ESSAI SUR LA TOPOGRAPHIE DU LATIUM

PREMIÈRE PARTIE.

CHAPITRE II. — APERÇU DE LA GÉOGRAPHIE PHYSIQUE DE L’ANCIEN LATIUM.

 

 

S’il est vrai de dire qu’en général l’aspect et la nature du sol, les circonstances physiques, les fleuves et les montagnes, en un mot, la physionomie d’un pays ne varient pas, cela ne peut s’appliquer à certaines contrées de l’Italie, et la campagne romaine est du hombre. Le Tibre lui-même a ses ruines, dit Bonstetten ; le rivage de la mer Tyrrhénienne a changé de place, les cascades de l’Anio ne sont plus que des roches muettes et desséchées ; le lac de GABII, celui d’ARICIA ont disparu. Les révolutions physiques et l’industrie humaine ont transformé et défiguré ce pays. Ces considérations m’ont déterminé à donner un aperçu de la topographie physique du LATIUM. Mais cet aperçu sera nécessairement incomplet, parce qu’il reste encore beaucoup de recherches à faire avant qu’on arrive à connaître parfaitement la géographie du sol de l’ancienne Italie.

§ I. — GÉOLOGIE DU LATIUM.

En Italie, personne, avant M. Ponzi, ne s’était occupé sérieusement d’étudier les révolutions physiques, si intéressantes dans cette partie volcanique de la péninsule. On peut donc considérer le résultat des observations de l’unique géologue romain comme une des plus récentes découvertes de la science, puisque son ouvrage est à peine achevé et que le premier extrait important qu’il en ait donné date de 1850[1].

Le court exposé qui suit n’est qu’une analyse rapide d’une partie de son mémoire[2].

La ligne volcanique de l’Italie se manifeste par des cratères qui sillonnent la péninsule dans toute sa longueur. Cette ligne prend naissance dans les collines Euganéermes par des basaltes et des trachytes, se retrouve dans les États romains au nord de Viterbo, et se prolonge jusqu’à Rome avec des éruptions également trachytiques à travers lesquelles se montre une série de cratères ou isolés ou réunis en groupes. A partir de cette ville, la ligne continue d’exister sur le sol romain et se manifeste par les volcans du LATIUM et les cratères de Tichiena et de Pofi ; elle passe ensuite dans le royaume de Naples, forme les champs Phlégréens, la Somma, le Vésuve, les îles Éoliennes, réparait en Sicile pour former l’Etna, et se termine à l’île Pantellaria et à l’île Giulia qui sortit de la mer en 1831 et disparut quelque temps après.

En suivant cette zone volcanique, on voit qu’elle se porte entièrement, sauf à son extrémité supérieure, sur le versant méditerranéen, parallèlement à la chaîne de l’Apennin. Les volcans du LATIUM ne sont donc qu’une fraction d’un seul et même système qui se prolonge, au sud et au nord, dans toute la péninsule.

Les cratères des volcans latins sont formés par les monts ALBANI, TUSCULANI, VELITERNI, tous composés de matières plutoniques. Ce groupe de cratères offre, dans sa forme extérieure, une répétition du Vésuve, mais sur une échelle trois fois plus étendue. Il présente une grande enceinte en cône surbaissé, creusée dans l’intérieur par un très ample cratère échancré à l’ouest et qui contient dans son milieu un autre cône moins déprimé, portant un cratère central également échancré à l’ouest. Dans l’intérieur de celui-ci est un troisième cône déprimé, relié au bord oriental qui représente le cône d’éruption adventif.

Les collines tusculanes et veliternes font partie du grand cirque externe. Les plus élevées sont le Tusculano et l’Artemisio qui domine la ville de Velletri, bâtie au pied de son versant extérieur. Les monts qui résultent du cône interne sont les Albani, dont le plus élevé est le Monte Cavo, ainsi appelé de la cavité cratériforme qu’il contient, connue tous le nom de Campi di Annibale. La colline interne ou le cône adventif est le Monte del Vescovo.

Le fond du cratère central (Campi di Annibale) semble avoir été un lac, car il est rempli de dépôts lacustres formés des matières entraînées des versants circulaires et qui, après l’avoir comblé entièrement, firent couler les eaux par l’échancrure du côté de Rocca di Papa.

Plusieurs cratères parasites se groupent autour du cratère central : ce sont celui du lac Nemi, celui du lac Albano et celui de la Valle Riccia, ancien lac d’Aricie, aujourd’hui desséché, mais dont l’ancien emplacement est très reconnaissable. On y trouve en abondance des matières lacustres. M. Ponzi pense que ce dessèchement est dû au remplissage formé par les matières que transportèrent les eaux. Ce lac exista pendant toute la durée de la domination romaine. Quant à l’eau des deux autres lacs, elle n’a point d’émissions naturelles ; aussi leur en a-t-on donné d’artificielles dès le temps des Romains.

A l’ouest d’Albano, à côté d’un tertre nommé Monte Savelli, existe un autre cratère, le lac dit de Giuturna, desséché par Paul V. Le Monte Savelli représente les coulées des laves vomies par le cratère.

On observe d’autres bouches plus petites. Dans la vallée de Molara, au petit monticule dit Tartarughe, s’en trouve une assez importante, avec l’échancrure tournée vers l’ouest et présentant la forme d’un fer à cheval. Il s’en trouve une autre toute voisine.

Entre Frascati et les Camaldoli, sur le cône extérieur, on rencontre une cavité cratériforme d’où coulèrent des torrents de lave et d’où furent lancés des scories et des lapilli.

Au-dessous de Monte Porzio, on voit les restes d’un vaste cratère rempli d’un sédiment lacustre à présent desséché et appelé Pantano Secco, que le professeur Nibby a cru avoir été le LACUS REGILLUS ; mais M. Canina pense qu’il n’a jamais existé de lac en cet endroit aux époques historiques.

Près de la Colonna, à la base même du grand cône extérieur dont j’ai parlé plus haut, et à une distance assez éloignée du centre d’action volcanique, on observe sur la route de Valmontone une autre bouche contenant aujourd’hui le Laghetto della Colonna, entouré d’une quantité de torrents de lave.

M. Ponzi regarde comme démontré que les volcans apparurent en Italie à la fin de l’époque subapennine[3]. Mais, s’il est facile d’établir leur âge par rapport aux grandes formations géologiques, il n’en est pas de même relativement à leurs éruptions successives[4]. Cependant on peut affirmer que les éruptions des volcans Ciminiens dans tout le pays situé au nord du Tibre, aux environs de Viterbo, jusqu’à Acquapendente, furent entièrement sous-marines, et que les matières vomies se répandirent en couches horizontales et concordantes avec les sables subapennins. Toute la campagne comprise entre le Tibre, l’Anio, le Monte Rotondo et le Monte S. Angelo présente le même aspect et a la même origine. Il en est de même de la campagne romaine située au sud du Tibre et se déployant, dans toutes les directions, au pied du massif des monts Albains, jusqu’aux sommets qui dominent Palestrina et Monte Fortino à l’est et jusqu’aux marais Pontins au sud. Ainsi, dans toute la campagne romaine, au sud comme au nord du fleuve, en exceptant les monts Albains, le terrain d’alluvion du Tibre, quelques terres situées sur la rive droite du fleuve, vers le quatrième et le cinquième mille de la VIA PORTUENSIS, les environs d’Arzzo, et enfin une autre portion voisine du Vatican, on ne trouve que des lapilli et des scories qui ont fait éruption sous la mer.

Le lit du Tibre et celui de l’Anio, dans la plus grande largeur à laquelle ils soient jamais parvenus, sont formés de terrains alluviens, ainsi que la côte maritime depuis Palo au nord, et même un peu au delà, jusqu’à Anzo au sud. Tout le rivage de la mer Tyrrhénienne, à partir du douzième mille environ de la VIA OSTIENSIS en s’éloignant de Rome, a été formé successivement par les atterrissements du fleuve et les alluvions maritimes, de même que le Delta d’Égypte et les terres qui s’avancent à l’embouchure du Pô, terres qui, au VIe siècle, étaient sous-marines et dont une partie seulement formait, au rapport de Scylax, les îles ELECTRIDES. L’action du fleuve s’est fait sentir jusqu’à Anzo, ainsi que je l’ai dit, mais ce terrain d’alluvion diminue de largeur à mesure qu’on s’éloigne du Tibre et forme un triangle allongé dont l’angle aigu est à Anzo. Ces progrès de la terre sur la tuer sont sensibles, même pendant l’époque historique, puisque OSTIA, qui était sur la mer, en est aujourd’hui à deux milles et demi[5]. Je dois ajouter ici que la partie marécageuse de la côte qui avoisine le lac d’OSTIA provient d’anciens golfes au devant desquels les vagues de la mer ont formé des monticules de sable, ce qui a donné naissance à des étangs salés, dont une partie a été convertie en marais. La formation de ces étangs s’explique par le défaut de libre communication avec la mer et par les inondations plus fréquentes auxquelles le pays a été soumis par suite de l’allongement du cours du fleuve et de la diminution de sa pente. C’est ainsi, dit M. Baumgarten[6], que les marais de Castiglione, près Grossetto, étaient d’abord un golfe, puis un lac qui est cité par Cicéron sous le nom de PRILE : ce sont les eaux troubles de l’Ombrone, qui avaient alors leur débouché dans ce lac, qui l’ont transformé en marais. Les mêmes observations peuvent s’appliquer à toute la côte tyrrhénienne. C’est évidemment de la même manière que le lac ou l’étang salé d’OSTIA s’est formé.

J’insiste sur ce point parce que, jusqu’à présent, on a paru surtout tenir compte des atterrissements produits par l’action du fleuve. Or, d’après la simple inspection de la côte vers Ostia, on reconnaît que le lac était autrefois un petit golfe dont les eaux ont été d’abord séparées peu à peu de la mer par un barrage sous-marin. Avec le temps, ce barrage s’est transformé en une digue de sable. Le Tibre, comme l’Ombrone, a abandonné son ancien lit (fume morto), et a détourné son cours vers le nord-ouest. Mais l’action de l’ancien fleuve vers son embouchure, unie à l’action de la mer, a formé l’étang, les marais et les digues de sable que l’on remarque au sud d’Ostia. L’état présent résulte de cette double action ; il a été produit par deux influences contraires : celle de la mer et celle du Tibre.

Peut-être, dans la partie la plus éloignée de la mer, en suivant l’hypoténuse du triangle que j’ai indiqué plus haut, faut-il voir un sol diluvien, c’est-à-dire un sol qui présente des phénomènes analogues à ceux de l’époque post-diluvienne, mais dont les causes seraient distinctes et antérieures.

Les marais Pontins forment aussi un terrain alluvien, couvert par les eaux de la mer jusqu’à l’époque historique, puisque le Monte Circello, qui s’élève isolé à l’extrémité des marais, était file de Circé, non seulement dans les traditions religieuses et poétiques, mais dans les histoires[7].

Quant au massif des monts Albains, dont j’ai donné plus haut la description géologique d’après M. Ponzi, et qui forme le volcan du LATIUM, il est tout à fait atmosphérique et postérieur au retrait de la mer.

En ajoutant aux diverses conditions de sol que j’ai mentionnées plus haut : 1° quelques portions de terrain subapennin (tertiaire), sur lesquelles étaient situées Antium, et celles qui sont voisines du Vatican et de la quatrième borne de la VIA PORTUENSIS ; 2° les sommets de S. Angelo et de Monticelli, et les ramifications de l’Apennin vers Tivoli, Palestrina, Monte Fortino et Cori, qui sont formées de calcaires (terrain jurassique ou crétacé), l’on aura une indication complète de la nature géologique de l’ancien LATIUM.

RÉSUMÉ.

1° Terrain volcano-atmosphérique, représenté par les monts Albains ;

2° Terrain d’alluvion, représenté par la coite maritime, les lits du Tibre et de l’Anio, et les marais Pontins ;

30 Terrain volcanique sous-marin, représenté par le pays plat de la campagne romaine ;

4° Terrain subapennin (tertiaire), représenté par le territoire d’Anzo, celui qui est voisin du Vatican et celui de la VIA PORTUENSIS ;

5° Enfin, terrain calcaire (jurassique ou crétacé), vers S. Angelo, Tivoli, Palestrina et Monte Fortino.

§ II. — OROGRAPHIE[8].

Du côté de la Sabine, le LUCRETILIS (Monte Zappi ou Gennaro)[9] et le CATILLUS, qui domine Tivoli (Monti Peschiavatori)[10], n’appartiennent pas au LATIUM tel que je l’ai circonscrit.

Corniculi Montes.

Mais en deçà de la limite approximative que j’ai indiquée, se trouvent les MONTES CORNICULI mentionnés par Denys[11]. Presque tous les géographes ont cru retrouver ces hauteurs à Monticelli, à S. Angelo et à Cesi. Ce sont en effet les sommets les plus considérables de toute la contrée comprise entre le LUCRETILIS, l’Anio et le Tibre. Il faut lire le passage de Denys. D’après ce passage, il est évident que FICULEA ou FICULNEA se trouvait près des CORNICULI MONTES. FICULNEA était sur la VIA NOMENTANA, ainsi que le prouve un passage de Tite Live[12] cité plus haut. Les ruines voisines du Monte Gentile sont les restes de cette ancienne cité des Aborigènes. Or, les sommets de Monticelli, de S. Angelo et de Cosi sont à 5 ou 6 milles environ de cet endroit. Si ces montagnes eussent été les hauteurs de CORNICULUM, Denys n’eût pas déterminé par leur proximité avec FICULNEA la position de cette ville qui en est aussi éloignée que de l’Anio. Je crois donc avec Bormann[13] que les hauteurs du Tenimento di Marco Simone, à 11 milles de Rome, sont les CORNICULI MONTES, et que, par suite, CORNICULUM est vers Marco Simone Vecchio. Toutefois, Gell, Nibby et Canina comprennent sous le nom de CORNICULI MONTES les sommets de Monticelli. Ils ont suivi en cela Kircher et Volpi. Kircher se fonde sur ce que le sommet de Monticelli a l’aspect d’une corne, d’où vient l’étymologie du nom même de la ville. Outre que cette dénomination de Cornu, appliquée aux montagnes, n’est point usitée en latin comme l’est en allemand celle de Horn, ainsi que le remarque judicieusement Bormann, elle pourrait s’appliquer à tous les sommets de cette contrée avec autant de raison qu’à Monticelli. Volpi fait dériver CORNICULUM de CORNIX ; or, il a remarqué aux environs de Monticelli un grand nombre de corneilles. Restent deux prétendues preuves. D’abord on s’autorise d’une inscription trouvée à Monticelli et que voici :

SERVIO • TVLLIO •

EX • CORNICVLO •

ROMANORVM • REGI

NVMINI • MAIESTATIQVE • EIVS

DEVOTVS •

POPVLVS • CORNICVLVS •

Mais cette inscription est évidemment de la tin de l’Empire ; on peut même la considérer comme apocryphe ; d’ailleurs il ne serait pas étonnant qu’à l’époque d’Honorius on pût se tromper sur l’origine et sur l’emplacement d’une ville qui n’était guère connue que pour avoir donné naissance au roi Servius Tullius, dix siècles auparavant. Enfin l’on a voulu voir dans le petit endroit appelé Servitola, voisin de Monticelli, la villa dite de Servius Tullius. Je ne pense pas que cette opinion doive être l’objet d’une réfutation. Il n’existe donc sur ce point, à mes yeux, qu’un témoignage : c’est le texte de Denys, qu’on ne peut réfuter, et qui établit de la manière la plus péremptoire la proximité de FICULEA et de CORNICULUM. Tout ce que l’on peut accorder, c’est que, par extension, le nom de CORNICULI MONTES a pu s’appliquer à tous les sommets des environs de CORNICULUM, dans un rayon de huit à neuf milles. Monticelli, S. Angelo et Cesi pourraient ainsi se trouver compris sous cette dénomination générale, et, toutefois, le peu d’importance de CORNICULUM me ferait presque regretter d’avoir fait cette concession.

Crustumini Montes.

Les CRUSTUMINI MONTES, cités par Tite Live[14] à propos de l’ALLIA qui y prend sa source, sont déterminés par la position de CRUSTUMERIUM, fixée, comme je l’ai dit plus haut, à Marcigliana Vecchia, et par le cours de l’ALLIA, dont je parlerai plus bas.

Mons Sacer.

On sait aujourd’hui que le MONS SACER, appelé auparavant VELIA, est la petite colline qui touche à la rive droite de l’Anio, à l’angle formé par cette rivière et la VIA NOMENTANA, à l’est de cette dernière, près du PONS NOMENTANUS, qui a retenu son ancien nom : Ponte di Lamentana[15].

Les collines de Rome.

Je n’ai point à parler du QUIRINALIS, du PALATINUS, du CŒLIUS, de l’AVENTINUS, ni du JANICULUS, dont les noms et l’aspect n’ont pas changé. — On sait également que le Pincio Monte est l’ancienne colline dite COLLIS HORTULORUM, où se trouvaient les jardins de Salluste, vers la Villa Buoncompagni, et ceux de Lucullus, à la Villa Medici. — Le sommet du MONS CAPITOLINUS était composé de trois parties très distinctes. Aux deux extrémités du plateau de cette colline fameuse étaient, vers le Tibre, la Citadelle, et, en regard de l’Esquilin, le temple de Jupiter, dont l’emplacement est occupé aujourd’hui par le couvent des franciscains et par l’église d’Ara Celi. Entre ces deux extrémités, se trouvait un emplacement moins élevé que l’on appelait INTER-MONTIUM, et où l’on voit aujourd’hui la Piazza del Campidoglio, telle que Michel-Ange l’a faite. Quant à la ROCHE TARPÉIENNE, elle était située dans la portion de la colline qui avoisinait la forteresse, non pas, comme on l’a cru jusqu’à ces derniers temps, sur le versant qui regarde le CHAMP DE MARS ou le Tibre, mais bien sur celui qui domine le FORUM, dans la direction du FORUM BOARIUM. L’endroit même d’où l’on précipitait les condamnés a aujourd’hui une élévation à pic de 25 mètres environ. Il donne sur la cour d’une maison de la Piazza della Consolazione. Le faîte de la ROCHE TARPÉIENNE est occupé par un jardin attenant à l’Institut archéologique. — Sans parler de la colline factice du TESTACEUS (Testaccio Monte), —je dois dire un mot de la Colline des Candidats, qui s’élevait autrefois dans le CHAMP DE MARS. J’ai cru d’abord qu’on en pouvait reconnaître l’emplacement dans la pente à peine sensible que l’on remarque à la Piazza di Monte Citorio ; mais je m’incline devant l’autorité de Nibby[16], qui prétend que cette inégalité du sol, aux abords de la Curia Innocenziana, est artificielle et formée par les ruines de l’amphithéâtre de Statilius Taurus ; cependant c’est bien entre le Panthéon et le Mausolée d’Auguste, et à l’ouest de la VIA FLAMINIA, que se trouvait la Colline des Candidats.

Montes Albani.

Je n’ajouterai rien à ce que j’ai dit plus haut du massif des monts Albains, sinon que l’ALBANUS MONS proprement dit est le Monte Cavo, dont le sommet était couronné par le temple de JUPITER LATIALIS. — Les TUSCULANI COLLES sont les sommets qui dominent Frascati. — L’ALGIDUS MONS est à l’est et devait comprendre les sommets qui sont au nord et au sud de la VIA LATINA, vers le vingtième mille[17]. L’Artemisio a retenu le nom même de la déesse à laquelle il était consacré[18].

Marcius vel Mæcius Collis.

Il y avait, à 200 stades de Rome, d’après Diodore de Sicile[19], une colline désignée par cet historien et par Plutarque[20] sous le nom de MARCIUS COLLES. Cluvier[21] pense avec raison, selon moi, que c’est la même qui est appelée par Tite Live MÆCIUS COLLIS[22]. Mais nous allons voir que -cette orthographe n’est pas le résultat d’une erreur de copiste, comme le croit le géographe moderne. La proximité où se trouve cette colline de LANUvium est indiquée par l’historien latin, nec procul a Lanuvio ; mais je ne crois pas qu’on doive la chercher, comme le fait Cluvier, au delà de LANUVIUM (Città di Lavigna). On ne peut, en effet, signaler aucune colline importante au sud de cette ancienne ville. A mon sens, cette colline n’est autre chose que l’éminence où était placée CORIOLI ; ce serait donc le Monte Giove. Il est assez naturel de penser que Marcius, en empruntant à la ville qu’il avait enlevée aux Volsques son surnom de Coriolan, avait, en retour, laissé son propre nom à la colline sur laquelle cette ville était située, et que, par ce glorieux échange, les Romains s’étaient proposé à la fois d’immortaliser le souvenir de leur conquête et d’honorer dignement celui qui l’avait faite. Il est vrai que je ne retrouve pas exactement les 200 stades de Diodore, puisque CORIOLI est à la hauteur du dix-neuvième mille de la VIA APPIA et que le Monte Giove est à 2 milles environ de cette voie, ce qui ferait une distance de 21 milles depuis Rome jusqu’au MONS MARCIUS. Mais, en mesurant la distance directe (à vol d’oiseau) de Rome à CORIOLI, je ne trouve plus que 20 milles au lieu de 21, et, peut-être, Diodore comptait-il, comme Strabon, 10 stades au mille au lieu de 8. D’Anville a prouvé que cette mesure est suivie par le géographe grec pour ce qui concerne la campagne romaine[23].

Diodore, Plutarque et Tite Live auraient désigné, dans leurs récits, le MONS MARCIUS ou MÆCIUS plutôt que la ville de CORIOLI, parce que c’était au pied de la colline, et non aux portes mêmes de la ville, qu’était campée l’armée romaine.

Le nom de MARCIUS ou de MÆCIUS fut donné ensuite au camp lui-même et à la tribu MECIA. Voici ce qu’en rapporte Festus : Mæcia tribus a quodam castor sic appellata quod est in Latio juxta Lanuvium. L’appellation primitive de la colline était-elle MÆCIUS ou MARCIUS ? C’est là ce qui importe, puisque la tribu a pris son nom du camp, et le camp de la colline. Aucune famille du nom de MECIA n’a jamais exercé de magistrature sous la République. Ce nom est tout à fait ignoré. D’autre part, tout le monde connaît la campagne de Marcius Coriolan dans ce pays. Je conclus de ce qui précède que le nom primitif était MARCIUS MONS, MARCII CASTRA ; que, par corruption, le peuple de cette contrée aura changé le nom de MARCIUS en celui de MÆCIUS, et que cette altération subsista dans le nom donné à la tribu.

Montagnes de l’Est.

La ceinture physique du LATIUM est formée, du côté de l’est, par les sommets qui dominent Palestrina. Ce sont les montagnes des Èques. — Celles des Volsques commencent à Monte Fortino ; elles sont séparées du système des monts Albains par le val de Lugnano, et des montagnes des Èques par le Val Montone. Ces montagnes s’étendent, vers le sud, dans une direction presque parallèle à la mer, et se rattachent, à l’est, à la grande chaire de l’Apennin. — Le Monte Affliano est désigné sous le nom de MONS ÆFLIANUS, dans une inscription du temps de Domitien[24].

Collines du côté de la mer.

Du côté du rivage, dans le LATIUM, on distingue une suite de collines qui forment, avec le Tibre et la mer, un triangle allongé. Ce sont les collines de Decimo. Elles s’éloignent du Tibre en suivant la direction indiquée par le cours du Fiume di Decimo, passent par Ardea et viennent expirer près d’Anzo, en se rapprochant toujours de la côte. Elles marquent la limite antéhistorique de la mer après son premier retrait ; par conséquent, tout le sol qui s’étend à l’ouest de ces collines est un terrain d’alluvion.

§ III. — HYDROGRAPHIE.

Le Tibre, TIBERIS, autrefois ALBULA.

Les dernières remarques statistiques régulières et suivies qui nous permettent de connaître le régime de ce fleuve, ont été commencées en 1822. Les curieuses observations faites par M. Venturoli, de 1822 à 1844, et de 1845 à 1849 par M. Cavalieri, nous fournissent l’explication de la rareté des débordements du Tibre. Aucun fleuve ne présente de plus heureuses conditions. Les Romains considéraient comme un prodige la crue violente de ses ondes sacrées[25] ; c’était pour eux le fleuve bienfaisant, le fleuve nourricier, RUMNON ou RUMON. M. Baumgarten, ingénieur en chef des ponts et chaussées, chargé par le ministère des travaux publics d’une mission scientifique en Italie, a présenté récemment au gouvernement français son rapport inséré dans le tome V des Annales des ponts et chaussées[26]. Dans ce rapport, qui répand sur notre sujet des lumières nouvelles, le savant ingénieur compare les résultats des observations faites sur le Tibre avec les résultats de celles qu’il a faites lui-même sur la Garonne, dont les conditions sont excellentes. Toutefois la comparaison est à l’avantage du fleuve romain, qui se trouve dans une situation unique quant à la régularité de l’écoulement de ses eaux. Cette anomalie, dit M. Baumgarten[27], peut s’expliquer par la construction géologique du bassin du Tibre, qui est telle que la majeure partie de l’eau de pluie tombe immédiatement, par des fissures, dans de vastes réservoirs souterrains à l’abri de l’évaporation, d’où elle rentre dans le lit du Tibre ou de ses affluents sous forme de sources et presque sans pertes. Ce n’est d’ailleurs que par l’admission de ces réservoirs souterrains que l’on peut expliquer les nombreuses sources du bassin du Tibre, et cette régularité de son régime et de son débit ; car il résulte de l’inspection de courbes de la hauteur journalière des eaux au port de Ripetta, dans Rome, qu’il n’existe peut-être pas un seul fleuve qui présente la même régularité d’écoulement, et dont le débit à l’étiage soit aussi considérable eu égard à l’étendue de son bassin et à sa latitude. Ainsi la Garonne, avec un bassin plus de trois fois plus considérable, situé à 3 degrés plus au nord, et recevant à peu près la même hauteur de plaie annuellement, débite, à l’étiage, la moitié seulement des eaux que roule le Tibre, et, dans les crues, il en fournit trois ou quatre fois plus.

Le Tibre n’avait primitivement qu’une seule embouchure. L’INSULA SACRA est tout entière formée par les atterrissements du fleuve. Elle n’existait pas encore à l’époque de la fondation de Rome, d’après la conjecture de Canina[28]. L’Île Sacrée, telle qu’elle existe aujourd’hui, et dont l’étendue est de près de 4 milles de long sur 2 milles de large, serait l’œuvre continue de vingt-quatre siècles. Dans les premiers âges de Rome, le bras gauche du Tibre suivait une direction dont la trace est encore visible et qui affecte la forme d’une courbe vers le lac d’OSTIA et la moderne Ostia. Cet ancien fit du fleuve, entièrement desséché, est cependant très reconnaissable aujourd’hui et est désigné sous le nom de Fiume Morto. La courbe formée par le bras actuel du fleuve est beaucoup moins accusée.

L’emplacement de la moderne Ostia peut servir à déterminer quelle était la limite du rivage vers le VIIIe siècle avant Jésus-Christ. L’OSTIA d’Ancus Martius, fondée dans le cours du VIIe siècle, à l’embouchure du Tibre, comme son nom l’indique, et comme l’attestent Tite Live[29] et Florus[30], était située à ½ mille environ au-dessous de l’Ostia moderne. Elle s’étendit successivement dans la même direction, à mesure que la mer se retira et que les atterrissements s’accumulèrent vers les bouches du fleuve. C’est ainsi qu’au temps des empereurs la ville d’Ancus, suivant la marche des envahissements incessants du rivage, avait réellement changé de place. Les ruines que l’on voit aujourd’hui en cet endroit proviennent toutes de l’OSTIA des Césars. Or, celles de ces ruines qui sont le plus éloignées de Rome sont encore à 3 milles de l’embouchure actuelle. Ces 3 milles nous donnent donc la mesure du progrès de la terre pendant ces quinze derniers siècles. A partir des premiers siècles de Jésus-Christ, le bras gauche, qui est toujours le plus large, commença à s’ensabler et, à la fin dit n e siècle, cessa d’être navigable, ce qui entraîna la décadence d’OSTIA[31] et donna une importance toujours croissante au PORTUS CLAUDII ET TRAJANI, dont l’emplacement est parfaitement reconnaissable à Porto, un peu avant Fiumacino, sur le bras droit du fleuve. Le bras gauche étant complètement abandonné depuis quelques siècles, on suivit constamment celui du nord ; mais ce dernier commence à présenter aujourd’hui les mêmes obstacles produits par la même cause[32].

Affluents de gauche du Tibre.

L’Allia.

On lit dans Tite Live : .... ad undecimum lapidem occursum est, qua flumen ALLIA Crustuminis montibus præalto defluere in alveo, haud multum infra viam Tiberino amni misceri[33]. CRUSTUMERIUM est fixé à Marcigliana Vecchia, ainsi que je l’ai indiqué plus haut. Les CRUSTUMINI MONTES sont les collines comprises entre le Monte Rotondo, Lamentana, le Tibre et le Castel Giubileo. Il devient dès lors facile de déterminer la position de l’ALLIA en comptant 11 milles à partir de Rome et en suivant la direction de la route qui côtoie le Tibre. Je trouve au sud de Santa Colomba le Fiume di Forno Nuovo ou detto di Santa Colomba, qui se rapporte assez bien à la description de Tite Live, quoiqu’il excède un peu la distance donnée par l’historien. Il en est un autre un peu plus rapprochée du Castel Giubileo, et dont le cours est plus considérable. Il prend sa source un peu plus haut que Santa Colomba, à l’est, coule vers le sud-ouest, entre les collines crustuminiennes, passe auprès de Marcigliana Vecchia, et coupe l’a route moderne en cet endroit. Quant à l’embouchure de ce ruisseau dans le Tibre, il est impossible de la retrouver, car sa direction inférieure, ainsi que celle de tous les cours d’eau qui se jettent dans le Tibre entre l’Anio et le Correse, a été complètement changée par les travaux d’irrigation ou d’assainissement entrepris dans cette contrée. La plupart de ces affluents sont distribués dans de petits canaux qui ne permettent pas de reconnaître leurs anciens lits. Le ruisseau que je viens d’indiquer, et que j’appellerai Rio di Marcigliana Fecchia, me paraît être l’ALLIA. Il semble convenir à la description de Tite Live, et en outre il est plus rapproché de la 11e borne que le ruisseau de Santa Colomba.

Maintenant faut-il croire à l’exactitude de Tite Live ? Par quels moyens la contrôler ? Diodore, qui, par une erreur évidente, place l’ALLIA en Étrurie, puisqu’il fait franchir le Tibre à l’armée romaine, donne toutefois presque la même distance que l’auteur latin : 80 stades (10 milles)[34]. La différence n’est que de 1 mille. Le Rio di Marcigliana Vecchia est en effet au dixième mille. Plutarque est d’accord avec Tite Live[35] : .... άπό πόλεως σταδίους έννενήκοντα... ; la différence n’est, en effet, que de 2 stades ou 250 pas. Eutrope[36] donne, comme Tite Live, 11 milles : .... undecimo milliario ab urbe Roma.... Mais Vibius Sequester[37] donne comme distance 14 milles : ALLIA. Salaria via ad mil. XIIII a Roma, ubi Galli victoria sunt potiti de Romanis. Diodore, Plutarque et Eutrope ayant reproduit à peu de chose près la distance de Tite Live, je ne m’en occuperai pas ; je vais chercher seulement à concilier le témoignage de l’historien latin avec celui de Vibius Sequester.

Je remarque d’abord que Tite Live, en indiquant la onzième borne, ne nomme point la VIA SALARIA. Or, j’ai établi, à propos de la topographie d’ERETUM, que la VIA SALARIA n’a pas toujours suivi la rive du Tibre, mais qu’à une certaine époque, ainsi que le porte la carte de Gell et de Nibby, elle s’est écartée vers le nord-est, à partir de Marcigliana (Osteria). Le ruisseau que j’ai appelé Rio di Marcigliana Vecchia prend sa source à 4 milles et demi plus haut que ce dernier endroit et tout près de la voie antique dont on retrouve les vestiges dans la direction de la VIA SALARIA de Gell et de Nibby, presque au 14e mille de cette voie. C’est en suivant cette route, la seule qui fût adoptée au siècle où il vivait, que Vibius Sequester parvient à l’ALLIA, qui, pour lui, se trouve ainsi à 14 milles de Rome. Les deux auteurs sont donc conciliés : l’un rencontre ce cours d’eau près de sa source, l’autre près de son confluent avec le Tibre. Ce qui me confirme dans l’opinion que Tite Live, en donnant la distance de 11 milles, n’a entendu parler que du cours inférieur de l’ALLIA, c’est que Plutarque, qui l’a sans doute suivi, ajoute ... Ού πόρρω τοΰ στρατοπέδου τώ Θύμβριδι (Άλίαν) συμφερομένον....[38]

Le Tutia.

Gell et Nibby prétendent retrouver l’ALLIA dans le Fiume di Malpasso, qui se jette dans le Tibre à 1 mille au nord de FIDENÆ, c’est-à-dire à 7 mil-les de Rome. Cette position est inadmissible, parce que cette distance n’est conforme à aucun des textes anciens, et que le Rio di Malpasso devait être le TUTIA dont parle Tite Live : .... ad Tutiam fluvium castra retulit (Hannibal) sex millia passuum ab urbe....[39] Cluvier[40] dit que Tite Live aurait pu désigner la ville de FIDENÆ au lieu du nom obscur de ce petit ruisseau qui se jette dans le Tibre un peu au delà du 6e mille, où était cette ville célèbre. Je répondrai que ce ruisseau, fort peu connu de nous, n’avait pas sans doute un nom obscur pour les Romains, et qu’en second lieu le cours du Fiume di Malpasso est assez étendu pour que, sans s’écarter de Rome de plus de six milles, le Carthaginois ait pu camper sur ses bords à une certaine distance de FIDENÆ. Je serais même tenté de proposer, comme place du campement d’Annibal, le lieu appelé aujourd’hui Redicicoli[41], sur un petit monticule carré à gauche du Fiume di Malpasso, et dont la forme parait favorable à l’établissement d’un camp. Pline l’Ancien nous apprend qu’après qu’Annibal eut levé le siège de Rome, on consacra un champ et un FANUM au génie du Retour, DEO REDICULO. Ce FANUM était situé à 2 milles de Rome, sur la VIA APPIA. On a cru le retrouver dans un petit temple en briques situé à l’entrée de la vallée Caffarella, avant le nymphée dit improprement d’Égérie. Mais ce petit temple est de l’époque de Néron et se trouve à quelque distance de la Vis AppiA, tandis que le temple dont parle Pline était sur la voie même et à droite. Ce qui paraît très vraisemblable, c’est que ce monument aura été élevé sur l’emplacement même d’un camp d’Annibal. Or le nom de Redicicoli, qu’a conservé jusqu’à nos jours le petit monticule situé à l’est de FIDENÆ, et qui a évidemment servi à un campement, ne donne-t-il pas le droit de penser que les Romains ont consacré au génie du Retour, auprès de FIDENÆ, comme ils l’ont fait auprès de Rome, l’endroit où Annibal avait séjourné ? D’après tout ce qui précède, je ne saurais admettre l’opinion de Bormann, qui place le TUTIA au Rio di Cappanacie, affluent de l’Anio[42], ni celle de Nibby, qui le place en Étrurie, à l’Acqua Traversa[43].

L’Anio.

Dans la partie supérieure de son coure e l’Anio formait, au Ier siècle de Jésus-Christ, des étangs et des lacs artificiels. Cette disposition n’existe plus ; mais Cluvier[44] d’abord, et ensuite Holstenius[45], ont rendu toute cette topographie facile à restituer d’après leurs explications. Voici le passage d’Holstenius : .... Lacus illi très haud naturales, sed artificiales fuere. Primus quidem sub monasterio Sanctæ Scholasticæ, cujus os angustissimum, XVIII circiter, vel XX pedum muro validissimo clausum fuit. Inde aqua defluebat in secundum lacum, qui mox primum excipiebat, cujus os paullo fuisse laxius videtur. Tertius deinde sub ipso oppidulo Sublacensi fuit, ubi etiam nunc magna Anienis pars muro constringitur, ad varia molarum officia : huic imminet ecclesia Sancti Laurentii, a Nursio Patritio sub Damaso Papa erecta, ut antiqua donationum instrumenta Sublacensis Monasterii testantur. Lacus auteur eversi fuere ingenti fluminis exundatione anno 1305, die 20 februarii.

Les fameuses cataractes de l’Anio n’existent plus. Le Monte Catillo a été percé à grands frais, à la suite de l’inondation de 1827, pour fournir un moyen d’écoulement au bras principal du fleuve. Une petite quantité d’eau seulement se répand dans la grotte des Sirènes et murmure au pied du temple de VESTA ; enfin, un troisième bras de la rivière traverse la ville et forme, dans la villa d’Este, les Cascatelles qui retombent dans le fleuve à un mille au-dessous de la nouvelle cataracte artificielle de Grégoire XVI et du ruisseau qui traverse les ruines de l’ancienne ; car les belles cascades chantées par Horace ne sont plus qu’une ruine silencieuse où croissent les grenadiers et les myrtes.

Affluents de droite de l’Anio.

Je parlerai plus bas, à propos des aqueducs, des sources CŒRULUS et CURTIUS, et des ruisseaux ALBUDINUS et HERCULANEUS mentionnés par Frontin. — La DIGENTIA d’Horace est la Licenza. J’en dirai un mot à propos de la campagne d’Horace.

Aquæ Albulæ.

Un peu avant le 14e mille de la VIA TIBURTINA, on rencontre des eaux blanchâtres qui coulent dans un petit canal de 3 mètres de large sur 1 mètre 50 centimètres de profondeur. Elles exhalent une forte odeur de soufre. En suivant ce canal vers le nord jusqu’à 1 mille de la route, on arrive à un lac d’eaux sulfureuses qui, du temps de Kircher[46], avait 1 mille de circonférence, mais qui n’a plus aujourd’hui que 200 mètres de diamètre sur 55 de profondeur. Près de ce lac sont les bains d’Agrippa. Des matières bitumineuses se condensent à la surface et se mêlent aux herbes chassées par le vent de manière à former les petites îles qui ont fait donner à ce lac le nom de Lago delle isole natanti. Il communique avec deux autres lacs plus petits : le Lago di S. Giovanni dont les eaux sont minérales, et le Lago delle colonelle qui est sulfureux comme le premier. Autrefois l’écoulement du plus grand de ces lacs était en partie souterrain[47] et suivait à peu près la direction du canal moderne creusé par le cardinal Hippolyte d’Este en 1549 pour contenir les eaux qui se répandaient souvent dans la campagne. Les trois lacs et leur écoulement naturel vers l’Anio étaient désignés sous le nom d’ALBULÆ AQUÆ. Ils ont été célébrés par les géographes et les poètes[48]. M. Bonstetten, dans son petit livre sur le LATIUM maritime[49], a prouvé que les AQUÆ ALBULÆ n’étaient point l’ALTA ALBUNEA où Virgile, au livre VIIe, place l’oracle de Faune. Il démontre avec clarté que l’ALBUNEA du poète latin était à la solforata d’Altieri, près de Monte di Torre Tignosa, à l’est de Pratica (LAVINIUM). C’est donc fort mal à propos que Servius et tous ceux qui l’ont suivi[50] ont confondu ces deux endroits célèbres. La description die Virgile ne convient nullement au Lago delle isole natanti, car la petite chute que forme le canal moderne est tout artificielle. On ne saurait non plus, selon moi, se fonder sur les vers de Stace pour placer près des AQUÆ ALBULÆ un second oracle de Faune différent de celui de Virgile ; voici le passage du poète[51] :

Hic tua Tiburteis Faunos chelys et juvat ipsum

Alciden, dictumque lyra majore Catillum.

Nous savons en effet, par les vers si connus d’Horace, que le LUCRETILIS était consacré à Faune ainsi que la campagne voisine de TIBUR et d’USTICA. Il existait, il est vrai, une nymphe ALBUNEA dans ces environs, comme nous l’apprend Horace :

Me nec taro patiens Lacedsemon,

Nec tam Larissa : percussit campus opimæ,

Quam domus Albuneæ resouantis

Et præceps Anio et Tiburni lucus....[52]

Mais l’épithète de resonans ne peut s’appliquer aux AQUÆ ALBULÆ, et je crois qu’on ne peut chercher ailleurs qu’à Tivoli même la demeure de cette nymphe. Je la placerai près de la fameuse grotte appelée Grotte des Sirènes, au-dessous du temple de Vesta. C’est vers cet endroit qu’était la retraite de la Sibylle de TIBUR qui fut confondue dans la suite avec la nymphe ALBUNEA, ainsi que le prouve ce passage de Lactance sur les Sibylles[53] : Decimam aiunt fuisse Tiburtem, nomine Albuneam, quæ Tiburi colitur ut Dea, juxta ripas Anienis, cujus in gurgite simulacrum ejus inventum esse dicunt, tenentem in manu librum. Il ne faut donc pas confondre la fontaine ALBUNEA où était l’oracle de Faune, près d’ARDEA, avec la nymphe ALBUNEA, chantée par Horace et qui avait son séjour près des cataractes résonnantes de Tivoli.

Il y avait bien une nymphe qui présidait aux AQUÆ ALBULÆ ; mais elle était désignée sous le nom d’ALBULA et non sous celui d’ ALBUNEA. Dans la description que Stace nous donne de la maison de campagne de Vopiscus, nous lisons :

... Illa recubat Tiburnus in umbra,

Illic sulfureos cupit Albula mergere crines[54].

Martial personnifie aussi l’eau ALBULA :

Itur ad Herculei gelidas qua Tiburis arceis,

Canaque sulfureis Albula fumat aquis[55].

Près des AQUÆ ALBULÆ se trouvait aussi un champ consacré aux Muses. Mais je ne vois aucune raison pour le placer sur le bord même de l’un de ces lacs et pour croire que ces eaux leur fussent consacrées. On sait seulement, par le même passage de Martial, qu’il n’en pouvait être éloigné, puisqu’il se trouvait à 4 milles de Tibur[56]. Il existait, près du lac principal, un temple de Cybèle[57].

Aquæ Labanæ.

Les AQUÆ LABANÆ, auxquelles Strabon attribue la même propriété qu’aux précédentes, ne pouvaient être ailleurs qu’aux grotte di Marozza[58].

De divers autres affluents de droite de l’Anio.

Je ne dirai rien du Magliano ou Fosso delle Molette, affluent de droite de l’Anio et que Nibby[59] donne pour un ancien cours d’eau, le MAGULIANUS, dont aucun écrivain grec ou romain n’a fait mention.

Le Rio Ulmano, qui arrose le territoire de l’ancienne FICULEA et qui se jette dans l’Anio un peu au-dessus du MONS SACER, est le RIVUS ULMANUS[60].

Je ne connais aucun auteur ancien qui ait fait mention du Laghetto di Tartaro qui présente de curieux phénomènes de pétrification.

Affluents de gauche de l’Anio.

Le Peneus.

Passant à la rive gauche de l’Anio, je dois citer d’abord le petit ruisseau décoré par l’empereur Adrien du nom de PENEUS et qui arrose, dans sa VILLA, la vallée de TEMPE parfaitement reconnaissable aujourd’hui. C’est le petit cours d’eau qui se trouve à l’est des ruines principales. Je l’ai suivi dans tout son parcours et j’en donne le tracé sur ma carte. Il se jette dans l’Anio vis-à-vis des fameuses carrières Tiburtines.

Le Veresis.

Strabon[61] dit que le VERESIS coule dans le territoire de PRÆNESTE, ce qui peut s’appliquer, soit à l’Acqua Rossa, soit au Rio di Zagarolo, qui tous deux se jettent dans l’Anio ; mais j’inclinerais, avec Bormann, pour le premier, qui prend sa source principale dans les montagnes vers Poli. Le territoire de PRÆNESTE pouvait et devait même s’étendre jusque-là ; tandis que le Rio di Zagarolo ou di Gallican arrose le territoire de PEDUM plutôt que celui de PRÆNESTE. Je crois que l’on doit repousser l’opinion de l’abbé Capmartin de Chaupy[62] qui propose le moderne Sacco (l’ancien TRERUS), affluent du Garigliano (LIRIS) ; or Strabon dit plus bas que FABRATERIA est sur le TRERUS : il n’est pas probable que le géographe grec ait désigné le même fleuve par deux noms différents.

Lac de Gabii.

Le lac de GABII n’existe plus. M. Luigi Canina l’a fait dessécher il y a quelques années. Mais sa position et son étendue sont faciles à reconnaître. Il s’appelait, dans les temps modernes, Lago di Castiglione et se trouvait au 12e mille de la VIA PumEsTmA.

Derniers affluents du Tibre.

Il est impossible aujourd’hui de retrouver la direction naturelle des ruisseaux qui coulent à proximité de Rome. Il n’en est peut-être pas un seul qui n’ait été détourné pour des usages publics ou privés.

Aqua Crabra et Fons Egeriæ.

Comment, par exemple, retrouver la vraie direction de l’AQUA CRABRA qui avait son cours naturel dans la vallée de Molara au pied de l’ancienne ville de TUSCULUM ? On sait qu’elle arrosait le TUSCULANUM de Cicéron[63]. Mais à partir de cet endroit, ou du moins, au sortir de cette vallée, elle était complètement détournée pour alimenter l’aqueduc de la TEPULA[64]. Une prise d’eau considérable fut faite dans la partie supérieure du cours de ce ruisseau et conduite à Rome dans un aqueduc du même nom. Ce travail fut accompli sous la République. L’usage de cette eau fut rendu aux habitants de TUSCULUM par suite d’un nouveau détournement fait à l’époque d’Auguste[65]. Comment savoir aujourd’hui si le cours naturel de l’AQUA CRABRA se dirigeait vers le Tibre ou vers l’Anio ? D’après le cours actuel, en supposant que le ruisseau eût repris sa direction primitive, il faudrait voir dans l’Acqua di Torre di Sapienza, qui se jette dans l’Anio, l’ancienne AQUA CRABRA, à peu près telle qu’elle existait avant les travaux d’aqueducs publics et les différents détournements qui en furent faits pour des usages privés. On donne aussi à ce ruisseau le nom de Marrana. Il faut soigneusement distinguer ce cours d’eau, affluent de l’Anio, de la Marrana qui coule dans Rome.

La Marrana de Rome a son origine vers Morena, au 10e mille de la VIA LATINA ; mais elle communique évidemment par un conduit souterrain avec la Marrana supérieure. Elle entre dans la ville par l’ancienne porte METRONIA, traverse la vallée de S. Sisto, ancienne vallée d’EGIRIA, coupe la Via della porta S. Sebastiano (VIA APPIA), vers les thermes de Caracalla, à l’endroit même où se trouvait l’ancienne porte CAPENA de l’enceinte de Servius Tullius, suit la direction longitudinale du grand Cirque, se perd à la Via de’ Fenili et se jette dans le Tibre, entre le PONS PALATINUS et le PONS SUBLICIUS. Or je ne crois pas que ce ruisseau moderne représente dans toute son étendue un cours d’eau naturel, non seulement quant à son parcours, mais quant à son existence même. Lorsque les aqueducs ont été abandonnés, les eaux qu’ils renfermaient ont suivi la direction que la pente, du sol leur a tracée. La Marrana de Rome, alimentée par la même source que la Marrana de l’Anio, n’existait vraisemblablement pas vers la partie supérieure de son cours actuel, lequel se sera formé des eaux échappées de différents aqueducs. Il entrait à Rome, dans la direction suivie par la moderne Marrana, plusieurs conduits artificiels, la MARCIA, l’ANIO VETUS, l’aqueduc OCTAVIANUS, etc. On ne peut invoquer qu’un seul texte pour établir l’existence d’un cours d’eau naturel qui correspondit à ce ruisseau moderne dans la partie inférieure de son cours. Frontin, après avoir dit qu’à la sortie des grandes piscines qui sont au 7e mille, à gauche de la VIA LATINA, les eaux MARCIA, JULIA, TEPULA sont reçues dans un même aqueduc (specus) à trois conduits, que la JULIA se répandait dans les châteaux d’eaux du MONS CŒLIUS, que la MARCIA continuait vers le nord-est de Rome, ajoute : Marcia autem parte sui post hortos Pallantianos, in rivum qui vocatur HERCULANEUS dejicit se per Cœlium, montis usibus nihil ut inferior subministrans, finitur supra portam Capenam[66]. Si l’on considère maintenant que l’aqueduc de l’AQUA APPIA, qui avait sa source vers la 8e borne de la VIA PRÆNESTINA, entrait dans Rome vers les GEMELLE et aboutissait à la porte CAPENA[67] ; que l’aqueduc OCTAVIANUS se rendait dans le même quartier de Rome, vers les jardins d’ASINIUS[68] ; que l’aqueduc NERONIANUS conduisait sur le CŒLIUS une partie des eaux de l’ANIO NOVUS et de la CLAUDIA ; enfin qu’une prise d’eau de la MARCIA avait été conduite jusqu’à la porte CAPENA ; on comprendra comment le ruisseau HERCULANEUS, grossi sans doute par plusieurs de ces eaux, après l’abandon des aqueducs, a pu former le cours et prendre la direction de la moderne Marrana. Dans la vallée de S. Sisto se trouvaient autrefois les fontaines de la nymphe EGERIA et de MERCURE, dont l’eau est sans doute confondue avec celles du ruisseau moderne. Je reviendrai plus bas sur cette célèbre vallée.

Je parlerai bientôt de la source d’ANNA PERENNA, voisine du PONS MILVIUS et de la fontaine JUTURNA, dans Rome.

Petronia Amnis.

Je mentionne en passant le petit ruisseau qui coulait dans Rome au pied du Capitole, du côté du champ de Mars, et dont parle Festus[69] comme consacré aux auspices. C’est le PETRONIA. Il est difficile de fixer plus exactement sa position.

L’Almo et la fontaine de la nymphe Lara.

Il n’est pas beaucoup plus facile de retrouver et de tracer aujourd’hui le cours supérieur de l’ALMO que celui de l’AQUA CRABRA. Nous savons seulement que ce petit ruisseau, consacré à Cybèle[70], était fort court :

.... Curuque brevissimus Almo[71],

et qu’il coupait la VIA APPIA vers la porte CAPENA. C’est donc, sans aucun doute, l’Acquataccia qui arrose la Caffarella et se jette dans le Tibre un demi-mille au-dessous de Rome, après avoir coupé également la VIA OSTIENSIS avant la basilique de S. Paolo. Ainsi, pour le cours inférieur, point de difficulté. Depuis le nymphée dit d’Egérie, jusqu’au Tibre, le ruisseau moderne paraît coïncider exactement avec l’ancien ; mais quant au cours supérieur de l’ALMO, il est impossible de lui assigner une origine et une direction, car les Conduits artificiels abandonnés depuis tant de siècles ont dû grossir ses eaux et en changer le parcours. Je crois que ce serait une erreur grave que de chercher la source de l’ALMO dans les monts Albains où se trouve l’origine actuelle de l’Acquataccia ; elle devait être dans la vallée Caffarella aux environs du nymphée (improprement appelé d’Égérie), ainsi que semble l’indiquer l’épithète de brevissimus. Il est hors de doute pour moi que tout le cours supérieur de l’Acquataccia a été formé par les dérivations des aqueducs qui se trouvent en grand nombre entre la VIA APPIA et la VIA LATINA. On sait aujourd’hui que le nymphée de la Caffarella n’est point la grotte d’Egérie, et que le temple qui domine cette colline (l’église S. Urbano) n’était point celui des Muses dont il a conservé l’appellation populaire. Jusqu’en 1816, cette opinion avait prévalu, et la proximité où ce temple se trouve de la source avait confirmé la supposition que la Caffarella était la vallée d’Egérie : .... fons et lucus Egeriæ Camenis dicati....[72] Mais l’on sait aujourd’hui que ce temple était consacré à Bacchus, car on lit sur l’autel l’inscription suivante, avec le serpent dionysiaque gravé sur la pierre :

ΣΤΙΑΙ ΔΙΟΝΥΣΟΥ ΑΠΡΩΝΙΑΝΟΣ

ΙΕΡΟΦΑΝΤΗΣ

(Corpus Inscr. græc., n. 5967).

Pour en revenir à l’ALMO, si nous en plaçons l’origine vers le nymphée, nous aurons une distance de 3 milles de ce point au Tibre. En supposant un plus long cours à ce ruisseau, l’épithète d’Ovide cesserait d’être exacte. En parcourant ce frais vallon de la Caffarella, et en écoutant le murmure de ce ruisseau, je pensais à la nymphe LARA et aux vers d’Ovide :

Forte fuit Naïs, Lara nomine, prima sed illi

Dicta his antiquum syllaba nomen erat,

Ex vitio positum. Sæpe illi dixerat Almo :

Nata, tene linguam ; nec tamen illa tenet[73].

Il faut évidemment chercher la nymphe indiscrète dans une des sources les plus vives et les plus bruyantes de celles qui viennent grossir le petit fleuve ALMO.

Je parlerai des FOSSÆ CLUILLÆ en faisant la topographie de la VIA APPIA.

Aqua Ferentina.

En descendant de Marino par la route qui conduit à Castel Gandolfo, au pied de la côte qui est très rapide, on traverse un filet d’eau fraîche et limpide qui sort d’une vallée couverte d’arbres et tellement étroite qu’elle ressemble à un ravin ; la source est à quelque distance de là, au pied de Rocca di Papa[74], dans un lieu mystérieux et entouré de rochers[75]. C’est la fameuse source FERENTINA où se trouvait le bois sacré de FERENTINUM, dans lequel s’assemblaient les députés des villes latines. C’est dans le Parco di Colonna que devaient se tenir ces assemblées. Capo d’Acqua, la source même, est auprès de l’église S. Roco.

Si l’on descend ce cours d’eau, l’on arrive à la Caffarella et l’on trouve que ce ruisseau n’est autre chose que l’Acquataccia. Mais il est évident que l’AQUA FERENTINA fut détournée dans la CRABRA et dans l’ALMO, que l’ancien lit abandonné fut rempli par les sources de la plaine, et qu’il se forma bientôt un cours d’eau qui se jeta dans le Rio d’Albano un peu au-dessus de son confluent avec le Tibre[76]. C’est donc dans la direction du Rio d’Albano qu’il faut placer le cours primitif de l’AQUA FERENTINA. Voici, selon moi, quel était le parcours de ce ruisseau célèbre : il sortait de la source qui est vers S. Roco, ainsi que je l’ai dit plus haut, passait au pied de Marino, puis se dirigeait dans la plaine qui est au pied des monts Albains, vers Mura Francese[77], coulait vers le sud, sous le ponte Cipollaro et suivait, à partir de ce point, la direction du moderne fiume di Monaci qui coupe la VIA APPIA vers le 10e mille et se réunit au Rio d’Albano, un demi-mille au-dessus de son embouchure dans le Tibre.

Le Rivus Albanus.

L’AQUA FERENTINA aurait donc été un affluent du RIVUS ALBANUS, dont le nom nous est révélé par une inscription trouvée à BOVILLÆ, rapportée par Bormann, et que je reproduis ici :

FAVSTO • C . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

SEXT. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . COS

L • CORNELIVS • A • F • A • VPILIVS

VT • CVM • Y •IVNIVS •

SILANI • L • MONIMVS • EX •

ORDINE • SIT • NOSTRO • ET •

VTILIS • REIPVBLICAE •

ET • AMATOR • MVNICIPI • MVNERAQVE • EIVS •

MVNICIPII • CONSPICIAMVS •

CENSEO • LOCVM • QVI • EST • EXTRA

PORTAM MEDIANAM • AB •

EO • LOCO • IN • QVO • SCHOLA •

FVIT • LONG • P • LXVII • AD •

RIVOM AQVAE • ALBANAE • ET •

A • VIA • INTRORSVS • IN • QVO • ANTEA

COLVMNAR • PVBLICVM •

FVIT • LAT • P • X • HONORIS CAUSA •

M • IVNIO • SILANI • L •

MONIMO • POSTERISQVE • EIVS • DARI •

Il est évident, d’après cela, que le RIVUS ALBANUS est le ruisseau le plus voisin de BOVILLÆ (vers les Fratiocchie), et qu’il recevait le tribut d’un petit cours d’eau, lequel servait d’écoulement à l’EMISSARIUM du LACUS ALBANUS. — Cet EMISSARIUM, percé dans la montagne, a son origine sur les bords du lac au pied même de Castel Gandolfo, et son issue un peu au delà de BOVILLÆ. Il a un mille de long, deux mètres de large, sur trois de hauteur[78]. Il est très probable que l’AQUA FERENTINA se réunissait, comme aujourd’hui, au RIVUS ALBANUS vers son embouchure dans le Tibre. Ces deux eaux réunies forment le moderne fosso della Torre di Valle.

Le Nodinus et le Spino.

Entre l’embouchure de l’ALMO et celle du RIVUS ALBANUS, se trouvent deux petits affluents du Tibre : l’un qui coupe la VIA OSTIENSIS à un demi-mille au delà de la basilique S. Paolo, et l’autre qui passe à trois quarts de mille plus loin, près des Tre fontane, à l’endroit où Gell et Nibby placent, sur leur carte, le VICUS ALEXANDRINUS. Ces deux ruisseaux sont le SPINO et le NODINUS dont parle Cicéron au livre III du traité DE NATURA DEORUM[79]. Mais il me paraît bien difficile de savoir lequel est le NODINUS, lequel est le SPINO.

Fontaine Juturna.

La fontaine JUTURNA n’est point encore retrouvée. Bormann, qui a fait le dernier ouvrage publié sur le LATIUM, ne se prononce point sur la position de cette source célèbre consacrée à la sœur de Turnus[80].

Servius nous apprend qu’elle était située près du NUMICIUS : .... Juturna fons est in Italia saluberrimus juxta Numicium fluvium....[81] Je prouverai tout à l’heure que le NUMICIUS ne saurait être que le Rio di Pratica ou Rio di Turno, suivant la désignation populaire. Il faudrait donc chercher la fontaine JUTURNA parmi les sources qui alimentent ce cours d’eau. Le nom de Rio di Turno, qui est appliqué à ce petit fleuve, me parait confirmer le témoignage de Servius, qui ne suffirait pas à lui seul pour faire autorité en matière de géographie. Mais une autre appellation populaire s’est conservée jusqu’à nos jours, c’est celle de Lago di Giuturna, donnée à l’emplacement d’un lac desséché par Paul V et qui était situé près de Monte-Savelli à l’ouest d’Albano. Si nous lisons attentivement le passage de Virgile :

At Juno ex summo[82], etc.

nous serons porté à voir dans le Lago di Giuturna, l’ancien lac de JUTURNA, car le poète, en plaçant Junon sur le sommet de l’Albain, semble l’avoir mise à portée d’adresser la parole à la nymphe qui présidait au lac situé au pied même de cette montagne. L’écoulement de cet ancien lac avait lieu dans le Rio di Decimo, qui se jette lui-même dans le Tibre, ce qui parait d’accord avec un passage d’Ovide[83] qui semble compter la nymphe JUTURNA parmi les Tibérinides, ainsi que l’a remarqué Bormann[84]. Ce qui me paraît plus important que tous les autres témoignages, c’est le nom populaire Lago di Giuturna ; car dans tous les pays que j’ai visités, et surtout en Italie, j’ai remarqué que les lieux célébrés par la religion païenne ont toujours retenu quelque chose de leur ancien nom et de leur caractère sacré. Cette observation est confirmée par tant de preuves que je ne pense pas qu’il y ait un seul voyageur en Italie qui n’en ait été frappé : le nom du vieux roi PICUS s’est conservé dans la Trafusina di Pichi, près de LAURENTUM ; celui d’Anna Perenna, dans la petite chapelle d’Anna Petronella, et les habitants du Circello Monte, ancienne résidence de CIRCÉ, disent encore : les Bois de la Magicienne[85]. Je crois donc que le Lago di Giuturna était autrefois consacré à JUTURNA.

Maintenant, comment accorder cette opinion avec le passage de Servius qui porte cette source près du NUMICIUS ? La plupart des géographes modernes ont placé le NUMICIUS au Rio Torto, afin de le rapprocher du Lago di Giuturna ; mais je ferai observer que la source du Rio Torto, bien que plus rapprochée de ce lac que celle du Rio di Pratica, en est encore assez éloignée pour que le mot juxta de Servius ne puisse lui convenir. Il y a, ce me semble, un moyen de tout concilier, et l’on s’étonnerait qu’il ne se frit pas présenté à l’esprit des commentateurs et des géographes si, dans leurs études trop exclusives, ils ne perdaient souvent de vue les écrits mêmes des anciens poètes. Le meilleur commentaire de Virgile, c’est Virgile lui-même. C’était l’opinion de Bonstetten, qui, sans chercher à faire un livre savant, a composé un travail fort remarquable sur l’Énéide. Si nous lisons attentivement les textes qui ont mentionné la nymphe JUTURNA, nous nous convaincrons facilement qu’elle était présente, et sur les bords du NUMICIUS, près de Pratica[86], et au Lago di Giuturna[87], et à Rome, dans le champ de Mars, près du temple de VESTA[88]. Les divinités troyennes -ont en général suivi les progrès et les émigrations de la race latine. Quoi de plus naturel et de plus vrai tout à la fois que de montrer les descendants d’Énée, emportant avec eux leurs dieux, à l’exemple de leur ancêtre, et leur consacrant les bois, les sources, les collines de leurs nouvelles résidences ? Sur les bords du NUMICIUS, où nous trouvons le premier établissement de la famille latine, nous rencontrons aussi le séjour primitif de ses dieux : aux environs de la ville d’Albe, de la grande colonie d’Ascagne, qui effaça bient6t l’ancienne métropole, les dieux et les nymphes se répandirent dans ces riantes vallées et s’en emparèrent. JUTURNA, qui présidait à l’humble source des bords du NUMICIUS, devint la nymphe d’un lac. Lorsque Rome fut fondée, elle attira à elle les dieux de LAVINIUM et d’ABLE, et la sœur de Turnus consacra par sa présence les eaux de la petite source du champ de Mars qu’elle rendit à la fois salutaires et saintes. Ne voyons-nous pas la célèbre ANNA SOROR, si malheureuse et si triste pendant sa vie, si joyeuse après sa mort, présider d’abord à l’une des sources du NUMICIUS, puis se retrouver aux environs de BOVILLÆ auprès du mont Albain, enfin, adopter plus tard une des fontaines voisines de Rome et du pont MILVIUS, pour y être plus facilement fêtée par le peuple ? Ne voyons-nous pas la nymphe ALBUMEA rendre visite aux cascades de TIBUR ? Sans déserter la vallée de LAVINIUM, la sage conseillère EGERIA ne vint-elle pas des bords du lac de Nemi jusqu’aux portes de Rome où elle partagea avec les Muses la petite vallée que domine le CŒLIUS ? PICUS et FAUNUS, les divinités du pays Laurentin, ne devinrent-ils pas les dieux protecteurs de la campagne de Rome[89], et ne vinrent-ils pas des bois sacrés de Lavinium et de Laurentum, se reposer auprès de la fraîche source ombragée par les chênes verts de l’Aventin[90] ? La mythologie sert ici de flambeau à l’histoire, et l’on peut suivre en quelque sorte les déplacements de la race latine sur les traces de ses dieux. Comment se méprendre sur le sens des vers de Virgile, qui sont la confirmation évidente de l’opinion que je viens d’avancer en faveur de l’ubiquité de la nymphe JUTURNA :

Extemplo Turni sic est adfata sororem,

Diva Deam, stagnis qua ; fluminibusque sonoris

Præsidet : hunc illi rex ætheris altus honorem

Juppiter erepta pro virgibitate sacravit.

Nympha, decus fluviorum, animo gratissima nostro.

etc. ....[91]

Est-ce à la nymphe d’une source obscure que Junon parle ainsi ? Ce n’est plus la modeste soeur de Turnus, fixée sur les bords d’un ruisseau ; sa vertu l’a grandie. Son empire s’étend à plusieurs sources, à de nombreux étangs ; elle préside aux lacs et aux fleuves sonores. Plus tard, elle réside à la fois sur les rives du NUMICIUS, au pied de l’Albain et dans le sein même de Rome.

Que ce soit à l’une ou à l’autre de ces sources que Pollux ait fait désaltérer son coursier couvert de la poussière de Régille, cela importe assez peu et je ne m’y arrête pas.

Quant au LACUS TURNI dont parle Columelle, c’est, je crois, la même chose que la source JUTURNA des bords du NUMICIUS.

Fontaines d’Anna Perenna.

J’ai dit plus haut qu’ANNA PERENNA présidait à plusieurs sources. L’une d’elles se trouvait près de Rome, dans la direction du PONS MILVIUS. C’est, en effet, de ce côté du SURMŒNIUM qu’il faut chercher le NEMUS ANNÆ PERENNÆ dont parle Martial[92]. C’est là que se faisait le joyeux pèlerinage dont Ovide nous a donné, dans ses Fastes, la charmante description. Car il serait absurde de le transporter sur les bords du NUMICIUS, où était la première résidence d’ANNA PERENNA, d’autant plus que le passage d’Ovide commence par ces mots :

Idibus est Annæ festum geniale Perennæ,

Haud procul a ripis, advena Tibri, tuis,

Plebs venit...., etc.[93]

et finit par ceux-ci :

Quum redeunt, titubant..., etc. ;

ce qui serait tout à fait incompréhensible, si la source fêtée pendant les Ides eût été éloignée de 16 milles de Rome, distance où se trouvait l’autre fontaine d’ANNA PERENNA. C’est entre la VIA SALARIA et la VIA FLAMINIA, ainsi que nous l’apprend Martial, qu’il faut placer celle dont parle Ovide[94].

J’établirai plus bas, à propos du NUMICIUS, que la première résidence d’ANNA PERENNA était sur les rives de ce fleuve célèbre, près de la petite chapelle moderne d’Anna Petronella.

Enfin il faut placer un des séjours d’ANNA PERENNA près des monts Albain. C’est cette même ANNA, qui, sous les traits d’une vieille femme, venait de BOVILLÆ pour apporter des vivres aux plébéiens retirés sur le Mont sacré. Aussi, de toutes les divinités latines, ANNA était-elle la plus populaire, la plus fêtée par les pauvres gens, comme le donne à entendre Ovide dans la description mentionnée plus haut. Nous voyons, par le passage suivant, que l’ANNA de BOVILLÆ est bien Anna Petronella :

Orta suburbanis quædam fuit Anna Bovillis ;

Pauper, sed multa : sedulitatis, anus.

Illa, Levi mitra canos redimita capillos,

Fingebat tremula rustica liba manu ;

Atque ita per populum fumantia mane solebat

Dividere : hac populo copia grata fuit.

Pace domi facta signum posuere Perennæ,

Quod sibi defectis illa tulisset opem[95].

ANNA a donc suivi la destinée des autres divinités du pays Laurentin, et a présidé aux rives du NUMICIUS, aux coteaux verdoyants de BOVILLÆ et à la source voisine du pont MILVIUS.

Lac d’Ostia.

Le lac d’OSTIA n’est qu’un étang salé que la mer a laissé lors du retrait de ses eaux, ainsi que je l’ai expliqué plus haut[96]. Sa forme a dû peu changer depuis les premiers temps de Rome. Selon la conjecture de Canina, c’est au XIVe siècle qu’il faut rapporter la formation de ce lac.

Les marais de LAURENTUM sont du côté du lac et de la mer.

Le Numicius.

L’emplacement du NUMICUS, ou mieux, NUMICIUS, n’est pas encore rigoureusement déterminé.

Bonstetten veut que ce ruisseau célèbre ait été près du Tibre, entre ce fleuve et LAURENTUM. Il fonde son opinion sur plusieurs passages de Virgile qui, selon lui, seraient inintelligibles si l’on ne supposait une très petite distance entre les deux fleuves[97]. Il est vrai que, d’après Virgile, le NUMICIUS ne saurait être éloigné du Tibre, puisque les Troyens, le lendemain de leur débarquement, reconnaissent ce petit cours d’eau eu explorant le pays. Il est vrai encore que ses rives étaient marécageuses, ce qui paraît convenir au ruisseau, anciennement canalisé, qui sert d’écoulement au lac d’OSTIA[98] et que l’on traverse sur un pont avant d’entrer dans le parc de Castel Fusano, en allant d’OSTIA à Pratica. En sortant de ce parc, à l’endroit même où l’on a reconnu le LAURENTINUM de Pline, est un autre petit cours d’eau, la Focetta, qui paraît à Bonstetten déjà trop éloigné du Tibre pour qu’on y puisse porter le NUMICIUS de Virgile. Mais, pour placer ce ruisseau entre LAURENTUM et le Tibre, il faudrait détruire tous les autres témoignages, ainsi que je le prouverai tout à l’heure. J’ajouterai que la position que je donne au NUMICIUS ne contredit point les passages de Virgile où il est parlé de ce petit fleuve. Le Latium de Bonstetten est le livre d’un philosophe et d’un artiste, aussi solide par le fond qu’agréable dans la forme ; mais en se bornant à commenter Virgile, en n’empruntant aucun autre secours, l’auteur a dû nécessairement commettre quelques erreurs, quoique la topographie de Virgile soit en général très exacte. Car la poète a pu dire, par exemple, sans manquer essentiellement à la vraisemblance, que les Troyens avaient exploré, le lendemain même de leur débarquement, les rives d’un ruisseau peu éloigné du Tibre, quoique en réalité ce ruisseau en fit distant de trois ou quatre lieues.

La religion qui avait consacré le NUMICIUS, le bois de JUPITER INDIGES qui s’élevait sur ses rives, les sources de JUTURNA et d’ANNA PERENNA qui y portaient le tribut de leurs eaux, enfin la réunion de tant de pieux souvenirs rendait ce petit fleuve considérable aux Romains. C’est pour cela que son nom revient sans cesse sous la plume du poète et qu’il l’associe toujours au Tibre sacré : sur les rives du premier était le berceau de Rome ; sur les rives de l’autre, le berceau de la race latine elle-même. Ce n’est pas sans intention que Virgile cite, parmi les lieux visités d’abord par les Troyens, les rives du Tibre et la source sacrée du NUMICIUS, qui devait être à la fois si fatale à Énée et si glorieuse pour sa mémoire. On comprendra donc que le poète, pour mettre ce ruisseau célèbre sous les yeux des Troyens qui devaient en immortaliser le nom, leur ait fait parcourir une distance un peu longue pour une première exploration. En plaçant le NUMICIUS au Rio di Pratica, sa distance du Tibre ne serait que de quatre lieues. Les témoignages sont trop nombreux contre l’opinion de Bonstetten pour que je m’arrête plus longtemps à la réfuter. J’ai voulu seulement expliquer le sens des vers de Virgile et montrer qu’ils ne sont point incompatibles avec la conjecture que je propose. Il faut se rappeler toutefois que la description des lieux, dans le poète d’Auguste, se rapporte seulement à l’époque où il vivait, et non pas au temps de son héros. Les Romains étaient très4gnorants de la géologie, et à peine avaient-ils eu l’idée de tirer des conséquences des faits intéressants qui se passaient sous leurs yeux. Je ne connais pas un seul auteur ancien qui ait parlé avec détail des phénomènes si sensibles que présentaient les atterrissements du Tibre. L’opinion de Bonstetten étant donc écartée, examinons celles des autres géographes :

1° Cluvier[99], d’Anville[100] et Kutscheit[101] placent le NUMICIUS au Rio di Pratica ;

2° Nibby et Gell[102], Westphal[103], Spruner[104], Cramer[105] et Bormann[106] le placent au Rio Torto ;

3° Enfin, Sickler[107], Bircher[108] et Reichard[109] le portent au Rio di Nemi qui coule près d’Ardia (Ardea).

De ces trois opinions, je n’hésite pas à adopter la première, qui est celle de Cluvier et de d’Anville. Voici mes raisons :

1° Virgile, en associant le nom du NUMICIUS à celui du Tibre, semble donner à entendre qu’il n’existait entre eux aucun cours d’eau intermédiaire de quelque importance, et si Pline, dans son énumération, où l’ordre géographique est exactement suivi, m’empêche d’être d’accord avec Bonstetten, il ne m’empêche pas de l’être avec Virgile : .... In principio est Ostia colonia a romano rege dèducta, oppidum Laurentum, Lucus Jovis Indigetis, Amuis Numicius, Ardea, etc.[110]

Le Rio di Pratica est le premier cours d’eau important que l’on rencontre au sud de l’embouchure du Tibre.

2° Denys d’Halicarnasse dit positivement qu’Énée fut tué près de LAVINIUM, que son corps ne fut point retrouvé, ce qui donna à penser qu’il était tombé dans le fleuve près duquel on avait combattu, et que les Latins, pour honorer sa mémoire, lui élevèrent un temple avec cette inscription : A Jupiter Indiges qui calme les eaux du NUMICIUS[111].

LAVINIUM est à Pratica, le NUMICIUS ne peut donc être que le Rio di Pratica. Le passage d’Aurelius Victor confirme celui de Denys : Æneam.... castra sub Lanuvio collocasse..... copias in aciem produxisse circa Numici fluminis stagnum...., etc.[112]

3° Anna Perenna, pour échapper à la jalousie de Lavinia, se réfugie dans le sein du NUMICIUS, et elle devient une nymphe du fleuve : Je suis une nymphe du paisible NUMICIUS ; retirée au fond de ses eaux intarissables, je m’appelle Anna Perenna[113]. Il est donc impossible de ne pas associer la nymphe au fleuve ; or la source consacrée à la sœur de Didon, l’emplacement même du temple oit les Romains lui rendaient leurs hommages, il v a vingt siècles, existent encore, et son nom se retrouve dans la petite chapelle de Se Anna Petronella, située sur une hauteur près des rives du Rio di Pratica. D’après une règle constante eu Italie et en Grèce, les lieux consacrés au culte païen ont été convertis en églises chrétiennes, et même le nom ancien s’est souvent conservé, soit avec une altération, comme pour la chapelle de Se Anna Petronella, soit comme addition au nom chrétien, comme Se Maria sopra Minerva, S. Lorenzo in Lucina, etc.

Telles sont les preuves qui me paraissent concluantes en faveur du Rio di Pratica ou Rio di Turno.

Voyons sur quoi se fonde l’opinion des savants qui veulent placer le NUMICIUS au Rio Torto.

Ce qui a déterminé quelques géographes à placer le NUMICIUS au Rio Torto, c’est la proximité de la source du fleuve moderne avec le lago di Giuturna, proximité qui semble justifier l’expression de Servius en parlant de JUTURNA juxta Numicum. J’ai combattu plus haut cette opinion au sujet de JUTURNA.

Bormann[114] allègue en outre que le Rio Torto est plus grand et qu’Énée y a trouvé plus d’eau pour s’y noyer ; en second lieu, que la description d’Ovide, au livre XIVe des Métamorphoses[115], est plus conforme à l’aspect que présente aujourd’hui le Rio Torto qu’à celui du Rio di Pratica. Troisièmement, que les eaux du NUMICIUS étaient silencieuses comme il parait par un passage des Fastes d’Ovide, dans l’épisode d’ANNA PERENNA, et que les eaux du Rio Torto sont en effet silencieuses.

Je répondrai d’abord qu’Énée aurait dû, en effet, trouver assez peu d’eau

1. 2. 3. 4. fi-82-

dans le Rio di Pratica pour réussir à s’y noyer ; mais Aurelius Victor y a pourvu : Ubi cum acerrime dimicaretur, subitis turbinibus infuscato aere, repente cœlo tantum imbrium effusum..... etc. La pluie abondante qui avait accompagné l’orage avait dû considérablement accroître les eaux du fleuve. Servius, en outre, en rapportant une tradition religieuse, dit que le fleuve n’est plus le même que du temps d’Énée : Post paulatim decrescens, in fontem redactus.... Or, comme il ne s’agit que de l’époque fabuleuse d’Épée, les traditions ont une grande importance, et ce passage de Servius nous apprend que c’était une croyance chez les Romains que le NUMICIUS avait considérablement diminué. La géologie du bassin du Tibre pourrait confirmer la légende romaine. Il n’est point inusité de voir, dans cette contrée, les sources se tarir ou se déplacer.

Je passe au second motif ; voici le passage d’Ovide mentionné plus haut et sur lequel on se fonde pour placer le NUMICIUS au Rio Torto :

Littus adit Laurens, ubi tectus arundine serpit

In freta flumineis vicina NUMICIUS undis.

Le Rio Torto est couvert de roseaux et coule lentement ; cela est vrai, mais cette dernière remarque se peut appliquer aussi au Rio di Pratica, et, s’il n’est plus couvert de roseaux, après tant de siècles, nous ne pouvons guère nous en étonner.

Troisième motif : les eaux du NUMICIUS étaient tranquilles, car Ovide a dit dans les Fastes, au vers 652 du livre III :

Sustinuit tachas conscius amnis aquas... ;

ce qui ne veut pas dire qu’elles fussent tranquilles, mais que le dieu du fleuve, pour plaire à la nouvelle nymphe, les rendit telles. Il est vrai que le poète ajoute plus bas, au vers 653 :

.... Placidi sum Nympha Numici.

Cependant les eaux du NUMICIUS n’ont pas toujours été tranquilles, d’après le témoignage même d’Ovide. Elles étaient bruyantes avant d’avoir donné retraite à la sœur de Didon, car on lit au vers 617 :

Corniger hanc tumidis rapuisse NUMICIUS undis

Creditur ..........

Devenues pendant longtemps calmes et silencieuses, aujourd’hui elles sont agitées de nouveau, car elles alimentent le petit moulin de Pratica ; ce dont on ne saurait rendre responsable ni le PATER INDIGES, ni la nymphe ANNA PERENNA, ni le poète qui l’a chantée.

Il reste donc, comme seul argument en faveur du Rio Torto, qu’il a des roseaux et que le Rio di Pratica n’en a point.

Examinons maintenant les preuves produites par Kircher et Sickler en faveur du Rio di Nemi.

Sickler s’appuie sur ce que le bois de JUPITER INDIGES est chez les Rutules, au rapport de tous les historiens érudits ; or, poursuit-il, le NUMICIUS étant voisin du bois de JUPITER INDICES, il doit être chez les Rutules et ne peut être autre que le Rio di Nemi.

J’avoue, avec Bormann, ne point connaître ces historiens érudits qui ont dit que le bois de JUPITER INDIGES était chez les Rutules. Mais Denys place, comme nous l’avons vu, le bois de JUPITER INDIGES près de LAVINIUM à Pratica, et Aurelius Victor confirme le témoignage de Denys. L’érudition de ces deux écrivains doit nous suffire.

Voici un second argument qui parait avoir plus d’importance que le premier : Sickler prétend prouver que la VIA ARDEATINA était aussi appelée VIA NUMICI. Il en conclut que le NUMICIUS était le fleuve qui se trouve coupé par la voie un peu avant ARDEA ; or ce fleuve est le Rio di Nemi.

Mais, en supposant le titre de VIA NUMICI authentique, ce qui est fort douteux[116], cela ne prouverait pas que le NUMICIUS fût le Rio di Nemi, puisque la VIA ARDEATINA coupe aussi le Rio Torto — et, en second lieu, il n’est pas nécessaire qu’une route coupe un fleuve pour en recevoir le nom. Il serait même plus naturel de supposer qu’elle eût pris le nom d’un fleuve consacré par la religion parce qu’elle conduisait aux rives ou à la source de ce fleuve, que parce qu’elle l’aurait traversé. Peut-être la VIA ARDEATINA n’a-t-elle porté le nom de VIA NUMICI que jusqu’à l’embranchement qui se trouvait sur la droite, vers le 14° mille, et qui se rendait à LAVINIUM, en suivant la direction de l’aqueduc dont on voit les ruines en cet endroit.

Il est donc hors de doute pour moi, 1° que le NUMICIUS est le Rio di Pratica ; 2° que la chapelle de Se Anna Petronella est le petit temple d’ANNA PERENNA, et que c’est la source la plus voisine de cette chapelle qui était consacrée à la nymphe ; 3° que la source JUTURNA est une de celles qui alimentent le NUMICIUS, appelé lui-même, encore aujourd’hui, Rio di Turno, en mémoire du frère de la déesse ; enfin, que le LUCUS JOVIS INDIGETI était sur le bord de ce petit fleuve et sur sa rive droite, comme l’indique le passage de Pline que j’ai déjà cité.

La fontaine Albunea et l’oracle de Faune.

L’ALBUNEA de Virgile, source sulfureuse que Servius confond mal à propos avec les AQUÆ ALBULÆ, ainsi que je l’ai marqué plus haut, était à la Solforata d’Altieri. Volpi l’avait soupçonné et Bonstetten l’a démontré dans son judicieux commentaire. Il suffit de lire la description qu’il fait de cette source sulfureuse et de la rapprocher des vers de Virgile :

Je sentis une forte odeur de soufre. J’avais dit à mon guide que je voulais aller voir le petit lac de Turnus ; il m’en dépeignit un autre à un quart de lieue de la route. J’y allai. La forte odeur de soufre que je sentais me faisait espérer de trouver quelques vestiges de volcan. Nous prîmes à la droite du grand chemin, le long du coteau où je vis bientôt des roches nues, blanches, jaunes et rougeâtres, comme j’en avais vu tout au haut du Vésuve. Nous voilà dans un vallon assez étroit. A un quart de lieue plus loin, je vois une eau blanche serpenter lentement à travers le gazon ; le sentier tournait avec le coteau. Tout à coup j’aperçois un petit étang d’une eau laiteuse d’où s’échappaient de grosses bulles d’air et dont on faisait fortement bouillonner l’eau en la remuant. Le terrain tout à l’entour était blanc et le bassin se trouvait placé sous un rocher volcanique tout blanc, presque à pic, assez élevé, où l’on voyait à travers les herbes des traces de plusieurs cascades qui devaient tomber dans le bassin, par-dessus l’entrée d’une caverne faite de main d’homme, à ce qu’il me semblait. Elle avait quatre à cinq pieds de haut environ, quinze de profondeur, sur six à sept de large. Je la trouvai pleine de cette eau bouillante dont les pétillements fréquents et le sifflement léger produisaient dans cette voûte mille bruits bizarres. Qu’on se représente l’antique forêt qui s’étendait entre Laurente et Albe (dans laquelle Nisus s’engagea), ces arbres touffus, ce profond silence, cette obscurité mystérieuse, cette odeur de soufre concentrée dans l’épaisseur de l’ombrage et ces roches éclatantes, cette muraille blanche d’où se précipitait de partout une eau bouillante qui allait tomber sur une terre blanchâtre, dans un petit bassin blanc où l’eau, quoique froide, dégageait avec bruit de grosses bulles d’air, pétillait comme du feu et produisait dans la caverne mille sons et sifflements bizarres[117]....

Voici maintenant la description de Virgile :

At rex sollicitus monstris oracula Fauni

Fatidici genitoris adit, lucosque sub alta

Consulit Albunea nemorum quæ maxima sacro

Fonte sonat, sævamque exhalat opaca mephytim.

Le bois sacré qui entourait cette source a disparu. Il n’est pas nécessaire, je pense, d’insister sur l’invraisemblance de l’opinion de Servius qui place l’oracle domestique de LATINUS dans un territoire étranger, situé à 40 milles de LAURENTUM.

Les bois sacrés étaient très répandus sur cette côte : celui de JUPITER INDIGES était le plus voisin, celui de PICUS était sur la hauteur qui domine LAURENTUM, celui de PILUMNUS était près d’ARDEA, celui de HELERNUS était près du Tibre, ainsi que celui de STIMULA qui était vers l’embouchure du même fleuve, enfin celui de SILVANUS était au delà du Tibre, près de CÆRE.

Aquæ Ardeatinæ.

Il existe près d’ARDEA d’autres sources sulfureuses, FONTES SULPHURATI, d’après Vitruve[118]. Elles se trouvent au sud d’Ardia, à la Solfarata.

Le Lacus Regillus.

Les avis des savants sont très partagés sur la position du fameux LACUS REGILLUS. Nibby a cru retrouver l’emplacement de ce lac entre Frascati et Monte Porzio[119]. On voit, en effet, au-dessous de cette dernière colline, à l’ouest, un vaste cratère, rempli d’un sédiment lacustre, à présent desséché et appelé Pantano Secco. Mais M. Canina pense (et c’est de lui-même que je le tiens) que, aux époques historiques, ce lac n’a jamais existé[120].

D’autres géographes modernes proposent le Laghetto, qui se trouve au pied de la Colonna, près de la colline appelée Monte Falcone. Cette opinion était généralement adoptée au temps de Cluvier[121]. Elle a été suivie après lui par Westphal[122], Reichardt[123], Spruner[124], d’Anville[125], Rudscheit[126], Cramer[127], etc. ; enfin cette position, au laghetto, a été présentée par Gell et Nibby[128] dans leur carte en même temps que l’autre position à Pantano Secco.

Canina place le LACUS REGILLUS en Algide, au plus septentrional des deux petits lacs que l’on trouve à l’extrémité de la vallée de Molara, près du défilé que suit la VIA LATINA pour sortir des monts Albains.

Tite Live dit que le LACUS REGILLUS était dans la campagne de TUSCULUM : in agro Tusculano[129]. Or, en le plaçant au Laghetto della Colonna, on ne se conforme pas mieux à l’indication de l’historien latin, qu’en le portant au petit lac de la vallée de Molara. Cette vallée semblerait même avoir été une dépendance de TUSCULUM plutôt que la plaine de la Colonna, qui était proprement la campagne de LASICUM.

Si, d’autre part, on lit attentivement le récit très circonstancié de Denys d’Halicarnasse[130], on se rangera, sans hésitation, à l’avis de M. Canina. Voici le résumé de la narration de Denys :

Le dictateur Postumius se met en marche ; il fait si grande diligence qu’en une nuit, il arrive auprès du camp des Latins fortement établi près du LACUS REGILLUS. Il assoit son camp sur une haute colline, de difficile accès, d’où il domine la position des ennemis.

Les chefs de l’armée latine tiennent conseil ; ils proposent de mettre le dictateur en échec avec une partie de leurs troupes, tandis que le reste se portera en avant, pour surprendre Rome.

Pendant qu’ils délibèrent, le consul T. Virginius, qui, la nuit précédente, a forcé sa marche, parait tout à coup avec son corps d’armée et vient camper à peu de distance du dictateur, sur une autre éminence, de telle sorte que les Latins, menacés de deux côtés à la fois, ne peuvent plus opérer leur mouvement en avant.

C’est alors que Postumius détache son lieutenant Æbutius avec l’ordre de s’emparer, en tournant l’ennemi, d’une hauteur qui commande l’unique route par laquelle les Latins peuvent recevoir des vivres et du secours. Æbutius part avec la nuit, il traverse une forêt où il ne trouve aucun chemin frayé et, sans être découvert, prend position sur la montagne que le dictateur lui a désignée. Lorsque les Latins s’aperçoivent que toute communication avec le pays d’où ils attendent des renforts est interceptée, ils tentent une vive attaque contre Æbutius et sa troupe, mais ils échouent dans cette manoeuvre. Cependant la cavalerie romaine, qui garde les avenues, arrête des courriers chargés d’annoncer aux généraux latins que les Volsques et les Herniques s’apprêtent à venir à leur aide. Les Romains, ainsi avertis, préviennent l’arrivée de ces nouveaux ennemis et engagent aussitôt la bataille. Suivent la harangue de Postumius et le récit de l’action.

Presque aucune des circonstances que je viens de rapporter ne peut s’appliquer à la position du Laghetto della Colonna ; toutes, au contraire, s’accordent avec la position du petit lac de la vallée de Molara.

1° Le Laghetto della Colonna est à 13 milles de Rome. Postumius n’eût pas eu besoin de précipiter sa marche pour franchir en une nuit une distance de quatre lieues et demie. Le lac de la vallée de Molara est au 20e milliaire de la VIA LATINA. On comprend que le dictateur a dû se hâter pour faire parcourir à son armée, en une nuit, une distance de près de sept lieues.

2° Le dictateur occupe une hauteur ; le consul en occupe une autre. Auprès du Laghetto della Colonna, il n’existe qu’une seule colline, le Monte Falcon ; puis, à quelque distance, au sud, l’éminence qu’occupe la ville de la Colonna (LABICUM) et qui, dès lors, ne pouvait pas servir à l’établissement d’un camp. Les Latins forment le dessein d’enfermer Postumius et de l’assiéger dans son camp. Or, si l’on suppose l’armée romaine placée à Monte Falcone, colline isolée au milieu de la campagne, le projet des Latins est inexécutable. Si nous nous transportons à la vallée de la Molara tout entourée de hautes montagnes, nous pourrons placer le dictateur à Monte Fiore ; le consul, sur l’un des sommets voisins, et les Latins auraient bien pu songer alors à enfermer l’armée de Postumius dans une vallée qui n’offre que deux issues ; l’une à l’est, l’autre à l’ouest, toutes deux dans la direction de la VIA LATINA.

3° Comment les Romains, à leur tour, seraient-ils parvenus à enfermer leurs ennemis et à rompre leurs communications, si les armées s’étaient trouvées en présence dans une campagne ouverte de toutes parts ? Transportons-nous dans la vallée de la Molara ; les deux armées romaines, en prenant leurs positions à l’ouest du camp des Latins, ferment une des deux issues. Æbutius, détaché avec sa troupe, traverse pendant la nuit la forêt qui couvre les flancs de la montagne de Rocca Priora, se porte sur la hauteur qui domine le défilé par où passe la VIA LATINA et se rend ainsi maître de la secondé issue.

Il est donc démontré pour moi : 1° qu’il est impossible de concilier le récit de Denys avec la position du Laghetto della Colonna ;

2° Que le LACUS REGILLUS est en Algide, au lac de la vallée de Molara, près de l’Osteria dell’ Oglio.

Lacus Albanus. Lacus Nemorensis. Fons Egeriæ.

Les positions du LACUS ALBANUS et du LACUS NEMORENSIS, ainsi que celle de la fontaine EGERIA située sur ses rives, sont trop connues pour que j’aie rien à ajouter ici à ce qu’en rapporte Cluvier. Mais j’aurai occasion d’en parler plus bas en décrivant les lieux historiques qui les entouraient. Canina a donné une description de l’EMISSARIUM du Lago di Nemi qui servait à déverser le trop-plein de ce lac dans celui d’ARICIA.

 

 

 



[1] Le célèbre géologue espagnol, M. Vilanova, prépare un grand travail sur l’Italie. — M. le comte Spada et MM. P. Savi et G. Meneghini, déjà connus par leurs explorations géologiques des environs de Naples, travaillent en ce moment à un ouvrage important sur l’Italie centrale. Quelques-unes de leurs observations, et particulièrement celles de M. le comte Spada, nous sont connues par la lettre de M. Ed. Collomb, communiquée à la société géologique par M. Constant Prévost. Bullet., séance du 21 novembre 1853, IIe série, t. XI.

[2] Mémoire sur la zone volcanique d’Italie, par Joseph Ponzi, professeur d’anatomie comparée à l’université de Rome. Rome, 17 septembre 1849, publié dans le bullet. de la Société géolog. de France. Séance du 15 avril 1850.

[3] Voy. § 4 du mémoire cité plus haut.

[4] M. le comte Spada, qui a fait beaucoup d’observations sur les phénomènes volcaniques de son pays, est parvenu à établir un certain nombre d’époques successives dans les déjections des volcans. Il distingue quatre différentes époques dans les dépôts volcaniques de l’Italie.

A la première époque on peut rattacher les éruptions dont on voit des traces considérables à l’île d’Ischia.

Les tufs volcaniques de cette île sont couverts, sur quelques points, par des marnes fossilifères que hl. Spada et M. E. Collomb assimilent à l’étage subapennin.

Le déprit développé sur une grande échelle, dans les environs de Naples et des champs Phlégréens, appartient à la seconde époque. Les tufs y sont superposés aux marnes.

Le dépôt volcanique, qui est le troisième en date, se remarque dans les environs de Rome, sur les rives du Tibre. On trouve deux étages dans ces dépôts : l’un inférieur, comprenant les marnes et leurs fossiles ; l’autre supérieur, formé de sables jaunes.

Le quatrième dépôt enfin est représenté par les productions aériennes composées de cendres, de ponces, de lapilli, que l’on voit dans la campagne romaine : c’est le système des monts Albains.

Voy. la lettre écrite de Naples, 10 septembre 1853, par M. Éd. Collomb, et communiquée à la Société géologique de France par M. Constant Prévost, dans la séance du 21 novembre 1853. Bullet., 2e série, t. XI, feuilles 4-10.

[5] Voy, les progrès successifs de la côte sur la carte de Canina. La Campagna romana, 1845.

[6] Rapport adressé à M. le ministre des travaux publics sur plusieurs travaux de colmatage, de desséchement et d’irrigation exécutés en Italie (Annales des ponts et chaussées. — Mémoires, t. V).

[7] Voy. Pline, l. III, c. IX. — Il cite Théopompe. La conformité du Monte Circello, quant à son aspect, avec les îles Ponza, Zannone, Palmarola, suffirait seule à le faire reconnaître pour une île rattachée au continent par suite du retrait de la mer.

[8] Pour toute la géographie physique, voyez la carte de Gell et Nibby qui est la moins inexacte de tontes. La belle carte dressée par les officiers de l’état-major français n’a pas encore paru. Mais je dois à leur extrême obligeance d’avoir eu sous les yeux leurs plans au 40 millième. Rien ne peut remplacer cette carte pour la topographie physique.

[9] Voy. Canina, Carte de la Campagna romana, Roma, 1845.

[10] Voy. carte de Gell et Nibby. — C’est dans le vif du CATILLUS, encore appelé dans le langage populaire Monte Catillo, qu’est creusé l’émissaire de Grégoire XVI.

[11] L. I, c. II, § 4.

[12] L. III, c. LII.

[13] Altlatinische, etc., p. 454.

[14] L. V, c. XXXVII.

[15] Carte de Gell et Nibby ; — T. Liv., l. II, c. XXXII.

[16] Itin. de Rome et de ses environs, par Vasi et Nibby. Rome, 1849, t. I, p. 24.

[17] Le mons Algidus, proprement dit, serait, suivant Nibby, le sommet qui est voisin de Rocca Priora, à l’est. Mais je ne vois aucune preuve certaine que cela soit. J’aurai occasion de parler plus bas du pays appelé ALGIDUM. Voy. Nibby, Viagg. ant., t. II, p. 53 et suiv. Roma, 1819.

[18] Horat., l. I, carm. XXXI, v. 6.

[19] L. XIV.

[20] Camille, c. XLIII.

[21] Ital. Ant., p. 1026, éd. Elzev., 1624.

[22] Nec procul ab Lanuvio (ad Mæcium is locus dicitur) castra oppugnare est adortus.... L. VI, c. II.

[23] Anal. géogr. de l’Ital., IIIe part. L’Ital. ultér., p. 202. 1744.

[24] On trouvera cette inscription plus bas dans le dernier chapitre de ce travail.

[25] Tout le monde connaît les beaux vers d’Horace :

Vidimus flavum Tiberim.... L. I, carm. II, v. 13.

Ces accidents étaient fort rares, et pourtant les Romains n’avaient construit aucune levée pour exhausser les rives du fleuve.

[26] P. 289 et suiv.

[27] P. 299 du Rapport déjà cité.

[28] Voy. Carta della campagna romana, 1845, sur laquelle les différents âges du retrait de la mer sont indiqués.

[29] ... In ore Tiberis Ostia urhs condita... — T. liv., l. I, c. XXXIII.

[30] ... In ipso maris fluminisque confinio... Flor. Ancus Mart.

[31] On a cependant trouvé dans les ruines d’OSTIA des inscriptions du temps de Septime Sévère.

[32] A la sortie de la branche de Fiumicino, il y a dans la mer une barre sur laquelle on trouve au plus 1m,70 d’eau et qui gène beaucoup la navigation.. Mém. de M. Baumgarten (p. 301), cité plus haut. Voici des renseignements intéressants sur la profondeur des eaux du Tibre extraits du tableau de M. Cavalieri :

Désignation des parties.

Profondeur minima en mètres.

De Ponte Felice à Rome

1,30 à 1,10

Traversée de Rome non navigable à cause des moulins

"

De Rome à l’origine des branches d’Ostia et de Fiumicino

1,70 à 1,50

Branche de Fiumicino

2,5

 

[33] L. V, c. XXXVII.

[34] Diodore, l. XIV, c. CXIV, éd. Didot, 1843.

[35] Camille, c. XXII.

[36] L. I, vers la fin.

[37] Catalog. flum., édit. Panckoucke.

[38] Camille, c. XXII.

[39] L. XXVI, c. II.

[40] Ital. Ant., p. 710 et 711, éd. Elzev., 1624.

[41] Voy, la carte de Gell et Nibby.

[42] Altlatinische, etc., p. 73.

[43] Analisi storico-topogr. ant. della Carta de’ dintorni di Roma, t. I, p. 10 et suiv. Roma, 1837. — La plus forte preuve alléguée par Nibby est ce passage de Silius Italicus, l. XIII, v. 5.

Tutia deducit tenuem sine nomine rivum

Et tacite Tuscis inglorius adfluit undis.

Ce qui veut dire simplement que ce ruisseau se jette dans le Tibre, le fleuve étrusque, comme dit Virgile : TUSCUS AMNIS.

[44] Ital. Ant., p. 713, éd. Elzev., 1624.

[45] Annot., p. 128.

[46] P. 203 ; — comparez Cluvier, Ital. Ant., p. 714, éd. Elzev., 1624 ; — Bormann, Altlatinische, etc., p. 74 et 75 ; — Vasi et Nibby, Itinér. de Rome et de ses envir., éd. franç., vol. II, p. 598 et 599.

[47] Vitruve, VIII, 3.

[48] Strabon, l. V, c. VII, p. 223, éd. Gossel. et Duth. — Pline, l. XXXI, c. XI ; — Suétone, Octav. Aug., c. LXXXII ; — Id. Nero, c. XXII ; — Martial, l. VI, ép. IV ; — Id., l. I, ép. XIII ; — Stace, Silves, l. I, carm. III, v. 75 ; — Vitruve, VIII, 3 ; — Isidore, Origin., l. XIII, c. XIII.

[49] Voyage dans le Latium, Genève, an XIII, p. 208 et suiv.

[50] Cluvier est du nombre. — Volpi a soupçonné le premier que cette confusion était une grave erreur.

[51] Silves, l. I, carm. III, v. 99.

[52] L. I, carm. VII, v. 11.

[53] De falsa religione, l. I, c. VI.

[54] Passage indiqué plus haut.

[55] Passage indiqué plus haut.

[56] Rura nemusque sacrum, dilectaque jugera Musis,

Signat vicina quartus ab urbe lapis. L. I, ép. XIII.

Urbs est ici Tibur.

[57] Deux inscriptions trouvées en cet endroit en sont la preuve. Nibby, Viagg. antiq. Roma, 1819, t. I, p. 110.

[58] Strabon, l. V, c. VII, p. 223, éd. Duth. et Gossel. — Bormann, Altlatinische, etc., p. 71 ; — Mannert, p. 523 ; — Gell, II, p. 123.

[59] Voy. carte de Gell et Nibby ; — comparez Bormann, Altlatinische, etc., p. 73 ; — Müller, Kampagne, I, p. 158. — .... Si passa quindi il fiume Magliano, che deve avere tratto il nome da qualche possessione MANLINA per la quale passava...., Nibby, Viaggio antiq., p. 103, t. I.

[60] Voy. Bormann, Altlatinische, etc., p 13.

[61] L. V, c. VIII, p. 225, éd. franç. Duth. et Gossel.

[62] Recherches sur la maison de campagne d’Horace, IIe part., § 113, t. II, p. 130.

[63] Ép. ad div., l. XVI, ép. XVIII, éd. Amar, ex recens. J. V. Leclerc. — Orat. pro Cornel. Balbo, c. XX, même édit.

[64] S. J. Frontini Commentarius, pars I, S 8, éd. Rondelet. Paris, 1820.

[65] Cela n’empêcha point que les fontainiers ne prissent encore une certaine quantité de l’AQUA CRABRA pour servir de supplément à la JULIA. Front., Comment., pars I, § 9.

[66] S. J. Frontini Comment., pars I, S 19, éd. Rondelet, voy. l’atlas, pl. 2.

[67] Front., pars Ire, § 5, id.

[68] Front., pars Ire, § 21, id.

[69] Petronia amnis est in Tiberim profluens, quam magistratus auspicato transeunt, cum in Campo quid agere volunt, quod genus auspicii perenne vocatur ; amnem autem feminine antiqui enunciabant.

[70] Lucain, Pharsal., l. I, v. 600 ; — Silius, l. VIII, v. 363 ; — Stace, Silves, l. V, carm. I, v. 223 ; — Ovide, Fastes, l. IV, v. 338 ; — Martial., l. III, ép. XLII ; — Vibius Sequester, Catal. flum.

[71] Ovide, Métamorphoses, l. XIV, v. 330.

[72] T. Liv., l. I, c. XXI.

[73] Fastes, II, v. 599.

[74] Voy. Gell., I, p. 159.

[75] Voy. pour le cours véritable de l’AQUA FERENTINA, la carte de Gell et Nibby, et surtout la carte des officiers de l’état-major français, dont l’épreuve seulement a été tirée en juillet 1854.

[76] Bormann, Altlatinische, etc., p. 67

[77] Voy. carte de Gell et Nibby.

[78] Voy. Riranesi, Descriz. e disegno dell’ Emissario del logo di Alba Longa. Rom., 1788 ; — Abeken, p. 178.

[79] C. XX, éd. Amar, ex recens. J. V. Leclerc. — Voy. Cluv., Ital. ant., p. 719, Elz., 1624.

[80] Æneid., l. XII, v. 852 et 868.

[81] Serv. ad l. XII, ibid.

[82] Æneid., l. XII, v. 134

[83] Fastes, l. II, v. 597.

[84] Altlatinische, etc., p. 65. Il ne faut pas attacher toutefois à cette épithète une trop grande importance ; car, outre qu’elle ne s’applique pas directement à la nymphe JUTURNA, mais seulement à ses compagnes, Ovide semble désigner par le nom de TIBERINIDES, non les seules nymphes qui président aux sources des affluents du Tibre, mais toutes celles qui ont rapport aux cours d’eau du LATIUM, car il dit dans le même passage :

Convocat hic nymphes, Latium quecumque tenebant,

et plus bas il ajoute, en parlant des mêmes nymphes :

.......... adnuerant nymphæ Tiberinides omnes.

[85] Le souvenir des anciennes superstitions est si vif chez le peuple, qu’aucun des habitants du Monte Circello n’oserait entrer dans la belle grotte que l’on trouve en haut de la montagne et que le peuple croit avoir servi de demeure à la maga ou magicienne Circé.... Ayant proposé à quelques paysans des environs de Circello de m’accompagner dans la grotte, tous me refusèrent, lorsqu’un soldat à grande moustache étant venu à nous, je leur dis : En voilà un qui ne me refusera pas ; mais l’homme aux moustaches, ayant appris de quoi il était question, s’enfuit à la seule proposition de me suivre chez Circé. Bonstetten, Voyage dans le Latium, Genève, an XIII, p. 73.

[86] Servius, ad Æn., passage cité plus haut.

[87] Virgile, Æn., 1. XII, v. 138 ; — Ovide, Fastes, l. II, v. 585 et suiv.

[88] Denys d’Hal., l. VI, c. 13 ; cf. Nardini, Roma Ant., l. V, c. V.

[89] ..... poterunt ritum Picus Faunusque piandi

Tradere, Romani numen utrumque soli.

Ovide, Fastes, l. III, v. 993.

[90] Lucus Aventino suberat niger ilicis umbra,

Quo posses viso dicere numen inest.

In medio gramen, muscoque adoperta virenti

Manabat saxo vena perennis aquæ ;

Inde fere soli Faunus Picusque bibebant.

Ovide, Fastes, l. III, v. 295.

[91] Æn., l. XII, v. 138.

[92] . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Hinc septem dominos videre montis

et totam licet æstimare Romam,

Albanos quoque Tusculosque colles

et quodcumque jacet sub urbe frigus,

Fidenas veteres brevesque Rubras,

et quod virgineo cruore gaudet

Annæ pomiferum nemus Perennæ.

Illinc Flaminiæ Salariæque

gestator patet essedo tacente,

ne blando rota sit molesta somno,

quem nec rumpere nauticum celeuma

nec clamor valet helciariorum,

cum sit tam prope Muluius sacrumque

lapsæ per Tiberim volent carinæ.

Martial, l. IV, ép. LXIV.

[93] Ovide, Fastes, l. III, V. 523 et suiv.

[94] M. Lacroix, dans son remarquable travail sur les Fastes d’Ovide, dit que le peuple traversait le Tibre pour se rendre au bois sacré d’ANNA PERENNA ; le poète ne donne point à entendre qu’il fallut franchir le fleuve, et Martial semble indiquer clairement que ce NEMUS était situé en deçà du Tibre, puisque c’était, en effet, en deçà du fleuve qu’avait lieu la bifurcation des voies Salarienne et Flaminienne que le poète satirique semble associer au bois sacré d’ANNA PERENNA, dans le passage cité plus haut in extenso. Voy. Lacroix, Rech. sur la rel. des Rom. d’après les Fastes d’Ovide, Paris, 1846.

[95] Fastes, l. III, v. 667.

[96] Voy. plus haut la Géologie.

[97] Bonstetten, Voyage dans le Latium, p. 83 et 84. Genève, an XIII.

Voici les passages de Virgile sur lesquels cet auteur s’appuie :

Postera, cum prima lustrabat lampade terras

Orta dies, urbem et fines et littora gentis

Diversi explorant. Hue fontis stagna Numici

Nunc Tibrim fluvium, hic fortes habitare Latinos.

Æn., l. VII, v. 148.

L’auteur remarque que le nom du NUMICIUS est toujours associé à celui du Tibre de Virgile :

Qui saltus, Tiberine, tuos, sacrumque Numici

Littus arant....

Æn., l. VII, v. 797.

.... jussisque ingentibus urget Apollo

Tyrrhenum ad Tibrim et fonds vada sacra Numici

Æn., l. VII, v. 241.

[98] Bonstetten, Voyage dans le Latium, p. 140.

[99] Ital. ant., p. 894, éd. Elzev., 1654.

[100] Tabul. Ital. ant., 1764.

[101] Tabul. Geogr. ital. ant., sect. II, Berol., 1881.

[102] Voy. Carta de’ dintorni di Roma.

[103] Agri Romani tab., Berol., 1829.

[104] Spruneri, Atl. ant., n° XII, Gothæ, Justus Perthes.

[105] Voy. Ital. ant. et nov., pars Australis, auctore J. A. Cramer, Oxford, 1825.

[106] Bormann, Altlatinische, etc., Halle, 1852, p. 60.

[107] Sickl. Alman., II, p. 208.

[108] P. 49. Voy. Bormann, Altlatinische, etc., p. 60.

[109] Reichardi orb. terrar. antiq. tab. XI, Norimbergæ, 1823.

[110] Hist. nat., l. III, c. IX, éd. Lem.

[111] Denys, l. I, c. XV, § 2.

[112] Aurel. Victor, de origine gentis Romanæ, c. XIV.

[113] Voy. tout l’épisode d’Anna Perenna dans Ovide, Fastes, l. III, v. 523-657.

[114] Altlatinische, etc., p. 59 et suiv.

[115] V. 598.

[116] Je ne connais d’autre VIA NUMICI que celle qui servait d’embranchement à la voie Appienne dans son prolongement jusqu’à Brindes à travers le Samnium.

[117] Bonstetten, Voyage dans le Latium. Genève, an XIII, p. 206 et suiv.

[118] L. VIII, c. III.

[119] Voy. la carte de Gell et Nibby, et la dissertation de ce dernier, Analisi, t. II, p. 166. Roma, 1837.

[120] Nibby assure qu’il existait encore au XVIIe siècle et que les Borghèse l’ont fait dessécher. Mais comment expliquer alors qu’il ait passé inaperçu aux yeux de Fabretti et de Cluvier, l’un écrivant en 1680 et l’autre au commencement du XVIIe siècle ? Voy. leurs cartes.

[121] Ital. ant., p. 945, éd. Elzev., 1624.

[122] Agri rom. tab., déjà citée.

[123] Orbis terrarum antiquus. Tab. XI. Nuremberg, 1893.

[124] Atl. ant. Tab. XII. Gotha.

[125] Tab. Ital. ant., 1764.

[126] Tab. geogr., Ital. antiq., sect. IV. Berolini, 1851.

[127] Ital. antiq. et nov., pars Austral., Joseph Parker, Oxford, 1825.

[128] Voy. leur carte déjà citée.

[129] L. II, c. XIX.

[130] L. VI, c. II, § 4 et suiv.