ESSAI SUR MARC-AURÈLE D'APRÈS LES MONUMENTS ÉPIGRAPHIQUES

 

NOTE 12.

 

 

On peut résumer ainsi la composition de l'armée romaine à l'époque de Marc-Aurèle : des corps d'élite formaient la garde impériale sous le nom de cohortes prétoriennes, recrutées le plus souvent dans les légions, et d'Equites singulares qu'on choisissait en général dans les rangs de la cavalerie auxiliaire (voyez Henzen, Sugli equiti singulari, Ann. de l'Inst. arch., 1850, p. 1 et suiv.) : à ces corps d'élite on peut juin Ire les cohortes urbaines et les vigiles, formant une espèce de garde municipale plus particulièrement destinée au maintien de l'ordre et aux mesures de police dans Rome. Le corps de l'armée était composé de trente légions, dont nous venons de voir la plus grande partie prendre part à la guerre d'Orient et aux longues campagnes qui retinrent pendant dix ans Marc-Aurèle sur les frontières du Nord. Trois légions défendaient alors la Bretagne, qu'elles ne paraissent pas avoir quittée pendant tout le siècle des Antonins : la seconde légion Augusta, la sixième légion Victrix, et la vingtième légion Valeria victrix. La troisième légion Augusta tenait à la même époque garnison dans la Numidie, la deuxième Trajan, en Égypte, la septième Gemina, en Espagne. Quant à la troisième division de l'armée romaine, composée des troupes auxiliaires, les inscriptions nous ont fourni presque tout ce que nous savons sur elles, et par conséquent ces documents authentiques mais concis ne nous donnent pas de développements sur la constitution, l'organisation ou le recrutement de cette partie essentielle des forces de l'empire. Nous savons que, pendant la période républicaine, on donnait le nom d'auxiliaires aux troupes fournies par les rois ou les peuples alliés, tandis qu'on appela du même nom, sous les empereurs, tout corps en dehors des légions qui stationnait dans les provinces, qu'il fût composé d'étrangers, peregrini, ou pris parmi les populations qui avaient obtenu le droit de cité romaine. Ces cohortes levées, soit en Italie, soit dans les provinces impériales ou sénatoriales, avaient, selon leur origine, les armes et la discipline des Romains, ou les armes particulières à la contrée dont elles étaient originaires. De là, des sagittarii, des scutati, des contarii, des catafracti, des funditores, etc. Composées de cinq cents hommes, quingenariæ, ou de mille, miliariæ, les cohortes auxiliaires ne comptaient que des fantassins et s'appelaient alors peditatæ, ou avaient un certain nombre de cavaliers et se distinguaient par le nom d'equitatæ. Les corps composés uniquement de cavalerie portaient le nom d'alæ. Distingués par noms ethniques et par numéros d'ordre, tels que cohors I Thracum, II Ligurum, III Nerviorum, IV Rætorum, etc., les cohortes ou les alæ auxiliaires portaient encore quelquefois un surnom qui paraît avoir désigné souvent le légat de la province auquel le corps devait son organisation (voyez Henzen, Diplomi militari degl' imperatori Trajano ed Antonino, p. 8 et 9), puis certains titres honorifiques, tels qu'Augusta, Vitrix, Pia, Fidelis. Nous avons recueilli en Angleterre plusieurs inscriptions où des alæ prennent le surnom d'Augusta en récompense du courage dont elles ont fait preuve : ALA AVGusta OB VIRTVTem APPELLATA (voyez Lysons, Magn. Britan., vol. IV, p. CL.). Le commandant d'une cohorte auxiliaire porte ordinairement le titre de præfectus. On rencontre cependant quelques cohortes auxiliaires qui, au lieu d'avoir à leur tête des præfecti, ont des tribuns, comme les cohortes prétoriennes. M. Grotefend a cherché la cause de cette apparente anomalie, et a cru reconnaître que le tribun commandait les cohortes lorsque ces cohortes étaient miliariæ. M. Henzen a combattu cette opinion comme trop absolue : ce qu'on peut conclure de l'examen des monuments épigraphiques, selon lui, c'est que le plus souvent le nom de tribun se trouve accolé comme officier commandant à des cohortes auxiliaires composées de mille hommes ou portant le chiffre 1, quand il y avait plusieurs cohortes du même nom désignées par des numéros d'ordre (voyez Henzen, Ann., 1858, p. 17 et suiv.). Le præfectus cohortis arrivait le plus souvent à cette position après avoir passé par le grade de primipile d'une légion. L'avancement le portait du grade de préfet d'une cohorte auxiliaire au tribunat d'une légion, d'où il pouvait passer au commandement d'un corps de cavalerie comme præfectus equitum d'une ala, grade le plus élevé que pût atteindre dans la carrière des armes quiconque n'avait pas le rang de sénateur.