ESSAI SUR LES RAPPORTS DE L'ÉGLISE CHRÉTIENNE AVEC L'ÉTAT ROMAIN PENDANT LES TROIS PREMIERS SIÈCLES

 

DEUXIÈME PARTIE. — RAPPORTS DE L'ÉGLISE CHRÉTIENNE AVEC L'ÉTAT ROMAIN DE 96 A 180.

 

 

Domitien périt assassiné le 18 septembre 96, et Nerva lui succéda. Par une réaction naturelle, les exilés du règne précédent furent ramenés à Rome[1], et la masse des chrétiens obtint momentanément l'oubli sous le gouvernement débile de cet empereur. Tous sans doute ne profitèrent pas de ce répit[2]. Le début de l'Épître de saint Clément aux Corinthiens est l'écho d'un état encore troublé et porte avec lui sa date. Il fait allusion en effet aux derniers temps de Domitien, quand il dit[3] : A cause des malheurs imprévus, et des accidents qui nous sont survenus coup sur coup, nous retournons bien tard à notre gré, nos chers frères, aux affaires qui nous préoccupent chez vous. Et plus loin, il ajoute, après avoir rappelé la persécution de Néron, que pour l'instant il se trouve dans une situation analogue[4]. Pour un groupe de chrétiens du moins, les circonstances elles-mêmes fournissent le commentaire de l'exception dont ils furent l'objet. Nous voulons parler de ceux de la gens Flavia.

Les prétoriens exigèrent dans une émeute la mort des meurtriers de Domitien qu'ils regrettaient. Or, on n'ignore pas que parmi les conjurés était un affranchi de la femme de Flavius Clemens, nommé Stephanus[5]. Quelque chose de l'antipathie que celui-ci avait suscitée devait rejaillir sur la famille. C'est aux événements qui affligèrent maîtres et serviteurs, que se rapporte la légende manichéenne, désignée sous l'appellation d'actes des saints Nérée et Achillée. Nous savions l'exil de Flavie Domitille, la nièce du consul, dans File Pontia. Le récit eu question nous apprend qu'elle y avait été accompagnée par deux serviteurs, à la garde desquels elle se trouvait confiée depuis la mort de sa mère Plautilla, mais que ceux-ci, ayant été convaincus de christianisme, furent ramenés sur le continent et décapités. Il ajoute qu'après leur supplice, Nérée et Achillée furent enterrés in prœdio Domitillœ in crypta arenaria, in via Ardeatina, a muro Urbis milliario uno semis, juxta sepulcrum in quo sepulta fuerat Petronilla apostoli Petri filia[6].

Voici maintenant ce que nous apprennent les monuments. D'un côté, en 386, on voyait encore à Pontia[7] les chambres qu'avait occupées Flavie Domitille pendant son exil, 95-99 (environ). De l'autre, depuis 1874, grâce à la générosité de feu Mgr de Mérode et aux travaux de M. de Rossi, nous pouvons, tout autant que les pèlerins du quatrième au huitième siècle[8], visiter à un mille et demi des murs de Rome sur la voie Ardéatine, dans la crypta arenaria jadis transformée en basilique souterraine, l'emplacement du tombeau des saints Nérée et Achillée, indiqué par une inscription du pape Damase, c'est-à-dire antérieure à 384, et, comme le font remarquer les actes, voisin de celui qu'occupa le sarcophage de sainte Pétronille avant sa translation an Vatican, en avril 757.

Qu'à cet endroit nous soyons in prœdio Domitillœ, plusieurs concessions de terrain[9] nous l'apprennent :

. . . . . . . . . FLAVIAE • DOMITILlœ

(divi) VESPASIANI•NEPTIS

EIVS•BENEFICIO•HOC•SEPHVLCRVm

MEIS•LIRERTIS•LIBERTABVS•POsui

-----------

EX INDVLGENTIA

FLAVIAE DOMITILL

IN FR•P•XXXV

IN AGR•P•XXXX

Ces inscriptions, rapprochées de celle que nous avons citée plus haut, et qui, quoiqu'on n'en ait pas directement la preuve, doit avoir la même provenance, se rapportent bien à Flavia Domitille, l'épouse de Flavius Clemens, dont l'intervention s'explique par sa qualité de propriétaire. En effet, parmi les fragments qui jonchaient le sol de la basilique, l'un d'eux conservait gravées des lettres de type antique ; la terminaison du pluriel indiquait une sépulture de famille, une ancre était. le symbole chrétien primitif si connu. M. de Rossi, ayant calculé la longueur de la lacune, proposa comme supplément très-probable, — SepulcRVM FlaviORVM.

Cette lecture a été justifiée depuis par la découverte au même endroit de nouveaux exemples de ce gentilicium ; et, entre autres, d'une tombe du deuxième siècle dont le marbre porte inscrit en belles lettres grecques :

ΦΑΣΑΒΕΙΝΟΣΚΑΙ

ΤΙΤΙΑΝΗ • ΑΔΕΛΦΟΙ •

Ce nom est le même que celui du préfet de Rome en 64 et en 69, Flavius Sabinus, l'ancêtre de toute la branche chrétienne de sa famille ; nous avons vu déjà, d'après Tacite, combien ses tendances étaient éloignées de celles de Néron, qui répugnaient aux gens honnêtes jusque dans les rangs inférieurs de la garde impériale. C'est en effet là que nous devons chercher Nérée et. Achillée, depuis qu'un fragment notable de leur marbre tumulaire autorise la restitution complète de l'éloge damasien connu jusqu'alors seulement par les manuscrits[10] :

Militiœ nomen dederant sœvum Q, gerebant

Officium pariter, speciantes jussA TYRanni,

Prœceptis pulsante metu serviRE PARati.

Mira fides rerum, subito possueRE FVROREm.

Conversi fugiunt, ducis impia castrA RELINQVVNT

Projiciunt clypeos, faleras, telAQ. CRVENTA

Confessi gaudent Christi portarE TRIVMFOS

Credite per Damasum possit quid GLORIA CHRISTI.

On a, il est vrai, discuté la question de savoir si les soldats romains pouvaient être employés aux exécutions[11], mais elle ne fait pas de doute quant à cette époque néfaste, dont parle Juvénal[12], où la cohorte tout entière des prétoriens servait d'instrument à la volonté despotique de Néron. Car on reconnaitra en lui le tyran dont parle l'inscription, et le préfet du prétoire (ducis impia castra) dans Tigellinus, qui était le digne ministre de ses cruautés : c'est seulement à la fin de l'année 66 que parut son émule Nymphidius[13].

C'est aussi à ce moment que Flavius Sabinus cessa sa première préfecture urbaine. Aucun témoignage formel ne nous autorise à admettre ici sa conversion au christianisme[14] ; mais ce n'est pas une raison pour rejeter celle de sa fille Plautilla, dont Nérée et Achillée, sans doute afin de tromper les poursuites dirigées contre eux, étaient devenus alors les serviteurs. D'un autre côté, en 1854, en 1855 et depuis encore, des monuments païens des Bruttii ayant été trouvés mêlés aux monuments chrétiens des Flavii, on en a conclu à bon droit que leurs tombeaux étaient situés à proximité l'un de l'autre. Or, c'est sur la foi d'un Bruttius païen qu'Eusèbe a rapporté l'exil à Pontia d'une Domitille qui s'était déclarée chrétienne : le voisinage (les propriétés n'explique-t-il pas que son attention se soit portée plutôt sur cette condamnation que sur une autre ? Par contre, s'il ne mentionne pas l'exil à Pandatarie de la femme de Flavius Clemens, qui s'appelait aussi Domitille, c'est qu'elle lui parut, comme à la plupart des contemporains, impliquée dans la disgrâce de son mari, et cette disgrâce pouvait avoir une apparence politique autant que religieuse : ex tenuissima suspicione, se contente d'écrire Suétone. Les actes apocryphes ne nous ont pas trompés sur l'identité de Nérée et d'Achillée ; ce serait agir arbitrairement que de les récuser sans motif sur celle de Plautilla et de la seconde Domitille. Il convient également de signaler l'accord de ces sources, plus ou moins troubles, avec les monuments, accord qui suggère à M. de Rossi quelques réflexions très-justes sur le substratum historique dont elles dénotent la présence : Cela est si vrai, dit-il[15], qu'au sixième et au septième siècle des recherches, des fouilles et des études archéologiques eussent été nécessaires pour qui aurait voulu emprunter aux monuments la matière des légendes et procurer à celles-ci la créance et la vraisemblance chronologique, comme aussi pour éviter de placer au temps de Dioclétien les martyrs tués par Néron et réciproquement, ou de confondre les conditions de la sépulture chrétienne qui furent différentes dans les différentes persécutions. Ce dernier point importe évidemment à l'étude des rapports du christianisme avec l'autorité publique, et nous devons chercher sous quel aspect la question funéraire se révèle au moment où nous nous trouvons, c'est-à-dire à la fin du premier siècle.

Sans nous engager dans les innombrables réseaux de la Rome souterraine[16], prenons, par exemple, le groupe des tombeaux dont nous venons de parler et qui a formé le noyau du cœmeterium Domitillœ. Cette dénomination nous fournit déjà un principe assez commun, c'est que les cimetières étaient désignés primitivement par leur nom local, ou par celui des anciens fondateurs[17], avant de porterie vocable des principaux martyrs qui y étaient enterrés. Ils ont commencé en effet par être domaine particulier (prœdium) ; puis, affectés par les propriétaires convertis ou déjà chrétiens à la sépulture de leurs coreligionnaires (ad religionem pertinentes meam, dit une inscription)[18], ils ont fini par passer entre les mains de la communauté ecclésiastique (ecclesia fratrum)[19]. Mais l'Église ne les a pas possédés ainsi dès l'origine, ce n'est que plus tard que la propriété collective a succédé à la propriété individuelle. Une personne d'abord ou une famille étaient seules en nom, et rien ne distinguait extérieurement des sépultures païennes les sépultures chrétiennes qui, en temps de persécution même, étaient respectées. D'ailleurs la religion des tombeaux, l'un des caractères les plus frappants de l'antiquité, avait son expression formelle dans la loi romaine[20]. Aussi, à côté du titre reconstitué Sepulcrum Flaviorum, a-t-on retrouvé une formule païenne destinée à protéger la sépulture, LOCVS SACER SACRILEGE CAVE MALV(m), inscrite sur deux faces d'un cippe qui peut-être en gardait l'entrée. Cette entrée même n'était nullement dissimulée. Nous avons une preuve de la sécurité qui entourait alors les tombes chrétiennes dans la façade architecturale et le vaste vestibule, naguère remis au jour avec le concours de M. le comte de Richemont[21], et par lesquels le cimetière de Domitille s'ouvrait sur la voie Ardéatine. Le caractère classique des constructions et le style délicat des stucs peints qui en revêtaient les voiries les font remonter à la fin du premier siècle ; du' reste les empreintes de briques, dont les dates permettent de suivre le développement successif de l'hypogée, s'arrêtent à Marc-Aurèle. Dans la partie plus ancienne, c'est-à-dire voisine de la porte, étaient représentées, sans aucunes précautions, des scènes bibliques, et au-dessus de l'ouverture extérieure, se voit encore la place d'une large inscription qui indiquait aux yeux de tous le nom du propriétaire[22]. Tout témoigne donc de l'état de légalité de cette sépulture, et même d'un état de tranquillité lors de sa première origine. Après que Domitien eut sévi contre les membres chrétiens de sa famille, les fidèles ne connurent plus assez de paix pour élever un pareil monument : depuis lors il fut juste de leur appliquer ces épithètes, que Minucius Félix met sur les lèvres du païen Cæcilius[23], d'habitants de terriers et d'oiseaux de nuit.

Nous n'avons pas de renseignements précis sur la fin de saint Clément. Saint Jérôme, qui avait quitté l'Italie en 385, écrivait dans son De viris illustribus, ch. XV : Nominis ejus memoriam usque hodie Romœ exstructa Ecclesia custodit. C'est la basilique inférieure découverte en 1858 ; comme elle est située dans l'intérieur de Rome, une loi connue[24] nous interdit de songer ici à son tombeau. Deux chambres, restes d'une habitation particulière, ornées de stucs très-anciens, et, découvertes sous le sol de la basilique inférieure, ont fait penser qu'il s'agissait plutôt d'un endroit où il avait demeuré. Se rattachait-il par un lien de parenté à Flavius Clemens[25], ainsi que le veulent les actes des saints Nérée et Achillée ? Du moins on pourrait admettre entre eux des rapports de client ou d'affranchi : ce qui conviendrait aux difficultés de sa situation après la mort du consul de l'an 95, et aux débuts du règne de Nerva. Que saint Clément ait quitté Rome alors soit librement, soit forcément, cela est vraisemblable et motive l'absence d'indication romaine de sa sépulture. La tradition, représentée par ses actes légendaires, qui le fait travailler dans les mines de la Chersonèse Taurique, puis précipiter dans la mer, était connue de Grégoire de Tours[26]. On en rencontre des traces dans le Missale Gothicum, manuscrit du Vatican que M. Léopold Delisle date du septième siècle, et deux listes des sépultures des papes que M. l'abbé Duchesne a démontré avoir été extraites du Liber pontificalis au commencement du sixième siècle, mentionnent également le Pont-Euxin[27]. Nous savons de plus qu'eu 867, saint Cyrille, apôtre des Slaves, vint avec son frère saint Méthode à Rome, apportant des reliques découvertes par lui en Crimée, qu'il disait être celles de saint Clément et qui furent déposées dans l'église portant déjà ce nom, où lui-même fut enterré peu après[28]. Il est certain d'un autre côté que le nom de saint Clément n'a pas tardé à être entouré d'une considération extraordinaire en Orient. Comment, seul des premiers successeurs de saint Pierre, sans avoir siégé très-longtemps[29], a-t-il pu ainsi frapper au loin les imaginations ? Il s'était adressé aux Corinthiens sur un ton d'incontestable supériorité[30] :

Vous nous remplirez de satisfaction et de joie, leur dit-il à la fin de l'Épître, si, vous montrant soumis à ce que nous vous écrivons au nom du Saint Esprit, vous arrêtez le débordement injuste de votre jalousie, selon l'exhortation à la pacification et à l'entente que nous vous avons faite dans la présente lettre. Nous avons aussi délégué des hommes sûrs et graves, ayant vieilli parmi nous sans reproche, qui seront témoins entre vous et nous. Nous en avons agi ainsi, pour vous montrer que notre unique et constante préoccupation est que vous ne tardiez point à rentrer en paix. Et un peu plus haut : Si quelques-uns n'obéissent pas à Jésus-Christ qui leur parle par notre bouche, nous les avertissons qu'ils s'exposent à tomber, et qu'ils encourent un péril sérieux.

Cette lettre, on la lisait encore dans l'Église de Corinthe en 170, comme l'écrit l'évêque Denys au pape Soter, et déjà saint Ignace d'Antioche, dans son Épître aux Romains, y avait fait allusion[31]. Les deux évêques et saint Clément lui-même témoignent assurément de l'autorité de son siège. Mais il y a plus : comment rendre compte, en dehors de son prestige personnel, de la diffusion si rapide des romans clémentins éclos en Syrie au commencement du troisième siècle ? C'est également sous son nom que circula, vers la fin de ce siècle et dans le même centre, la plus grande partie des canons dits apostoliques, quand déjà à Alexandrie il avait reçu le titre d'apôtre[32]. De la sorte s'était réalisée la parole du Romain Hermas[33] : Clément enverra le livre aux villes du dehors, car ce soin lui est confié. Par cette mention, il plaçait son livre sous un patronage illustre, et l'on sait en effet quelle faveur l'ouvrage d'Hermas rencontra chez les Églises orientales, dès son apparition[34]. En résumé : 1° malgré la place considérable que saint Clément, pontife de Rome, occupe dans la tradition, il ne reste à Rome ni document sur sa mort[35], ni monument de sa sépulture ; 2° l'explication de ce fait nous est fournie par la légende, qui nous semble renfermer un élément traditionnel, le souvenir de son exil dans la Chersonèse Taurique, sans que nous en puissions déterminer les circonstances précises.

Nous remarquerons finalement que dans les parages où l'exile la tradition, c'est-à-dire eu Crimée, on a découvert, avec les traces de la présence de Juifs hellénisants[36], des preuves d'un développement précoce du christianisme[37].

En même temps que ces chrétientés éloignées s'organisaient, le pays environnant Éphèse avait vu, par les soins de saint Jean, se multiplier les Églises[38] ; aussi avons-nous lieu d'être moins surpris que Pline, qui, arrivant comme légat propréteur dans une province située entre ces deux régions, constatait avec étonnement que les villes et les campagnes de la Bithynie et du Pont étaient remplies de chrétiens. Trajan en trouvera autant en Syrie lorsqu'il viendra à Antioche, et de même plus tard Hadrien, visitant la Palestine et l'Égypte, à Alexandrie et à Jérusalem. Au milieu des ruines de cette dernière ville, à côté des campements de la legio Xa Fretensis, s'élevaient encore sur la montagne de Sion[39] quelques pauvres masures échappées à la destruction : dans le cénacle de l'une d'elles, les apôtres s'étaient réfugiés après l'Ascension, et là se réunissait maintenant la petite communauté chrétienne[40], qui obéissait au vénérable évêque Siméon et devait donner d'autant moins d'ombrage aux soldats romains que, par son retour, elle avait répudié les tendances juives de la branche nazaréenne demeurée au royaume d'Agrippa II. Cependant sous l'administration d'Atticus, légat consulaire de Palestine, 105-107[41], saint Siméon fut dénoncé tant comme chrétien que comme descendant de la race de David par des sectaires juifs dont parle Hégésippe[42], très-capables de continuer coutre ce vieillard de cent vingt ans la tradition impitoyable de leurs frères en Israël.

Eusèbe lui donne comme successeurs jusqu'en 189, d'abord treize évêques de la circoncision, puis quinze de la gentilité, plaçant le premier de ceux-ci après la dernière révolte des Juifs[43], en 136, ce qui raccourcit singulièrement la moyenne de leur longévité. Aussi les appelle-t-il βραχυβίους, mais il avoue en même temps qu'il n'a trouvé aucun renseignement chronologique sur leur compte[44]. On a bien vu là deux listes épiscopales distinctes, l'une appartenant à l'Église des Nazaréens, l'autre à l'Église de Jérusalem, qui seule avait vu d'un œil indifférent fonder la ville païenne d'Ælia Capitolina. Sulpice Sévère, ne marquant l'installation d'une garnison en cet endroit que sous Hadrien, fait élire alors le premier évêque incirconcis Marc, et prête au fait une signification favorable au christianisme[45]. Overbeck accepte la date tardive de cette coïncidence, qui n'est due cependant qu'à la conjecture d'Eusèbe, et renchérissant encore sur l'historien. Sulpice-Sévère, voit dès ce moment poindre clairement à l'horizon la future alliance de l'Église avec l'État romain[46].

 

 

 



[1] PHILOSTRATE, Vie d'Apollonius, VIII, V, § 4. DION CASSIUS, Epit., LXVIII, I. Cf. LACTANCE, De morte persec., III. — On ne sait pourquoi TERTULLIEN, Apologétique, V, et HÉSÉGIPPE, ap. Hist. ecclés., III, XX, font fini la persécution par Domitien lui-même, ce qui est peu vraisemblable.

[2] PLINE, dans son Panégyrique à Trajan, 46, dit en parlant des mêmes expulsés par Domitien : Nam et restitui oportebat quos sustulerat malus princeps, et tolli restitutos. A quoi BAUDOUIN remarque, loc. cit., p. 26 : Sic et de christianis tum Romani judicasse videntur.

[3] Première Épître, I, éd. Funk, p.60. Cf. SUÉTONE, Domitien, 11. — Voici, pour la date de l'épître, un témoin qui se trouvait à Corinthe au milieu du deuxième siècle. Hist. ecclés., III, XVI.

[4] Première Épître, 7. Ed. Funk, p. 70.

[5] PHILOSTRATE, VIII, 25. Au désir que cet affranchi pouvait avoir de venger ses patrons, SUÉTONE, Domitien, 17, ajoute un motif personnel : Stephanus, Domitillæ procurator, et tunc interceptarum pecuniarum reus, consilium operamque optulit. S'il n'eût point été païen, TERTULLIEN ne l'aurait pas nommé pour prouver l'esprit de soumission des chrétiens. Apologétique, XXXV.

[6] Acta sanctorum, t. III de mai, p. 11 (éd. d'Anvers). Suivant ces actes, Nérée et Achillée avaient été baptisés par saint Pierre, l'année même de son martyre ; pareil lien spirituel unissait ce dernier à un autre membre de la famille, la célèbre Petronilla, qui devait conserver le nom de fille de l'apôtre.

[7] SAINT JÉRÔME dit, en rapportant le voyage de sainte Paule, Ep. 27, ad Eustochium, Vidensque cellulas in quibus longum illa martyrium duxerat.

[8] L'ancien index des cimetières suburbains donne la dénomination, cœmeterium Domitillæ, Nerei et Achillei ad S. Petronillam via Ardeatina. C'est dans cette basilique hors les murs que SAINT GRÉGOIRE LE GRAND improvisa une homélie, que nous avons, en l'honneur des SS. Nérée et Achillée le jour de leur fête, Moral. In Evang., II, hom. 28. L'huile de la lampe qui brûlait devant cette tombe fut recueillie à la même époque par l'abbé Jean pour la reine des Lombards, Théodelinde, ainsi qu'il le nota lui-même sur le papyrus de Monza, reproduit dans RUINART (éd. de Ratisbonne), p. 635.

[9] Inscriptions, ORELLI-HENZEN, n° 5423 et 5422, trouvées vers le domaine actuel de Tor-Marancia, l'une en 1772, l'autre en 1817. Cf. Bull., 1865, p. 23.

[10] Bull., 1874, p. 20 et suiv., pl. 1. — V. Bull., 1875, p. 8, pl. IV, les débris des deux colonnes sur lesquelles était sculpté leur supplice, conforme d'ailleurs à ce qu'en disaient les Actes : Capite cœsi sunt. Cf. ibid., p. 40, pl. V.

[11] Voir le mémoire de M. LE BLANT intitulé : Recherches sur les bourreaux du Christ, qui ne l'admet pas, et celui de M. NAUDET (lui faisant suite dans le t. XXVI, 2e partie, des Mémoires de l'Académie des Inscriptions) où est soutenue l'opinion contraire pour la période de l'empire.

[12] Satires, X, 15-18.

[13] TACITE, Annales, XV, 72.

[14] TACITE, Histoires, III, 75.

[15] Bull., 1869, p. 15.

[16] Voir l'intéressant ouvrage de M. Paul ALLARD (Paris, 1877, 2e éd.) qui, sous ce titre, a résumé les trois volumes de la Roma sotterranea italienne ; comparer le résumé anglais du Dr NORTHCOTE, qui était le premier en date (Londres, 1869 et 1879, 2e éd.), et le résumé allemand du Dr KRAUS (Fribourg en Brisgau, 1879, 2e éd.).

[17] Il est remarquable que les noms de femmes reviennent souvent : Commodillœ sur la voie d'Ostie, Priscillœ sur la voie Salaria, Cyrincœ sur la voie Tiburtine, etc. M. LE BLANT a constaté aussi leur zèle à donner la sépulture aux martyrs.

[18] Bull., 1865, p. 54 ; elle provient du cimetière de Saint Nicomède, in horto Justi (auj. villa Patrizi) sur la voie Nomentane. En 1853 fut découverte précisément au cimetière de Domitille l'inscription suivante, Roma sott., t. I, p. 109 :

M ANTONI

VS RESTITV

S FECIT YPO

GEV SIBI ET

SVIS FIDENTI

BVS IN DOMINO

[19] M. Léon RÉNIER, Inscriptions d'Algérie, n° 4035. Voir notre troisième partie.

[20] MARCIEN, Digeste, liv. Ier, frag. VI, § 4. Toutefois il n'était pas permis d'enterrer, sauf de rares faveurs, dans l'enceinte de Rome. Et même au dehors, le domaine public était à l'abri de cette sorte de prescription.  CICÉRON, De leg., XXIII.

[21] Bull., 1865, p. 23 et 96. M. DE Rossi avait déjà insisté dans le t. I de la Roma sotterranea sur ce fait, capital pour la chronologie des catacombes, que plus les tombeaux sont anciens, plus la structure est parfaite et la décoration soignée, ce qui ne s'expliquerait pas si tous les premiers chrétiens avaient été, selon les expressions favorites des écrivains modernes, un gibier de police, la lie de la cité.

[22] V. Bull. 1881, pl. III-IV, une inscription analogue qui vient d'être retrouvée à sa place dans un hypogée particulier du cimetière de Domitille, et portant cette seule mention : AMPLIATU. Les peintures qui ornent l'hypogée sont contemporaines de celles de l'entrée du cimetière et n'offrent même que des motifs décoratifs d'architecture et de paysages étrangers au symbolisme chrétien. Or un des plus anciens convertis au christianisme fut cet Ampliatus, que saluait en 58 saint Paul parmi les fidèles de l'Église de Rome, Épître aux Romains, XVI, 8.

[23] Octavius, 8 (ORIGÈNE, C. Celse, IV, 23) les comparait à des vers tenant conciliabule au coin d'un bourbier.

[24] J. CAPITOLIN fait étendre par Antonin la prohibition aux autres villes.

[25] Le roman des Recognitiones donne sa généalogie avec des noms des Antonins, tout en le rangeant dans la famille des Césars, ce qui est encore différent des Flaviens.

[26] V. ces Actes dans le tome II des Opera Patrum apostolicum (Tübingen, 1881), éd. Funk, p. 40 et s. cf. GRÉGOIRE DE TOURS, De glor. mart., 35, 36. Déjà Rufin dans saint Jérôme, Apol. ade Ruf., II, et le pape Zozime, en 407, dans une lettre aux évêques d'Afrique que reproduit Baronius à cette année, lui donnaient le titre de martyr. M. de Rossi, réunissant les fragments épars dans les deux basiliques superposées d'une inscription philocalienne (fin du IVe s.), l'a reconstituée, sur des exemples connus. Bull., 1870, p. 138.

[27] Thèse sur le Liber pontificalis, soutenue en 1877, p. 161. L'un des Ms. (Vatican, n° 3764) porte : in pontu, in mari ; l'autre (Bibl. nat., n° 3140) a la variante plus grammaticale, mais moins fidèle : in portu, inmari.

[28] Bull., 1863, p. 9 ; 1864, p. 1 et suiv. Voir aussi la thèse de M. LÉGER, soutenue en 1866, sur la Conversion des Slaces au christianisme, p. 103.

[29] Toutes les listes épiscopales lui attribuent un pontificat de neuf années ; voir le tableau dans HARNACK, Die Zeit des Ignatius, p. 73.

[30] Ire Épître, 63, Éd. Funk, p. 142 (cf. p. 131). Ces personnages, qu'il nomme ensuite Claudius Ephebus et Valerius Viton, seraient, d'après une conjecture du Dr Lightfoot, les gens de la maison de César, mentionnés à côté de saint Clément par SAINT PAUL, Épître aux Philippiens, IV, 3 et 22.

[31] Histoire ecclésiastique, IV, XXIII, 11. — Épître aux Romains, 3 ; et il ajoute, éd. Funk, p. 219, une formule qui équivaut à celle de notre acte de foi actuel : Je crois fermement tout ce que l'Église romaine m'ordonne de croire.

[32] CLÉMENT D'ALEXANDRIE, Stromates, IV, XVII, init.

[33] PAST., Vis., II, IV, 3. Éd. Funk, p. 350.

[34] Une homélie nous est aussi parvenue avec l'intitulé de deuxième épître de saint Clément, qui est précisément contemporaine du livre du Pasteur.

[35] Les chroniques s'accordent pour la placer immédiatement après celle de saint Jean qui arriva vers l'an 100 d'après saint Irénée et Jules Africain. Cf. Malalas, XI, éd. de Bonn, p. 269. — M. RENAN, Journal des Savants, janv. 1877, p. 13, dit de saint Clément : Son autorité passa pour la plus grande de toutes en Italie, en Grèce, en Macédoine, durant les dix dernières années du premier siècle.

[36] FRIEDLÆNDER, Sittengeschichte Roms, t. III, p. 508 (Leipzig, 1871).

[37] Bull., 1864, p. 5. — DE KICHNE, Description du Musée Kotschoubey (Saint-Pétersbourg, 1857) : t. II, p. 348, 360, 416, monnaies portant la croix dès la fin du troisième siècle ; t, I, p. 448, basilique du quatrième siècle, découverte à Sébastopol ; p. 172, il résulte d'une pierre tumulaire que Trajan avait dans celte ville une garnison qui fut retirée par Hadrien.

[38] CLÉMENT D'ALEXANDRIE, Quis div. salv., § 42.

[39] Ce coin des remparts avait été épargné par Titus pour donner à la postérité une idée de la résistance qu'ils avaient opposée. Guerre des Juifs, VII, I.

[40] SAINT ÉPIPHANE, De mensuris et ponderibus, XIV. Cf. XV.

[41] WADDINGTON, Fastes des provinces asiatiques (Paris, 1872), § 126.

[42] Histoire ecclésiastique, III, XXXII, 3.

[43] La défaite de Bar-Kocheba fut suivie de l'interdiction aux Juifs de l'entrée de Jérusalem (SAINT JUSTIN, Ire Apol., 47, éd. Otto, p. 131 ; ARISTON DE PELLA, vol. IX, Corp. Apol., p. 356-359), et de la circoncision (ainsi doit être rectifié SPARTIEN, Hadrien, 14). Cette dernière défense fut en partie levée par Antonin : Digeste, liv. XLVIII, tit. VIII, fr. 11. Cf. ORIGÈNE, C. Celse, II, 13.

[44] Histoire ecclésiastique, IV, V, et V, XII.

[45] Chroniques, II, 31.

[46] Studien, p. 103 : So dass man schon au diesem Punkte den späteren Bund der Kirche und des römischen Staates deutlich keimen sehen kann.