Tout l'ensemble des opérations de Cassius en Orient prouve qu'il y exerçait un commandement plus important que la légation de Syrie, quoique cette province fût déjà une des plus considérables dans la hiérarchie des légations consulaires. Dès que Pompée eut réduit la Syrie sous la domination romaine, dit à ce propos M. Borghesi dans son savant mémoire sur le consul Burbuleius (p. 58), cette province fut considérée comme la principale de la république, tant à cause de ses richesses que de sa position qui en faisait le boulevard de l'empire contre les Parthes, ses plus redoutables ennemis. Auguste la conserva lorsqu'il partagea l'administration des provinces avec le sénat, et elle fut toujours confiée à un personnage ayant déjà exercé le consulat : encore fallait-il qu'il eût donné dans d'autres gouvernements des preuves de son habileté, ce qui fait que Tacite l'appelle provinciam majoribus reservatam (Agricola, 40). Agrandie plus tard par la réunion de la Judée, de la Commagène et d'autres petites principautés, elle continua longtemps à dépendre d'un seul gouverneur ; mais Néron, après la révolte des Juifs, en détacha la Judée, à laquelle il nomma un gouverneur particulier en la personne de Vespasien. Les successeurs de ce général destiné à l'empire : Tibérianus, Lusius Quiétus, Martius Turbon, Tinéius Rufus, Flavius Boétus, s'intitulèrent légats de Palestine, ou de la Syrie Palestine, ainsi que nous le voyons pour C. Julius Sévérus dans une inscription grecque d'Ancyre (Murat., 332, 1), tandis que les gouverneurs de la grande province continuèrent à. s'intituler simplement légats de Syrie. Il faut faire attention à cette différence pour ne pas se trouver dans l'embarras de placer deux légats à la fois dans la même province, ou se rendre compte de l'existence de légats n'étant pas consulaires. Adrien, irrité de la turbulence des habitants d'Antioche, voulut séparer la Phénicie de la grande Syrie : Ne tot civitatum metropolis Antiochia diceretur (Spart., Adr., c. 4) ; mais Tillemont a prouvé (note 23 sur Adrien) qu'il ne mit pas son projet à exécution, et qu'à l'époque où Ptolémée écrivait sa géographie, c'est-à-dire sous Antonin, il n'y avait encore dans toute cette région que deux provinces, la Syrie et la Palestine. Avec le règne de Marc-Aurèle et la guerre parthique, le gouvernement de la Syrie, loin d'être divisé, vit réunir à sa circonscription la Judée d'abord, et même d'autres provinces. Il s'agissait de concentrer entre les mains d'un chef habile des forces militaires suffisantes pour prévenir toute attaque que les Parthes auraient pu tenter, dans l'espoir de rétablir leur puissance déchue. Dion Cassius va jusqu'à dire qu'on donna à Avidius Cassius le commandement de toute l'Asie (I. LXXI, c. 3), ce qui ne saurait être, puisque nous savons qu'à l'époque où il gouvernait la Syrie, Martius Verus était légat de la Cappadoce, province dans laquelle il avait succédé à Statius Priscus. On ne saurait même entendre par Asie, dans le texte de Dion, la province qui portait ce nom, puisque Aristide (Oration.) prouve que vers la même époque plusieurs proconsuls s'y étaient succédé. On comprendra parfaitement au contraire que Dion ait voulu désigner ainsi tout le pays que les Romains appelaient, d'une manière générale, l'Orient ; c'est-à-dire les vastes régions situées entre l'Euphrate, la chaîne du Taurus et l'Égypte, telles qu'Ammien Marcellin les décrit au huitième chapitre de son quatorzième livre : Orientis vero limes in longum protentus et rectum, ab Euphratis fluminis ripis adusque supercilia porrigitur Nili, læva saracenis conterminans gentibus, dextra pelagi fragoribus patens. En effet, si le gouvernement d'Avidius Cassius n'avait pas confiné avec l'Égypte et ne s'était étendu en un certain point sur ce pays, si ce général n'avait eu sous sa juridiction la Palestine, qui séparait les deux contrées, il n'aurait pu réprimer la sédition des Bucoles. L'action du gouverneur de la Syrie jusqu'à l'embouchure pélusiaque du Nil est encore prouvée plus tard, par un passage de Spartien où, parlant de la sévérité de Pescennius Niger, légat de Syrie, il lui fait dire à ses soldats : Eh quoi ! vous avez le Nil, et vous demandez du vin ? (Pesc. Niger, c. 7.) L'inscription trouvée en Palestine et consacrée par un tribun de la troisième légion gallica (Bœck, Corpus Inscr. gr., n° 4544) aux empereurs Marc-Aurèle et Verus, sous le gouvernement d'un légat dont le nom a été effacé, ne peut se rapporter, ainsi que l'a supposé M. Cavedoni (Ann. dell' Inst. arch., 1847, 168), qu'à la légation d'Avidius Cassius. Après sa révolte et sa mort, son nom aura été rayé des monuments où il avait été gravé. |