Lyon. Destruction du druidisme[1]. L'état de Elle était parsemée de nombreuses colonies romaines,
peuplée des vétérans qu'Auguste y avait envoyés. C'était bien là une province
romaine, paisible et soumise ; et Claude put, sans inconvénient, la remettre
à l'administration du sénat. Pour le reste de Il fallait à cette Gaule chevelue, séparée de Rome par les difficiles passages des Alpes, une métropole particulière. Augusta Treverorum (Trèves), Burdigala (Bordeaux), qui auraient pu briguer cet honneur n'étaient pas dans une position assez centrale ; Avaricum (Bourges), Augustodunum (Autun), rappelaient de dangereux souvenirs d'indépendance. Il fallait une ville nouvelle qui n'eût qu'à penser à
l'avenir sans songer au passé. La place de cette capitale fut fixée au
confluent du Rhône et de Déjà, quand les empereurs romains y arrêtèrent leurs regards, il s'y trouvait un petit village de bateliers ségusiens où, après le meurtre de César, Plancus, gouverneur des Gaules, avait établi quelques bannis viennois : là devait s'élever la seconde capitale de l'a France. Admirablement placée au confluent de deux cours d'eau, à
proximité de cette route que le roi Cottius avait tracée pour le service des
Romains sur les flancs du Mont-Cenis, Lugdunum prit un rapide accroissement.
Au temps de Claude, c'était déjà une des premières villes de l'empire. De sa
colonne milliaire, pareille à celle de Rome, partaient toutes les voies
impériales qui traversaient Outre ses monuments, Lyon était remplie des riches demeures de ces nobles Gaulois qui dépassaient en opulence les patriciens même de Rome, et dont le type le plus brillant est ce Valerius Asiaticus, né à Vienne, qui achetait à Rome les jardins de Lucullus, prenait part au meurtre de Caius, disputait l'empire à Claude, et mourait, victime d'obscures intrigues, en ne songeant qu'à faire écarter des arbres de ses jardins favoris la flamme du bûcher qui allait le consumer. Lyon possédait aussi une académie plus célèbre peut-être que celle que les temps modernes ont vu lui succéder. Claude la protégeait, et l'académie lyonnaise lui en était reconnaissante ; ce fut sans doute par ses soins que furent gravées ces tables d'airain, retrouvées il y a quelques années, et qui contenaient l'éloquent discours que Claude prononça au sénat romain en faveur des Gaulois ses compatriotes[2]. A Lyon et dans presque toutes les villes régnait la
religion romaine ou plutôt ce polythéisme gaulois, opposé aux doctrines druidiques,
et qui s'accommodait fort aisément à l'appropriation romaine : Kamul se
disait Mars, Bélisana s'appelait Minerve, Teutatès Mercure, rien n'était plus
simple ni plus commode, ce n'était qu'une affaire de traduction. D'ailleurs
c'était la religion officielle, la plus avantageuse à suivre. Les Gaulois des
hautes classes, les habitants des cités commerçantes, les jeunes gens de
riche famille qui allaient faire leurs études dans les trois grands gymnases
de Le druidisme au contraire avait conservé ses adhérents dans les campagnes, dans les forêts, dans les régions montagneuses ; il s'était réfugié sous ses vieux chênes couronnés de gui et de là bravait les Césars. Auguste s'était déjà attaqué au druidisme, comme incompatible avec l'ordre romain : religion autoritaire, nationale, fertile en illuminés, prompte à verser le sang et à faire peu de cas de la vie humaine par le fait même de sa foi profonde à l'immortalité de l'âme, le druidisme s'était attaché à représenter l'esprit de résistance à la conquête romaine ; mais Auguste n'osa le proscrire ouvertement ; il se contenta de fermer à ses adeptes les carrières civiles et de leur ôter la possibilité d'obtenir le titre de citoyen romain. Un peu de persécution est plutôt utile que nuisible à
toutes les religions. Celle-ci n'en fut que plus forte ; l'âme de ses fidèles
en devint plus ardente, les vieux rites qui prescrivaient l'immolation de
l'homme comme la plus agréable offrande à la divinité inconnue, furent
pratiqués avec plus de ferveur que jamais ; sur les grandes pierres levées le
sang des victimes humaines ruissela dans toutes les forêts et dans toutes les
landes de Claude monta sur le trône des Césars ; dès son avènement il déclara au druidisme une guerre à mort. Envers les druides il fut sans pitié comme ils l'étaient envers leurs victimes. Leur culte fut proscrit, leurs prêtres envoyés au trépas, leurs retraites envahies par les soldats, leurs dolmens renversés ; ce fut une vraie persécution, implacable, incessante. Un chevalier d'origine gauloise, trouvé à Rome porteur d'un talisman druidique, un œuf de serpent, fut pour ce seul fait condamné et exécuté : ce talisman était destiné, avoua-t-il, à lui faire gagner ses procès et à lui procurer la faveur de l'empereur. Cette fois Claude avait fait en sorte de montrer aux adeptes du druidisme le peu d'efficacité de leurs amulettes. Vaincus par cette énergique volonté, les druides
cherchèrent un refuge en Bretagne, où ils possédaient d'importants
établissements, surtout dans l'île de Mona (Man).
De là ils essayèrent de reprendre leur influence en Gaule ; mais Claude
veillait toujours, et l'expédition contre |
[1] Pomponius Mela, l. II et III. — Bucherii, De historia belgica, Leodii, 1655. — Strabon, l. IV. — Gruteri, Inscriptions, editæ 1616, apud Commelinum. — Ptolémée, l. II.
[2]
Une partie des tables d'airain contenant le discours de Claude a été retrouvée
à Lyon même dans les temps modernes : ces tables sont déposées au palais du
Musée à Lyon ; le sens du discours, du moins pour ce qu'il en reste, car la
plus grande partie manque malheureusement, est le même que dans le discours de
Tacite que nous avons reproduit : il y a seulement une plus grande abondance de
détails et de noms des principales familles de