Mort de l'impératrice. 48[1]. Nous avons déjà eu dans le cours de ce récit à raconter
quelques-uns des crimes de l'impératrice Messaline ; non contente d'être
cruelle, elle poussait jusqu'aux dernières limites le scandale de
l'impudicité. Sans aller jusqu'à croire Juvénal et ses hyperboles, il suffit
pour en être convaincu d'énumérer les principaux complices qui l'aidèrent à
tromper la confiance de Claude ; successivement on la vit aimer Suilius Césoninus,
Plautus Latéranus, le neveu de ce Plautius qui avait triomphé de Tout le monde à Rome connaissait la conduite de l'impératrice, et personne n'osait en avertir l'empereur. Claude l'aimait en effet, et, s'il ne lui était pas toujours fidèle, du moins fut-ce le seul des Césars qui ne se déshonora pas par des amours contre nature. Avertir l'empereur du triste rôle que lui faisait jouer sa femme, c'était courir de bien grands risques, si l'on n'était pas cru à la première ouverture ; Messaline était toute-puissante, l'empereur dans sa confiance la laissait disposer de son sceau (une tête d'Auguste gravée sur pierre précieuse), et c'est ainsi que nous pouvons expliquer tous ces crimes commis à l'insu de son mari. Un seul homme avait eu le courage de vouloir avertir Claude, c'était le préfet des gardes, Catonius Justus : il s'en était ouvert à quelques amis ; avant qu'il eût parlé, il mourut. Dès lors la terreur ferma toutes les bouches, les affranchis eux-mêmes de l'entourage impérial n'osaient rien dire ; d'ailleurs Messaline avait eu soin de les ménager : heureusement, trop confiante en son pouvoir, elle voulut les braver ; par ses ordres périt Polybe, le secrétaire de l'empereur, celui auquel Sénèque adressait ses consolations ; tous se sentirent menacés, ils tremblèrent, cependant aucun n'osa encore parler. Jusque-là. Messaline n'avait pas affiché ses débordements ; on parlait de ses nombreux amants, du moins ne la voyait-on pas en public avec eux ; elle s'enveloppait encore d'une sorte de mystère et d'un reste de pudeur. Mais enfin, enhardie par l'habitude, affolée par un nouvel amour, rejetant toute contrainte, elle montra ouvertement sa passion pour un jeune patricien de grande race et de haute espérance, Silius, consul désigné. Ne voulant pas souffrir de rivale, elle le força à répudier sa femme, on la vit avec lui dans tous les lieux publics, et, non contente de ce scandale, elle poussa la hardiesse jusqu'à vouloir, Claude vivant et régnant, épouser cet amant adultère. Silius y consentit ; on a dit que la crainte d'irriter Messaline par un refus l'y avait poussé : peut-être espérait-il arriver à l'empire par ce triste chemin ; malgré tout, ce mariage paraît incompréhensible ; plusieurs historiens déclarent que cette période est obscure, que le récit de Tacite, écrit cependant avec un luxe de détails qui semble indiquer la vérité, n'a pas le caractère d'authenticité. En effet, cette union scandaleuse paraît inexplicable, folle, à moins qu'on ne pense avec nous que ce n'était que le prologue d'une conjuration prête à éclater, qui ne manqua que par le défaut de cœur des conjurés, que par suite de la rapidité d'action de Narcisse, et probablement aussi grâce à de secrètes mesures de prudence prises par lui et dont les historiens n'ont nécessairement pas eu connaissance. Silius, au dire de quelques auteurs, devait adopter Britannicus et régner conjointement avec Messaline ; évidemment Messaline et Silius auraient été plus que dans la démence s'ils ne s'étaient pas assurés de l'appui de nombreux complices dans le sénat et dans l'armée ; la conspiration allait aboutir ; la colère que Claude laissa échapper, en voyant chez Silius, dit Tacite, des emblèmes séditieux, en est la preuve certaine ; et sans les mesures de Narcisse, de sa police secrète, cette folie aurait été au contraire une habile manœuvre qui aurait fait monter Silius sur le trône des Césars. Messaline fit signer à Claude le contrat de ce monstrueux hyménée. Cela paraît à peine croyable, si l'on ne réfléchit pas que l'impératrice avait, comme nous l'avons dit, à sa disposition le cachet de l'empereur ; elle n'eut qu'à l'apposer elle-même au contrat, c'était ce que les anciens appelaient signer. Suétone, voulant expliquer cette bizarre signature, dit que Messaline fit accroire à l'empereur que ce n'était qu'une vaine formalité pour détourner quelque péril dont les astres le menaçaient. Sur ces entrefaites, l'empereur étant parti pour Ostie, la cérémonie nuptiale eut lieu ; en présence de nombreux témoins, Silius en habits de fête, Messaline, couverte du voile de safran des fiancées, offrirent les sacrifices accoutumés ; on consacra devant tous les yeux le lit nuptial des nouveaux époux, et la nuit entière fut donnée aux joies de l'hymen en attendant les fêtes du lendemain. C'était l'automne, la saison où à Rome le sang bouillonne et fermente dans les veines comme le vin dans les cuves. Aux jardins du Palatin, aux portes même de la ville, Messaline s'était rendue en compagnie du bien-aimé. Et là, à la clarté du grand soleil, sous fa pureté bleue du ciel, elle continua ce défi qu'elle avait jeté à la face du monde romain et de la majesté des Césars ! D'après ses ordres, ses esclaves, ses affranchis, ses courtisans, s'étaient réunis en ces jardins célèbres, et l'on y donnait une fête, moitié champêtre, moitié mythologique ; les femmes revêtues de la peau de tigre des bacchantes, les hommes couverts comme les satyres des dépouilles des boucs ou des loups, agitaient les thyrses, faisaient résonner les crotales. Messaline, échevelée, le front haut et le sein nu, se tenait appuyée sur Silius, qui balançait sa tête couronnée de pampres au chant bruyant des chœurs lascifs ; autour du couple enlacé tournoyait une troupe affolée d'ivresse et de plaisir ; partout le vin nouveau ruisselait des cuves que pressait le pied nu des bacchantes ; l'hymne des corybantes retentissait au pied des grands ormes enguirlandés de vignes ; et sous ce chaud soleil, de cette débauche et de ce vin qui débordait à pleins flots s'élevait une âcre vapeur. Déjà le jour s'avançait : au loin la campagne s'empourprait des derniers rayons du soleil, plus grandes s'allongeaient les ombres sur les gazons jaunis ; fatiguée, repue de plaisirs, la troupe épuisée des danseurs ne choquait plus les disques sonores que d'un bras alourdi, les chants de fête ne sortaient plus que par intervalle des poitrines oppressées ; l'ombre venait, dans les âmes comme dans la nature. Cependant tout était calme, du côté de Rome le silence régnait : la ville, comme consternée, s'était tue tout d'un coup ; quelque chose de lourd pesait sur tous les cœurs. Qu'allait-il se passer quand l'empereur apprendrait ce qui venait d'avoir lieu ; et maintenant que l'orgie était finie, que le soleil allait se voiler, et que la nuit, la sombre, la lugubre nuit s'approchait, voilà qu'on y songeait ! Et alors, tandis que chacun se taisait, que la tête fatiguée de Silius cherchait à se cacher dans le sein de Messaline, un des amis du nouvel époux, le brillant Vectius Valens, voulant arracher encore quelques grappes aux treilles à moitié dépouillées monta jusqu'au haut d'un grand orme tout festonné de vignes, et de là, comme il découvrait la campagne et qu'il promenait vaguement autour de l'horizon ses yeux alourdis par l'ivresse : Que vois-tu ? lui cria-t-on d'en bas. — Un orage qui vient d'Ostie ! C'était mieux qu'un orage, c'était la vengeance de l'empereur qui s'approchait pour punir. Ce nuage que voyait Vectius Valens, c'était la poussière que faisaient voler les chevaux de l'escorte impériale. De toutes parts arrivent auprès de Messaline des messagers, envoyés sans doute par les conjurés, qui lui annoncent que l'empereur sait tout, qu'il arrive prêt à se venger, et que les troupes prétoriennes sont consignées dans leurs cantonnements. Aussitôt tout l'entourage de l'impératrice se disperse ; Silius lui-même la quitte pour aller au Forum, espérant que la dignité consulaire pourra lui servir de sauvegarde. Messaline sort de ce Palatin qu'elle vient de souiller et cherche un refuge aux jardins de Lucullus ; à ce moment elle songe à ses enfants : Britannicus et Octavie iront demander sa grâce à leur père, Vibidie, la plus âgée des vestales, consent à les accompagner et à intercéder pour elle ; et si elle-même allait au-devant de Claude : elle le connaît, il est humain, il est faible devant les prières, si elle peut lui parler, elle sera sauvée. Et presque seule, suivie seulement de trois personnes, elle se décide à quitter les jardins de Lucullus et à se rendre au-devant de l'empereur ; elle traverse Rome, devant elle les passants s'enfuient, à son approche les maisons se ferment, elle prend la route d'Ostie, et, épuisée, haletante, elle se trouve heureuse de rencontrer sur son chemin un tombereau d'immondices où on lui permet de prendre place. Claude cependant avait quitté précipitamment Ostie : Narcisse, à la nouvelle de l'effroyable scandale que Messaline donnait à Rome, Narcisse s'était dévoué : il aimait réellement trop son maître pour ne pas lui ouvrir enfin les yeux. Il gagna deux femmes de la suite de Claude, Calpurnie et Cléopâtre, qui consentirent à lui annoncer que l'impératrice venait d'épouser un autre homme. Lui-même il confirma cette incroyable nouvelle, il demanda pardon à l'empereur de lui avoir caché le passé, les Titius, les Valens, les Plautius ; il lui raconta en quelques mots la vie de Messaline et il termina en lui disant : Sais-tu, César, que tu es répudié, Silius a eu pour témoins de son mariage le peuple, le sénat, l'armée ; si tu tardes, Rome est à lui. Puis il en appela au témoignage de Lucius Geta, préfet du prétoire, accouru de Rome après avoir assisté à la cérémonie sacrilège. Claude resta comme anéanti : Est-ce donc Silius qui est l'empereur, demandait-il, et moi que suis-je ? Il veut retourner au Palatin, aller faire prendre les armes à ces prétoriens qui l'avaient nommé empereur, car il pensait bien que ce mariage ne devait être que le prélude d'une révolution. Narcisse le confirmait dans cette idée, voulant lui enlever ainsi tout ce qui pouvait lui rester d'affection pour Messaline ; il le savait bon, crédule, et il craignait encore que l'impératrice désavouant ses crimes, les niant avec énergie, ne reprît tout son empire. Pour ne pas perdre Claude de vue pendant un seul instant, il se fit donner pour ce jour-là le commandement des gardes et une place dans la voiture impériale. Vitellius et C. Largus y montèrent avec lui pour tenir compagnie à l'empereur, mais ils n'osaient rien dire, ni pour, ni contre Messaline, et ils se contentaient de pousser quelques exclamations de surprise et d'étonnement. Le cortège impérial approchait de la ville, Claude plongé dans la stupeur restait par moments sans rien dire, la tête cachée dans ses mains ; puis tout à coup il se mettait à parler fiévreusement : tantôt il s'attendrissait au souvenir de leur union ; Messaline avait été la compagne des mauvais jours ; dans les premiers temps de leur carrière commune, elle l'avait aidé à franchir la rude montée du malheur, et c'était maintenant, maintenant qu'il l'avait faite impératrice, souveraine, presque déesse, qu'elle le trompait si abominablement. C'était elle qui le répudiait, lui, l'empereur. A ce moment l'escorte de Claude s'arrête brusquement, et l'impératrice apparaît belle, plus belle que jamais, belle de la peur de mourir ? elle veut percer la ligne de gardes qui entoure la voiture impériale, elle veut écarter les soldats, elle veut qu'on la voie, du moins qu'on l'entende, et elle parle, elle supplie, elle devient éloquente ; ses deux jeunes enfants sont auprès d'elle pleurant et tendant leurs mains vers leur père, la vestale Vibidie implore la clémence de l'empereur : Claude va s'attendrir, mais à tous ces pleurs, à toutes ces supplications, Narcisse répond par un seul mot : Silius ! Puis il promet à Vibidie que l'empereur écoutera plus tard la défense de sa femme, il ordonne à l'escorte de reprendre sa marche interrompue et l'empereur continue sa route sans voir, sans parler, sans entendre. Messaline resta là plongée dans le désespoir ; on ne l'arrêtait cependant pas, l'empereur n'ayant donné aucun ordre à son égard ; mais partout déjà on saisissait les complices de ses adultères. Epouvantée, ne sachant que devenir, elle va machinalement chercher un refuge dans les jardins de Lucullus ; elle y trouve sa mère Lépida, qui, brouillée avec elle alors qu'elle était puissante, revenait l'aider dans sa détresse. Claude avait été entraîné par Narcisse à la maison de Silius ; l'affranchi lui montra les plus beaux meubles du palais, des joyaux héréditaires dans la famille des Claudius que Messaline y avait fait porter, et aussi, parait-il, des emblèmes séditieux, nouvelle preuve que ce mariage devait se rattacher à quelque conspiration restée inconnue. L'empereur avait ensuite traversé le palais, tout souillé encore des restes de l'orgie ; les jardins étaient tels que Messaline les avait quittés ; tout ce qu'il vit l'irrita encore plus : accompagné de Narcisse, il se rendit au camp des prétoriens qui l'accueillirent en demandant à grands cris la mort des coupables. Claude leur adressa une courte harangue et ordonna l'arrestation de Silius et de ses complices, de ceux du moins que Narcisse n'avait pas déjà fait saisir. Silius, Titius Proculus, Vectius Valens sont les premiers traînés au supplice ; bientôt Traulus Montanus, Calpurnianus, le commandant des Vigiles, le sénateur Virgilianus, le mime Mnester eurent le même sort. En vain le pauvre acteur disait pour sa défense qu'on regardât les traces des verges dont Messaline l'avait fait frapper, que les autres avaient été séduits par l'intérêt ou par l'ambition, mais que lui n'avait fait que céder à la contrainte, qu'enfin il aurait probablement été le premier à périr si Silius fût parvenu au pouvoir. Claude, dit Tacite, poussé par son caractère clément, pensait à lui pardonner, mais ses affranchis s'y opposèrent, et Mnester dut mourir comme les autres amants de Messaline. Réfugiée, ainsi que nous l'avons dit, dans les jardins de Lucullus, l'impératrice ne voulait pas perdre tout espoir ; fiévreusement elle écrivait des suppliques aux vestales, aux pontifes, aux sénateurs, à cet époux même qu'elle avait tant outragé ; elle suppliait, elle se faisait humble et repentante, et puis subitement passant à la fureur, elle ordonnait, elle commandait. Son agitation s'exhalait en folles paroles ; elle voulait qu'on l'écoutât, qu'on lui obéit ; elle se croyait encore l'épouse révérée de l'empereur, oubliant qu'elle n'était plus que la complice du condamné Silius. Narcisse d'ailleurs la faisait surveiller ; quelques affranchis, quelques centurions dévoués entouraient les jardins : aucune supplique ne parvint à son adresse ; elle voulut sortir, on l'en empêcha ; elle demanda à voir ses amis, personne ne vint ; elle était dans cette immense ville aussi isolée qu'au fond d'un désert. Chacun s'était éloigné de ces jardins qui renfermaient la maudite, comme s'il eût craint d'être blessé par les éclats de la foudre qu'on s'attendait à voir tomber sur cette tête, vouée désormais aux divinités vengeresses. Et cependant peut-être aurait-elle échappé au juste châtiment de ses crimes sans toutes les précautions que Narcisse eut le soin de prendre. Claude .n'avait pas encore ordonné le supplice ; il s'était un peu calmé ; fatigué de toute cette journée de mouvement et d'inquiétude, il s'était mis à souper en compagnie de Narcisse et de quelques-uns des familiers de la cour impériale. Un peu d'apaisement était revenu dans son âme ; au lieu d'ordonner immédiatement, comme on s'y attendait, la mort de Messaline, il se contenta de dire qu'on allât avertir la malheureuse d'avoir à préparer sa défense pour le lendemain. Narcisse comprit que Claude s'attendrissait déjà, que s'il revoyait l'impératrice, il croirait à ses protestations ou pardonnerait à son repentir ; alors il voit qu'il n'y a plus à hésiter, il se précipite hors de la salle où soupait Claude ; un tribun et quelques soldats veillaient dans l'atrium du palais, il court à eux : Faites-la mourir, s'écrie-t-il, c'est l'ordre de l'empereur ! Les soldats ont compris, ils partent aussitôt, accompagnés d'Evodus, affranchi, comme Narcisse et de plus son ami, et bientôt ils arrivent aux jardins de Lucullus. Depuis quelques instants Messaline était en proie à un profond abattement, elle était étendue sur le gazon, sans mouvement, terrassée par toutes ces horribles émotions et aussi par ces pressentiments auxquels les êtres humains de l'antiquité semblent avoir été plus sensibles que ceux d'aujourd'hui. Lépida, sa mère, se tenait debout auprès d'elle ; elle semblait oublier en présence de ces angoisses douloureuses que c'était à sa fille qu'elle devait la perte de son mari : en vraie matrone romaine, elle l'exhortait à mettre fin à ses jours, à ne pas attendre le meurtrier, à se frapper librement, maîtresse encore de son bras et de sa personne : Sa vie, lui disait-elle, était chose terminée ; il ne lui restait plus qu'à chercher une mort honorable. Mais ces conseils, qui se seraient mieux adressés à Cornélie qu'à Messaline, n'étaient pas écoutés ; Messaline ne voulait qu'une chose : vivre ; sa vie de débauche lui avait fait perdre jusqu'à cette grandeur, cette férocité romaine qu'on retrouvait encore même chez les plus vils citoyens : elle ne sut même pas bien mourir, la dernière chose cependant que désapprirent les Romains ! Elle était donc étendue, sourde à tous les conseils que sa mère lui donnait : elle pleurait silencieusement ; tout à coup on entendit un bruit de portes forcées ; sous l'obscurité des bosquets Lépida vit reluire des torches, des pas s'approchèrent, un groupe d'hommes arriva impétueusement jusque devant les deux femmes et là s'arrêta brusquement. C'étaient les émissaires de Narcisse : le tribun va droit à Messaline, il lui montre sans mot dire son épée nue. Alors voyant que c'était bien fini, et qu'il fallait mourir, l'épouse adultère saisit un poignard que lui tendait sa mère, elle le leva, elle fit le geste de se frapper et ne se frappa point : l'affranchi Evodus, cruel comme un esclave, se mit à la railler ; le tribun eut pitié d'elle, et, brusquement, sans la prévenir, comme pour la dérober aux insultes de cet esclave échappé, il lui enfonça son glaive dans la gorge. Elle tomba morte entre les bras de sa mère. Ainsi finit Messaline : le ciel ne permit pas qu'après avoir si mal vécu elle eût le triste honneur de bien finir. Claude méritait une autre épouse ; tout ce qu'il y eut de mal dans cette première partie de son règne fut l'ouvrage de cette femme ; il ne doit pas en être plus responsable aux yeux de l'histoire que ne l'est Marc-Aurèle des crimes de son épouse Faustine, la digne rivale de Messaline. L'empereur était encore à table quand Narcisse vint lui apprendre la mort de Messaline, sans lui dire si cette mort avait été volontaire ou forcée ; Claude resta impassible, et ne demanda aucun détail ; sans doute préférait-il rester dans le doute à cet égard ; le repas s'acheva silencieusement. La nuit, par les soins de Narcisse, toutes les statues, toutes les images de l'impératrice disparurent du Palatin ; le sénat suivant cet exemple ordonna d'effacer son nom de tous les monuments et de tous les actes publics, comme si chacun voulait aider Claude à oublier son indigne compagne ; à peine dans le peuple osait-on en parler, et bientôt de la coupable impératrice il ne resta plus qu'un vague et mystérieux souvenir de crimes et d'expiation ! |
[1] Tacite, Annales, l. XI, §§ 12 et suivants. — Aurelius Victor, V. — Dion Cassius, l. 60. — Sénèque, Lud. — Suétone, Claude. — C. Merivale, The Romans under the empire, t. V.