L'ÉGLISE ET L'ÉTAT EN FRANCE

TOME PREMIER — DEPUIS L'ÉDIT DE NANTES JUSQU'AU CONCORDAT (1598-1801)

 

LA FIN DU JANSÉNISME.

 

 

Les partis — politiques ou religieux — ont parfois, comme les individus, de bien tristes vieillesses et se traînent, décrépits et méconnaissables, au milieu de l'indifférence générale qu'ils essaient en vain de réveiller.

Le jansénisme avait eu, au XVIIe siècle, ses heures de gloire ; il connut, dans l'âge suivant, toutes les amertumes des longues agonies. Après avoir enduré les plus douloureuses persécutions, il se survécut si longtemps à lui-même, qu'il finit par lasser l'attention et la pitié et par ne plus exciter que la risée publique. Il ne mourut pas, cependant, sans s'être vengé de ses ennemis ; mais, quand on le crut mort, il retrouva un reste de force pour dicter sa dernière volonté : ce fut un testament de haine, dont il ne mesura pas lui-même toutes les conséquences, et qui manqua détruire tout ce qu'il avait cru mettre à jamais en sûreté.

Il n'est pas de plus lamentable histoire, tour à tour tragique et burlesque, monotone et violente ; elle étonne d'abord et ne tarde pas à fatiguer l'attention ; elle n'intéresse qu'à la manière d'une longue maladie, dont les phases diverses, les crises, tes détentes et les rechutes fournissent au médecin un champ d'expériences et d'études, pour ainsi dire illimité.

Nous avons laissé le jansénisme au moment où la paix de Clément IX parut avoir terminé le grand débat qui avait déchiré l'Eglise de France pendant 26 ans, et avait failli aboutir à la suppression de Port-Royal.

Nous savons que cette paix ne reposait que sur une légère condescendance du pape, qui avait accepté les soumissions évasives de MM. d'Angers, de Beauvais, d'Alet et de Pamiers. Louis XIV, jeune et occupé de ses maîtresses et de ses guerres, avait souscrit à la paix, et aimablement reçu M. Arnauld à la Cour ; mais le P. Annat voyait dans la paix un grand danger pour la religion, et ses confrères étaient tous de son avis.

Le temps ne devait pas être favorable à Port-Royal. Louis XIV n'aimait pas les singularités et trouvait qu'il entendait trop souvent parler de Messieurs de Port-Royal. Cette coterie de philosophes et de dévots austères lui devenait de plus en plus antipathique. Il dit, un jour, avec humeur qu'il viendrait à bout de cette cabale, qu'il en faisait son affaire et qu'il serait en cela plus jésuite que les jésuites eux-mêmes.

L'archevêque de Paris, M. de Harlay, prélat politique avant tout, s'aperçut bien vite que Port-Royal n'était pas en faveur, et ne se contraignit pas pour le défendre.

Pendant longtemps, Mme de Longueville intercéda auprès du roi en faveur de Port-Royal ; mais, après la mort de la duchesse (15 avril 1679), M. de Pomponne alla trouver M. Arnauld à Paris et lui dit que le roi n'avait pas approuvé les assemblées qui se faisaient chez Mme de Longueville et où il se trouvait souvent... que cette liaison si grande d'un nombre de personnes avait un air de parti qu'il fallait empêcher, et que S. M. désirait qu'il vécût comme les autres hommes et qu'il vit indifféremment toutes sortes de personnes.

Quelques jours plus tard, l'abbé Fromageau, vice-gérant de l'Officialité de Paris, vint à Port-Royal-des-Champs et s'informa courtoisement combien il y avait de religieuses, de novices, de postulantes, d'élèves, et fit cent questions pressantes sur ces Messieurs.

Le mercredi 17 mai, M. de Harlay en personne vint à Port-Royal et ordonna à la supérieure, de la part du roi, de renvoyer toutes les pensionnaires et toutes les postulantes. On parlait toujours de Port-Royal, de ces Messieurs de Port-Royal ; le roi n'aimait pas ce qui faisait du bruit... Il ne voulait pas de ralliement, un corps sans tête était toujours dangereux dans un Etat, il voulait dissiper cela, et qu'on n'entendit plus toujours dire : Ces Messieurs, ces Messieurs de Port-Royal.

Après les élèves et les novices, ce fut le tour des confesseurs et de ces Messieurs. Ils durent aussi abandonner le sacré vallon. En deux mois, 66 personnes quittèrent Port-Royal, qui ne fut plus désormais que l'ombre de lui-même.

Ne pouvant plus l'habiter, ses amis s'y faisaient enterrer. Reposer là était, à leur avis, reposer en terre plus sainte. Les jours ne suffisaient plus aux messes des morts, aux trentaines, aux bouts de l'an. L'enceinte du monastère ne suffisait plus aux enterrements. (Sainte-Beuve.)La maison de Dieu semble se détruire, disait Arnauld en parlant de tous ces morts ; mais elle se bâtit ailleurs. Les pierres se taillent ici, mais c'est pour être placées dans l'édifice céleste.

La mort de M. de Harlay et la promotion de M.de Noailles à l'archevêché de Paris semblèrent promettre à Port-Royal des jours plus heureux ; mais, si le nouveau prélat était plus vertueux et plus doux que M. de Harlay, il était aussi moins habile et moins ferme, et devait passer tout son temps à donner aux jansénistes des espérances vaines qu'il ne réalisait point, et à donner aux jésuites des satisfactions forcées qui ne les satisfaisaient pas.

Il alla, le 20 octobre 1697, visiter Port-Royal et en revint grandement édifié ; mais il, n'eut pas assez de crédit auprès du roi pour faire rétablir le noviciat supprimé en 1679. Louis XIV ne désarmait pas. Ayant appris en 1699 que la comtesse de Grammont avait été faire une retraite à Port-Royal, il la raya de la liste des dames invitées à Marly, en disant sèchement : On ne doit point aller à Marly, quand on va à Port-Royal.

Le monastère, abandonné à lui-même, se dépeuplait rapidement et mourait de langueur ; mais il n'était pas écrit qu'il devait avoir une 6i douce mort.

Un petit événement imprévu .vint, en 1701, raviver la vieille querelle janséniste et précipiter Port-Royal dans de nouveaux malheurs.

M. Eustace, confesseur des religieuses, homme simple et piètre théologien, soumit à la Sorbonne un cas de conscience extraordinaire. Il demandait si le silence respectueux, à l'égard de la question de fait, dans l'affaire du jansénisme, suffisait pour obtenir l'absolution. Quarante docteurs répondirent affirmativement. Tout paraissait fini ; mais, l'année d'après (1702), un boutefeu inconnu imprima celle belle consultation et la fit précéder d'une préface agressive et menaçante, qui réveilla toutes les fureurs d'autrefois.

La consultation imprimée arriva à Rome aussitôt qu'à Paris. Le pupe Clément XI la condamna et en avertit aussitôt l'archevêque de Paris, qui la condamna aussi par mandement spécial. Les quarante docteurs qui l'avaient signée la désignèrent, sauf un, le docteur Petitpied, que son obstination fit chasser de la Sorbonne.

Eustace, effrayé de l'avalanche qu'avait entraînée la petite pierre lancée par lui, prit peur de son ouvrage, quitta Port-Royal en 1705 et se réfugia, sous un nom d'emprunt, à l'abbaye d'Orval, où il vécut douze ans dans les regrets et la pénitence.

C'était fort bien ; mais les jansénistes se voyaient obligés maintenant de jurer que les cinq propositions condamnées se trouvaient réellement dans l'Augustinus, et il y en avait qui étaient prêts à mourir sans sacrements plutôt que de prêter un pareil serment.

Au moment même que la querelle recommençait, un janséniste de marque, le P. Quesnel, fut arrêté à Bruxelles par ordre de Philippe V, roi d'Espagne, et tous ses papiers furent portés à Paris chez les jésuites. On y trouva la preuve d'une très grande activité clandestine, on s'y vit en présence d'une vraie société secrète, et ces papiers, déchiffrés, pétris, torturés et passés à l'alambic dans une espèce de cabinet noir ad hoc, puis classés par extraits, présentés par doses au roi, lus, relus, mitonnés chez Mme de Maintenon tous les soirs pendant dix ans, convertirent si bien le roi qu'il en arriva à préférer un athée à un janséniste.

Il demanda avec instances au pape une nouvelle et plus solennelle condamnation du silence respectueux. Le pape lança, le 15 juillet 1705, la bulle Vineam Domini Sabaoth. L'assemblée du clergé la reçut avec respect, le Parlement, la Sorbonne, les évêques y accédèrent ; mais les dames de Port-Royal ne voulurent rien entendre et refusèrent de souscrire au mandement de l'archevêque de Paris, qui leur signifiait la bulle (21 mars 1706).

Le roi, par arrêt de son Conseil, leur réitéra la défense d'entretenir des novices. Une visite du monastère eut lieu par son ordre. On lui confisqua le plus clair de ses revenus. On ne lui laissa pas 2.000 livres pour assurer la subsistance de 36 personnes. Les vieilles religieuses, abandonnées de l'archevêque, qui les regardait comme des rebelles, se défendirent comme des lions, soutenant leur droit en cour de Parlement. Leur avocat-conseil fut arrêté à Port-Royal même et mis à la Bastille. On les priva des sacrements, et l'abbé Crès, chapelain de Saint-Jacques-L'hôpital à Paris, qui leur portait clandestinement la communion, n'évita la Bastille qu'en se cachant en province sous l'habit civil et sous un faux nom. Le roi réclama avec obstination auprès du pape pour obtenir l'extinction du monastère. Clément XI ayant accordé une première bulle d'extinction, qui permettait aux religieuses de rester à Port-Royal jusqu'à leur mort, Louis XIV en réclama une autre, ordonnant la dispersion immédiate.

Le 29 octobre 1709, M. d'Argenson, lieutenant de police, se transporta à Port-Royal accompagné d'un commissaire et de deux exempts. Il se fit livrer les clefs et les archives du monastère et ordonna à la prieure de réunir toute sa communauté. Il y avait une vieille religieuse infirme, âgée de 86 ans, qui ne pouvait remuer ; on la fit descendre sur un matelas par six religieuses. Quand tout le monde fut assemblé, M. d'Argenson déclara qu'il avait ordre du roi de disperser la communauté, .et qu'il donnait aux religieuses trois heures pour se préparer et se faire leurs adieux. La prieure répondit qu'une demi-heure suffisait. A deux heures et demie, les carrosses amenés par d'Argenson commencèrent à partir pour Autun, Rouen, Chartres, Nantes, Meaux, Compiègne et Blois. La paralytique de 86 ans partit, le lendemain, pour Nantes.

Quand Port-Royal fut vide, ou ne sut qu'en faire. Il parut à Louis XIV que la secte resterait vivante et menaçante, tant que son fort ne serait pas démoli. Les religieuses déclaraient hautement qu'avec la foi on trouvait Port-Royal partout ; le roi s'acharna après les pierres. Au mois de juin 1710, on mit la pioche à la maison ; les pierres du cloître, descellées avec soin et numérotées, furent transportées à Pontchartrain et donnèrent un air de monument aux écuries du château. L'église devait d'abord être épargnée ; elle y passa comme tout le reste. Non seulement on démolit, mais on exhuma. Près de 3.000 corps gisaient dans l'église et le cimetière. Tout fut déterré, jeté dans des tombereaux et porté au cimetière Saint-Lambert. Les tâcherons payés pour cette scandaleuse besogne n'étaient pas surveillés, l'exhumation se fit sans aucun ménagement. Des chasseurs qui passèrent par là virent des chiens, attirés par l'odeur de ce charnier, se repaître de débris humains.

Le siècle ne devait pas finir avant que les restes de Louis XIV, arrachés de Saint-Denis avec aussi peu de cérémonie, fussent jetés dans la chaux vive comme ceux d'un simple janséniste.

On avait cru tuer la secte en détruisant la maison. Le roi croyait sa victoire définitive ; le jésuite Le Tellier, son confesseur, exultait. Les descendants des grands hommes de Port-Royal reniaient la gloire de leurs pères. Le marquis de Pomponne demandait la translation des corps de la famille Arnault, afin que sa postérité perdit la mémoire que ces corps avaient été enterrés dans un lieu qui avait eu le malheur de déplaire à Sa Majesté.

Tandis que Versailles s'aplatissait ainsi devant le vainqueur, la cause vaincue se relevait une fois encore et l'orage grondait de nouveau par toute l'Eglise.

Le P. Paschase Quesnel, le même dont les papiers avaient été saisis à Bruxelles, avait publié en 1693 des Réflexions morales sur le Nouveau Testament, qui avaient été approuvées par M. de Noailles, alors évêque de Châlons. En 1699, une nouvelle édition fut publiée, mais cette fois sans approbation de M. de Noailles, devenu archevêque de Paris. Quand Quesnel eut été arrêté, les jésuites, qui voyaient en lui le chef du parti janséniste, examinèrent de plus près les Réflexions morales, n'eurent pas de peine à y reconnaître les idées du parti sur l'efficacité irrésistible de la grâce, et la prédestination au salut. Ils déférèrent le livre au jugement du Saint-Siège.

Clément XI institua pour l'examiner une commission composée non de jésuites, mais de dominicains. L'ouvrage fut censuré (1708).

Les évêques de Luçon et de la Rochelle en défendirent la lecture, et le cardinal de Noailles, qui l'avait jadis approuvé, demanda qu'il fût procédé à un nouvel examen. Le pape y consentit ; mais les Réflexions morales ne gagnèrent rien à être jugées une seconde fois. Le jugement d'appel fut plus sévère encore que la première sentence. La bulle Unigenitus condamna 101 propositions extraites du livre de Quesnel.

On se trouva ainsi reporté à la situation où l'on était en 1653, au lendemain de la condamnation de l'Augustinus.

M. de Noailles fit comme Arnauld avait fait : il se soumit, mais protesta. Il défendit la lecture du livre dans son diocèse ; mais il demanda des éclaircissements au pape et, en attendant la réponse du souverain pontife, défendit à ses clercs, sous peine de suspense, toute adhésion publique à la bulle.

Louis XIV, au contraire, fit enregistrer la bulle Unigenitus au Grand Conseil, poursuivit le jansénisme dans le clergé, les couvents et l'administration, et songeait à réunir un concile national quand il mourut.

Sa mort fut le signal d'une réaction janséniste. Au sortir de cet interminable règne, si dur et si despotique, la France respira et les victimes de l'arbitraire royal reprirent courage.

Les facultés de théologie de Paris, de Reims et de Nantes révoquèrent leur adhésion. Les évêques de Mirepoix, de Sens, de Montpellier et de Boulogne expédièrent au pape un huissier du Châtelet, qui, au Vatican même, et parlant à sa personne, lui remit un appel contre la bulle, rédigé en forme authentique, par-devant notaires (1717). Des chanoines, des curés, des religieuses en appelèrent aux Parlements des excommunications de leurs évêques. Des magistrats bretons commencèrent la guerre contre les jésuites, en leur ordonnant de faire la déclaration de leurs biens.

M. de Noailles leur défendit de prêcher, de confesser et de faire le catéchisme.

On proposa de faire rebâtir Port-Royal aux frais des jésuites. On chanta dans Paris des chansons contre la Société de Jésus.

La grâce efficace a pris le dessus,

Les enfants d'Ignac' ne confessent plus :

Ils sont chus dans la rivière

Laire, Lanla.

Ils sont chus dans la rivière :

Ah I qu'ils sont bien là !

Laire, Lanla.

Jamais, aux plus beaux jours des Provinciales, le jansénisme n'avait été si populaire ; mais la forme même de cette popularité montre qu'il y avait quelque chose de changé, et que le jansénisme courait aux aventures. Beaucoup de ses nouveaux amis se souciaient peu de sa doctrine et moins encore de sa morale. On avait remarqué que les jésuites étaient bien en cour, et que le monde officiel avait horreur des jansénistes ; il n'en fallait pas davantage pour convertir tous les opposants en jansénistes déterminés. Les bourgeois, le peuple, les femmes même étaient jansénistes en gros et sans savoir la matière, parce que c'était un moyen de fronder l'autorité et de faire pièce au pouvoir, — ce qui semblait délicieux après un demi-siècle d'autocratie[1].

Pendant plusieurs années, la France fut divisée en acceptants et en appelants, les premiers soutenus par le gouvernement, les, seconds par les Parlements.

Parmi les appelants, l'évêque de Senez, Soanen, vieillard de quatre-vingts ans, se faisait remarquer par son opiniâtreté. On crut pouvoir en faire un exemple, parce qu'il avait peu d'appuis. Un ancien agent de Dubois, un prélat scandaleux, Tencin, archevêque d'Embrun, réunit dans sa ville archiépiscopale un concile provincial, qui condamna le malheureux Soanen à être interné à l'abbaye de la Chaise-Dieu. L'archevêque de Paris et l'évêque de Montpellier protestèrent contre le concile et la condamnation, et ne furent ni déposés ni exilés ; mais l'un s'appelait Noailles et l'autre Colbert. Soanen vécut encore treize ans à la Chaise-Dieu, sans vouloir se déjuger, ni se soumettre. A sa mort, l'autorité prétendit qu'il s'était rétracté ; mais il ne faut voir là qu'une dernière machination de ses ennemis, qui n'avaient pu le vaincre tant qu'il lui resta un souffle de vie.

La condamnation de Soanen eut un retentissement prodigieux. On traita le concile d'Embrun de brigandage et de sabbat. Soanen fut regardé comme un martyr.

Tout Paris passa au jansénisme. Le parti eut sa caisse, la botte à Perrette. Un journal clandestin, Les Nouvelles ecclésiastiques, qui paraissait depuis 1713, devint le journal officiel du jansénisme et déjoua, pendant quatre-vingts ans, tous les efforts de la police. On l'imprimait à la campagne, et jusque dans Paris, sous le dôme du Luxembourg, dans des bateaux sur la Seine, dans les chantiers de bois du Gros-Caillou, où les imprimeurs s'introduisaient déguisés en scieurs de long. Un jour que le lieutenant de police Hérault faisait des perquisitions dans une maison du faubourg Saint-Jacques pour découvrir l'imprimerie clandestine, on jeta dans sa voiture, presque à son nez, plusieurs feuillets des Nouvelles ecclésiastiques. Pour dépister les agents postés aux portes de la ville, on plaçait les feuilles séditieuses sur le dos d'un chien qui, muni d'une double peau, passait devant les portes sans exciter l'attention des gardes.

Les Nouvelles ecclésiastiques répandaient partout les bons principes, et la haine des jésuites ou molinistes ; et, comme l'État était moliniste, on faisait en réalité de l'opposition politique sous couleur d'opposition religieuse.

Le cardinal de Noailles finit par s'effrayer de tout ce bruit. Très âgé, affaibli, importuné par sa nièce, la maréchale de Gramont, il se rétracta solennellement en 1728 et abandonna le parti de l'appel. On placarda sur les murs de Paris cet avis insultant : Cent mille écus à qui retrouvera l'honneur de l'archevêque ! A sa mort (4 avril 1729), on lui fit cette épitaphe :

Ci-git Louis Cahin-Caha,

Qui dévotement appela,

De oui, de non s'entortilla ;

Puis dit ceci, puis dit cela,

Perdit la tête et s'en alla !

Son successeur, M. de Vintimille, s'étant montré très antijanséniste, on se rappela que son prédécesseur s'appelait Antoine, et l'on répandit qu'en mourant saint Antoine avait laissé l'archevêché de Paris à son compagnon. On jetait de la boue sur ses mandements, on battait les prêtres qui parlaient de lui avec respect, on les interpellait dans les églises ; on affichait sur la porte du collège des jésuites : Les comédiens ordinaires du pape donneront ici les Fourberies de Scapin et Arlequin-jésuite.

Le 24 mars 1730, le roi enjoignit à tous les ecclésiastiques du royaume de recevoir la bulle Unigenitus. Le Parlement enregistra la déclaration royale, mais en lit de justice ; et, au sortir du palais, Louis XV ne fut pas acclamé.

La magistrature se rangea définitivement du côté des jansénistes, par jalousie du Grand Conseil où la bulle avait été enregistrée, par jalousie de la couronne, par ambition, par désir de popularité. Elle prétendit que la bulle était contraire aux libertés de l'Eglise gallicane et menaçait les droits du roi ; elle accueillit tous les appels comme d'abus interjetés contre les actes d'autorité des prélats partisans de la bulle ; elle donna raison aux prêtres jansénistes contre leurs évêques, et cita même l'archevêque de Paris à sa barre. En Provence, le Parlement d'Aix fit lacérer un mandement de l'évêque de Marseille.

La vie politique entra par là au Parlement, qui trouva dans son sein deux orateurs de grand talent, l'abbé Pucelle et l'abbé Menguy.

Le roi, irrité au dernier point, manda à Compiègne une députation du Parlement et la reçut fort mal : Je vous ai fait savoir ma volonté, dit-il aux magistrats, je veux qu'elle soit pleinement exécutée. Je ne veux ni remontrances ni réplique. Vous n'avez déjà que trop mérité mon indignation. Soyez plus soumis et retournez à vos fonctions. Le premier président ayant fait mine de parler, le roi lui cria : Taisez-vous, et, comme le pauvre homme n'osait plus remettre le discours dont il était porteur, l'abbé Pucelle sortit des rangs, ploya le genou devant le roi et déposa à ses pieds un exemplaire du discours. Louis XV ordonna de le déchirer, ce que Maurepas s'empressa de faire (14 mai 1732).

A la suite de cette scène, Pucelle fut arrêté et exilé à l'abbaye de Corbigny ; le conseiller Titon fut enfermé à Vincennes.

Le 20 juin, tous les conseillers au Parlement, sauf trois ou quatre, donnèrent leur démission de leurs charges. Le peuple les acclama en criant : Voilà les vrais Romains, les Pères de la patrie. Mais les vrais Romains furent avertis que, s'ils persistaient dans leur rébellion, on pourrait leur enlever leur noblesse, leur retirer leurs charges et les exiler, et ils implorèrent le pardon du roi. Louis XV leur pardonna, ce qui était sage, et les laissa bientôt recommencer leurs mutineries, ce qui était impolitique.

Pendant tous ces débats, une crise de fanatisme d'une intensité inouïe sévissait à Paris et l'emplissait de scandales.

Un diacre janséniste, François de Paris, était mort le 27 mai 1727 dans une baraque en planches, qu'il habitait au faubourg Saint-Marceau. C'était un homme fort pieux, qui n'avait jamais voulu recevoir le sacerdoce, ne s'en croyant pas digne, et qui s'était fait à Paris une grande réputation de sainteté par sa modestie, sa douceur et sa charité inépuisable. Il dépensait en aumônes à peu près tout son revenu, montant à dix mille livres, il laissait son bien à des prêtres tombés dans la misère ; jusqu'à sa dernière heure, il avait été adversaire de la bulle et ennemi des jésuites. Quand il fut mort, les pauvres qu'il avait secourus mirent ses habits et ses meubles en lambeaux et se les partagèrent comme des reliques. Sa tombe, au cimetière Saint-Médard, devint un lieu de pèlerinage et d'oraison. Quelques jeunes tilles éprouvèrent, en priant sur son tombeau, des crises nerveuses étranges.

La foule se fit plus grande dans l'enceinte du petit cimetière. Les phénomènes nerveux se multiplièrent et s'accrurent ; bientôt, il ne fut plus question dans Paris que des convulsionnaires de Saint-Médard.

Pendant près de cinq ans (1727-1732), le petit cimetière fut le théâtre de scènes si lamentables et si atroces qu'on se demande lesquels étaient les plus fous des acteurs ou des spectateurs.

On voyait de malheureuses femmes passer par tous les spasmes et toutes les tortures. Il y avait des sauteuses, des aboyeuses, des miaulantes. D'autres réclamaient avec instance les grands secours, ou secours meurtriers, se faisant fouler aux pieds, bourrer de coups de poing, frapper à coups de bûches. D'autres se faisaient mettre en croix, ou se faisaient pendre la tête en bas.

On croit rêver, lorsqu'on voit de pareilles aberrations s'étaler au grand jour dans le Paris du dix-huitième siècle. Mais ce qui est encore bien plus singulier, c'est que les convulsionnaires finirent par former une véritable secte, ayant ses chefs, ses statuts, ses rites et ses martyrs, que des ecclésiastiques s'en mêlèrent et que des hommes de haute gravité et de grande vertu ne se résignèrent jamais à ne voir en toutes ces excentricités que folie et maladie.

Un prêtre du diocèse de Troyes, Pierre Vaillant, que Soanen, évêque de Senez, avait chargé de protester en son nom contre la bulle Unigenitus, avait été mis à la Bastille en 1725 et relâché en 1728. Il s'affilia aux convulsionnaires, et son titre de martyr de la bonne cause lui donna bientôt parmi eux une grande influence. Il y eut un parti de vaillantistes, qui disaient le prophète Elie ressuscité pour convertir les Juifs et la cour de Rome. Quelques-uns pensaient même que Vaillant était lui-même Elie. Le prophète, incarcéré de nouveau à la Bastille en 1734, y demeura 22 ans prisonnier et mourut captif à Vincennes.

Un ancien oratorien, Alexandre Darnaud, se faisait passer pour le prophète Enoch. Frère Augustin fut le chef des augustiniens, qui exécutaient des processions nocturnes, la corde au cou et la torche au poing, à Notre-Dame et à la place de Grève.

Il y eut des mélangistes, qui distinguaient dans les convulsions deux influences, l'une puérile et l'autre sanctifiante. Il y eut des discernants, qui prophétisaient, et des figuristes, qui pendant leurs convulsions représentaient les martyres des saints ou des scènes de la passion. Les secouristes étaient des sortes de frères servants, qui administraient aux patientes les petits secours, les grands secours et les secours meurtriers.

A mesure que la vogue des convulsionnaires s'accusait, la fourberie et la fraude s'introduisaient dans la secte. Les convulsions devenaient .un art auquel on s'instruisait ; elles constituaient un spectacle, auquel des personnes riches apportaient leur argent. Ce qui avait été d'abord simplicité de cœur et faiblesse d'esprit tournait en jonglerie, habilement exploitée par des gens cupides et sans scrupules.

Le 27 janvier 1732, le cardinal de Fleury fit fermer le cimetière. Les convulsionnaires et leurs amis crièrent à la persécution. On écrivit sur la porte du cimetière ce distique vengeur :

De par le roi, défense à Dieu

De faire miracle en ce lieu.

Les convulsionnaires ne disparurent pas. Ils continuèrent leurs exercices à huis clos, dans des maisons connues oh se rassemblaient les chefs de la secte, les patientes et les amateurs de ces lugubres spectacles. Cette folie dura jusque vers 1762, pour renaître, quelques années plus tard, sous une forme un peu différente, autour du baquet magnétique de Mesmer.

Les molinistes voulurent avoir aussi leurs miracles et essayèrent de mettre en honneur un des leurs, le P. Gourdan, qui avait refusé la communion d'un supérieur, parce qu'il était appelant, et auquel la Vierge était apparue. La dévotion au P. Gourdan ne put devenir populaire.

Un moment, on crut que la Provence allait avoir sa voyante et sa thaumaturge. Une jeune fille de dix-neuf ans, Mlle Cadière, pénitente d'un jésuite, le P. Girard, eut des extases, des visions, et fit des miracles ; mais, ayant changé de confesseur pour prendre un directeur janséniste, elle commença de proférer contre le P. Girard de terribles accusations, que le Père déféra au Parlement d'Aix. Toute la province se passionna pour ou contre le P. Girard, pour ou contre la Cadière. La haute société tenait généralement pour le jésuite ; le menu peuple s'amassait par bandes à Aix, à Toulon, à Marseille, et engageait parfois des rixes avec les partisans des jésuites.

L'affaire fut jugée par vingt-cinq magistrats. Douze estimaient Girard digne de mort et même digne du feu ; treize réclamaient son acquittement et voulaient qu'on incarcérât son accusatrice. Mais parmi ces treize juges se trouvaient deux parents, ce qui réduisit les voix à douze. Les parties furent mises hors de Cour (1731).

A cette nouvelle, la populace d'Aix faillit mettre en pièces le P. Girard et le premier président. Elle insulta les magistrats qui tenaient pour le jésuite et porta les autres en triomphe. Elle fit des feux de joie, où l'on brûla des mannequins habillés en jésuites. A Marseille, il fallut protéger la maison des jésuites, que le peuple voulait brûler.

Les jésuites tinrent bravement tête à l'orage. M. de Belzunce, .évêque de Marseille, garda toute son estime au P. Girard. L'évêque de Viviers l'accueillit avec les plus grands égards. Les jésuites affirmèrent plus tard qu'il était mort en odeur de sainteté.

Mais on comprend quel aliment un procès pareil put fournir à la férocité des partis. Les factums publiés en Provence pénétrèrent jusqu'à Paris. La Cadière y fut aussi populaire' qu'en Provence ; il y eut des meubles, des habits, des tabatières, des éventails et des rubans à la Cadière.

On mit toutes ces histoires au théâtre. Dans l'opéra du Nouveau Tarquin, Brutus, symbolisant le Parlement, mettait hors de cour Tarquin Girard et Lucrèce Cadière, et leur offrait plaisamment de tirer au sort à qui serait brûlé.

Les jésuites, de leur côté, mettaient les jansénistes sur la scène, dans Le saint Déniché, ou la banqueroute des marchands de miracles, et se moquaient dans La Femme Docteur des controverses sur la grâce. (H. Carré, Louis XV.)

Une dernière querelle vint porter l'anarchie à son comble et réveiller une dernière fois les vieilles passions.

A M. de Vintimille et à M. de Bellefonds avait succédé, sur le siège archiépiscopal de Paris, un prélat de mœurs austères, mais d'intelligence médiocre et tout dévoué aux jésuites, Christophe de Beaumont. Ce fut un des évêques les plus charitables de son siècle, mais un des plus opiniâtres. Un quatrain dans le goût du temps en trace ce joli portrait :

Dieu lui donna la bienfaisance,

Le diable en fit un entêté ;

Il couvrit par sa charité

Les maux de son intolérance.

Charitable, il l'était ; car, sur ses 600.000 livres de revenu, il n'en gardait que 100.000 pour ses dépenses personnelles et employait tout le reste en bonnes œuvres. Opiniâtre et intolérant, il le fut aussi ; car il fut défense au clergé de son diocèse d'administrer les sacrements à quiconque ne présenterait pas un billet de confession signé d'un prêtre favorable à la constitution Unigenitus (1746).

Cette prétention de l'archevêque devait parai ire très légitime à un homme aussi étroit qu'il l'était ; il lançait, en réalité, aux jansénistes une déclaration de guerre des plus dangereuses.

Il accentuait la division qui existait déjà dans le clergé, et mettait hors la loi les adversaires de la bulle, quoique le Parlement lui-même eût déclaré que la bulle n'était pas de dogme ni matière de foi.

C'était raviver les vieilles querelles, contre les vœux exprès de tous le@ papes qui avaient été amenés à s'occuper de la question.

C'était, enfin, tyranniser les consciences d'une manière jusqu'alors inouïe ; c'était appliquer à tous les jansénistes sans distinction la pénitence rigoureuse imposée par M. de Noailles aux religieuses de Port-Royal, rebelles à l'autorité du pape et du roi.

L'opinion publique se prononça aussitôt avec force contre les billets de confession, et le Parlement, protecteur des canons, donna carrément, tort à l'archevêque. Tout ecclésiastique fut tenu de donner la communion à tout fidèle qui aurait constitué procureur et avocat, et lui aurait fait faire par huissier les sommations légales. Le prêtre qui ne s'exécuterait pas devait être puni de bannissement, de confiscation ou même de la peine des galères (1752).

Dans ce singulier conflit entre l'autorité épiscopale et l'autorité judiciaire apparaît tout l'esprit du dix-huitième siècle, qui sera l'esprit de la Révolution. Les magistrats ne considèrent déjà plus la religion que comme une fonction sociale. Le prêtre, on le sent, est déjà pour eux un fonctionnaire chargé d'un service public. Il importe au bon ordre social que ce service se fasse normalement, et voilà pourquoi le Parlement se reconnaît le droit d'assurer sa marche régulière, lorsque l'archevêque tend à l'empêcher.

Pendant de longues années, la lutte continua, sans que personne voulût céder. L'archevêque, sommé par ordre du roi de se désister, répondit au duc de Richelieu : Qu'on dresse un échafaud au milieu de ma cour, et j'y monterai pour soutenir mes droits, remplir mes devoirs et obéir aux lois de ma conscience. Le duc lui dit alors spirituellement : Votre conscience est une lanterne sourde qui n'éclaire que vous.

Les curés de Paris se divisèrent ; les uns obéirent au Parlement, les autres à l'archevêque. Il y eut des refus de sacrements retentissants, des procès, des condamnations à l'amende et à l'exil. Les prêtres constitutionnaires bravèrent audacieusement le pouvoir civil, comme les prêtres jansénistes bravèrent l'autorité épiscopale.

Le Parlement fut réprimandé par le roi, menacé, exilé, puis rétabli.

Les membres les plus marquants du parti moliniste furent mandés auprès du roi, qui leur dit brutalement :

Je vous défends toute réponse à ce que je vais vous dire. Je veux la paix et la tranquillité dans mon royaume. Je vous ai imposé silence ; ceux qui y contreviendront seront punis suivant les lois.

Et rien n'y fit : l'archevêque ne céda point, les curés continuèrent à s'excommunier les uns les autres, le Parlement persista à s'ériger en concile, les jésuites continuèrent à poursuivre la ruine de leurs adversaires, et le roi, impuissant à rétablir l'ordre au milieu de toutes ces fureurs, se désintéressa de plus en plus des affaires publiques.

Les grandes robes et le clergé, disait-il à Mme de Pompadour, sont, toujours aux couteaux tirés ; ils me désolent par leurs querelles ; mais je déteste bien plus les grandes robes. Mon clergé, au fond, m'est attaché et fidèle. Les autres voudraient me mettre en tutelle... Robert de Saint-Vincent est un boutefeu, que je voudrais pouvoir exiler ; mais ce sera un train terrible... Le Régent a bien eu tort de leur rendre le droit de remontrance, ils finiront par perdre l'Etat. — Ah ! Sire, dit alors M. de Gontaut, il est bien fort pour que de petits robins puissent l'ébranler. — Vous ne savez pas ce qu'ils font et ce qu'ils pensent, reprit le roi ; c'est une assemblée de républicains. En voilà, au reste, assez ; les choses comme elles sont dureront autant que moi.

Les querelles religieuses cessèrent après l'expulsion des jésuites, mais l'esprit janséniste continua à régner dans les Parlements et dans certains milieux bourgeois ; nous le retrouverons encore à la Constituante avec les représentants Camus et Lanjuinais, membres prépondérants du Comité ecclésiastique.

Le jansénisme est-il mort aujourd'hui ? C'est une grave question, à laquelle il nous serait impossible de répondre ; il se pourrait cependant que cette longue querelle ait laissé quelque trace dans le catholicisme français.

Les doctrines augustiniennes semblent avoir toujours trouvé en France un terrain particulièrement favorable. De tous les réformateurs, Calvin est celui qui leur a donné le plus d'extension, et Calvin était Français. Duvergier de Hauranne, Français, a été l'ami, le confident et le champion de Jansénius ; c'est en France que le jansénisme a poussé les plus profondes racines et a prospéré comme sur son terrain naturel.

Il semble donc bien qu'il y ait quelque affinité mystérieuse entre l'âme française et les sombres doctrines de la prédestination et de la grâce indéclinable.

Et comment s'expliquer que le Français, si vain, si léger, si en dehors, si sociable et d'humeur si joyeuse, soit précisément le peuple qui ait fait le meilleur accueil au mode le plus austère et. le plus rigoureux de la foi ?

Ne serait-ce pas un effet de la loi des contraires, qui veut que l'on recherche toujours les vertus dont on se sent le plus loin ? Le Français, qui veut vivre de la vie intérieure, se met par ce seul désir en dehors de l'opinion commune et se sépare de l'immense majorité de ses compatriotes, pour lesquels l'indifférence est le plus commode des oreillers. Il renonce à tout ce qu'ils goûtent, à tout ce qu'ils aiment, à la parole téméraire, à la raillerie acérée, au rire sonore et agressif, au plaisir bruyant et païen. Il se dénaturalise, pour ainsi dire, et devient au sein de sa patrie une sorte d'étranger. Et plus le milieu qui l'entoure est remuant et joyeux, plus il se fait taciturne, plus il se sent envahi par la tristesse et par la crainte. Cet homme, qui n'est pas né pour étre grave, et qui n'est sérieux que par élude et par volonté, exagérera sa gravité, se guindera jusqu'à un sérieux hors nature et hors mesure.

L'Espagnol a une religion d'enfant, d'enfant parfois féroce. L'Italien négocie avec Dieu. Le Français en détourne ses yeux et sa pensée, ou, s'il y pense, c'est pour s'écraser devant lui. Le jansénisme a donné à nos croyants leur raideur et leur mélancolie ; c'est lui qui opprime encore si souvent leurs âmes, qui les courbe comme sous le poids d'une croix trop pesante. C'est lui qui les détourne du spectacle de la vie, qui les rend aveugles aux splendeurs du progrès scientifique, indifférents au progrès social, hostiles à la démocratie, si bariolée, parfois si barbare, mais si vivante et si radieuse d'espérance. C'est cette vieille doctrine surannée qui sépare de leur temps et de leur peuple tant de nobles âmes, et qui empêche ce peuple et ce temps de renaître à l'idée religieuse.

 

 

 



[1] M. Henri Carré, professeur à l'Université de Poitiers, a bien voulu nous communiquer les bonnes feuilles de l'histoire de Louis XV, qu'il a rédigée pour l'Histoire de France de M. Lavisse. Nous lui emprunterons plus d'un détail pour cette période, et nous le remercions de son obligeance.