§ I. — LE GRAND LATIUM ET LE PAYS DES LATINS. Les géographes ne sont pas d’accord sur l’étendue du LATIUM ; mais tous distinguent le VETUSTISSIMUM LATIUM, ou LATIUM primitif, du grand LATIUM de l’époque d’Auguste. Le premier était le pays des anciens Latins, avec toutes les colonies que ce peuple avait fondées avant la conquête des Romains. Le second avait une bien plus grande étendue et comprenait au temps d’Auguste, outre le pays des Latins, les pays des Rutules, des Èques, des Herniques, des Volsques, la plus grande partie de celui des Ausones et quelques terres de la Sabine et de l’âpre contrée des Marses. La réunion de ces divers pays formait alors toute la portion septentrionale de la première Région. Quelques géographes anciens et modernes ont renfermé le LATIUM entre le Tibre, l’Anio, le Liris et la mer Tyrrhénienne, ce qui donnerait à cette contrée des limites naturelles. Voici à cet égard le passage de Pline l’Ancien : LATIUM antiquum a Tiberi Circeios servatum est, mille passuum quinquaginta longitudine. Tam tenues primordio imperii fuere radices. Colonis sæpe mutatis, tenuere alii aliis temporibus, Aborigines, Pelasgi, Arcades, Siculi, Aurunci, Rutuli. Et ultra Circeios Volsci, Osci, Ausones, unde nomen Latii processit ad Lirim amnem[1]. Dans le même chapitre, en parlant du Tibre, le géographe ancien s’exprime ainsi : .... sed infra Aretinum Glanim duobus et quadraginta fluviis auctus, præcipuis autem Nare et Aniene, qui et ipse navigabilis LATIUM includit a tergo.... Il résulte de ces deux passages que le Liris et l’Anio formaient la limite du LATIUM ; et en effet, quelques auteurs anciens et, d’après eux, la plupart des géographes modernes désignent sous le nom de SABINE tout le pays situé au delà de l’Anio[2]. Pline, d’après ce qui précède, semble justifier cette opinion ; cependant, au même chapitre, il cite NOMENTUM comme ville de la première Région[3], et CÆNINA, CRUSTUMERIUM, AMERIOLA, MEDULLIA, CORNICULUM, FIDENÆ comme villes latines, in Latio[4], quoique toutes ces cités, ainsi que je tâcherai de le prouver, fussent situées au nord de l’Anio. La contradiction de ces deux passages n’est qu’apparente : en effet, dans le premier cas, Pline, en donnant pour limite septentrionale au LATIUM le cours de l’Anio, entend parler du pays auquel on avait conservé la désignation vulgaire qui ne répondait ni au pays des anciens Latins ni au LATIUM d’Auguste. Il était passé dans l’usage d’appliquer le nom de LATIUM au pays renfermé dans les limites naturelles que j’ai indiquées plus haut, et de donner le nom de SABINE au pays situé au nord de l’Anio[5]. Cette appellation populaire était d’ailleurs fondée sur la plus ancienne répartition des peuples de cette partie de l’Italie. Longtemps avant la fondation de Rome, les premiers Latins[6] n’avaient point franchi l’Anio, dont la rive droite était occupée par les Sabins. A une époque pets éloignée de l’origine de Rome, des colonies latines furent envoyées en Sabine, comme nous l’apprennent Denys d’Halicarnasse et Tite Live, et, vers le commencement de la République, nous trouvons la race latine répandue dans cette contrée, qui conserva la désignation populaire de Sabine, quoiqu’elle ne répondit plus à aucune répartition ethnographique, et qu’elle ne s’appliquât encore à aucune division politique[7]. Il est impossible de suivre avec exactitude les progrès et les développements de la race latine aux différentes époques de son histoire ; je suis donc obligé de circonscrire le domaine de mes recherches. Je ne considérerai que deux époques seulement : j’essayerai d’abord de déterminer l’étendue du pays occupé par les Latins avant la conquête romaine, et je dirai ensuite quelques mots du GRAND LATIUM tel qu’il existait à l’Époque d’Auguste. Mais avant de rechercher quelle devait être l’étendue du pays latin, il importe d’expliquer ce qu’on entend par la race latine proprement dite. § II. — CE QU’IL PART ENTENDRE PAR LA RACE LATINE. D’après Denys d’Halicarnasse, les SICULES auraient été les premiers peuples établis sur la rive gauche du Tibre[8], dans tout le pays qui fut plus tard la campagne romaine. Les ABORIGÈNES vinrent ensuite prendre possession de ce pays, de concert avec les PÉLASGES, et ils en chassèrent les SICULES. Toute la contrée comprise entre le Tibre, le Liris et la mer, fut donc occupée par un mélange de PÉLASGES, d’ABORIGÈNES, et peut-être un reste de SICULES. Mais le nom d’ABORIGÈNES seul semble avoir prévalu dans ce pays pendant le second âge, c’est-à-dire depuis le départ des SICULES jusqu’à la guerre de Troie[9]. Le roi Latinus, que le même historien fait contemporain de cette guerre, aurait changé le nom d’ABORIGÈNES en celui de LATINS. Il ne faut cependant pas croire que ces deux noms soient synonymes, et qu’il faille entendre sous la désignation de LATIUM tout le pays occupé par les anciens ABORIGÈNES, dont le siège primitif et le centre étaient vers LISTA[10], leur capitale, et CUTILIÆ[11] à 70 stades de REATE, c’est-à-dire dans la Sabine septentrionale. Leurs villes principales étaient toutes au nord de l’Anio : PALATIUM à 25 stades de REATE[12], TRIBULA à 60 stades de la même ville, VESBOLA[13] à 60 stades de TRIBULA, SUNA à 40 stades de VESBOLA, MEPHYLA à 30 stades de SUNA, ORVINIUM[14] à 40 stades de MEPHYLA, CARSULE[15], l’ÎLE D’ISSA, MABUVIUM[16] à 40 stades des Sept étangs[17], BATIA à 30 stades au sud de REATE, et TIORA, ou MATIENA, à 300 stades de la même cité. Quoique les positions de ces différentes villes aborigènes ne soient pas reconnues. il est hors de doute qu’elles étaient toutes plus ou moins voisines de REATE, par conséquent bien au delà de l’Anio. Leurs colonies se rapprochèrent ensuite des bords de cette rivière et du mont Albain. Telles sont ANTEMNÆ[18], TELLENE[19], FICULNA[20] et TIBUR, ancienne ville sicule. C’est donc dans la direction du nord au sud qu’a eu lieu le développement progressif de la race des ABORIGÈNES. C’est le mélange de ces peuples avec les PELASGES, et bientôt avec la colonie troyenne, qui a donné naissance à la race latine dont parle Denys. Jusqu’à l’arrivée d’Énée, on appelle indistinctement du nom d’ABORIGÈNES les peuples situés au nord et au sud de l’Anio[21]. Mais après l’établissement des colonies de LAVINIUM et d’ALBA-LONGA, la race latine commence à avoir une existence politique plus tranchée et à se distinguer du reste de la nation ou plutôt de la race des ABORIGÈNES. ALBE devient le centre principal de la nation latine proprement dite, et c’est autour de cette métropole que rayonnent de nouvelles colonies désignées par les historiens et les poètes anciens sous le nom de colonies latines : FIDENÆ[22], NOMENTUM[23], CORNICULUM[24], MEDULLIA[25], CAMERIA[26], AMERIOLA[27], CRUSTUMERIUM[28]. Toutes ces villes étaient au nord de la campagne romaine et vers la Sabine. Le mouvement d’extension de la race latine proprement dite a donc eu lieu du sud au nord, par conséquent en sens inverse de celui des Aborigènes. C’est à cette nation latine, mélange de Sicules, d’Aborigènes, de Pélasges et de Troyens, ayant pour capitale et pour centre politique et religieux la ville d’ALBE et le bois sacré de FERENTINUM, que je donne le nom de LATINS proprement dits, et c’est l’étendue du pays occupé par cette nation que je vais essayer de déterminer à l’époque des premières conquêtes de Rome. § III. — PEUT-ON ASSIGNER DES LIMITES AU LATIUM ? Ce serait en vain qu’on s’efforcerait de fixer les limites exactes des anciens peuples de l’Italie, ainsi qu’ont cherché à le faire Cluvier et d’Anville, car pour les Romains eux-mêmes ces limites n’ont jamais existé. Qu’était-ce en effet que la nation latine ? la réunion de cités diverses ayant chacune son gouvernement, ses lois et son territoire ; de telle sorte que les colonies elles-mêmes étaient indépendantes de leur métropole et souvent en guerre avec elle. En un mot, sous le nom de latins, on ne peut comprendre qu’un ensemble de petits États politiques distincts qui voyaient s’accroître ou diminuer leur territoire, suivant les chances de la guerre ou les conventions des traités. Il n’existait entre eux d’autres liens que le souvenir d’une commune origine, la conformité de la langue, des mœurs et surtout de la religion, et les solennités du mont Albain pouvaient seules, à l’approche d’un grand danger, réunir accidentellement toutes ces cités trop souvent divisées d’intérêts et animées les unes contre les autres par de sanglantes rivalités. Dans ces assemblées religieuses, tous ces peuples se rappelaient qu’ils ne formaient jadis qu’une seule famille ; l’isolement cessait, les conseils étaient tenus par les députés des villes latines, les mêmes mesures étaient prises contre l’ennemi de la nation entière, et le pacte renouvelé était placé sous les auspices des dieux. Toutes les grandes entreprises tentées contre Rome naissante l’ont été parla ligue latine[29]. Mais ces rapprochements momentanés ne suffisaient pas pour substituer chez tous ces peuples le culte des intérêts communs de la race au patriotisme étroit de la cité. Il n’y avait parmi eux ni centre d’action politique ni unité de commandement militaire. On comprendra qu’en présence d’un pareil morcellement, il ait été impossible d’assigner des limites à ce pays, dont toutes les cités avaient, en temps ordinaire, une existence isolée. Aussi me bornerai-je à déterminer l’étendue approximative du territoire occupé par la race latine, sans m’imposer la tâche stérile de tracer des limites que je crois imaginaires. Il suffit, en effet, de lire attentivement Tite Live et Denys, pour se convaincre qu’il n’a existé, dans ces premiers temps, d’autres limites que celles qui étaient particulières à chaque cité. § IV. — ÉTENDUE DU LATIUM DU CÔTÉ DE L’ÉTRURIE. D’après les témoignages des auteurs anciens, il semble que les Latins n’aient jamais franchi le Tibre. Ce fleuve aurait donc formé de tout temps, vers le nord-ouest, la limite du VETUSTISSIMUM LATIUM ; mais cette barrière n’a pas toujours été respectée par les Étrusques ; car Denys nous apprend que ces peuples possédaient des territoires enclavés dans le pays latin. Les noms de Tuscos vices, du CŒLIUS[30], où était venu s’établir un chef étrusque qui lui avait donné son nom, de TUSCULUM[31] enfin, dénotent une origine étrusque. On peut ajouter à ces preuves les résultats des découvertes archéologiques faites dans la campagne romaine. FIDENÆ, que j’ai citée plus haut comme ville latine, avait reçu, à une autre époque, une colonie étrusque[32]. Ainsi l’intrusion de la race étrusque dans le LATIUM est un fait bien établi. On sait d’ailleurs qu’à l’époque de sa prospérité (du XIe au VIe siècle av. J.-C.), cette nation dominait à la fois sur les rives du Pô, de l’Arno, du Tibre et du Vulturne. Il n’est pas démontré que les Latins aient, à leur tour, franchi le Tibre et pénétré en Étrurie ; cependant voici un fait digne de remarque : Pline cite CRUSTUMERIUM comme ville de l’Étrurie comprise dans la septième Région[33], et comme ville du LATIUM comprise dans la première Région[34]. Dans le premier passage, le géographe latin s’exprime ainsi : ... in eadem a parte (Etruria) oppidorum veterum nomina retinent agri, CRUSTUMINUS, Caletranus.... Dans le second : .... in prima regione præterea fuere : in Latio clara oppida SATRICUM, POMETIA, SCAPTIA, PITULUM, POLITORIUM, TELLENE, TIFATA, CÆNINA, FICANA, CRUSTUMERIUM, etc. ... On a conclu de là qu’il existait deux CRUSTUMERIUM ou CRUSTUMIUM. Or, d’après le texte même de Pline, cela ne me paraît point probable ; car : oppidorum nomina retinent d’une part, et de l’autre le mot fuere marquent bien qu’il n’existait plus de son temps que le nom de cette antique cité, et que ce nom avait été appliqué à la campagne et à la tribu romaine établie, selon Boindin[35], dans la Sabine, entre la VIA SALARIA et la VIA NOMENTANA. Les historiens anciens ne font mention que d’une seule ville de ce nom et donnent à entendre qu’elle était située sur la rive gauche du fleuve. Je remarque en outre que Pline, dans le premier passage que j’ai cité, désigne seulement l’ager, et, dans le second, la ville elle-même ; d’où je conclus qu’il n’y avait qu’une seule cité, qu’elle était sur la rive gauche du fleuve, vers Marcigliana Vecchia, comme je l’établirai plus bas, et que ses domaines s’étendaient sur la rive droite du Tibre aussi bien que sur la rive gauche. Nous savons par de nombreux exemples que le territoire d’une cité n’était pas seulement composé du SURMŒNIUM, mais qu’il comprenait souvent des campagnes séparées de la ville par un grand intervalle. L’exemple de la Table alimentaire de Parme nous en fournit la preuve. Il faut remarquer, d’autre part, que l’on désignait par le nom d’une ville beaucoup plutôt le territoire de la cité, et quelquefois même une partie de ce territoire, que la ville elle-même. C’est ainsi que les mots RESPUBLICA LUCANORUM, appliqués aux domaines de LUCA situés dans la campagne de VELEIA, désignaient, par le nom de la cité même, des terres qui en étaient détachées et éloignées. Mais nous rencontrerons bientôt dans le LATIUM d’autres exemples de ces morcellements de territoires qui rendent si difficiles les recherches tentées au sujet des limites des cités, c’est-à-dire des seules limites politiques connues chez les anciens peuples de l’Italie. Je ne puis considérer comme étranger au LATIUM, le MONS JANICULUS où la tradition romaine plaçait le siège d’ANTIPOLIS, l’antique cité fondée par le roi Janus. Il en est de même du territoire qui environne cette colline, des PRATA MUCIANA et des PRATA QUINCTIANA, car tout ce pays, quoique sur la rive droite du Tibre, semble se rattacher, depuis les temps les plus anciens, non seulement au LATIUM, mais à la ville de Rome. Le tombeau de Numa était au pied du JANICULUS. Ainsi donc, sauf le territoire voisin de Rome et les dépendances de CRUSTUMERIUM, toute la rive droite du Tibre devait appartenir à l’ancienne Étrurie. La tradition faisait de ce fleuve la limite de la race latine au temps d’Énée[36]. § V. — ÉTENDUE DU LATIUM DU CÔTÉ DE LA SABINE. Vers la Sabine, il est plus difficile encore de retrouver la frontière du pays latin, car il n’existe pas de ce côté de bornes naturelles. Des villes latines et sabines étant répandues au nord de l’Anio, je dois les distinguer les unes des autres en cherchant à établir leur origine, et tracer ensuite entre elles une ligne approximative qui détermine l’étendue de la race latine de ce côté. Je commencerai par indiquer les villes latines. FIDENÆ, comme je l’ai dit plus haut, avait reçu une colonie étrusque[37] ; mais l’élément latin ne cessa d’y dominer ; aussi fut-elle considérée comme ville latine par Denys[38] et par Pline[39]. Tite Live lui-même, qui nous fait connaître la colonie étrusque, semble regarder FIDENÆ comme appartenant au LATIUM ou du moins comme n’étant pas dans la Sabine, quand il dit : ....Castra a Fidenis in Sabinum agrum transferri [jussit]....[40] Pline, il est vrai, cite les FIDENATES à la fois dans la quatrième Région[41] et dans la première[42], parmi les cinquante-trois peuples qui avaient disparu du LATIUM sans laisser de vestiges. On ne pourrait pourtant pas conclure des deux passages du géographe latin qu’il existât deux villes du nom de FIDENÆ, car il n’est fait mention chez les auteurs anciens que d’une seule et sa position est bien connue aujourd’hui : elle était au pied du Castel Giubileo, des deux côtés de la VIA SALARIA[43]. Mais il faut appliquer à cette ville ce que j’ai dit de CRUSTUMERIUM et expliquer le texte de Pline en admettant que FIDENÆ possédait des domaines dans la quatrième Région et en Sabine, de même que CRUSTUMERIUM, située sur la rive gauche du Tibre, en possédait en Étrurie dans la septième Région. D’après les témoignages qui précèdent, il est constant que FIDENÆ était une ville latine située au nord de l’Anio. Selon le témoignage de Denys, longtemps avant la fondation de Rome, CRUSTUMERIUM avait reçu une colonie d’Albains[44]. Tite Live[45] et Pline[46] en font une ville latine. Elle était au nord de l’Anio et ne pouvait être éloignée de FIDENÆ ; car Denys[47], dans le récit de la guerre que cette dernière soutint sous les décemvirs, donne à entendre que les deux cités étaient limitrophes : en effet, après avoir dit que l’armée s’était retirée jusqu’à CRUSTUMERIUM, il ajoute, sans qu’il ait été question d’un nouveau déplacement des légions, que le camp était à CRUSTUMERIUM et à FIDENAE, c’est-à-dire entre ces deux villes et sur la limite même de leurs territoires. Tite Live confirme ce passage de Denys, et l’explication que je viens d’en donner se trouve justifiée par ces mots très explicites de l’auteur latin : ....Ab Ereto per silentium noctis profugi propius urbem inter Fidenas Crustumeriamque loco edito, castra communierant....[48] Or, on découvre, à partir de l’Anio, en suivant la direction de la VIA SALARIA vers le nord, une première élévation, le Castel Giubileo, où était la forteresse de FIDENÆ ; puis une seconde au delà des Sette Bagni, à l’Osteria di Marcigliana[49] : c’est le locus editus où devait être l’armée romaine ; enfin, on en trouve une troisième plus importante que la seconde, où est Marcigliana Vecchia, et à laquelle se rattache tout le système des collines comprises entre le Tibre, La Mentana et le Mte Rotondo : ce sont ces collines qui étaient évidemment les CRUSTUMINI MONTES. CRUSTUMERIUM ne pouvait être que très près de Marcigliana Vecchia, où se voient des ruines, entre Castel Giubileo et Mte Rotondo ; par conséquent elle était au nord de l’Anio et était ville latine[50] ainsi que je l’ai déjà établi plus haut. D’après le témoignage de Tite Live[51] et de Pline[52], FICULEA[53] était une ville latine, au temps des premières guerres de Rome. Elle avait été fondée par les Aborigènes au pied des MONTES CORNICULI[54], par conséquent au nord de l’Anio et dans la direction de NOMENTUM, ce qui se trouve confirmé par un passage de Tite Live qui nous apprend que la VIA NOMENTANA a porté le nom de FICULENSIS VIA : ....via Nomentana cui tum Ficulensi nomen fuit....[55] Au sud-ouest du Mte Gentile, l’on trouve des ruines qui sont celles de FICULEA[56]. Aucun auteur n’a cité CORMICULUM comme étant en Sabine. Elle était ville latine au témoignage de Tite Live[57], de Pline qui la compte même parmi les cités de la confédération religieuse .... CORMICULUM,.... etc., et cum his carnem in monte Albano soliti accipere....[58] et enfin de Denys qui ne la cite pas, il est vrai, parmi les villes conjurées contre Tarquin[59], mais qui, dans un autre passage, donne clairement à entendre qu’elle était non seulement cité latine, mais encore de la ligue du LATIUM[60]. Je montrerai plus bas que CORNICULUM ne devait pas être à Monticelli, à l’est de NOMENTUM, où l’ont placé, sur leurs cartes, Canina[61], Gell[62] et Westphal[63], mais bien vers les collines du Tenimento di Marco Simone, à 11 milles de Rome, ainsi que l’a établi Bormann dans son récent ouvrage[64]. CAMERIA était ville latine au témoignage de Pline[65] et de Tite Live[66]. Elle avait été fondée par les Aborigènes ; elle reçut ensuite une colonie d’Albe[67], et, plus tard, deux colonies romaines sous le règne de Romulus, suivant la tradition recueillie par Denys[68]. Tous les géographes sont d’accord pour placer cette ville au nord de l’Anio. On ne sait quelle position précise lui attribuer ; mais il me parait qu’elle ne pouvait être éloignée de Rome de plus de 20 milles environ, ainsi que l’a judicieusement fait observer Bormann. En effet, Denys nous apprend que le consul Virginius, voulant attaquer cette place à l’improviste, fit franchir à son armée, en une seule nuit, toute la distance qui la séparait de Rome[69]. Palombara, où Canina, Westphal et Abeken ont placé la ville de CAMERIA, me parait trop éloignée de Rome. En outre, comme elle était ville latine et de la première Région ainsi que le marque Pline[70], peut-être ne faudrait-il pas la chercher sur les hauteurs qui, comme le Mte Palombara, se rattachent au LUCRETILIS, sommet de la Sabine d’après les passages si connus d’Horace. CAMERIA me paraît avoir été située sur une des collines voisines de S. Angelo et de Monticelli, et peut-être sur ce dernier sommet où plusieurs géographes placent à tort, selon moi, la ville de CORNICULUM[71]. Pline et Tite Live sont les deux seuls auteurs qui parlent d’AMEROLIA. Ils en font tous deux une ville latine[72] et Pline la renferme dans la première Région. L’analogie entre AMERIOLA et AMERIA, ville de la Sabine, l’a fait considérer par Cluvier comme ayant une origine sabine[73], cette preuve ne me paraît pas suffisante pour qu’on puisse affirmer, contre l’autorité de Tite Live et celle de Pline, qu’elle fût ville de Sabine ; mais on peut croire qu’elle a reçu une colonie de Sabins ou peut-être d’Aborigènes ; c’est pour cela que les géographes modernes ont eu raison de placer cette ville au nord de l’Anio et non loin de la Sabine. Peut-être faut-il la chercher dans les collines voisines de Monticelli, comme à S. Angelo in Capoccia ou à la hauteur située au nord de cette dernière bourgade et où se trouvent des ruines ; mais rien n’est plus douteux que les diverses positions qu’on a données à cette ville. MEDULLIA, ville bâtie par les Albains et colonie romaine sous Romulus, au rapport de Denys[74], est considérée par cet écrivain, par Tite Live[75] et par Pline[76] comme une cité latine. Pline la renferme dans la première Région. D’après le passage de Tite Live, il est évident que, comme AMERIOLA, MEDULLIA était au nord de l’Anio : l’historien latin ne mentionne en effet que des villes transaniéniques, dans le passage auquel j’ai déjà renvoyé plusieurs fois. Je pense que MEDULLIA devait être, comme AMERIOLA et CAMBRIA, vers les sommets de Monticelli et peut-être à S. Angelo in Capoccia, où l’ont placée Nibby, Canina, Abeken et Forbiger[77]. Je considère avec Bormann NOMENTUM comme une des villes les plus éloignées du LATIUM vers le nord et la dernière du coté de la Sabine. Le texte de Strabon à cet égard est très explicite : Les Sabins occupent un pays étroit dont la longueur prise depuis le Tibre et le territoire de NOMENTUM jusqu’aux frontières des Vestins est de 1000 stades[78]. Ce témoignage est fortifié par celui de Denys : Ils (les Sabins) occupèrent un pays éloigné d’environ 280 stades de la mer Adriatique, et de 240 de la mer Tyrrhénienne. Il (Porcius Caton) assure que ce pays ne comprenait guère moins de 1000 stades en longueur[79]. Or, en compte 16 milles d’OSTIA à Rome ; 14 de Rome à NOMENTUM, ce qui fait 30 milles de NOMENTUM à la mer[80]. A 8 stades au mille, nous obtenons 240 stades. C’est donc à NOMENTUM, dont la position est démontrée vers La Mentana, aux ruines qui se voient un peu à l’est de la bourgade moderne[81], qu’il faut placer le dernier territoire du LATIUM du côté de la Sabine. La ville même de NOMENTUM était latine selon Virgile[82], Denys[83], Tite Live[84] et Ptolémée[85]. Mais Pline la porte à la fois en Sabine et dans le LATIUM[86]. Il ne faut pas croire avec Hardouin[87] qu’il existât deux villes de ce nom ; mais la cité, qui était latine, devait se trouver partagée entre la première et la quatrième Région. Or, comme la division de l’Italie en Régions fut substituée aux anciennes répartitions nationales disparues depuis longtemps, il en résulta que la cité latine de NOMENTUM fut considérée par Pline comme étant située partie en Sabine, partie dans le LATIUM. C’est pour cette raison qu’il la mentionne deux fois. Mais si son territoire fut partagé au temps d’Auguste entre la Sabine et le LATIUM, ou, mieux, entre la première et la quatrième Région, nous ne devons pas moins considérer cette cité comme latine, et il faut attribuer au LATIUM tout son territoire, dans les premiers temps de Rome, sauf à le partager lorsque nous tracerons les limites des Régions au Ier siècle. Les ruines de NOMENTUM se voient sur la colline voisine de la moderne La Mentana[88]. La plupart des géographes modernes, depuis Cluvier jusqu’à Bormann, ont considéré TIBUR comme une ville latine. Cette opinion ne me parait appuyée sur aucune preuve. Cette ville, selon Denys[89], fut fondée par les Aborigènes et, peut-être, antérieurement, par les Sicules. Selon Virgile[90], Horace[91], Ovide[92], Silius[93], Stace[94] et Caton cité par Solin[95], elle devait son origine à la colonie arcadienne de Catillus, de Tibur et de Coras. Elle ne parait point dans les guerres des cités latines faites sous les rois. Denys[96] la mentionne, il est vrai, parmi les villes de la ligue Férentine conjurées contre Rome sous le consulat de T. Largius Flavus et de Q. Clœlius Siculus (12e consulat) ; mais on voit figurer dans cette même énumération CIRCEII, qui n’était assurément pas d’origine latine et qui se trouvait même fort éloignée du LATIUM ; ARDEA, capitale des Rutules ; VELITRÆ, la ville la plus importante des Volsques. Ainsi Cluvier invoque à tort ce passage de Denys pour établir que TIBUR fut une cité latine. Le passage suivant de Cicéron peut paraître plus concluant : Cum Latinis omnibus fœdus ictum, Sp. Cassio, Posthumio Cominio consulibus, quis ignorat ? Quod quidem nuper in columna ænea meminimus post rostra incisum et perscriptum fuisse. Quomodo igitur L. Cossinius Tiburs, .... damnato T. Cœlio ; quomodo ex eadem civitate T. Coponius, .... damnato C. Massone, civis romanus est factus ?[97] Or, le consulat de Sp. Cassius et de Posthumius Cominius est de l’an 493-92[98], c’est-à-dire de quatre ans postérieur à celui[99] dont parle Denys dans le passage indiqué plus haut. Il faut donc en conclure que, vers le commencement de la République, TIBUR aurait embrassé la cause des Latins et aurait été assimilée aux cités latines ; mais je ne vois rien dans les auteurs qui puisse la faire considérer comme étant d’origine latine ou même comme ayant reçu une colonie albaine, latine ou romaine. Strabon[100] ne dit rien de TIBUR sinon que c’était une ville grecque. Enfin le passage de Catulle, cité par Clavier, au lieu de prouver que TIBUR était une ville latine, me paraît bien plutôt établir que cette cité avait une origine étrangère à la fois aux Latins et aux Sabins. O funde noster, sen Sabine, seu Tiburs, (Nam, te esse Tiburtem, autumant, quibus non est Cordi Catullum lædere, at, quibus cordi est, Quovis Sabinum pignore esse contendunt). Sed seu Sabine, sive verius Tiburs, Fui libenter in tua suburbana Villa, malamque pectore expuli tussim[101]. Pline[102] attribue cette cité exclusivement aux Sabins et la renferme dans la quatrième région. Or, l’assertion de Pline n’a point de rapport à l’origine de la cité, tuais seulement aux divisions territoriales du Ier siècle. TIBUR, je le répète, n’était pas plus sabine que latine. Elle était grecque et jamais elle ne perdit son caractère primitif sous la domination romaine, car elle ne reçut point de colonie et fut seulement municipe. Quant à la répartition des villes par Régions, comme Pline est le seul qui nous fasse connaître ces circonscriptions, nous sommes forcés ou de les accepter telles qu’il nous les donne ou de les rejeter en entier, car nous n’avons aucun moyen de les contrôler. Je pense donc qu’on doit renfermer TIBUR dans la quatrième Région. Une partie de cette cité était sans aucun doute au nord de l’Anio, quoique la ville fût située sur la rive gauche. Je considère donc TIBUR comme une ville grecque, alliée des Latins au Ve siècle et comprise dans la quatrième Région. J’ajouterai que l’usage avait prévalu sans doute de considérer comme latine la portion de son territoire située au sud de l’Anio et comme sabine la portion située au nord de cette rivière. Je ne dirai rien ici de CÆNINA, qui était une ville latine[103] quoique d’origine sicule[104]. C’était avec ANTEMNÆ la cité la plus voisine de Rome, car les Céniniens, au témoignage de tous les historiens, furent les premiers peuples qui attaquèrent Romulus. Ainsi, soit qu’on place cette ville au nord ou au sud de l’Anio, on ne peut la chercher que bien en deçà de la frontière des Sabins. Plutarque la cite comme étant en Sabine, mais je n’ai pas besoin de dire que l’on doit compter pour peu le témoignage de l’historien grec quand il s’agit de géographie. Il est probable qu’il se conformait simplement dans ses indications à l’usage populaire dont j’ai parlé plus haut, qui faisait considérer l’Anio comme la limite du LATIUM[105]. Ce serait du moins une preuve que CÆNINA était au nord de cette rivière, ainsi que l’ont pensé la plupart des géographes. J’ai établi précédemment qu’elle ne pouvait en être éloignée, puisqu’elle était près de Rome, c’est tout ce qu’on en peut dire et l’on n’a pu jusqu’à présent fixer son emplacement[106]. Il n’en est pas de même d’ANTEMNÆ, dont la position est démontrée au sud du confluent de l’Anio et du Tibre[107]. Telles sont les villes latines situées au nord et comprises entre l’Anio, le Tibre et le territoire de la Sabine. Je n’aurai que peu de chose à dire des villes de la Sabine limitrophes du LATIUM. La ville d’ERETUM était la plus voisine du LATIUM VETUSTISSIMUM. Elle appartenait aux Sabins et n’a jamais été considérée comme ville latine. Pline n’en parle pas ; mais Denys dit expressément qu’elle était en Sabine[108]. D’ailleurs, à défaut d’autres preuves, le témoignage de Strabon suffirait. Strabon dit en effet que NOMENTUM était sur la limite du LATIUM et de la Sabine ; d’où il résulte qu’au nord de NOMENTUM on entrait immédiatement sur le territoire des Sabins ; or, ERETUM était situé au delà de NOMENTUM et à quatorze milles au nord de FIDENÆ, d’après la Table de Peutinger[109]. Les géographes ne sont pas d’accord sur la position exacte de cette ville. Cluvier[110], conformément au texte de Strabon, la place au Monte Rotondo. De cette hauteur elle dominait le Tibre, ce qui se rapporte parfaitement à la description du géographe grec. Denys dit, au livre III[111], qu’ERETUM était à cent sept stades de Rome, et, au livre XI[112], il dit que la distance qui séparait ces deux villes était de cent quarante stades. Il semble que l’un ou l’autre de ces passages doive renfermer une erreur. Pour accorder Denys avec Strabon, Cluvier corrige la seconde assertion de l’historien avec la première. Si l’on mesure en effet la distance qui existe entre Rome et le Monte Rotondo, on trouve treize milles et demi, qui correspondent exactement aux cent sept stades de Denys. D’autres géographes, tels que Westphal et Canina[113], ont cherché à accorder le passage du livre XI avec les itinéraires qui donnent dix-huit milles comme distance[114] de Rome à ERETUM, ce qui se rapporte, à peu de chose près, aux cent quarante stades de Denys. Mais ces tentatives compliquent encore la difficulté, car les deux itinéraires qu’on semble invoquer, soumis à un examen attentif, ne donnent pas eux-mêmes une distance égale entre les deux villes. Toutefois je crois qu’il ne faut pas désespérer de concilier Strabon et Denys (premier passage) avec les itinéraires, et Cluvier avec les géographes modernes. Le Monte Rotondo est l’emplacement le plus favorable de toute la contrée et il me paraît impossible qu’il ne s’y trouvât pas autrefois une ville ou tout au moins une forteresse importante. Nous connaissons les positions de NOMENTUM et de CRUSTUMERIUM ; il ne reste donc que la seule ville d’ERETUM à laquelle cet emplacement ait pu convenir. Il est vrai que les mesures fournies par les deux itinéraires ne semblent pas se rapporter à la distance où le Monte Rotondo se trouve de Rome, treize milles et demi ; car la Table Antonine nous donne dix-huit milles depuis Rome, et la Table de Peutinger quatorze milles depuis FIDENÆ. Or, il faut remarquer que ces deux itinéraires, ainsi que je l’ai dit plus haut, ne sont pas même d’accord entre eux, car FIDENÆ est entre la cinquième et la sixième borne, ce qui donne l’a distance suivante entre Rome et ERETUM :
Différence 2 milles. Cherchons d’abord à expliquer cette différence. En suivant la voie ripuaire dite VIA SALARIA sur la carte de Westphal, on laisse à droite le Monte Rotondo, puis, un peu plus loin, à gauche, l’Osteria del Grillo, et l’on arrive, au 18e mille, à un endroit où se trouvent des ruines assez importantes : c’est là que Canina porte ERETUM. Mais il existe une autre route qui se sépare de la ripuaire un peu après le 7e mille et qui tend vers le nord-est. Les vestiges de cette voie sont très reconnaissables et l’on peut les suivre dans cette direction pendant un espace de quelques milles. Je ne suis pas le premier à indiquer cette route sur une carte ; Gell et Nibby en donnent le tracé. Il ne paraît pas que cette voie se confondit avec la NOMENTANA, quoique la direction des vestiges retrouvés semble fléchir sensiblement vers l’est. Je pense qu’elle gagnait le Monte Rotondo, laissant à gauche les monts CRUSTUMINI et à droite la ville de NOMENTUM, qu’elle gravissait la montagne et redescendait sur le versant nord pour rejoindre la voie ripuaire. Or, de FIDENÆ aux ruines dont j’ai parlé plus haut, on compte 14 milles par la voie dont je viens d’indiquer le parcours ; soit 20 milles depuis Rome. Je conclus de tout ce qui précède que, du temps d’Antonin, on suivait la voie ripuaire, et celle de l’est au temps de Théodose. La rive gauche du Tibre est en effet très marécageuse dans la section qui s’étend du Castel Giubileo (FIDENAE) au Monte Rotondo. Les petits cours d’eau qui se rendent dans le fleuve sont canalisés vers leur embouchure par des travaux de distribution. Il me parait évident que la voie ripuaire, rendue sans doute difficile par suite des inondations dut être abandonnée vers le IVe siècle, que la voie de l’est y suppléa et qu’elle dut porter le même nom que l’ancienne, celui de VIA SALARIA. La différence des deux itinéraires serait ainsi expliquée. Maintenant il faut tenter de mettre Denys d’accord avec lui-même. Nous savons que la VIA NOMENTANA, au delà de NOMENTUM, se confondait avec la VIA SALARIA. La réunion de ces deux voies formait ce que l’on appelait un Compitum (carrefour). Celui-ci présentait trois directions : celle de NOMENTUM, celle de l’Ombrie et celle de Rome. A ces Compita se trouvèrent, dans l’origine, quelques auberges, puis, plus tard, on y établit des relais, Mutationes, Mansiones ; des maisons s’y élevèrent et, avec le temps, des villes se formèrent dans ces lieux ; ils étaient en effet très favorables au commerce forain qui fut de tout temps fort répandu dans l’ancienne Italie[115]. Les villes qui, au temps des guerres de Rome, s’étaient fortifiées sur les hauteurs, avaient été peu à peu abandonnées. Ces positions élevées, autrefois si utiles à la défense du territoire des cités devinrent un obstacle à leur prospérité commerciale, pendant l’époque pacifique des empereurs. Les habitants désertèrent leur premier séjour et cherchèrent les rivières, les routes et, s’il se pouvait, les Compita. C’est ainsi que se forma le COMPITUM ANAGNINUM à quelque distance d’ANAGNIA. Si l’on admet comme vraie la conjecture que je viens d’exposer, il ne reste plus qu’à l’appliquer à ERETUM. Je crois que l’ancienne ville, la forteresse, défense et tête de la cité, était, au temps de la République, sur le sommet du Monte Rotondo et qu’elle avait encore quelque importance au siècle de Strabon ; mais je crois aussi que le nom d’ERETUM fut donné à la station, Mansio, qui était au 18e mille, c’est-à-dire à 1 lieue ½ du Monte Rotondo. Il se forma bientôt une ville à ce Compitum et les ruines que l’on voit en cet endroit en font foi. ERETUM aurait donc occupé deux positions, l’une entre le 13e et le 14e mille, l’autre au 18e. De cette manière, tout serait concilié : les itinéraires, Strabon et même les deux passages de Denys. Du côté des Sabins je ne trouve pas d’autres villes qu’ERETUM dans le voisinage des cités latines. CURES qui, après ERETUM, était la plus rapprochée et qui était aux ruines que l’on voit à gauche du Correse, est bien au delà du Monte Rotondo. Nibby place un peu au nord-ouest de Palombara, la ville aborigène d’ORVINIUM ; mais cette opinion est fort douteuse. Tout ce que j’ai dit de la nation latine et de la difficulté de lui assigner des limites exactes s’applique également aux Sabins. Ils avaient leurs assemblées religieuses à FERONIA[116] et aux deux temples de la déesse VACUNA[117], et leurs assemblées politiques à CURES. C’est dans cette dernière ville que, sous le règne de Romulus, les différentes cités de la Sabine se réunirent solennellement pour nommer un chef et préparer la guerre contre Rome[118]. Tels étaient les seuls liens qui existassent entre toutes ces cités dont l’origine était commune. La nation, à proprement parler, n’avait donc point de frontières et, de même que nous avons vu le territoire de CRUSTUMERIUM pénétrer en Étrurie, ceux de FIDENÆ et de NOMENTUM en Sabine ; de même nous trouvons dans le LATIUM des terres qui dépendent des petits peuples sabins. La ville de COLLATIA dont l’origine et le nom latins[119] semblent attestés par les anciens, avait été bâtie sur un territoire sabin, et les Sabins le possédaient encore à l’époque où Tarquin s’en rendit maître[120]. La position de COLLATIA est démontrée au sud de l’Anio. Bormann trouve absurde qu’on admette l’existence d’un territoire sabin enclavé dans le Latium[121]. Cependant le passage de Tite Live est formel à cet égard et il n’est pas plus étrange de voir les Sabins posséder des terres au sud de l’Anio, que de voir les Toscans de Lucques en posséder sous les mars de Plaisance[122]. Il paraît, d’après le témoignage de Denys[123] que la ville de COLLATIA avait épousé la querelle des Latins, ce qui l’a fait assimiler aux villes latines ; mais son origine était sabine, comme on vient de le voir d’après le témoignage de Tite Live, et se rattachait sans doute à un ver sacrum suivant l’usage que nous trouvons établi en Sabine, sous la domination des Aborigènes, dès les temps les plus reculés[124]. Je ne pense pas qu’on doive s’arrêter au passage de Servius dont l’autorité est très contestable en matière de géographie ; d’ailleurs le texte de Virgile, en cet endroit, ne saurait être invoqué comme preuve historique. Nous compterons donc COLLATIA parmi les villes dont l’origine est sabine. J’ai dit plus haut que TIBUR n’était ni latine ni sabine d’origine, mais que son territoire fut considéré comme étant partie en Sabine et partie dans le LATIUM, l’Anio formant la limite, et que, sous Auguste enfin, il fut attribué à la 48 Région. Toutefois l’usage parait avoir prévalu de considérer comme appartenant à la Sabine les sommets qui dominent TIBUR au nord de l’Anio. Si l’on ne peut apporter de preuves pour le MONS CATILLUS (Monti Peschiavatori) qui s’élève au-dessus de la ville, les témoignages ne manquent pois pour le LUCRETILIS qui se rattache à ce dernier et qui couronne la célèbre villa d’Horace à USTICA[125]. Cluvier lui-même, qui fait de TIBURE une ville latine, pense que toute la partie de son territoire située au nord de l’Anio était en Sabine[126]. La villa de Catulle était, à ce qu’on croit, sur la rive droite de l’Anio, ainsi que le petit pied-à-terre d’Horace. La position de ces deux villas est douteuse. Catulle ne veut pas que l’on considère sa maison de campagne comme étant en Sabine, d’où je serais tenté de conclure qu’elle était sur la rive droite et que la rive droite était regardée comme dépendante en effet de la Sabine : en géographie, les désignations populaires sont presque toujours conformes aux accidents physiques du pays et à ses limites naturelles. Selon Strabon[127], c’est la VIA VALERIA qui formait la limite du LATIUM et de la Sabine. Récapitulation. Ainsi le LATIUM s’étendait au nord de l’Anio jusqu’au pied du Monte Rotondo. Voici quelles auraient été de ce côté les bornes approximatives de la race latine : 1° Le territoire de Grotta Marozza, AQUÆ LABANÆ, un peu au nord de La Mentana, campagne de NOMENTUM ; 2° la vallée qui sépare le LUCRETILIS (Sabine) des monts S. Angelo, Cesi et Monticelli, dépendances du LATIUM. Bormann exclut du LATIUM ces trois sommets et il donne pour raison que, Strabon regardant NOMENTUM comme un point des frontières de la Sabine, il a tellement égard aux indications du géographe grec qu’il n’ose chercher des établissements latins au nord de cette ville[128]. A cela je répondrai que Strabon, comme tous les géographes anciens, désigne bien plutôt par le nom d’une ville le territoire de la cité que la ville elle-même ; que l’on ne sait pas où s’arrêtait le territoire de NOMENTUM au nord et qu’il pouvait comprendre les grotte di Marozza (AQUÆ LABANÆ) situées, dit Strabon lui-même, sur la VIA NOMENTANA ; j’ajouterai enfin que les hauteurs de S. Angelo, de Cesi et de Monticelli, où l’on peut placer trois villes latines ainsi que je l’ai montré plus haut, ne sont pas au nord du territoire de La Mentana, NOMENTUM, mais bien au nord-est et plutôt encore à l’est ; si l’on consulte la carte dressée par Bormann lui-même ; 3° enfin, pour achever de déterminer la frontière de la race latine du côté de la Sabine, il faut supposer une ligne approximative qui, partant du pied de Monticelli, viendrait rejoindre l’Anio à l’ouest de la VILLA de VARUS (à l’endroit où l’on trouve l’église de la vierge dite di Quintiliolo), et qui, suivant d’abord la rive droite de la rivière, la couperait ensuite au-dessus des grandes cataractes, de manière à rejeter en Sabine les villas de Varus, d’Horace et de Catulle et à renfermer dans le LATIUM la villa de Mécène et la ville même de TIBUR, située sur la rive gauche de l’Anio. Quant à la ville de VARIA ou VALERIA, située à Vico Faro sur la rive droite de l’Anio et à sept milles de TIBUR en remontant la rivière et en suivant la VIA VALERIA, elle ne saurait être attribuée au LATIUM. Si Strabon la désigne sous le nom de ville latine, il faut entendre ville du grand LATIUM, puisque le géographe grec donne cette même qualification à CARSEOLI et à la ville d’ALBA FUCENTIS[129], qui non seulement n’étaient pas dans l’ancien LATIUM, mais qui n’appartenaient même pas à la première Région[130]. D’ailleurs cette ville n’était pas ancienne et son origine toute romaine ne paraît pas remonter au delà de 447 de Rome, époque de la fondation de la route par Valerius Maximus. Elle n’a donc pas de nationalité qui la puisse faire considérer comme latine, èque ou sabine[131]. Toutefois je l’attribuerais de préférence à la Sabine parce que c’était à VARIA que USTICA, villa d’Horace située, comme on sait, en Sabine, envoyait ses quinque boni patres[132] ; mais cela ne serait cependant pas une preuve. § VI. — ÉTENDUS DU LATIUM DU CÔTÉ DU TERRITOIRE DES ÈQUES. On est tenté de chercher avec Bormann[133] une frontière au LATIUM au pied de la chaîne de montagnes qui court de l’Anio à PRÆNESTE ; mais on ne saurait adopter le système de ce géographe si l’on fait de TIBUR une ville latine, car une partie du territoire de cette cité se trouvait sur les hauteurs situées au sud de l’Anio. Si nous considérons en effet tout le territoire montagneux compris entre PRÆNESTE, TIBUR et SUBLAQUEUM, nous trouvons : 1° les dépendances de la cité grecque de TIBUR ; 2° les dépendances des villes latines de PRÆNESTE et d’ÆSULA ; enfin le territoire des Èques qui en occupait la plus grande partie. 1° TERRITOIRE TIBURTIN. — SASSULA et EMPULUM dépendances de TIBUR d’après Tite Live, le seul auteur qui parle de ces deux villes, étaient dans les montagnes qui s’élèvent au nord-est de PRÆNESTE. Leurs positions sont retrouvées, l’une à Ampiglione, l’autre vers Siciliano[134]. Ce dernier nom semble indiquer lui-même une dépendance fort ancienne de TIBUR[135]. Le territoire de TIBUR semble même s’être étendu de ce côté jusqu’à Subiaco, le SUBLAQUEUM de Néron. C’est du moins ce que Tacite donne à entendre au livre XIV de ses Annales[136] : .... discumbentis Neronis apud Simbruina stagna, cui Sublaqueum nomen est, ictæ dapes mensaque disjecta erat, idque finibus Tiburtum acciderat.... 2° TERRITOIRE DES ÈQUES. — Il paraît très vraisemblable que les Èques se sont établis sur les hauteurs qui dominent la campagne latine au nord-est de PRÆNESTE, puisqu’ils s’étaient avancés jusqu’à CORBIO, dont la position était beaucoup plus occidentale que ces montagnes mêmes ; mais ce n’était pas sur le territoire du LATIUM, c’était sur celui de la cité grecque de TIBUR qu’ils auraient empiété. Ainsi une partie des hauteurs qui sont entre TIBUR et SUBLAQUEUM ont appartenu aux Tiburtins. Il ne faut donc les considérer, dans l’origine, ni comme une dépendance du LATIUM, ni comme un territoire des Èques. 3° TERRITOIRE LATIN DANS LES MONTAGNES DES ÈQUES. — La ville latine la plus avancée de ce coté me semble avoir été ÆSULA, que Cluvier, Nibby et Gell ont placée, d’après le scholiaste d’Horace, au Monte Affliano[137]. Elle était ville latine et n’existait plus au temps de Pline[138]. PRÆNESTE, cité latine[139], située à la moderne Palestrina, paraît avoir été la ville la plus orientale du vieux LATIUM. La lisière des montagnes entre TIBUR et PRÆNESTE ne terminait donc pas le territoire des Latins et celui des Èques, mais PRÆNESTE et ÆSULA appartenaient au LATIUM, et le territoire montagneux situé à l’est de ces villes était partagé entre la cité grecque de TIBUR et la nation des Èques. Voilà pour les villes de la montagne : cherchons maintenant l’origine et la position de celles de la plaine. VILLES LATINES DE LA PLAINE DU COTÉ DU PAYS DES ÈQUES.BOLA était une ville latine d’après Pline[140] et d’après Denys qui dit expressément que c’était une colonie d’Albe[141]. Virgile la cite comme une des villes que doivent fonder les descendants d’Énée[142]. Il est vrai que le poète, dans la même énumération, cite SUSSA-POMETIA qui était aux Volsques. Mais Denys nous apprend qu’une colonie romaine avait été envoyée dans cette dernière ville. Il n’est donc pas étonnant de voir mentionnées comme villes latines ou romaines celles qui avaient reçu des colonies. C’est ainsi que CIRCEII figure dans la liste des villes latines conjurées contre Rome sous le XIIe consulat[143], parce qu’elle avait été latinisée par la colonie envoyée sous Tarquin l’Ancien[144]. Aucun auteur ne dit que BOLA ait été repeuplée par une colonie romaine. Tite Live dit, d’autre part, que c’était une ville des Èques[145]. Mais ce témoignage ne peut, selon moi, balancer les précédents, car l’historien latin ne parle pas de l’origine de la ville et c’est pourtant le point important. C’est dans le récit des guerres de Coriolan que Denys parle de BOLA, l’an 488-87 avant J. C.[146], et c’est au temps du siège de VEII que Tite-Live attribue cette ville aux Èques, 405 à 395. Or, pendant cet intervalle de près d’un siècle, la ville de BOLA avait pu retomber sous la domination des Èques et être désignée avec raison par l’historien comme une dépendance de leur territoire. Je la considère donc comme ville d’origine latine. Quant à son emplacement, le passage déjà mentionné de Denys ne nous permet pas de le chercher loin de LABICUM, dont la position à la Colonna est démontrée. En suivant attentivement dans cet historien la marche de Coriolan, on se convaincra de l’impossibilité de placer BOLA à Poli dans les montagnes élevées qui dominent PRÆNESTE. Je ne puis donc admettre cette position donnée par Nibby et Gell sur leur carte. Ficorini place BOLA à Lugagno[147]. Mais Bormann a remarqué avec raison que l’emplacement de Lugagno sur une colline très basse ne paraît pas convenir à une ville ancienne, tandis que Zagarolo, à égale distance de PRÆNESTE et de LABICUM (Palestrina et la Colonna), et où Kircher a trouvé des restes d’anciens murs[148], s’accorde parfaitement avec la situation que l’on peut donner à BOLA d’après le récit de Denys. Ajoutons que l’on ne trouve aucune ruine à Lugagno. D’autres géographes ont cru que Zagarolo avait dû servir d’emplacement soit à PEDUM soit à SCAPTIA, soit à ÆSULA. Nous avons vu plus haut qu’ÆSULA devait être sur le Monte Affliano. Quant à SCAPTIA et à PEDUM, nous tâcherons de fixer leurs positions dans la suite et de montrer qu’elles ne devaient point occuper la colline de Zagarolo. C’est donc à Zagarolo que nous placerons BOLA. Sur les confins de la nation des Èques était ORTONA, selon Cluvier[149]. Tite Live[150] et Denys[151] la citent comme ville latine. Elle était voisine d’ALGIDUM et de CORBIO, car Tite Live, dans un autre passage, dit : Horatius, quum jam Aqui, Corbione interfecto præsidio, HORTANAM etiam cepissent, in Algido pugnat : multos mortales occidit : fugat hostem non ex Algido modo, sed a Corbione Hortanaque[152]. Cette proximité est confirmée par Denys dans le passage indiqué plus haut, car nous voyons l’armée des Èques se partager en deux corps dont l’un assiégé CORBIO et l’autre ORTONA. Westphal[153] place ORTONA à Monte Fortino. Cette position me paraît trop éloignée d’ALGIDUM et semble mieux convenir à l’ARTENA-VOLSCORUM ainsi que l’ont pensé Gell, Nibby et Bormann. Kircher[154] y porte CORBIO ; mais la position de Rocca Priora semble réservée à cette place avancée du territoire des Èques. Je conclurai donc de ce qui précède que ORTONA était située entre Palestrina, Monte Fortino et Rocca Priora, et probablement sur un des versants orientaux de l’ALGIDUS, peu éloignés de l’endroit désigné dans la carte de Gell et Nibby sous le nom moderne de Labica romana[155]. Mais il est presque impossible de placer avec plus de certitude une ville qui, au temps de Pline, avait disparu sans laisser de vestiges[156]. TOLERIUM était une ville latine d’après Denys[157] et Plutarque[158]. Leur témoignage est confirmé par celui de Pline qui cite les TOLERIENSES parmi les cinquante-trois peuples disparus de l’ancien LATIUM[159]. Cette ville ne pouvait être éloignée de BOLA ni de LABICUM, car, selon Denys, Coriolan, après la prise de TOLERIUM, attaque ces deux villes latines ; or, des trois historiens qui rapportent l’expédition de Coriolan contre les alliés de Rome, Denys est celui qui donne le plus de détails et qui semble présenter le récit le plus précis et le plus exact. Voici l’ordre dans lequel Tite Live[160] place les différentes cités prises par les Volsques : CIRCEII, SATRICUM, LONGULA, POLUSCA, CORIOLI, LAVINIUM, CORBIO, VITELLIA, TREBIA, LARICUM ou LAVICI et PEDUM. Cluvier pense, avec raison, je crois, qu’il faut lire non TREBIA (dont le nom ne pourrait pas même être mis ici pour celui de TREBA, endroit très éloigné des villes citées dans ce passage), mais TOLERIA, d’autant plus que TOLERIA ou TOLERIUM est mentionnée dans cette même expédition par Plutarque et Denys et n’aurait pu être omise par Tite Live, dont l’énumération est plus complète que celle des deux autres historiens. L’ordre présenté par Plutarque[161] paraît assez conforme à celai de Tite Live ; le voici : TOLERINI, LAVICANI, PEDUM et BOLA. La marche de Coriolan, d’après Denys, est la suivante : CIRCEII, TOLERIUM, BOLA, LAVICI, PEDUM, CORBIO, CORIOLI, BOVILLÆ, LAVINIA[162]. Ainsi Coriolan, d’après Denys et Plutarque, serait entré sur les terres des Latins par la vallée située entre l’ALGIDUS à l’ouest et Monte Fortino à l’est. Avant d’attaquer CORBIO, placée sur les hauteurs, il se serait empalé de toute la campagne qui s’étendait au pied de cette montagne. Or, TOLERIUM étant la première ville de ce pays dont il se serait rendu maître, au rapport de Plutarque et de Denys, il en faut chercher la position à l’est de l’ALGIDUS et très près de l’endroit où j’ai placé ORTONA[163]. Il est vrai que Tite Live présente un autre ordre : les villes qu’il indique en cet endroit ne sont point les mêmes ; mais il ne faut pas croire que SATRICUM, LONGULA, POLUSCA fussent des cités latines ; c’étaient des villes du pays des Volsques qui étaient entrées dans la ligue favorable aux Romains et qui étaient momentanément alliées avec les Latins. C’est du moins l’explication de Bormann et elle me paraît conforme à la vérité. Quant à l’ordre présenté par l’historien latin, je ne m’y arrête pas, le texte ayant été altéré en cet endroit, si nous admettons, d’après Cluvier, que TREBIA soit pour TOLERIA ; si l’on ne l’admet pas, TOLERIA ne se trouve point mentionnée dans Tite Live, je n’ai donc rien à dire de ce passage. PEDUM est mentionnée dans l’expédition de Coriolan, ainsi qu’on vient de le voir. C’était une ville latine d’après Denys[164], Pline[165], Plutarque[166] et Tite Live[167]. La position de cette ville est indiquée par Tite Live : ... A paucis populis Pedani adjuti sunt. Tiburtes Prænestinique quorum alter propior erat pervenere.... Au livre VII (cap. XII) le même historien s’exprime ainsi : Gallos mox Præneste venisse atque iode circa Pedum consedisse auditum est. Les Gaulois étaient sur la hauteur et c’est là que se livra le combat. Le souvenir de cette guerre semble s’être conservé jusqu’à nos jours dans le nom de Gallicano et c’est sur cette éminence même que devait être PEDUM. Cet emplacement paraît conforme à toutes les indications fournies par les anciens écrivains. Denys[168] nous donne approximativement la distance qui séparait cette ville de CORBIO, puisque Coriolan, d’après cet historien, partit de PEDUM à l’aurore et se présenta dans la journée devant CORBIO. On pouvait donc franchir l’intervalle qui séparait ces deux villes en une matinée. Le scholiaste d’Horace nous dit : Pedana regio inter Tibur et Præneste fuit ; ab oppido Pedo, quod non longe fuit ab urbe....[169] Cluvier[170], Gell et Nibby[171] me semblent placer avec raison cette ville à Gallicano. LABICUM et TUSCULUM étaient des villes latines. Les témoignages qui l’établissent sont si connus et si unanimes que je crois inutile de les citer. Quant à la position de ces deux villes, elle est aujourd’hui déterminée rigoureusement. Les ruines de TUSCULUM existent encore sur le sommet qui domine Frascati, vers la Ruffinella. LABICUM, d’après la mesure de Strabon, qui la porte à 120 stades de Rome, ne pouvait être ailleurs qu’à la Colonna. L’abbé Capmartin de Chaupy[172] veut que cette ville ait été à Monte Compatri, au sud de la Colonna et plus près de TUSCULUM ; mais il est seul de cet avis, et les motifs sur lesquels il s’appuie ne me paraissent point concluants ; nous les examinerons plus loin. Ai-je besoin de dire ici que les villes situées sur le penchant du MONS ALBANUS appartenaient au LATIUM ? Les environs d’ALBA constituaient le LATIUM religieux ; c’était là que se trouvait le berceau, mais non pas le centre de la race latine, car la nation des Èques étendait son territoire jusqu’au pied de la montagne sacrée. Enfin VITELLIA (Valmontone, selon Gell et Nibby), qui reçut une colonie romaine[173] et que Cluvier place dans le pays des Èques, devait en effet former une enclave de leur territoire ; mais elle devait être latine d’origine et avait dû être autrefois un poste avancé du LATIUM, car Tite Live la cite parmi les villes qui furent prises par Coriolan[174] ; or, la nation des Èques, s’étant soulevée en masse contre Rome à l’occasion de la guerre des Volsques, avait fait alliance avec ce dernier peuple, et, au rapport de Denys, lui avait même envoyé du secours[175]. VITELLIA n’était donc pas èque ; Pline en fait une ville latine[176]. Telles étaient les villes latines du côté du pays des Èques. Cherchons à déterminer quelles sont les villes des Èques limitrophes du territoire latin. CITÉS DES ÈQUES LIMITROPHES DU LATIUM.Les Èques, comme la plupart des peuples montagnards construisaient peu de villes et habitaient des villages fortifiés. Tite Live nous apprend que, pendant l’année 305-304, les consuls P. Sempronius Sophus et P. Sulpicius Saverrio, en l’espace de cinquante jours, s’emparèrent de quarante et une villes des Èques[177]. Ces villes ne pouvaient être autre chose que des bourgades. C’est ce qui fait que nous ne pouvons trouver aucune place considérable, dans toute cette contrée, dont l’origine èque soit clairement établie. Il ne s’en trouve point dans la montagne et si nous en rencontrons dans la plaine, il faut croire ou qu’elles auront été construites pour résister à leurs terribles ennemis à l’époque des premières attaques de Rome, ou bien qu’elles auront été enlevées aux Latins à une époque très ancienne et sans que l’histoire fasse mention de cette conquête. Telles sont CORBIO et ALGIDUM qui paraissent avoir été considérées par les historiens anciens comme villes ries Èques. CORBIO, en effet, leur appartenait au rapport de Denys[178]. Pline ne la cite pas dans sa longue énumération des villes du LATIUM. Elle était sans cesse prise et reprise, et sa position limitrophe du territoire latin explique ces vicissitudes. Cependant la première fois que Denys fait mention de cette place, c’est pour dire qu’elle fut enlevée par les Èques aux Romains[179]. Il faut encore se rappeler que la nation des Èques s’était donnée à Coriolan et que la ville de CORBIO n’en figure pas moins an nombre de celles qu’il prit de vive force[180]. Quoi qu’il en soit, les termes de Denys au Xe livre sont formels, et, soit par son origine, soit par l’effet de la conquête, la ville était, comme je l’ai dit, attribuée aux Èques. Le même passage semble indiquer qu’elle était en regard de TUSCULUM, c’est-à-dire à Rocca Priora. On a trouvé, il y a quelques années, sur le penchant de cette montagne, une inscription portant : VIA CORBIONIS ; mais M. Canina, que j’ai consulté sur ce monument, en conteste l’authenticité. Il admet néanmoins la position de CORBIO à Rocca Priora[181]. Gell et Nibby placent cette ville au même endroit[182]. Bormann adopte cette opinion en conservant le signe du doute. Je la fais figurer sur ma carte avec le même signe. ALGIDUM ou ALGIDUS, nom donné à la forteresse, à la montagne et au pays qui l’entoure, était, au témoignage de Tite Live[183], une dépendance du territoire des Èques, ce qui se trouve confirmé par plus d’un passage du même historien et par l’autorité de Denys[184]. La ville devait être située au-dessus de l’Osteria delf Oglio (corruption de Algido), au vingt et unième mille de la VIA LATINA[185]. RÉCAPITULATION. Ainsi la lisière de la montagne entre TIBUR et PRÆNESTE formait comme une limite naturelle entre la nation des Èques et celle des Latins, si l’on excepte le Monte Affliano, où devait se trouver ÆSULA et qui était au LATIUM ; au sud de PRÆNESTE, le territoire latin comprenait Valmontone, où était vraisemblablement VITELLIA, position avancée du LATIUM et qui formait peut-être même une enclave du pays des Èques, au rapport de Tite Live[186]. Les Èques de leur côté pénétraient jusqu’au cœur du pays latin où ils possédaient l’Algide et la cité de CORBIO. A partir du Monte Artemisio[187], ce n’était plus le pays des Èques, c’était celui des Volsques qui formait la limite du VETUSTISSIMUM LATIUM. Il est vrai que Strabon[188] présente, de ce côté, le pays des Herniques comme limitrophe de celui des Latins, mais on ne peut pas citer dans la contrée de l’Algide une seule position occupée par ce peuple. Je ne m’arrête donc pas à l’assertion du géographe grec qui ne se trouve confirmée par aucun auteur ancien. § VII. — ÉTENDUE DU LATIUM DU CÔTÉ DU TERRITOIRE DES VOLSQUES. La limite du LATIUM du côté du pays volsque serait encore plus difficile à déterminer que les précédentes. On peut sans doute parvenir à reconnaître l’origine et l’emplacement des villes anciennes ; mais elles sont distribuées de telle sorte qu’il paraît impossible de faire passer entre elles une ligne qui puisse figurer une frontière politique. Cette simple observation aurait dû décourager les géographes modernes et leur faire abandonner leur vain système de frontières et de divisions. ALBA, le FANUM JOVIS LATIALIS, ARICIA, LANUVIUM appartenaient au Latium. Leur origine et leur position n’ont pas besoin d’être prouvées. D’autre part, ARTENA VOLSCORUM, placée à Monte Fortino avec assez de vraisemblance par Gell et Nibby[189] ; VELITRÆ, position démontrée à Velletri ; CORIOLI[190], très probablement à Monte Giove[191] étaient Volsques. Jusque-là, point de grandes difficultés : on pourrait même, à la rigueur, comme le propose Bormann[192], tracer une ligne frontière qui passerait entre le mont Albain et le Monte Arriano, entre la Riccia (forteresse d’ARICIA) et Velletri, en laissant aux Latins le lac Nemi, les collines qui l’entourent et la hauteur où se trouve Città di Lavigna (l’ancienne LANUVIUM), et qui, de là, se détournant vers le nord-ouest, séparerait Lavigna du Monte Giove où je place, avec Gell, Nibby, Westphal et Bormann[193], l’antique cité volsque de CORIOLI. Mais la première difficulté grave se présente à propos de CORA, située dans les montagnes du pays des Volsques, bien au delà de VELITRÆ, à la moderne Cori. Cette position déjà établie par les textes anciens, se trouve encore confirmée par les fouilles récentes qui se poursuivaient avec activité lors de mon voyage dans le LATIUM en 1852. C’est une ville toute latine. Les Romains eux-mêmes la considéraient comme aussi ancienne que LAVINIUM, leur mère patrie, et lui donnaient, dans leurs traditions religieuses, une semblable origine : Corani a Dardano Trojano orti[194]. Elle est citée dans les prophéties du VIe livre de l’Énéide parmi les villes qui seront fondées par les descendants d’Énée[195]. Il est vrai que Tite Live en fait une ville des Volsques ; mais il faut tenir compte ici de la différence des temps. Les Volsques, à l’époque dont parle l’historien latin, avaient pu se rendre maîtres d’une cité enclavée dans leur territoire. En effet, au chapitre XVI du livre 11, Tite Live dit : Duæ coloniæ latinæ, POMETIA et CORA, ad Auruncos deficiunt. Et au chapitre XXII du même livre, c’est-à-dire quelque temps après la défection de CORA qui s’unit aux Auronces, il s’exprime ainsi : Cum Volscorum gente, latino bello, neque pax neque bellum fuerat : nam et Volsci comparaverant auxilia, quæ mitterent Latinis, ni maturatum ab dictatore romano esset : et maturavit Romanus ne prælio uno cum Latino Volscoque contenderet. Hac ira consules in Volscum agrum legiones duxere. Volscos consilii pœnam metuentes nec inopinata res perculit. Armorum immemores, obsides dant trecentos principum a CORA atque POMETIA liberos. Dans le premier passage, CORA est citée comme colonie latine latina et non romaine, et, dans le second, nous la voyons, avec toute la nation des Volsques, soutenir la cause des Latins et leur envoyer des secours ; ainsi, en partageant la destinée des Volsques, elle ne cesse de soutenir la cause latine. Je ne vois donc rien qui prouve en faveur de l’origine volsque de CORA et contre son origine latine. Or, si nous lisons avec attention le passage suivant de Denys[196], il ne nous restera aucun doute à cet égard : .... αί δέ Λατίνων πόλεις 'Ρωμαίοις έγένοντο τότε πρώτον διάφοροι, ούκ άξιοΰσαι κατεσκαμμένης τής Άλβανών πόλεως τοΐς άνηρηκόσιν άύτήν 'Ρωμαίοις τήν ήγεμονίαν παραδοΰναι... καί αύτίκα αίροΰνται δύο στρατηγούς αύτοκράτορας είρήνης τε καί πολέμου Άγκον Πουπλίκιον έκ πόλεως Κόρας καί Σπούριον Ουεκίλιον έκ Λαουϊνίου. Il ne s’agit pas ici d’une ligue momentanée des cités latines ou alliées du LATIUM, comme sous le XIIe consulat (liv. V). Ce sont des villes d’origine latine qui resserrent leurs liens après la destruction d’Albe, pour s’opposer aux empiétements alarmants de Rome naissante. A l’assemblée de FERENTINUM, deux chefs sont choisis par les députés de la confédération et ces deux chefs sont pris à CORA et à LAVINIUM, les deux villes troyennes, plus anciennes qu’Albe elle-même. Ce choix est, à mon sens, une chose considérable : ne semble-t-il pas que les peuples de la ligue latine aient voulu rappeler à la fois l’origine et l’ancienneté de leur race en désignant pour les commander les représentants des deux cités de Dardanus et d’Énée, et qu’ils aient voulu donner par là plus d’autorité et plus d’éclat à leur protestation contre la chute d’Albe, la capitale religieuse du LATIUM ? CORA est donc à mes yeux une ville latine. Il est vrai que Cluvier[197], d’après le témoignage de Servius et en se fondant sur le nom même de cette cité, lui donne une origine grecque ; mais cette considération me paraît avoir assez peu d’importance, car nous trouvons partout, dans les traditions de la race latine, l’origine grecque mêlée à l’origine troyenne. Évandre a précédé Romulus sur le sommet du Palatin, et il est hors de doute que les Pélasges, partis de Grèce, et la colonie troyenne d’Asie, se sont rencontrés et confondus sur les bords du Tibre. Aussi, dans l’exposé que je présentais plats haut sur l’origine de la race latine, me suis-je gardé de considérer la colonie troyenne comme ayant exclusivement constitué l’élément de cette race. J’ai établi que les Aborigènes, les Pélasges et probablement un reste des Sicules, avaient précédé les Troyens sur le sol qui fut plats tard le LATIUM, et qu’ils s’étaient mélangés avec ces derniers pour former la nation latine proprement dite. J’ajouterai que la colonie asiatique est entrée pour la plus faible proportion dans la formation du peuple latin. Ce qui fit son importance, c’est qu’elle apporta en Italie la première civilisation. Dans toute l’Europe occidentale, la masse des grandes familles est venue par terre : ce sont les tribus ; ceux qui ont fait l’éducation des peuples, sont venus par mer : ce sont les colonies. On n’a pas les mêmes motifs à faire valoir en faveur de l’origine latine de SUESSA-POMETIA que Virgile et Tite Live associent à la ville de CORA[198]. Cluvier établit d’après les textes que cette ville appartenait aux Volsques. Qu’elle ait reçu une colonie romaine, cela importe peu pour la question d’origine ; mais ce fait expliquerait toutefois comment Virgile, dans les prophéties de son VIe livre, la considère comme fondée par les descendants d’Énée. Je ne m’arrêterai pas à rechercher l’origine de CIRCEII qui est citée par Denys, au livre V, comme ayant adhéré à la ligue latine formée contre Rome sous le XIIe consulat[199]. Elle était, à cette époque, latinisée par la colonie romaine que Tarquin y avait envoyée. Il n’est donc pas étonnant de voir cette cité faire défection pour servir la cause de Tarquin contre la république. Mais on peut affirmer que son origine n’était point latine. Quant à APIOLÆ, Strabon dit qu’elle appartenait aux Volsques[200]. Mais son autorité, si considérable pour les questions de topographie, me parait devoir céder à celle de Tite Live et de Denys lorsqu’il s’agit de l’origine et de la nationalité des villes. Or, Tite Live dit en parlant de Tarquin : .... bellum primum cum Latinis gessit et oppidum ibi APIOLAS vi cepit. Ce passage est confirmé par Denys qui affirme que c’était une célèbre ville des Latins[201]. Ce qui doit rester de l’assertion de Strabon, c’est que cette ville était limitrophe du territoire des Volsques ; et cela rendrait peut-être vraisemblable la position que Gell et Nibby lui ont donnée sur leur carte ; ils l’ont placée aux ruines qui se voient à l’ouest de Fratocchie, à quelque distance à droite de la VIA APPIA. Tout ce qui précède, sur l’étendue du territoire latin du côté du pays volsque, confirme l’opinion exprimée dès le début cire ce chapitre, à savoir qu’il est impossible de fixer des frontières au LATIUM puisqu’il n’y existait d’autres circonscriptions que celles des cités. Il serait assurément plus facile de faire la topographie d’un pays dont les limites pourraient se tracer naturellement et dont le territoire serait compacte ; mais plus j’ai apporté de soin à étudier les textes et à consulter les monuments et plus je me suis convaincu de la vanité de tout travail entrepris en vue de retrouver des frontières qui n’ont jamais existé. Il n’y avait pour les Romains eux-mêmes, je le répète, d’autres limites que celles des cités, celles des tribus rustiques, sous la république, et celles des régions, sous les premiers Césars. Quant aux nationalités, elles ont existé assurément, niais sans gouvernement central, sans hiérarchie publique, par conséquent sans territoire défini, et sans frontières politiques. Il ne faut donc pas, comme l’ont fait Cluvier et la plupart des géographes, opposer aux auteurs anciens et surtout à Pline de prétendues limites qui sont une invention moderne. J’ajouterai qu’on ne doit pas s’étonner que les anciens ne soient pas toujours d’accord sur l’origine de chaque ville. Horace ignore si VENUSIA, sa patrie, dépendait de la Lucanie nu de l’Apulie[202]. Aujourd’hui, saurions-nous distinguer nous-mêmes avec exactitude les origines phénicienne, ibérienne, grecque ou romaine des villes de la France méridionale ? D’ailleurs les contradictions que l’érudition contemporaine relève avec tant de rigueur chez les écrivains anciens, sont souvent plus apparentes que réelles. Elles disparaissent pour la plupart dès qu’on veut bien tenir compte de la différence des époques auxquelles appartiennent les auteurs dont on invoque le témoignage. § VIII. — ÉTENDUE DU LATIUM DU CÔTÉ DU TERRITOIRE DES RUTULES. Les Rutules sont un si petit peuple et leur territoire était si restreint f qu’il est facile de leur assigner des limites, soit qu’on les regarde comme dépendants du LATIUM proprement dit, à cause de l’époque reculée à laquelle les deux nations ont été confondues, soit qu’on les veuille considérer séparément en se reportant aux âges primitifs, c’est-à-dire au temps de Turnus et d’Enée. Le territoire des Rutules était compris entre les territoires de LAVINIUM (Pratica) aux Latins, de CORIOLI (Monte Giove) aux Volsques, et d’ANTIUM (Azzo), dépendance du même peuple. ARDEA (Ardia) était la seule ville importante des Rutules. § IX. — RÉSUMÉ. Le LATIUM proprement dit se trouvait donc compris entre les hautes montagnes de la Sabine, celles du pays des Èques et du pays des Volsques, le cours du Rio Torto, la mer et le Tibre. Il faut bien se garder de tracer ces limites avec plus de précision, et surtout de croire que la race latine, même dans ses premiers développements, ne les ait pas dépassées. § X. — DIVISIONS DE L’ITALIE AUX DIVERSES ÉPOQUES. LIMITES SEPTENTRIONALES DE LA PREMIÈRE RÉGION AU TEMPS D’AUGUSTE. J’ai tenté de faire connaître approximativement l’étendue du pays des Latins, VETUSTISSIMUM LATIUM. Il faut se rappeler, en outre, que les anciens appliquaient la désignation populaire de LATIUM au pays compris entre le Tibre, l’Anio, le Liris et la mer. Ce pays, ainsi renfermé dans des limites naturelles, est le théâtre des premiers exploits de Rome, et le champ où elle répandit ses premières colonies. Mais la première terre conquise, sous les murs mêmes de la ville, forma un territoire compact que l’on appela l’AGER ROMANUS. Il s’étendait en Sabine, en Étrurie et dans le LATIUM jusqu’à 10 ou 12 milles environ. C’est cette terre qui fut partagée entre les tribus rustiques. J’en parlerai plus loin à l’occasion des voies romaines. La division par tribus fut donc la première répartition régulière du territoire conquis. Cette division était à la fois territoriale, politique et militaire. C’est la seule qui existe jusqu’à l’époque d’Auguste. Le sol de l’Italie, jusque-là compris partiellement dans les tribus, fut tout entier partagé en onze Régions pari cet empereur. En effet, si le plus anciennes tribus, situées sous les murs de Rome, renfermaient un territoire compacte, il n’en était pas de même pour celles qui avaient été créées sous la République, après le décemvirat. Dans les trente-cinq tribus qui existaient au temps des Gracques, il y avait des terres entièrement séparées du reste de la cité et qui embrassaient des villes de conditions différentes, colonies, préfectures et municipes jouissant à divers degrés du jus civitatis, enfin, dans la péninsule, des contrées entières se trouvaient en dehors des tribus. C’est pour ces motifs que je considère les Régions comme la première division exacte et complète du sol de l’Italie. On sait qu’au IVe siècle après J.-C. l’Italie à son tour fut divisée en provinces comme le reste du Monde. Je ne m’arrêterai pas à rechercher quelles étaient ces divisions, 1° parce que l’époque à laquelle elles ont été établies est trop moderne pour que je doive m’en occuper dans ce travail ; 2° parce que les données fournies sur ces divisions par la NOTITIA DIGNITATUM IMPERII ROMANI sont trop insuffisantes pour qu’on puisse en tirer des résultats certains. Les célèbres commentaires de Panciroli[203] et la belle édition de Bœcking[204] ne nous fournissent pas encore assez de lumières sur ce document pour qu’on puisse rétablir les limites des divisions administratives de l’Italie au IVe siècle. Mais il ne faut jamais oublier que la division territoriale et politique qui existe avant et pendant la domination romaine et qui persiste encore après, celle dont on retrouve les traces bien plus tard et qui, à travers la barbarie du moyen âge, nous a conservé fidèlement le dépôt des institutions romaines, c’est la cité. Les progrès de la domination de Rome ne sont autre chose que l’extension de la cité, CIVITAS ROMANA. Les colonies, les municipes, toutes les villes assimilées ou incorporées à Rome par la conquête, sont autant d’États dont la constitution est calquée sur celle de la ville souveraine. Tout l’empire romain ne nous présente, depuis son origine jusqu’à sa chute, qu’un immense assemblage de cités. Elles sont rattachées, il est vrai, à la grande métropole par un vaste système administratif et hiérarchique ; mais quand ces liens seront brisés et que l’empire s’écroulera, la forme du gouvernement politique de Rome se retrouvera encore en entier dans l’organisation municipale. La moindre cité conservera sa curie, ses duumvirs, ses édiles, ses préteurs, son territoire divisé en PAGI qui s’appelleront plus tard les cantons ; en un mot, c’est dans la cité que le sens admirable et l’esprit immortel de l’organisation romaine se sont retirés. Nous les retrouvons vivaces au moyen âge. La commune, c’est le municipe ressuscité, et M. Augustin Thierry peut dire avec raison que, sans forcer le sens du mot, la ville affranchie du seigneur et rentrée en possession de ses droits municipaux comme au temps de Rome, est une véritable république. Pour en revenir aux divisions d’Auguste, la première Région se composait du LATIUM et de la CAMPANIE. Ce dernier nom est le seul qui figure dans le Livre des Colonies (longtemps attribué à Frontin) ; il désigne cependant les deux pays[205]. Pline est le seul qui nous fasse connaître en détail les noms des cités réparties dans chaque Région. Il distingue soigneusement le LATIUM de la CAMPANIE. L’un forme toute la partie septentrionale de la première Région (c’est le grand LATIUM) ; l’autre, toute la partie méridionale. J’ai dit, au chapitre Ier, de quelles contrées était composé le grand LATIUM. Il s’étendait de la mer Tyrrhénienne au lac Fucin, puisque Pline et Strabon lui attribuent la ville marse d’ALBA FUCENTIA[206]. Je remarquerai en passant que l’extension donnée par Strabon au LATIUM est la plus grande que ce pays ait jamais reçue, car le géographe grec renferme dans les limites de cette contrée : 1° les territoires de SINUESSA, d’AQUINUM, et même celui de CASINUM, situés toits les trois au delà du Liris, lequel est considéré vulgairement comme la limite de la Campanie[207] ; 2° la cité de NOMENTUM, du côté de la Sabine[208] ; 3° enfin celles de CARSEOLI, de CUCULUM et d’ALBA FUCENTIA, du côté du pays des Marses. Je ne m’occuperai ici que de la frontière septentrionale de la première Région qui, pour Pline, était en même temps la frontière du grand LATIUM au nord. Quant au LATIUM VESTUSTISSIMUM, ses frontières n’étant qu’approximatives, on ne peut les faire coïncider avec les limites de la première Région au nord, car ces dernières limites devaient être très nettement définies. Il est probable toutefois que l’on tint compte, pour les fixer, du souvenir des anciennes nationalités ; aussi verrons-nous qu’en séparant les villes de la première Région de celles de la quatrième, nous aurons approximativement séparé le LATIUM VETUSTISSIMUM de la SABINE. Voici les limites de la première Région au nord 1° Le Tibre séparait la première Région de la septième, qui comprenait l’Étrurie. 2° Dans la première Région, au nord de l’Anio, étaient les cités de CÆNINA, de FICANA, d’AMERIOLA, de MEDULLIA, de CORNICULUM, d’ANTENNÆ[209]. La ville de NOMENTUM était aussi dans la première Région ; mais une partie de son territoire était dans la quatrième[210]. La ville de FIDENÆ était dans la première Région ; mais elle possédait des terres séparées de sols territoire suburbain, dans la quatrième Région[211]. Enfin CRUSTUMERIUM était située dans la première Région ; mais elle possédait un territoire transtévérin, c’est-à-dire situé dans la septième Région. Dans la quatrième Région, étaient CURES, une partie du territoire suburbain de NOMENTUM, des dépendances de la cité de FIDENÆ, les sommets qui se rattachent au LUCRETILIS et les cités de TIBUR et de VARIA. Peut-être faut-il considérer ERETUM comme dépendante de la quatrième Région, puisqu’elle était sabine. D’après ce qui précède, il est facile de tracer une limite qui partirait du Tibre au sud de Monte Rotondo (ERETUM), laisserait à droite le territoire de La Mentana (NOMENTUM) et même celui de Grotta Marozza, passerait au nord, puis à l’est, de Monticelli et de S. Angelo, de manière à envelopper presque ces collines et à laisser au nord Palombara, et le LUCRETILIS à l’est, et qui gagnerait l’Anio au-dessous des cascatelles et vers le confluent de l’Acquoria dans cette rivière, à l’endroit même où se trouve, sur ce petit ruisseau, un pont romain très bien conservé. Ici se présente une difficulté : la limite des deux Régions franchissait-elle l’Anio et embrassait-elle, au sud de cette rivière, le territoire entier de TIBUR, ainsi que semble l’indiquer le texte de Pline ; ou bien faut-il croire que la limite remontât l’Anio jusqu’à VARIA, et que Pline n’ait désigné par le mot TIBURTES que le territoire de la cité de TIBUR, situé au nord de l’Anio ? Dans la première hypothèse, la limite aurait franchi l’Anio au-dessous de Tivoli, aurait enfermé la ville et le territoire de TIBUR situés sur la rive gauche, en y comprenant des portions considérables du pays montagneux qui domine PRÆNESTE, et notamment EMPULUM et SASSULA, anciennes dépendances des Tiburtins ; enfin elle aurait gagné le cours supérieur de l’Anio vers SUBLAQUEUM, où Tacite place les derniers confins du territoire de TIBUR. Dans la seconde hypothèse, la limite, sans franchir l’Anio, en aurait remonté le cours jusqu’à VARIA et aurait suivi la VIA VALERIA jusqu’au pays des Marses[212]. Je conviens que cette seconde hypothèse parait assez vraisemblable, car les bornes naturelles ont dû avoir une part considérable dans la fixation des limites régionales. Mais je répéterai cependant que Pline étant le seul qui nous fasse connaître les Régions, il faut accepter ses données telles qu’elles sont, parce que nous n’avons aucun moyen de les contrôler. C’est ce qui me porte à adopter la première conjecture et à comprendre dans la quatrième Région le territoire de TIBUR situé au sud de l’Anio. |
[1] Pline, Hist. nat., l. III, cap. IX, vol. II, p. 83, 84, éd. Lemaire, 1828.
[2] Antiqui igitur Latii fines fuere isti : ab solis occasu, Anio fluvius, ab oppido TIBURE ad confluentem usque Tiberis. Philippi Cluverii Italia antiqua, etc. Lugdun. Batav., Elzev. 1634 ; t. II, l. III, c. II, p. 830. — Comparez la carte de Spruner, atl. ant., pl. n° XI, Justus Perthes, Gotha. — Cramer (carte), Ital. antiq. pars australis. Oxford, 1845.
[3] Pline, vol. II, éd. Lem., p. 96.
[4] Pline, ibid., p. 104.
[5] La même contradiction existerait chez Denys d’Halicarnasse, qui dit en parlant de l’Anio : Il roule ses eaux à travers les campagnes des Romains et des Sabins, dont il fait la séparation. L. V, c. VI, § 4. (Je renvoie, pour Denys, à la traduction française publiée en 1753, in-4°, la division en paragraphes rendant les recherches plus faciles dans cette édition.) — Vingt autres passages de Denys prouveraient cependant que, pour lui, la Sabine ne commençait qu’à NOMENTUM.
[6] Voy. plus bas ce que j’entends par la race latine proprement dite.
[7] On trouve presque toujours une raison aux appellations populaires qui se sont conservées à travers les siècles. C’est ainsi que, aujourd’hui encore, les mariniers de la Saône désignent sous le nom d’empire la rive gauche et sous celui de royaume la rive droite, comme au temps de Lothaire et de Charles le Chauve.
[8] L. I, c. I, § 1.
[9] Denys, l. I, c. I, § 2.
[10] Id., l. I, c. II, § 1.
[11] Id., l. I, c. II, § 2.
[12] Denys, l. I, c. II, § 1 ; — Comp. Cluver., Ital. ant., p. 680, éd. Elzev., 1624.
[13] Cluv., Ital. ant., p. 682 et 684.
[14] Cluv., Ital. ant., p. 682. — Voy. la carte de Gell et Nibby.
[15] Ou CURSULE. — Cluv., Ital. ant., p. 683.
[16] Cluv., Ital. ant., p. 683.
[17] Cluv., Ital. ant., p. 682.
[18] Denys, l. I, c. III, § 4. — La position de cette ville est démontrée au sud de l’Anio, au confluent de cette rivière et du Tibre.
[19] Entre Albe et Rome, au sud de l’Anio. Voy. plus bas, deuxième partie.
[20] Au nord de l’Anio et au sud de NOMENTUM, comme je le démontrerai bientôt.
[21] Voy. T. Liv., l. I. c. I. L’historien désigne Latinus sous le nom de roi des ABORIGÈNES.
[22] . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Hi tibi Nomentum et Gabios
urbemque Fidenam
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Virg., l. VI, v. 774.
FIDENÆ avait aussi reçu une colonie étrusque. T. Liv., l. I, c. XV.
[23] Virg., l. VI, vers cité plus haut. — T. Liv., l. I, c. XXXVIII.
[24] T. Liv., l. I, c. XXXVIII.
[25] Id., ibid.
[26] Id., ibid.
[27] Id., ibid.
[28] Id., ibid. — Crustumerium avait été fondée par une colonie d’Albains longtemps avant Rome. Denys, l. II, c. IX, § 12.
[29] Denys attribue à Servius Tullius l’institution de la ligue latine qui devait tourner ses efforts contre Rome elle-même. (l. IV, c. VII, § 3) ; mais il est hors de doute que la confédération existait avant Servius, et même avant la fondation de Rome. Nous voyons en effet dans les historiens, et dans Denys lui-même, des coalitions se former contre Rome par les villes latines à des époques antérieures au temps de Servius Tullius. Sous Tarquin l’Ancien, par exemple, après la ruine de CORNICULUM, nous voyons les peuples latins irrités du traitement rigoureux que le vainqueur avait fait subir à une de leurs alliées, réunir toutes leurs forces pour faire la guerre aux Romains. Denys, l. III, c. XVI, § 6. — Et, avant cette époque, sous Tullus Hostilius, nous voyons les villes latines convoquer, à FERENTINUM, une assemblée générale de la nation et nommer deux chefs pour commander les armées de la confédération contre Rome. Denys, l. III, c. X, § 7. — Il faut remarquer que la participation aux sacrifices ne peut seule prouver la communauté d’origine et de nationalité ; car nous voyons que des sacrifices communs aux Sabins et aux Latins, peuples de race différente, avaient lieu dans le temple de FERONIA en Sabine (qu’il ne faut pas confondre avec celui de FERENTINUM). Denys, l. III, c. X, § 2.
[30] Denys, l. II, c. X, § 1.
[31] On pourrait ajouter le SOLONTUS AGER qui était vraisemblablement situé entre le mont Albain et la mer. Un Lucumon étrusque de SOLONIUM amena, comme on sait, du secours à Romulus. Denys, l. II, c. X, § 3.
[32] T. Liv., l. I, c. XV.
[33] Pline, l. III, c. VIII, p. 81, éd. Lem.
[34] Id., ibid., c. IX, p. 101, id.
[35] Mémoire sur les tribus romaines, dans les Mém. de l’Acad. des inscript. et belles-lettres, t. IV, p. 73 ; voy. plus bas ce qui concerne les limites des tribus, à propos des voies romaines. J’aurai occasion de revenir sur le travail de Boindin et de l’examiner en détail.
[36] . . . . . Hinc Tusco clandimur amni.
. . . . . . . . . . Virg., En., l. VIII, v. 478.
[37] Sotto le rupi si osservano nicchie scavate net lasso, che debbono essere stati sepolcri, e fra queste merita osservazione quella a forma di cono, nella quale si ravvisa la stessa forma de’ sepolcri etruschi presso l’Isola o Veij, altro indizio onde provare l’origine etrusca di Fidene.... Nibby, Viaggio ant. Roma, 1819, p. 86.
[38] Romulus la réduisit en colonie romaine. Elle avait été fondée par les Albains dans le même temps que CAUSTUMERIUM et NOMENTUM. Ces colonies avaient été conduites par trois frères, dont l’aîné fut le fondateur de FIDENÆ. — Voy. Denys, l. II, c. XIII, § 2. — Compar. Plutarque, Romul., c. XXXI.
[39] Pline, Hist. nat., l. III, c. II, p. 103, éd. Lem.
[40] L. III, c. XLII.
[41] L. III, c. XVII, p. 160, éd. Lem.
[42] Id., c. II.
[43] La FIDINÆ des empereurs n’était pas précisément à la même place que la ville primitive. La plus ancienne était vers le Castel Giabileo. Cette colline n’en formait qu’une partie : Castel Giubileo dove generalmente si pope Fidene, ne fu l’estremità soltanto. Nibby, Viagg. antiq., Roma, 1819, p. 86. — La seconde FIDENÆ était à la Villa Spada, comme le prouvent les ruines importantes trouvées en cet endroit, et l’inscription suivante :
RAGNO • ET
INVICTO • INP
GALLIENO • PIO
FELICI • AVGVS
TO • SENATVS • FID
DEVOTI • NVMINI
MAIESTATIQ • EIVS
DICT • C • PETR • PODALIRIO
ET • T • AELIO • OCTOBRE • CV
RAG • T • TER • OCTOBRE
Voy. aussi les Analisi de Nibby, t. II, p. 61.
[44] L. II, c. IX, § 12.
[45] L. I, c. XXXVIII, et l. III, c. XLII.
[46] L. III, c. IX, p. 101, éd. Lem.
[47] L. XI, c. IV, §§ 2 et 14.
[48] L. III, c. XLII.
[49] Voy. Carta della Campagna romana, par L. Canna. Roma, 1845.
[50] Elle avait dû sa première origine à un certain Siculus. Servius en conclut (ad lib. VII Æneid., v. 631) que les Sicules l’avaient fondée avant la guerre de Troie. — Voy. Cluv. Ital. ant., p. 659, éd. Elzev.,1624.
[51] .... Haec de priscis Latins aut qui ad Latinos defecerant capta oppida... Ficulea vetus, etc. T. Liv., l. I, c. XXXVIII.
[52] Hist. nat., l. III, c. IX, p. 95, éd. Lem.
[53] Cluv., Ital. ant., p. 660, éd. Elzev.
[54] Denys, l. I, c. III, § 4. — Voy. plus bas (Géogr. physique, Orographie) la position des MONTES CORNICULI.
[55] L. III, c. LII.
[56] Voy. les Inscriptions rapportées par Nibby et les Commentaires présentés par ce géographe. Analisi, t. II, p. 43 et suiv. Roma, 1837.
[57] L. I, c. XXXVIII.
[58] Pline, l. III, c. IX, p. 102.
[59] L. V, c. XIII, § 6.
[60] L. III, c. XVI, § 6.
[61] Campagna romana. Roma, 1846.
[62] Carta de’ dintorni di Roma secondo le osservazioni di sir William Gell e del professore Ant. Nibby.
[63] Agri romani tabula cum veterum viarum designatione accuratissima. L. H. Westpbal delin. Romæ. C. F. Wolff sculps. Berolini.
[64] Altlatinische Chorographie und Städtegeschichte von Dr. Albert Bormann. Halle. C. E. M. Pfeffer. 1862, p. 263 et suiv.
[65] L. III, c. IX, p. 102, éd. Lem.
[66] L. I, c. XXXVIII.
[67] Denys, l. II, c. XII, § 3.
[68] Id., ibid., c. XIII, § 3.
[69] L. V, c. II, § 3.
[70] L. III, c. IX, p. 102.
[71] Voy. plus bas, Géogr. phys. Orogr. CORNICULI MONTES.
[72] T. Liv., l. I, c. XXXVIII. — Pline, l. III, c. IX, p. 102, éd. Lem.
[73] Cluv., Ital. ant., p. 634, éd. Elzev.,1624.
[74] L. III, c. I, § 2.
[75] L. I, c. XXXIII et XXXVIII.
[76] L. III, c. II, p. 102, éd. Lem.
[77] Voy. Bormann. Altlatinische, etc., p. 262.
[78] L. V, c. VI. Éd. franç. Duth. et Gossel.
[79] L. II, c. XX, § 4.
[80] Voy. la carte de Westphal, où les milles sont comptés sur les voies romaines.
[81] On a fait plusieurs fouilles dans ces ruines. Dans l’une des plus importantes, on a trouvé le grand piédestal avec l’inscription de Cn. Munatius qui se voit au Vatican, corridor Chiaramonti.
[82] L. VI, v. 773. Il est vrai qu’au livre VII, v. 113, Virgile cite NOMENTUM parmi les villes de la Sabine qui envoyèrent des troupes à Clausus. La première origine de cette cité n’aurait donc pas été latine d’après Virgile, mais elle le serait devenue comme FIDENÆ par la colonie albaine :
Hi
tibi Nomentum et Gabios urbemque Fidenam,
Hi Collatinas imponent montibus arces.
[83] NOMENTUM comptait sur le secours des villes latines, comme nous l’apprend Denys, l. III, c. XVI, § 3. En effet, elle faisait partie de la ligne, et nous la voyons figurer dans la coalition formée contre Rome à FERENTINUM, sous le consulat de T. Largius Flavus et de Q. Clœlius Siculus. Denys, l. V, c. XIII, § 6.
[84] L. I, c. XXXVIII.
[85] L. III, c. I.
[86] L. III, c. II, p. 96, éd. Lem. ; — et l. III, c. XVII, p. 160, id.
[87] Voy. la note de M. Ansart. Pline, p. 161, IIe vol., éd. Lem.
[88] Voy. la description de Nibby et les inscriptions qu’il cite : Analisi, t. II, p. 409 et suiv. Roma, 1837.
[89] L. II, c. II, § 4.
[90] En., l. VII, v. 670. Voy. les Comment. de Servius sur ces vers.
[91] L. I, Carm. VII, v. 13 et XVIII, v. 2.
[92] Fastes, l. IV, v. 71.
[93] L. VIII, v. 364.
[94] Stat. Silvar., l. I, carm. III. Description de la maison de campagne de Vopiscus.
[95] Solin, c. VIII. — Voyez le passage cité in extenso par Cluvier, éd. Elzev., p. 960. Il cite également Martianus Capella, l. VI.
[96] L. V, c. XXII, § 6.
[97] Orat. pro L. Corn. Balbo, cap. XXIII, éd. Amar, ex recens. J. V. Leclerc.
[98] Voy. l’Art de vérifier les dates des faits hist., etc., avant l’ère chrétienne, t. IV, p. 222 et 229. Paris, 1819.
[99] Il est de l’année 498-97.
[100] L. V, p. 223, éd. Duth et Gossel., traduct. fr.
[101] Cat., carm. XLV, ad fundum, v. 1.
[102] Hist. nat., I. III, c. XVII, p. 161, éd. Lem.
[103] T. Liv., l. I, c. IX. L’historien me paraît du moins la distinguer, ainsi que CUSTRUMERIUM et ANTEMNÆ, des villes sabines. — Voy. Pline, l. III, c. IX, p. 101, éd. Lem.
[104] Denys, 1. II, c. IX, § 11.
[105] On peut à plus forte raison appliquer à Étienne de Byzance ce que je viens de dire de Plutarque, d’autant plus qu’il l’a souvent suivi, ainsi que le remarque Bormann.
[106] Elle ne figure pas sur ma carte. Nibby la place à la Tenuta del Marco-Simone, où Bormann porte de préférence CORNICULUM. On trouve dans une charte de Grégoire II (Muratori, Antiq. méd. ævi, t. V) le nom Aninas appliqué à un fonds de terre de cette colline. — Nibby, Analisi, t. I, p. 341. Cela ne m’a pas paru être une preuve suffisante.
[107] ... Antemnæ, quod ante amnem, qui influit in Tiberim. Varron, de ling. lat., l. IV, c. V. — Sul colle più elevato che sovrasta all’ Aniene a sinistra della strada, ho trovato indizj di antiche fabbriche ricoperte dalla terra, e qualche pezzo di pavimento a spiga. La posizione di questo colle avanti il Fiume, la sua altezza dirupata all’ intorno, una bella pianura assai vasta, che in cima di esso si scorge, indizj tutti per porvi un’ anticha città, mi fanno credere che in questo luogo fosse ANTEMNÆ. Viaggio antiq. ne’ contorni di Roma di Antonio Nibby. Roma, 1819. Viaggio a Fidene, p. 70.
[108] L. V, c. VIII, § 5 ; — comparez le l. III, c. X, § 4, — voy. aussi Virg., l. VII, v. 111.
[109] P. 205 et 206. Recueil des Itin. anc., etc., éd. du marquis de Fortia d’Urban. Paris, Imp. roy., 1845.
[110] Ital. ant., p. 665, éd. Elzev. Le passage de Strabon est cité par Cluvier en cet endroit.
[111] C. X, § 4.
[112] C. II, § 2.
[113] Voy. leurs cartes déjà citées.
[114] Voy. Itin. d’Antonin, p. 92, et la table de Peut., p. 205 et 206.
[115] Les noms de FORUM-APII, FORUM-NOVUM, FORUM-JULII, FORUM-CORNELII, etc., semblent témoigner d’une origine mercantile. La position centrale de certains lieux y attirait aux jours nondinaux un grand concours de monde. Les fermiers et les cultivateurs des environs venaient y échanger leurs produits. Ce commerce forain se faisait dans des réunions semblables à nos marchés. Le FORUM D’APPIUS, par exemple, paraît avoir eu cette destination et Horace y arriva sans doute un jour de marché. C’est du moins ce que semblerait indiquer la foule qui se pressait dans la barque sur le canal conduisant à TERRACINA (voy. sat. V, l. I, v. 12).
[116] Denys, l. III, c. X, § 2.
[117] L’un de ces temples était près de la campagne d’Horace à USTICA :
Hæ tibi dictabam post fanum putre Vacunae,
. . . . . . . . . . . . . . . L. I, ép. X, v. 49.
et l’autre, plus célèbre, vers OCRICULUM, à un endroit appelé encore aujourd’hui Vacuna. Voy. Cluv. Ital. ant., p. 672 et 676, éd. Elzev., 1624.
[118] Denys, l. III, c. X, § 2.
[119] Servius, ad Virg. En., l. VI, v. 773. Hæc civitates sunt priscorum Latinorum ab Albanis regibus constitutæ ; quanquam Collatiam Tarquinius constituisse dicatur, qui, ut erat superbus, eam ex collata pecunia constituit. Unde Collatia dicta est. Potest tamen fieri ut ab Albanis fundata sit, aucta a Tarquinio.
[120] Collatiam et quidquid circa Collatiam agri erat Sabinis ademptum. T. Liv., l. I, c. XXXVIII.
[121] Altlatinische, etc., p. 42.
[122] Voy. la table aliment. de Parme.
[123] L. III, c. XVI, § 4.
[124] L. I, c. II, § 3 et 4.
[125] Voyez Horace dans plusieurs passages de ses odes et de ses épîtres.
[126] Quia agri Tiburtis altera pars dextra erat Anienis ripa, in Sabinis. Ital. ant., p. 961, éd. Elzev., 1624.
[127] L. V, c. VII. Il s’agit ici du grand LATIUM, car le géographe grec ajoute : jusqu’au pays des Marses.
[128] Bormann, Altlatinische, etc., p. 18.
[129] Strabon, V, 3. — Voy. l. V, c. VII, de l’édit. fr. Duth. et Gossel.
[130] Pline, l. III, c. XVII, p. 958, éd. Lem.
[131] Il est vrai que Strabon étend le territoire des Èques au nord de l’Anio, puisqu’il dit que ce territoire confinait à celui de Cures. L. V, c. VII, p. 191, édit. Duth. et Goss. Mais le géographe grec ne paraît point se préoccuper de l’étendue des anciennes nationalités et ne peut faire autorité sur ce point.
[132] L. I, ép. XIV, v. 3, ad villicum suum.
[133] Altlatinische, etc., p. 23 et suivantes.
[134] On trouve les vestiges d’une ancienne voie romaine qui part de TIBUR et se dirige, dans la montagne, jusqu’à Siciliano en laissant à gauche le Castel di Madama, sur une hauteur. Près de l’Osteria que l’on trouve au cinquième mille, sont les ruines d’EMPULUM, et un mille et demi plus loin, celles de SASSULA, également sur une hauteur.
[135] Denys, l. I, c. II, § 4.
[136] C. XXII, édit. Pank., 1837.
[137]
Ne semper udum Tibur et Æsulæ
Declive contempleris arvum et
Telegoni juga parricidæ. Horat., l. III, carm. XXIII, v. 6.
Æsula nomen urbis alterius in latere montis constitutæ. Schol. — Ce qui semble désigner le Monte Affliano, le plus voisin de Tibur du côté du LATIUM. — Voy. Cluv. Ital. ant., p. 967-968, éd. Elzev. 1624.
[138] L. III, c. IX, p. 102, éd. Lem.
[139] Pline, l. III, c. IX, p. 96 ; — Virg., l. VII, v. 678. Voy. dans le Comment. de Servius, la tradition sur l’origine de PRÆNESTE semblable à celle de Rome ; — Tit. Liv., l. II, c, XIX : Præneste ab Latinis ad Romanos descivit... ; mais l’on sait qu’elle avait aussi une origine et un nom grecs : Στεφάνη.
[140] L. III, c. IX, p. 103, éd. Lem.
[141] L. VIII, c. III, §§ 6 et 7.
[142] En., l. VI, v. 777.
[143] Denys, l. V, c. XII, 6.
[144] Denys — Tit. Liv. — Florus ; — voy. le tableau des colonies donné par M. Macé dans son livre sur les lois agraires.
[145] L. IV, c. XLIX.
[146] Art de vérifier les dates, Ire part., t. IV, p. 234, éd. 1819.
[147] Memorie ritrovate nel territorio della prima e secunda città di Labico. Roma, 1745.
[148] P. 120. — Voy. Bormann, Altlatinische, etc., p. 23.
[149] P. 968, éd. Elzev., 1644.
[150] Ortonam urbem latinam Æqui oppugnabant.... L. II, c. XLIII. Voy. l. III, c. XXX.
[151] Όρτώνα τοΰ Λατίνων έθνους.... — L. X, c. VI, § 4 de l’édit. fr.
[152] Tit. Liv., l. III, c. XXX.
[153] Voy. Agri romani tabul.
[154] Lat. vet., p. 122.
[155] Voy. Bormann, p. 24 et carte.
[156] C’est sans aucun doute cette ville d’ORTONA que Pline désigne sous le nom du peuple, HORTENSES (l. III, c. IX, p. 103, éd. Lem.), parmi les cinquante-trois peuples qui avaient péri sans laisser de traces.
[157] L. VIII, c. III, § 5.
[158] Plut., Marc. Coriol., c. XXVII.
[159] L. III, c. IX, p. 103, éd. Lem.
[160] T. Liv., l. III, c. XXXIX.
[161] Marc. Coriol., cap. XXVII.
[162] L. VIII, c. III.
[163] C’est l’opinion de Bormann. Voy. Altlatimische, etc., p. 28, 200 et suiv., et sa carte.
[164] ..... Καί αύτή τοΰ Λατίνων γένους... — Voy. l. VIII, c. III, § 7 de l’édit. franç.
[165] L. III, c. IX, p. 103, éd. Lem.
[166] Marc. Coriol., c. XXVII.
[167] L. VIII, c. XII. Cluvier corrige FENECTANI en PEDANI, avec raison, je crois. Ital. ant., p. 963. Elzev. 1624.
[168] L. III, c. III, § 7.
[169] Schol. ad Horat., l. I, ép. IV, v. 2.
[170] Ital. ant., p. 966, éd. Elzev., 1624
[171] Voy. leur carte.
[172] Recherches sur la maison de campagne d’Horace, IIe part. § 64, t. II, p. 168.
[173] Tit. Liv., l. V, c. XXIX.
[174] L. II, c. XXXIX.
[175] L. VIII, c. III, § 2.
[176] L. III, c. IX, p. 103, éd. Lem.
[177] Tit. Liv., l. IX, c. XLVI.
[178] L. X, c. V, § 11.
[179] L. VI, c. II, § 3.
[180] Voyez le passage de Denys cité plus haut.
[181] Voyez sa carte de la Campagna romana, 1845.
[182] Voy. leur carte.
[183] L. III, c. XXX.
[184] Principalement au l. X, c. IV, § 5.
[185] Strabon, l. V, c. VII, § V, éd. Duth. et Gossel., trad. — Voy. Canina, Carta della campagna romana, Roma, 1845. — Gell et Nibby, carte.
[186] L. V, c. XXIX.
[187] Voy. carte de Gell et Nibby.
[188] L. V, c. VII, p. 191, éd, franç. Dutheil et Gossel.
[189] Voy. leur carte ; et comp. celle de Bormann. — Nibby, Analisi, t. I, p. 470, Roma, 1837.
[190] Il est hors de doute que Corioli était ville des Volsques : ... Έν δέ Ούολουσκών έθνει ή Κοριολανών πόλις άξίωμα μέγιστον εΐχεν... Plut., Marc. Coriol., c. VI. — .... Ώσπερ άν μητρόπολιν τών Ούολούσκων... Denys, l. VI ; — voy. l’édition franç., c. X, § 2. — ... Corioli Volscorum oppidum captum cognomen adjecit. Val. Max., l. IV, c. III. — Il est vrai que Pline cite les CORIOLANI parmi les cinquante-trois peuples qui avaient disparu du LATIUM sans laisser de vestiges. L. III, c. IX, p. 103, éd. Lem. ; mais il les considère sans doute, ainsi que les POLUSCANI, comme latinisés par la conquête. Denys lui-même cite CORIOLI parmi les villes de l’alliance latine sous le XIIe consulat ; mais nous avons déjà dit que ce fait ne pouvait prouver une nationalité latine.
[191] Tite Live donne à entendre clairement qu’elle était située entre ARDEI et ARICIA. l. III, c. LXXI. — Voy, mon Dictionnaire au mot CORIOLI. Atl. géogr. de l’Ital. ancienne. L. Hachette et comp. 1852.
[192] Altlatinische, etc., p. 30 et 31 ; — voy. sa carte.
[193] Voy. leurs cartes auxquelles on peut ajouter celles de Cramer et de Reichardt.
[194] Pline, l. III, c. IX, p. 94, éd. Lem.
[195] En., l. VI, v. 177. Il est vrai que Virgile cite dans le même passage SUESSA-POMETIA, que nous trouvons associée à CORA dans les deux passages de Tite Live cités plus bas.
[196] Antiq. Rom., l. III, c. XXXIV.
[197] Ital. ant., p. 1017, éd. Elzev., 1624.
[198] Voy. les passages cités plus haut.
[199] C. XIII, § 7.
[200] L. V, c. VII, p. 191, éd. franç. de Duth. et Gossel.
[201] L. III, c. XVI, § 1.
[202] ... Lucanus an Appulus anceps,
Nam Venusinus arat finem sub utrumque colonus.
Hor. l. II, sat. I, v. 34.
[203] Not. dign. Imp. rom., éd. Pancirol., Lugd., 1608.
[204] In-8°. Bonn, 1839 et suiv.
[205] Civitates Campaniæ ex libro Regionum. Lib. Coloniar, I. Dans ce chapitre se trouvent comprises les colonies du LATIUM. — Divers commentateurs, entre autres Scriverius, Tennulius et Keucher, ont pensé que Frontin était l’auteur du petit traité intitulé : DE COLONIIS ET DE LIMITIBUS ; mais le contraire a été démontré jusqu’à l’évidence par Goesius. — Voy. les œuvres de Frontin, éd. Panck., not., p. 13. — La meilleure édition du Livre des Colonies est celle de Rudorff, Recueil des AGRIMENSORES, p. 229. Berol., 1848.
[206] Les habitants de cette ville sont nommés ALBENSES par Pline, qui les distingue ainsi de ceux d’ALBA LONGA, désignés sous le nom d’ALBANI. Le territoire de cette ville était sans doute partagé entre la première et la quatrième Région, car Pline la cite deux fois : 1° au l. III, c. IX, p. 102, et 2° au l. III, c. XVII, p. 158, éd. Lem.
[207] Strabon, l. V, c. VII, p. 215. Éd. Duth. et Goss., trad. franç.
[208] Id., l. V, c. VI.
[209] Pline, l. III, c. IX, p. 102, éd. Lem.
[210] Pline, l. III, c. IX, p. 96 — et l. III, c. XVII, p. 160.
[211] Pline, l. III, c. IX, p. 103 — et c. XVII, p. 160.
[212] C’est la limite que Strabon donne au grand LATIUM. J’ai déjà renvoyé à ce passage.