La ville d'Angers sous le gouvernement du maréchal de Brézé, de 1636 à 1648. — Atteintes portées à ses privilèges. — Impôts nouveaux. — Affaire des subsistances. — Occupation militaire et pillage d'Angers (1648).Les guerres de religion avaient cruellement éprouvé la capitale de l'Anjou. La paix, rétablie sous Henri IV, fit renaître dans cette ville un bien-être qu'elle ne connaissait plus depuis la première moitié du XVIe siècle. La dette municipale fut en grande partie éteinte. La cité fut assainie, embellie, dotée de belles promenades, comme celle du Mail (en 1616). L'Université, surexcitée par la concurrence, fit venir de l'étranger d'illustres maîtres, tels que le jurisconsulte écossais Barclay. Les Oratoriens fondèrent à Angers, en 1619, un collège, qui, au bout de quelques années, avait déjà plusieurs milliers d'élèves. Vers la même époque, les Ursulines et quelques autres congrégations enseignantes vinrent également s'y établir. La satisfaction des besoins intellectuels ne fit pas oublier à la bourgeoisie angevine la misère matérielle que la guerre civile avait laissée derrière elle. L'extinction de la mendicité fut, durant plusieurs années, sa préoccupation constante. L'hôpital des Renfermés, fondé en 1615, servit de refuge aux indigents et aux vagabonds. Des fonds furent fournis par l'Hôtel de Ville, longtemps avant les créations de saint Vincent-de-Paul, pour l'entretien et l'éducation des enfants exposés. Les malades, jusqu'alors mal soignés à l'hôpital Saint-Jean, furent, grâce au salutaire règlement de 1619, plus confortablement traités. Un établissement spécial, le Sanitat, institué en 1603, permit de loger à part les pestiférés. Bref, la ville était en voie de redevenir prospère. Mais il fallait que, de longtemps, rien ne vînt la troubler dans son repos ni la menacer dans ses privilèges[1]. Malheureusement, les guerres civiles recommencèrent, comme on sait, sous le règne de Louis XIII. Angers eut particulièrement à en souffrir. La province dont elle était le chef-lieu fut horriblement ravagée par les troupes des seigneurs rebelles et par les armées royales, de 1614 à 1620. La ville fut plusieurs fois mise à rançon, menacée d'un pillage général et d'une subversion totale. Amis et ennemis semblaient s'entendre pour la ruiner. Les factions reparurent. Le peuple accusa de ses maux l'aristocratie judiciaire, qui l'administrait. Les magistrats, calomniés, s'aigrirent, s'habituèrent à demander main-forte au pouvoir royal contre le parti populaire[2]. Quand le gouvernement central eut à peu près triomphé des ligues féodales, les villes privilégiées ne furent pas moins que les chefs de la noblesse en danger de perdre leurs libertés. Richelieu ne voulait pas plus être entravé dans son œuvre par les bourgeois que par les grands. Il avait, du reste, vu de près les Angevins, ayant résidé au milieu d'eux avec Marie de Médicis, de 1619 à 1620. Il ne les aimait pas. C'étaient, disait-il, des gens rudes et malaisés à contenir, tant à cause de leur nombre que de leur humeur naturelle[3]. Aussi n'était-il pas fort disposé à respecter des franchises municipales dont il les croyait capables d'abuser. En 1620, il les avait fait désarmer, avait fait chasser de la ville par la reine-mère — alors gouvernante d'Anjou —, le maire Lanier, qui refusait de se prononcer en sa faveur. En 1625, il maintint de force à l'hôtel de ville un magistrat impopulaire, nommé Jouet, et cassa l'élection très-légale de Barbot du Martray. En 1630, à la suite d'une émeute dans laquelle le maire, Louet, n'avait pas, selon lui, montré assez d'énergie, il suspendit cet officier de ses fonctions. Deux ans après, il contraignit la ville à élire l'avocat Dupineau[4]. Par la suite, il respecta davantage les droits électoraux du peuple angevin. Mais il ne cessa pas pour cela de surveiller une ville qu'il jugeait si fort encline à la sédition. Il ne montra jamais mieux sa vigilance qu'en désignant son beau-frère, le maréchal de Maillé-Brézé, comme gouverneur militaire de l'Anjou. Ce personnage était certainement l'homme de France le mieux fait pour effrayer et contenir les Angevins. Né près de Saumur, possesseur de grands domaines dans la province même où il dut représenter le roi à partir de 1636, il n'avait guère su s'y faire aimer, mais il avait su s'y faire craindre. On l'appelait dans le pays le Sanglier de l'Anjou, surnom qu'il justifiait par la violence et l'impétuosité de son caractère. Son orgueil n'avait jamais su plier, ni devant Gustave-Adolphe, qu'il avait bravé, comme ambassadeur, au milieu de ses victoires ; ni devant les princes et les généraux qui lui avaient été donnés pour supérieurs ou pour collègues aux armées d'Allemagne et des Pays-Bas ; ni même devant Richelieu, dont il semblait prendre à tâche d'épuiser la bienveillance par ses incartades et ses défis. Le cardinal, qui l'aimait malgré tout, ne l'abandonna jamais. Il tint même à marier une nièce du maréchal avec le duc d'Enghien — qui fut le grand Condé —. Brézé voulut bien accepter cette alliance, comme un honneur qui lui était dû. Ajoutons qu'il était homme de valeur, surtout comme militaire, et que son humeur fantasque avait pour correctifs une certaine générosité de cœur et une loyauté incorruptible. Quoi qu'il pensât du gouvernement qu'il servait, on pouvait être sûr qu'il ne faiblirait jamais devant une émeute populaire. Du reste, s'il traitait amicalement quelques Angevins, les Ménage et les Lanier, par exemple, il ne prenait guère la peine de dissimuler son aversion pour le reste de la ville. Cette foule était trop encline aux mutineries pour lui plaire. Puis les Angevins, à son gré, parlaient beaucoup trop de lui, des vexations qu'il faisait subir à ses voisins de campagne et de son engouement déplacé pour une demoiselle Dar-vas, femme laide et de bas lieu, par laquelle il se laissait entièrement maîtriser. Malgré toutes les avances qu'ils lui firent, après qu'il fut devenu gouverneur d'Anjou, il n'oublia jamais les mauvais propos qu'ils avaient tenus sur son compte. Il ne voulut même pas résider au milieu d'eux, dans ce gracieux logis Barrault, que la ville loua pour lui servir d'hôtel. Retiré au milieu des bois, dans le sauvage château de Milly-le-Meugon, il donnait presque tout son temps à la lecture et à la chasse, ne voulant paraître à Angers que lorsqu'il était nécessaire de faire acte d'autorité et d'étouffer quelque résistance aux volontés royales. La docilité du peuple angevin fut, à partir de cette époque, fréquemment mise à l'épreuve par les exigences — souvent illégales — du gouvernement central : Richelieu et, après lui, Mazarin s'attaquèrent non-seulement aux libertés, mais aux immunités fiscales des villes. Les grandes guerres que le premier de ces deux ministres avait entreprises et que le second mena si glorieusement à bonne fin les obligeaient chaque année à créer des contributions nouvelles. Leur tort fut de vouloir les imposer, sans discussion possible, au lieu de chercher à les obtenir du libre consentement des sujets. Le public ne comprenait pas leur politique ; mais il sentait bien qu'on lui prenait de l'argent sans le consulter. De là un mécontentement qui, contenu par la puissante main de Richelieu, ne devait pas tarder, sous son successeur, à se faire jour et à éclater en guerre civile. Le gouvernement s'était déjà permis, à diverses époques, en matière d'impôts, d'assez graves infractions à la charte municipale d'Angers. C'est ainsi que cette ville avait dû subir la gabelle, dont Louis XI l'avait formellement exemptée, et que fréquemment il lui avait fallu donner au roi des secours extraordinaires d'hommes et d'argent, qu'elle n'était point légalement tenue de fournir. Mais c'est seulement à partir de 1635 que les ministres prétendirent ériger en droit l'habitude qu'ils avaient prise de taxer arbitrairement les villes et transformer en impôts réguliers des contributions qui, jusqu'alors, avaient été regardées comme exceptionnelles. A cette époque, la misère commençait à reparaître dans la ville d'Angers. Les guerres civiles, la peste — très-meurtrière en 1626, 1630, 1636, etc. — et la disette l'y avaient ramenée. Le blé manquait presque chaque année pour l'alimentation des pauvres. Des accapareurs l'exportaient ou le cachaient, malgré les ordonnances royales et les menaces de l'échevinage. Pour que la population ne mourût pas littéralement de faim, le Corps de ville était obligé de faire venir à grands frais du dehors d'énormes quantités de grains et de les revendre avec perte aux phis nécessiteux. Il en acheta ainsi pour 750.000 livres dans la seule année 1644. L'argent faisait défaut pour entretenir l'hôpital des Renfermés. Cet établissement tombait en ruines, et les mendiants encombraient les rues[5]. La Mairie était près de faire banqueroute. Dès 1639, le budget municipal se soldait par un déficit de 3.000 livres, et les dettes de la ville s'élevaient à 372.000 livres, capital énorme, si l'on considère que le total des recettes de l'Hôtel de Ville ne suffisait pas seulement à en servir l'intérêt[6]. Le gouvernement ignorait sans doute cette crise locale. En tout cas, il n'en tint pas compte. Tous les anciens impôts, déjà très-lourds — aides, gabelle, traites foraines, etc. —, furent successivement augmentés. Les registres de la mairie d'Angers, de 1635 à 1648, font presque chaque année mention de nouvelles surtaxes. En 1647, le roi s'appropria en entier les recettes des octrois municipaux, qui faisaient la principale richesse des villes. Angers perdait, du coup, les cieux tiers de ses revenus. Il fallut naturellement doubler les octrois. Précédemment (1641) avait été institué par tout le royaume la Subvention, qu'on appela aussi le sou pour livre[7]. C'était une contribution sur les denrées et les bestiaux amenés dans les marchés. Cette taxe causa d'autant plus de mécontentement que les agents chargés de la lever exerçaient un pouvoir discrétionnaire et estimaient tout à fait arbitrairement la valeur des marchandises. Sur divers points de l'Anjou, et notamment à Candé, la perception du sou pour livre provoqua des émeutes ; les commis royaux furent mis en fuite et durent requérir main-forte[8]. A Angers, l'administration ne put éviter de pareils troubles qu'en réduisant le tarif de la subvention. Dans le même temps, la gabelle, si redoutée du peuple, enserrait la ville de toutes parts. Les archers royaux commettaient, jusqu'aux portes d'Angers, mille violences et mille déprédations, sous couleur de rechercher le sel de contrebande. Le prix du sel royal était fréquemment rehaussé. Les Angevins avaient ordre d'en acheter, sous peine d'amende[9]. Les faux-sauniers étaient chassés dans les campagnes comme des bêtes fauves, emprisonnés, fouettés dans les rues par le bourreau[10]. La taille, ou impôt foncier, n'était payée ni par les ecclésiastiques ni par les nobles ; grâce à une organisation vicieuse, que nous décrirons ultérieurement[11], elle retombait presque de tout son poids sur les roturiers les plus pauvres et les plus dignes d'être exemptés. Chaque année, d'ailleurs, surtout à partir de 1636, elle s'appesantissait davantage par les besoins croissants du gouvernement. Les collecteurs, que l'administration désignait d'office dans chaque paroisse pour en faire la répartition et la levée, étaient regardés par elle comme solidaires de ceux de leurs concitoyens qui ne s'acquittaient pas de l'impôt. Menacés dans leurs biens et dans leur liberté, ils s'enfuyaient ou se cachaient de leur mieux quand ils étaient sortis de charge. Nous voyons qu'en 1647, les anciennes foires d'Angers ayant été rétablies, les collecteurs, fort nombreux dans toute la province, n'osèrent pas tout d'abord s'y rendre, de peur d'y être arrêtés. Il fallut, pour les rassurer, des arrêts de la Prévôté, de la Sénéchaussée et de l'Élection d'Angers[12]. La capitale de l'Anjou n'avait point, il est vrai, à se plaindre de l'accroissement des tailles ; car, en vertu de la charte de Louis XI, elle était absolument exempte de cette charge. Elle eût dû l'être du moins. Mais, pas plus que beaucoup d'autres villes dotées du même privilège, elle n'avait à se féliciter de l'avoir conservé. Ne pouvant, sans violer ouvertement les constitutions communales, faire payer aux cités non taillables un impôt dont elles étaient légalement déchargées, le gouvernement se dédommageait en tirant d'elles, sous divers prétextes, trois ou quatre fois plus qu'il n'eût exigé comme contribution à la taille. C'est ainsi que les Angevins furent contraints à plusieurs reprises, de 1635 à 1618, de racheter le droit incontestable qu'ils avaient de ne pas servir dans l'arrière-ban et d'acquérir des biens nobles sans payer la taxe des francs-fiefs. D'autres fois, comme en 1636, 1639, etc., c'étaient des emprunts forcés, ou taxes sur les aisés, auxquelles, par ordre du roi et au nom de la raison d'État, il leur fallait contribuer pour des sommes exorbitantes. En 1636, la ville reçut l'injonction de fournir, à titre de secours extraordinaire, 40.000 livres, pour l'entretien de la guerre ; soixante-douze habitants des plus riches durent en faire l'avance, sauf à s'accommoder ensuite avec le reste de la population. En décembre 1637, Laubardemont, commissaire royal, vint encore demander 120.000 livres. La cité, écrasée de dettes, n'en put donner que 40.000 ; et, comme le gouvernement la, trouvait trop lente à s'acquitter, un habitant d'Angers, qui était alors à Paris, fut arrêté et mis au Fort-l'Évêque ; trois autres subirent peu après le même sort (juillet 1638)[13]. La ville s'exécuta et témoigna si peu de rancune au pouvoir royal, que, quelques semaines après, en apprenant la naissance du Dauphin — depuis Louis XIV —, elle se livra spontanément aux plus vives réjouissances. Le Corps municipal donna 400 livres au messager qui était venu annoncer la grande nouvelle. On dressa, dit l'historien Roger, des tables chargées de vins et de viandes dans plusieurs rues et carrefours, où les passants étoient invités à boire, qui ne payoient pour écot qu'un cri de : Vive le Roy et le Dauphin ![14] Le ministère trouvait encore bien des moyens de faire contribuer aux charges de l'État les cités exemptes de la taille. Il leur imposait, par exemple, la garde et l'entretien des prisonniers de guerre. C'est ainsi qu'à partir de 1640 plusieurs centaines d'Espagnols furent internés à Angers. Chacune des victoires que nos armées remportèrent en Catalogne, en Flandre ou en Italie augmenta dès lors le nombre de ces hôtes besogneux et incommodes. En vain la ville protestait-elle contre les envois réitérés de prisonniers qui lui étaient annoncés au nom du roi. Il lui fallait toujours finir par les recevoir. Ces malheureux étaient presque nus, elle tes habillait. Ils manquaient de pain, c'était à elle à leur en fournir. L'entretien de ces étrangers lui coûtait, en moyenne, 1.200 ou 1.500 livres par mois. Souvent les Espagnols causaient du désordre dans les rues ou cherchaient à s'évader. Il fallait alors les enfermer, réparer à grands frais les prisons, et, pour faire bonne garde, détourner les bourgeois de leurs occupations[15]. Cette obligation ruineuse n'était pourtant pas celle que les Angevins supportaient avec le plus de peine. Ils se montraient plus sensibles à la contribution dite des Subsistances, que le gouvernement imposait arbitrairement, pour l'entretien de l'armée, aux villes exemptes de la taille. Ce mode d'exaction n'était point nouveau, et, bien des fois, avant le XVIIe siècle, les Angevins avaient été contraints de fournir au roi des subsides de cette nature[16]. Mais ils s'étaient jusqu'alors soumis de bon cœur à cette nécessité, car le sacrifice qui leur était demandé était généralement motivé par les exigences de la guerre et n'avait, dans le principe, qu'un caractère accidentel et transitoire. Sous le règne de Louis XIII, et surtout à partir du moment où Richelieu entreprit contre la maison d'Autriche la grande lutte qui devait amener les traités de Westphalie et des Pyrénées, la taxe des Subsistances prit peu à peu la forme d'un impôt permanent. La royauté la considéra dès lors comme régulièrement établie et ne l'abolit jamais. Si cette contribution eût été fixée à un chiffre immuable et proportionné aux ressources des contribuables, peut-être ceux-ci l'eussent-ils trouvée moins illégale et moins odieuse. Mais le gouvernement, préoccupé seulement de se procurer de l'argent, se mettait peu en peine de faire paraître moins lourd aux villes le fardeau de cette innovation. Il les taxait suivant ses besoins et sans tenir compte de leur situation financière. L'impôt, généralement modeste à l'origine, était doublé, triplé ou quadruplé d'une année à l'autre et prenait en peu de temps des proportions effrayantes. Les Subsistances, plus que toute autre exaction, devaient, à la longue, user la patience et la docilité du peuple angevin. En 1638, le roi ne lui avait demandé à ce titre que 10.000 livres[17]. On les paya. En 1639, il en exigea 22.000. Cette fois les contribuables furent moins empressés à s'acquitter[18]. Louis XIII écrivit au maréchal de Brézé pour se plaindre de leur lenteur ; il lui enjoignait d'employer toute son autorité pour amener les Angevins à s'exécuter. A faute de cela, ajoutait-il, vous leur envoyeriez des troupes en garnison pour y demeurer jusques à ce qu'ilz agent obey, voulant en effect que vous fassiez aller celles qui sont en l'estendue de vostre gouvernement, et ayant resolu d'y en faire marcher encore davantage au plus tost...[19] Ces menaces portèrent leur fruit. La Ville paya les 22.000 livres. Mais l'année suivante (1640), le chiffre du subside réclamé par le roi fut plus que triplé ; les Angevins eurent à fournir 72.000 livres pour les Subsistances. Ils réclamèrent, et n'obtinrent, après de longues sollicitations, qu'une diminution insignifiante. La taxe de 1641 s'éleva à 65.000 livres[20]. A dater du ministère de Mazarin (1643), le gouvernement paraît ne plus avoir réclamé annuellement que 50.000 livres. C'était encore beaucoup trop pour une ville ruinée, chargée de dettes énormes et qui ne pouvait depuis longtemps remettre son budget en équilibre. Les Angevins souffraient constamment de la famine ; il eût été plus sage et plus humain de leur accorder des subsides que de leur en demander. Ajoutons qu'ils se considéraient, à juste titre, plutôt comme créanciers que comme débiteurs de l'Etat ; malgré bien des promesses, les avances qu'ils faisaient chaque jour pour l'entretien des prisonniers ne leur étaient pas remboursées ; et ils attendaient encore, en 1647, le paiement de 27.840 livres, qu'ils avaient prêtées au roi en 1632 pour la levée et la solde d'un régiment[21]. Aussi, malgré leur désir d'éviter les rigueurs du gouvernement, opposèrent-ils bientôt à l'impôt des Subsistances une résistance passive qui équivalait à la rébellion. Chaque aimée, le rôle de la taxe était signifié au Corps municipal, qui en faisait officiellement part aux contribuables. Ceux-ci ne se donnaient plus la peine de protester contre l'illégalité de la contribution qui leur était réclamée ; mais ils s'abstenaient généralement de la payer. Mazarin, moins énergique et moins redouté que Richelieu, ne put, durant quatre années (1643-1647), triompher de cette force d'inertie. En vain le maréchal de Brézé emprisonna-t-il plusieurs bourgeois angevins (1644). La ville ne fit pas moins sourde oreille à ses sommations et à ses menaces. Les Subsistances de 1642 et 1643 ne furent qu'incomplètement payées. Celles de 1644 ne le furent pas du tout. Il en fut de même de celles de 1645 et 1646. Le ministère, croyant, avec raison, devoir faire quelques sacrifices, réduisit le taux de l'impôt à 36.000 livres pour chacune des deux dernières années[22]. C'est à peine si cette concession fit rentrer au trésor quelques milliers de livres. Bref, au commencement de 1647, les Angevins avaient encore à verser plus de 100 mille livres et paraissaient de moins en moins disposés à se mettre en règle vis à vis de l'État. La Cour, perdant patience, résolut alors de les effrayer et, s'il le fallait, de les faire contribuer par force. L'exemple donné par la ville d'Angers pouvait être suivi par d'autres. Le public, encouragé par les remontrances du Parlement, était à cette époque, très-disposé à se soulever contre les excès de la fiscalité royale. Mazarin pensa qu'une exécution faite à propos terrifierait toutes les cités récalcitrantes et rendrait désormais sacré l'impôt des Subsistances. Conformément à ses instructions, le maréchal de Brézé fit savoir (en mars 1647) aux habitants d'Angers qu'il avait en mains des lettres de cachet pour emprisonner un certain nombre d'entre eux ; que ces otages resteraient détenus jusqu'au complet paiement des taxes arriérées ; et que, du reste, si la résistance aux volontés de la Cour se prolongeait, des châtiments plus rigoureux ne se feraient pas longtemps attendre[23]. La ville ne sembla pas prendre ces menaces fort au sérieux. Car le Corps municipal ayant convoqué, à plusieurs reprises (23, 29 mars, 16 et 26 avril), les députés des paroisses, pour aviser aux mesures à prendre, l'assemblée parut chaque fois n'avoir d'autre désir que de traîner l'affaire en longueur. Beaucoup de paroisses s'abstinrent même de se faire représenter à l'hôtel de ville[24]. Les élections municipales, qui devaient avoir lieu le ter mai, servirent encore de prétexte pour retarder la conclusion de ce différend. Le choix due la cité fit de Jean Cupif, sieur de la Marée[25], comme nouveau maire, n'était pas non plus de nature à bâter l'apaisement des esprits. Ce personnage était par lui-même fort honnête et jusqu'alors fort respecté. Son dévouement aux intérêts de la ville n'était pas douteux ; et il devait en donner à ses dépens de nombreuses preuves. Mais il avait, aux yeux de la masse populaire, un irrémissible défaut. C'était d'appartenir au corps judiciaire. Il était en effet conseiller au Présidial, et, comme tel, suspecté par la grande majorité de la population, qui l'accusait, lui et ses collègues, de pactiser avec le gouvernement pour se maintenir, exclusivement à toute autre classe, en possession des charges municipales. Cupif était, de plus, un (le ces hommes irrésolus et timides, qui, pour vouloir, sans autorité suffisante, réconcilier deux partis hostiles, finissent par se rendre odieux à l'un et à l'autre. Il ne songeait qu'à remplir de son mieux son double devoir envers l'État et envers la Ville. Et bientôt l'État allait le regarder comme un serviteur peu fidèle, la Ville comme un défenseur peu zélé. Le nouveau maire dut, comme son prédécesseur, convoquer les députés des paroisses à l'hôtel de ville, pour les presser d'adopter un arrangement qui donnât satisfaction au ministère. Mais les paroisses se firent répéter la convocation jusqu'à trois fois avant d'y répondre. Et lorsque leurs représentants parurent enfin en nombre suffisant à l'hôtel de ville, ce ne fut que pour se livrer à des récriminations et à des discussions dont le détail serait fastidieux. Ce fut seulement le 7 juin que, de concert avec le Conseil municipal, les députés du Clergé, du Présidial, de la Prévôté, de l'Élection et de la Justice consulaire, ils prirent des mesures sérieuses pour assurer le recouvrement de la taxe. Ils décidèrent que les Subsistances arriérées et celles de 1647 seraient payées par petites sommes, dans l'espace de trois ans, et au moyen d'une Pancarte, c'est-à-dire d'un droit d'entrée sur les vins et le foin amenés en ville. Ce droit fut affermé au prix de 35.500 livres par an, à un certain Jean Le Roide, cautionné par plusieurs hôteliers, cabaretiers et pâtissiers de la ville, dont il n'était que le prête-nom[26]. Il eût été plus équitable et plus sage d'établir une capitation, ou contribution directe proportionnée aux revenus de chacun, et de la faire lever non par un adjudicataire, mais par un percepteur et des commis. La Pancarte ne devait imposer aux riches qu'une charge très-légère ; mais elle allait être fort sensible aux pauvres gens. De plus, les fermiers d'impôts étaient toujours suspects à la foule, qui leur reprochait de s'enrichir en appauvrissant le public. Peut-être, en prenant cet arrangeaient, l'assemblée de l'hôtel de ville avait-elle eu dessein de provoquer le mécontentement populaire et de rendre le recouvrement (le la taxe impossible. Quoi qu'il en soit, les Angevins ne tinrent aucun compte ni du bail de Le Roide ni des droits nouveaux. Il ressort même d'une lettre que le sieur de la Brosse, agent fiscal, écrivait alors à M. de Serrant, intendant de la généralité de Tours, qu'ils commençaient aussi à ne plus payer les anciens impôts[27]. Le 21 juin, les adjudicataires de la Pancarte vinrent se plaindre à la Mairie que plusieurs habitants eussent empêché leur commis de percevoir la taxe et eussent ameuté la foule contre lui. Le conseil de ville, qui redoutait sans doute l'effervescence populaire, se contenta d'admonester paternellement les délinquants. Le 28 juin, des troubles plus graves eurent lieu. L'agent de la ferme, en faisant son office, fut si maltraité par les taverniers, qu'il dut s'enfuir pour sauver sa vie. Le Maire, averti, se rendit en toute hâte dans le faubourg Saint-Michel, où avait commencé le désordre. Il y trouva une multitude furieuse, poussant des cris de mort. Des femmes et des enfants assiégeaient la maison où s'était réfugié le malheureux commis et menaçaient de la prendre d'assaut. Cupif ne calma qu'à grand'peine cette sédition. Trois jours après, désireux sans doute, ainsi que le Corps de ville tout entier, de se dégager d'une responsabilité qui devenait de plus en plus lourde, il fit voter par le Conseil les conclusions suivantes : ..... — Attendu — que fort souvent ilz — les fermiers — font des plainctes de rébellion sans subject, et que pour estre deschargez de leur bail, ils suscitent eux mesmes des émotions populaires ; et qu'il serait à craindre qu'ilz en excitassent sur la personne de M. le Maire s'il alloit aussy souvent avecq eux quilz le requierent, M. le Maire est prié de se faire assister quand il ira, et de n'y point aller quil ne soit bien informé qu'on trouble lesdits fermiers dans la perception de leurs droictz[28]. Si le Maire et le Conseil essayaient de faire croire aux bonnes dispositions des Angevins à l'égard du fisc, les adjudicataires leur donnaient dans le même temps un démenti formel. Le Roide désavouait tout agent qui continuerait à lever des deniers en son nom. Quant au gouvernement, il commençait à perdre patience. Le maréchal de Brézé avait, dans les premiers jours de juin, adressé à l'échevinage une sommation pressante ; le Corps de ville ne lui avait répondu que pour le supplier d'honorer cette province de la continuation de sa protection (14 juin). Voyant qu'on ne tenait nul compte de ses menaces et que l'impôt ne rentrait pas, le gouverneur en référa au ministère. Les mesures énergiques qu'il réclamait ne se firent pas longtemps attendre. Le 1er juillet, les Angevins apprirent avec stupeur qu'un envoyé du Conseil du roi, le sieur Aubriot, venait d'arriver dans leur ville, avec mission de dresser un rôle général de capitation et de faire payer d'un seul coup toutes les Subsistances arriérées. La Cour tenait comme non avenu l'établissement de la Pancarte. Cette décision n'était propre qu'à augmenter le trouble qui régnait depuis quelques semaines à Angers. Cupif alla vainement le remontrer au maréchal et à l'intendant. En effet, les fermiers ne manquèrent pas de dire qu'il leur était impossible de tenir leurs engagements. Le public, sous le prétexte de la capitation qui allait être prochainement établie, refusait absolument de payer aucun droit sur les vins ou sur le foin. Les adjudicataires demandaient donc hautement la résiliation de leur bail. Mais la haute bourgeoisie, qui dominait dans le Conseil et dans le corps judiciaire, tenait par-dessus tout à éviter la contribution directe sur les revenus. Il résulta de ce calcul égoïste que le lieutenant-général de la sénéchaussée rejeta la requête des fermiers et que le Corps de ville maintint expressément le bail dans toutes ses clauses (15-16 juillet.) Le peuple cria ; et quelques meneurs, dont le plus hardi était l'avocat Voisin, professeur de droit en l'Université, intentèrent devant le Parlement de Paris une action et contre l'Etat et contre l'échevinage. Les démêlés qui existaient alors entre cette haute Cour et le gouvernement faisaient espérer aux Angevins un arrêt favorable à leurs intérêts[29]. L'irritation qui régnait parmi eux fut encore accrue peu de jours après par une nouvelle vexation. Vers la fin de juillet, le roi ordonna au maréchal de Brézé de lever trois cents hommes dans sa province, pour servir à renforcer les vieux régiments de l'armée de Flandre ; et, sans doute pour punir la ville d'Angers de son mauvais vouloir, il la désigna comme lieu d'assemblée des soldats qui seraient ainsi enrôlés. Ceux-ci devaient y demeurer dix jours. L'autorité municipale devait les recevoir, les loger et les nourrir, par forme d'estappe, sauf à réclamer ensuite à l'Etat le remboursement de ses avances. Vu les circonstances, il était plus que douteux que ce remboursement eût jamais lieu. Le Conseil de ville protesta donc (10 août) contre un ordre qu'il trouvait prejudiciable au publicq, et députa le Maire à Milly pour en obtenir la révocation. Il est extraordinaire, dit ce magistrat au maréchal, voire inaudit qu'on ay jamais donné lieu d'assemblée aux soldats dans les grandes villes et particulierement en celle-cy... Il pourroit y avoir du desordre entre les ditz habitants et les ditz soldatz.... Les habitans de cette ville seroient absolument ruinez s'ils estoient obligez d'advancer les estappes. Brézé répondit sèchement qu'il ne pouvoit et ne vouloit changer ledit lieu d'assemblée. Les nouveaux soldats affluèrent donc bientôt dans les faubourgs et jusque dans l'intérieur de la ville. C'étaient, sans doute, pour la plupart, des vagabonds, habitués à la maraude et au pillage. Les Angevins curent fort à se plaindre de leurs violences et de leurs déprédations. Pour s'en garantir, les bourgeois tendirent les chaînes des rues. Le maréchal, averti de ce désordre, se hâta de quitter Milly et vint s'installer à l'hôtel Barrault. Puis, jugeant qu'une collision entre les habitants et les soldats était imminente, il obtint du roi (28 aoùt) l'ordre d'enfermer ces derniers dans le château d'Angers, où ils devaient être tenus sous bonne garde. Les diverses compagnies de la milice urbaine vinrent à tour de rôle, non sans maugréer contre le maréchal, surveiller et contenir les recrues de l'armée de Flandre. Ces enrôlés ne partirent qu'après le 16 septembre, et encore fallut-il que la ville fournit une suffisante escorte d'hommes en armes pour empêcher le débandement desditz soldatz et les conduire en ordre à plusieurs lieues d'Angers[30]. L'entretien de ces trois cents hommes était d'autant plus onéreux à la ville qu'à ce moment les Angevins souffraient plus que jamais de la famine. Le public se plaignait avec persistance de l'accaparement et de l'exportation frauduleuse des blés. Les femmes s'ameutaient dans les rues en demandant du pain. Le Conseil municipal était obligé de doubler les gardes pour arrêter sur la Maine les bateaux chargés de céréales (30 juillet). Peu après (17-19 août), un arrêté du Conseil d'État et une ordonnance de M. de Serrant défendaient, sous peine de mort, aux marchands angevins de faire trafic de grains avec les étrangers[31]. On juge qu'au milieu de cette détresse le recouvrement des Subsistances par le commis Aubriot devenait de plus en plus difficile. Vainement Brézé manda le Maire à l'hôtel Barrault et lui déclara au nom du roi qu'à faute de paiement intégral de la taxe, il allait faire incarcérer les principaux habitants. Les paroisses, convoquées en assemblée générale, ne daignèrent pas répondre à l'appel de l'échevinage (6 septembre). Le maréchal, très-mécontent, était retourné à Milly. Ce fut là qu'il reçut une lettre touchante d'un des bourgeois d'Angers qu'il estimait le plus, Lanier de Saint-Lambert. Ce personnage appartenait à la fois au Présidial et au Corps de Ville. Comme Cupif, il s'étudiait à ménager à la fois l'État et la Ville. Monseigneur, écrivait-il, ce n'est pas qu'il nous entre jamais dans la pensée de rien souhaiter par l'entremise de vostre autorité qui nous dispense de contribuer aux nécessitez de l'Estat, puisque vous estes establi pour soustenir les droits de la couronne... mais seulement pour vous supplier de vouloir considérer que comme nous avons une obligation très-étroite au service du Roy, aussy nous avons une naturelle et charitable affection à la conservation de nostre ville et de nos concitoyens... Nous espérons, Monseigneur, de vostre bonté, que par vostre crédit, S. M. nous fera la grâce d'accorder un temps raisonnable pour nous donner le loisir de respirer et le moyen de satisfaire aux sommes excessives qu'elle nous a ordonné de fournir pour son service, qui se rencontreront beaucoup mieux par parties, pourveu qu'on ait la patience de nous attendre, et qu'on ne précipite pas dans le desespoir de bons sujets qui font tous leurs efforts pour faire voir....[32] Le reste de la lettre nous manque. Le maréchal la lacéra à cet endroit, et écrivit en marge : non répondu. Il fallait que sa colère fût bien vive ; car à ce moment même des démarches étaient faites auprès de lui en faveur des Angevins par l'abbesse du Ronceray, sa tante, par l'archevêque de Paris et enfin par l'évêque d'Angers[33]. Il est certain que l'attitude de la ville ne répondait guère au zèle de ceux qui s'efforçaient de la justifier. Les 13 et 20 septembre, les paroisses, sommées pour la dixième fois d'envoyer leurs représentants à l'hôtel de ville, firent encore la sourde oreille. La résistance des Angevins aux volontés de la Cour fut encouragée par la nouvelle que le Parlement de Paris venait de rendre un arrêt défavorable aux prétentions du ministère. Le Conseil de ville lui-même osa contester les pouvoirs conférés à l'agent Aubriot (27 septembre). Les paroisses, convoquées de nouveau à plusieurs reprises, pendant les mois d'octobre et de novembre, persévérèrent dans leur système d'abstention, quoique le maréchal eût reparu un instant à l'hôtel Barrault et eût menacé la ville de la faire occuper par des gens de guerre (14 octobre)[34]. A la fin, le Maire, qui tenait par-dessus tout à préserver
ses concitoyens d'une exécution militaire, prit sur lui de faire adopter par
le Conseil — grossi de quelques notables — des conclusions en vertu
desquelles la ville s'engageait à payer 60.000 livres pour avoir composition sur le surplus. Pour obtenir cette somme,
une nouvelle Pancarte serait établie ; et un certain nombre de notables
seraient nommés dans chaque paroisse pour la levée de l'impôt (19-26 novembre)[35]. Mais les notables, désignés d'office, déclinèrent tous
cette commission, de peur de se rendre odieux à leurs concitoyens. Chacun
d'eux trouva des raisons personnelles pour se dispenser d'obéir. Pour ce qui est des inconvénients qu'ils disent s'y
rencontrer, déclara le Maire, ce n'est qu'un
prétexte affecté pour faire que les conclusions cy-devant données demeurent
inexécutées. Le Conseil décida que les procureurs de fabrique des
paroisses nommeraient de nouveaux collecteurs, aux
perilz et fortunes desdits habitans, à peine d'estre tenuz en leurs propres et privez noms de ladite
somme et des frais et contrainctes qui seront
faicts..... Cette mesure fut prise le 3 décembre. Mais plusieurs
semaines après, le recouvrement des Subsistances n'en était pas plus avancé.
Le Maire constatait avec douleur (le 20
décembre) que soit par impuissance ou
autrement les habitants n'avaient pas répondu aux invitations
multiples qu'il leur avait adressées et n'avaient donné au gouvernement nulle
preuve de bon vouloir. Il lança encore, pour la forme, un dernier mandement
aux paroisses. Six d'entre elles seulement (sur
seize) se firent représenter, le 24 décembre, à l'hôtel de ville. Ce
jour-là le malheureux Cupif annonça tristement que le ministère était résollu de faire payer entièrement les Subsistances de
1644, 1645 et 1646 sans remise et de chastier les habitans par garnisons de
gens de guerre, pour s'entre pourveuz au Parlement et avoir offensé
nosseigneurs du Conseil. — Le mal,
ajouta-t-il, est presque sans remede, par
l'indignation qu'a conçue Mgr le mareschal... Il n'en pressa pas moins
les contribuables de payer sans retard 60.000 livres, pour conjurer l'orage
qui les menaçait. Mais il s'unit au Conseil pour conclure que sy les habitans continuaient à mespriser leur salut et voulaient s'attirer leur ruyne, cette compagnie ne pouvant l'empescher
ny divertir de sa seule authorité la ruyne qui était prest de tomber sur la ville, elle abandonnoit la direction et conduite des affaires. Le ministère et le maréchal étaient, en effet, exaspérés contre les Angevins, non-seulement à cause de leur lenteur à s'acquitter des taxes, mais aussi à cause de l'appel — séditieux aux yeux de la Cour — qu'ils avaient adressé au Parlement. Le bruit courait en outre à Paris qu'ils venaient de se soulever en armes, qu'ils avaient massacré les commis royaux, forcé et pillé les bureaux et les caisses de l'État. C'était pure calomnie. Mais la vérité était que, même après la dernière objurgation du Maire, ils refusaient de donner un à-compte sur les Subsistances arriérées. L'ordre formel de faire occuper militairement la ville fut envoyé de Paris au gouverneur de l'Anjou. Cupif l'annonça au Conseil le 18 décembre. Les habitants, ajouta-t-il, au lieu de faire leur profit des advertissemens, ont atiré l'orage sur eux par leur négligence et mespris qu'ilz ont faict d'exécuter les conclusions arrestées. Le surlendemain, le Corps municipal put se convaincre par les routes ou ordres de marche des troupes, dont il lui fut donné copie, que les menaces tant de fois réitérées du maréchal allaient enfin s'effectuer. Trente-deux compagnies de cavalerie se dirigeaient par divers chemins vers la ville, où elles devaient vivre à discrétion jusqu'au complet paiement (les sommes réclamées par l'État. Cette nouvelle frappa les esprits de consternation. Les habitants se déclarèrent prêts à verser 60.000 livres, et, par députation, supplièrent encore Brézé de les préserver de toute violence (2 janvier). Mais le maréchal était trop irrité pour les écouter. Il ne pouvait et ne voulait plus les protéger. Le 6 janvier, les premières compagnies désignées pour l'occupation firent leur entrée dans la ville terrifiée et s'établirent dans la paroisse Saint-Maurille ; les autres les suivirent de près ; et, au bout de quelques jours, tous les quartiers d'Angers furent au pouvoir des garnisaires[36]. La violence des mœurs militaires était telle au dix-septième siècle, qu'une occupation, même en temps de paix, était souvent pour les villes l'équivalent d'une prise d'assaut. Les cavaliers royaux s'établirent de force chez les habitants, et, non contents du logement et de la nourriture, exigèrent quotidiennement de leurs hôtes une somme exorbitante : 3 livres par homme dans la paroisse Saint-Maurille ; 4 livres 10 sous dans la paroisse Sainte-Croix. Les officiers demandaient bien davantage. Bientôt la ville donna chaque jour plus de 12.000 fr. d'argent à ces garnisaires. Par surcroît venaient les voleries et violences, pour lesquelles éviter plusieurs se rédimoient par de grosses sommes, n'osants montrer la moindre résistance[37]. Le maréchal étant à son tour arrivé à Angers (le 9 ou le 10 janvier)[38], on put croire un instant qu'il tiendrait à honneur de réprimer ces brigandages. Il sembla au contraire n'être venu que pour les encourager. Mlle Darvas, qui était alors à Paris, lui écrivait, paraît-il, pour l'empêcher de se radoucir. Elle désignait elle-même aux pillards les maisons des personnes dont elle croyait avoir à se plaindre[39]. Un sieur de la Bigotière avait été, peu auparavant, député en Cour par le Corps municipal pour la sollicitation des affaires publiques. La maîtresse du maréchal fit envahir la demeure de ce malheureux par des soldats, qui, non contents d'y mettre tout à sac, se firent encore donner une somme de 700 livres. Sous les yeux du gouverneur, les troupes traitèrent si mal la ville, qu'au dire d'un contemporain, si une armée de Turcs l'eût prise, on n'eût pas souffert tant de désordres[40]. Le célèbre écrivain Ménage, qui était d'Angers, et qui assista peut-être à ces scènes de désolation, les décrit avec la même indignation. Cette borde indisciplinée, dit-il, faisait le tourment des citoyens, dont elle démolissait les maisons pour se chauffer des poutres et des soliveaux ; où ils ne trouvaient pas des écuries à leur portée, les cavaliers logeaient les chevaux dans les vestibules, dans des chambres à coucher, dans des salons de compagnie, ruinant les boiseries, les tentures, les rideaux, les tapis d'un riche travail. Le petit peuple se voyait dépouiller de ses meubles les plus indispensables ; les gens d'une classe supérieure, de leur or et de leurs bijoux. Aux plus puissants Brézé faisait savoir qu'ils lui envoyassent de l'argent[41]. Les violences contre les personnes étaient l'accompagnement ordinaire de ces exactions. Le père de Ménage, magistrat vénérable, mourut, le 18 janvier, du saisissement que lui avait causé le spectacle de ces barbaries. La ville entière était consternée. Toutes les âmes étaient paralysées par la terreur. Le travail, les relations commerciales et le cours de la justice étaient suspendus[42]. Quelques habitants avaient espéré échapper par la fuite aux mauvais traitements et à la ruine. Le maréchal porta, le 15 janvier, une ordonnance par laquelle il était défendu, sous peine de prison, de sortir de la ville ; les déserteurs devaient se hâter de rentrer, pour recevoir les garnisaires toutes fois et quantes que le besoing serait. S'ils n'obéissaient pas, les soldats seraient logés et nourris par les hôteliers aux frais des absents. Le même jour, Brézé interdisait aux religieux et religieuses d'Angers, en les menaçant aussi de rigoureux châtiments, de donner asile aux habitants dans leurs monastères ou de recevoir des meubles en dépôt[43]. Il va sans dire que, depuis le début de l'occupation, l'autorité du maire et des échevins était, de fait, réduite à néant. Après une démarche infructueuse auprès du maréchal (10 janvier) pour obtenir un traitement moins rigoureux, le Corps de ville avait dû renoncer même à s'occuper de la levée des Subsistances. L'agent Aubriot, qui, depuis longtemps, avait dressé ses rôles de capitation, fut dès lors seul chargé du recouvrement des taxes arriérées. Il ne fit pas grâce d'un sou à la malheureuse cité. Les garnisaires lui servaient de collecteurs. En quelques semaines, il fit, grâce à eux, rentrer plus de 150.000 livres, c'est-à-dire beaucoup plus que les Angevins ne devaient à l'État. Encore cette somme ne comprenait-elle, d'après lui, que les taxes des années antérieures à 1647[44]. A la fin de janvier, il restait aux habitants un peu plus de 17.000 livres à payer. C'était la capitation des insolvables et des absents. Sans renoncer au recouvrement de ce reliquat, le maréchal de Brézé crut enfin devoir se relâcher un peu de sa rigueur envers le peuple angevin. S'il ne mit pas un terme au pillage que lui-même avait déchaîné, il consentit du moins à le réglementer et à le restreindre. Certes, il fallait que la ville eût bien souffert pour regarder comme un adoucissement l'ordonnance par laquelle (le 26 janvier) le gouverneur tarifa la solde et l'entretien des garnisaires. Nous y voyons en effet que les habitants étaient tenus de donner 50 livres par jour aux mestres-de-camp, plus le logement et le fourrage pour 18 chevaux ; on passait aux capitaines 36 livres et 12 chevaux ; aux lieutenants, 20 livres et 8 chevaux, sans compter 4 rations de cavalier ; aux cornettes, 12 livres, 6 chevaux, 4 rations ; aux maréchaux-des-logis, 8 livres, 4 chevaux, 2 rations ; aux soldats, 3 livres et simple ration. Après avoir ainsi pourvu à l'entretien régulier de ses troupes, le maréchal prit des mesures énergiques pour les ramener à la discipline, et défendit aux soldats, sous peine de mort, de sortir de la ville ou des faubourgs et de se débander, comme ils commençaient à le faire, pour aller piller aux champs ou porter du sel de contrebande[45]. Cependant les Angevins avaient épuisé toutes leurs ressources. Quelques riches bourgeois, appartenant au Corps judiciaire, avaient seuls été épargnés, grâce aux privilèges de leurs charges[46]. La population presque entière était ruinée. Le maréchal fut-il ému au spectacle de tant de misère ? Ou comprit-il seulement que ses troupes ne pouvaient plus demeurer dans la ville, sous peine d'y mourir de faim ? Le fait est qu'aux premiers jours de février il ordonna le délogement de plusieurs compagnies et se montra d'assez facile accommodement au sujet des 17.000 livres que l'État avait encore à toucher sur les Subsistances. Il en prêta même une partie au maire et aux échevins. Mais ceux-ci durent s'engager personnellement, avec les conseillers de ville et les députés des paroisses, à lui rembourser cette avance, ainsi qu'à parfaire de leurs deniers la somme réclamée par le commis Aubriot (11 février). C'était à eux, s'ils voulaient recouvrer leurs fonds, à s'entendre ultérieurement avec leurs concitoyens[47]. Enfin, après six semaines d'occupation, la ville fut
entièrement évacuée par la cavalerie royale. Brézé repartit pour Milly. Mais
ce ne fut pas sans dire bien haut que les Angevins lui étaient grandement
redevables de n'avoir pas été plus maltraités. Ils ne devaient pas oublier
que les Subsistances de 1647, c'est-à-dire 50.000 livres, étaient encore à
payer. Ils avaient donc à prendre des mesures pour s'acquitter promptement
envers la couronne, s'ils ne voulaient voir se renouveler à bref délai les
rigueurs de l'occupation militaire. Les malheureux contribuables avaient
appris à leurs dépens ce qu'il en coûtait de dédaigner les menaces royales.
Le Maire alla donc — au commencement de mars — trouver le maréchal pour lui rendre trez-humbles graces... au nom et de la part du général des habitans de cette ville,
de ce qu'il lui avait plu de s'employer pour
eux pour le deslogement de la garnison et le supplier très-humblement de les
honorer de la continuation de sa protection au subject de la modération des
Subsistances. Brézé, suffisamment satisfait d'avoir si fort humilié
l'orgueil des Angevins, répondit à ces compliments par l'assurance de son
affection pour la ville. Il conseilla même à Cupif d'aller à Paris solliciter
en Cour la réduction des Subsistances de 1647, et lui offrit des lettres de
recommandation pour M. de Bordeaux, receveur-général de la généralité de
Tours, et pour le surintendant des finances. De retour à Angers, le Maire
supplia ses concitoyens de donner au gouvernement de nouvelles preuves de
docilité. Personne ne protesta. Une nouvelle Pancarte fut votée par le
Conseil sans opposition de la part des paroisses[48]. Ces marques d'obéissance, jointes aux maux que la ville venait de souffrir, désignaient le- peuple angevin à l'indulgence et à la générosité du Ministère. Le Maire n'en dut pas moins solliciter plus de six semaines une insignifiante diminution de charges. Il eut à représenter que la cité dont il plaidait la cause avait été réduite à la dernière misère par le séjour des troupes ; qu'indépendamment des dommages causés aux particuliers par les soldats, le recouvrement des taxes arriérées et la solde des garnisaires lui avaient coûté plus de 600.000 livres. Ses doléances ne touchèrent que médiocrement les ministres ; les seules concessions que le Conseil d'État fit à la ville d'Angers — par arrêt du 29 avril 1648 — furent de la décharger de 42.000 livres qu'elle devait encore pour le rachat des francs-fiefs, et de réduire à 36.000 livres le taux annuel des Subsistances à partir de 1647[49]. Ici se terminent les préliminaires de la Fronde angevine. On vient de voir par quelles provocations une des plus fidèles cités du royaume avait été incitée à la résistance passive. Elle était sur la pente de la rébellion ; et de nouvelles vexations devaient bientôt lui mettre les armes à la main. Le courage et l'audace des insurrections allaient grandir en elle avec cette conviction que sa cause était celle de toutes les villes de France. Ce n'était pas en effet elle seule, c'étaient toutes les communes, c'étaient tous les villages, tous les hameaux que l'administration d'Anne d'Autriche et de Mazarin avait opprimés sans raison, sans pitié. Tout le royaume pleurait de misère ; et la voix de la patrie faisait vainement entendre à la reine-mère ces graves et tristes paroles : Il y a dix ans que la campagne est ruinée, les paysans réduits à coucher sur la paille, leurs meubles vendus pour le payement des impositions auxquelles ils ne peuvent satisfaire, et que des millions d'âmes innocentes sont obligées de vivre de pain de son et d'avoine, et n'espérer d'autre protection que celle de leur impuissance. Ces malheureux ne possèdent aucuns biens en propriété que leurs âmes, parce qu'elles n'ont pu être vendues à l'encan. Les habitants des villes, après avoir payé la subsistance et le quartier d'hiver, les étapes et les emprunts, acquitté le droit royal et la confirmation, sont encore imposés aux aisés... Tout le royaume est languissant, affaibli par la fréquence des levées extraordinaires des deniers qui sont le sang du peuple et le nerf de l'État, et produisent une maladie d'inanition, dans laquelle les remèdes sont aussi peu supportables que le mal et de laquelle ne se pourra remettre de longtemps, quand même elle jouiroit bientôt du calme de la paix. Faites, Madame, quelque sorte de réflexion sur cette misère publique. Ce soir, dans la solitude de votre oratoire, considérez la calamité des provinces, dans laquelle l'espérance de la paix, l'honneur des batailles gagnées, la gloire des provinces conquises, ne peuvent nourrir ceux qui n'ont point de pain[50]. |
[1] Sur toutes ces améliorations, consulter les Archives anciennes de la Mairie, série BB, reg. 48-75, passim ; le Journal de Louvet, dans la Revue de l'Anjou et de Maine-et-Loire (années 1854, 1855, 1856) ; le Recueil des privilèges de la ville et Mairie d'Angers, p. 105-109 ; le Manuscrit 952 de la bibliothèque d'Angers (Titres et documents relatifs à l'Hôpital général) ; les Archives de l'hôpital Saint-Jean (à la préfecture de Maine-et-Loire), série E, 1, fol. 321 ; Philandinopolis, par Bruneau de Tartifume (manuscrit de la bibliothèque d'Angers), etc., etc.
[2] Sur les troubles dont Angers et l'Anjou furent le théâtre, de 1610 à 1632, voir principalement le Journal de Louvet.
[3] Discours et raisons sur le choix des gouvernements d'Angers ou de Nantes. (Lettres de Richelieu, publiées par M. Avenel, t. I, p. 587-592.)
[4] Archives anciennes de la Mairie, série BB, reg. 65, 67, 68, 73. — Journal de Louvet. — B. Roger, Hist. de l'Anjou.
[5] Arch. anc. de la Mairie, série BB, reg. 75-78.
[6] Arch. anc. de la Mairie, série BB, reg. 76, fol. 238-202. — Les recettes s'élevaient à 17.084 livres 3 sols 6 deniers, les dépenses à 20.101 livres 4 sols 6 deniers.
[7] Arch. anc. de la Mairie, série BB, reg. 77, fol. 106 ; reg. 78, fol. 32.
[8] V. le Journal de Jacques Valuche, marguillier de Candé, publié par M. Port dans la Revue de l'Anjou (juin 1870) : ... Le jour de la Saint-Bartholémy, à la foire des landes, il se trouvoit des commis pour sérer le sol par livre. Il le sérirent sur le bestial à la sortie de la foire en quelques endroictz et ès aultres endroictz il feurent chassés et se rangèrent tous ensemble et en amassirent ce qu'il peureut, et à la foire de Roche d'Ire, à l'Angevine, il avoient dressé leur table et en faisoient la recepte, mais les gentilshommes de Clissé et aultres les chassirent ; et s'enfuirent en grande diligence, et laissireut leur argent, poix et balance, et en s'en courant ils tuirent un nommé Grimault, marchant de fil. Ils estoient bien trente maltoustiers..... Le jeudy 27 mars (1642), jour de la mi-caresme, la foire a tenu a Candé pour la première fois. Il y avoit peu de bestial, mais il y avait bien du inonde pour un commencement. Il y vint trois archers d'Angers pour ayder aux commis à sérer le sol par livre...
[9] Arch. anc. de la Mairie, BB, reg. 76, fol. ; reg. 79, fol. 62, etc.
[10] V. le Journal de Valuche.
[11] Chap. IX.
[12] V. le texte de ces Arrêts, Arch. anc. de la Mairie, BB, reg. 81, fol. 99-101.
[13] Sur toutes ces exactions, voir les registres 75-81.
[14] Histoire de l'Anjou, p. 497, 498. — Arch. anc. de la Mairie, BB, reg. 76, fol. 158.
[15] Arch. anc. de la Mairie, série II (Cartulaire analysé), t. VIII, fol. 9-12.
[16] Arch. anc. de la Mairie, série II (Cartulaire analysé), t. IX, fol. 41 et suiv.
[17] Arch. anc. de la Mairie, BB, reg. 76, fol. 105-107.
[18] Arch. anc. de la Mairie, BB, reg. 76, fol. 226-243.
[19] Arch. de Maine-et-Loire, série E, 3252.
[20] Arch. anc. de la Mairie, série II (Cartulaire analysé), t. IX, fol. 44, 45.
[21] Arch. anc. de la Mairie, BB, reg, 81, fol. 55, 56.
[22] Arch. anc. de la Mairie, II (Cartulaire analysé), t. IX, fol. 45, 46.
[23] Arch. anc. de la Mairie, BB, reg. 80, fol. 190.
[24] Arch. anc. de la Mairie, BB, reg. 80, fol. 193-205.
[25] Reg. 81, fol. 1, 2.
[26] Reg. 81, fol. 3-31.
[27] Reg. 81, fol. 32.
[28] Reg. 81, fol. 42-44.
[29] Reg. 81, fol. 44-54.
[30] Reg. 81, fol. 66-69, 76-79.
[31] Reg. 81, fol. 62-70.
[32] Lettre citée par M. Godard-Faultrier (Journal de Maine-et-Loire, 5 avril 1843), d'après les Archives de Milly.
[33] Arch. anc. de la Mairie, BB, reg. 81, fol. 78, 79.
[34] Reg. 81, fol. 77-89.
[35] Reg. 81, fol. 95-105.
[36] Reg. 81, fol. 121-127. — Journal du curé Jousselin, publié par M. C. Port, à la suite de son Inventaire des Arch. anc. de la Mairie, p. 431.
[37] Journal de Jousselin, ubi supra, p. 431.
[38] Reg. 81, fol. 127.
[39] Mss. 874 de la Bibliothèque d'Angers, pièce n° 2.
[40] Mss. de Thouraille, fol. 489, cité par M. Port.
[41] Vies de P. Ayrault, Guillaume Ménage et Mathieu Ménage (traduites par Bordier-Langlois), p. 96, 97.
[42] Arch. de Maine-et-Loire, série G, 1165 (Registre capitulaire de Saint-Pierre d'Angers, fol. 240).
[43] Arch. anc. de la Mairie, BB, reg. 81, fol. 148, 149.
[44] Reg. 81, fol. 127, 135, 141. — Jousselin, 432.
[45] Reg. 81, fol. 149, 150.
[46] Ce qui ne contribua pas à diminuer la haine que leur portait le parti populaire.
[47] Reg. 81, fol. 134, 135.
[48] Reg. 81, fol. 135-148.
[49] Reg. 81, fol. 173-177.
[50] Omer Talon, Mémoires (Lit de justice du 15 janvier 1648), édit. Michaud, p. 212.