ESSAI SUR MARC-AURÈLE D'APRÈS LES MONUMENTS ÉPIGRAPHIQUES

 

NOTE 7.

 

 

Imp. Cæs. M. Aurelius. Antoninus. Aug. Pont. max. Trib. pot. XV. cos. III.... a. D. PR. NON. MAI... CELSO. PLANCIANO... avIDIO CASSIO COS. (Cardinali, Diplomi imperiati, tab. XXI, et p. 232-233, cf. Borghesi, Iscrizioni di Sepino, p. 37). On sait que les consuls restaient en charge toute l'année tant que dura la république. C'est vers l'année de Rome 753, la première de notre ère, ou du moins de 750 à 755, que commença l'habitude régulière des consules suffecti, ou consuls substitués succédant, au bout de six mois, aux consuls ordinaires. Si l'on trouve encore, dans les premières années postérieures à 755, quelques consuls ayant conservé les faisceaux pendant l'année entière, cette faveur est accordée en général à des membres de la famille impériale ou à des personnages alliés à cette famille. Ainsi, par exemple, M. Æmilius Lepidus, resté consul pendant toute l'année 759, tandis que son collègue L. Arruntius était remplacé par L. Nonius Asprenas aux calendes de juillet, se trouvait allié de très-près à Scribonia, femme d'Auguste, en même temps qu'il était frère de L. Paulus, mari de Julie, et par conséquent il tenait par un double lien à la famille des Césars. L'année suivante, en 760, on voit encore rester en place toute l'année Q. Cæcilius Créticus Metellus, alors que son collègue A. Licinius Nerva Silianus est remplacé, pour le second semestre, par Longus (voyez le kalend. amit. au mois d'août) : mais Metellus était consocer de Germanicus. Enfin Germanicus lui-même, en 765, ne sort point du consulat aux calendes de juillet. Il en est de même, en 767, de Sextus Apuléius et de Sextus Pompée, tous deux parents d'Auguste d'après le témoignage de Dion Cassius (l. LVI, c. 29), et dans l'année suivante, 768, c'est Drusus, fils de Tibère, qui conserve aussi le consulat jusqu'aux calendes de janvier de l'année 769. Ces exceptions n'infirment donc en rien la règle adoptée par Auguste pendant les douze dernières années de son règne, règle qui ne donnait plus au consulat que six mois de durée. Tibère troubla quelquefois cet ordre, mais seulement dans les années où il exerçait lui-même le consulat. Considérant que cette magistrature lui appartenait alors pour toute l'année, il se croyait le droit de nommer à sa place, pour un mois ou deux, ou même pour quinze jours, des personnes de son choix qu'il voulait ainsi favoriser. Le fragment des fastes trouvé à Porto d'Anzio (voyez Henzen, 3e vol. d'Orelli, n° 6442) a prouvé ces anomalies. A part de tels caprices de prince, la marche régulière continue à être de deux collèges consulaires par année, et Suétone nous dit que Néron l'a presque toujours observée : Consulatum in senos plerumque menses dedit (Vie de Néron, c. 15) ; assertion confirmée par l'étude des monuments épigraphiques de l'époque. Dès l'avènement de Galba, on trouve un changement dans la distribution du consulat, et un passage de Tacite semble indiquer pour l'année même de la guerre civile (de J.-C. 69, de Rome, 882) trois collèges de consuls désignés : les consuls ordinaires étaient Galba et Vinius. Entrés en place aux calendes de janvier, ils sont massacrés le 15 du même mois ; Othon et son frère se substituent à leur place : Mais, ajoute Tacite, Othon ne garda le consulat pour son frère et pour lui-même que jusqu'aux calendes de mars. Afin de donner quelque satisfaction à l'armée de Germanie, il destina les deux mois suivants à Virginius et lui adjoignit Pompéius Vopiscus. Les autres consulats restèrent à ceux que Galba et Néron avaient désignés. Les deux Sabinus, Cœlius et Flavius, furent consuls aux calendes de juillet : Arrius Antoninus et Marius Celsus aux calendes de septembre. Vitellins même, après sa victoire, les laissa jouir de cet honneur (Hist., I, 77). Il parait en effet résulter du texte de Tacite que l'année avait été d'abord distribuée entre Galba et Vinius, consuls ordinaires entrés en charge le 1er janvier, Cœlius et Flavius qui devaient leur succéder en mai, puis Arrius Antoninus et Marius Celsus désignés pour les quatre derniers mois de l'année à partir des calendes de septembre. Othon et son frère, après le changement de gouvernement, n'auraient fait que disposer à leur profit de ce qui restait de temps à écouler pour la magistrature de Galba et de Minus, puis accorder à Virginius et à Vopiscus, pour récompenser leurs services, les deux premiers mois destinés à Cœlius et Flavius : le consulat, dès lors, aurait été quadrimestriel. Cependant M. Borghesi, dont les grands travaux, encore inédits pour la plupart, éclairent d'un jour, si nouveau l'histoire des fastes consulaires pendant la période impériale, a été amené à supposer que seulement sous Titus et Domitien que ce partage régulier des douze mois de l'année entre trois collèges de consuls, demeurant chacun en charge quatre mois, était devenu régulier. Sous Vespasien, le consulat ordinaire serait encore resté semestriel, et les deux collèges de consuls substitués se seraient partagé les six derniers mois de l'année (voyez Borghesi dans une dissertation de Minervini, Sull' epigrafe di Tafia Casta, p. 26). Quoi qu'il en soit, et à partir du règne de Vespasien, sous Titus, Domitien, Nerva, Trajan, Adrien, l'épigraphie nous apprend que la charge des consuls était d'une durée de quatre mois ; les consuls ordinaires entrant en charge, selon l'usage, aux calendes de janvier, le second couple aux calendes de mai, et le troisième aux calendes de septembre. Sous Antonin, sans pouvoir précisément déterminer l'époque, l'exercice du consulat devint trimestriel, et au lieu de six consuls il y en eut huit par an. C'est ainsi que nous trouvons cette magistrature établie pendant tout le règne de Marc-Aurèle. A partir de Commode, qui nomma jusqu'à vingt-cinq consuls dans la même année, il ne faut plus espérer d'être guidé par des règles fixes dans les recherches relatives aux fastes consulaires. On peut donc dire que c'est jusqu'à la fin du règne de Marc-Aurèle seulement que dura à Rome l'ordre régulier des charges. Nous devons encore faire observer que, quand les empereurs acceptaient le consulat, ils le gardaient rarement jusqu'au terme légal, et le cédaient, le plus ordinairement, après un ou deux mois d'exercice, à quelque ami ou à quelque personnage dont les services pourraient être utiles à l'État dans un rang plus élevé que celui qu'il avait occupé jusqu'alors. Telle fut sans doute la cause qui détermina Marc-Aurèle à se substituer Avidius Cassius, chef militaire dont les talents et l'expérience, au début de la guerre des Parthes, allaient être utiles aux armées qu'il ne pouvait commander en chef que comme consulaire. Ce renoncement des empereurs à la dignité de consul eut lieu, quelquefois, peu de jours après leur entrée en charge. Suétone nous l'apprend pour Tibère (Vie de Tibère, c. 26), et son assertion nous est confirmée par le fragment des fastes trouvé à Porto d'Anzio (Henzen, 3e vol. d'Orel., 6442). Les fastes d'Ostie nous apprennent encore que Domitien avait cédé son seizième consulat à Vénuléius Apronianus dès les ides de janvier de l'an de Rome 885 (voyez Fea, Fasti, p. XLIV, n° 19), et je possède une tessère gladiatoriale récemment découverte où on lit : MAXIMVS || VALERI || SP. ID. IAN || T.CÆS.AVG.F. III. ÆLIAN.II. C'est-à-dire : Le gladiateur Maximus, appartenant à Valérius, a combattu dans un spectacle public aux ides de janvier sous le consulat de Titus Cæsar, fils de l'empereur, consul pour la troisième fois, et d'Ælianus, consul pour la seconde. Or la date du troisième consulat de Titus est parfaitement connue : elle répond à l'année 827 de la fondation de Rome, soixante-quatorzième de notre ère. Les deux consuls ordinaires avaient été, pour cette année, Vespasien pour la cinquième fois et son fils Titus pour la troisième ; notre tessère nous apprend donc que, dès les ides de janvier, Vespasien avait renoncé au consulat en faveur de Ti. Plautius Silvanus Ælianus auquel d'importants services, décrits dans la longue inscription qu'on lit encore sur le mausolée des Plautius au Ponte Lucano, près Tivoli (voyez Orelli, n° 750), méritèrent cette faveur. Il va sans dire que, quand les empereurs exerçaient le consulat, ils n'acceptaient que celui qui ouvrait l'année, le consulat ordinaire ; il était le plus honorable. Nous en avons la preuve dans un passage de Sénèque (De Ira, c. 31) où il nous dit, pour peindre les ambitieux de son époque, qui, comme ceux de toutes les époques, ne sont jamais satisfaits de ce qu'ils obtiennent tant qu'ils peuvent obtenir davantage : Tanta tamen importunitas hominum est ut quamvis multum acceperint, injuriæ loco sit plus accipere potuisse. Dedit mihi præturam ; sed consulatum speraveram ! dedit duodecim fasces ; sed non fecit ordinarium consulem ! Que les consulats fussent ordinaires ou substitués, du reste, on ne rencontre jamais sur les inscriptions l'épithète de suffectus ajoutée au titre de consul. A quelque époque de l'année que les membres de cette suprême magistrature aient reçu l'honneur des faisceaux, pendant longtemps ils s'appelèrent tous indistinctement consules sans y rien adjoindre. Cependant, avec le cours du temps, les consuls nommés aux calendes de janvier voulurent quelquefois indiquer la supériorité qu'ils se croyaient sur les autres, puisque leur consulat qui ouvrait l'année servait le plus souvent à dater les actes de l'année entière, et, qu'à l'exception d'un petit nombre de monuments — comme par exemple les diplômes militaires ou les tessères gladiatoriales qui dataient d'après les consuls actuellement en charge —, les noms des consuls éponymes apparaissaient pendant tout le cours des douze mois. En conséquence, on trouve des monuments où ils se distinguent de leurs collègues moins favorisés en s'intitulant consules ordinarii. Quant aux consules suffecti, ils ne consentirent jamais à enregistrer ce signe d'infériorité et s'intitulèrent, ainsi que les autres le faisaient le plus souvent, tout simplement consules. Il n'y a pas d'exemple plus ancien de l'épithète d'ordinarius, prise par les consuls éponymes, d'après Borghesi, que celui de Valerius Gratus Sabinianus qui fut consul ordinaire en l'an de Rome 974 (de J.-C. 221), sous le règne d'Héliogabale (voyez Inscrizione di Concordia, Ann. de l'Inst. arch., 1853, p. 200).