire de Pilate, rempli de blasphèmes contre le Christ, que le gouvernement fit colporter dans les villes et les campagnes, et dont il rendit l'enseignement obligatoire dans les écoles[35]. Une hiérarchie religieuse païenne fut créée sur le modèle de celle de l'Église pour entretenir le zèle des populations. Après beaucoup d'autres, l'évêque saint Pierre d'Alexandrie, surnommé le dernier des martyrs, τέλος μαρτύρων, périt victime de cette persécution hypocrite, 26 novembre 312. Mais déjà le 28 octobre, une sanglante bataille livrée au pont Milvius, à la porte de Rome, avait délivré cette ville de Maxence, et remis l'Occident entre les mains de Constantin. Il rédigea un premier édit de pacification qu'il envoya à Maximin. Puis s'étant rencontré avec Licinius, au commencement de 313, à Milan, tous deux publièrent ensemble le célèbre édit portant le nom de cette ville[36], qui accordait à tous la liberté de conscience et prescrivait la restitutio in integrum du corps des chrétiens. Alors Maximin adressa une lettre à son premier ministre, où, tout en justifiant ses mesures précédentes, il recommandait de ne plus inquiéter les chrétiens[37] ; mais il déclara la guerre aux deux empereurs, débarqua en Thrace et fut battu à Andrinople, le 30 avril 313. Le 13 juin, Licinius entra à Nicomédie et afficha l'édit de Milan. Enfin, Maximin, réfugié à Tarse, sur le point de mourir, se résigna à publier les dispositions de cet édit en son propre nom et dans les termes les plus formels[38]. Licinius, peu à après, reprit en Orient la persécution d'une manière sournoise jusqu'à sa défaite définitive par Constantin en 323. La tentative momentanée de restauration païenne par Julien l'Apostat (361-363) ne devait plus avoir le même caractère[39]. Nous avons cité plus haut l'Apocalypse ; il nous sera permis de revenir un instant à ce livre, dont la pensée allégorique trouve ici sa véritable place. Elle prend l'empire romain au point où il est reconnaissable dans le livre de Daniel[40], c'est-à-dire, où ses dents et ses ongles de fer ont tout dévoré, et nous le montre sous la forme d'une femme appuyée sur la bête à sept têtes, qui sont les sept collines sur lesquelles Rome païenne est assise[41]. A l'empire conquérant a succédé l'empire persécuteur. Bientôt dix cornes vont survenir, qui sont dix rois : ils n'ont pas de royaumes à l'origine, et servent, en qualité d'auxiliaires, l'empire qui finira par leur devenir odieux et qu'ils démembreront. Et avant que ces chefs des nations barbares[42], d'abord ennemis du nom chrétien, se convertissent, ils réduiront la prostituée à la dernière désolation, ils la dépouilleront, extermineront ses habitants, et feront périr par le feu cette ville superbe. Ceci, au témoignage de saint Irénée, était annoncé à la fin du règne de Domitien. Que les sept têtes, qui sont aussi sept rois, dussent alors s'entendre de sept princes persécuteurs à venir, nous en avons pour garant l'interprétation donnée par l'Africain Commodien au milieu du troisième siècle[43] : Sed
quidam, hæc, aiunt, quando hæc ventura putamus ? Accipite
paucis, quibus actis illa sequentur, Multa
quidem signa fient, tantæ termini pesti : Sed erit initium septima
persecutio nostra. Ecce
janua pulsatur, et cogitur esse Quæ cito trajeci. Et Gothis irrumpentibus amnem, Rex, etc. Dans la lettre dite de Barnabé[44], au contraire, la prophétie de Daniel est présentée comme accomplie, et les dix cornes signifient dix empereurs ayant régné. Différente est donc l'application des paroles à une situation passée, telle que la fait manifestement Fauteur de la lettre, et l'application à une situation future, telle qu'elle résulte de la vision de saint Jean. Il se transporte à l'époque dont il trace le tableau ; c'est sans raison et contre toute vraisemblance que l'on voudrait le confiner au temps où il écrivait. Car, que l'on voie dans la huitième personnification de la bête, qui va à sa ruine, le paganisme du peuple-roi, populum late regem[45], ou bien Néron renaissant, si l'on a pu dire que la clef du livre, c'est le nota de la bête, il convient d'ajouter, avec M. Aubé, que la clef de la clef, c'est la persécution. Saint Jean en prévoit le terme, et il triomphe déjà avec plus d'assurance que Lactance, le jour de la victoire, dans ses Morts des persécuteurs. Celui-ci adresse seulement une prière à Dieu pour qu'il rende son Église à jamais paisible et florissante[46]. Celui-là célèbre avec éclat la chute de la grande Babylone où a été trouvé le sang des prophètes et des saints, et de tous ceux qui ont été massacrés sur la terre[47]. De pareils encouragements n'étaient pas inutiles pour affermir les martyrs dans la fidélité A. une cause qui, selon les calculs humains, était si compromise, surtout à l'origine. Qui les assurait d'ailleurs de sa justice ? Aujourd'hui même, on répète facilement comme du temps de Tertullien[48] : Les chrétiens ont été punis, il fallait qu'ils fussent coupables. Quel est donc leur crime ? L'attachement à leur religion, qu'on veut croire incompatible avec tout sentiment patriotique. En effet, dit-on, le prince, la patrie, le bien public, la civilisation, la grandeur romaine ne sont pour eux que des noms retentissants ou de vaines idoles. L'Église est leur patrie, leur cité, leur camp[49]. Et afin de préciser davantage, il faut dire encore que le christianisme, en montrant sans cesse la patrie céleste comme la seule véritable, fera oublier celle d'ici-bas ; qu'en changeant les croyances, il changera les devoirs ; qu'en remplaçant le légitime orgueil du citoyen par l'humilité du fidèle, il éloignera celui-ci des honneurs municipaux ; qu'enfin il précipitera la décadence de la cité par le dégoût dont il remplira les âmes pour des institutions nées autour des autels qu'il voulait briser[50]. A ce reproche, Origène répond : Sachant que le Verbe de Dieu a fondé dans chaque ville une hiérarchie parallèle à celle de la cité, nous appelons à gouverner les Églises ceux d'entre nous qui sont recommandables par les mœurs, et puissants par la parole. En agissant ainsi, les chrétiens ne cherchent pas à se soustraire aux charges communes de la vie, mais ils se réservent pour le ministère plus divin et plus nécessaire de l'Église de Dieu, en vue du salut des hommes[51]. Il donne donc à entendre que les plus capables des chrétiens de son temps étaient absorbés par le recrutement du clergé. Mais quand le service du culte était pourvu, jamais l'Église ne prétendit détourner les fidèles de l'accomplissement de leurs obligations civiques. A la vérité, il leur était dur, s'écrie Bossuet, d'être traités d'ennemis publics et d'ennemis des empereurs, eux qui ne respiraient que l'obéissance, et dont les vœux tes plus ardents avaient pour objet le salut des princes et le bonheur de l'État. Et il en apporte la meilleure preuve : Car qui ne s'étonnerait de voir que durant trois cents ans entiers que l'Église a eu à souffrir tout ce que la rage des persécuteurs pouvait inventer de plus cruel, parmi tant de séditions, et tant de guerres civiles, parmi tant de conjurations contre la personne des empereurs, il ne s'y soit jamais trouvé un seul chrétien, ni bon ni mauvais ?[52] Viennent les Barbares, on est tenté de mettre la défaite de
Rome sur le compte d'une religion qui prêchait la désertion, et l'on renvoie
au traité de Tertullien De corona militis[53]. Nous avons
relativement à ce point un document que nous reproduisons comme unique dans
son genre. C'est le procès-verbal d'un conseil de révision tenu le 12 mars
295 à Theveste (auj. Tebessa) en
Algérie[54].
— Sous le consulat de Tuscus et d'Annulinus, le 4 des ides de mars, à
Theveste, on introduit Fabius Victor avec Maximilien. Le commissaire Pompeianus
reçoit la parole et dit : Fabius Victor, chef du
bureau de recrutement, et Valesianus Quintianus, délégué de César (prœpositus Cœsariensis), se présentent avec le conscrit Maximilien, fils de
Victor, et comme il paraît bon pour le service, je demande qu'on le toise.
Dion, le proconsul, dit alors : Comment
t'appelles-tu ? Maximilien répondit : Pourquoi
veux-tu savoir mon nom ? Je ne puis pas servir, parce que je suis chrétien.
Le proconsul dit : Qu'on l'approche de la toise.
Et tandis qu'on l'approchait, Maximilien répondit : Je
ne puis servir, je ne puis faire mal, je suis chrétien. Le proconsul dit
: Qu'on le toise. Quand il eut été toisé,
l'employé lut : Il a cinq pieds dix pouces.
Dion dit à l'employé : Qu'on le marque. Et
Maximilien répondit : Je ne m'y prêterai pas ; je ne
puis servir. Dion dit : Sers, si tu ne veux
pas mourir. Maximilien répondit : Je ne
servirai pas, tranche-moi la tête, je ne sers pas le monde, mais je sers mon
Dieu. Le proconsul dit : Qui t'a persuadé
cela ? Maximilien : Ma raison, et celui qui
m'a appelé à la foi. Dion dit à Victor son père : Conseille ton fils. Victor répondit : C'est à lui de savoir ce qui lui convient ; il a son bon
sens. Dion à Maximilien : Sers et reçois la
marque de la milice. Il répondit : Je ne
recevrai pas la marque, je porte déjà le signe du Christ mon Dieu.
Dion dit : Je vais t'envoyer à ton Christ. Il
répondit : Je ne désire que cela, ce sera mon titre de
gloire. Dion à l'employé : Qu'on le marque.
Et comme il se débattait, il disait : Je ne recevrai
pas la marque de la milice du siècle, et si tu m'en revêts, je la briserai
parce qu'elle ne vaut rien. Je suis chrétien, il ne m'est pas permis de
porter le collier de plomb, après avoir reçu le signe salutaire de
Notre-Seigneur Jésus-Christ, fils du Dieu vivant que tu ignores, qui a souffert
pour notre salut, que Dieu a livré pour nos péchés. C'est celui-là que nous
tous, chrétiens nous servons ; il est le maître de notre vie, l'auteur de
notre salut. Dion dit : Sers et reçois la
marque de la milice, si tu ne veux pas mourir misérablement. Maximilien
répondit : Je ne périrai pas, j'ai déjà donné mon
nom à mon Seigneur, je ne puis servir. Dion dit : Réfléchis à ta jeunesse et sers à l'armée, cela est de ton
âge. Maximilien répondit : Je suis au service
de mon Seigneur, je ne puis servir le monde. Je te l'ai déjà dit, je suis chrétien.
Le proconsul dit : Dans la garde sacrée de nos
seigneurs Dioclétien et Maximien, Constance (Chlore) et Maxime (Galère), il y a des
soldats chrétiens au service[55]. Maximilien répondit
: C'est à eux de savoir ce qui leur convient. Pour
moi, je suis chrétien et ne puis faire le mal. Dion demanda : Ceux qui servent, quel mal font-ils ? Maximilien
répondit : Tu sais bien ce qu'ils font[56]. Le procureur
Dion dit : Sers, de crainte qu'en refusant le
service, tu n'ailles à ta perte. Maximilien répondit : Je ne périrai pas, et quand je serai sorti de ce monde,
mon âme vivra avec le Christ mon Seigneur. Dion dit : Effacez son nom. Lorsque son nom fut effacé, il
ajouta : Puisque par insubordination tu refuses le
service, tu encours la peine de droit comme les autres. Et il lut sur
sa tablette le jugement : Maximilien, qui a refusé
par insubordination le service militaire, est condamné à avoir la tête
tranchée (gladio
animadverti placuit). Maximilien répondit : Deo gratias. Il avait vingt et un ans, trois
mois et dix-huit jours. — Suivent les détails de l'exécution. — Voilà donc un
exemple de l'application des doctrines rigoristes de Tertullien[57] ; mais le
proconsul lui-même indique qu'il avait peu d'imitateurs, et d'ailleurs nous ignorons
si des raisons légitimes ne justifiaient pas l'attitude da jeune homme dans
cette circonstance particulière. Une règle à l'endroit de laquelle l'Église entière était
unanime, c'est le respect dû à l'autorité constituée : règle aussi ancienne
que le christianisme. Tertullien nous l'apprendrait au besoin ; avec lui,
nous entendrons la série des écrivains ecclésiastiques, dont le témoignage ne
pouvait être que désintéressé aux siècles de la persécution. Nous sollicitons pour tous les empereurs, affirme-t-il[58], une longue vie, un règne paisible, un intérieur plein de
sécurité, des armées courageuses, la fidélité du sénat, la loyauté du peuple,
la soumission du monde. Et il ajoute que c'est chose très-naturelle : Car nous voyons dans les empereurs la main de Dieu qui les
a mis à la tête des nations, nous reconnaissons en eux sa volonté, et nous
voulons que la volonté de Dieu soit faite. Théophile, s'adressant à
Autolycus, répète[59] : Si tu me demandes pourquoi je n'adore pas l'empereur, je
te répondrai qu'il n'a pas été fait pour qu'on l'adore, mais pour qu'on lui
rende honneur ; en effet, il n'est pas dieu, mais homme. Honore-le en lui
souhaitant du bien, en lui obéissant, en priant pour lui ; par là, tu
accompliras la volonté de Dieu. — Nous
n'adorons que Dieu seul, dit saint Justin aux Antonins[60] ; mais pour le reste, nous vous servons avec joie, vous
proclamant les empereurs et souverains des hommes, et faisant des vœux afin
que votre jugement soit trouvé à la hauteur de la puissance suprême. L'évêque
de Smyrne, saint Polycarpe, recommande aux Philippiens[61] de prier pour les empereurs et tous les détenteurs du
pouvoir, pour ceux qui persécutent et haïssent les fidèles, pour les ennemis
de la croix. Nous citerons enfin tout entière la prière que suggérait
aux Corinthiens le pape saint Clément ; c'est la mise en pratique de la
recommandation[62]
: Donne, Seigneur, la concorde et la paix à nous et
à tous les habitants de la terre, comme tu l'as donnée à nos pères qui
t'invoquaient pieusement dans la foi et la vérité ; car nous obéissons à ton
nom tout-puissant et parfait, ainsi qu'à nos princes, à nos magistrats qui
nous gouvernent sur la terre. C'est toi, Seigneur, qui leur as donné le
pouvoir et l'empire, par la vertu magnifique et inénarrable de ta puissance,
afin que, connaissant la gloire et l'honneur que tu leur as départis, nous
leur soyons soumis et ne résistions pas à ta volonté. Accorde-leur, Seigneur,
la santé, la paix, la concorde, la tranquillité d'esprit, pour qu'ils
puissent exercer sans obstacle l'autorité que tu leur as confiée. Car c'est
toi, Maître céleste, roi des siècles, qui donnes aux enfants des hommes la
gloire, l'honneur, la puissance sur les choses de ce monde ; dirige Seigneur,
leurs conseils selon ce qui est bien et agréable à tes yeux, afin qu'exerçant
paisiblement et avec douceur la puissance que tu leur as donnée, ils te
trouvent propice. Ainsi parlait un évêque de Rome au lendemain de la
mort de Domitien. Il ne faisait lui-même que se conformer à la prédication
des apôtres sous Néron. Saint Paul avait averti les Romains dès 58 : Les gouvernements qui existent ont été établis par Dieu,
de sorte que quiconque leur est opposé est opposé à l'ordre établi par Dieu[63]. Saint Pierre ne
s'était pas montré moins explicite : Soyez soumis à
toute créature humaine à cause du Seigneur, à l'empereur comme souverain, et
aux magistrats comme envoyés par lui pour juger les méchants et louer les
bons[64]. Le point de vue auquel se place M. Fustel de Coulanges est
donc exact, lorsqu'envisageant les conséquences de l'enseignement du Maitre
dans la conduite politique des disciples, et rappelant la célèbre parole :
Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu, il ne prend
pas le précepte de distinguer les
rapports respectifs des deux puissances pour synonyme de celui de les détruire. On peut
d'ailleurs remarquer, dit-il, que, pendant
trois siècles, la religion nouvelle vécut tout à fait en dehors de l'action
de l'État ; elle sut se passer de sa protection et lutter même contre lui.
Ces trois siècles établirent un abîme entre le domaine du gouvernement et le
domaine de la religion. Et comme le souvenir de cette glorieuse époque n'a
pas pu s'effacer, il s'en est suivi que cette distinction est devenue une
vérité vulgaire et incontestable que rien n'a pu déraciner[65]. Si l'on objecte
qu'en effet elle devait être bien ancrée dans l'esprit de saint Augustin pour
qu'il en fit la base de sa Cité de Dieu, à l'instant où les ruines de
Rome fumaient encore, il n'est pas malaisé de répondre qu'il devait à ses
contemporains de tirer des événements la leçon si frappante qui est devenue
sous sa plume la première et l'une des plus éloquentes pages de la
philosophie de l'histoire et que, du reste, il fit mieux que de répandre des
plaintes stériles, en accueillant à Hippone les fugitifs de la grande cité
qui n'était plus. Quant aux débris matériels, pour ainsi dire, de la
civilisation romaine, nuls ne les recueillirent et préservèrent avec plus de
soin et de dévouement que tous ces pontifes romains, dont saint Grégoire le
Grand, le patricien de l'antique gens Anicia,
peut servir de type ; et c'est là même leur véritable titre de succession à
l'Empire qui les avait combattus si longtemps, et qu'ils voyaient
présentement céder sous les coups redoublés des envahisseurs. M. Le Blant, étudiant le détachement de la patrie chez les anciens[66], a montré comment le sentiment chrétien d'un royaume qui n'est pas de ce monde s'alliait à l'amour du sol natal. Au moment, remarque-t-il, où l'oubli des liens terrestres semble avoir fait tant de progrès dans les âmes, saint Ambroise dit, comme autrefois les plus dévoués enfants de la Grèce et de Rome : — Le citoyen doit se tenir plus heureux de conjurer les dangers de la patrie que d'échapper lui-même à un péril[67]. Savoir le pays sauvé, dit-on mourir pour lui, tel est le vœu d'un autre évêque[68]. Les actes répondent à ces paroles. En même temps qu'elle enseigne à lever les regards vers la cité d'en haut, l'Église condamne et frappe les lâches qui abandonnent les aigles romaines[69] ; quand viennent les jours de l'invasion, ses ministres s'honorent de rester au poste du péril dans les villes assiégées[70], ou courent au premier rang de ceux qui tentent d'arrêter les Barbares[71]. — Et il cite les exemples de Synésius dans la Cyrénaïque, de Sidoine Apollinaire sur notre terre de Gaule ; il est inutile de les multiplier. Lors même que tout secours humain faisait défaut, les pasteurs des âmes ne se considéraient pas comme désarmés, témoin saint Léon en face d'Attila[72]. Ils méritèrent donc tout de la confiance et de la reconnaissance des peuples. Et s'il est vrai, comme l'ont écrit les plus illustres historiens, que l'Église sauva le monde des ténèbres et du chaos au lendemain des invasions barbares, il faut reconnaître que le miracle du dévouement apostolique fut alors soutenu par la sagesse, l'expérience et la fermeté déjà traditionnelles d'une Église qui avait pris l'habitude de connaitre le pouvoir et de l'exercer[73]. Trois siècles de lutte l'avaient préparée à l'exercice du pouvoir, quand, l'Empire épuisé s'étant transporté à Byzance, elle se trouva seule pour recueillir l'héritage de la puissance romaine. Aujourd'hui nous retrouvons la papauté dans Rome, réduite de plus en plus à une autorité morale comme aux jours de la persécution, mais n'en sachant pas moins défendre et conserver le gouvernement du inonde, cette portion inaliénable du patrimoine de saint Pierre[74]. Tant il est certain que la prédiction du vieil Anchise à Énée se vérifie toujours[75] : Tu
regere imperio populos, Romane, memento ; Hæ tibi erunt artes. Virgile avait chanté, lorsque Jésus-Christ vint au monde. Trois siècles plus tard, le poète florentin, héritier de son génie, s'inspira de sa pensée prophétique. Qu'il nous soit permis, pour conclure, d'emprunter la réflexion de Dante au sujet du pieux héros, père de l'État romain[76] : Non
pare indegno ad uomo d'intelletto Ch'ei
fù dell' alta Roma, à di sue 'mpero Nell' empireo
ciel per padre eletto : La
quale, à 'l quale (a voler dir lo vero) Fur stabiliti per lo loco santo, U' siede il successor del maggior Piero. FIN DE L'OUVRAGE |
[1]
Première Épître aux Corinthiens, XL, 5 : v. la note, éd. Funk, p. 111.
[2] Hist. ecclés., VI, XXVI.
[3] OROSE, Hist., VII, XIX. — Cf. CAPITOLIN, Maximin,
IX.
[4] C'est ce que donne à entendre ORIGÈNE dans l'Exhortation au martyre qu'il leur adressait, à eux et à leurs compagnons, c. XXXVI, où il leur rappelle, c. XLI, que de même qu'il s'en fallut de peu que saint Paul fût jeté aux bêtes dans l'amphithéâtre à Éphèse, I Ep. aux Corinthiens, XXV, 32. — Cf. HÉRODIEN, VII, III, 8.
[5] FIRMILIEN, Ép. 75 (inter Cyprian.). — Cf. ORIGÈNE, Comm. series, XXXIX.
[6] CAPITOLIN, Maximin, XIV-XVI.
[7] Dans le catalogue Libérien des papes, d'après l'éd. Mommsen. — Le Liber pontificalis ajoute que Pontien périt maceratus festibus.
[8] Le catalogue Libérien dit seulement : dormit III non. jan. — Le Liber pontificalis rapporte : Hic fiesta martyrum diligenter requisivit et in ecclesia recondidit, propter quod a Maximo præfecto (Pupienus Maximus, d'après Borghesi) martyr effectus est.
[9] Quant à saint Hippolyte, selon M. DE ROSSI, il survécut à son exil, et même à la persécution de Dèce ; mais il fut l'un des cinq prêtres du clergé romain fine nous savons, par une lettre du pape saint Cornelius à saint Cyprien, avoir adhéré au schisme de Novatus, puis il revint à la communion catholique avant de marcher au supplice sous Valérien. Cf. son inscription damasienne retrouvée récemment, Bull., 1881, p. 81 et s.
[10] Les saints Calocærus et Parthenius, exécutés le 19 mai 250, étaient fonctionnaires sous Philippe. Le christianisme de cet empereur a été mis en évidence par une intéressante dissertation de M. AUBÉ dans la Revue archéologique (sept. 1880), reproduite avec des modifications, p. 467 et s. de son dernier volume, les Chrétiens dans l'empire romain.
[11] Theol. Literaturzeitung (Leipzig, 1877), p. 168. L'auteur rendant compte d'un article de l'Hilgenfeld's Zeitschrift, 1876, p. 256 et s. — Pour ce motif, nous avons cru précisément devoir choisir l'année 235 comme l'une des époques de notre exposition chronologique. VON WIUTENHEIM, Geschichte der Völkerwanderung, p. 152, appelle la persécution de Maximin : die erste, das ist, grundsätzliche Verfolgung.
[12] Hist. ecclés., VI, XXXIX, 5.
[13] Hist. ecclés., VI, LXI, 1-10. — M. DURUY, Hist. rom., t. IV, p. 294, en note, affirme que l'église d'Alexandrie ne compta alors que dix-sept martyrs. Mais saint Denys en nomme vingt-quatre ; il en cite d'antres dans sa lettre sans les nommer, et l'on Voit par la suite qu'il n'entend pas les énumérer tous.
[14] Hist. ecclés., VI, LXII, 1.
[15] SAINT CYPRIEN, Ep. 55, ad Cornelium.
[16] Hist. ecclés., VII, X, 3, lettre de saint Denys à Hermammon.
[17] Hist. ecclés., VII, X, 10. Il faut noter que c'est la première fois que les réunions chrétiennes sont interdites, et saint Denys indique bien que le préfet, sans insister sur ce chef nouveau, en arriva tout de suite au fond de la question, loc. cit., 4. Pour l'autre lettre, ibid., 20.
[18] RUINART (éd. de Ratisbonne), p. 262.
[19] Ep. 50, ad Successum.
[20] Actes, RUINART (éd. de Ratisbonne), p. 272. Cf. Mémoires de l'Académie des inscriptions (Antiquités de la France), t. I, 206-215.
[21] RUINART, p. 265.
[22] LACTANCE, De mort. persec., IV. Cf. VOPISCUS, Aurélien, XL. — Il y aurait plus d'une erreur à relever dans les articles de GÖRRES, Hilgenfeld's Zeitschrift, 1877, p. 529, et Jahrb. fur prot. Theol., 1880, p. 449.
[23] LACTANCE, De mort. persec., X. — C'est ainsi que saint Ferréol, de Vienne en Gaule, est dit dans ses Actes : Habitu solo, non officio militans, quod esset christianus proditus. RUINART (éd. de Ratisbonne), p. 489, cf. Hist. ecclés., VIII, IV.
[24] LACTANCE, De mort. persec., XII. A Héraclée en Thrace, nous nous figurons facilement comment les choses se passèrent : Actes de l'évêque saint Philippe, dans RUINART (éd. de Ratisbonne), p. 440.
[25] Cf. LACTANCE, De mort. persec., XIII, et Hist. ecclés., VIII, II, 4.
[26] Hist. ecclés., VIII, II, 5.
[27] De martyribus Palestinœ, IX, 2.
[28] Apocalypse, XIII, 16, 17.
[29] LACTANCE, De mort. persec., XV, dit que Constance Chlore en Gaule épargna sinon les temples matériels, du moins les temples spirituels qui sont les corps des fidèles.
[30] Son rescrit se trouve mentionné dans la conférence africaine des Donatistes avec les catholiques en 311, dont saint Augustin a fait un abrégé, Brev. collat., III, XXXV.
[31] De mort. persec., XX. — M. BOISSIER, Rev. archéol., 1876, t. I, p. 119, rapproche ces termes de ceux d'Origène, Hom. IX, in Jos., et d'autres encore que nous avons rencontrées plus haut, et il dit : Ce n'est pas par un simple effet du hasard, que tant d'écrivains d'âge différent emploient des expressions entièrement semblables ; on est tenté de voir dans ces expressions celles meules d'un édit de persécution, probablement le plus ancien de tous, de celui qui le plus longtemps a servi de base à toutes les poursuites. Il devait donc contenir à peu près ces termes. Non licet esse christianos, et ne contenait guère antre chose. Il ne formulait pas d'accusations précises, il ne s'appuyait sur aucun considérant, il n'indiquait pas de procédure régulière ; c'était une sorte de mise hors la loi, un décret brutal d'extermination.
[32] Hist. ecclés., VIII, XVII, 2 et s.
[33] Hist. ecclés., IX, I.
[34] Hist. ecclés., IX, II, III, IV et VII.
[35] Hist. ecclés., IX, V.
[36] Hist. ecclés., X, V, 1-15, et LACTANCE, De mort. persec., XLVII. Cet édit et ses préliminaires ont été, concurremment à notre travail, la matière d'une étude très-approfondie par M. Paul ALLARD, dans les n° 4 et 5 des Lettres chrétiennes (Lille, 1881), sous ce titre : Rapports de l'Église et de l'Empire romain au troisième siècle.
[37] Hist. ecclés., IX, IX, 14.
[38] Hist. ecclés., IX, X, 7.
[39] Pour cette période, il suffit de renvoyer an remarquable ouvrage du duc DE BROGLIE, l'Église et l'Empire romain au quatrième siècle (Paris, 1856).
[40] Daniel, VII ; cf. II, v. 31-45, pour la statue, dont les jambes étaient de fer, et les pieds de fer et d'argile, et que brisa la pierre détachée de la montagne.
[41] Apocalypse, XIII et XVII.
[42] SAINT IRÉNÉE, Adv. hær., V, XXVI, 1. Cf. XXX, 3.
[43] Carmen Apologeticum, v. 800 et suiv., au t. I du Spicilegium Solesmense du cardinal PITRA, p. 43. Cette explication exclut celle de M. BOISSIER dans la Revue des Deux Mondes du 15 avril 1876 : Nous avons la preuve que les persécutions out été distinguées et classées par les gens mêmes qui en avaient souffert. Le vieux poêle Commodien, dans un ouvrage qu'on a découvert il y a quelques années, parle de celle de Dèce, dont il a été témoin, et dit expressément que c'est la septième.
[44]
Ep. Barn., IV, 3-5 ; cf. les prolog. de l'éd. Funk, p. IV et suiv.
[45] VIRGILE, Énéide, I, v. 21.
[46] De mort. persec., LII.
[47] Apocalypse, XVIII, 1-24.
[48] Ad nat., I, VI.
[49] M. AUBÉ, Hist. des persécutions, p. 401.
[50] M. DURUY, Hist. rom., t. V, p. 167. Le même auteur voit (ib., t. IV, p. 155) notre abominable Commune, dans l'Église primitive de Jérusalem, disant que les disciples exigèrent des fidèles la mise en commun de tous les biens : traduction libre des paroles de saint Pierre à Ananias au sujet de son champ, lesquelles signifient précisément le contraire. Actes, V, 4. Déjà QUINTILIEN, Inst. orat., III, VII, avait vu un socialiste dans le Christ.
[51] C. Celse, VIII, LXXV. C'est sous la même préoccupation qu'il revendiquait l'exemption du service militaire pour ses coreligionnaires, loc. cit., c. LXXIII.
[52] Discours sur l'histoire universelle, deuxième partie, § 12.
[53] Ce traité n'est qu'une théorie de l'auteur. — Interrogeons TERTULLIEN sur les faits : Apologétique, XLII et XXXVII. — Voir pour sa réfutation en général, par lui-même, lorsqu'il n'était pas hérétique, De Q. S. F. Tertulliano, thèse soutenue en 1855 par M. A. DE MARGERIE.
[54] Traduction littérale du texte donné par RUINART (éd. de Ratisbonne), p. 340.
[55] Le plus illustre, et celui qui est resté le plus populaire sans contredit, est saint Sébastien, martyrisé à Rome par Maximien.
[56] Ils pouvaient être exposés à sacrifier aux idoles, témoin le martyre contemporain de quatre greffiers militaires de la préfecture urbaine. La passio IV Coronatorum a été récemment l'objet de nombreux travaux en Allemagne énumérés dans l'article que M. DE ROSSI lui a consacré, Bull., 1879, p. 45. — Le cas était posé par TERTULLIEN, De idololatr., XIX.
[57] JOSÈPHE, Antiquités judaïques, XVIII, IV, 5, rapporte que lorsqu'on transporta quatre mille de ses compatriotes de Rome en Sardaigne, sous Tibère.
[58] Apologétique, XXX-XXXII. — Et cependant il était loin de prévoir alors Constantin, loc. cit., XXI.
[59] Ad Autolyc., II, XI.
[60] I Apol., XVII, p. 54 de l'éd. Otto.
[61] Ép. aux Philipp., XII, 3, p. 281 de l'éd. Funk.
[62] I Ep., XL, 4 p. 138 de l'éd. Funk. La traduction est empruntée à la Revue du monde catholique, 10 juin 1877, où M. l'abbé DUCHESNE ajoute : Dans ce concert de voix si diverses et si autorisées, qui toutes prêchent l'obéissance à l'empire et à ses fonctionnaires, la note affectueuse, si je puis m'exprimer ainsi, ne se rencontre que dans la bouche de Clément.
[63] Épître aux Romains, XIII, 1-2.
[64] Première Épître, II, 13-14.
[65] La Cité antique, p. 518 (Paris, 1800). Ce passage d'un ouvrage plein de vues originales se complète par l'observation suivante, empruntée à un livre non moins profond en son genre, le Doute, d'H. DE COSSOLES (Paris, 1807), p. 110 : L'Église catholique seule a établi, seule a maintenu la distinction de l'Évangile entre Dieu et César ; partout en dehors d'elle, la loi de César est tenue pour la loi de Dieu.
[66] Comptes rendus de l'Acad. des inscr., 1872, p. 372 et suiv.
[67] De offic. ministr., III, III, 23.
[68] SYNESIUS, Epist. 107.
[69] Conc. Arelat., I, n° 314, c. III. Cf. le Manuel d'épigraphie chrétienne, de M. LE BLANT (Paris, 1869), p. 15.
[70] SAINT AUGUSTIN, Epist. 228, § 8.
[71] SYNESIUS, Epist. 88, 108, 113, 125,
etc.
[72] Le Liber pontificalis dit avec une simplicité qui ne manque pas de grandeur : Hic, propter nomen Romanum suscipiens legationem, ambulavit ad regem Unnorum nomine Attilam et liberavit lutant Italiam a periculo hostium.
[73] L'abbé PERREYVE, Entretiens sur l'Église catholique, cours professé à la Sorbonne (Paris, 1865), t. II, p. 323. L'épitaphe de saint Grégoire le Grand, mort en 604, dit :
Hisque Dei consul factus lætare triumphis.
[74] Cette pensée avait été très-heureusement exprimée par un Gaulois du cinquième siècle, SAINT PROSPER d'Aquitaine, De ingratis, v. 40.
[75] Énéide, VI, v. 851.
[76] Inferno, cant. II, terz. 7-8. Traduction de M. RATISBONNE, couronnée par l'Académie française.
Notre raison l'admet sans beaucoup de surprise.
Dans les décrets du Ciel, cet heureux fils d'Anchise
De Reine et de l'Empire était le fondateur :
Ville sainte, à vrai dire, empire séculaire
Fondés pour devenir plus tard le sanctuaire
Où de Pierre aujourd'hui siège le successeur.