L'ÉGLISE CATHOLIQUE ET L'ÉTAT

 

APPENDICE.

 

 

XV

ENCYCLIQUE VEHEMENTER NOS

(11 février 1906)

 

AUX ARCHEVÊQUES ÉVÊQUES

AU CLERGÉ ET A TOUT LE PEUPLE FRANCAIS

À NOS BIEN-AIMÉS FILS,

FRANÇOIS-MARIE RICHARD, CARDINAL PRÊTRE DE LA S. É. R.

Archevêque de Paris

VICTOR-LUCIEN LECOT, CARDINAL-PRÊTRE DE LA S. É. R.

Archevêque de Bordeaux

PIERRE-HECTOR COULLIÉ, CARDINAL-PRÊTRE DE LA S. É. R.

Archevêque de Lyon

JOSEPH-GUILLAUME LABOURÉ, CARDINAL-PRÊTRE DE LA S. É. R.

Archevêque de Rennes

ET À TOUS NOS VÉNÉRABLES FRÈRES

LES ARCHEVÊQUES ET ÉVÊQUES

ET A TOUT LE CLERGÉ ET LE PEUPLE FRANÇAIS

PIE X, PAPE

VÉNÉRABLES FRÈRES, BIEN-AIMÉS FILS,

SALUT ET BÉNÉDICTION APOSTOLIQUE

[Traduction officielle.]

 

Notre âme est pleine d'une douloureuse sollicitude et Notre cœur se remplit d'angoisse quand Notre pensée s'arrête sur vous. Et comment en pourrait-il être autrement, en vérité, au lendemain de la promulgation de la loi qui, en brisant violemment les liens séculaires par lesquels votre nation était unie au Siège apostolique, crée à l'Église catholique en France une situation indigne d'elle et lamentable à jamais !

Evénement des plus graves, sans doute, que celui-là ; événement que tous les bons esprits doivent déplorer, car il est aussi funeste à la société civile qu'à la religion ; mais événement qui n'a pu surprendre personne, pourvu que l'on ait prêté quelque attention à la politique religieuse suivie en France Taus ces dernières années. Pour vous, Vénérables Frères, elle n'aura été bien certainement ni une nouveauté ni une surprise, témoins que vous avez été des coups si nombreux et si redoutables tour il tour portés par l'autorité publique à la religion. Vous avez vu violer la sainteté et l'inviolabilité du mariage chrétien par des dispositions législatives en contradiction formelle avec elles ; laïciser les écoles et les hôpitaux arracher les clercs à leurs études et à la discipline ecclésiastique pour les astreindre au service ; disperser et dépouiller les Congrégations religieuses et réduire la plupart du temps leurs membres au dernier dénuement. D'autres mesures légales ont suivi que vous connaissez tous : on a abrogé la loi qui ordonnait des prières publiques au début de chaque session parlementaire et à la rentrée des tribunaux ; supprimé les signes de deuil traditionnels à bord des navires, le Vendredi Saint ; effacé du serment judiciaire ce qui en faisait le caractère religieux ; banni des tribunaux, des écoles, de l'armée, de la marine, de tous les établissements publics enfin, tout acte et tout emblème qui pouvait d'une façon quelconque rappeler la religion. Ces mesures et d'autres encore, qui, peu à peu, séparaient de fait l'Église de l'État, n'étaient rien autre chose que des jalons placés dans le but d'arriver à la séparation complète et officielle : leurs promoteurs eux-mêmes n'ont pas hésité à le reconnaître hautement et maintes fois.

Pour écarter une calamité si grande, le Siège apostolique, au contraire, n'a absolument rien épargné. Pendant que, d'un côté, il ne se lassait pas d'avertir ceux qui étaient à la tète des affaires françaises, et qu'il les conjurait à plusieurs reprises de bien peser l'immensité des maux qu'amènerait infailliblement leur politique séparatiste, de l'autre, il multipliait vis-à-vis de la France les témoignages éclatants de sa condescendante affection.

Il avait le droit d'espérer ainsi, grâce aux liens de la reconnaissance, de pouvoir retenir ces politiques sur la pente et de les amener enfin à renoncer à leurs projets.

Mais attentions, bons efforts, offices tant de la part de Notre Prédécesseur que de la Nôtre, tout est resté sans effets. Et la violence des ennemis de la religion a fini par emporter de vive force ce à quoi pendant longtemps ils avaient prétendu, à l'encontre de vos droits de nation catholique et de tout ce que pouvaient souhaiter les esprits qui pensent sagement. C'est. pourquoi, dans une heure aussi grave pour l'Église, conscient de Notre charge apostolique, Nous avons considéré comme un devoir d'élever Notre voix et de vous ouvrir Notre ;bile, à vous, Vénérables Frères, à votre clergé et à votre peuple, vous tous que nous avons toujours entourés d'une tendresse particulière, niais qu'en ce moment, comme c'est bien juste, Nous aimons plus tendrement que jamais.

Qu'il faille séparer l'État de l'Église, c'est une thèse absolument fausse, une très pernicieuse erreur.

Basée en effet, sur ce principe que l'État ne doit reconnaître aucun culte religieux, elle est tout d'abord très gravement injurieuse pour Dieu ; car le Créateur de l'homme est aussi le Fondateur des sociétés humaines, et il les conserve dans l'existence comme il nous y soutient. Nous lui devons donc non seulement un culte privé, mais un culte public et social pour l'honorer.

En outre, cette thèse est la négation très claire de l'ordre surnaturel. Elle limite en effet l'action de l'État à la seule poursuite de la prospérité publique durant cette vie, qui n'est que la raison prochaine des sociétés politiques ; et elle ne s'occupe en aucune façon, comme lui étant étrangère, de leur raison dernière, qui est la béatitude éternelle proposée à l'homme quand cette vie si courte aura pris fin. Et pourtant l'ordre présent des choses, qui se déroule dans le temps, se trouvant subordonné la conquête de ce bien suprême absolu, non seulement le pouvoir civil ne doit pas faire obstacle à cette conquête, mais il doit encore nous y aider.

Cette thèse bouleverse également -l'ordre très sagement établi par Dieu dans le monde, ordre qui exige une harmonieuse concorde entre les deux sociétés. Ces deux sociétés, la société religieuse et la société civile, ont en effet les mêmes sujets, quoique chacune d'elles exerce dans sa sphère propre son autorité sur eux. Il en résulte forcément qu'il y aura bien des matières dont elles devront connaître l'une et l'autre, comme étant de leur ressort a toutes deux. Or, qu'entre l'État et l'Église l'accord vienne à disparaître, et de ces matières communes pulluleront facilement les germes de différends, qui deviendront très aigus des deux côtés ; la notion du vrai en sera troublée et les aines remplies d'une grande anxiété.

Enfin, cette thèse inflige de graves dommages à la société civile elle-même, car elle ne peut pas prospérer ni durer longtemps lorsqu'on n'y fait point sa place à la religion, règle suprême et souveraine maîtresse quand il s'agit des droits de l'homme et de ses devoirs.

Aussi, les Pontifes romains n'ont-ils pas cessé, suivant les circonstances et selon les temps, de réfuter et de condamner la doctrine de la séparation de l'Église et de l'État. Notre illustre Prédécesseur Léon XIII, notamment, a plusieurs fois et magnifiquement exposé ce que devraient être, suivant la doctrine catholique, les rapports entre les deux sociétés. Entre elles, a-t-il dit, il faut nécessairement qu'une sage union intervienne, union qu'on peut, non sans justesse, comparer à celle qui réunit dans l'homme l'âme et le corps. Quædam intercedat necesse est ordinata colligatio (inter illas), quæ quidem conjunctioni non immerito comparatur, per quam anima et corpus in homine copulantur. Il ajoute encore : Les sociétés humaines ne peuvent pas, sans devenir criminelles, se conduire comme si Dieu n'existait pas ou refuser de se préoccuper de la religion comme si elle leur était chose étrangère ou qui ne leur pût servir en rien... Quant à l'Église, qui a Dieu lui-même pour auteur, l'exclure de la vie active de la nation, des lois, de l'éducation de la jeunesse, de la société domestique, c'est commettre une grande et pernicieuse erreur, Civitates non possunt, citra scelus, gerere se tamquam si Deus omnino non esset, aut curam religionis velut alienam nihilque profuturam abjicere... Ecclesiam vero, quam Deus ipso constituit, ab actione vitæ excludere, a legibus, ab institutione adolescentium, a societate domestica, magnus et perniciosas est error.

Que si, en se séparant de l'Église un État chrétien, quel qu'il soit, commet un acte éminemment funeste et blâmable, combien n'est-il pas à déplorer que la France se soit engagée dans cette voie, alors que moins encore que toutes les autres nations, elle n'eût dû y entrer !

La France, disons Nous, qui, dans le cours des siècles, a été de la part de ce Siège apostolique l'objet d'une si grande et si singulière prédilection : la France dont la fortune et la gloire ont toujours été intimement unies à la pratique des mœurs chrétiennes et au respect de la religion !

Le même Pontife Léon XIII avait donc bien raison de dire : La France ne saurait oublier mie sa providentielle destinée l'a unie au Saint-Siège par des liens trop étroits et trop anciens pour qu'elle veuille jamais les briser. De cette union, en effet, sont sorties ses vraies grandeurs et sa gloire la plus pure Troubler cette union traditionnelle serait enlever a la nation elle-même une partie de sa force morale et de sa haute influence dans le monde.

Les liens qui consacraient cette union devaient être d'autant plus inviolables qu'ainsi l'exigeait la foi jurée des traités.

Le Concordat passé entre le Souverain Pontife et le Gouvernement français, comme du reste tous les traités du même genre que les Etats concluent entre eux, était un contrat bilatéral qui obligeait des deux côtés.

Le Pontife roumain d'une part, le chef de la nation française de l'autre, s'engagèrent donc solennellement, tant pour eux que leurs successeurs. à maintenir inviolablement le pacte qu'ils signaient. Il en résultait que le Concordat avait pour règle la règle de tous les traités internationaux, c'est-à-dire le droit des gens, et qu'il ne pouvait en aucune manière être annulé par le fait de l'une seule des deux parties ayant contracté. Le Saint-Siège a toujours observé avec une fidélité scrupuleuse les engagements qu'il avait souscrits, et de tous temps il a réclamé que l'État fit preuve de la même fidélité. C'est là une vérité qu'aucun juge impartial ne peut nier.

Or, aujourd'hui, l'État abroge de sa seule autorité le pacte solennel qu'il avait signé.

Il transgresse ainsi la foi jurée.

Et, pour rompre avec l'Église, pour s'affranchir de son amitié, ne reculant devant rien. il n'hésite pas plus à infliger au Siège apostolique l'outrage qui résulte de cette violation du droit des gens qu'a ébranler l'ordre social et politique lui-même, puisque, pour la sécurité réciproque de leurs rapports mutuels, rien n'intéresse autant les nations qu'une fidélité inviolable dans le respect sacré des traités.

La grandeur de l'injure infligée au Siège apostolique par l'abrogation unilatérale du Concordat s'augmente encore — et d'une façon singulière — quand on se prend à considérer la forme dans laquelle l'État a effectué cette abrogation.

C'est un principe, admis sans discussion dans le droit des gens et universellement observé par toutes les nations, que la rupture d'un traité doit être préventivement et régulièrement notifiée, d'une manière claire et explicite, à l'autre partie contractante par celle qui a l'intention de dénoncer le traité.

Or, non seulement aucune dénonciation de ce genre n'a été faite au Saint-Siège, mais aucune indication quelconque ne lui a même été donnée à ce sujet. En sorte que le Gouvernement français n'a pas hésité à manquer vis-à-vis du Siège apostolique aux égards ordinaires et à la courtoisie dont on ne se dispense même pas vis-à-vis des Etats les plus petits.

Et ses mandataires, qui étaient pourtant les représentants d'une nation catholique, n'ont pas craint de traiter avec mépris la dignité et le pouvoir (lu pontife, chef suprême de l'Église, alors qu'ils auraient dû avoir pour cette puissance un respect supérieur à celui qu'inspirent toutes les autres puissances politiques, et d'autant plus grand que, d'une part, cette puissance a trait au bien éternel des âmes et que, sans limites, de l'autre. elle s'étend partout.

Si Nous examinons maintenant en elle-même la loi qui vient d'être promulguée, Nous y trouvons une raison nouvelle de Nous plaindre encore plus énergiquement. Puisque l'État, rompant les liens du Concordat, se séparait de l'Église, il eut dû, comme conséquence naturelle, lui laisser son indépendance et lui permettre de jouir en paix du droit commun dans la liberté qu'il prétendait lui concéder. Or, rien n'a été moins fait en vérité : nous relevons en effet dans la loi plusieurs mesures d'exception, qui, odieusement restrictives, mettent l'Église sous la domination da pouvoir civil.

Quant à Nous, ce Nous a été une douleur bien amère que de voir l'État faire ainsi invasion dans des matières qui sont du ressort exclusif de la puissance ecclésiastique ; et Nous en gémissons d'autant plus qu'oublieux de l'équité et de la justice il a créé par là à l'Église de France une situation dure, accablante et oppressive de ses droits les plus sacrés.

Les dispositions de la nouvelle loi sont en effet contraires à la constitution suivant laquelle l'Église a été fondée par Jésus-Christ. L'Écriture nous enseigne, et la tradition des Pères nous le confirme, que l'Église est le corps mystique du Christ, corps régi par des Pasteurs et des Docteurs[1] — société d'hommes, dès lors, au sein de laquelle des chefs se trouvent qui ont de pleins et parfaits pouvoirs pour gouverner, pour enseigner et pour juger[2]. Il en résulte que cette Église est par essence une société inégale, c'est.-à-dire une société comprenant deux catégories de personnes, les Pasteurs et le troupeau, ceux qui occupent un rang dans les différents degrés de la hiérarchie et la multitude des fidèles. Et ces catégories sont tellement distinctes entre elles que dans le corps pastoral seul résident le droit et l'autorité nécessaire pour promouvoir et diriger tous les membres vers la fin de la société ; quant à la multitude, elle n'a pas d'autre devoir que celui de se laisser conduire et, troupeau docile, de suivre ses Pasteurs.

Saint Cyprien, martyr, exprime cette vérité d'une façon admirable quand il écrit : Notre-Seigneur, dont nous devons révérer et observer les préceptes, réglant la dignité épiscopale et le mode d'être de son Église, dit dans l'Évangile, en s'adressant à Pierre : Ego dico tibi quia tu es Petrus, etc. ... Aussi, à travers les vicissitudes des âges et des événements, l'économie de l'Épiscopat et la Constitution de l'Église se déroulent de telle sorte que l'Église repose sur les évêques et que toute sa vie active est gouvernée par eux : Dominus noster, cujus prœcepta metuere et servare debemus, Episcopi honorem et Ecclesiæ suæ rationem disponens, in Evangelio loquitur et dicit Petro : Ego dico tibi quia tu es Petrus, etc. ... Inde per temporum et successionum vices Episcoporum ordinatio et Ecclesiæ ratio decurit, ut Ecclesia super Episcopos constituatur et ovnis accus Ecclesiæ per eosdem præpositos gubernetur[3]. Saint Cyprien affirme que tout cela est fondé sur une loi divine, divina lege fondatum. Contrairement à ces principes, la loi de séparation attribue l'administration et la tutelle du culte public, non pas au corps hiérarchique divinement institué par le Sauveur, mais à une association de personnes laïques. A cette association elle impose une forme, une personnalité juridique, et, pour tout ce qui touche au culte religieux, elle la considère comme ayant seule des droits civils et des responsabilités à ses yeux. Aussi est-ce à cette association que reviendra l'usage des temples et des édifices sacrés, c'est elle qui possédera tous les biens ecclésiastiques meubles et immeubles ; c'est elle qui disposera, quoique d'une manière temporaire seulement, des évêchés, des presbytères et des séminaires ; c'est elle enfin qui administrera les biens, réglera les quêtes et recevra les aumônes et les legs destinés au culte religieux. Quant au corps hiérarchique des pasteurs, on fait sur lui un silence absolu. Et si la loi prescrit que les associations cultuelles doivent être constituées conformément aux règles d'organisation générale du culte dont elles se proposent d'assurer l'exercice, d'autre part, on a bien soin de déclarer que, dans tous les différends qui pourront naître relativement à leurs biens, seul le Conseil d'État sera compétent. Ces associations cultuelles elles-mêmes seront donc vis-à-vis de l'autorité civile dans une dépendance telle que l'autorité ecclésiastique, et c'est manifeste, n'aura plus sur elles aucun pouvoir. Combien toutes ces dispositions seront blessantes pour l'Église et contraires à ses droits et à sa constitution divine, il n'est personne qui ne l'aperçoive au premier coup d'œil. Sans compter que la loi n'est pas conçue sur ce point en des termes nets et précis, qu'elle s'exprime d'une façon très vague et se prêtant largement à l'arbitraire, et qu'on peut, dès lors, redouter de voir surgir, de son interprétation même, de plus grands maux.

En outre, rien n'est plus contraire à la liberté de l'Église que celte loi. En effet, quand, par suite de l'existence des Associations cultuelles, la loi de séparation empêche les pasteurs d'exercer la plénitude de leur autorité et de leur charge sur le peuple des fidèles ; quand elle attribue la juridiction suprême sur ces associations au Conseil d'État et qu'elle les soumet à toute une série de prescriptions en dehors du droit commun qui rendent leur formation difficile et plus difficile encore leur maintien ; quand, après avoir proclamé la liberté du culte, elle en restreint l'exercice par de multiples exceptions ; quand elle dépouille l'Église de la police intérieure des temples pour en investir l'État ; quand elle entrave la prédication de la foi et de la morale catholiques et édicte contre les clercs un régime pénal sévère et d'exception ; quand elle sanctionne ces dispositions et plusieurs autres dispositions semblables, où l'arbitraire peut aisément s'exercer, que fait-elle donc sinon placer l'Église dans une sujétion humiliante, et, sous le prétexte de protéger l'ordre public, ravir à des citoyens paisibles, qui forment encore l'immense majorité en France, le droit sacré d'y pratiquer leur propre religion ? Aussi n'est-ce pas seulement en restreignant l'exercice de son culte, auquel la loi de séparation réduit faussement toute l'essence de la religion, que l'État blesse l'Église, c'est encore en faisant obstacle à son influence toujours si bienfaisante sur le peuple et en paralysant de mille manières différentes son action. C'est ainsi, entre autres choses, qu'il ne lui a pas suffi d'arracher à cette Église les Ordres religieux, ses précieux auxiliaires dans le sacré ministère, dans l'enseignement, dans l'éducation, dans les œuvres de charité chrétienne, mais qu'elle la prive encore des ressources qui constituent les moyens humains nécessaires à son existence et à l'accomplissement de sa mission.

Outre les préjudices et les injures que nous avons relevés jusqu'ici, la loi de séparation viole encore le droit de propriété de l'Église et elle le foule aux pieds. Contrairement à toute justice, elle dépouille cette Église d'une grande partie d'un patrimoine qui lui appartient pourtant à des titres aussi multiples que sacrés ; elle supprime et annule toutes les fondations pieuses très légalement consacrées au culte divin ou à la prière des trépassés. Quant aux ressources que la libéralité catholique avait constituées pour le maintien des écoles chrétiennes on pour le fonctionnement de différentes œuvres de bienfaisance cultuelles, elle les transfère à des établissements laïques né l'on chercherait vainement d'ordinaire le moindre vestige de religion. En quoi elle ne viole pas seulement les droits de l'Église, mais encore la volonté formelle et explicite des donateurs et des testateurs.

Il nous est extrêmement douloureux aussi qu'au mépris de tous les droits la loi déclare propriété de l'État, des départements ou des communes, tous les édifices ecclésiastiques antérieurs au Concordat. Et si la loi en concède l'usage indéfini et gratuit. aux Associations cultuelles, elle entoure cette concession de tant et de telles réserves qu'en réalité elle laisse aux pouvoirs publics-la liberté d'en disposer.

Nous avons, de plus, les craintes les plus véhémentes en ce qui concerne la sainteté de ces temples, asiles augustes de la majesté divine et lieux mille fois chers, à cause de leurs souvenirs, à la piété du peuple français. Car ils sont certainement en danger, s'ils tombent entre des mains laïques, d'être profanés.

Quand la loi, supprimant le budget des cultes, exonère ensuite l'État de l'obligation de pourvoir aux dépenses cultuelles, en même temps elle viole un engagement contracté dans une convention diplomatique et elle blesse très gravement la justice. Sur ce point, en effet, aucun doute n'est possible, et les documents historiques eux-mêmes en témoignent de la façon la plus claire : si le Gouvernement français assuma dans le Concordat la charge d'assurer aux membres du clergé un traitement qui leur permit de pourvoir, d'une façon convenable, à leur entretien et à celui du culte religieux, il ne fit point cela à titre de concession gratuite : il s'y obligea à titre de dédommagement, partiel au moins, vis-à-vis de l'Église, dont l'État s'était approprié les biens pendant la première Révolution. D'autre part aussi, quand, dans ce même Concordat et par amour de la paix le Pontife romain s'engagea ; en son nom et au nom de ses successeurs, à ne pas inquiéter les détenteurs des biens qui avaient été ainsi ravis à l'Église. il est certain qu'il ne fit cette promesse qu'à une condition : c'est que le Gouvernement français s'engagerait à perpétuité à doter le clergé d'une façon convenable et à pourvoir aux frais du culte divin.

Enfin — et comment pourrions-Nous bien Nous taire sur ce point ? — en dehors des intérêts de l'Église qu'elle blesse, la nouvelle loi sera aussi des plus funestes à votre pays. Pas de doute, en effet, qu'elle ne ruine lamentablement l'union et la concorde des limes. Et cependant, sans cette union et sans cette concorde aucune nation ne peut vivre ou prospérer. Voilà pourquoi, dans la situation présente de l'Europe surtout, cette harmonie parfaite forme le vœu le plus ardent de tous ceux en France qui, aimant vraiment leur pays, ont encore à cœur le salut de la patrie. Quant à Nous, à l'exemple de Notre Prédécesseur, et héritier de sa prédilection toute particulière pour votre nation, Nous Nous sommes efforcé sans doute de maintenir la religion de vos aïeux dans l'intégrale possession de tous ses droits parmi vous : mais, en même temps et toujours, ayant devant les yeux cette paix fraternelle dont le lien le plus étroit est certainement la religion, Nous avons travaillé à vous raffermir tous dans l'union. Aussi Nous ne pouvons pas voir sans la plus vive angoisse que le Gouvernement français vient d'accomplir un acte qui, en attisant sur le terrain religieux des passions excitées déjà d'une façon trop funeste, semble de nature à bouleverser de fond en comble tout votre pays.

C'est pourquoi, Nous souvenant de Notre charge apostolique et conscient de l'impérieux devoir qui Nous incombe de défendre contre toute attaque et de maintenir dans leur intégrité absolue les droits inviolables et sacrés de l'Église, en vertu de l'autorité suprême cille Dieu Nous a conférée, Nous, pour les motifs exposés ci-dessus, Nous réprouvons et Nous condamnons la loi votée en France sur la séparation de l'Église et de l'État comme profondément injurieuse vis-à-vis de Dieu, qu'elle renie officiellement en posant en principe que la République ne reconnait aucun culte. Nous la l'éprouvons et condamnons comme violant le droit naturel, le droit des gens et la fidélité publique due aux traités ; comme contraire à la constitution divine de l'Église, à ses droits essentiels et à sa liberté ; comme renversant la justice et foulant aux pieds les droits de propriété que l'Église a acquis à des titres multiples et, en outre, en vertu du Concordat. Nous la réprouvons et condamnons comme gravement offensante pour la dignité de ce Siège apostolique, pour Notre Personne, pour l'Episcopat, pour le clergé et pour tous les catholiques français.

En conséquence, Nous protestons solennellement et de toutes Nos forces contre la proposition, contre le vote et contre la promulgation de cette loi, déclarant qu'elle ne pourra jamais être alléguée contre les droits imprescriptibles et immuables de l'Église pour les infirmer.

Nous devions faire entendre ces graves paroles et vous les adresser à Vous, Vénérables Frères, au peuple de France. et au monde chrétien tout entier, pour dénoncer le fait qui vient de se produire. Assurément, profonde est Notre tristesse, comme Nous l'avons déjà dit, quand par avance Nous mesurons du regard les maux que cette loi va déchaîner sur un peuple si tendrement aimé par Nous. Et elle nous émeut plus profondément encore par la pensée des peines, des souffrances, des tribulations, de tout genre qui vont vous incomber à Vous aussi, Vénérables Frères et à votre clergé tout entier. Mais, pour nous garder, au milieu de sollicitudes si accablantes, contre toute affliction excessive et contre tous les découragements, Nous avons le ressouvenir de la Providence divine, toujours si miséricordieuse, et l'espérance mille fois vérifiée que jamais Jésus-Christ n'abandonnera son Église, que jamais il ne la privera de son indéfectible appui. Aussi, sommes-Nous bien loin d'éprouver la moindre crainte pour cette Église. Sa force est divine, comme son immuable stabilité : l'expérience des siècles le démontre victorieusement. Personne n'ignore en effet les calamités innombrables et plus terribles les unes que les autres qui ont fondu sur elle pendant cette longue durée : et, là où toute institution purement humaine eût dû nécessairement s'écrouler, l'Église a toujours puisé dans ses épreuves une force plus vigoureuse et une plus opulente fécondité.

Quant aux lois de persécution dirigées contre elle — l'histoire nous enseigne, et dans des temps assez rapprochés la France elle-même nous le prouve, — forgées par la haine, elles finissent toujours par être abrogées avec sagesse, quand devient manifeste le préjudice qui en découle pour les Etats. Plaise à Dieu que ceux qui, en ce moment, sont au pouvoir en France, suivent bientôt sur ce point l'exemple de ceux qui les y précédèrent ! Plaise à Dieu qu'aux applaudissements de tous les gens de bien ils ne tardent pas à rendre à la religion, source de civilisation et de prospérité pour les peuples, avec l'honneur qui lui est dû, la liberté.

En attendant, et aussi longtemps que durera une persécution oppressive, revêtus des armes de lumière[4], les enfants de l'Église doivent agir de toutes leurs forces pour la vérité et pour la justice ; c'est leur devoir toujours, c'est leur devoir aujourd'hui plus que jamais.

Dans ces saintes luttes, Vénérables Frères, vous qui devez être les maitres et les guides de tous les autres, vous apporterez toute l'ardeur de ce zèle vigilant et infatigable dont, de tout temps, l'épiscopat français a fourni, à sa louange, des preuves. si connues de tous. Mais par-dessus tout, Nous voulons — car c'est une chose d'une importance extrême, — que dans tous les projets que vous entreprendrez pour la défense de l'Église vous vous efforciez de réaliser la plus parfaite union de cœur et de volonté.

Nous sommes fermement résolu à vous adresser en temps opportun des instructions pratiques, pour qu'elles vous soient une règle de conduite sûre au milieu des grandes difficultés de l'heure présente. Et Nous sommes certain d'avance que vous vous y conformerez très fidèlement. Poursuivez cependant l'œuvre salutaire que vous faites ; ravivez le plus possible la piété parmi les fidèles ; promouvez et vulgarisez de plus en plus l'enseignement de la doctrine chrétienne ; préservez toutes les âmes qui vous sont confiées des erreurs et des séductions qu'aujourd'hui elles rencontrent de tant de côtés : instruisez, prévenez, encouragez, consolez votre troupeau ; acquittez-vous enfin vis-à-vis de lui de tous les devoirs que vous impose votre charge pastorale. Dans cette œuvre, vous aurez sans aucun doute comme collaborateur infatigable votre clergé. Il est riche en hommes remarquables par leur piété, leur science, leur attachement au Siège apostolique et Nous savons qu'il est toujours prêt à se dévouer sans compter, sous votre direction, pour le triomphe de l'Église et pour le salut éternel du prochain.

Bien certainement aussi, les membres de ce clergé comprendront que, dans cette tourmente, ils doivent avoir au cœur les sentiments qui furent jadis ceux des apôtres ; ils se réjouiront d'avoir été jugés dignes de souffrir des opprobres pour le nom de Jésus : Gaudentes..... quoniam digni habiti sunt pro nomine Jesu contumeliam pati[5]. Ils revendiqueront donc vaillamment les droits et la liberté de l'Église, mais sans offenser personne. Bien plus, soucieux de garder la charité, comme le doivent, surtout des ministres de Jésus-Christ, ils répondront à l'iniquité par la justice, aux outrages par la douceur et aux mauvais traitements par des bienfaits.

Et maintenant, c'est à vous que Nous Nous adressons, catholiques de France ; que Notre parole vous parvienne à tous comme un témoignage de la très tendre bienveillance avec laquelle nous ne cessons pas d'aimer votre pays, et comme un réconfort au milieu des calamités redoutables qu'il va falloir traverser. Vous savez le but que se sont assigné les sectes. impies qui courbent vos têtes sous leur joug, car elles l'ont elles-mêmes proclamé avec une cynique audace : décatholiciser la France. Elles veulent arracher de vos cœurs, jusqu'à la dernière racine, la foi qui a comblé vos pères de gloire, la foi qui vous soutient dans l'épreuve, qui maintient la tranquillité et la paix à votre foyer et qui vous ouvre la voie vers l'éternelle félicité. C'est de toute votre âme, vous le sentez bien, qu'il vous faut défendre cette foi. Mais ne vous y méprenez pas : travail et efforts seraient inutiles si vous tentiez de repousser les assauts qu'on vous livrera sans être fortement unis. Abdiquez donc tous les germes de désunion, s'il en existait parmi vous. Et faites le nécessaire pour que, dans la pensée comme dans l'action, votre union soit aussi ferme qu'elle doit l'être parmi des hommes qui combattent pour la même cause, surtout quand cette cause est de celles au triomphe de qui chacun doit volontiers sacrifier quelque chose de ses propres opinions. Si vous voulez, dans la limite de vos forces, et comme c'est votre devoir impérieux, sauver la religion de vos ancêtres des dangers qu'elle court, il est de toute nécessité que vous déployiez, dans une large mesure, vaillance et générosité. Cette générosité, vous l'aurez, Nous en sommes sûrs ; et en vous montrant ainsi charitables vis-à-vis de ses ministres, vous inclinerez Dieu à se montrer de plus en plus charitable vis-à-vis de vous.

Quant à la défense de la religion, si vous voulez l'entreprendre d'une manière digne d'elle, la poursuivre sans écarts et avec efficacité, deux choses importent avant tout : vous devez d'abord vous modeler si fidèlement sur les préceptes de la loi chrétienne que vos actes et votre vie tout entière honorent la foi dont vous faites profession ; vous devez ensuite demeurer très étroitement unis avec ceux à qui il appartient en propre de veiller ici-bas sur la religion, avec vos prêtres, avec, vos évêques, et surtout avec ce Siège apostolique, qui est le pivot de la foi catholique et de tout ce qu'on peut faire en son nom. Ainsi armés pour la lutte, marchez sans crainte à la défense de l'Église ; mais ayez bien soin que votre confiance se fondé tout entière sur le Dieu dont vous soutiendrez la cause, et, pour qu'il vous secoure, implorez-le sans vous lasser.

Pour Nous, aussi longtemps que vous aurez à lutter contre le danger, Nous serons de cœur et d'âme au milieu de vous ; labeurs, peines, souffrances, Nous partagerons tout avec vous ; et, adressant en même temps au Dieu qui a fondé l'Église et qui la conserve nos prières les plus humbles et les plus instantes, Nous le supplierons d'abaisser sur la France un regard de miséricorde, de l'arracher aux flots déchainés autour d'elle, et de lui rendre bientôt, par l'intercession de Marie Immaculée, le calme et la paix.

Comme présage de ces bienfaits célestes et pour vous témoigner Notre prédilection toute particulière, c'est de tout cœur que Nous vous donnons Notre bénédiction apostolique, à vous, Vénérables Frères, à votre Clergé et au Peuple français tout entier,

Donné à Home, auprès de Saint-Pierre, le 11 février de l'année 1906, de Notre Pontificat la troisième[6].

PIE X, pape.

 

XVI

ENCYCLIQUE GRAVISSIMO

(10 août 1906)

 

AUX VÉNÉRABLES FRÈRES

LES ARCHEVÊQUES ET ÉVÊQUES DE FRANCE

PIE X, PAPE

VÉNÉRABLES FRÈRES, SALUT ET BÉNÉDICTION APOSTOLIQUE

(Traduction officielle.)

 

Nous venons Nous acquitter aujourd'hui d'une très grave obligation de Notre charge, obligation assumée à votre égard lorsque Nous annonçâmes, après la promulgation de la loi de rupture entre la République française et l'Église, que Nous indiquerions, en temps opportun, ce qui Nous paraitrait devoir être fait pour défendre et conserver la religion dans votre patrie.

Nous avons laissé se prolonger jusqu'à ce jour l'attente de vos désirs, en raison non seulement de l'importance de cette grave question, mais encore et surtout de la charité toute particulière qui Nous lie à vous et à tous vos intérêts, à cause des inoubliables services rendus à l'Église par votre nation.

Après avoir donc condamné, commue c'était Notre devoir, cette loi inique, Nous avons examiné avec le plus grand soin si les articles de ladite loi Nous laisseraient quelque moyen d'organiser la vie religieuse en France de façon à mettre hors d'atteinte les principes sacrés sur lesquels repose la Sainte Église. A cette fin, il Nous a paru bon de prendre également l'avis de l'épiscopat réuni et de fixer, pour votre assemblée générale, les points qui devraient être le principal objet de vos délibérations. Et maintenant, connaissant votre manière de voir ainsi que celle de plusieurs cardinaux, après avoir mûrement réfléchi et imploré, par les plus ferventes prières, le Père des lumières, Nous voyons que Nous devons pleinement confirmer de Notre autorité apostolique la délibération presque unanime de votre assemblée.

C'est pourquoi, relativement aux associations cultuelles, telles que la loi les impose, Nous décrétons qu'elles ne peuvent absolument pas être formées sans violer lès droits sacrés qui tiennent à la vie elle-même de l'Église.

Mettant donc de côté ces associations, que la conscience de Notre devoir Nous défend d'approuver, il pourrait paraître opportun d'examiner s'il est licite d'essayer, à leur place, quelque autre genre d'association à la fois légal et canonique, et préserver ainsi les catholiques de France des graves complications qui les menacent. A coup sûr, rien ne Nous préoccupe, rien ne Nous tient dans l'angoisse autant que ces éventualités ; et plût au ciel que Nous eussions quelque faible espérance de pouvoir, sans heurter les droits de Dieu, faire cet essai et délivrer ainsi Nos fils bien-aimés de la crainte de tant et si grandes épreuves.

Mais comme cet espoir Nous fait défaut, la loi restant telle quelle, Nous déclarons qu'il n'est point permis d'essayer cet autre genre d'association tant qu'il ne contestera pas, d'une façon certaine et légale, que la divine constitution de l'Église, les droits immuables du Pontife romain et des évêques, comme leur autorité sur les biens nécessaires à l'Église, particulièrement sur les édifices sacrés, seront irrévocablement, dans les dites associations, en pleine sécurité ; vouloir le contraire, Nous ne le pouvons pas sans trahir la sainteté de Notre charge, sans amener la perle de l'Église de France.

Il vous reste donc à vous, Vénérables Frères, de vous mettre à l'œuvre et de prendre tous les moyens que le droit reconnaît à tous les citoyens, pour disposer et organiser le culte religieux. Nous ne vous ferons jamais. en chose si importante et si ardue, attendre Notre concours. Absent de corps, Nous serons avec vous par la .pensée, par le cœur, et Nous vous aiderons en toute occasion, de Nos conseils et de Notre autorité.

Ce fardeau que Nous vous imposons, sous l'inspiration de Notre amour pour l'Église et pour votre patrie, prenez-le courageusement et confiez tout le reste à la bonté prévoyante de Dieu, dont le secours, au moment voulu, Nous en avons la ferme confiance, ne manquera pas à la France.

Ce que vont être, contre Notre présent décret et Nos ordres, les récriminations des ennemis de l'Église, il n'est point difficile de le prévoir. Ils s'efforceront de persuader au peuple que Nous n'avons pas en vue uniquement le salut de l'Église de France ; que Nous avons eu un autre dessein, étranger à la religion ; que la forme de République en France Nous est odieuse, et que Nous secondons, pour la renverser, les efforts des partis adverses ; que Nous refusons aux Français ce que le Saint-Siège a, sans difficulté, accordé à d'autres. Ces récriminations et autres semblables, qui seront, comme le font prévoir certains indices, répandues dans le public pour irriter les esprits, Nous les dénonçons d'ores et déjà et avec toute Notre indignation, comme des faussetés ; et il vous incombe à vous, Vénérables Frères, ainsi qu'à tous les hommes de bien, de les réfuter pour qu'elles ne trompent point les gens simples et ignorants.

En ce qui regarde l'accusation spéciale contre l'Église d'avoir été ailleurs qu'en France plus accommodante dans un cas semblable, vous devez bien expliquer que l'Église en a agi de la sorte parce que toutes différentes étaient les situations, et parce que surtout les divines attributions de la Hiérarchie étaient, dans une certaine mesure, sauvegardées. Si un État quelconque s'est séparé de l'Église en laissant à celle-ci la ressource de la liberté commune à tous et la double disposition de ses biens, il a, sans doute et à plus d'un titre, agi injustement ; niais on ne saurait pourtant dire qu'il ait fait à l'Église une situation entièrement intolérable.

Or, il en est tout autrement aujourd'hui en France : là les fabricateurs de cette loi injuste ont voulu en faire une loi non de séparation, mais d'oppression. Ainsi ils affirmaient leur désir de paix, ils promettaient l'entente, et ils font à la religion du pays une guerre atroce, ils jettent le brandon des discordes les plus violentes et poussent ainsi les citoyens les uns contre les autres, au grand détriment, comme chacun le voit, de la chose publique elle-même.

Sûrement, ils s'ingénieront à rejeter sur Nous la faute de ce conflit et des maux qui en seront la conséquence. Mais quiconque examinera loyalement les faits dont Nous avons parlé dans l'Encyclique Vehementer Nos saura reconnaître si Nous méritons le moindre reproche, Nous qui, après avoir supporté patiemment, par amour pour la chère nation française, injustices sur injustices, sommes finalement mis en demeure de franchir les saintes et dernières limites de Notre devoir apostolique, et déclarons ne pouvoir les franchir ; ou si plutôt la faute appartient tout entière à ceux qui, en haine du nom catholique, sont allés jusqu'à de telles extrémités.

Ainsi donc, que les hommes catholiques de France, s'ils veulent vraiment Nous témoigner leur soumission et leur dévouement, luttent pour l'Église selon les avertissements que Nous leur avons déjà donnés, c'est-à-dire avec persévérance et énergie, sans agir toutefois d'une façon séditieuse et violente. Ce n'est point par la violence mais par la fermeté qu'ils arriveront, en s'enfermant dans leur bon droit comme dans une citadelle, à briser l'obstination de leurs ennemis ; qu'ils comprennent bien, comme Nous l'avons dit et le répétons encore, que leurs efforts seront inutiles s'ils ne s'unissent pas dans une parfaite entente pour la défense de la religion.

Ils ont maintenant, Notre verdict au sujet de cette loi néfaste : ils doivent s'y conformer de plein cœur ; et quels qu'aient été jusqu'à présent, durant la discussion, les avis des uns ou des autres, que nul ne se permette, Nous les en conjurons tous, de blesser qui que ce soit sous prétexte que sa manière de voir était la meilleure. Ce que peuvent l'entente des volontés et l'union des forces, qu'ils l'apprennent de leurs adversaires ; et de même que ceux-ci ont pu imposer à la nation le stigmate de cette loi criminelle, ainsi les Nôtres, par leur entente, pourront l'effacer et le faire disparaître. Dans la dure épreuve de la France, si tous ceux qui veillent défendre de toutes leurs forces les intérêts suprêmes de la Patrie travaillent comme ils le doivent, unis entre eux, avec leurs évêques et Nous-même, pour la cause de la religion, loin de désespérer du salut de l'Église de France, il est à espérer, au contraire, que bientôt elle sera rehaussée à sa dignité et à sa prospérité première. Nous ne doutons aucunement que les catholiques ne donnent entière satisfaction à Nos prescriptions et à Nos désirs aussi cherchons-Nous ardemment à leur obtenir, par l'intercession de MARIE, la VIERGE IMMACULÉE, le secours de la divine Bonté.

Comme gage des dons célestes, et en témoignage de Notre paternelle bienveillance, Nous accordons de grand cœur à Vous, Vénérables Frères, et à toute la nation française, la bénédiction apostolique.

Donné à Rome, près de Saint-Pierre, le 10 août, Pète de saint Laurent, martyr, de l'an MCMVI, quatrième de Notre Pontificat.

PIE X, Pape.

 

XVII

LOI DU 2 JANVIER 1907 CONCERNANT L'EXERCICE PUBLIC DES CULTES

 

ARTICLE PREMIER. — Dès la promulgation de la présente loi, l'État, les départements et les communes recouvreront à titre définitif la libre disposition des archevêchés, évêchés, presbytères et séminaires qui sont leur propriété et dont la jouissance n'a pas été réclamée par une association constituée dans l'année qui a suivi la promulgation de la loi du

9 décembre 1905, conformément aux dispositions de ladite loi.

Cesseront de même, s'il n'a pas été établi d'associations de cette nature, les indemnités de logement incombant aux communes, à défaut de presbytère.

La location des édifices ci-dessus dont les départements ou les communes sont propriétaires devra être approuvée par l'administration préfectorale. En cas d'aliénation par le département, il sera procédé comme dans les cas prévus par l'article 48, paragraphe 1er, de la loi du 10 août 1871.

ART. 2. — Les biens des établissements ecclésiastiques qui n'ont pas été réclamés par des associations constituées dans l'année qui a suivi la promulgation de la loi du 9 décembre 1905, conformément aux dispositions de ladite loi ; seront attribuées à titre définitif, dés la promulgation de la présente loi, aux établissements communaux d'assistance ou de bienfaisance dans les conditions déterminées par l'article 9, premier paragraphe, de ladite loi, sans préjudice des attributions à opérer par application des articles 7 et 8, en ce qui concerne les biens grevés d'une affectation étrangère à l'exercice du culte.

ART. 3. — A l'expiration du délai d'un mois à partir de la promulgation de la présente loi, seront de plein droit supprimées les allocations concédées, par application de l'article 11 de la loi du 9 décembre 1905, aux ministres du culte qui continueront à exercer leurs fonctions dans les circonscriptions ecclésiastiques on n'auront pas été remplies les conditions prévues, soit par la loi du 9 décembre 1905, soit par la présente loi, pour l'exercice public du culte, après infraction dément réprimée.

La déchéance sera constatée par arrêté du ministre des Finances, rendu sur le vu d'un extrait du jugement ou de l'arrêt qui lui est adressé par les soins du ministre de la Justice.

ART. 4. — Indépendamment des associations soumises aux dispositions du titre 1V de la loi du 9 décembre 1905, l'exercice public d'un culte peut être assuré tant au moyen d'associations régies par la loi du 1er juillet 1901 — art. 1er, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 12 et 17 — que par voie de réunions tenues sur initiatives individuelles en vertu de la loi du 30 juin 1881 et selon les prescriptions de l'article 25 de la loi du 9 décembre 1905.

ART. 5. — À défaut d'associations cultuelles, les édifices affectés à l'exercice du culte, ainsi que les meubles les garnissant, continueront, sauf désaffectation dans les cas prévus par la loi du 9 décembre 1905, à être laissés à la disposition des fidèles et des ministres du culte pour la pratique de leur religion.

La jouissance gratuite en pourra être accordée soit à des associations cultuelles constituées conformément aux articles 18 et 19 de la loi du 9 décembre 1905 ; soit à des associations formées en vertu des dispositions précitées de la loi du 1er juillet 1901 pour assurer la continuation de l'exercice public du culte, soit aux ministres du culte dont les noms devront être indiqués dans les déclarations prescrites par l'article 25 de la loi du 9 décembre 1905.

La jouissance ci-dessus prévue desdits édifices et des meubles les garnissant sera attribuée, sous réserve des obligations énoncées par l'article 13 de la loi du 9 décembre 1905, au moyen d'un acte administratif dressé par le préfet pour les immeubles placés sous séquestre et ceux qui appartiennent à l'État et aux départements, par le maire pour les immeubles qui sont la propriété des communes.

Les règles sus-énoncées s'appliqueront aux édifices affectés au culte qui, ayant appartenu aux établissements ecclésiastiques, auront été attribués par décret aux établissements communaux d'assistance ou de bienfaisance par application de l'article 9, paragraphe 1, de la loi du 9 décembre 1905.

ART. 6. — Les dispositions de la loi du 9 décembre 1905 et les décrets portant règlement d'administration publique pour son exécution sont maintenus en tout ce qu'elles n'ont pas de contraire à la présente loi.

 

XVIII

LOI DU28 MARS 1907 RELATIVE AUX RÉUNIONS PUBLIQUES

 

ARTICLE PREMIER. — Les réunions publiques, quel qu'en soit l'objet, pourront être tenues sans déclaration préalable.

ART. 2. — Sont abrogées, en ce qu'elles ont de contraire à la présente loi, les dispositions des lois des 30 juin 1881, 9 décembre 1905 et 2 janvier 1907.

ART. 3. — Des règlements d'administration publique détermineront les conditions dans lesquelles la présente loi et celle du 2 janvier 1907 seront applicables à l'Algérie et aux colonies.

 

XIX

LOI DU 13 AVRIL 1908 MODIFIANT LES ARTICLES 6, 7, 9, 10, 13 ET 14 DE LA LOI DU 9 DÉCEMBRE 1905 SUR LA SÉPARATION DES ÉGLISES ET DE L'ÉTAT

 

ARTICLE PREMIER. — Les paragraphes 2 et 4 de l'article G de la loi du 9 décembre 1905 sont abrogés. Le paragraphe 1er de l'article 9 de ladite loi est abrogé et remplacé par les dispositions suivantes :

§ 1er. — Les biens des établissements ecclésiastiques, qui n'ont pas été réclamés par des associations cultuelles constituées dans le délai d'un an à partir de la promulgation de la loi du 9 décembre 1905, seront attribués par décret à des établissements communaux de bienfaisance ou d'assistance situés dans les limites territoriales de la circonscription ecclésiastique intéressée, ou, à défaut d'établissement de cette nature, aux communes ou sections de communes, sous la condition d'affecter aux services de bienfaisance ou d'assistance tous les revenus ou produits de ces biens, sauf les exceptions ci-après :

1° Les édifices affectés au culte lors de la promulgation de la loi du 9 décembre 1905 et les meubles les garnissant deviendront la propriété des communes sur le territoire desquelles ils sont situés, s'ils n'ont pas été restitués ni revendiqués dans le délai légal.

2° Les meubles ayant appartenu aux établissements ecclésiastiques ci-dessus mentionnés qui garnissent les édifices désignés à l'article 12, paragraphe 2, de la loi du 9 décembre 1905, deviendront la propriété de l'État, des départements et des communes, propriétaires desdits édifices, s'ils n'ont pas été restitués ni revendiqués dans le délai légal.

3° Les immeubles bais, autres que les édifices affectés au culte, qui n'étaient pas productifs de revenus lors de la promulgation de la loi du 9 décembre 1905 et qui n'appartenaient aux menses archiépiscopales et épiscopales, aux chapitres et séminaires, ainsi que les cours et jardins y attenant, seront attribués, par décret, soit à des départements, soit à des communes, soit à des établissements publics pour des services d'assistance ou de bienfaisance ou des services publics.

4° Les biens des menses archiépiscopales et épiscopales, chapitres et séminaires seront, sous réserve de l'application des dispositions du paragraphe précédent, affectés, dans la circonscription territoriale de ces anciens établissements, au payement du reliquat des dettes régulières ou légales de l'ensemble des établissements ecclésiastiques compris dans ladite circonscription, dont les biens n'ont pas été attribués à des associations cultuelles, ainsi qu'au payement de tous frais exposés et de toutes dépenses effectuées relativement à ces biens par le séquestre, sauf ce qui est dit au paragraphe 13 de l'article 3 ci-après. L'actif disponible après l'acquittement de ces dettes et dépenses sera attribué par décret à des services départementaux de bienfaisance ou d'assistance.

En cas d'insuffisance d'actif, il sera -pourvu au payement desdites dettes et dépenses sur l'ensemble des biens ayant fait retour à l'État, en vertu de l'article 5.

5° Les documents, livres, manuscrits et œuvres d'art ayant appartenu aux établissements ecclésiastiques et non visés au 10 du présent. paragraphe pourront être réclamés par l'État, en vue de leur dépôt dans les archives, bibliothèques ou musées et lui être attribués par décret.

6° Les biens des caisses de retraite et maisons de secours pour les prêtres âgés ou infirmes seront attribués par décret à des sociétés de secours mutuels constituées dans les départements où ces établissements avaient leur siège.

Pour être aptes à recevoir ces biens, lesdites sociétés devront être approuvées dans les conditions prévues par la loi du 1er avril 1898, avoir une destination conforme à celle desdits biens, être ouvertes à tous les intéressés et ne prévoir dans leurs statuts aucune amende ni aucun cas d'exclusion fondée sur un motif touchant à la discipline ecclésiastique.

Les biens des caisses de retraite et maisons de secours qui n'auraient pas été réclamés dans le délai de dix-huit mois à dater de la promulgation de la présente loi par des sociétés de secours mutuels constituées dans le délai d'un an de ladite promulgation, seront attribués par décret aux départements où ces établissements ecclésiastiques avaient leur siège, et continueront à être administrés provisoirement au profit des ecclésiastiques qui recevaient des pensions ou des secours ou qui étaient hospitalisés à la date du 15 décembre 1906.

Les ressources non absorbées par le service de ces pensions ou secours seront employées au remboursement des versements que les ecclésiastiques ne recevant ni pensions ni secours justifieront avoir faits aux caisses de retraite.

Le surplus desdits biens sera affecté par les départements à des services de bienfaisance ou d'assistance fonctionnant dans les anciennes circonscriptions des caisses de retraite et maisons de secours.

ART. 2. — Le paragraphe 2 de l'article 7 de la loi du 9 décembre 1905 est abrogé et remplacé par les dispositions suivantes :

Toute action en reprise, qu'elle soit qualifiée en revendication, en révocation ou en résolution, concernant les biens dévolus en exécution du présent article, est soumise aux règles prescrites par l'article 9.

ART. 3. — Le paragraphe 3 de l'article 9 de la loi du 9 décembre 1905 est abrogé et remplacé par les dispositions suivantes :

§ 3. — Toute action en reprise, qu'elle soit qualifiée en revendication, en révocation ou en résolution, doit être introduite dans le délai ci-après déterminé.

Elle ne peut être exercée qu'en raison de donations, de legs ou de fondations pieuses et seulement par les auteurs et leurs héritiers en ligne directe.

Les arrérages de rentes dues aux fabriques pour fondations pieuses ou cultuelles et qui n'ont pas été rachetées cessent d'être exigibles.

Aucune action d'aucune sorte ne pourra être intentée à raison de fondations pieuses antérieures à la loi du 18 germinal an X.

Outre les dispositions interprétatives ci-dessus, le paragraphe 3 de, l'article 9 de la loi du 9 décembre 1905 est complété par les dispositions sui vantes :

§ 4. — L'action peut être exercée contre l'attributaire ou, à défaut d'attribution, contre le directeur général des domaines représentant l'État en qualité de séquestre.

§ 5. — Nul ne pourra introduire une action, de quelque nature qu'elle soit, s'il n'a déposé, deux mois auparavant, un mémoire préalable sur papier non timbré entre les mains du directeur-général des domaines, qui en délivrera un récipissé daté et signé.

§ 6. — Au vu de ce mémoire, et après avis du directeur des domaines, le préfet pourra, en tout état de cause, et quel que soit l'état de la procédure, faire droit à tout ou partie de la demande par un arrêté pris en conseil de préfecture.

§ 7. — L'action sera prescrite si le mémoire préalable n'a pas été déposé dans les six mois à compter de la publication au Journal officiel de la liste des biens attribués ou à attribuer avec les charges auxquelles lesdits biens seront ou demeureront soumis, et si l'assignation devant la juridiction ordinaire n'a pas été délivrée dans les trois mois de la date du récépissé.

Parmi les charges pourra être comprise celle de l'entretien des tombes.

§ 8. — Passé ce délai, les attributions seront définitives et ne pourront plus être attaquées de quelque manière et pour quelque cause que ce soit.

Néanmoins, toute personne intéressée pourra poursuivre devant le Conseil d'État, statuant au contentieux, l'exécution des charges imposées par les décrets d'attribution.

§ 9. — Il en sera de même pour les attributions faites après solution des litiges soulevés dans le délai.

§ 10. — 'l'ont créancier, hypothécaire, privilégié ou autre d'un établissement dont les biens ont été mis sous séquestre, devra, pour obtenir le payement de sa créance, déposer préalablement à toute poursuite un mémoire justificatif de sa demande, sur papier non timbré, avec pièces à l'appui, au directeur général des domaines qui en délivrera un récépissé daté et signé.

§ 11. — Au vu de ce mémoire et sur l'avis du directeur des domaines, le préfet pourra, en tout état de cause, et quel que soit l'état de la procédure, décider, par un arrêté pris en conseil de préfecture, que le créancier sera admis, pour tout ou partie de sa créance. au passif de la liquidation de l'établissement supprimé.

§ 12. — L'action du créancier sera définitivement éteinte, si le mémoire préalable n'a pas été déposé dans les six mois qui suivront la publication au Journal officiel prescrite par le paragraphe 7 du présent article, et si l'assignation devant la juridiction ordinaire n'a pas été délivrée dans les neuf mois de ladite publication.

§ 13. — Dans toutes les causes auxquelles s'appliquent les dispositions de la présente loi, le tribunal statue comme en matière sommaire, conformément au titre XXIX du livre II du Code de procédure civile.

Les frais exposés par le séquestre seront, dans tous les cas, employés en frais privilégiés sur le bien séquestré, sauf recouvrement, contre la partie adverse condamnée aux dépens, ou sur la masse générale des biens, recueillis par l'État.

Le donateur et les héritiers en ligne directe, soit du donateur, soit da testateur, ayant, dès à présent, intenté une action en revendication ou révocation devant les tribunaux civils, sont dispensés des formalités de procédure prescrites par les paragraphes 5, 6 et 7 du présent article.

§ 14. — L'État, les départements. les communes et les établissements publics ne peuvent remplir ni les charges pieuses ou cultuelles, afférentes aux libéralités à eux faites, ou aux contrats conclus par eux, ni les charges dont l'exécution comportait l'intervention soit d'un établissement public du culte, soit de titulaires ecclésiastiques.

Ils ne pourront remplir les charges comportant l'intervention d'ecclésiastiques, pour l'accomplissement d'actes non cultuels, que s'il s'agit de libéralités autorisées antérieurement à la promulgation de la présente loi, et si, nonobstant l'intervention de ces ecclésiastiques, ils conservent un droit de contrôle sur l'emploi desdites libéralités.

Les dispositions qui précèdent s'appliquent au séquestre.

Dans les cas prévus à l'alinéa 1 du présent paragraphe, et en cas d'inexécution des charges visées à l'alinéa 2, l'action en reprise, qu'elle soit qualifiée en revendication, en révocation ou en résolution, ne peut être exercée que par les auteurs des libéralités et leurs héritiers en ligne directe.

Les paragraphes précédents s'appliquent à cette action sous les réserves ci-après :

Le dépôt du mémoire est fait au préfet, et l'arrêté du préfet en conseil de préfecture est pris, s'il y a lieu, après avis de la commission départementale pour le département, du conseil municipal pour la commune et de la commission administrative pour l'établissement public intéressé.

En ce qui concerne les biens possédés par l'État, il sera statué par décret.

L'action sera prescrite si le mémoire n'a pas été déposé dans l'année qui suivra la promulgation de la présente loi, et l'assignation devant la juridiction ordinaire délivrée dans les trois mois (le la date du récépissé.

§ 15. — Les biens réclamés, en vertu du paragraphe 14, à l'État, aux départements, aux communes et à tous établissements publics, ne seront restituables, lorsque la demande ou l'action sera admise. que dans la proportion correspondante aux charges non exécutées, sans qu'il y ait lieu de distinguer si lesdites charges sont ou non déterminantes de la libéralité ou du contrat de fondation pieuse, et sous déduction des frais et droits correspondants payés lors de l'acquisition des biens.

§ 16. — Sur les biens grevés de fondations de messes, l'État, les départements, les communes et les établissements publics possesseurs ou attributaires desdits biens, devront, à défaut de restitution à opérer en vertu du présent article, mettre en réserve la portion correspondant aux charges ci-dessus visées.

Cette portion sera remise aux sociétés de secours mutuels constitués conformément au paragraphe ter, V, de l'article 9 de la loi du 9 décembre 1905, sous la forme de titres de rente nominatifs, à charge par celles-ci d'assurer l'exécution des fondations perpétuelles de messes.

Pour les fondations temporaires, les fonds y afférents seront versés auxdites sociétés de secours mutuels, mais ne bénéficieront pas du taux de faveur prévu par l'article 21 de la loi du 1er avril 1898.

Les titres nominatifs seront remis et les versements faits à la société de secours mutuels qui aura été constituée dans le département, ou à son défaut dans le département le plus voisin.

A l'expiration du délai de dix-huit mois prévu au paragraphe 1er, 6°, ci-dessus visé, si aucune des sociétés de secours mutuels qui viennent d'être mentionnées n'a réclamé la remise des titres ou le versement auquel elle a droit, l'État, les départements, les communes et les établissements publics seront définitivement libérés et resteront propriétaires des biens par eux possédés ou à eux attribués, sans avoir à exécuter aucune des fondations de messes grevant lesdits biens.

La portion à mettre en réserve, en vertu des dispositions précédentes, sera calculée sur la base des tarifs indiqués dans l'acte de fondation ou, à défaut, sur la base des tarifs en vigueur au 9 décembre 1905.

ART. 4. — L'article 10 de la loi du 9 décembre 1905 est complété ainsi qu'il suit :

§ 2. — Les transferts, transcriptions, inscriptions et mainlevées, mentions et certificats seront opérés ou délivrés par les compagnies, sociétés et autres établissements débiteurs et par les conservateurs des hypothèques, en vertu, soit d'une décision de justice devenue définitive, soit d'un arrêté pris par le préfet en conseil de préfecture, soit d'un décret d'attribution.

§ 3. — Les arrêtés et décrets, les transferts, transcriptions, inscriptions et mainlevées, mentions et certificats opérés ou délivrés en vertu desdits arrêtés et décrets ou décisions de justice susmentionnés seront affranchis de droits de timbre, d'enregistrement et de toute autre taxe.

§ 4. — Les attributaires des biens immobiliers seront, dans tous les cas, dispensés de remplir les formalités de purge des hypothèques légales. Les biens attribués seront francs et quittes de toute charge hypothécaire ou privilégiée qui n'unirait pas été inscrite avant le délai de six mois à dater de la publication au Journal officiel, ordonnée par le paragraphe 7.

ART. 5. — L'article 13 de la loi du 9 décembre 1905 est ainsi modifié :

L'État, les départements et les communes pourront engager les dépenses nécessaires pour l'entretien et la conservation des édifices du culte dont la propriété leur est reconnue par la présente loi.

ART. 6. — Le cinquième paragraphe de l'article 14 de la loi du 9 décembre 1905 est complété ainsi qu'il suit :

Ceux de ces immeubles qui appartiennent à l'État pourront être, par décret, affectés ou concédés gratuitement, dans les formes prescrites par l'ordonnance du 14 juin 1833, soit à des services publics de l'État, soit à des services publics départementaux ou communaux.

ART. 7. — Une somme de deux millions sept cent mille francs (2.700.000 fr.), y compris les fonds déjà attribués par le Syndicat des fabriques et consistoires de Paris, sera prélevée sur l'actif résultant de la liquidation de ce syndicat pour garantir au personnel des pompes funèbres de Paris les retraites et les droits acquis ou en cours de formation au 31 décembre 1905, conformément au règlement de la caisse des retraites du 12 décembre 1890, avec ses additions des 12 février 1892, 25 janvier 1895 et 5 février 1897.

Ces retraites, liquidées ou en cours de formation, seront constituées à la Caisse nationale des retraites pour la vieillesse, dans les conditions et limites prévues par la loi du 20 juillet 1886 et le décret du 28 décembre suivant.

Pour le cas où les retraites dépasseraient le maximum de douze cents francs (1.200 fr.), l'excédent sera constitué dans une compagnie d'assurance.

Après le décès des titulaires des pensions liquidées avant le 31 décembre 1905, et pour celles allouées au personnel non repris par la Ville de Paris, mais comptant plus de vingt ans de services au 31 décembre 1905, des pensions seront créées au bénéfice de leurs veuves, dans les conditions prévues au règlement du Syndicat des fabriques et consistoires, par prélèvement sur le reliquat disponible des fonds attribués par la présente loi, qui sera versé à la Caisse des dépôts et consignation.

ART. 8. — Dans le département des Alpes-Maritimes, les revenus des chapellenies et autres établissements ayant existé avant le traité d'annexion, qui étaient affectés, à la date du 15 décembre 1906, à l'entretien de prêtres âgés ou infirmes, recevront l'emploi prévu à l'article 1er, paragraphe 1er, numéro 6, de la présente loi.

 

 

 



[1] Ephes., IV, 11 seq.

[2] Math., XXVIII, 18-20 ; XVI, 18-19 ; XVIII, 17 : Tit., II, 15; II Cor., X, 6 : XII, 10, etc.

[3] S. CYR., Epist. XXVII (al. XXVIII), ad Lapsos, II, 1.

[4] Rom., XIII, 12.

[5] Act., V, 41.

[6] Version française officielle.