HISTOIRE DU PASSAGE DES ALPES PAR ANNIBAL

 

LIVRE PREMIER.

CHAPITRE V.

 

 

Détermination de la route d'Annibal depuis le passage du Rhône jusqu'à l'entrée des Alpes. — Quelle rivière est la Scôras. — Suite du journal de l'expédition.

 

Polybe dit qu'Annibal ayant fait une marche de quatre jours depuis le passage du Rhône, arriva à ce qu'on appelait l'Isle, qui est un pays peuplé et fertile en blé. D'après la description géographique qu'il fait de ce pays, il est évident qu'au bout de quatre jours de marche, Annibal arriva sur les bords de l'Isère, près de son embouchure dans le Rhône. Il parcourut dans cet espace de temps 600 stades, ou 75 milles romains, comme nous l'avons vu dans le chapitre III, en cherchant le lieu du passage du Rhône. La cavalerie et les éléphants firent donc près de 19 milles par jour ; mais l'infanterie s'étant mise en marche au moins deux jours plus tôt, elle n'eut à faire que 12 milles par jour.

Annibal avait de fortes raisons pour accélérer sa marche ; il savait qu'une armée romaine avait débarqué à l'embouchure du Rhône, et le combat qui avait eu lieu entre les deux détachements de cavalerie, devait lui faire croire que le Consul se hâterait de venir l'attaquer. Il ne voulait pas s'exposer, par une bataille, à retarder ou à faire manquer complètement son entreprise. Il ne voulait combattre les Romains qu'en Italie. C'est pour cela qu'il fit prendre le devant à son infanterie, pendant qu'avec sa cavalerie, il attendait que les éléphants eussent traversé. La saison était d'ailleurs si avancée pour passer les Alpes, que cette raison seule aurait été suffisante pour lui, faire presser sa marche.

Comparons à présent la distance de 600 stades, ou de 75 milles, assignée par Polybe, avec les distances mesurées sur la grande carte de France, et avec les itinéraires romains.

Depuis la partie du Rhône où il n'y a point d'îles, un peu au-dessus de Roquemaure[1], jusqu'au bourg de Mornas, en laissant la ville d'Orange sur la droite.

 

 

 

Toises

Milles romains

Il y a

 

8.600

11,37

Depuis Mornas

à La Palud

6.100

8,00

 

à Pierrelatte

4.100

5,42

 

à Donzère

4.000

5,29

 

à Montélimar

7.000

9,26

 

à Loriol

11.700

15,48

 

à Valence

11.000

14,55

 

à Port de l'Isère

3.500

4,63

 

TOTAL

56.000

74,00

 

Ce nombre ne diffère que d'un seul mille de celui de Polybe.

La voie romaine passait par Arausio (Orange), par Augusta Tricastinorum (Saint-Paul-Trois-Châteaux), petite ville qui est à 4 milles à l'orient de la grande route actuelle ; par Acunum (Anconne), petit village sur le bord du Rhône, à trois milles de Montélimar ; et par Valencia.

Depuis Arausio jusqu'à l'Isère, les itinéraires romains marquent 69 ½ milles[2] ; si à ce nombre on ajoute 5 ½ milles pour la distance au passage du Rhône à Orange, on aura 76 milles pour la distance de ce passage à l'Isère, nombre qui correspond exactement aux 600 stades de Polybe.

Cet accord, si parfait entre les distances actuelles et celles de Polybe, suffirait pour prouver que la rivière que l'armée rencontra au bout des quatre jours de marche depuis le passage du Rhône, était bien l'Isère ; mais comme quelques auteurs ont cru que c'était la Saône, parce qu'on trouve dans une ou deux éditions de Polybe le mot Araros, et dans toutes celles de Tite-Live le mot Arar, je vais examiner cette question plus en détail.

La rivière qui, conjointement avec le Rhône, formait la pointe de l'Isle, est appelée Iscar, ou Scôras, suivant les copies de l'original grec de Polybe. Le mot Araros ne se trouve que dans l'édition de Casaubon, qui, de son chef, l'a substitué à celui de Scôras. Dans une des dernières éditions de Polybe, celle de Schweighauser, de Strasbourg, publiée à Leipsig en 1789, on lit Isaras ; et l'auteur, dans une note, à la page 495, dit qu'il a adopté cette opinion d'après les conjectures des savants.

Le général Melville, étant à Rome, consulta sur le nom de cette rivière un ancien manuscrit de Polybe, qu'il trouva dans la bibliothèque du Vatican, il vit, à sa grande satisfaction, le mot Isar, ou Isaras.

M. d'Anville observe que cette rivière ne peut pas être l'Atar, ou la Saône, parce que c'est en y arrivant qu'Annibal entra pour la première fois dans le pays des Allobroges ; au lieu que s'il avait atteint la jonction de la Saône avec le Rhône, il aurait déjà traversé tout leur territoire. Lés critiques les plus judicieux, dit-il, sont donc convaincus que le nom de cette rivière est Isar, ou Isaras. Rollin, dans son histoire romaine, embrasse la même opinion.

On trouve dans la dissertation sur le passage des Alpes par Annibal, selon Tite-Live, de M. Abauzit[3], les remarques suivantes sur le nom de cette rivière :

Polybe, le plus ancien auteur qui ait nommé cette rivière, écrit Scôras : c'est ainsi qu'il entendait prononcer aux Gaulois un mot que les Romains adoucirent depuis en Isara. Cependant Perot a mis la Saône dans sa version latine de Polybe, et sans autre finesse, à ce qu'il paraît, que de mettre un mot qu'il entendait à la place du Scôras, qui lui était inconnu. Sigonius, après avoir pensé, propose Arar comme une pure correction de son chef. Casaubon, bientôt après la fit entrer jusque dans le texte grec, d'où ensuite elle a passé dans la belle édition de Gronovius, et cela contre l'intention même de Polybe ; car il situe les Allobroges dans cette presqu'île du Rhône et du Scôras, lequel, par conséquent, ne saurait être la Saône, comme on sait d'ailleurs qu'ils n'habitaient qu'entre le Rhône et l'Isère.

Les traducteurs de Tite-Live, sentant bien que la rivière dont il s'agit ne peut être la Saône, traduisent ordinairement le mot Arar par l'Isère dans cet endroit. Gronovius, dans ses notes sur Tite-Live, cite un manuscrit de cet historien, dans lequel on lit Bisarar ; en sorte que si, au lieu de retrancher les trois premières lettres pour faire Arar, on n'avait retranché que la première, on aurait Isarar, qui aurait été évidemment l'Isère.

En parlant de cette rivière et du Rhône, Tite-Live dit qu’ils viennent de deux Alpes différentes[4]. En effet, le Rhône prend sa source à la montagne de la Fourche, près du Saint-Gothard, qui faisait partie des Alpes Lepontiœ et l’Isère prend sa source au mont Iseran, qui faisait partie des Alpes Graiœ. La Saône, bien loin d'avoir sa source dans les Alpes, vient des Vosges, près de Plombières, à 40 lieues de la partie des Alpes la plus voisine.

Si Annibal était arrivé sur les bords de la Saône, il aurait traversé trois fois le Rhône : la première fois à Roquemaure, la seconde à Lyon, et la troisième pour entrer dans les Alpes. Les deux dernières auraient pris presque autant de temps et auraient donné autant de peine que la première, et tout cela inutilement. Polybe et Tite-Live ne parlent que d'un seul passage du Rhône, et si Annibal l'avait traversé trois fois, ils en auraient fait mention.

Mais la preuve sans réplique que le Scôras de Polybe était l'Isère, c'est que celte rivière est à 75 milles du lieu où l’armée carthaginoise avait passé le Rhône, et que cette armée y arriva au bout de quatre jours de marche ; car si nous voulions remonter jusqu'à la Saône à Lyon, nous aurions une distancé de 136 milles, au lieu de 76 ; et il aurait fallu que les éléphants et la cavalerie d'Annibal eussent parcouru ces 136 milles en quatre jours, ce qui n'est pas possible, surtout ayant eu, pendant ce court espace de temps, à traversée l'Isère et le Rhône pour la seconde fois.

La marche de dix jours le long du Rhône, pendant lesquels l'armée parcourut 800 stades, doit se compter dans le pays qu'on appelait l’Isle, qui s'étendait depuis l’embouchure de l'Isère dans le Rhône, jusqu'à la montée des Alpes ; car cette distance et celle de 1.400 stades depuis le passage du Rhône, se terminent au même point, savoir la montée des Alpes : la première fait donc partie de la seconde, et le lieu où celle-ci se partage en deux parties inégales, l'une de 600 et l'autre de 800 stades, est l’embouchure de l’Isère dans le Rhône.. Ainsi donc, les auteurs qui croyaient que les 800 stades devaient se compter depuis le lieu du passage du Rhône, étaient dans l'erreur.

Il semble que Polybe craignit que ceux qui le liraient ne se trompassent sur le pays que l'armée carthaginoise traversa, car il répète en trois endroits différents qu'Annibal marcha le long du Rhône. Voici les trois passages rapprochés les uns des autres.

Chap. 39. Depuis le passage du Rhône, pour ceux qui marchent le long du fleuve lui-même, comme s'ils remontaient vers ses sources, jusqu'à la montée des Alpes pour se rendre en Italie, il y a une distance de 1.400 stades.

Chap. 47. Après avoir passé le Rhône, Annibal conduisit son armée le long du fleuve, laissant la mer derrière lui, et se dirigeant, pour ainsi dire vers l'intérieur de l'Europe.

Enfin Chap. 50. Annibal ayant marché pendant dix jours le long du fleuve, et ayant parcouru une distance de 800 stades, commença la montée vers les Alpes.

Le lieu du passage du Rhône étant une fois fixé, il suffisait de compter 1.400 stades le long de ses bords, en évitant cependant le grand détour qu'il fait à Lyon, pour arriver à l’endroit où Annibal était entré dans les Alpes. Il fallait donc aussi que ce fût un endroit où ces montagnes touchent le Rhône. Cet endroit ne se trouve pas avant la chaîne de montagnes qui servaient de limites entre le nord de l’ancien Dauphiné et la Savoie ; les mêmes montagnes qui fermaient le pays qu'on appelait l’Isle du temps des Allobroges. C'est à l’extrémité de cette chaîne qui touche le Rhône qu'il fallait chercher un chemin par lequel on pût entrer dans les Alpes, et c'est là en effet que nous le trouverons.

Nous avons dit plus haut que les 800 stades, ou les 100 milles, devaient se compter depuis le passage de l’Isère : voyons où ils aboutiront en quittant le Rhône à Vienne, et en le rejoignant à Saint-Genis-d'Aouste, près de l’entrée du Guiers-vif, dans ce fleuve.

 

Noms modernes

Noms des Itinéraires romains

Toises

Milles romains

Du port de l'Isère

 

 

 

à Tain

Tegna

4.600

6,08

à Saint-Vallier

Ursoli

6.700

8,86

à Saint-Rambert

Figlinæ

6.550

8,66

à Vienne

Vianna Allobrogum

14.600

19,31

à Diemoz

Decimum

9.000

11,90

à Bourgoin

Bergusium

8.300

11,00

à Tour-du-Pin

 

7.000

9,26

à Aouste

Augustum ou Colonia Augusti

7.000

9,26

à Saint-Genis-d'Aouste

 

1.000

1,33

à Champagnieu

 

3.300

4,30

à La Balme

 

3.300

4,30

à Yenne

Ejanna

2.200

3,00

 

TOTAL

73.550

97,26

 

Ce nombre de 97 milles est bien rapproché des 100 milles de Polybe, puisqu'il n'en différé que de trois milles. Cette distance serait moindre d’après les itinéraires romains, puisqu'ils ne comptent que 92 milles et demi depuis l'Isère jusqu'à Lavisco, que l'on croit avoir été situé aux environs du château de Choiseil, dans la commune de Saint-Paul, à 2 milles au-delà de Yenne, sur la route de Chambéry.

L'itinéraire de M. Dulens (Édition de 1793), marque depuis le passage de l'Isère jusqu’à la Tour-du-Pin, 75 milles anglais, qui font 82 milles romains, tandis que les mesures prises sur la grande carte de France, ne nous ont donné jusqu'à cette petite ville, que 75 milles romains Le rapport de 75 à 82 est comme de 12 à 11. Nous voyons que les distances données par l'odomètre fixé aux roues d'une voiture, sont plus grandes que celles qui résultent des mesures prises sur une carte avec le compas. Une voiture est souvent obligée de faire des petits détours pour éviter un mauvais pas ou un char qu'elle rencontre sur la route.

Nous avons suivi les bords du Rhône jusqu'à Yenne ; mais quoique Polybe nous dise qu'Annibal marcha le long du Rhône jusqu’à la montée des Alpes, nous ne pouvons pas supposer que ses guides lui firent suivre tous les détours du fleuve ; ils lui firent éviter nécessairement le grand coude que le Rhône fait à Lyon, et celui qu'il fait dix lieues plus haut, pour rejoindre les bords de ce fleuve à Saint-Genis-d’Aouste et ne les plus quitter jusqu'à Yenne.

Je me suis arrêté à la petite ville de Yenne, parce que les 176 milles, depuis le passage du Rhône et les 100 milles depuis celui de l’Isère, sont à peu près épuisés ; parce que c'est à Yenne que la voie romaine quittait les bords du Rhône pour monter la première lisière des Alpes, et parce que c'est depuis cette petite ville que la plus ancienne route du pays (la même que la voie romaine), quitte le Rhône pour traverser ce premier rang des Alpes, qui, semblable à une haute muraille, barrait cette partie de l’Allobrogie qu'on appelait l’Isle.

Avant que je susse que la route dont nous venons de donner l’itinéraire, fût une voie romaine, et en même temps la plus ancienne route du pays, j'avais, d'après l'inspection de la grande carte de France, où les plus petites inégalités de terrain sont dessinées, j’avais, dis-je, supposé que c’était celle qu’Annibal avait suivie, et qu'il ne pouvait s’être écarté des bords du Rhône qu'à Vienne, parce qu’en les quittant plus tôt, il aurait eu plusieurs collines à traverser, au lieu qu'en passant par Bourgoin et par Aouste, il était constamment dans un pays plat, sans rencontrer une seule colline sur son chemin. Cela s'accordait d'ailleurs avec Polybe, qui nous dit que depuis le lieu où les Allobroges fournirent à l’armée carthaginoise des provisions et des vêtements, jusqu'à l'entrée des Alpes, elle traversa un pays plat. Mais je sentais que pour être toujours d'accord avec le même auteur, qui est notre seul guide, il était absolument nécessaire qu'Annibal rejoignit le Rhône avant d'entrer dans les Alpes. Je ne pouvais donc adopter l’opinion du général Melville, qui, ne connaissant pas la grande route qui passe à Yenne, croyait qu'Annibal avait quitté les bords du Rhône à Saint-Rambert, pour passer de là aux Echelles sans rejoindre le Rhône. Il croyait aussi que les 800 stades devaient se compter depuis le passage du Rhône, et se terminer à Saint-Rambert, mais j’ai fait voir que c’était une erreur, car les 800 stades se terminent à la montée des Alpes, là où l’armée fut exposée à de très-grands dangers par l'attaque des Allobroges.

Ce fut probablement près de Vienne qu'Annibal trouva deux frères dampes l’un devant l'autre, et prêts à décider, par une bataille, lequel des deux gouvernerait. Ces deux frères étaient sans doute les plus grands princes des Allobroges, puisque Polybe donné aux autres chefs de cette nation l'épithète d'inférieurs, ou de subalternes.

Quoique d'après les expressions de Polybe, il semblerait qu'Annibal rencontra les deux frères le premier jour de son arrivée dans l’Isle, cependant comme cette rencontre dut se faire près de l’endroit où l’aîné fournit l’armée de vivres, d’armes et de vêtements, et que cet endroit ne pouvait être que la ville principale du pays, je croirais que cet incident n'eut lieu que trois jours après le passage de l’Isère, lorsque l'armée s'approcha de Vienne,

Pline appelle celle ville Vienna Allobrogum, et Ptolémée Caput Allobrogum. Selon Strabon, les plus considérables d'entre les Allobroges, en se rassemblant dans ce lieu comme le principal, avaient formé une ville, le reste de la nation étant dispersé dans les villages[5]. Il fallait que dans le temps de l'expédition d'Annibal[6], Vienne fut déjà une ville considérable, puisqu'elle, fut en état de fournir à une armée de près de cinquante mille hommes toutes les choses dont elle avait besoin. Vienne devint ensuite une des villes les plus belles et les plus opulentes de la Gaule narbonnaise. Ses antiquités romaines sont nombreuses.

Aujourd'hui, le Viennois est un pays fertile, abondant en vins, en fruits, en grains et chanvre. En outre, on, remarque un nombre prodigieux de petites villes et villages. Ces deux circonstances s'accordent avec les expressions de Polybe, d’un pays peuplé et fertile en blé.

On doit être frappé jusqu'ici de l'exactitude de Polybe, tant sur les localités que sur les distances. On a vu que sur une distance de 200 milles, nous n'avions trouvé, qu'une différence de 6 milles en sus ; et sur celle de 175 milles, nous avons trouvé une différence de 4 milles en moins. En sorte que sur la distance totale depuis Ampurias jusqu'à Yenne, la coïncidence est parfaite.

L'accord sur la distance de 176 milles le long du Rhône, est d'autant plus surprenant, que, du temps de Polybe, elle n'avait point encore été mesurée par les Romains, comme celle depuis Emporium jusqu'au Rhône ; car nous avons vu dans la notice sur les voies romaines que la plus ancienne que les Romains eussent entreprise dans l’Allobrogie, était la Via Domitia, faite par le consul Domitius Ænobarbus, l’an de Rome 631, époque de la mort de Polybe, qui mourut à l’âge de 82 ans. Il fallait donc que Polybe eût acquis la connaissance de cette distance lorsqu'il voyagea lui-même sur cette route, et cela d'une manière très-exacte, car il est à remarquer qu'en parlant de cette distance de 1.400 stades, ainsi que de celle de 800 stades qui en faisait partie, il ne se sert point, comme en d'autres occasions, du mot environ ou à peu près, mais il dit simplement que les distances étaient telles.

Le journal que nous avons commencé à l'armée d'Annibal sur les bords du Rhône, est aussi une partie du récit de Polybe, qui, par sa conformité avec les distances et les localités, nous est un guide certain pour la route que suivit l'armée carthaginoise.

Nous allons continuer ce journal.

Le 9e jour (4 octobre), départ d'Annibal avec sa cavalerie et ses éléphants, pour remonter le long du Rhône.

Le 11e jour, au soir, le Consul romain arrive au passage du Rhône, trois jours après le départ d'Annibal.

Le 12e jour (7 octobre), Annibal arrive sur le bord de l’Isère.

Le 15e jour, toute l’armée arrive à Vienne. Cette ville étant à 45 milles de l'Isère, il fallut au moins trois jours pour, que l’armée, arrivât.

Les 16e et 17e employés au combat en faveur du frère aîné, et à fournir l'armée d'armes, de vivres et de vêtements.

Les cinq jours suivants furent employés à traverser le pays plat ou le pays des plaines, qui s'étend depuis Vienne jusqu'à Yenne, ce qui fait un espace de 54 milles. Ce fut cette marche pendant laquelle le frère aine, affermi sur le trône par Annibal, accompagna l’armée carthaginoise avec ses troupes, pour la protéger contre les chefs inférieurs des Allobroges, qui paraissaient sans doute disposés à l’attaquer pour lui enlever ses bagages.

Le 22e jour (17 octobre), l’armée arriva au pied des montagnes, où commence la montée des Alpes, c'est-à-dire à Yenne. Elle avait fait 12 milles par jour depuis l'Isère, puisqu'elle avait fait près de 100 milles en dix jours ; et qu'elle devait avoir passé deux de ces jours à Vienne. La fin de la 22e journée fut employée à s'instruire du dessein des Allobroges, et à faire les préparatifs pour s'emparer de leur poste. A l'approche de la nuit, Annibal transporta son camp dans les environs des villages de Chevelu et de Saint-Jean-de-Chevelu, situés à 4 milles au-dessus de Yenne.

 

 

 



[1] L'ancien passage de l'Ardoise, suivant M. Martin de Bagnols.

[2] De Valence à Tain, entre lesquelles se trouve le passage de l'Isère. L'Itinéraire romain marque 13 milles, que j'ai partagé en deux parties inégales, l'une de 5 ½ et l'autre de 7 ½, suivant la proportion des distances.

[3] Œuvres diverses de M. Abauzit, tome II, pag. 154.

[4] Les Romains partageaient la grande chaîne des Alpes en dix Alpes particulières, qui s’étendaient depuis les Alpes maritimes jusqu'aux Alpes Juliennes dans la Carinthie et la Syrie.

[5] Notice de l’ancienne Gaule, article Vienna, pag. 702.

[6] L'an de Rome 534, avant Jésus-Christ 218.