L'IMPÉRATRICE THÉODORA

ÉTUDE CRITIQUE

 

CHAPITRE III. — LA CHRÉTIENNE.

 

 

Rôle religieux de Théodora méconnu. — Les religions et les sectes dans l'empire ; hérésie de Théodora. — Les persécutions de Justinien. — Si l'orthodoxie de Justinien fut altérée par Théodora. — Dans quel esprit Théodora prit part aux querelles religieuses. — Théodora et les papes ; affaire de Silvère. — Théodora, Justinien et Vigile.

 

RÔLE RELIGIEUX DE THÉODORA MÉCONNU.

Il me reste à examiner et à définir le rôle que joua Théodora au milieu des querelles religieuses de son temps. Cette partie de ma tâche n'est pas la moins difficile. J'ai contre moi, je crois, tous les auteurs qui ont eu à s'occuper d'elle. Ils la représentent comme une femme violemment adonnée aux hérésies du sixième siècle, ne reculant pas devant l'emploi de la force et faisant volontiers dégénérer la controverse en persécution. Les écrivains catholiques sont à son égard d'une animosité singulière. Je ne veux pas dire qu'ils aient eu tort de la blâmer, s'ils ne la jugeaient pas bien pensante. Je ne crois point devoir, d'autre part, la défendre du reproche d'hérésie. L'orthodoxie de ses doctrines ne nous importe guère. Donner des mystères chrétiens une certaine interprétation était son droit ; en donner une différente était celui de ses adversaires. Ce qu'il est intéressant de rechercher, c'est non point si ses opinions étaient bonnes, mais si elles ne lui firent pas commettre des actes regrettables. Or tous les historiens admettent non seulement qu'elle ne partageait pas les doctrines romaines, mais qu'elle eut assez d'influence sur son mari pour l'en détourner et le pousser aux mesures les plus violentes. Son zèle pour sa secte ou plutôt sa fureur aurait déchaîné par tout l'empire le meurtre, l'incendie et la guerre civile. C'est là une accusation grave et, à mon sens, fort imméritée. Cette erreur a été commise parce que l'on a presque toujours confondu la pensée de l'impératrice avec ses actes. Si l'on examine au contraire séparément dans sa vie ce qui doit rester distinct, on verra qu'elle peut bien être regardée comme hérétique par les théologiens de la cour de Rome, mais qu'en fait elle ne troubla jamais le monde chrétien, — bien au contraire !

 

LES RELIGIONS ET LES SECTES DANS L'EMPIRE HÉRÉSIE DE THÉODORE.

Que ses croyances ne fussent pas exactement celles des papes, je le crois sans peine, puisque tant d'écrivains l'affirment. Ses contemporains Procope, Evagre, le pape Pelage, le diacre Liberatus, Victor de Tunes, après eux Anastase le Bibliothécaire, Paul Diacre[1], Zonaras, Nicéphore, Calliste et d'autres encore attestent qu'elle avait embrassé avec ardeur la doctrine d'Eutychès. Ce docteur[2] soutenait, on le sait, qu'il n'y avait en Jésus-Christ qu'une seule nature, la nature divine, même après l'incarnation. Condamné par le concile de Chalcédoine, en 451[3], il ne s'était point soumis. Un siècle après, ses partisans, nombreux en Orient, tenaient bon comme au premier jour de la lutte. Théodora lui resta toujours attachée passionnément et de bonne foi. Dans le pêle-mêle inouï des religions et des sectes qui se partageaient alors le monde romain, chacun se faisait sa croyance et chacun se croyait orthodoxe. La diversité des opinions religieuses était infinie. La controverse pénétrait, nous dit Évagre[4], jusqu'au sein des familles, armait les fils contre les pères, les femmes contre les maris, et réciproquement. Cette multiplicité de doctrines et de cultes ne nous est pas attestée seulement par les historiens et les théologiens ; nous en trouvons aussi la preuve dans les lois de Justinien. Notons d'abord en passant que le paganisme, proscrit par tant de rescrits impériaux, tenait au cœur de bien des sujets. Dans la ville de Rome, qui passait déjà pour le siège principal de la foi chrétienne, on avait encore célébré les Lupercales en 493, pour détourner je ne sais quelle épidémie[5]. Longtemps après, en 537, la place étant assiégée par les Goths, quelques citoyens s'efforcèrent la nuit d'ouvrir les portes rouillées du temple de Janus[6]. Les paysans n'avaient point renoncé au culte des bois et des fontaines. Il y avait toujours des mystères, des libations, des sacrifices, mais en secret. Beaucoup, contenus par les lois, s'abstenaient d'immoler des victimes, de consulter des entrailles ou le vol des oiseaux, mais s'en rapportaient aux sorts des saints[7], comme ils disaient, ou à d'autres façons de présages qui sentaient bien le paganisme. Enfin il ne manquait pas d'hommes distingués et du premier rang qui se couvraient d'un christianisme d'emprunt, parce qu'il le fallait, pour obtenir les emplois et la faveur impériale, mais qui laissaient leurs enfants et leurs femmes pratiquer l'ancien culte et se livraient eux-mêmes en cachette aux arts magiques et aux plus honteuses superstitions[8]. De ce nombre, s'il faut en croire Procope, Hésychius de Milet, Théophane et Suidas[9], étaient le célèbre jurisconsulte Tribonien, questeur du palais, les préfets du prétoire Jean de Cappadoce et Asclépiodote, le maître des offices Thomas, le maître des milices Phocas, le référendaire Macédonius, le patrice Pégase. Rappelons de plus un fait bien curieux : c'est qu'en 529 il y avait encore à Athènes sept philosophes platoniciens, qui professaient à l'Académie et combattaient ouvertement les dogmes chrétiens. Il faut enfin tenir compte des samaritains, qui formaient une population fort dense en Palestine et en Syrie, et des juifs, qu'on trouvait en grand nombre dans toutes les villes de l'empire[10]. Mais cette confusion de cultes et de croyances n'est rien à côté de celle qui existait au sein même du christianisme. Les sectes qui divisaient l'Église et qui, toutes, se prétendaient en possession de la vérité, étaient innombrables[11]. Grâce à elles, le dogme était tiré en tant de sens différents, les questions peu claires par elles-mêmes devenaient si obscures, les mêmes mots prenaient tant d'acceptions diverses, qu'il était bien difficile de rester orthodoxe et qu'il y avait presque autant d'hérésies que de chrétiens. Le manichéisme, qui venait de la Perse et tenait un peu des doctrines de Zoroastre, regardait Dieu comme composé de deux éléments, le bien et le mal. L'arianisme, si cher aux Goths et aux Vandales, niait, ou à peu près, la divinité de Jésus-Christ. Les macédoniens ou pneumatomaques ne reconnaissaient pas celle du Saint-Esprit. Les nestoriens distinguaient dans le Christ non seulement deux natures, mais deux personnes, même après l'incarnation, et refusaient à la Vierge Marie le titre de mère de Dieu. Tout au contraire, les eutychiens, comme on l'a vu plus haut, n'admettaient en Jésus qu'une seule nature[12], son humanité s'étant, pensaient-ils, entièrement fondue dans sa divinité. Cette secte était, en somme, au sixième siècle, la plus nombreuse. Anathématisée par le concile de Chalcédoine, vivement combattue par d'illustres docteurs, comme le pape Léon[13], Théodoret[14], Gélase[15] et bien d'autres, elle n'avait pas pour cela cessé de s'accroître. Toute-puissante sous le règne d'Anastase, qui la favorisait, elle dominait encore, sous Justinien, dans les provinces orientales de l'empire. Du reste, la division n'avait pas tardé à se mettre dans ses rangs et cette Église en avait enfanté une foule d'autres, dont les dogmes subtils et discordants, s'entrechoquaient sans relâche, au détriment du bon sens, aussi bien que de la paix publique. Les théopaschistes[16], par exemple, soutenaient qu'un de la Trinité a souffert, c'est-à-dire que c'est la nature divine et non la nature humaine du Rédempteur qui a subi la passion et la mort. Les agnoètes[17] se rappelaient ce que le Seigneur avait dit de l'heure du jugement, savoir que nul ne la connaissait que lui ; ils se demandaient donc si le Christ, en tant qu'homme, ne l'ignorait pas aussi. Les gaïanites ou aphthartodocites voulaient bien que le Verbe de Dieu eût emprunté vraiment à la Vierge une nature humaine ; mais son corps, par le fait même de son union avec la divinité, était devenu incorruptible et n'avait plus été soumis aux lois physiques de l'humanité. D'autres, comme les phantasiastes, assuraient que la nativité du Sauveur selon la chair n'avait été qu'une apparence, qu'il n'avait point réellement pris un corps, qu'il n'avait fait que passer par le sein de la Vierge et s'était transformé sans se transformer[18], Les trithéites admettaient non seulement trois personnes ou hypostases, mais trois dieux tout à fait distincts[19]. Les disciples de Philoponus (imbu lui-même des doctrines d'Origène) croyaient à la résurrection des morts, mais avec cette réserve que leurs âmes seraient revêtues de corps nouveaux qui ne seraient faits de rien, attendu que nos corps actuels doivent se dissoudre et disparaître en tant que forme et que matière. Ceux de Conon disaient que la matière des corps ne périt pas, que c'est leur forme seule qui disparaît et que plus tard ils se reconstitueront sous une apparence plus belle et plus parfaite[20]. Pour les sévériens, le Christ n'est pas en deux natures, mais de deux natures ; distinction capitale à leurs yeux. Pour les monophysites, il a bien fallu deux natures, pour former Jésus ; mais après leur rapprochement il n'y en a plus eu qu'une, espèce de résultante des deux autres[21]. Bref, on n'en finirait point si l'on voulait seulement dresser la liste des factions religieuses qui divisaient le monde chrétien vers le sixième siècle. Pour en revenir à Théodora, l'on voit que si les théologiens de profession discutaient sans relâche sur le sens des mots, interprétaient de mille façons les textes des conciles et n'arrivaient jamais à s'entendre, elle était bien excusable de ne pas voir plus clair qu'ils ne voyaient eux-mêmes. Cet esprit vif, curieux, quelque peu batailleur, avait d'ailleurs un goût particulier pour la controverse. Il est à croire que la future impératrice s'attacha passionnément, dès son adolescence, à ces subtilités. C'était, nous a dit Théophile, une jeune fille d'une grande instruction. Il faut remarquer en outre que, suivant Procope[22], elle aurait avant son mariage vécu quelque temps à Alexandrie. On n'ignore pas que cette ville était, aux cinquième et sixième siècles, le quartier général de l'eutychianisme. Bien des témoignages le prouvent ; et Baronius, parlant des sectes qui combattaient le concile de Chalcédoine, dit formellement que ces monstres étaient surtout originaires d'Egypte[23]. Théodora aurait du reste parcouru tout l'Orient ; et ses voyages ayant eu lieu probablement sous le règne d'Anastase, avant 518, elle y aurait trouvé partout les acéphales[24] (c'est-à-dire les eutychiens) en pleine faveur et en plein triomphe. Toutes les églises, toutes les chaires retentissaient alors de leurs prédications et de leurs disputes. On peut donc conjecturer que la fille d'Acacius non seulement lut avec avidité leurs ouvrages, mais alla entendre leurs chefs et subit personnellement leur influence. C'est sans doute Sévère de Sozopalis qu'elle eut surtout pour maître. Ce controversiste célèbre, après avoir propagé ses doctrines en Egypte, était devenu en 512 patriarche d'Antioche[25]. C'est dans cette ville que Théodora dut le fréquenter. On s'expliquerait ainsi la sollicitude particulière qu'elle montra plus tard pour une cité qui lui rappelait ses plus chères croyances et ses enthousiasmes de jeunesse. Tous les auteurs, qui ont parlé de Sévère, l'ont représenté comme un écrivain et un orateur si accompli qu'auditeurs et lecteurs étaient, bon gré mal gré, subjugués par son génie. C'était surtout les femmes qu'il charmait par son éloquence. Ses adversaires lui en ont fait reproche et l'ont par là même constaté par divers écrits[26]. Rien donc de surprenant à ce que Théodora eût, comme tant d'autres, été fascinée. Saint Sabas, qui vivait en Palestine, non loin d'Antioche, n'ignorait pas l'ascendant irrésistible que ce prélat avait pris sur elle. La dernière fois qu'il alla à Constantinople (en 529) il déclara qu'elle était depuis trop longtemps l'esclave de cet hérésiarque et de ses doctrines pour qu'il y eût chance de la voir revenir à de meilleurs sentiments. Invité à prier pour que le ciel accordât enfin des enfants à l'impératrice, il s'y refusa, de peur, dit-il, que ses fils, nourris des dogmes de Sévère, n'en vinssent à troubler l'Eglise plus encore que n'avait fait Anastase[27]. Saint Sabas était dur, mais il voyait juste en ce sens que Théodora, même impératrice, n'avait point renoncé à sa vieille amitié pour l'ancien patriarche d'Antioche. Elle ne la renia jamais. Dépouillé de son siège sous le règne de Justin, proscrit, persécuté, Sévère put toujours compter sur son affection. Longtemps après sa disgrâce, il lui écrivait encore fréquemment ; et si elle ne put lui concilier les bonnes grâces de Justinien, elle y fit du moins de constants et louables efforts[28].

 

LES PERSÉCUTIONS DE JUSTINIEN.

Ces derniers mots peuvent faire pressentir au lecteur que si Théodora fut, en politique, toute puissante, elle n'eut point grand ascendant sur son époux en matière religieuse. C'est là ce qu'on n'a généralement pas vu. La plupart des auteurs qui l'ont jugée veulent non seulement qu'elle ait été eutychienne au fond de l'âme, ce qui est vrai, mais qu'elle ait entraîné Justinien dans son parti et provoqué par là dans l'empire de terribles discordes. A les entendre cet empereur devint, sous son impulsion, d'orthodoxe et pieux qu'il était, hérétique, impie et persécuteur[29]. Mais c'est ce qu'il faudrait prouver, par des faits. Que Justinien eût été heureux, s'écrie quelque part Baronius[30], et qu'il eût surpassé les plus grands princes — païens et chrétiens – si, au lieu d'avoir Théodora pour femme, il eût trouvé une épouse catholique comme lui !... Je ne vois pas du tout, pour ma part, quand et comment l'influence de cette impératrice sur son mari a porté préjudice à l'Eglise romaine et à ce qu'on est convenu d'appeler l'orthodoxie. Remarquons d'abord que Justinien, après comme avant son avènement, était ou croyait être fort bon catholique. A ce titre, il avait horreur de toute religion qui n'était pas la sienne, de tout dogme qui n'était pas enseigné par son Église. A ce titre aussi il trouvait juste et nécessaire de traiter, au besoin par le fer et le feu, quiconque s'écartait de la vraie foi. Je ne crois pas qu'il y ait jamais eu de persécuteurs plus violents que ce dévot prince, qui composait des hymnes et passait ses nuits à rêver théologie. Dès le début, nous le voyons confirmer les lois de ses prédécesseurs contre le paganisme. Mais ce n'est pas assez ; elles étaient sanguinaires, il les trouve trop douces. Il institue de nouvelles peines pour les fauteurs des antiques superstitions. Prenez le Code (liv. I, tit. XI), vous y lirez : Ceux qui, après le saint baptême, persistent dans l'erreur des païens, seront punis du dernier supplice. Ceux qui n'ont pas encore été baptisés se rendront, avec leurs femmes, leurs enfants et toutes leurs familles, aux saintes églises et feront baptiser sans délai leurs petits enfants... S'il en est qui en vue des emplois militaires, des dignités, des capacités civiles, se fassent baptiser pour la forme et laissent vivre dans l'erreur leurs femmes, leurs enfants, leurs serviteurs et tous ceux qui leur touchent de près, ils seront frappés de confiscation et de peines corporelles convenables, et exclus des fonctions publiques. S'ils n'ont pas été baptisés, ils ne pourront remplir aucune charge ; leurs biens meubles et immeubles seront dévolus au fisc ; eux-mêmes seront exilés. L'idolâtrie et les sacrifices seront punis comme le manichéisme. Les païens ne pourront enseigner ; ils n'auront point de part à l'annone publique... Cette loi est sans doute de l'an 629, époque où, comme on sait, le gouvernement sévit avec une rigueur extraordinaire contre les gentils. A peu près à la même époque, Théophane nous signale un édit enjoignant aux païens de l'empire de se soumettre sous trois mois au baptême et à la foi catholique. Un grand nombre des fonctionnaires non chrétiens perdent leurs emplois, leurs dignités ; beaucoup sont mis à mort, tous sont dépouillés de leurs biens. Les sept philosophes, qui enseignaient encore à Athènes les vieux systèmes, sont expulsés et ne trouvent d'asile et de sûreté qu'auprès de Chosroès, roi de Perse. Quant aux juifs, aux samaritains et aux hérétiques en général, on ne voit pas que Justinien les ait traités avec plus de douceur, alors même qu'il laissait prendre à Théodora tant d'autorité dans les affaires publiques. En 528, les rescrits impériaux portés contre eux poussent à bout ces malheureux ; ils prennent les armes en Syrie et en Palestine, brûlent, massacrent, se vengent furieusement. Mais bientôt on les écrase, on les pourchasse, on en tue cent mille, et tout se tait[31]. Je ne suis pas surpris que les prescriptions de l'empereur les eussent poussés au désespoir. Que dit en effet le code ? D'abord il condamne simplement au dernier supplice les manichéens[32]. Quant aux autres, écoutez : Les orthodoxes seuls peuvent succéder aux samaritains, aux juifs et aux hérétiques et recevoir des legs, qu'il y ait testament ou non... Quiconque n'est pas orthodoxe... est exclu de l'armée, des dignités, des emplois publics, de l'enseignement, des fonctions d'avocat. Quiconque pour y être admis aura simulé l'orthodoxie sera renvoyé, s'il est convaincu d'avoir une femme et des enfants hérétiques et de ne pas les amener à la vraie foi... Si l'un des époux est orthodoxe et l'autre hérétique, les enfants devront être orthodoxes. Si tous les enfants sont hérétiques, la succession des parents est dévolue aux parents orthodoxes de la femme ou, s'il n'y en a pas, au fisc...[33] Cette loi si odieuse n'est pas un simple accident. Comme elle est d'une application difficile, elle est souvent méconnue. Mais à chaque instant le pieux empereur la réitère et la confirme. C'est ainsi qu'en 530[34], en 542, il ne reconnaît comme héritiers des hérétiques en général, des nestoriens et des acéphales en particulier, que ceux de leurs enfants ou de leurs parents qui sont de la vraie foi. S'il ne s'en trouve pas, ajoute-t-il, les biens seront au bout d'un an adjugés à l'Eglise...[35] Je passe bien d'autres lois analogues[36], qui pourtant ne manquent point d'intérêt ; on y voit par exemple que quiconque s'écarte des dogmes catholiques ne pourra ni recevoir des fidéicommis ni jouir du privilège dotal ; l'hérétique est noté d'infamie, désigné à la vigilance des délateurs, menacé à toute heure d'exil et de confiscation. Mentionnons en particulier celle qui, dans les procès où une seule des parties est orthodoxe, repousse le témoignage des hérétiques et des juifs. On lit dans le même texte que les païens et samaritains ne seront même pas reçus à témoigner les uns contre les autres[37]. Mais une des plus iniques, sinon des plus dures lois de ce genre, est peut-être la Novelle 45, du mois d'août 542, qui impose aux sujets d'une foi douteuse les charges de la curie et leur en refuse les privilèges. Ces personnes rempliront les fonctions curiales, malgré leurs plaintes... Nulle religion ne dispensera de cette obligation... Mais les hérétiques sont indignes des honneurs curiaux ; ils ne jouiront d'aucun des privilèges assurés aux curiales par les lois ; toutes les prescriptions qui ne leur assurent aucun privilège leur seront appliquées ; ils rempliront les charges corporelles et pécuniaires sans que rien puisse les y soustraire ; mais ils n'auront point d'honneurs, ils resteront méprisés... N'omettons pas non plus la Novelle 77 par laquelle Justinien édicte les derniers supplices contre ceux qui blasphèment et qui jurent, provoquant ainsi la colère de Dieu. On voit, en somme, que si, pour être bon chrétien, il suffit de persécuter, l'influence de Théodora n'avait porté nulle atteinte à l'orthodoxie de son époux. On sait par contre, grâce à Procope et à d'autres auteurs, que cet empereur ne se montrait pas moins doux, bienfaisant, généreux envers l'Eglise qu'injuste et cruel envers ses ennemis. Il la combla, l'accabla de dons et de faveurs, parfois même au mépris de tout droit ; et l'on ne dit pas que Théodora l'arrêtât jamais dans ses largesses. Prêts, allocations d'argent, remises d'impôts, l'Église et le clergé obtinrent de lui tout ce qu'ils voulurent. Justinien alla jusqu'à étendre à cent ans en leur faveur la prescription que l'on continua d'invoquer en justice contre les laïques au bout de trente ans[38]. Qu'on se rappelle enfin tant d'édifices sacrés élevés par lui à grands frais dans tout l'empire et surtout la merveille de Sainte-Sophie[39]. Qu'on ouvre le Code et les Novelles ; qu'on y lise ce qu'il fit pour les prêtres et les moines, le soin qu'il prit des monastères, des biens ecclésiastiques, de tous les intérêts de l'Église ; et qu'on me dise ensuite ce qu'il eût pu faire de plus si Théodora eût été tout à fait catholique.

 

SI L'ORTHODOXIE DE JUSTINIEN FUT ALTÉRÉE PAR THÉODORA.

On peut m'objecter, il est vrai, que si Justinien donna de nombreuses preuves d'orthodoxie, il en donna aussi quelques-unes d'hétérodoxie ; qu'il ne fut pas toujours, comme il disait l'être, fidèle à la vraie foi. Je ne l'ignore pas. Mais il reste à savoir de quelle manière, à quelle époque et sous quelle influence il put devenir hérétique. L'altération de sa foi fut-elle l'œuvre de Théodora ? Beaucoup d'auteurs l'ont dit, mais nul ne l'a prouvé. Faut-il admettre, par exemple, l'assertion suivante de Victor de Tunes[40] : La faction d'Augusta fit imposer comme un dogme, par une loi générale, cette proposition qu'un de la Trinité a souffert non d'une façon relative, mais d'une façon absolue[41], et voulut par force y faire souscrire les clercs et les moines. D'abord, on n'ignore pas que Victor de Tunes était quelque peu nestorien, par suite fort hostile aux diverses sectes eutychiennes. Puis, de quelle loi veut-il parler ? Où se trouve-t-elle ? Il n'y en a pas trace dans le Code, ni dans les Novelles. Dans le premier de ces deux recueils on en lit une, que Justinien porta en 533 contre les nestoriens[42] ; c'est peut-être celle que Victor dénature dans sa rancune de sectaire. Le fait est qu'elle est absolument orthodoxe, c'est-à-dire conforme à la doctrine des conciles. Elle déclare que le Christ, fait homme et crucifié, est une des trois personnes de la Sainte Trinité, ajoutant seulement qu'il est consubstantiel au Père par sa divinité, consubstantiel à l'homme par son humanité, qu'il a pu souffrir dans sa chair, qu'il ne l'a pas pu dans sa divinité[43]. On a, d'autre part, allégué, pour prouver que Justinien avait été entraîné par Théodora dans le parti eutychien, la faveur de l'évêque Anthime, de cette secte, élevé, grâce à l'impératrice, au patriarcat de Constantinople. On a rappelé qu'il défendit quelque peu ce prélat, accusé d'hérésie par le pape Agapet. Mais il est constant qu'Anthime, pour devenir patriarche, avait feint une orthodoxie qui n'était pas dans son cœur[44] ; il l'est aussi que l'empereur, dès que ses vrais sentiments lui furent pleinement connus, le chassa de son siège, l'envoya en exil, sans que Théodora fît rien pour s'y opposer. Ceci n'est pas une conjecture, car on peut lire la Novelle 42 (de juillet 536) qui anathématise et proscrit Anthime, en même temps que Sévère (l'ami de l'impératrice). Arrivons maintenant à cette querelle des Trois Chapitres qui, si l'on en croit Victor de Tunes, le diacre Liberatus et quelques autres, aurait été vraiment pour l'orthodoxie de Justinien la pierre d'achoppement. Sous cette rubrique des Trois Chapitres, on désignait les doctrines de Théodore de Mopsueste, Théodoret de Cyr et Ibas d'Edesse[45], théologiens du cinquième siècle, qui avaient soutenu — timidement, sans franchise, mais enfin soutenu — les croyances de Nestorius. Les livres de ces docteurs étaient l'arsenal des nestoriens honteux qui, sans s'élever ouvertement contre les conciles d'Ephèse et de Chalcédoine, si sévères pour leurs doctrines, ne cessaient de les attaquer en dessous. Les eutychiens, anathématisés aussi par les décrets de Chalcédoine, se déclaraient prêts à s'y soumettre si, préalablement, les Trois Chapitres étaient condamnés sans réserve[46]. C'était de bonne guerre ; et dans l'intérêt de l'orthodoxie, on ne devait pas leur refuser cette satisfaction. Voilà comment Justinien qui, en la leur accordant, ne songeait qu'à rétablir la paix de l'Eglise, parut aux nestoriens (de bonne ou de mauvaise foi, peu importe) travailler simplement pour la secte d'Eutychès. Et ce ne fut pas seulement par Théodora qu'il fut incité à sévir contre les écrits de Théodore de Mopsueste, de Théodoret et d'Ibas ; ce fut aussi et surtout, à ce que nous apprennent Liberatus et Facundus[47], par Théodore, évêque de Césarée, qui avait alors auprès de lui le plus grand crédit. Il faut ajouter que si les Trois Chapitres furent proscrits, ce ne fut pas du vivant de l'impératrice, mais cinq ans après sa mort, en 553, et qu'ils le furent par le concile œcuménique de Constantinople[48]. On ne voit pas de quel droit Procope, Liberatus, Victor et autres ont pu imputer à Théodora les persécutions subies par des prêtres pour résistance aux canons de cette assemblée. Doit-on croire enfin, comme on l'a dit, que Justinien ait été entraîné par elle dans la secte des aphthartodocites ? Je ne le pense pas. Sans doute, on peut admettre qu'il ne montra pas toujours un égal éloignement pour cette hérésie. Évagre[49] cite même un édit de lui où on lit que le corps du Seigneur n'est sujet ni à la mort ni à aucune de nos affections naturelles, que le Seigneur a mangé après sa résurrection de la même manière qu'avant sa passion, et que son très saint corps n'a jamais, ni par l'effet de sa formation dans le sein de la Vierge, ni par celui des fonctions et affections naturelles ou volontaires, subi le moindre changement, la moindre altération, pas même après la résurrection. Mais il est prouvé que cette loi fut portée seulement en 562, quatorze ans après la mort de Théodora[50]. Du vivant de l'impératrice, on ne voit qu'une seule fois Justinien favoriser les aphthartodocites. C'est en 535 ou 536, lorsqu'il confère à Gaïan, leur chef, le siège patriarcal d'Alexandrie[51]. Mais justement dans cette occasion, Théodora incline si peu à servir cette secte qu'elle combat Gaïan de toutes ses forces ; c'est elle qui le fait déposer, exiler et remplacer par le patriarche Théodose. Nous savons — grâce à Liberatus et à Léonce le Scholastique[52] — que ce dernier était ennemi déclaré du gaïanisme. Il est vrai qu'il était un peu sévérien. Mais dès qu'on put voir en lui un sectaire et un fauteur de discordes, il fut, lui aussi, chassé de son siège, et son ancienne protectrice ne s'opposa nullement à sa disgrâce[53].

 

DANS QUEL ESPRIT THÉODORA PRIT PART AUX QUERELLES RELIGIEUSES.

Mais enfin, me dira-t-on, il est avéré que Théodora ne resta pas toujours étrangère aux troubles religieux, qu'elle y intervint, parfois même fort activement. En jouant un rôle si militant, n'a-t-elle pas mérité les sévérités de ses historiens ? Sans doute il lui arriva de se jeter, à plusieurs reprises, dans la mêlée. Mais c'est peut-être ce dont il faut le plus la louer, car c'était, non pour attiser le feu, mais pour l'éteindre, non pour exciter les partis, mais pour les adoucir et les réconcilier. Elle se préoccupa toute sa vie, à ce qu'il semble, de rétablir la paix religieuse troublée depuis si longtemps et dont la restauration eût préservé l'empire de la ruine. On ne voit pas qu'elle ait jamais pris part à ces guerres de l'Eglise par pur caprice, par intérêt personnel, ni même pour faire prédominer ses plus chères croyances. Il ne s'agissait pour elle, en pareil cas, que du bien public. Il faut noter tout d'abord que, devenue impératrice, elle s'étudia toujours à ne pas se montrer ouvertement favorable à la secte eutychienne. Victor de Tunes, son ennemi, nous dit bien qu'elle était hostile aux décrets du concile de Chalcédoine ; mais il ajoute qu'elle l'était en secret. Il me semble, en examinant de près les actes de Théodora, qu'elle avait surtout à cœur d'adoucir, de ramener à la clémence l'âme de Justinien, si malheureusement portée à la rigueur contre les hérétiques. Elle pensait avec raison que la tolérance serait plus profitable à l'empereur et à l'empire que la persécution. Un pape de ce temps-là, Jean II, le pensait aussi. Ce pontife, qu'on ne saurait accuser d'hérésie, estimait que les hérétiques seraient plutôt ramenés par la douceur que par la violence. L'Église, écrivait-il à Justinien en 534, ne repousse jamais de son sein ceux qui reviennent à elle. J'en supplie donc Votre Clémence, s'il est de vos sujets qui, renonçant à leurs erreurs et à leurs mauvaises intentions, veuillent rentrer dans l'unité de la foi, recevez-les dans votre communion, écartez d'eux l'aiguillon de votre colère et pour l'amour de nous accordez-leur vos bonnes grâces.[54]. Si le pape tenait ce langage, pourquoi l'impératrice n'eût-elle pas, de son côté, recommandé à son époux la clémence et, au besoin, la conciliation ? C'est elle, sans nul doute qui, à certains moments, fléchit cette âme dure et fit consentir à discuter avec ses adversaires un homme qui d'ordinaire ne savait que les frapper. Justinien, dont j'ai cité plus haut tant de mesures cruelles contre les sectes, n'eût jamais, et surtout dans les premières années de son règne, fait appel de lui-même à la libre discussion. Nous voyons cependant qu'en 533 une sorte de colloque religieux fut autorisé par lui à Constantinople, entre catholiques et eutychiens. Cinq évêques orthodoxes, six prélats de la secte de Sévère et un grand nombre de prêtres de l'un et l'autre parti s'assemblèrent pour examiner ce qui les divisait et travailler loyalement à se mettre d'accord. C'est sans doute à l'instigation de Théodora que cette réunion fut convoquée ; et je suis d'autant plus porté à le croire qu'elle voyait depuis plusieurs années ses amis, les sévériens, persécutés, exilés, déportés, et qu'elle souhaitait passionnément l'amélioration de leur sort. Le colloque, du reste, trompa ses espérances. Les orthodoxes se montrèrent durs ; les hérétiques ne cédèrent qu'à moitié. La secte eutychienne fut de nouveau proscrite ; les lois portées autrefois contre elle furent confirmées en 533, en 536, et Théodora laissa faire, justement parce qu'elle ne voulait pas aggraver la discorde[55]. C'est pour la même raison qu'elle ne demanda seulement pas le rétablissement sur le siège d'Antioche de ce Sévère, qui était resté son ami et son conseiller. On doit ajouter que si elle continua ses rapports avec cet évêque, si elle fit parfois appel à son autorité, à son influence, ce fut non pour troubler, mais pour pacifier l'Église. Rappelons en effet cet Anthime qui, simulant l'orthodoxie, avait (on l'a vu plus haut) obtenu le patriarcat de Constantinople. Reconnu hérétique, il ne voulait pas quitter son siège ; il résistait même ouvertement au pape Agapet, qui se trouvait alors à Byzance. Il fallut, pour le décider à se soumettre, que Théodora fît venir Sévère, et c'est ce dernier qui, à la prière de l'impératrice, lui persuada de renoncer aux honneurs et de sacrifier à ses croyances intimes les gloires de la terre et l'éclat de l'épiscopat. C'est encore par le même moyen qu'elle détermina, un peu plus tard, Théodore, patriarche de Constantinople, à rentrer dans la vie privée[56].

 

THÉODORA ET LES PAPES ; AFFAIRE DE SILVÈRE.

Quel prix Sévère obtint-il de tant d'abnégation ? C'est ce que nous apprend la Novelle 42, par laquelle (en juillet 536) lui-même et ses fauteurs furent condamnés, flétris et proscrits plus cruellement que jamais. Le vent avait tourné. Justinien ne voulait plus être qu'un persécuteur. Que cette dernière loi ait profondément affligé Théodora, nous n'en pouvons douter[57]. Que l'amie de Sévère en ait souhaité la révocation ou tout au moins radoucissement, qu'elle ait intercédé pour les évêques persécutés, c'est évident. Mais qu'elle ait, justement au lendemain de pareilles mesures, attaqué en face le concile de Chalcédoine, qu'elle ait cherché à ce moment même à en faire abolir les décrets, on l'a dit, je le sais, mais on ne l'a pas prouvé[58]. L'ancien patriarche d'Antioche et ses sectateurs avaient reconnu, dans le colloque de 533, la légitimité de la condamnation d'Eutychès. Ils n'avaient défendu jusqu'au bout que la doctrine des théopaschites. L'impératrice souhaitait simplement que l'on ne regardât pas cette dernière croyance comme trop opposée aux décrets de Chalcédoine pour permettre à ses amis de rentrer en grâce. Elle pria sans doute longtemps l'empereur ; elle n'en obtint rien à cet égard. C'est alors qu'elle s'adressa au souverain pontife, s'efforça de l'apitoyer sur des chrétiens si maltraités, si dignes de pitié, et obtint de lui des promesses formelles en leur faveur. On était en 536. Le pape Agapet, qui était venu à Byzance pour faire chasser Anthime, venait d'y mourir. Il avait amené avec lui un diacre nommé Vigile, personnage remuant, ambitieux, qui convoitait le siège de Saint-Pierre et avait cherché, en 530, à s'en emparer de vive force. Théodora pensa qu'un tel homme, pour obtenir la tiare, ne reculerait pas devant quelques concessions. Elle fit donc venir Vigile et lui promit que, grâce à elle, il deviendrait pape, s'il voulait seulement lever l'excommunication de Sévère, d'Anthime et de Théodore. Ordonna-t-elle pour cela, comme on l'a dit, à Bélisaire (qui commandait alors en Italie) d'employer tous les moyens pour assurer le triomphe de son protégé ? Je ne le crois pas. On a parlé du pape Silvère, mis à mort pour faire place à Vigile. Voici au juste ce qui se passa : Théodat, roi des Goths, encore maître de Rome, mais déjà serré de près par les armées byzantines, n'eut pas plus tôt appris la mort d'Agapet, qu'il s'occupa de lui donner un successeur — tout à sa dévotion, bien entendu, par suite hostile à la cause impériale. Il trouva ce Silvère, le fit élire ou le nomma lui-même et se hâta de le reconnaître comme souverain pontife. Cet homme de parti, créature de Théodat, semblait si dévoué aux Goths, qu'après le meurtre de son protecteur il engagea sa foi à Vitigès et que ce dernier, forcé de quitter Rome, lui en confia la défense[59]. Là-dessus arriva Bélisaire et, sans hésiter, Silvère lui fit ouvrir les portes de la ville[60]. Le lieutenant de Justinien, bien reçu par ce traître, ne crut donc devoir ni le maltraiter ni le menacer. De bons rapports s'établirent entre le pape et le général. Par suite de ces nouvelles, l'impératrice avait sans doute renoncé à la candidature de Vigile. Mais elle intercédait toujours en faveur de Sévère. Or, Silvère lui refuse à cet égard toute satisfaction. Mandé à Constantinople, il ne veut pas s'y rendre. Enfin, chose plus grave, il est toujours en secret l'allié des Goths et complote de leur livrer la ville[61]. Doit-on s'étonner maintenant que Théodora songe à le déposer et même en donne l'ordre ? Anastase raconte (dans la Vie de Vigile) que Silvère fut, grâce à elle, dépossédé du pontificat[62]. Certes, bien que ce personnage ne fût guère respectable, la souveraine eût mieux fait de ne point employer la force pour se débarrasser de lui. Mais elle ne fit en le renversant rien d'insolite ni de révoltant pour l'époque. Si les empereurs et même les rois barbares avaient déjà fait bien des évêques et bien des papes, ils en avaient aussi chassé beaucoup de leurs sièges sans que la chrétienté s'en fût fort émue. Ajoutons que si Théodora dépouilla de la tiare l'ami de Vitigès, elle n'ordonna point, comme on l'a dit, sa mort. Procope seul lui impute ce crime, sans preuve, d'ailleurs, en passant et par simple allusion[63]. Il n'est même pas certain que Silvère ait péri de mort violente. Le même Procope dit simplement dans la Guerre des Goths[64] qu'il fut relégué en Grèce. Suivant Paul Diacre, Bélisaire l'aurait fait déporter dans l'île de Ponza, près des côtes de Campanie. Enfin Liberatus admet bien qu'il y eut crime, mais il l'impute exclusivement à Vigile (qui devint pape après Silvère). Vigile, dit-il, craignant d'être à son tour renversé, écrivit à Bélisaire : Livrez-moi Silvère, autrement je ne puis faire ce que vous exigez de moi. Silvère fut donc livré ; deux soldats et plusieurs esclaves de Vigile le menèrent dans l'île Palmarîa[65], et il mourut de faim sous leur garde[66].

 

THÉODORA, JUSTINIEN ET VIGILE.

Ce n'est pas seulement du meurtre de ce pape, c'est aussi de traitements odieux et cruels envers son successeur qu'on a accusé Théodora. Mais il est aisé de prouver la fausseté de cette imputation. Vigile était devenu souverain pontife par la grâce de l'impératrice. On sait à quelles conditions il avait obtenu son appui. Divers auteurs nous apprennent qu'il s'était engagé secrètement à lever l'excommunication de Sévère, d'Anthime, de Théodore et même à condamner les Trois Chapitres, pour procurer enfin la paix à l'Orient[67]. Bien plus, Liberatus et Victor de Tunes relatent une lettre qu'il aurait écrite après son avènement et où il déclarait partager l'opinion de Sévère et des siens sur la nature du Christ, les priant seulement de ne pas montrer cet écrit et de feindre même à l'égard du pape une certaine méfiance[68]. Cependant le temps s'écoulait. Vigile semblait oublier ses promesses. Théodora, lasse d'attendre, les lui rappelle et lui demande s'il veut enfin s'exécuter. Et que répond-il ? Qu'il ne le doit pas ; que, s'il a promis, il a eu tort ; qu'il a parlé sans savoir (insipienter), qu'il ne veut en aucune façon rappeler à la communion un hérétique, un homme anathématisé[69].

Certes, la mauvaise foi était criante. Théodora, justement irritée, n'était-elle pas en droit de se venger ? Elle n'éclate pourtant pas ; elle contient sa colère. Vigile vient-il à résipiscence ? Loin de là. Vers 540, le patriarche d'Alexandrie, Paul, fait mettre à mort, contre tout droit, le diacre Psoès, comme suspect de sévérianisme. L'impératrice veut qu'il soit puni. Qui défend le coupable ? C'est justement le pape[70]. Justinien le presse à maintes reprises de condamner les Trois Chapitres. Il refusa obstinément, parfois avec hauteur. Si l'impératrice perdit patience, faut-il s'en étonner ? Mais faut-il croire Anastase le Bibliothécaire, quand il raconte qu'elle chargea un certain Anthémius Scribon de l'arrêter, en quelque lieu que ce fût, même dans une église, et de le conduire à Byzance ? On était en 544[71] ; les Goths, sous Totila, menaçaient Rome. Il n'eût pas été prudent de laisser dans cette ville, presque dénuée de garnison, un homme si peu sûr, qui pouvait fort bien la livrer à l'ennemi. L'impératrice l'en fit peut-être bien sortir. Mais cela même n'est pas certain. Ce qui ressort plutôt du récit même d'Anastase, c'est qu'il fut expulsé par les Romains, et qu'Anthémius eut pour mission moins de lui faire violence que de le protéger. Il régnait alors à Rome une grande irritation contre lui. Vigile n'avait pas su se faire aimer. On lui reprochait tout haut bien des crimes, la déportation et la mort de Silvère, la confiance de l'empereur trahie, des exactions cruelles, des meurtres. Enfin, à la demande du peuple, dit notre auteur[72], il fut arrêté. On l'emmena par le Tibre, sur un bateau. La foule exaspérée le suivait le long du fleuve, en l'accablant d'injures et de malédictions. Le peuple se mit à lui jeter des pierres, des bâtons, des casseroles, et à crier : Va-t-en avec la famine et la mortalité ; tu as fait du mal aux Romains ; où que tu ailles, malheur à toi ! C'est ainsi que ce malhonnête homme sortit de Rome. Et ce qui me ferait croire que les agents impériaux étaient, en cette circonstance, chargés plutôt de le défendre que de le violenter, c'est qu'on ne le conduisit point à Constantinople, qu'on ne le regarda point en accusé et qu'on le mena simplement en Sicile. Il resta dans cette île, libre et bien traité, fort longtemps ; car il y débarqua probablement en décembre 544, et il y était encore au commencement de 546[73]. S'étant enfin décidé à partir, il reparut à Byzance devant l'empereur. Ce dernier, malgré ses griefs, lui rendit de grands honneurs et l'accueillit comme un ancien ami. La scène fut touchante. Ils s'embrassèrent, dit Anastase, et se mirent à pleurer[74]. La réconciliation semblait complète. Vigile disait être venu pour hâter un envoi de secours à Bélisaire et pour concourir à la recouvrance de l'Italie[75]. Quant aux questions religieuses il n'en parlait pas. Mais Justinien et Théodora y pensaient toujours. On lui rappela ce qu'il avait promis sur les Trois Chapitres. On lui présenta ses propres écrits. Tout fut inutile. Il évitait de répondre, il traînait l'affaire en longueur. Il éluda ainsi des mois entiers l'exécution de ses engagements. Je sais bien qu'il craignait d'indisposer les nations chrétiennes d'Occident, très attachées aux décrets de Chalcédoine et qui auraient pu l'accuser de pencher vers l'eutychianisme[76]. Mais enfin il avait promis ; l'empereur et l'impératrice, qui s'occupaient surtout de l'Orient, étaient en droit d'exiger qu'il s'exécutât. Mais comme on le pressait plus fort : Je le vois bien, dit-il, ce ne sont pas Justinien et Théodora, les très pieux souverains, qui m'ont fait venir, c'est Dioclétien, c'est Eleuthérie que je retrouve ici. Alors, ajoute Anastase, un des assistants lui donna un soufflet en s'écriant : Homicide ! ne sais-tu pas à qui tu parles ? Oublies-tu que tu as tué le pape Silvère, que tu as fait périr le fils d'une veuve sous le bâton ? La scène est vive ; peut-être est-elle vraie. Ce qui suit, dans le récit d'Anastase, me paraît plus sujet à caution. Suivant cet auteur, Vigile, terrifié, se réfugia dans l'église de Sainte-Euphémie. Mais il en fut violemment arraché, malgré le droit d'asile. On lui mit une corde au cou, par l'ordre de Théodora, qui le fit traîner jusqu'au soir par toute la ville. Puis on le jeta dans un cachot. On l'y nourrissait d'un peu d'eau et de pain. Les prêtres romains qui étaient venus avec lui furent déportés en divers lieux et contraints aux travaux des mines. Il paraît bien que le pape et ses clercs furent ainsi maltraités. Mais la meilleure preuve que Théodora ne fut pour rien dans ces rigueurs, c'est qu'elle n'existait plus à l'époque où Vigile fut malmené de la sorte. On sait qu'elle mourut en 548, au mois de juin. Elle mourut même pieusement, dit Théophane, qui ne lui rendrait point cet hommage si, à la veille de quitter ce monde, elle eût persécuté violemment le pape et le clergé romain. Procope nous apprend qu'Antonine, femme de Bélisaire, et ce général lui-même revinrent à cette époque à Constantinople et qu'ils n'y arrivèrent qu'après le décès de l'impératrice. Il ajoute qu'alors Vigile s'y trouvait encore, avec beaucoup d'Italiens du plus haut rang, qu'il allait voir souvent l'empereur et le suppliait sans relâche d'employer toutes ses forces à la délivrance de l'Italie[77]. D'autres témoignages encore établissent que ce fut non du vivant de Théodora, mais très peu avant le concile de Constantinople, c'est-à-dire en 551 ou 552 et sur l'ordre de Justinien seul, que le pape subit les mauvais traitements dont il vient d'être fait mention. Enfin il ne faut pas oublier — et c'est par là que je terminerai cette longue discussion — que le concile de Constantinople donna pleinement raison à Théodora, puisqu'il condamna les Trois Chapitres et rétablit ainsi, dans une certaine mesure, la paix de l'Eglise. Ses décrets, confirmés peu après par Vigile lui-même et par Pelage, qui lui succéda, prouvent bien qu'en s'immisçant dans les querelles religieuses, l'impératrice n'avait eu pour but que d'y mettre un terme et de faire renaître la concorde dans l'empire romain[78].

 

 

 



[1] Paul Diacre, né vers 730, mort au mont Cassin, vers 796, a écrit en six livres une excellente Histoire des Lombards, qui s'étend jusqu'à l'an 744.

[2] Né en 878, mort vers 454. Sur les querelles de l'eutychianisme et du nestorianisme, voyez, outre les historiens ecclésiastiques, Amédée Thierry (Récits de l'Histoire romaine au cinquième siècle), et notamment les chapitres relatifs au Concile d'Éphèse et au Concile du Brigandage.

[3] Le concile de Chalcédoine, par une politique de juste milieu qui ne contenta personne, anathématisa tout à la fois les eutychiens et les nestoriens (leurs ennemis déclarés).

[4] Liv. IV, ch. X.

[5] Voyez le livre du pape Gélase in Andromachum (dans la collection des Conciles, de Labbe, t. IV, 1234).

[6] Procope, Guerre des Goths, liv. I, ch. XXV.

[7] On ouvrait au hasard les Évangiles et on prenait, par exemple, le premier verset de la page qu'on avait sous les yeux comme réponse à la question que l'on avait faite. — Voyez Grégoire de Tours, Histoire des Francs, liv. II, ch. XXXVII ; liv. IV, ch. XVI ; liv. V, ch. XIV. — Conciles (Labbe), t. IV, V, passim.

[8] Code de Justinien, liv. I, lit. XI (De paganis et sacrificiis et templis).

[9] Procope, Guerre des Perses, liv. I, ch. XXV ; Histoire secrète, passim. — Théophane, Chronographie, année 529. — Pour Hésychius de Milet et Suidas, notes d'Alemanni au chapitre XI de l'Histoire secrète.

[10] Code, liv. I, tit. V. — Procope, Théophane, passim. — Les samaritains n'admettaient qu'une partie de l'Ancien Testament. — On désignait souvent sous leur nom, d'une manière générale, les gentils ou païens des provinces orientales.

[11] On en trouvera l'énumération, non complète, mais plus étendue que celle que je puis donner, dans les Annales ecclésiastiques de Baronius, t. VIII, p. 246-249 ; — dans le traité de Sectis, de Léonce le Scholastique (ch. V-X), etc.

[12] Aussi les désigne-t-on souvent sous le nom de monophysites,

[13] Léon Ier, le Grand, qui fut pape de 440 à 461.

[14] Théodoret, d'Antioche, évêque de Cyrrhus, combattit énergiquement les eutychiens, fut persécuté par eux, chassé de son siège après le Brigandage d'Ephèse, mais rétabli deux ans après (451) par le concile de Chalcédoine. Il mourut en 457 ou 458. — De ses nombreux ouvrages, le meilleur et le plus utile est son Histoire ecclésiastique (de 324 à 429).

[15] Gélase Ier, qui fut pape de 492 à 496.

[16] Nicéphore Calliste, liv. XVIII, ch. LII-LIII.

[17] Léonce le Scholastique, de Sectis, liv. V.

[18] Baronius, liv. VII, p. 249.

[19] Léonce le Scholastique, de Sectis, liv. V.

[20] Nicéphore Calliste, liv. XVIII, p. 47.

[21] Baronius, liv. VII, p. 249. — Nicéphore Calliste, liv. XVIII, p. 48.

[22] Histoire secrète, ch. IX.

[23] Annales ecclésiastiques, liv. VII, p. 249.

[24] On donnait souvent ce nom aux eutychiens, parce que cette secte, extrêmement divisée, était, dit Baronius, comme un monstre sans tête (ut bellua sine capite). Annales ecclésiastiques, liv. VII, p. 247.

[25] Sur la vie de Sévère, voyez Évagre, Histoire ecclésiastique, liv. III et IV ; — Liberatus, Breviarium, liv. XIX ; — Théophane, Chronographie, — Conciles (Labbe), t. V, passim.

[26] Conciles (Labbe), t. V, p. 3-47.

[27] Cyrille de Scythopolis, Vie de saint Sabas. — Notes d'Alemanni sur le chapitre XXVII de l'Histoire secrète.

[28] Évagre, liv. IV, ch. X-XI. — Nicéphore Calliste, liv. XVII, ch. VIII.

[29] Sexta centuria Ecclesiasticœ Historiœ (Basilea, 1562), p. 52.

[30] Annales ecclésiastiques, liv. VII, p. 244.

[31] Procope, Histoire secrète, ch. II. — Théophane, Chronographie, année 529. — Cyrille de Scythopolis, Vie de saint Sabas, etc.

[32] Code, liv. I, tit. I (De Summa Trinitate et fide catholica et ut nemo de ea publice contendere audeat) ; — ibid., tit. V.

[33] Code, liv. I tit. V, ch. XVIII.

[34] Code, liv. I, tit. V, ch. XIX.

[35] Novelle 115.

[36] Code, liv. I, tit. V, ch. XX-XXI ; tit. VI, VII, IX. — Novelles 58, 77, 109, 129, 131, l32, etc.

[37] Code, liv. I, tit. V, ch. XXI.

[38] Histoire secrète, ch. XXVIII. — Novelle 9.

[39] Procope, Edifices, passim. — Paul le Silentiaire, De sanctœ Sophiœ ecclesia, etc.

[40] Chronique (dans la Patrologie latine, t. LXVIII).

[41] Non secundum quid, sed absolute, c'est-à-dire qu'il n'avait pas souffert seulement en tant qu'homme ; et comme les eutychiens n'admettaient en général qu'une seule nature dans le Christ, savoir la nature divine, il s'ensuivait que c'était la divinité qui avait souffert sur la croix. C'est là proprement l'hérésie des théopaschites.

[42] Code, liv. I, tit. I, ch. VII.

[43] Consubstantialem Patri secundum deitatem, consubstantialem nobis secundum humanitatem, passibilem carne, eumdem impassibilem deitate.

[44] Latenter Chalcedonense concilium non suscipientem, dit de lui Liberatus, ch. XX. — Sur Anthime, voyez Procope, Histoire secrète, ch. XVIII (et les Notes d'Alemanni) ; — Anastase le Bibliothécaire, Vie d'Agapet, etc.

[45] Sur ces trois personnages et sur leurs écrits, notamment sur la fameuse lettre d'Ibas à Maris, voyez les Conciles (Labbe), t. IV, 621-681.

[46] Conciles (Labbe), t. IV, 1763-1778.

[47] Liberatus, ch. XXIV. — Facundus, liv. IV, ch. III.

[48] Théophane, Chronographie, année 553. — Conciles, t. V. — Anastase le Bibliothécaire, Vie de Vigile. — Lettre du pape Pelage au roi Childebert (Patrologie latine, t. LXIX, p. 391 et suivantes). — Évagre, liv. IV, ch. XXXVII, etc.

[49] Histoire ecclésiastique, liv. IV, ch. XXXVIII-XXXIX.

[50] Eustathe, cité par Alemanni (notes sur le ch. XVIII de l'Histoire secrète).

[51] Liberatus, ch. XX.

[52] Liberatus, ch. XX. — Léonce le Scholastique, De Sectis, X.

[53] Evagre, liv. IV, ch. II. — Liberatus, ch. II. — Théophane, année 540 ; etc.

[54] Code, liv. I, tit. I, ch. VIII.

[55] Conciles, t. IV, 1763-1778 ; t. V, 3-298.

[56] Évagre, Histoire ecclésiastique, liv. IV, ch. II.

[57] Voici quelques-unes des prescriptions de cet édit vraiment barbare : Qu'aucun chrétien ne garde les écrits de Sévère ; ces ouvrages sont profanes, rejetés par l'Eglise catholique ; ceux qui les possèdent doivent les brûler, s'ils ne veulent s'exposer à des peines rigoureuses. Nul ne doit les copier... Cet acte sera puni de l'amputation de la main... Défense à tous ceux qui s'efforcent de déchirer l'Église catholique de Dieu (qu'ils suivent l'hérésie de Nestorius, les leçons insensées d'Eutychès, les doctrines blasphématoires de Sévère ou de leurs disciples) de porter le trouble dans les très saintes églises et de parler de la foi (c'est-à-dire défense de prêcher). Nous leur ordonnons de se taire, leur défendons de tenir des réunions, de rebaptiser, de souiller la sainte communion, de la donner aux autres et d'exposer les doctrines interdites soit dans le palais que nous habitons, soit dans quelque autre, le tout sous les peines les plus sévères. Défense à qui que ce soit de les recevoir. Nous voulons qu'ils soient chassés des villes qu'ils ont troublées, rappelant les peines portées par nos divines constitutions, savoir que les maisons, où a lieu quelque chose de semblable, et les terres, grâce auxquelles (ces hérétiques) sont entretenus, seront enlevées à leurs propriétaires et dévolues aux très saintes églises...

[58] Procope, Histoire secrète. — Evagre, liv. IV, ch. XL. — Victor de Tunes, etc.

[59] Procope, Guerre des Goths, liv. I, ch. II.

[60] Procope, Guerre des Goths, liv. I, ch. XIV.

[61] Procope, Guerre des Goths, liv. I, ch. XXV.

[62] Misit jussiones ad Belisarium ista continentes : Vide aliquas occasiones in Silverium papam, et depone illum ab episcopatu, aut certe festinus transmitte ad nos.

[63] Histoire secrète, ch. I.

[64] Liv. I, ch. XXV.

[65] Près des côtes de Toscane.

[66] Liberatus, ch. XXII.

[67] Anastase, Vie de Silvère, Vie de Vigile. — Liberatus, ch. XXII. — Occulta (dit Facundus) ejus pollicitatio tenebatur, in qua se spopondit eadem capitula damnaturum

[68] Liberatus, ch. XXII, XXIII. — Victor de Tunes, Chron. (Patrologie, t. LXVIII).

[69] Anastase le Bibliothécaire, Vie de Vigile.

[70] Liberatus, ch. XXIII. — Procope, Histoire secrète, ch. XXVII.

[71] Procope, Guerre des Goths, liv. III.

[72] Rogante populo.

[73] C'est vers la fin de novembre qu'Anastase place son départ de Rome. D'autre part, Procope (Guerre des Goths, liv. III, chap. XV, XVI), après avoir raconté des événements accomplis à la fin de l'hiver et de la onzième année de la guerre (c'est-à-dire vers le mois de mars 546), ajoute que le pape arriva à Constantinople, venant de Sicile, où il avait longtemps séjourné. Il est donc probable que c'est en novembre 544 et non en novembre 545 que Vigile était sorti de Rome.

[74] Osculantes se cœperunt flere.

[75] Procope, Guerre des Goths, liv. III, ch. XXXV.

[76] Voyez les lettres du pape Pélage dans la Patrologie latine, t. LXIX, p. 391 et suivantes.

[77] Procope, Guerre des Goths, liv. III, ch. XXXI, VXXV.

[78] Conciles, t. V. — Evagre, liv. IV. ch. XXXVII. — Liberatus, ch. XXIV. — Lettres du pape Pelage.