L'ÉGLISE CATHOLIQUE ET L'ÉTAT

 

APPENDICE.

 

 

VI

LOI DU 1ER JUILLET 1901 SUR LE CONTRAT D'ASSOCIATION

 

TITRE PREMIER

ARTICLE PREMIER. — L'association est la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun d'une façon permanente leur connaissance ou leur activité dans un but autre que de partager des bénéfices. Elle est régie, quant à sa validité, par les principes généraux du droit applicables aux contrats et obligations.

ART. 2. — Les associations de personnes pourront se former librement sans autorisation ni déclaration préalable, mais elles ne jouiront de la capacité juridique que si elles se sont conformées aux dispositions de l'article 5.

ART. 3. — Toute association fondée sur une cause ou en vue d'un objet illicite, contraire aux lois, aux bonnes mœurs. ou qui aurait pour but de porter atteinte à l'intégrité du territoire national et à la forme républicaine du gouvernement, est nulle et de nul effet.

ART. 4. — Tout membre d'une association qui n'est pas formée pour un temps déterminé peut s'en retirer en tout temps, après payement des cotisations échues et de l'année courante, nonobstant toute clause contraire.

ART. 5. — Toute association qui voudra obtenir la capacité juridique prévue par l'article devra être rendue publique par les soins de ses fondateurs.

La déclaration préalable en sera faite à la préfecture du département ou à la sous-préfecture de l'arrondissement on l'association aura son siège social. Elle fera connaître le titre et l'objet de l'association, le siège de ses établissements, et les noms, professions et domiciles de ceux qui, à un titre quelconque, sont chargés de son administration ou de sa direction. Il en sera donné récépissé.

Deux exemplaires des statuts seront joints à la déclaration.

Les associations seront tenues de faire connaître, dans les trois mois, tous les changements survenus dans leur administration ou direction, ainsi que toutes les modifications apportées à leurs statuts.

Ces modifications et changements ne sont opposables aux tiers qu'à partir du jour on ils auront été déclarés.

Les modifications et changements seront en outre consignés sur un registre spécial qui devra être présenté aux autorités administratives ou judiciaires chaque fois qu'elles en feront la demande.

ART. 6. — Toute association régulièrement déclarée peut, sans aucune autorisation spéciale, ester en justice, acquérir à titre onéreux, posséder et administrer, en dehors des subventions de l'État, des départements et des communes :

1° Les cotisations de ses membres ou les sommes au moyen desquelles ces cotisations ont été rédimées, ces sommes ne pouvant être supérieures à cinq cents francs (500 francs) ;

2° Le local destiné à l'administration de l'association et à la réunion de ses membres ;

3° Les immeubles strictement nécessaires à l'accomplissement du but qu'elle se propose.

ART. 7. — En cas de nullité prévue par l'article 3, la dissolution de l'association sera prononcée par le tribunal civil, soit à la requête de tout intéressé, soit à la diligence du ministère public.

En cas d'infraction aux dispositions de l'article 5, la dissolution pourra être prononcée à la requête de tout intéressé ou du ministère public.

ART. 8. — Seront punis d'une amende de seize à deux cents francs (16 à 200 francs) et, en cas de récidive, d'une amende double, ceux qui auront contrevenu aux dispositions de l'article 5.

Seront punis d'une amende de seize à cinq mille francs (16 à 5.000 francs) et d'un emprisonnement de six jours à un an, les fondateurs, directeurs ou administrateurs de l'association qui se serait maintenue ou reconstituée illégalement après le jugement de dissolution.

Seront punies de la même peine les personnes qui auront favorisé la réunion de l'association dissoute, en consentant l'usage d'un local dont elles disposent.

ART. 9. — En cas de dissolution volontaire, statutaire ou prononcée par justice, les biens de l'association seront dévolus conformément aux statuts, ou, à défaut de disposition statutaire, suivant les règles déterminées en assemblée générale.

TITRE II

ART. 10. — Les associations peuvent être reconnues d'utilité publique par décrets rendus en la forme des règlements d'administration publique.

ART. 11. — Ces associations peuvent, faire tous les actes de la vie civile qui ne sont pas interdits par les statuts, mais elles ne peuvent posséder ou acquérir d'autres immeubles que ceux nécessaires au but qu'elles se proposent. Toutes les valeurs mobilières d'une association doivent être placées en titres nominatifs.

Elles peuvent recevoir des dons et des legs dans les conditions prévues par l'article 910 du Code civil et l'article 54 de la loi du 4 février 1901. Les immeubles compris dans un acte de donation ou dans une disposition testamentaire qui ne seraient pas nécessaires au fonctionnement de l'association sont aliénés dans les délais et la forme prescrits par le décret ou l'arrêté qui autorise l'acceptation de la libéralité ; le prix en est versé à la caisse de l'association.

Elles ne peuvent accepter une donation mobilière ou immobilière avec réserve d'usufruit au profit du donateur.

ART. 12. — Les associations composées en majeure partie d'étrangers, celles ayant des administrateurs étrangers ou leur siège à l'étranger, et dont les agissements seraient de nature soit à fausser les conditions normales du marché des valeurs ou des marchandises, soit à menacer la sûreté intérieure ou extérieure de l'État, dans les conditions prévues par les articles 75 à 101 du Code pénal, pourront être dissoutes par décret du président de la République rendu en Conseil des ministres.

Les fondateurs, directeurs ou administrateurs de l'association qui se serait maintenue ou reconstituée illégalement après le décret de dissolution seront punis des peines portées par l'article 8, paragraphe 2.

TITRE III

ART. 13. — Aucune congrégation religieuse ne peut se former sans une autorisation donnée par une loi, qui déterminera les conditions de son fonctionnement.

Elle ne 'pourra fonder aucun nouvel établissement qu'en vertu d'un décret rendu en Conseil d'État.

La dissolution de la congrégation ou la fermeture de tout établissement pourront être prononcées par décret rendu en Conseil des ministres.

ART. 14. — Nul n'est admis à diriger, soit directement, soit par personne interposée, un établissement d'enseignement, de quelque ordre qu'il soit, ni à y donner l'enseignement, s'il appartient à une congrégation religieuse non autorisée.

Les contrevenants seront punis des peines prévues par l'article 8, paragraphe 2. La fermeture de l'établissement pourra, en outre, être prononcée par le jugement de condamnation.

ART. 15. — Toute congrégation religieuse tient un état de ses recettes et de ses dépenses ; elle dresse chaque année le compte financier de l'année écoulée et l'état inventorié de ses biens meubles et immeubles.

La liste complète de ses membres, mentionnant leur nom patronymique, ainsi que le nom sous lequel ils sont désignés dans la congrégation, leur nationalité, âge et lieu de naissance, la date de leur entrée, doit se trouver au siège de la congrégation.

Celle-ci est tenue de représenter sans déplacement, sur toute réquisition du préfet, à lui-même ou à son délégué, les comptes, états et listes ci-dessus indiqués.

Seront punis des peines portées au paragraphe 2 de l'article 8 les représentants ou directeurs d'une congrégation qui auront fait des communications mensongères ou refusé d'obtempérer aux réquisitions du préfet dans les cas prévus par le présent article.

ART. 16. — Toute congrégation formée sans autorisation sera déclarée illicite.

Ceux qui en auront fait partie seront punis des peines édictées à l'article 8, paragraphe 2.

La peine applicable aux fondateurs ou administrateurs sera portée au double.

ART. 17. — Sont nuls tous actes entre vifs ou testamentaires, à titre onéreux ou gratuit, accompli soit directement, soit par personne interposée, ou par toute autre voie indirecte, ayant pour objet de permettre aux associations légalement ou illégalement formées de se soustraire aux dispositions des articles 2, 6, 9, 11, 13, 14 et 16.

Sont légalement présumées personnes interposées au profit des congrégations religieuses, mais sous réserve de la preuve contraire :

1° Les associés à qui ont été consenties des ventes ou fait des dons ou legs, à moins, s'il s'agit de dons ou legs, que le bénéficiaire ne soit l'héritier en ligne directe du disposant ;

2° L'associé ou la société civile ou commerciale composée en tout ou partie de membres de la congrégation, propriétaire de tout immeuble occupé par l'association ;

3° Le propriétaire de tout immeuble occupé par l'association, après qu'elle aura été déclarée illicite.

La nullité pourra être prononcée soit à la diligence du ministère public, soit à la requête de tout intéressé.

ART. 18. — Les congrégations existantes au moment de la promulgation de la présente loi, qui n'auraient pas été antérieurement autorisées ou reconnues, devront, dans le délai de trois mois, justifier qu'elles ont fait les diligences nécessaires pour se conformer à ses prescriptions.

A défaut de cette justification, elles seront réputées dissoutes de plein droit. Il en sera de même des congrégations auxquelles l'autorisation aura été refusée.

La liquidation des biens détenus par elles aura lieu en justice. Le tribunal, à la requête du ministère public, nommera, pour y procéder, un liquidateur qui aura pendant toute la durée de la liquidation tous les pouvoirs d'un administrateur séquestre.

Le jugement ordonnant la liquidation sera rendu public dans la forme prescrite pour les annonces légales.

Les biens et valeurs appartenant aux membres de la congrégation antérieurement à leur entrée dans la congrégation, ou qui leur seraient échus depuis, soit par succession ab intestat en ligne droite ou collatérale, soit par donation ou legs en ligne directe, leur seront restitués.

Les dons et legs qui leur auraient été faits autrement qu'en ligne. directe pourront également être revendiqués, mais à charge par les bénéficiaires de faire la preuve qu'ils n'ont pas été les personnes interposées prévues par l'article 17.

Les biens et valeurs acquis à titre gratuit et qui n'auraient pas été spécialement affectés par l'acte de libéralité à une œuvre d'assistance pourront être revendiqués par le donateur, ses héritiers ou ayants droit, ou par les héritiers ou ayants droit du testateur, sans qu'il puisse leur être opposé aucune prescription pour le temps écoulé avant le jugement prononçant la liquidation.

Si les biens et valeurs ont été donnés ou légués en vue non de gratifier les congréganistes, mais de pourvoir à une œuvre d'assistance, ils ne pourront être revendiqués qu'à la charge de pourvoir à l'accomplissement du but assigné à la libéralité.

Toute action en reprise ou revendication devra, à peine de forclusion, être formée contre le liquidateur dans le délai de six mois à partir de la publication du jugement. Les jugements rendus contradictoirement avec le liquidateur, et ayant acquis l'autorité de la chose jugée, sont opposables à tous les intéressés.

Passé le délai de six mois, le liquidateur procédera à la vente en justice de tous les immeubles qui n'auraient pas été revendiqués ou qui ne seraient pas affectés à une œuvre d'assistance.

Le produit de la vente, ainsi que toutes les valeurs mobilières, sera déposé à la Caisse des dépôts et consignations.

L'entretien des pauvres hospitalisés sera, jusqu'à l'achèvement de la liquidation, considéré comme frais privilégiés de liquidation.

S'il n'y a pas de contestation ou lorsque toutes les actions formées dans le délai prescrit auront été jugées, l'actif net est réparti entre les ayants droit.

Le règlement d'administration publique visé par l'article 20 de la présente loi déterminera, sur l'actif resté libre après le prélèvement ci-dessus prévu, l'allocation, en capital ou sous forme de rente viagère, qui sera attribuée aux membres de la congrégation dissoute qui n'auraient pas de moyens d'existence assurés ou qui justifieraient avoir contribué à l'acquisition des valeurs mises en distribution par le produit de leur travail personnel.

ART. 19. — Les dispositions de l'article 463 du Code pénal sont applicables aux délits prévus par la présente loi.

ART. 20. — Un règlement d'administration publique déterminera les mesures propres à assurer l'exécution de la présente loi.

ART. 21. — Sont abrogés les articles 291, 292, 293 du Code pénal, ainsi que les dispositions de l'article 294 du même Code relatives aux associations ; l'article 20 de l'ordonnance du 5-8 juillet 1820 ; la loi du 10 avril 1834 ; l'article 13 du décret du 28 juillet 1848 ; l'article 7 de la loi du 30 juin 1881 ; la loi du 14 mars 1872 ; le paragraphe 2, article 2, de la loi du 24 mai 1852 ; le décret du 31 janvier 1832 et généralement toutes les dispositions contraires à la présente loi.

li n'est en rien dérogé pour l'avenir aux lois spéciales relatives aux syndicats professionnels. aux sociétés de commerce et aux sociétés de secours mutuels.

 

VII

LOI DU 7 JUILLET 1901 RELATIVE À LA SUPPRESSION DE L'ENSEIGNEMENT CONGRÉGANISTE

 

ARTICLE PREMIER. — L'enseignement (le tout ordre et de toute nature est interdit en France aux congrégations.

Les congrégations autorisées à titre de congrégations exclusivement enseignantes seront supprimées dans un délai maximum de dix ans.

Il en sera de même des congrégations et établissements qui, bien qu'autorisés en vue de plusieurs objets, étaient, en fait, exclusivement voués à l'enseignement, à la date du 1er janvier 1903.

Les congrégations qui ont été autorisées et celles qui demandent à l'être à la fois pour l'enseignement et pour d'autres objets ne conservent le bénéfice de cette autorisation ou de cette instance d'autorisation que pour les services étrangers à l'enseignement prévus par leurs statuts.

ART. 2. — A partir de la promulgation de la présente loi, les congrégations exclusivement enseignantes ne pourront plus recruter de nouveaux membres et leurs noviciats seront dissous, de plein droit, à l'exception de ceux qui sont destinés à former le personnel des écoles françaises à l'étranger, dans les colonies et les pays de protectorat. Le nombre des noviciats et le nombre des novices dans chaque noviciat seront limités aux besoins des établissements visés au présent paragraphe.

Les noviciats ne pourront recevoir d'élèves ayant moins de vingt et un ans.

Ces congrégations devront, dans le mois qui suivra cette promulgation, fournir au préfet, en double expédition, dument certifiée, les listes que l'article 15 de la loi du 1er juillet 1901 les oblige à tenir.

Ces listes fixeront ne varietur le personnel appartenant à chaque congrégation : elles ne pourront comprendre que des congréganistes majeurs et définitivement entrés dans la congrégation, antérieurement à la promulgation de la présente loi.

Toute inscription mensongère ou inexacte et tout refus de communication de ces listes seront punis des peines portées au paragraphe 2 de l'article 8 de la loi du 1er juillet 1901.

ART. 3. — Seront fermé3 dans le délai de dix ans prévu à l'article :

1° Tout établissement relevant d'une congrégation supprimée par application des paragraphes 2 et 3 de l'article 1er ;

2° Toute étole ou classe annexée à des établissements relevant d'une des congrégations visées par le paragraphe 4 de l'article 1er, sauf exception pour les services scolaires uniquement destinés à des enfants hospitalisés, auxquels il serait impossible, pour des motifs de santé ou autres, de fréquenter une école publique.

La fermeture des établissements et des services scolaires sera effectuée. aux dates fixées pour chacun d'eux, par un arrêté de mise en demeure du ministre de l'intérieur, inséré au Journal officiel. Cet arrêté sera, après cette insertion, notifié dans la forme administrative au supérieur de la congrégation et au directeur de l'établissement, quinze jours au moins avant la fin de l'année scolaire.

Il sera, en outre, rendu public par l'affichage à la porte de la mairie des communes où se trouvent les établissements supprimés.

ART. 4. — Il sera publié, tous les six mois, au Journal officiel, le tableau par arrondissement des établissements congréganistes, fermés en vertu des dispositions de la présente loi.

ART. 5. — Par jugement du tribunal du siège de la maison mère, rendu à la requête du procureur de la République, le liquidateur, nommé aussitôt après la promulgation de la loi, sera chargé de dresser l'inventaire des biens des congrégations, lesquels ne pourront être loués ou affermés sans son consentement, d'administrer les biens des établissements successivement fermés et de procéder la liquidation des biens et valeurs des congrégations dissoutes dans les conditions de la présente loi.

La liquidation des biens et valeurs, qui aura lieu après la fermeture du dernier établissement enseignant de la congrégation, s'opérera d'après les règles édictées par l'article 7 de la loi du 24 mai 1825.

Toutefois, après le prélèvement des pensions prévues par la loi de 1825, le prix des biens acquis à titre onéreux ou de ceux qui ne feraient pas retour aux donateurs ou aux héritiers ou ayants droit des donateurs ou testateurs servira à augmenter les subventions de l'État pour construction ou agrandissement de maisons d'écoles et à accorder des subsides pour location.

Les biens et valeurs affectés aux services scolaires dans les congrégations visées au dernier paragraphe de l'article for seront affectés aux autres services statutaires de la congrégation.

Toute action en reprise ou revendication devra, à peine de forclusion, être formée contre le liquidateur dans le délai de six mois, à partir du jour fixé pour la fermeture de l'établissement.

Passé le délai de six mois, le liquidateur procédera à la vente en justice de tous immeubles et objets mobiliers qui n'auraient pas été repris ou revendiqués, sauf exception pour les immeubles qui étaient affectés, avant la promulgation de la présente loi, à la retraite des membres actuellement vivants de la congrégation, âgés ou invalides, ou qui seront réservés pour cet usage par le liquidateur.

Toute action à raison de donations ou legs faits aux communes et aux établissements publics à la charge d'établir des écoles ou salles d'asile dirigées par des congréganistes sera déclarée non recevable, si elle n'est pas intentée dans les deux ans, à partir de la même date.

Un décret d'administration publique déterminera les mesures propres à assurer l'exécution de la présente loi.

ART. 6. — Sont abrogées toutes les dispositions des lois, décrets et actes des pouvoirs publics contraires à la présente loi, et, notamment, l'article 109 du décret du 17 mars 1808.

La présente loi, délibérée et adoptée par le Sénat et par la Chambre des députés, sera exécutée comme loi d'État.

Fait à Paris, le 7 juillet 1901.

ÉMILE LOUBET.

Par le Président de la République :

Le président du conseil, ministre de l'intérieur et des cultes,

É. COMBES.

Le ministre de l'instruction publique et des beaux-arts.

J. CHAUMIÉ.

 

VIII

NOTE DU CARDINAL SECRÉTAIRE D'ÉTAT À L'AMBASSADEUR DE FRANCE CONCERNANT LA VISITE DU PRÉSIDENT LOUBET AU ROI D'ITALIE

(28 avril 1901.)

La venue à Rome, en forme officielle et solennelle, de M. Loubet, président de la République française, pour rendre visite à Victor-Emmanuel III, a rempli l'âme du Saint-Père d'une profonde tristesse.

Il est à peine nécessaire de rappeler que les chefs d'États catholiques, liés, comme tels, par des liens spéciaux au suprême Pasteur de l'Église, sont tenus, envers lui, à de plus grands égards que les chefs d'Etats non catholiques, en ce qui concerne sa dignité, son indépendance et ses droits imprescriptibles. Ce devoir, reconnu jusqu'ici et observé par tous, nonobstant de graves raisons d'alliance politique ou de parenté, incombait d'autant plus au premier magistrat de la République française, lequel, sans avoir aucun de ces motifs spéciaux, préside, par contre, à une nation qui est unie par des rapports très étroits et traditionnels avec le Pontificat romain, jouit en vertu d'un traité bilatéral avec le Saint-Siège de privilèges signalés, a une large représentation dans le Sacré-Collège des cardinaux et, par suite, dans le gouvernement de l'Église universelle, possède par faveur singulière le protectorat des intérêts catholiques en Orient, et a reçu du Saint-Siège, spécialement dans les dernières années, des preuves de très particulière bienveillance.

Par suite, si le chef de n'importe quelle nation catholique offense gravement le Souverain Pontife en venant rendre hommage à Rome, c'est-à-dire au Siège pontifical même, et dans le palais apostolique même, à celui qui, contre tout droit, en détient le principat civil et en entrave la liberté et l'indépendance nécessaires, cette offense a été bien plus grande de la part de M. Loubet[1].

Le caractère et la portée n'en sauraient être changés par la déclaration que fit M. Delcassé au gouvernement français, savoir qu'en rendant cette visite on n'avait aucune intention hostile au Saint-Siège ; l'offense, en effet, est intrinsèque à l'acte, d'alitant plus que le Saint-Siège n'avait point manqué d'en prévenir le gouvernement français. De fait, ni en France, ni en Italie, n'a échappé à l'opinion publique le caractère offensant de cette visite, qui avait précisément été recherchée par le gouvernement italien dans la supposition qu'elle affaiblirait les droits et offenserait la dignité du Saint-Siège ; — droits et dignité que le Saint-Siège regarde comme son principal devoir de protéger et de défendre dans l'intérêt même des catholiques du monde entier.

Contre ce douloureux événement, le Cardinal secrétaire d'État soussigné émet, au nom de Sa Sainteté, les plus formelles et explicites protestations, et il prie Votre Excellence de vouloir bien porter la présente note à la connaissance de son gouvernement.

Le Cardinal soussigné profite de cette occasion pour confirmer à Votre Excellence les sentiments de sa considération la plus distinguée.

R. CARD. MERRY DEL VAL.

 

IX

ANALYSE DES PROPOSITIONS DE LOI SUR LA SÉPARATION DES ÉGLISES ET DE L'ÉTAT FAITES A LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS DE 1902 À 1904

(Aristide Briand, La Séparation des Églises et de l'État, p. 224-231.)

 

Proposition Dejeante. — La première en date est celle de M. Dejeante, déposée à la séance du 27 juin 1902. Elle reproduit la proposition de notre collègue Zévaès sous la précédente législature et se caractérise par une économie des plus simples. Elle a pour objet la dénonciation du Concordat, la suppression immédiate de toutes les congrégations religieuses, la reprise par l'État des biens appartenant aux congrégations et aux établissements ecclésiastiques. Les capitaux et les ressources rendus disponibles par la suppression du budget des cultes seraient affectés à la constitution d'une Caisse des retraites ouvrières.

Proposition Ernest Roche. — Très succinctement aussi est libellée la proposition de M. Ernest Roche, du 20 octobre 1902. Elle prononce la dénonciation du Concordat, supprime le budget des cultes et l'ambassade auprès du Vatican. Les associations formées pour l'exercice des cultes sont soumises au droit commun. Les immeubles dont les Églises ont actuellement la disposition feraient l'objet de baux librement conclus avec l'État ou les Communes. Les ressources devenues disponibles par ce nouveau régime seraient remises comme premier apport à une Caisse des retraites ouvrières constituée sans délai. Une loi spéciale déterminait les mesures transitoires rendues nécessaires par l'application de ces dispositions.

Ces deux propositions, assez laconiques, avaient surtout, dans la pensée de leurs auteurs, le caractère de projets de résolution. Elles devaient permettre à la Chambre de se prononcer sur le principe même de la séparation des Églises et de Mat. C'est dans la séance du 20 octobre que la Chambre. après avoir repoussé l'urgence sur les propositions de MM. Dejeante et Ernest Roche, adoptait la motion de M. Réveillaud qui instituait une commission de 33 membres chargés d'examiner tous les projets relatifs à un nouveau régime des cultes.

Proposition de Pressensé. — Le premier qui fut déposé depuis fut celui de M. Francis de Pressensé le 7 avril 1903.

Il serait difficile de rendre un hommage exagéré à un travail aussi savant et aussi consciencieusement réfléchi.

M. de Pressensé s'est donné pour tâche, et a eu le très grand mérite de poser nettement toutes les principales difficultés soulevées en aussi grave matière et d'envisager résolument le problème dans toute son étendue.

Les solutions qui ont été adoptées dans la suite peuvent être différentes, souvent même divergentes de celles qu'il indiquait lui-même ; il n'en demeure pas moins que sa forte étude a contribué beaucoup à faciliter les travaux de la commission.

La caractéristique du projet est de réaliser radicalement la séparation des Églises et de l'État en tranchant tous les liens qui les rattachent. Il garantit expressément la liberté de conscience et de croyances. Dénonciation (lu concordat, cessation de l'usage gratuit des immeubles affectés aux services religieux et au logement des ministres des cultes, suppression du budget des cultes et de toutes subventions par les départements ou les communes, telles sont les mesures générales par lesquelles serait assurée la laïcisation complète de l'État. Des dispositions spéciales à une période de transition déterminent les pensions allouées aux ministres des cultes en exercice, sous certaines conditions très strictes d'âge et de fonction. Les immeubles, provenant fies libéralités exclusives des fidèles, seraient attribués â des « sociétés civiles » formées pour l'exercice du culte : tous les autres feraient retour à l'État ou aux communes, selon qu'ils sont actuellement diocésains ou paroissiaux. Les églises et presbytères pourraient être pris en location par les sociétés cultuelles.

Selon une disposition intéressante, dont certains n'ont, peut-être pas bien compris le but éloigné de toute arrière-pensée de vexation, l'État ou les communes pourraient insérer dans les baux des stipulations leur réservant le droit, à certains jours, en dehors des heures de culte et de réunions religieuses, d'user des immeubles loués, pour des cérémonies civiques, nationales ou locales.

Les sociétés cultuelles se formeraient selon le droit commun. Elles ne pourraient cependant posséder plus de cathédrales, évêchés, églises presbytères, que les établissements ecclésiastiques n'en ont aujourd'hui à leur disposition, proportionnellement au nombre des fidèles, ni plus de capitaux que ceux produisant un revenu égal aux sommes nécessaires pour la location des édifices religieux et le traitement des ministres du culte.

Les sociétés cultuelles doivent rendre public le tarif des droits perçus ou des prix fixés pour les cérémonies du culte et pour la location des chaises. Ce tarif ne pourra, en aucun cas, s'élever au-dessus du tarif en cours à l'époque de la promulgation de la loi.

La police des cultes est déterminée, dans ce projet, avec un soin précis, pour empêcher toute action ou manifestation étrangère au but religieux des sociétés cultuelles.

Par des dispositions minutieuses relatives aux privilèges, dispenses, incompatibilités dont les ministres du culte sont actuellement l'objet, aux aumôneries, au serment judiciaire, aux cimetières et pompes funèbres, toutes les particularités inscrites encore dans la législation pour des motifs religieux, toutes les manifestations ou signes extérieurs du culte sont supprimés.

Une analyse exacte et complète de ce texte étendu exigerait des développements que nous ne pouvons malheureusement lui consacrer. Son rédacteur a cherché, tout en sauvegardant fermement les intérêts de la société laïque, à effectuer une séparation nette et décisive entre l'État et les Églises.

Proposition Hubbard. — L'originale proposition de M. Hubbard présentée le 26 mai 1903 ne tendait pas uniquement à ce but. Elle assimile les associations religieuses aux associations ordinaires et s'efforce de les rapprocher en fait. Elle supprime tous les textes relatifs au régime des cultes et le budget des cultes actuel. Les prêtres, pasteurs et rabbins qui justifieraient de ressources personnelles insuffisantes recevraient pendant deux ans une indemnité. Celle-ci serait payée à titre viager aux vieillards et infirmes. Les biens des menses seraient repris par l'État, ceux des fabriques par les communes, sauf revendications des donateurs et des héritiers légitimes des testateurs pour les dons et legs recueillis depuis moins de trente ans.

Mais l'idée toute nouvelle de la proposition est la création qu'elle prescrit dans chaque commune et chaque arrondissement urbain, d'un conseil communal d'éducation sociale. Ce conseil, composé en partie de femmes, administrerait les biens affectés gratuitement aux cultes et à leurs ministres et en réglerait l'usage. 11 aurait de même des droits et obligations de gérance pour tous les immeubles servant aux cérémonies et au fonctionnement de toutes les associations d'enseignement ou de prédication morale, philosophique ou religieuse. 'foutes les manifestations extérieures du culte, toutes réunions seraient régies par le droit commun.

Nous ne pouvons entrer dans le détail de cette organisation. M. Hubbard a voulu rapprocher dans la pratique toutes les formes de la vie religieuse et de la vie intellectuelle ou morale, et leur donner comme des guides communs. Son projet est, dans le fond comme dans l'expression, particulièrement philosophique.

Proposition Flourens. — La proposition de M. Flourens, juin 1903, réalise l'indépendance absolue et légalise la création ou la résurrection de toutes les associations religieuses quelconques. L'État, une période de transition écoulée, ne subventionnerait aucune de ces associations. Encore devrait-il, sur la simple demande de celles-ci, mettre à leur disposition les édifices actuellement affectés à l'usage religieux, sous la seule condition de ne pas les détourner de cette affectation. La partie caractéristique de cette proposition est sans nul doute celle qui est relative aux œuvres et fondations charitables des associations cultuelles et à la propagation et l'enseignement de leurs doctrines.

Toutes les formes de pareilles manifestations de la vie ecclésiastique sont réalisables : les associations sont libres sans restriction et sans qu'il y ait lieu de rechercher si leurs adhérents ou ceux qui sont à leur service ont appartenu à des congrégations ou communautés autorisées ou non autorisées.

Il apparait immédiatement que l'effet certain d'un tel projet serait la libération sans garantie de l'Église, sa mise à l'abri de toute règle légale d'intérêt public, et la reconstitution définitive et inébranlable de toutes les congrégations.

Proposition Réveillaud. — La proposition de M. Réveillaud, présentée le 25 juin 1903, est marquée par un caractère vraiment libéral, mais tient compte des nécessités et des droits de la société civile.

Suivant un plan très net, elle garantit la liberté religieuse et n'y marque d'autre limite que celles demandées par l'intérêt public.

Les associations sont régies par la loi de 1901.

Les édifices religieux ou affectés au logement des ministres des cultes, qui appartiennent actuellement à l'État ou aux communes, sont laissés à la disposition des associations cultuelles sous la condition de payer une redevance annuelle de f franc par an destinée à assurer la pérennité du droit de propriété des concédants. Les meubles et immeubles appartenant aux menses, fabriques et consistoires seraient dévolus, sans frais, aux associations nouvelles. Les ministres des cultes actuellement salariés par l'État toucheraient la totalité de leur traitement leur vie durant, s'ils ont plus de cinquante ans d'âge ; la moitié, s'ils ont de trente-cinq à cinquante ans, et le quart, s'ils ont moins de trente-cinq ans.

La police des cultes est strictement assurée et fixe, pour chaque infraction, des peines mesurées avec modération.

L'exercice du culte est réglementé suivant les dispositions puisées dans une proposition (le M. Edmond de Pressensé, votée en première lecture par l'Assemblée nationale, et qui a fait au Sénat l'objet d'un rapport favorable d'Eugène Pelletan.

La proposition de M. Réveillaud contient un article dont le principe a été repris et adopté par la Commission.

Il fixe le maximum des valeurs mobilières placées en titres nominatifs au capital produisant un revenu ne pouvant dépasser la moyenne des sommes dépensées pendant les cinq derniers exercices.

Proposition Grosjean et Berthoulat. — Ce qui caractérise la proposition de Grosjean et Berthoulat, du 29 juin 1903, est le souci de laisser aux Églises le maximum de libertés et d'avantages compatibles avec les garanties indispensables à l'ordre public.

Le droit commun d'association leur est applicable.

Les édifices appartenant à l'État ou aux communes sont mis gratuitement à la disposition des communautés religieuses. Il résulte du silence-de la proposition que les grosses réparations de ces édifices gratuitement concédés resteraient à la charge de l'État ou des communes propriétaires.

L'ouverture des édifices religieux et la tenue (les réunions religieuses ne sont soumises qu'à une seule et simple déclaration faite é la municipalité.

Les ministres du culte ayant dix ans de fonctions jouiraient à vie du traitement qu'ils reçoivent actuellement. Les dispositions relatives à la police des cultes reproduisent les règles unanimement admises avec des peines très modérées pour les infractions prévues.

D'après cette proposition, un budget des cultes considérable resterait durant de longues années nécessaire pour le service des pensions au clergé.

En outre, les édifices religieux, loin de produire le moindre revenu, seraient pour leurs propriétaires nominaux, l'État on les communes, la cause de dépenses élevées.

Proposition Sénac. — La proposition de M. Sénac, déposée le 31 janvier 1904, la dernière en date, s'inspire de tout autres préoccupations. En maintenant provisoirement l'état actuel des choses, elle vise à donner è toute heure au Gouvernement le droit de briser l'action individuelle ou collective des membres des associations cultuelles, qui pourrait être contraire aux intérêts de la République.

L'État, les départements et les communes auraient la propriété de tous les édifices religieux. Ceux-ci resteraient à la disposition des divers cultes qui en jouissent actuellement, niais les propriétaires pourraient leur en retirer à volonté l'usage.

Les ministres des cultes recevraient, à titre de subvention, leur traitement actuel, mais il devrait leur être annuellement accordé. Les ministres des cultes, non encore en fonctions, recevraient sous certaines conditions des secours ou indemnités. Ces traitements, subventions et secours pourraient à tout moment être supprimés et celui qui aurait été l'objet de pareille mesure ne pourrait plus exercer son ministère dans un édifice public affecté au culte.

Cette proposition, qui a pour objet évident la défense laïque, établit plutôt un régime de police des cultes qu'elle ne réalise la séparation des Églises et de l'État.

 

X

AVANT-PROJET DE LA COMMISSION SUR LA SÉPARATION DES ÉGLISES ET DE L'ÉTAT

(Projet Briand).

 

TITRE PREMIER

Principes.

ARTICLE PREMIER — La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions ci-après, dans l'intérêt de l'ordre public.

ART. 2. — La République ne protège, ne salarie, ni ne subventionne, directement ou indirectement, sous quelque forme et pour quelque raison que ce soit, aucun culte.

Elle ne reconnaît aucun ministre du culte.

Elle ne fournit, à titre gratuit. aucun local pour l'exercice d'un culte ou le logement de ses ministres.

TITRE II

Abrogation des lois et décrets sur les cultes. — Dénonciation du Concordat. — Liquidation.

ART. 3. — A dater de la promulgation de la présente loi, la loi du 18 germinal an X est abrogée ; la Convention passée à Paris, le 2G messidor an IX, entre le Gouvernement français et le Pape Pie VII est dénoncée.

Sont également abrogés : le décret-loi du 26 mars 1852 et les arrêtés du 10 septembre 1852 et du 20 mai 1853 ; la loi du 1er août 1879, les décrets des 12-11 mars 1880, 12-14 avril 1880 et 25-29 mars 1882 ; les décrets du 17 mars 1808 relatifs à l'exécution du règlement du 10 décembre 1806 ; la loi du 8 février 1831 et l'ordonnance du 24 mai 1844.

ART. 4. — L'ambassade auprès du Vatican et la direction des Cultes sont supprimées.

ART. 5. — A partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi seront et demeureront supprimés : toutes dépenses publiques pour l'exercice ou l'entretien d'un culte ; tous traitements, indemnités, subventions ou allocations accordés aux ministres des cultes, sur les fonds de l'État, des départements ou des communes.

ART. 5 bis. — Les sommes rendues disponibles par la suppression du budget des cultes seront employées à la détaxe de la contribution foncière ales propriétés non bâties, à la culture desquelles participent effectivement les propriétaires eux-mêmes.

Seront appelées à bénéficier de la remise les cotes uniques on totalisées qui ne sont pas supérieures à 40 francs, à la condition que la part revenant à l'État sur la contribution personnelle mobilière, à laquelle sont assujettis les contribuables dans leurs diverses résidences, ne dépasse pas 25 francs.

ART. 6. — A partir de la même date, cessera de plein droit l'usage gratuit des édifices religieux : cathédrales, églises paroissiales, temples, synagogues, etc., ainsi que des bâtiments des séminaires et des locaux d'habitation : archevêchés, évêchés, presbytères mis à la disposition des ministres des cultes par l'État, les départements on les communes.

ART. 7. — Les biens mobiliers et immobiliers appartenant aux menses épiscopales ou curiales, aux fabriques, consistoires ou conseils presbytéraux et autres établissements publics des différents cultes seront, dans un délai de six mois, à partir de la promulgation de la présente loi, répartis par les établissements précités, existant à celte date, entre les associations formées pour l'exercice et l'entretien du culte dans les diverses circonscriptions religieuses. Cette répartition ne donnera lieu à la perception d'aucun droit au profit du Trésor.

Les biens immobiliers qui proviennent de dotations de l'État feront retour à l'État.

ART. 7 bis. — Les biens appartenant aux fabriques, consistoires ou conseils presbytéraux, qui ont été spécialement affectées par l'auteur d'une libéralité à une œuvre de bienfaisance seront, dans le délai de six mois, attribués par les établissements précités, soit aux bureaux de bienfaisance, soit aux hospices, soit à tous autres établissements de bienfaisance publics ou reconnus d'utilité publique.

Le choix de l'établissement bénéficiaire de la dévolution devra être ratifié par le Conseil d'Étal, s'il est conforme à la volonté du donateur ou du testateur. Cette attribution ne donnera lieu à aucun droit au profit du Trésor.

ART. 8. — Aux ministres des cultes, actuellement en exercice, archevêques, évêques, curés, vicaires, desservants, aumôniers, pasteurs, rabbins, présidents de consistoires, inspecteurs ecclésiastiques, suffragants et vicaires des églises réformées et de la Confession d'Augsbourg ; directeurs et professeurs de séminaires, doyens et professeurs des Facultés de théologie, etc., qui auront au moins quarante-cinq ans d'âge et vingt ans de fonctions rémunérées par l'État, les départements ou les communes, il sera alloué une pension viagère. Réserve est faite des droits acquis en matière de pension par application de la législation antérieure.

ART. 9. — Cette pension, basée sur le traitement et proportionnelle au nombre des années de fonctions rétribuées par l'État, les départements et les communes, ne pourra être supérieure à 1.200 francs.

Elle ne pourra, en aucun cas, dépasser le montant du traitement actuel de l'ayant droit, ni se cumuler avec toute autre pension ou tout autre traitement à lui alloué à un titre quelconque par l'État, les départements ou les communes.

ART. 10. — Le payement des pensions ecclésiastiques aura lieu par trimestre. La jouissance courra au profit du pensionnaire du premier jour de l'exercice qui suivra la promulgation de la présente loi. Les arrérages des pensions inscrites se prescrivent par trois ans. La condamnation à une peine afflictive et infamante entraîne de plein droit la privation de la pension. Les pensions et leurs arrérages sont incessibles et insaisissables, si ce n'est jusqu'à concurrence d'un cinquième pour dettes envers le Trésor public et d'un tiers pour les causes exprimées aux articles 203, 205 et 214 du Code civil.

TITRE III

Propriété et location des édifices du culte.

ART. 11. — Les édifices antérieurs au Concordat qui ont été affectés à l'exercice des cultes ou au logement de leurs ministres, cathédrales, églises paroissiales, temples, synagogues, archevêchés, évêchés, presbytères, bâtiments des séminaires, ainsi que les objets mobiliers qui les garnissaient au moment où lesdits édifices ont été mis à la disposition des cultes, sont et demeurent propriétés de l'État ou des communes.

Les édifices postérieurs au Concordat, construits sur des terrains qui appartenaient aux établissements publics des cultes ou avaient été achetés par eux avec des fonds provenant exclusivement de collectes, quêtes ou libéralités des particuliers, sont la propriété de ces établissements.

ART. 12. — Dans un délai d'un an, à partir de la promulgation de la présente loi, ils seront dévolus par lesdits établissements a l'association civile de la circonscription religieuse intéressée.

ART. 13. — Les édifices servant ou ayant servi aux cultes, qui appartiennent à l'État ou aux communes, sont inaliénables, sauf dans les cas d'expropriation pour cause d'utilité publique.

La location ne peut être faite qu'a titre onéreux et pour une durée maximum de dix ans.

ART. 14. — Pendant une période d'une année à partir de la promulgation de la présente loi, l'État et les communes sont tenus de consentir pour une durée de dix ans la location de ces édifices aux associations formées pour assurer l'exercice et l'entretien du culte.

Le prix du loyer ne pourra être supérieur à 10 p. 100 du revenu annuel moyen de la circonscription religieuse intéressée, telle qu'elle se trouve actuellement constituée.

Le revenu sera calculé sur la moyenne des cinq dernières années.

Tous les frais de réparations locatives, d'entretien et de grosses réparations, sauf celles qui seraient causées par un sinistre ne pouvant être couvert par un contrat d'assurances sont à la charge des locataires.

Toutefois, pour plus de garanties et sans déroger à la responsabilité générale prévue dans le paragraphe ci-dessus, des locataires sont tenus de contracter une assurance contre les risques spéciaux de l'incendie et de la foudre.

La résiliation est de droit dans le cas où les lieux loués ne seraient pas entretenus en bon état.

ART. 15. — Les lois, décrets et règlements relatifs à la conservation et à l'entretien des monuments ou objets historiques continueront à être appliqués à tous les immeubles et meubles servant au culte rentrant ou pouvant rentrer dans cette catégorie.

TITRE IV

Associations pour l'exercice du culte.

ART. 16. — Les associations formées pour subvenir aux frais et à l'entretien des cultes sont soumises aux prescriptions de la loi du 1er juillet 1901, sous la réserve des modifications ci-après.

ART. 17. — Elles pourront recevoir, en outre des cotisations prévues par l'article 6 de cette loi, le produit des quêtes et collectes pour les frais et l'entretien du culte, percevoir des taxes (même par fondation) pour les cérémonies ou services religieux, pour la location des bancs et sièges, pour la fourniture des objets destinés au service des funérailles dans les édifices religieux et a la décoration intérieure et extérieure de ces édifices.

ART. 18. — Lesdites associations ne pourront, sous quelque forme et pour quelque raison que ce soit, recevoir de subventions de l'État, des départements ou des communes.

La prestation des meubles et immeubles servant au culte, consentie dans les conditions des articles 13 et 14, ne constitue pas une subvention.

ART. 19. — Ces associations pourront, dans les formes déterminées par l'article 7 du décret du 18 omît 1901, constituer des unions avec administration ou direction centrale.

ART. 20. — Les. valeurs mobilières disponibles des associations for-niées pour assurer l'exercice du culte seront placées en titres nominatifs. Leur revenu total ne pourra dépasser la moyenne annuelle des sommes dépensées pendant, les cinq derniers exercices pour les frais et l'entretien du culte.

Toutefois, ce capital pourra être augmenté de sommes qui, placées en titres nominatifs déposés à la Caisse des dépôts et consignations, seront, après avis du Conseil d'État, exclusivement affectées, compris les intérêts. A l'achat, à la construction ou à la réparation d'immeubles ou meubles jugés indispensables pour les besoins de l'association.

ART. 20 bis. — Les biens meubles et immeubles appartenant aux associations seront soumis aux mêmes impôts que ceux des particuliers.

Ils ne seront pas assujettis à la taxe d'accroissement. Toutefois, les immeubles, propriétés de ces associations, seront passibles de la taxe de mainmorte.

TITRE V

Police des cultes.

ART. 21. — Les cérémonies pour la célébration d'un culte sont assimilées aux réunions publiques. Elles sont dispensées des formalités de l'article 8, mais restent à la surveillance des autorités dans l'intérêt de l'ordre public. La déclaration en sera faite dans les formes de l'article 2 de la loi du 3 juin 1881. Une seule déclaration suffira pour l'ensemble des cérémonies ou assemblées cultuelles permanentes ou périodiques. Toute réunion non comprise dans la déclaration, toute modification dans le choix du local devront être précédées d'une déclaration nouvelle.

ART. 22. — II est interdit de se servir de l'édifice consacré au culte pour y tenir des réunions politiques. Toute infraction sera punie d'une amende de 100 à 1.000 francs el d'un emprisonnement de quinze jours à trois mois ou de l'une de ces deux peines en la personne des auteurs responsables.

ART. 23. — Seront punis d'une amende de 50 a 500 francs et d'un emprisonnement de quinze jours it trois mois ou de l'une de ces deux peines, ceux qui. pur injures, menaces, violences ou voies de fait, tenteront de contraindre une ou plusieurs personnes il contribuer aux frais d'un culte ou à célébrer certaines fêtes religieuses on bien de les empêcher de participer à l'exercice d'un culte, d'observer tel ou tel jour de repos, ou de s'abstenir de les observer, soit en les forçant à ouvrir ou fermer leurs ateliers, boutiques, magasins, ou de quelque Manière que ce soit.

ART. 24. — Ceux qui auront empêché, retardé ou interrompu les exercices d'un culte par des troubles ou des désordres dans l'édifice servant. au culte, ou qui auront, par paroles ou gestes, outragé les objets d'un culte dans le temple même affecté à l'exercice de ce culte, seront punis d'une amende de 10 à 300 francs et d'un emprisonnement de six jours à un mois ou de l'une de ces peines.

Lesdites peines pourront être portées au double en cas de voies de fait contre les personnes.

ART. 25. — Les dispositions de l'article ci-dessus ne s'appliquent qu'aux troubles, outrages ou voies de fait dont la nature et les circonstances ne donneront pas lieu à de plus fortes peines d'après les autres dispositions du Code pénal.

ART. 26. — Tout ministre du culte qui, dans l'exercice de ses fonctions et en assemblée publique, aura, soit en lisant un écrit contenant des instructions pastorales, soit en tenant lui-même un discours, outragé ou diffamé un membre du gouvernement, des Chambres ou une autorité publique, sera puni d'une amende de 300 à 3.000 francs et d'un emprisonnement de un mois à un an ou de l'une de ces deux peines.

ART. 27. — Si un discours prononcé ou un écrit lu par un ministre du culte dans l'exercice de ses fonctions et en assemblée publique contient une provocation directe à résister à l'exécution des lois ou aux actes légaux de l'autorité publique, ou s'il tend à soulever ou à armer une partie des citoyens contre les autres, le ministre du culte qui l'aura prononcé sera puni d'un emprisonnement de trois mois à un an, si la provocation n'a été suivie d'aucun effet, et d'un emprisonnement de un an à trois ans si elle a donné lieu à une résistance autre, toutefois, que celle qui aurait dégénéré en révolte, sédition ou guerre civile.

ART. 28. — Lorsque la provocation aura été suivie d'une sédition, révolte ou guerre civile dont la nature donnera lieu à des peines plus graves que celles parlées à l'article précédent, cette peine, quelle qu'elle soit. sera appliquée au ministre du culte coupable (le provocation.

ART. 29. — L'auteur de l'écrit qui aura été lu par le ministre du culte dans les conditions ci-dessus indiquées, sera, en cas de complicité établie, puni des peines portées aux articles précédents contre le ministre du culte coupable.

ART. 29 bis. — Dans le cas de poursuites exercées par application des articles 27 et 28, l'association constituée pour l'exercice du culte locataire de l'immeuble dans lequel le délit aura été commis, sera assignée en responsabilité civile.

ART. 30. — L'article 463 du Code pénal et la loi de sursis sont applicables à tous les cas dans lesquels la présente loi édicte des pénalités.

ART. 31. — Dans tous les cas de culpabilité prévus et punis par la présente loi, le contrat de location de l'édifice, propriété de la commune ou de l'État, on le délit aura été commis par un ministre du culte, pourra être résilié.

TITRE VI

§ 1er. — Manifestations et signes extérieurs du culte.

ART. 32. — Les processions et autres cérémonies ou manifestations extérieures du culte ne peuvent avoir lieu qu'en vertu d'une autorisation du maire de la commune. Les sonneries de cloches sont réglées par arrêté municipal.

ART. 33. — La formule du serment judiciaire est libre. Nul ne peut être tenu de prêter serment sur un emblème philosophique ou religieux, ou dans des termes susceptibles de porter atteinte à la liberté de sa conscience.

ART. 34. — Aucun signe ou emblème particulier d'un culte ne peut être élevé, érigé, fixé et attaché en quelque emplacement public que ce soit, à l'exception de l'enceinte destinée aux exercices du culte, des cimetières, sous les conditions ci-après, et des musées. Ceux qui existent contrairement à la présente disposition pourront être enlevés par les autorités publiques compétentes, sauf dans le cas où il s'y attacherait une valeur ou un intérêt historique spécial.

Il est interdit d'en rétablir ou établir sous peine d'une amende de 100 à 2.000 francs.

§ 2. — Cimetières.

ART. 35. — Les cimetières appartiennent aux communes. L'autorité en a la garde, la police, l'entretien.

ART. 36. — Il est interdit de bénir, consacrer, ou de faire bénir et consacrer par une cérémonie religieuse, un cimetière tout entier ou une portion de ce cimetière contenant plusieurs tombes.

Il est interdit d'y ériger ou d'y faire ériger des emblèmes religieux ayant un caractère collectif, sauf sur la sépulture unique consacrée à une famille ou à une collectivité.

Toute infraction sera punie d'une amende de 100 à 500 francs et, en cas de récidive, de deux à cinq jours de prison.

La destruction de l'emblème illégalement érigé sera ordonnée. Elle aura lieu aux frais du coupable.

ART. 37. — Les ornements et inscriptions funéraires sur les tombes ou monuments particuliers demeurent soumis à l'autorité municipale. Toutefois, ils ne peuvent être interdits, supprimés ou modifiés qu'au cas où ils porteraient atteinte aux lois, aux bonnes mœurs et à la paix publique.

ART. 38. — Tout concessionnaire ou membre de la famille enlevant, détruisant ou faisant enlever ou détruire un emblème philosophique ou religieux déposé en vertu de la volonté du défunt, même par un étranger, sera puni des peines portées contre la violation de sépulture à l'article 360 du Code pénal.

ART. 39. — Il est interdit aux autorités publiques d'assigner des heures spéciales ou des modes particuliers pour la célébration des obsèques, sous quelque prétexte philosophique ou religieux que ce puisse être ; d'assigner des places aux suicidés ou aux personnes non baptisées ou de religion différente de celle de la majorité des habitants de la commune ;

Ou de faire quoique ce soit de nature à déshonorer la mémoire d'une personne, de quelque façon qu'elle soit morte, ou qu'elle se fasse ensevelir, ou qu'elle ait vécu.

Toute infraction à ces dispositions entraînera la révocation du magistrat municipal qui s'en sera rendu coupable.

ART. 40. — Un règlement d'administration publique déterminera les mesures propres à assurer l'exécution de la présente loi.

 

 

 



[1] Après ces mois venait la phrase suivante dans la note adros4e aux gouvernements autres que le gouvernement français : Et si, malgré cela, le nonce pontifical est resté à Paris, cela est da uniquement à de très graves motifs d'ordre et de nature en tout point spéciaux.