LE SIÈGE DE BITCHE

6 août 1870 – 27 mars 1871

 

CHAPITRE TROISIÈME.

 

 

Deuxième canonnade. — Ironie du destin. — Nouvelles ouvertures du colonel Kollermann. — Préparatifs de résistance. — Les hauteurs. — Où est l'ennemi ? — Les sorties du 1er el du 3 septembre.- Soupçons d'espionnage. — Un souvenir de 1793. — Traître puni. — Mystère dévoilé.

 

Le 23 août, à quatre heures et demie du matin, deux formidables détonations éveillent la citadelle endormie.

De ces coups, partis des lignes bavaroises, le premier porte loin du but ; au second, un obus de gros calibre traverse une chambre que, par une ironique coïncidence, occupent douze prisonniers allemands. Ils poussent des cris horribles ; on se hâte d'évacuer ces malheureux dans les souterrains du château.

En un clin d'œil, tout le monde est sur pied ; nos embrasures ouvrent un feu meurtrier contre la batterie qu'à la faveur des ténèbres l'ennemi audacieusement entreprenant, a élevée, à 1.200 mètres de distance, sur le mamelon du Gross Otterbuhl. Le Gross Otterbuhl est égal en hauteur à la plateforme du fort. Le tir horizontal de notre artillerie fait taire, en quelques heures, le feu de l'adversaire.

Derechef, celui-ci semble se replier. L'envoi de deux parlementaires masque cette fois ses intentions.

Des explications embarrassées qu'ils apportent, il semble résulter que la présence de Bitche obligerait un corps d'armée allemand à un détour considérable. Mais le langage ambigu des visiteurs, la persistance qu'ils mettent à prolonger l'entretien sont suspects : ils n'ont cherché qu'un prétexte à suspension d'armes, destiné à permettre aux leurs une tranquille retraite. Quelques obus lancés sur l'arrière-garde hâtent ce départ et, du même coup, montrent aux négociateurs que nous ne sommes point leurs dupes.

— Nous reviendrons, s'écrie l'un d'eux en s'éloignant, nous aurons vingt mille hommes, de l'artillerie de siège, des projectiles à foison, et nous vous pilerons dans Bitche comme dans un mortier !

 

Cependant, le double succès remporté dans la même quinzaine a exalté l'énergie des troupes. La prévision de la nécessité d'une défense sérieuse est un stimulant qui décuple les bons vouloirs. Des ordres de la place les encouragent. Dans un style robuste en sa concision, sans déclamation et sans phraséologie vaine, le commandant Teyssier expose à la garnison la vérité à laquelle elle a droit ; il dit les périls conjurés, les obstacles à vaincre encore.

Un élan unanime active les travaux, en dépit de la pluie persistante et des froids prématurés. On place en batterie des pièces nouvelles ; on élargit les em brasures en pierre, de construction ancienne, qui n'offraient qu'un évasement insuffisant ; l'artillerie est disposée en barbette, seul moyen d'obtenir un champ de tir étendu ; on empile partout des sacs-à-terre, on établit des traverses, on renforce les parapets dont l'épaisseur n'excède pas deux mètres ; on décapite chaque bastion de l'énorme et dangereuse charpente qui le coiffe comme d'un bonnet de police ; on blinde les magasins à poudre.

Bientôt, la terre manque pour l'œuvre préservatrice ; il n'est possible de s'en procurer qu'au loin, vers l'extrémité de la ville.

Alors, de leurs tentes-abris, les soldats font de petits sacs qu'ils descendent remplir de quelques pelletées de terre, remontent vers la fort, s'en vont remplir encore, transportent de nouveau au sommet du rocher, avec une persévérance qu'aucun obstacle ne rebute. Des chaînes s'organisent, comme dans un incendie. La cité se transforme en une fourmilière.

A l'extérieur, on pousse à plusieurs kilomètres à Ja ronde des reconnaissances rapides ; on abat des arbres, on coupe les routes, on défonce les chemins creux. Des paysans interrogés, des émissaires lancés en campagne, fournissent un contingent d'informations qui ne saurait laisser d'incertitude sur les intentions de l'ennemi : un vaste mouvement fait converger vers la place des forces imposantes ; des pièces de gros calibre, envoyées de Haguenau, débarquent à Niederbronn ; des troupes d'infanterie se concentrent à Wolmunster et à Lemberg, à moins de dix kilomètres de Bitche.

Du château, ces préparatifs demeurent invisibles. Bitche coupe les voies de communication de telle sorte qu'il est impossible d'évoluer en vue de ses remparts ; toutes les routes passent derrière les collines.

Il faut sonder ces perfides hauteurs, rideau dont l'épaisseur peut dissimuler quelque piège. La plupart d'entre elles, nous l'avons expliqué, commandent la plate-forme du fort, dont l'altitude absolue n'excède pas 60 mètres au-dessus du niveau de la Horn. A 1.700 mètres à droite de la route de Sarreguemines, se dresse le mamelon du Gaukfeck, plus élevé de 55 mètres ; à une distance égale, le Controlen, surplombant de 40 mètres ; à 1.800 mètres, le Schimberg, plus haut que le fort de 36 mètres ; à gauche de la route de Sarreguemines, à 2 kilomètres, le plateau inégal de la Rosselle, le dominant de 50 mètres en moyenne ; en seconde ligne, dans la même direction, à un peu plus de 3.000 mètres, le pic du Hoepkopf, dont la cime le dépasse de plus de 100 mètres ; et enfin, au col de la route de Strasbourg, à 3 kilomètres également, le Pfaffenberg, démesurément élevé au-dessus du château. Les tirailleurs reviennent chaque soir, après avoir tout le jour rampé au flanc des coteaux sans recueillir encore aucun indice suspect.

Le 27, un maréchal-des-logis de gendarmerie, envoyé en éclaireur vers la Rosselle, est accueilli par quelques coups de feu. Le lendemain, un médecin de la ville attaché aux ambulances et protégé par la croix de Genève, se dirige du même côté.

Son intention est de gagner la localité la plus proche pour s'y procurer des médicaments. Un officier wurtembergeois l'arrête, l'interroge, lui ordonne de rétrograder :

— Laissez-moi, lui dit-il, la note des objets qui vous sont nécessaires ; si j'en obtiens l'autorisation, ie vous les enverrai contre remboursement. Quant à vous livrer passage, cela m'est formellement interdit.

Plus de doute, l'ennemi est là. Quelques précautions qu'il apporte à cacher ses projets, tout laisse supposer qu'il a jeté son dévolu sur cet emplacement pour l'installation de ses batteries.

 

Le lieu est choisi habilement. Découvert dans la partie qui menace directement la place, le plateau est boisé sur sa plus grande étendue. C'est sous le couvert des bois que les Allemands abritent leurs travaux, peu soucieux qu'ils sont d'exposer leur vie dans les sièges. Tout en observant avec soin les autres points de la périphérie, c'est de ce côté que désormais nous devons spécialement porter notre attention.

 

Une petite expédition est résolue, ayant pour objectif les retranchements élevés, — et peut-être déjà armés, — par l'adversaire. Mais une sortie présente de graves difficultés. Si les mouvements de l'assiégeant échappent à nos investigations, nous ne saurions, quant à nous, soustraire à ses regards aucun des nôtres. Ce serait se livrer à tous les hasards de l'inconnu que d'entreprendre une opération de longue haleine. Donc, la sortie s'effectuera à la faveur des ténèbres et sera conduite vivement.

Le 1er septembre, à minuit, quatre cents fantassins répartis en trois colonnes, sous le commandement du capitaine Baron, du 48e de ligne, se jettent hors des murs, vont gravir les pentes de la Rosselle et saccagent les terrassements de l'ennemi. Une chaude fusillade oblige nos hommes a la retraite. Ils reculent lentement, méthodiquement, au moment même où, l'aube commençant à poindre, le feu de la place pourra utilement mêler ses efforts à ceux de leur mousqueterie.

Cette première tentative a réussi. Une nouvelle sortie nocturne va la suivre, à quarante-huit heures d'intervalle, exécutée, cette fois, dans des proportions plus larges, sinon plus sages.

Huit cents soldats du camp retranché, divisés en trois colonnes d'attaque, opéreront avec deux pièces de campagne, les seules dont il soit possible de disposer. Leur mouvement sera appuyé, en arrière, par les compagnies Désoubry, Palazzi et Fenoux, du 86e de ligne, les trois autres compagnies de ce bataillon formant, avec les douaniers, une deuxième réserve.

Le capitaine d'artillerie Lair de la Motte dirige l'expédition.

Pendant que la colonne de droite commandée par le sous-lieutenant Labarbe, du 30e de ligne, attaquera vers les bois, la colonne de gauche, sous les ordres du capitaine Baron, opérera un mouvement tournant. La colonne du centre, enfin, franchira, avec les canons, la route de Sarreguemines, pour se porter contre le gros des forces adverses.

Par malheur, les hommes du camp retranché, excellents combattants en général, n'offrent entre eux qu'une imparfaite cohésion. Militaires de toutes armes, provenant d'un chiffre considérable de corps, ils ne peuvent former qu'un ensemble hétérogène.

L'ennemi qu'on va surprendre est d'ailleurs notablement plus nombreux et beaucoup mieux sur ses gardes qu'on ne le croit.

Aussi, malgré le succès des colonnes de gauche et de droite qui ont enlevé les hauteurs et culbuté les avant-postes allemands, la colonne du milieu, cédant sous le poids de forces triples, se retire-t-elle sans que ses deux pièces aient eu le temps de prendre position. Ce mouvement du centre est suivi par les ailes ; toutefois, elles ne plient que graduellement. L'attitude des troupes est excellente. La compagnie Désoubry entretient un feu remarquablement nourri ; la section du lieutenant Neurisse se bat avec acharnement. Au petit jour, après cinq heures de lutte, la forêt répercute encore les échos de la fusillade.

L'artillerie du château, qui n'a pu jusqu'alors prendre part à l'action de crainte de toucher les nôtres, commence enfin à entrer en ligne. La colonne de droite sort des bois, ramenant des blessés et poursuivie par l'ennemi. Ce dernier est près de l'atteindre, quand une demi-douzaine de projectiles envoyés avec une précision mathématique le coupe et le contraint à rétrograder.

Les munitions manquent. Seuls, quelques turcos ont conservé des cartouches qu'ils s'obstinent à utiliser. La vue du drapeau parlementaire hissé pour l'enlèvement des morts les décide à cesser le feu. L'ennemi ne nous permet de recueillir que las cadavres tombés dans nos lignes.

 

L'affaire du 3 septembre nous a coûté soixante-deux hommes, parmi lesquels neuf tués, restés en notre pouvoir et enterrés le lendemain en grande pompe.

Les pertes de l'adversaire sont supérieures.

Le commandant de place écrit en son ordre du jour :

Dans cette sortie, MM. les officiers chefs de colonnes et autres ont montré toute l'énergie et le courage que l'on a coutume de rencontrer chez les officiers français ; il faudrait les citer tous.

Parmi les hommes de troupe, se sont plus particulièrement fait remarquer les nommés :

Ferreri, sergent-major au 1er zouaves ;

Cotte, caporal au 27e ;

Leloup, sergent au 14e bataillon de chasseurs à pied ;

Melon, caporal au 49e ;

Bouret, brigadier au 10e d'artillerie ;

Richard, sergent au 68e.

 

La promptitude avec laquelle l'adversaire a fait face à nos troupes passe aux yeux de quelques habitants pour la conséquence de fâcheuses indiscrétions. Essentiellement nerveuse et impressionnable, la population d'une place assiégée s'alarme des moindres symptômes. L'incertitude touchant les faits extérieurs pèse vivement sur les esprits. Les bruits les plus contradictoires circulent à travers la ville. Nos armées sont victorieuses, d'après les uns, défaites, selon les autres. Un jeune mobile, Dumont, a apporté les dernières nouvelles. Son père, capitaine de la douane, servait à Bitche. Désigné comme secrétaire-adjoint de la place, Dumont, jour rallier ce poste, a traversé les lignes qui enveloppent l'armée de Bazaine. On a eu par lui le récit des premiers combats sous Metz, mais sans en pouvoir apprécier les résultats.

Dans l'intervalle écoulé entre les deux sorties, un parlementaire est venu offrir des journaux allemands ; le commandant de place les a refusés. Le 7 septembre, est publié l'ordre suivant :

ORDRE DE LA PLACE

L'ennemi exécute des travaux contre la place.

Il est essentiel que, lorsque nous tirons sur ces travaux, les hommes ne viennent pas se montrer sur les parapets, ni aux croisées ; cela peut donner à l'ennemi des indications contre nous. Il en est de même des promenades sur les remparts delà place un observateur judicieux peut prendre des directions très exactes pour des cheminements contre la place en observant le point précis où un promeneur, marchant sur les banquettes, change de direction. En conséquence, les douaniers qui forment la garde des remparts recevront la consigne spéciale, conforme au règlement, de ne laisser passer sur les remparts que les officiers de l'artillerie, du génie et les officiers de service.

 

Le commandant de la place,

TEYSSIER.

 

Des pessimistes persistent à prétendre que de criminelles révélations entravent la défense Quelques-uns crient à la trahison. On assure qu'il y a, au château, des gens vendus à !'ennemi, peut-être des officiers. On a remarqué des signaux échangés le soir, au moyen de lumières, entre le fort et la ville.

Pour couper court à ces rumeurs, le commandant Teyssier aposte un lieutenant d'infanterie en observation sur le rempart. Cette vigie, effectivement constate la présence d'une lumière éclairant à plusieurs reprises et à intervalles égaux une fenêtre du pavillon du génie, au château.

— Plus de doute, s'écrie-t-on, le traître est là !

Et l'on n'aura de repos que l'on n'ait démasqué le traître.

Les habitants de Bitche ont de puissants motifs pour se montrer défiants. L'histoire de leur ville ne leur rappelle-t-elle pas l'une des plus étranges surprises dont une place assiégée ait failli être la victime ?

 

C'était en 1793. Depuis l'année précédente la France était en lutte avec l'Autriche et la Prusse. Les forces françaises du camp de Hornbach venaient d'échouer dans l'attaque de Pirmassens, en Bavière. Elles avaient dû battre en retraite. Le 29 septembre, elles étaient défaites en vue de Bitche et se repliaient sur Sarreguemines, laissant à découvert une portion du pays.

A dater du 3 octobre, la citadelle fut cernée de près. Sa garnison se composait du 2e bataillon du Cher, 675 hommes, commandant Augier, et de 64 canonniers du Ier régiment d'artillerie à pied. Le capitaine Barba, du 5e régiment d'infanterie, commandait provisoirement la place.

Le 15 novembre, durant la nuit, six mille hommes d'élite de l'armée prussienne, que commandait le prince de Hohenlohe, s'approchèrent de Bitche, arrivèrent sans bruit jusqu'aux barrières d'un ouvrage avancé, en arrachèrent les chevaux de frise ; sans chercher à s'emparer de cet ouvrage, une colonne escalada, au moyen d'échelles, les obstacles, et put gagner ainsi l'entrée principale du tort.

Pendant ce temps, une autre colonne gravit le glacis du côté de la petite tête, débouche sur le chemin couvert, enlève les sentinelles, enfonce quatre portes et parvient à la caponnière de gauche.

Non loin du seuil du fort s'ouvrait un souterrain DU couchait le préposé à la garde des bœufs, un nommé Billet. Entendant des pas étouffés, Billet s'élance vers une fenêtre grillée dominant le pont-levis. Il aperçoit dans l'ombre des sapeurs occupés à pratiquer une ouverture à coups de hache.

Immédiatement, l'éveil est donné. Déjà l'ennemi a fait un trou énorme dans la porte. Mais, juste au-dessus, est situé le logement du quartier-maître du bataillon. Par la croisée qui surplombe, une grêle de meubles, de bûches, de vaisselle pleut soudain sur les assaillants.

Cette défense improvisée procure à la garnison le temps de se réunir. En quelques minutes, la première colonne prussienne est obligée de rétrograder.

Du côté de la petite tête, l'ennemi a trouvé murée une porte de communication qu'il croyait ouverte ; elle conduisait autrefois à l'intérieur de l'ouvrage par un escalier à vis. Un factionnaire perçoit le bruit fait pour forcer la dernière entrée de la caponnière. Il donne l'alarme à son tour. Du haut du pont de la petite tête et de derrière les parapets, les coups de feu et les grenades surprennent les Allemands. Des pierres, des ferrures, des matériaux de toute sorte fondent sur eux en même temps que les projectiles. Nos soldats jettent par dessus les murs tous les objets à portée de leurs mains ; il s'en produit, en avant de la porte, un tel entassement que les Prussiens emprisonnés derrière cette barricade, n'en pouvant plus sortir, sont contraints d'attendre le jour.

Tandis que ces événements se passaient à la citadelle, une troisième colonne ennemie s'était présentée aux barrières de la ville. Des gardes nationaux étaient postés là, mais en trop petit nombre. Ils avaient résisté à outrance. Plusieurs étaient tombés frappés à mort.

Honteux de l'insuccès de leurs compagnons et ne voulant pas s'en retourner les mains vides, les Prussiens entrés dans la ville s'éloignent, un peu avant l'aube emmenant avec eux seize otages choisis parmi les bourgeois et les fonctionnaires, trois médecins de l'hôpital et trente militaires malades, littéralement arrachés de leurs lits.

Cette retraite ne s'opéra pas sans pertes. L'artillerie du fort fit de nombreuses victimes. On compta, le lendemain, soixante-huit voitures de morts ou de blessés convoyés par l'ennemi.

A la pointe du jour, la garnison fit une sortie. Les assaillants de la petite porte étaient toujours bloqués dans la caponnière. Ils furent faits prisonniers, au nombre de deux cent soixante-dix, dont dix officiers.

Parmi ces derniers figurait un Français, un misérable que nos soldats reconnurent. C'était un ingénieur du nom de Brunet, émigré, et qui avait, quatre ans auparavant, été au service de la place. En conduisant l'ennemi à travers des détours de fortifications qui lui étaient familiers, Brunet avait compté sans la porte murée nouvellement. Cette circonstance avait déjoué ses calculs. Le coquin fut jugé par le conseil de guerre et fusillé dans les vingt quatre heures.

A quelque temps de là, Bitche était dégagée par le général Hoche ; les Allemands en déroute reculaient jusque vers Mayence.

 

Le souvenir de 1793 devait fatalement influencer les assiégés de 1870. La persistance des habitants à incriminer les allées et venues d'une lumière au fort trouve donc son excuse dans la réminiscence de cette odieuse trahison.

Les alarmistes, au surplus, ne tarderont guère à s'apercevoir de la fausseté de leurs conjectures. Avoir déterminé le point précis où se montrent les signaux, c'est déjà, pour l'opinion publique, une satisfaction. Reste à découvrir le coupable, à le surprendre en flagrant délit. C'est au commandant de la place qu'il appartient d'ordonner les recherches. Le pavillon du génie est étroitement surveillé. Deux officiers munis de pleins pouvoirs s'y présentent à l'heure où le signal lumineux a recommencé à briller. Ils pénètrent dans une première salle, complètement obscure, se précipitent vers une pièce voisine, et tombent en arrêt devant un membre du conseil de défense, assis à une table où brûle une petite lampe, et laborieusement penché sur un monceau de cartes et de plans.

Le persévérant travailleur était loin de soupçonner le trouble occasionné par son labeur. Il explique en riant comment il est obligé à de fréquents trajets d'une chambre dans l'autre pour consulter des documents.

Le mystère est donc éclairci.

Pendant les quelques journées suivantes, la ville et le camp plaisantent de l'aventure qui les a tant émus.

Ces journées s'écoulent sans que l'ennemi fasse acte d'hostilités ouvertes. Se serait-il donc livré à d'importants travaux dans l'unique intention de se garder ? L'hypothèse est inadmissible, étant donnée la solidité naturelle de l'emplacement qu'il occupe. Comment interpréter son silence, dès lors.

Hélas ! la brave petite place qui s'est juré de subir sans murmure les dernières extrémités saura bientôt à quel prix s'achète la gloire et ce qu'il en coûte de faire son devoir contre un adversaire décidé à ne reculer devant aucun moyen.