HISTOIRE GRECQUE

TOME CINQUIÈME

LIVRE SEPTIÈME. — LA MACÉDOINE ET LA GRÈCE (362-337 Av. J.-C.).

CHAPITRE DEUXIÈME. — POLITIQUE ET VIE INTELLECTUELLE D'ATHÈNES JUSQU'AUX DÉBUTS DE DÉMOSTHÈNE.

 

 

§ I. — ATHÈNES AU DEHORS.

Après qu'Athènes eut secoué le joug des trente tyrans, elle retourna d'instinct à son ancienne politique, chercha à étendre sa domination et à prendre de l'influence sur les affaires générales de la Grèce. Elle ne pouvait oublier son passé : d'ailleurs. ses intérêts commerciaux exigeaient qu'elle reconquit sa puissance maritime et ses alliés. Mais il y avait une grande différence entre la nouvelle et l'ancienne Athènes : ce n'était plus la bourgeoisie tout entière qui demandait unanimement à marcher en avant, et ses efforts n'étaient plus aussi constants. Elle donnait des signes d'épuisement, et, après qu'elle avait pris un élan énergique, on la voyait tomber dans un état de fatigue où elle ne désirait plus rien que de jouir paisiblement de la vie, sans être troublée, dans le cercle étroit de sa vie municipale. Il y avait une autre différence ; c'est qu'autrefois la politique d'Athènes se développait du dedans vers le dehors par une sorte de nécessité organique, tandis qu'aujourd'hui la poussée vers une action énergique lui venait toujours du dehors, de sorte que la politique des Athéniens se faisait au jour le jour et dépendait des occasions extérieures.

C'est ainsi qu'Athènes avait été entraînée par d'autres États dans la guerre de Corinthe ; et après que, épuisée et découragée par ses grandes pertes, elle eut conclu la paix, ce furent encore les événements de Béotie qui décidèrent de sa politique. Bien plus, les partis qu'elle renfermait dans son sein, ces partis sous l'influence desquels les citoyens rendaient leurs décisions, se distinguaient les uns des autres par la différence de leur politique étrangère.

Ce n'étaient pourtant pas de nouveaux principes politiques qui servaient de base à la constitution des partis : ce n'étaient que les anciennes tendances reproduites sous des formes nouvelles. Tandis que les uns désapprouvaient une politique exclusivement démocratique, et, malgré toutes les expériences, cherchaient toujours à s'entendre avec Sparte, les autres maintenaient énergiquement ce principe : que la force de l'État reposait sur la démocratie, et qu'on devait chercher à la développer par des alliances avec d'autres États régis par des constitutions semblables. Mais on ne pouvait plus arriver à ce but par les moyens violents qu'avait voulu employer Alcibiade, lorsqu'il fit d'Athènes le centre de tous les partis démocratiques de la Grèce : mais il fallait, par des rapprochements paisibles avec des États de tendance similaire, chercher à défendre la patrie et à la tirer de son dangereux isolement. Ce fut, à ce point de vue, un événement tout particulièrement heureux lorsque, immédiatement après la profonde humiliation d'Athènes, il se produisit en Béotie une révolution qui rompit les anciennes attaches avec Sparte et, par une conséquence nécessaire, rangea le pays du côté des Athéniens.

Cette tournure des affaires fut regardée à Athènes comme une bonne fortune : elle amena la formation du parti qui, pendant une dizaine d'années, concentra en ses mains les meilleures forces de la république et donna à la vie de l'État l'impulsion la plus énergique. Son principe fondamental fut l'alliance la plus intime avec Thèbes. Cette union que l'épée n'avait pu amener, la paix devait la réaliser pour le bien des deux pays. La Béotie et l'Attique étaient appelées à se tendre la main par la nature, qui les avait faites l'une puissance continentale, l'autre puissance maritime : elles n'avaient pas à se redouter l'une l'autre, et ne pouvaient que profiter l'une de l'autre. L'amitié de la Béotie assurait les frontières septentrionales de l'Attique et la sécurité de la mer d'Eubée. Réunies, elles formaient une puissance qu'aucune autre en Grèce ne pouvait songer à braver.

Tel était le programme du parti béotien : il était simple et clair : il était le germe sain et fécond d'une nouvelle politique athénienne et le renouvellement opportun de l'ancien parti populaire. Le système ne reposait pas seulement sur des principes abstraits et des vues générales, mais sur des rapports personnels de la nature la plus étroite, sur des services réciproques rendus en des temps de détresse dans l'intérêt des desseins politiques les plus élevés. Il se forma ainsi en peu de temps un sentiment chaleureux d'affinité élective, une sympathie politique bien faite pour faire oublier tous les froissements antérieurs.

Les hommes de Phylé, comme on appelait les héros qui avaient été à l'origine les instruments de la délivrance[1], furent aussi les hommes d'État dirigeants de la Restauration. Thrasybule et Céphalos conclurent la première alliance armée avec Thèbes : l'excellent orateur Léodamas d'Acharnes, Aristophon d'Hazénia, Thrasybule de Collytos appartenaient au même groupe.

Quoique ce parti fût riche en hommes de talent, quoiqu'il fût animé du plus pur patriotisme et que son esprit fût conforme à la justice et même dicté par les nécessités historiques, il trouva cependant de nombreux contradicteurs. N'était-ce pas le parti du mouvement et de l'opposition à Sparte ? Thrasybule n'était-il pas le frère d'armes d'Alcibiade, et Aristophon, le fils de ce Démostratos qui avait soutenu avec tant de zèle l'expédition de Sicile ? Aussi tous ceux qui craignaient une rupture avec Sparte ou de nouvelles entreprises compromettantes, tous les ennemis de la démocratie et de ses agitations, étaient les adversaires du parti béotien. Les démagogues proprement dits, comme Agyrrhios, étaient aussi contre lui, parce qu'ils ne voulaient entendre parler de rien qui pût troubler le bien-être des citoyens et exiger d'eux des sacrifices. De plus, l'influence de Thrasybule et de ses partisans fut paralysée en partie par le retour de Conon, qui était loin d'Athènes au temps où s'étaient établis les rapports avec Thèbes. Même les hommes qui suivirent de plus près son exemple, Iphicrate et Timothée, ne se sont jamais bien pénétrés des idées du parti thébain : l'orgueil athénien les empêchait de bien comprendre la situation politique.

L'adversaire le plus décidé de l'alliance thébaine était Callistratos d'Aphidna, le premier orateur de son temps. Bien qu'il fût le neveu d'Agyrrhios[2], il était cependant en relations avec les oligarques thébains, et, quoiqu'il résistât en bon patriote à tout acte violent de Sparte, il n'en était pas moins plus prévenu encore contre Thèbes. Il ne voulait pas d'une troisième capitale dans la Grèce, d'une Béotie unifiée et menée par Thèbes sur les derrières d'Athènes.

Callistratos revenait donc aux principes de la politique de Cimon, puisqu'il voulait laisser la direction des affaires nationales aux deux anciens chefs-lieux de la Grèce : il ne désespérait pas de trouver la forme convenable pour cela, pourvu que par une attitude résolue on prévint les usurpations de Sparte. Si Thèbes se mettait en avant, croyait-il, le désordre n'en pourrait être qu'augmenté. Il ne voulait en aucune façon voir Athènes liée avec Thèbes : elle devait garder la liberté de prendre à toute occasion des décisions conformes à ses intérêts. Cette politique des mains libres, il la soutint avec un grand talent et la plus parfaite sincérité. Mais, en fin de compte, c'était une politique terre-à-terre, qui ne s'occupait que des intérêts du moment, qui manquait de but précis, une politique incapable d'enthousiasmer les citoyens et de les décider à des résolutions énergiques. Du reste, si elle trouva des adhérents, c'est précisément parce qu'elle semblait être la plus prudente et la plus réfléchie.

C'est pour cela que le parti béotien, malgré toutes les sympathies que Thèbes inspira par la lutte d'où elle sortit affranchie, ne réussit pas à s'imposer jusqu'au moment où un événement extérieur mit fin à l'indécision des Athéniens. Le branle fut donné par les Spartiates. L'attentat de Sphodrias rendit évident à tous les yeux que Sparte ne cherchait pas en Grèce des alliés, mais des sujets : on était donc contraint à la lutte par le besoin de se défendre. Céphalos réussit alors à faire voter l'alliance armée avec Thèbes[3] ; les citoyens se décidèrent à de nouveaux efforts, et tous les partis se rallièrent au parti béotien.

Il n'y avait pas alors à Athènes de ces personnalités que leur supériorité intellectuelle appelle à la direction du peuple : depuis Périclès, l'influence de la sophistique avait de plus en plus effacé les limites qui séparaient les différents degrés de culture. On ne voyait pas de ces génies capables d'entraîner la multitude à des résolutions extraordinaires. Pourtant, la république ne manquait pas des forces nécessaires dans les éventualités considérables qui se préparaient. Elle avait des généraux éprouvés, qui appelaient de tous leurs vœux l'occasion de nouveaux exploits : elle avait des hommes d'État expérimentés, qui savaient tirer de l'émotion du jour les éléments d'une action durable et utile à l'État. Callistratos ne se refusa nullement à remplir ce devoir : car, bien qu'il ne fût pas d'accord avec le parti dominant sur le but à poursuivre, il approuvait néanmoins tout ce qui contribuait à la grandeur d'Athènes, surtout sur mer, où elle pouvait le mieux se rendre indépendante de Sparte comme de Thèbes. Il n'était du reste pas fâché de pouvoir montrer que sa manière de voir en politique n'excluait pas le relèvement énergique de la patrie. Il fut secondé par Aristote de Marathon[4] et d'autres hommes, qui montrèrent d'une manière éclatante que la haute politique n'était pas morte à Athènes, et qu'on n'y manquait pas d'hommes possédant le talent d'organisation.

Les mesures prises dans l'année de Nausinicos montrent avec quelle méthode et quel sérieux on procéda. On conserva les classes et le cens de Solon pour fixer officiellement la fortune des citoyens et des étrangers domiciliés, mais on s'éloigna sur quelques points importants de la tradition ancienne ; notamment en ce que, dans toutes les classes, on n'inscrivit pas la fortune entière comme capital imposable, mais une fraction seulement. Cette fraction répondait pour la classe inférieure à peu près à une année de revenu : pour les classes plus aisées, la cote était proportionnellement plus élevée ; mais pour toutes il y avait cette garantie que les prétentions de l'État ne s'étendaient pas au capital lui-même, mais ne visaient que la rente, dont tant pour cent pouvait en cas de besoin être exigé. Ce n'était donc qu'un impôt progressif sur le revenu, établi dans des proportions assez modestes.

Une deuxième innovation fut la création de sociétés qui, sans que le gouvernement intervint directement, devaient réunir les contributions versées pour les besoins de l'État. Les douze cents plus riches citoyens, élus dans les dix tribus, formèrent vingt comités ou symmories, et les quinze plus riches de chaque symmorie un sous-comité des Trois-Cents, qui avaient à établir la répartition de l'impôt de guerre et, si c'était nécessaire, à couvrir le déficit par des avances.

On débuta par un impôt assez sérieux et qui rapporta 300 talents[5]. Avec cet argent on commença un nouvel armement ; on construisit cent vaisseaux de guerre, et l'on appela et arma dix mille hommes : on rétablit la domination maritime d'Athènes d'après des principes essentiellement nouveaux. Pour la première fois on vit une confédération d'États reposant sur la justice impartiale, une communauté qui ne pouvait pas être exploitée à l'avantage d'un seul État, mais qui satisfaisait les intérêts bien entendus de tous ses membres. Athènes ne devait avoir d'autres droits que ceux qui étaient nécessaires pour donner à la confédération de l'unité et de la force. Aucun État ne pouvait lui disputer le rang de chef-lieu, ni à ses généraux la conduite des entreprises communes. Elle devait être le siège du Conseil fédéral permanent, dans lequel tous les États étaient représentés avec suffrage égal. On était garanti contre toute usurpation, puisqu'il était interdit de s'immiscer dans les affaires intérieures de chaque État, d'envoyer des troupes occuper des villes confédérées, d'imposer des réquisitions ou des levées arbitraires[6]. Il n'y avait pas non plus de Trésor fédéral qui pût comme autrefois passer à l'actif du Trésor athénien ; les plus grands États fournissaient leurs propres navires, les plus petits acquittaient des contributions d'après des résolutions prises en commun.

Pour ce qui est de l'extension de la ligue maritime, la paix d'Antalcidas resta la base juridique des statuts. On renonça d'emblée aux villes du continent d'outre-mer, quoique quelques-unes des villes maritimes les plus éloignées, ayant appartenu à l'ancienne confédération, particulièrement la ville des Phasélites sur la mer de Pamphylie, montrassent le plus grand attachement à Athènes et fissent toujours de nouveaux efforts pour rétablir les anciennes relations commerciales et l'ancien protectorat.

C'est Athènes qui avait le dépôt des idées dont s'inspirait la politique de la nouvelle confédération maritime : c'est à Athènes que vivait la tradition de son histoire ; Athènes seule dominait du regard tous les rapports d'États à États. Néanmoins elle ne procéda pas d'après des vues personnelles, mais s'entendit avec les États dont il fallait s'assurer avant tous les autres si l'on ne voulait pas paraître devant le monde avec un simple programme, Chios, qui était restée fidèle à Athènes même après la paix d'Antalcidas, Mytilène et Byzance ; puis Ténédos et Rhodes, où après de longues guerres civiles les citoyens avaient repris le gouvernement aux familles amies de Sparte. Les Méthymnéens avaient suivi les Mytiléniens, les Périnthiens les Byzantins. On s'était entendu sous main avec ces États et ensuite avec Thèbes, où l'on reconnut bientôt l'utilité que l'on pouvait retirer de la confédération nouvelle. Bien que Thèbes elle-même n'apportait dans les commencements aucune force appréciable à la confédération maritime, son accession n'en était pas moins importante, parce qu'elle donnait à la ligue le caractère d'une association plus large, vraiment hellénique, et qu'elle contribuait à écarter l'appréhension de voir la politique fédérale prendre une tournure trop exclusivement athénienne.

Après que l'exécution du- programme eut été assurée de cette façon, le statut fédéral fut, par décret rendu sur la proposition d'Aristote, publié avec les noms des États déjà adhérents, gravé sur le marbre et exposé sur l'agora[7] ; puis, l'on adressa un appel à toutes les villes maritimes, les invitant à entrer dans cette confédération, qui garantirait leur indépendance contre le despotisme sans frein de Sparte. Mais cet appel ne pouvait être suivi d'effet s'il était envoyé seulement à l'état de lettre morte : il fallait qu'il arrivât aux villes par l'entremise de personnages dont le nom inspirât la confiance. Ce fut la mission des généraux élus dans la première année de la nouvelle confédération : Chabrias, Callistratos et Timothée. Chacun de ces hommes avait une aptitude particulière pour la difficile mission qui lui était confiée.

Callistratos jouissait comme homme d'État d'une grande considération, et la politique modérée dont il était le représentant connu, la largeur de ses idées, sa grande expérience et son habileté dans les transactions, lui donnaient encore plus d'autorité que son brillant talent oratoire ; Chabrias était un général célèbre par ses succès sur terre et sur mer, inventif pour tout ce qui concernait le perfectionnement des navires de guerre[8], l'art de ranger et de faire manœuvrer les troupes, hardi et réfléchi à la fois dans toutes ses entreprises. On avait confiance dans sa fortune, et on se trouvait en sécurité sous sa protection : aussi réussit-il à obtenir l'accession des villes insulaires et côtières de la Thrace, pendant que Timothée eut le mérite d'obtenir l'adhésion si importante de l'Eubée.

Timothée était encore jeune ; sa qualité de fils de Conon le recommandait à ses concitoyens comme aux alliés dans un moment où l'on allait reprendre l'œuvre de son père, interrompue par la défaveur des temps. Mais Timothée était aussi par lui-même une personnalité d'élite, telle qu'on ne pouvait en trouver de mieux faite pour représenter la république au dehors ; car tout ce qu'Athènes avait de bon était comme incarné en lui. Habitué de bonne heure à la meilleure société, il avait une délicatesse de mœurs, une maturité et une largeur de culture, que l'on ne pouvait acquérir qu'à Athènes. C'était un fils de riche famille, à l'intelligence raffinée et au tempérament nerveux, une nature essentiellement aristocratique : la conscience qu'il avait de la noblesse de ses intentions le rendait sévère pour les tendances moins pures, par exemple, pour les pratiques des orateurs populaires qui semaient la discorde : avec cela, il savait reconnaître le mérite des autres : libre de tout orgueil et de tout esprit de parti, il était affable, libéral, aimable. Il appartenait à cette jeune Athènes dont les fils les plus distingués s'élevaient au-dessus des antagonismes de parti, et se faisaient honneur d'une culture hellénique libre de tout exclusivisme. Tout cela le rendait particulièrement propre à traiter avec les hommes cultivés de tous les pays, et à gagner en tous lieux des amis à sa patrie. Il prenait la politique étrangère par son côté moral : c'étaient des conquêtes morales qu'il voulait faire partout où on l'envoyait, bien différent en cela des représentants de l'ancienne démocratie, qui manifestaient brutalement leur influence par des bannissements, des confiscations et des coups d'État.

Il était secondé dans ses nobles efforts par un cercle d'amis choisis, où figure notamment Isocrate, avec lequel il vivait depuis 384 environ dans une étroite intimité. Les écrits de cet homme étaient alors accueillis avec une faveur extraordinaire dans toute la Grèce, parce qu'on y trouvait l'expression accomplie de la culture attique, de cette culture qui, sans renier le patriotisme local, se laissait guider par le sentiment national hellénique et pouvait être parfaitement comprise et appréciée en dehors d'Athènes. Aussi ses discours n'étaient-ils pas seulement des modèles de style, qui formaient le goût littéraire de ses contemporains, mais encore des pamphlets politiques, qui exerçaient une influence considérable sur l'opinion publique. Il savait exposer les mérites d'Athènes et ses droits à la direction des affaires nationales avec tant de calme, d'impartialité, de persuasion, qu'il servait puissamment les idées de sa ville natale. Ses écrits étaient l'expression transfigurée de la nouvelle politique athénienne : il frayait le chemin à son jeune ami ; dans les expéditions militaires, il était son compagnon et son conseiller, le rédacteur de ses rapports, le héraut éloquent de ses exploits[9].

Une politique si opportune, dirigée et soutenue par des hommes aussi capables, ne pouvait rester sans résultats. L'ancienne crainte avait disparu : on venait au-devant d'Athènes avec confiance et sympathie. Les villes affranchies de la terreur de Sparte rendaient hommage, par des couronnes et des monuments, au peuple d'Athènes, leur sauveur et leur libérateur[10], et s'unissaient sous sa direction pour l'attaque et la défense. On institua le Conseil fédéral, et l'on résolut la formation d'une armée fédérale de deux cents navires et de vingt mille hommes pesamment armés. Comme dans les temps anciens, les citoyens montèrent eux-mêmes leurs trirèmes, et l'Archipel redevint une mer attique.

Pourtant, à ces brillants succès, il manquait une base durable. Les Athéniens étaient bien encore comme autrefois capables d'un élan enthousiaste, mais la constance dans les sacrifices leur faisait défaut, et, comme conséquence, les résultats devaient rester incomplets. Pendant. qu'on recevait des bulletins de victoire des mers les plus lointaines, on ne pouvait garantir ses propres vaisseaux marchands contre les corsaires éginètes. C'était là une contradiction choquante, qui devait singulièrement diminuer la joie causée par les glorieux exploits des héros de la marine. De plus, chaque dépêche victorieuse était suivie de demandes d'argent ; car, pour conserver les bonnes dispositions des amis nouvellement acquis, on évitait avec soin toute démarche brutale, et on n'osait appliquer à la lettre le droit qu'avait l'État dirigeant de se procurer l'argent nécessaire. Les citoyens économes trouvèrent, non sans raison, que c'était faire de la politique idéaliste, qui ne pouvait rapporter qu'une gloire incertaine et en tout cas payée trop cher. Les sacrifices de l'État, disaient-ils, ne profitaient qu'aux Thébains, qui prenaient occasion de la guerre maritime pour achever sans dérangement la soumission de la Béotie.

A vrai dire, les héros de la nouvelle confédération maritime avaient rendu au parti thébain, sans lui appartenir, les plus grands services. Les autres ne s'en apercevaient guère, parce qu'en général ils ne voyaient pas les choses d'un point de vue aussi déterminé et qu'ils étaient plus hommes de guerre qu'hommes d'État : mais Callistratos, l'adversaire décidé de Thèbes, qui désapprouvait toute politique sans but et que la gloire des généraux inquiétait pour sa propre renommée, encourageait les dispositions pacifiques des citoyens : les armements d'Athènes et la nouvelle confédération maritime lui avaient donné ce qu'il cherchait, à savoir une position plus favorable en face de Sparte : il voulait maintenant profiter de cette situation pour assurer la paix, et du même coup reprendre la direction des affaires.

Pour atteindre ce but, il fallait d'abord écarter celui des généraux qui avait le plus hardiment dépassé le programme de Callistratos et qui l'avait le plus éclipsé, Timothée. C'est chez ce dernier que la disproportion entre la gloire acquise et les résultats obtenus éclatait le plus vivement. Aussi ne fut-il pas difficile à son ennemi de le représenter aux yeux des citoyens comme un homme orgueilleux et entêté, qui, pour satisfaire sa vanité, croisait dans l'Archipel, se faisait recevoir pompeusement par les villes et les princes, et négligeait les intérêts de l'État. Cette accusation était d'autant plus odieuse que, dans le même temps, on faisait tout ce que l'on pouvait pour enlever au héros patriote les moyens nécessaires pour atteindre à des résultats pratiques. Timothée fut accusé deux fois. La seconde fois, Callistratos se coalisa avec Iphicrate, qui venait de rentrer plein d'une ardeur nouvelle et voulait avoir sa part dans la nouvelle gloire d'Athènes.

C'est au milieu d'une émotion immense que, vers la fin de l'année 373, s'ouvrit le procès, un procès de haute trahison intenté à celui qui avait fait plus que tous ses contemporains pour la gloire de sa ville natale. Ses partisans firent tout ce qui était possible. Le tyran de Phères, le roi d'Épire, comparurent en personne pour témoigner en faveur de leur ami. Timothée put faire la preuve qu'il avait diminué sa propre fortune et engagé ses biens pour empêcher la flotte de se disperser honteusement. Aussi fut-il personnellement absous par les jurés, mais son trésorier Antimachos, que les adversaires mirent en avant afin que toute la faute ne retombât pas sur la cité et sur ses conseillers, fut condamné à mort[11] : on ne revint pas non plus sur la révocation du général, qui avait précédé le procès[12]. Complètement ruiné, Timothée se retira de la vie publique et prit du service chez les Perses[13].

Callistratos était le seul qui eût un but précis devant les yeux ; aussi les victoires d'Iphicrate ne servirent-elles qu'à sa politique. Il vit que les Spartiates avaient perdu toute envie de disputer la mer aux Athéniens : il s'aperçut d'autre part, à sa grande satisfaction, que chez les Athéniens l'irritation contre Thèbes allait croissant, parce qu'ils ne pouvaient renier leurs anciennes sympathies pour Thespies et Platée et se trouvaient gravement offensés par la destruction de ces villes. Malgré tous les arguments du parti béotien, les citoyens étaient dégoûtés de l'alliance avec Thèbes. Callistratos avait donc trouvé un terrain favorable pour sa politique. Il pouvait maintenant rompre une entente qui lui était odieuse, et faire aboutir avec Sparte une alliance qui tenait parfaitement compte de la puissance actuelle de sa patrie et qui rabattait pour tout de bon l'antique orgueil de Sparte aussi bien que l'arrogance nouvelle des Thébains. La paix de 371 apparut comme un brillant succès de sa politique : Athènes et Sparte avaient repris leur vraie situation : l'une était sur terre, l'autre sur mer la première puissance hellénique, et Thèbes, qui avait voulu s'intercaler comme troisième puissance, était complètement isolée.

Et pourtant, on vit bien par la suite que c'était là une politique à courte vue ; on s'était trompé pour Thèbes comme pour Sparte. Thèbes ne fut pas arrêtée dans ses progrès par l'alliance des deux puissances, mais Sparte perdit son utilité pour Athènes, parce qu'elle cessa d'être une grande puissance. La journée de Leuctres confondit les calculs de la politique. Elle prit les Athéniens absolument au dépourvu, et mit en pleine lumière l'incohérence de leurs vues. On était partagé entre le dépit mesquin de voir la fortune sourire à Thèbes, et les sympathies non encore éteintes pour les héroïques vainqueurs. Les Thébains de leur côté avaient tellement conservé le sentiment de confraternité fédérale, qu'avant la bataille ils avaient envoyé leurs femmes et leurs enfants à Athènes, où ils expédièrent aussi les premiers messagers de leur victoire[14]. Les chefs du parti béotien se levèrent de nouveau et demandèrent que l'on dénonçât sur-le-champ le traité avec Sparte, traité qui n'avait plus de sens, puisqu'on ne pouvait plus songer à partager l'hégémonie avec Sparte. C'était le moment où jamais de se joindre à Thèbes, pour rendre Sparte inoffensive.

Il y avait pourtant un troisième parti à prendre : ne se déclarer ni pour ni contre Sparte, mais exploiter sa faiblesse et aller de l'avant avec une complète indépendance. Cette politique était intelligente, si l'on était résolu à prendre en main la direction des affaires nationales, et si l'on se décidait à créer à côté de la flotte une armée de terre qui mit Athènes en mesure de remplacer Sparte à la tète des petits États. On convoqua en effet leurs députés à Athènes[15], mais on ne s'y prit pas avec le sérieux nécessaire ; on préféra se contenter d'une molle neutralité ; on poussa les Arcadiens du côté des Thébains, et bientôt, contre toute attente, on fut réduit à voir la situation se modifier tout autrement qu'on ne l'eût désiré. Au lieu de diriger énergiquement le cours des choses, les Athéniens gardèrent l'attitude de spectateurs ébahis, et leur politique traînante fut toujours en retard sur les évènements.

Il s'agissait maintenant de savoir s'ils allaient aussi assister tranquillement à la ruine de Sparte. Il fallut se décider vite lorsque les Spartiates ouvrirent en 369 des négociations avec Athènes. Jamais leurs ambassadeurs ne s'étaient faits si humbles devant les citoyens d'Athènes. Ils priaient qu'on les sauvât : ils représentèrent, en paroles émouvantes, que toutes les grandes actions militaires des Hellènes avaient réussi par l'union des deux puissances : ils pensaient que l'on pouvait encore faire ce qu'on avait négligé après la bataille de Platée, c'est-à-dire détruire Thèbes[16] en unissant les forces des deux républiques ; ils surent exciter la rancune des Athéniens contre Thèbes.

Les députés péloponnésiens agirent aussi en faveur de Sparte. Clitélès de Corinthe demanda protection pour sa patrie qui, sans l'avoir  mérité, était éprouvée par tous les fléaux de la guerre[17] ; et lorsqu'enfin Proclès de Phlionte, dans un discours admirablement calculé, représenta aux Athéniens combien il serait conforme à leur antique gloire d'oublier généreusement les injures de cette Sparte dont le sort était maintenant dans leurs mains ; lorsqu'il leur dit que leur propre intérêt exigeait qu'ils ne laissassent pas tomber Sparte, puisque Thèbes, ne connaissant plus de barrières, marcherait en avant et deviendrait pour Athènes délaissée le plus dangereux des voisins[18], alors, le succès de l'ambassade fut assuré. Les orateurs du parti béotien ne purent pas même se faire entendre : la grande politique grecque triomphait. On entendit parler de nouveau les deux yeux de la Grèce, dont il ne fallait pas aveugler l'un[19], et autres raisons semblables. Callistratos n'eut plus qu'à suivre le courant et à proposer, conformément à l'avis de la majorité, des secours immédiats : 12.000 Athéniens partirent pour enfermer Épaminondas dans la Péninsule. On s'attendait à de grandes choses. Mais Iphicrate, et comme général et comme homme d'État, avait de bonnes raisons pour ne pas s'exposer à une bataille décisive[20].

Quelqu'irrités que fussent les Lacédémoniens de ce qu'on eût laissé les Thébains s'échapper sains et saufs par les passages de l'isthme, ils dissimulèrent leur mécontentement et engagèrent aussitôt de nouvelles négociations pour obtenir une union plus intime avec Athènes. Ils abandonnèrent toutes leurs prétentions à la prééminence, et trouvèrent le Conseil d'Athènes tout prêt à conclure une nouvelle alliance en prenant pour base le partage pur et simple du commandement. Mais parmi les citoyens une discussion très vive s'ouvrit sur ce point : Céphisodotos s'éleva contre la proposition du Conseil. Ce n'était pas, dit-il, une égalité réelle, si Athènes devait commander aux marins péloponnésiens tandis que les citoyens d'Athènes obéiraient à des chefs spartiates. Il fallait que le commandement alternât sur terre et sur mer, et il proposait de faire alterner le commandement suprême de cinq en cinq jours[21].

Cette étrange proposition n'avait pas d'autre but que d'exploiter autant que possible la situation difficile de Sparte ; ses rois devaient être mis sur le pied d'égalité avec les citoyens d'Athènes. Céphisodotos était de ceux qui, comme Autoclès et d'autres, étaient des ennemis acharnés de Sparte sans pour cela appartenir au parti béotien. Mais ce dernier vota naturellement pour lui ; le projet de loi fut adopté, et Sparte, qui se cramponnait avec angoisse à Athènes, accepta encore cette humiliation. La conséquence nécessaire de ce vote fut que les rois se retirèrent du commandement, et que toute l'activité militaire fut paralysée. C'est ce que désiraient les Athéniens, qui voyaient dans la tension persistante entre Sparte et Thèbes la condition de leur force et ne voulaient en rien modifier cette situation. Ils ne désiraient pas la guerre avec les Thébains, et ceux-ci étaient assez avisés pour ne pas forcer leurs voisins à prendre décidément parti. Des deux côtés, on évitait par un accord tacite les hostilités directes.

Une politique si peu magnanime et si fausse, qui n'osait pas avoir de vrais amis et de vrais ennemis, qui n'avait d'autres visées que d'exploiter les embarras des autres États sans rien vouloir ni rien oser pour son compte, devait aimer les relations avec l'étranger, ces relations qui donnaient à Athènes le sentiment flatteur d'être une grande puissance dont on recherchait la faveur. C'est ainsi qu'on se mit en rapport avec les tyrans de Phères, par Sparte et Corinthe avec Denys le tyran, que sa vanité poussait à jouer un rôle en Grèce[22] : ces relations firent peu d'honneur à Athènes et ne lui apportèrent pas d'avantages durables. Les rapports les plus équivoques étaient ceux qu'on entretenait avec la cour de Perse.

Pour combattre ici l'influence prépondérante de Thèbes, on chercha à intimider le Grand-Roi en se mettant en relation avec des satrapes rebelles. Timothée, à son retour de Perse, reçut la mission de soutenir Ariobarzane qui sur les côtes de Thrace se montrait très serviable aux Athéniens. Après la chute d'Ariobarzane, Timothée réussit à conserver Sestos et Crithote dans la Chersonèse (365 : Ol. CIII, 3)[23]. L'incurable anarchie de l'Orient offrait alors à la politique d'Athènes un champ des plus favorables ; en bien des endroits, on ne savait pas qui était vraiment le souverain du pays ; on était à la fois des deux partis et, sans déclarer la guerre au Roi, on combattait les troupes royales[24]

C'est à Samos, occupée par une garnison persane[25], qu'on agit avec le moins de scrupule. Timothée, qui tenait à accomplir après son retour une nouvelle action d'éclat, attaqua l'île. Il resta dix mois devant la ville et sut entretenir dans l'île ses 3.000 hommes de troupes légères sans rien demander à la république. Enfin les Perses durent céder (365 :Ol. CIII, 3)[26]. La tentation était grande d'exploiter autant que possible ce succès. Samos n'appartenait pas encore à la nouvelle confédération maritime, et l'on se croyait d'autant plus autorisé à user sans ménagement du droit de la guerre, qu'on avait conquis l'île sur les Perses. Après la bataille de Leuctres, la confédération maritime avait beaucoup perdu de sa cohésion, et Timothée lui-même ne fut pas assez fort pour rester fidèle à la vieille politique fédérale. Malgré la promesse solennelle des Athéniens d'apparaître partout en libérateurs, et en dépit des avertissements d'hommes d'État réfléchis, comme Cydias[27], on expulsa avec les Perses un grand nombre d'indigènes, et on amena à plusieurs reprises à Samos des citoyens athéniens qu'on installa propriétaires du sol[28]. Samos eut ainsi la même situation qu'Imbros et Lemnos, qui, à côté des fédérés, formaient un groupe spécial et constituaient pour ainsi dire le domaine privé d'Athènes.

Timothée était redevenu populaire : il triomphait sans demander de sacrifices à son pays, et. faisait sans coup férir les plus importantes conquêtes. Il reprit pied solidement dans la Chersonèse, et, de concert avec Iphicrate, il ramenait l'année suivante Méthone, Pydna, Potidée, sous l'obéissance[29].

Ce bonheur ne dura cependant pas longtemps. Le premier et rude coup fut la perte d'Oropos. Par là se trouvait rompue la neutralité de la frontière béoto-attique, si soigneusement maintenue jusque-là La guerre paraissait inévitable ; mais les alliés manquèrent à l'appel, et l'on n'osa pas avancer seul.

Au lieu d'une guerre étrangère, que l'on évita lâchement, Oropos amena une lutte passionnée entre les partis. Les partisans de la Béotie profitèrent de l'événement pour attaquer le parti dominant, et pour montrer que ce n'étaient pas eux qui sacrifiaient aux Thébains les intérêts d'Athènes. Leur chef était Léodamas d'Acharnes[30]. Son accusation visait principalement Chabrias et Callistratos ; c'était, d'après lui, l'insuffisance de leurs préparatifs et la maladresse de leur commandement qui avaient été la cause du malheur. On les accusa devant le peuple de négligence et même de trahison. Il paraît que, dans l'ardeur du parti-pris, on alla trop loin et qu'on facilita la défense des accusés. Il est certain que Callistratos réussit de la manière la plus éclatante, non seulement à réfuter les accusations, mais encore à justifier son administration de manière à remporter le triomphe le plus complet sur ses adversaires[31]

Mais la politique d'Athènes, restée sous sa direction, n'en fut ni plus heureuse ni plus féconde. On ne cessa de louvoyer mollement. L'alliance de Sparte et de Corinthe avait perdu tout prestige depuis qu'à propos de l'affaire d'Oropos on avait été laissé complètement seul. Lors donc que les Arcadiens cherchèrent à exploiter ces dispositions et envoyèrent aux Athéniens le spirituel Lycomède pour leur demander de les arracher au joug thébain, il fut reçu à bras ouverts. On comptait de cette façon se venger des Thébains : et puis on avait aussi des vues secrètes sur Corinthe, que l'on croyait pouvoir, isolée et en danger comme elle l'était, forcer à s'unir à Athènes. Étant données les idées de la politique à la mode, on pensait pouvoir malgré cela rester dans l'alliance de Sparte ; car, en somme, c'était aussi un bénéfice net pour Sparte que l'Arcadie fût enlevée aux Thébains.

L'alliance fut conclue ; mais on n'aboutit à aucun résultat. Car d'abord Lycomède, qui était l'âme de cette nouvelle entente, fut assassiné à son retour d'Athènes ; ensuite les Corinthiens comprirent ce qui se tramait et s'entendirent vite avec Thèbes. Athènes fut cruellement punie de sa politique d'expédients, puisqu'au lieu de gagner une influence nouvelle elle perdit toute influence sur la Péninsule.

En même temps, du côté de la mer Athènes se vit menacée des dangers les plus graves : car Épaminondas sut très habilement profiter des fautes des Athéniens et trouver leurs points faibles. En peu de temps, Thèbes arriva à rivaliser avec Athènes sur l'Hellespont, de telle sorte que le Conseil de la ville d'Héraclée sur le Pont appela successivement à son secours Timothée et Épaminondas, et que Byzance traita avec Thèbes derrière le dos des Athéniens[32].

Les hommes d'État athéniens n'avaient désormais qu'une chose à faire : observer chaque mouvement d'Épaminondas et s'opposer à tous les plans conçus par lui en vue d'accroître la puissance de Thèbes. Ce fut précisément le grand souci de Callistratos. Il travailla sans relâche contre le grand Thébain, déployant toute son éloquence pour exciter la défiance contre lui, faire sortir les Corinthiens de leur neutralité, gagner les Arcadiens et les Messéniens et fermer la péninsule aux Thébains. Il fit aboutir une nouvelle alliance contre Thèbes, et la bataille de Mantinée, malgré la défaite des alliés, put être regardée comme une bonne fortune pour Athènes. Le plus puissant de ses rivaux était écarté, et l'on n'avait plus d'ennemi à craindre, ni Thèbes ni Sparte.

Et cependant les affaires ne prirent pas une tournure favorable. Au contraire, la trêve qui fut imposée par l'épuisement général fut plus funeste que la guerre. L'opposition faite à Thèbes avait produit une tension bienfaisante et dirigé l'attention sur des visées précises. Cette tension cessa alors, et les Athéniens, habitués depuis longtemps à recevoir tontes les impulsions sérieuses du dehors, se relâchèrent d'autant et laissèrent passer sur eux sans grande résistance le malheur des temps. Tout ce qui avait été mis en œuvre contre Athènes du vivant d'Épaminondas laissa des suites sensibles, en particulier l'inimitié d'Alexandre de Phères, qui avait été obligé d'entrer dans l'alliance béotienne et qui harcelait maintenant ses anciens amis de la manière la plus gênante.

Il était passé maître dans la petite guerre maritime. Avec sa flottille de pirates, il rançonna les Cyclades[33], assiégea Péparéthos[34], surprit par une attaque subite l'escadre qui y était réunie sous les ordres de Léosthène, puis, précédant la nouvelle de cette défaite, accourut si vite jusqu'au Pirée, qu'il put piller le bazar du port et s'enfuir avec un riche butin avant que les Athéniens ne fussent prêts à se défendre[35]. En même temps arrivaient de la côte de Thrace les plus mauvaises nouvelles : Cotys était maître de la Chersonèse ; les affaires d'Amphipolis allaient aussi mal que possible. Tout concourait ainsi à humilier profondément les Athéniens et à les diminuer au moment même où, par la mort d'Épaminondas, ils croyaient être délivrés du danger le plus pressant.

Ces humiliations eurent pour conséquence, selon l'habitude, un contrecoup sur la situation intérieure. Ceux qui étaient à la tête des affaires furent rendus responsables de tous ces malheurs, et Callistratos vit se tourner contre lui le mécontentement causé par la politique sans résultats des dernières années, les dépenses inutiles de la campagne du Péloponnèse, les pertes en Thrace et les affronts subis sur mer. Le parti béotien, qui avait lutté contre lui pendant des années, trouva là une occasion meilleure que jamais de l'attaquer. Callistratos était pour les Athéniens l'adversaire né d'Épaminondas. Tant qu'ils eurent peur de ce dernier, ils regardèrent le premier comme indispensable : sa personne était une garantie que rien rie serait négligé de ce que réclamait leur jalousie contre Thèbes. Maintenant au contraire, on croyait pouvoir se passer de lui : on découvrit sans ménagement toutes les faiblesses de sa politique ; la haine longtemps amassée de ses adversaires réussit à le rendre responsable des derniers événements. Son éloquence resta cette fois sans effet, et il ne put, ainsi que Léosthène, échapper à la mort que par un exil volontaire (361 : Ol. CIV, 3)[36].

Callistratos n'avait pas mérité cette sentence, car nous n'avons aucune preuve qu'il ait donné à son pays d'autres conseils que ceux dictés par sa conscience. C'était un honnête patriote, très habile en administration ; mais, comme homme d'État, il était borné, incapable de pensées créatrices et esclave de ses préjugés. Il suivait les anciennes traditions de la politique conservatrice, en voulant restaurer en Grèce d'une manière conforme aux nécessités des temps le dualisme d'autrefois. Mais de quoi pouvait servir aux Athéniens de lier leur destinée à celle de Sparte, au moment où celle-ci, ayant conscience de sa complète décadence, abandonnait toutes ses anciennes prétentions ? C'est pour cela que toute la politique de Callistratos fut si stérile : l'apparente liberté d'action qu'il affectait comme homme d'État n'était au fond que de la faiblesse, quand il s'obstinait, avec ses rancunes envieuses, à ne pas reconnaître la puissance de Thèbes, c'est-à-dire l'événement le plus important de son époque. Il montra aussi des sentiments mesquins dans sa conduite à l'égard de Timothée. Malgré les brillants talents qui lui étaient propres, il manquait de grandeur dans le caractère : c'est pour ce motif qu'il n'aimait pas les hommes qui avaient quelque chose d'héroïque dans leur nature et qui dépassaient la mesure ordinaire.

Le parti béotien, pendant ces dix dernières années, n'avait jamais été tout à fait sans influence. Il n'avait cessé de demander qu'Athènes, incapable à elle seule de diriger la Grèce, s'alliât non pas à des États faibles et épuisés, mais à la seule puissance qui fût forte et pleine de vie, prête à contracter une union sincère, et, par la similitude de ses principes constitutionnels, seule propre à devenir une alliée. Mais plus la justesse de cette politique se confirmait par les progrès de Thèbes, plus augmentait le dépit des Athéniens : c'est en vain qu'on leur représentait qu'il était insensé d'user leurs forces au profit d'une mesquine jalousie, et de mener l'État à la ruine pour l'amour d'alliances plus malheureuses les unes que les autres. Enfin, les hommes de ce parti prirent le gouvernail ; mais il était trop tard. Pendant leur longue et impuissante opposition, les Athéniens avaient vu leurs forces se disséminer et s'user, et le nouveau programme était devenu inexécutable, car il reposait sur l'hypothèse d'une Thèbes puissante.

Or, à l'heure présente, Thèbes elle-même était sans consistance et incapable d'être une alliée utile. Il ne pouvait donc plus y avoir à proprement parler de parti béotien, et il en résulta qu'après la chute de Callistratos il n'y eut pas d'élan nouveau. Ce n'était au fond qu'un changement de personnes dans la direction de la république : en somme, tout restait dans l'ancienne ornière. Les hommes du parti prirent le pouvoir, mais le parti s'était survécu.

Le plus considérable d'entre eux était Aristophon[37] : c'était le plus actif de son parti, un orateur d'un grand talent. Il avait combattu pour ses idées pendant plus de quarante ans, toujours sur la brèche quand il s'agissait d'exciter les passions contre Sparte et de pousser à l'alliance thébaine. Avec son caractère violent, il s'était engagé dans des démêlés innombrables, et avait eu à rendre compte plus qu'aucun autre citoyen de propositions de loi illégales[38]. II avait donc beaucoup d'ennemis, avec lesquels il aurait pu et dû s'entendre dans l'intérêt de la cité, par exemple Chabrias, Timothée et Iphicrate. Ce qui lui manquait, c'était une solide moralité et la réflexion : du reste, son long séjour dans l'opposition ainsi que ses nombreux procès n'avaient pas peu contribué à exagérer sa violence naturelle. Aussi quand, par la défaite de Callistratos, il devint le premier homme d'État d'Athènes, on eut à regretter qu'il lui manquât la vraie dignité et l'empire sur lui-même. En effet, plus la mollesse des citoyens était grande, plus ils s'abandonnaient à des individus et leur accordaient une influence telle, que ces favoris étaient en état d'exercer le pouvoir personnel et de confier les postes les plus considérables à des gens de leur couleur.

Ce qu'il y avait de plus fâcheux, c'est que les meilleurs citoyens du parti béotien n'étaient plus là, et qu'Aristophon ne pouvait attirer des capacités nouvelles au service de l'État. Le plus considéré de ses amis était Charès, du dème d'Axone, guerrier par tempérament, élevé dans le métier de soldat, plein de courage et d'initiative[39], hardi et habile, mais sans caractère et n'offrant aucune garantie, manquant de tact et d'éducation politique. Il restait encore des généraux éprouvés et dans la force de l'âge, mais on ne pouvait compter sur eux : leurs rapports avec leur patrie échappaient à toute appréciation. Pendant qu'Athènes était pillée par des pirates dans son propre port et menacée dans ses communications les plus essentielles, Chabrias servait en Égypte[40] et Iphicrate aidait son beau-père Cotys à consolider sa domination en Thrace, même contre Athènes[41]. C'est dans de telles conjonctures que débuta l'administration d'Aristophon. Il serait donc injuste de le rendre responsable de tous les malheurs des années suivantes, lui qui recueillait l'héritage d'une longue période de mauvais gouvernement. Il s'est montré, au cours de sa longue et laborieuse existence, homme d'une force intellectuelle peu commune, mais il arriva au pouvoir trop tard, lorsque son temps était passé, et il fut hors d'état de garantir la cité contre la pression des circonstances défavorables.

Les malheurs se suivent sans discontinuer. D'abord Charès se rendit à Corcyre, pour y apaiser certains dissentiments[42]. Il intervint maladroitement en faveur d'un parti oligarchique ; il en résulta que Corcyre fut perdue pour la confédération maritime d'Athènes. Les malheureux événements de Thrace, qui avaient occasionné la chute de Callistratos, devaient être réparés par d'énergiques armements ; mais Autoclès, le premier général qui obtint son commandement par l'influence d'Aristophon, se trouva hors d'étai. d'arriver à aucun résultat contre Cotys[43]. On changea les généraux, sans avoir égard à leur couleur politique : ce fut en vain ; tout alla de mal en pis. Amphipolis resta perdue, quoique Timothée aussi tentât une nouvelle attaque[44] ; Timomachos, le beau-frère de Callistratos, dut abandonner toute la Chersonèse[45], et enfin l'année 360 vit tomber au pouvoir de Cotys, Sestos, la principale station de la flotta attique sur l'Hellespont[46].

Dans ces conjonctures, on dut s'estimer très heureux lorsqu'inopinément arriva la nouvelle que le despote de Thrace avait été assassiné[47]. Les meurtriers furent célébrés comme des héros de la liberté et des bienfaiteurs de la cité : mais, avant que l'on pût utiliser cette révolution favorable, le fils de Cotys, Kersoblepte, sut rétablir la domination paternelle. Il y réussit, chose étrange, avec le concours d'un homme qui avait servi avec distinction sous Iphicrate et Timothée et acquis par là le droit de cité à Athènes, mais qui, suivant la mode des chefs de mercenaires, était bien trop inconstant pour rester à demeure au service d'un État. C'était Charidème d'Oréos, un des plus hardis chefs de mercenaires de son temps. Il aida le fils de Cotys à reconstituer sa souveraineté, comme Iphicrate avait fait pour le père, et il s'allia de même par un mariage à la maison souveraine de Thrace[48]. Céphisodotos, l'amiral athénien, fut battu par Charidème : il dut reconnaître les droits souverains de Kersoblepte, et, bien que de nouvelles compétitions suscitassent des embarras au prince thrace et le disposassent à toutes sortes de concessions, il n'y avait pas de flotte sur les lieux pour lui imposer l'exécution de ses promesses, et les événements changèrent bientôt de face. Les Athéniens ne purent faire autre chose que de citer en justice, l'un après l'autre, leurs généraux malheureux, et de déclarer nuls les traités conclus[49].

Pendant qu'Athènes était réduite à cette impuissance en Thrace, un danger plus rapproché la réveilla enfin et lui donna l'occasion, après un long énervement, de déployer une plus grande énergie. Il s'agissait de sa possession la plus importante en dehors de l'Attique, l'Eubée. Des troubles sanglants y avaient éclaté, et Érétrie, unie à Chalcis et à Carystos, fut attaquée par des voisins qui s'étaient mis en relation avec la Béotie. Il ne s'agissait évidemment de rien moins que de reprendre la politique inaugurée par l'occupation d'Oropos et d'étendre la puissance de Thèbes sur les pays et les mers de l'Eubée. Il n'y avait plus à hésiter, et les hommes du parti béotien, s'ils ne voulaient se compromettre gravement devant leurs adversaires qui n'étaient pas absolument impuissants encore, ne pouvaient se montrer faibles devant ce danger venant de Thèbes : ils devaient se montrer plus énergiques que leurs prédécesseurs dans l'affaire d'Oropos. Tous les partis se trouvèrent unis. Timothée surtout poussait à l'envoi de secours énergiques. On fit appel à des triérarques volontaires : en peu de jours l'armement fut en état, et une campagne de trente jours suffit pour forcer les Thébains à évacuer l'île[50] L'Eubée était regagnée à la confédération maritime (357).

Mais on ne. se contenta pas de ce succès : on voulut tirer parti de cet élan patriotique. Aristophon mit de nouveau son espoir en Charès et décida le peuple à l'envoyer avec les pouvoirs les plus étendus dans les mers du Nord. On croyait pouvoir aller d'autant plus sûrement de l'avant qu'on se bornait à poursuivre un seul but à la fois. Aussi, lorsque les troupes de Philippe avancèrent dans le même temps vers les côtes, et que par suite.de ce mouvement Amphipolis demanda des secours à Athènes[51], on crut agir très sagement en refusant le secours demandé, sur la foi des assurances amicales de Philippe, afin de pouvoir consacrer toutes les forces disponibles à la Chersonèse, dont la possession était la condition non seulement de l'empire de la mer, mais encore de la prospérité de la cité.

Cette politique sembla d'abord avoir de bons résultats. La victoire sur Thèbes fut suivie du rétablissement de la puissance athénienne sur l'Hellespont. Kersoblepte fut contraint à signer un traité, par lequel il cédait la péninsule de Thrace sauf Cardia et reconnaissait comme princes indépendants les protégés d'Athènes, Amadocos et Bérisade[52]. On pouvait regarder Philippe comme un nouvel allié contre Kersoblepte, et on comptait fermement recevoir prochainement Amphipolis de sa main.

Mais comme tout changea bientôt ! Avec quelle rapidité un amer désenchantement succéda à ces moments d'espérance et d'orgueil ! On s'aperçut qu'on n'avait rien fait de solide dans la Chersonèse, et que pour Amphipolis on avait laissé passer l'occasion favorable. Dans l'ami apparent on reconnut un nouvel ennemi, et la mission d'Athènes dans le Nord devint de plus en plus difficile. Pourtant, on ne désespéra pas. On était résolu aux plus grands sacrifices pour punir le roi parjure, et Charès reçut l'ordre d'attaquer Amphipolis[53]. Mais pour cela, il fallait des moyens qu'Athènes ne pouvait se procurer seule. Charès se dirigea vers Chios. Or, au moment où l'on d plus besoin que jamais des alliés, bon seulement ceux-ci refusent tout secours, mais, après une entente générale, ils se soulèvent contre Athènes et une nuée de nouveaux ennemis entoure tout à coup la malheureuse cité.

Ce soulèvement avait des causes prochaines et d'autres éloignées. La première secousse donnée à la confédération maritime nouvellement créée avait été la sortie de Thèbes, car immédiatement après il s'était établi une tension hostile et des rapports secrets entre Épaminondas et les plus importantes des cités maritimes. Épaminondas travailla avec succès à la dissolution de la ligue maritime, car il était assez puissant pour protéger ses amis et jouissait auprès des insulaires jaloux de leur liberté d'une plus grande confiance qu'Athènes. Sa mort seule écarta le danger de voir les alliés d'Athènes passer du côté de Thèbes. Mais la fermentation qui avait commencé continua, incessamment alimentée par la jalousie qu'un État même plus juste et désintéressé qu'Athènes n'aurait pu étouffer. En effet, il était absolument impossible de maintenir, sans froissements de toute sorte, une confédération de membres si hétérogènes et pourtant si égaux en droits, et qui devaient avoir une action commune. Il fallait ou bien qu'elle fût insignifiante, ou qu'un État y exerçât une influence prépondérante.

Ajoutons à cela qu'Athènes, vu l'insuffisance de ses ressources, dépendait de celles de ses alliés : sans eux elle ne pouvait maintenir sa propre situation, et pourtant elle ne pouvait dans chaque cas particulier s'en remettre à la bonne volonté des alliés. De là des abus de pouvoir, des tentatives pour rétablir la subordination d'autrefois, des exactions et des actes de violence inévitables, étant donnée la composition des armées d'Athènes. En effet, il était impossible aux Athéniens de contrôler de loin leurs troupes mercenaires, et les chefs de ces dernières furent condamnés par la force des circonstances à des actes arbitraires, à des vexations, à des spoliations do toute nature. Les événements de Samos avaient produit le plus déplorable effet, comme Cydias l'avait prédit : car, bien que sur le territoire des alliés il n'y eût pas eu d'expropriations de ce genre, cependant on craignait que les Athéniens ne reprissent goût à l'envoi de clérouchies et ne vinssent de nouveau s'établir comme propriétaires fonciers dans les îles.

Tous ces froissements, toutes ces craintes étaient sans danger tant qu'il n'y avait pas de centre où vînt s'accumuler le mécontentement, et qu'aucun État étranger ne les exploitait. Or, le danger vint d'un côté où les Athéniens n'avaient pas eu depuis longtemps d'ennemis, de la côte de Carie. De la même dynastie à laquelle appartenait Artémise, jadis la plus dangereuse ennemie des Athéniens, était sortie une génération nouvelle qui, vers le temps de la paix d'Antalcidas, gouvernait la Carie comme satrapie héréditaire. Hécatomnos donna à cette principauté de l'éclat et de l'importance : il avait déjà antérieurement cherché à s'associer d'une manière intime au commerce des cités grecques de la côte, comme le prouvent ses monnaies d'argent, qui portent les armes de Milet[54] tout en étant frappées au poids d'Athènes.

Mausole[55], le fils d'Hécatomnos, poursuivit cette politique à partir de 377 ; il transporta la capitale de Mylasa à Halicarnasse, dont il fit par l'annexion des communes environnantes une des villes les plus brillantes du monde grec ; il consolida sa puissance sur terre et sur mer, et prit les armes contre le Grand-Roi lors de la rébellion d'Ariobarzane ainsi que dans d'autres occasions.

Plus tard, il changea son attitude et trouva plus avantageux de poursuivre ses visées ambitieuses d'accord avec le Grand-Roi. Plusieurs satrapes avaient déjà profité de la faiblesse des Grecs pour pénétrer de nouveau dans les eaux grecques, comme le prouvent les garnisons persanes de Sestos et de Samos. Mausole alla plus loin ; il chercha à faire de sa nouvelle capitale ce que Milet avait dû devenir jadis d'après les plans d'Aristagoras, c'est-à-dire le centre d'un empire d'iles et de côtes, empire qui, tout en reconnaissant la suzeraineté de la Perse, devait assurer à son chef une position à la fois indépendante et brillante.

Il choisit pour cela la voie la plus sûre en excitant, à l'exemple d'Épaminondas, les alliés d'Athènes, en leur inspirant la crainte de l'ambition athénienne, en soutenant les partis hostiles aux Athéniens et en concluant dans le plus grand secret une entente avec les plus considérables des États insulaires, avec Cos, Chios, et en particulier avec Rhodes.

Les Rhodiens étaient depuis longtemps déjà dans l'agitation. En fondant la ville de Rhodes (408), ils s'étaient groupés en un État unique[56], ce qui avait considérablement augmenté leur puissance et leur orgueil : ils avaient ensuite conclu avec Cnide, Samos et Éphèse des conventions monétaires et des traités de commerce[57] ; leur système de monnaies, introduit à Cypre et en Macédoine, témoigne de l'extension de leur commerce. Mausole promit des secours pour la guerre, prépara des troupes et des vaisseaux, et gagna les villes en leur faisant croire que leur liberté était le seul but de la lutte et le seul objectif de sa politique[58]. Byzance elle-même s'était ralliée à la coalition[59]. Tout était prêt pour la rébellion, et on n'attendait qu'une impulsion décisive. L'occasion se présenta à Chios. Il est probable que Charès s'y rendit pour y réunir les moyens d'attaque contre Amphipolis, et peut-être à cette occasion montra-t-il des prétentions qui pouvaient être considérées comme des usurpations contraires aux traités[60]

Semblable à un abcès dans lequel se sont longtemps concentrés les sucs morbides, la guerre éclata subitement, sans débats préliminaires, sans dénonciation des traités, sans scission formelle d'aucun des États. On voit combien la situation était minée, et avec quelle absence de ménagements on crut pouvoir déchirer les liens qui rattachaient malgré eux les États à Athènes.

A Athènes, on était résolu à regarder le soulèvement des alliés comme un cas de guerre. On devait bien se rendre compte qu'une fois qu'on en serait venu aux mains, un rétablissement des rapports précédents serait impossible ; on se flattait donc d'avoir la force de contraindre les rebelles à accepter des rapports de sujétion et de faire de nouveau d'Athènes la reine de l'Archipel, dans toute l'acception du mot. C'était évidemment l'idée qui régnait dans les cercles dirigeants, celle d'Aristophon, de Charès et de leurs amis. Elle était fondée, en ce sens que les rapports fédéraux actuels étaient devenus impossibles et qu'il n'y avait plus qu'une alternative pour Athènes ; ou bien renoncer à la domination de la mer, ou la rétablir par la force. Mais ce qui est inconcevable et impardonnable, c'est qu'on n'avait pris aucune disposition pour mener à bout une politique aussi énergique. Rien n'était en état. On manquait de navires, d'agrès, de citoyens qui fussent prêts à se charger de la triérarchie. On s'était tiré d'affaire jusque-là au moyen de triérarchies collectives, dans lesquelles deux citoyens se partageaient les charges de l'armement d'une trirème. Mais, même partagées, ces charges étaient encore trop lourdes. Il fallut pousser plus loin le fractionnement et faire contribuer proportionnellement même les citoyens peu fortunés. Aussi, sur la proposition de Périandros, appliqua-t-on à l'armement des flottes le principe de l'association, déjà en vigueur pour l'impôt sur le revenu. Les douze cents citoyens les plus riches furent distribués en vingt sociétés ou symmories, et sous la direction d'un comité de trois cents membres (quinze par symmorie) durent fournir les prestations exigées par l'État pour la flotte[61]. On fit rentrer impitoyablement toutes les pièces du matériel naval restées aux mains des particuliers ; on saisit le mobilier des débiteurs de l'État, et on réquisitionna de force, sans égard pour la propriété privée, tout ce qui pouvait servir à l'armement de la flotte. Aristophon et son parti profitèrent de ces heures de détresse pour porter leur puissance au comble. Ils repoussèrent toutes les opinions opposées, toutes les manifestations pacifiques, toutes les tentatives, toutes les négociations qui auraient pu jeter la division dans le camp ennemi.

C'est avec cette activité fiévreuse que l'on réunit une flotte ; les meilleurs capitaines furent appelés à l'activité. Pourtant, comme ils appartenaient à des partis différents, on sépara leurs commandements, ce qui ne pouvait guère contribuer au succès. Soixante navires furent confiés à Charès, sur le courage duquel, dans cette politique désespérée, Aristophon comptait surtout : une deuxième flotte, de force égale, fut mise sous les ordres d'Iphicrate, de son fils Ménestheus et de Timothée.

Charès s'élança avec sa flotte sur Chios : il la rangea en forme de coin et la poussa dans le port, que les habitants de l'île avaient barré[62]. Chabrias, qui servait comme triérarque sous Charès, était à la tête : avançant avec audace, il s'était ouvert un passage jusque bien avant dans la foule des ennemis ; mais il périt en combattant sur le pont de sa trirème, car il était trop fier pour abandonner le navire qui lui était confié[63]. L'attaque fut manquée, et les rebelles purent prendre l'offensive. Ils dévastèrent les îles qui étaient des possessions athéniennes, en particulier Lemnos et Imbros, et parurent ensuite avec cent navires devant Samos. Mais l'île fut débloquée par les escadres réunies d'Athènes[64], et l'on résolut de se rendre à Byzance, que l'on espérait trouver la moins préparée. Mais, par un jour de tempête, on rencontra à l'improviste la flotte ennemie dans le canal de Chios. Charès demande une attaque générale : les chefs de la deuxième escadre sont unanimes à déclarer que la tempête s'y oppose. Charès ne veut pas céder. Il croit, en prenant hardiment l'initiative, décider les autres à avancer ; mais on le laisse seul, et il est forcé de battre en retraite avec perte[65].

Il fait son rapport à Athènes et rejette toute la responsabilité sur ses collègues. Aristophon défend sa cause : on rappelle aussitôt ses collègues, et Charès reste seul à la tête de la flotte entière[66].

Maintenant il lui fallait avant tout faire une action d'éclat, n'importe où l'occasion s'en présenterait : le besoin d'argent le pressant sans doute aussi, il se décida à se mettre avec toute la flotte à la solde d'Artabaze, qui était en révolte contre le Grand-Roi et serré de près par les troupes royales[67]. La situation de Mausole pouvait jusqu'à un certain point justifier cette démarche, puisqu'une défaite du roi pouvait être considérée comme une défaite de Mausole et de ses alliés. Dans tous les cas, il atteignit complètement son but immédiat. Il remporta une victoire éclatante, et, outre la solde élevée de ses troupes, il fit encore un riche butin, occupa Lampsaque et Sigeion[68] et excita parmi les citoyens une vive allégresse.

Mais le Grand-Roi envoya à Athènes une ambassade qui se plaignit amèrement de Charès et proféra les menaces les plus sérieuses[69] Certaines gens croyaient savoir qu'une grande flotte perse s'était déjà entendue avec les insulaires pour une expédition commune contre Athènes : il se produisit une réaction dans l'opinion publique et un grand mouvement contre Aristophon et son parti. On parla de l'épuisement du Trésor[70], des charges insupportables de la guerre, de l'impossibilité d'obtenir par la force l'obéissance des alliés. par son terrorisme, Aristophon s'était aliéné plus d'un ami, et ce fut un membre de son propre parti, Eubule, qui proposa dans l'assemblée du peuple de proclamer immédiatement une trêve, si l'on voulait sauver la république d'une perte totale.

La précipitation qu'on avait mise à engager cette guerre, on la mit aussi à conclure la paix[71] : on ne songea qu'à se débarrasser le plus vite possible des misères de la guerre, sans essayer de sauver ce que l'on pourrait de l'influence et de la puissance d'Athènes. Les alliés rebelles furent déliés de toute obligation. Ainsi tous les sacrifices si lourds qu'on s'était imposés furent abandonnés par peur des menaces de la Perse ; on renonça honteusement à la Ligue maritime qui avait été fondée vingt ans auparavant avec les perspectives les plus heureuses par Callistratos et Timothée[72]. A la place de l'influence attique, qui maintenait dans l'Archipel l'ordre et l'union dans l'intérêt de la cause nationale, on vit apparaître l'influence asiatique tant du Grand-Roi que des tyrans et des satrapes de la Carie. Les petits despotes qui commandaient dans la région du littoral sous la suzeraineté de la Perse exercèrent leur action sur l'Archipel et détournèrent d'Athènes les cités insulaires en y instituant des oligarchies ou des tyrans. De même que le satrape Tigrane avait établi naguère à Samos le tyran Cyprothémis[73], Mytilène fut placée sous les ordres de Cammys[74].

Athènes ayant ainsi confessé son impuissance, l'état légal fit place à une complète anarchie. Aucune grande puissance ne garantissait plus la paix des mers ; la démarcation entre le domaine maritime des Barbares et des Hellènes était supprimée, et Athènes n'était plus assurée ni de ses routes de commerce, ni même des petites îles qui lui étaient restées. A la place de la domination maritime d'Athènes, un groupe d'États moyens établit son autorité dans l'Archipel, en secouant toute autorité supérieure : absolument comme, dans la guerre corinthienne, les puissances continentales de second rang avaient conquis leur indépendance.

Mais ce n'était pas tout : la lutte des partis continua devant les tribunaux et réclama encore d'autres victimes. Aristophon, avec Charès à ses côtés, employa tout ce qui lui restait d'influence pour perdre les autres généraux et enlever à Athènes si cruellement tombée les seuls hommes qui fussent en état de lui préparer un meilleur avenir. Lorsque les généraux rendirent leurs comptes, Iphicrate, Ménestheus et Timothée furent accusés d'avoir trahi leur patrie pour l'or de Chios et de Rhodes[75]. Cette accusation excita une grande indignation, et Iphicrate se vit entouré d'une troupe nombreuse de ses compagnons d'armes, prêts à écarter de lui même par la force le danger suprême. Le vénérable vieillard, le héros couvert de cicatrices opposa toute sa fierté de soldat aux artifices de procureur employés par Aristophon. Il avoua son incapacité à se défendre par des armes semblables. Celui-ci est, dit-il, un meilleur comédien que moi, mais ma pièce est meilleure[76]. Il en appela à ses actions et demanda si on le croyait capable d'un enfantillage honteux dont un Aristophon lui-même rougirait.

L'orgueil chevaleresque d'Iphicrate ne manqua pas son effet. Il fut acquitté ainsi que son fils. Le procès de Timothée eut une issue moins heureuse. Il ne fut pas trouvé coupable, il est vrai, du crime dont il était accusé ; mais il gâta sa cause en irritant les juges par ses grands airs, de sorte qu'il fut condamné à l'énorme amende de 100 talents[77]. Il se rendit à Chalcis, où il mourut la même année, après avoir vu échouer si pitoyablement l'œuvre de toute sa vie. Iphicrate resta à Athènes, éloigné de la vie publique. Chabrias avait succombé dans la lutte. C'est ainsi qu'Athènes, à la fin de cette malheureuse guerre, n'avait pas seulement perdu sa suprématie et ses ressources ; mais elle était par surcroît dépouillée de ses derniers héros.

 

 

 



[1] LYSIAS, In Eratosth., § 52. — LYSIAS, In Agorat., § 77.

[2] Sur les attaches démagogiques de Callistratos, voyez BÖCKH, Staatshaushaltung, I, p. 320. SCHÄFER, Demosth., I, p. 12.

[3] DINARCH., In Demosth., § 39. XÉNOPHON, Hellen., V, 4, 34.

[4] DIOG. LAERT., V, 35.

[5] Environ 2.768.220 fr.

[6] Statuts fédéraux (C. I. ATTIC., II, n. 17 a). C'est probablement à cette loi que fait allusion Isocrate dans le passage où il parle de la réforme des abus antérieurs en ce qui concerne le traitement des alliés (ISOCRAT., Panegyr., § 114).

[7] C. I. ATTIC., ibid., 17 a et 17 b.

[8] POLYÆN., III, 11, 13. Cf. BÖCKH, Seewesen, p. 161.

[9] REHDANTZ, op. cit., p. 180.

[10] DEMOSTH., In Androt., § 72.

[11] [DEMOSTH.,] In Timoth., § 10. Cf. SCHÄFER, Demosthenes, III2, p. 138.

[12] XENOPH., Hellen., VI, 2, 13.

[13] [DEMOSTH.,] In Timoth., § 25 sqq.

[14] XENOPH., Hellen., VI, 4, 19.

[15] XENOPH., Hellen., VI, 5, 1 sqq.

[16] XENOPH., Hellen., VI, 5, 35.

[17] XENOPH., Hellen., VI, 5, 37.

[18] XENOPH., Hellen., VI, 5, 38 sqq.

[19] C'est Leptine qui employa cet argument (ARISTOT., Rhet., p. 127, 25).

[20] Xénophon blâme la conduite des opérations militaires adoptée par Iphicrate (XENOPH., Hellen., VI, 5, 49 sqq.).

[21] XENOPH., Hellen., VII, 1, 12 sqq.

[22] On envoya deux ambassades à Denys en 368 (Philologus, XII, p. 575).

[23] ISOCRAT., Antidos., § 112. CORN. NEP., Timoth., 1. Cf. SCHÄFER, in Rhein. Museum, XIX, p. 610.

[24] Timothée appuie Ariobarzane en dépit du décret (DEMOSTH., De Rhod. libert., § 9).

[25] Samos avait été replacée sous la domination des Perses par le parti oligarchique. Elle avait alors un tyran, Cyprothémis, installé par le satrape Tigrane (DEMOSTH., De Rhod. libert., § 9).

[26] DEMOSTH., De Rhod. libert., § 9. ISOCRAT., Antidos., § 111. CORN. NEP., Timoth., 1.

[27] ARISTOTE, Rhet., p. 70. 16.

[28] Pour lever la contradiction entre le scoliaste d'Eschine (I, 52), d'après lequel la clérouchie a été envoyée à Samos sous l'archontat de Nicophémos (361/0), et Philochore, qui la fait dater de l'archontat d'Archidamos (352/1), FOUCART (Mém. sur les colonies athéniennes, p. 397, dans les Mém. prés. par des savants étrangers, Ire série, t. IX) admet qu'il y a eu deux envois de colons, le premier immédiatement après la prise de la ville, l'autre après la fin de la guerre Sociale. Lors du premier, on n'aurait expulsé que le parti oligarchique inféodé à la Perse : après la guerre Sociale, on cherche à prévenir une tentative de rébellion qu'on pouvait craindre. Les clérouques athéniens demeurent ainsi propriétaires de l'île de 365 à 322 (Voyez C. CURTIUS, Inschriften und Studien zur Geschichte von Samos, Wesel, 1873, p. 3). Les documents samiens de cette époque, rassemblés par C. Curtius, sont en dialecte attique et sont datés d'après le calendrier attique, avec le nom de l'archonte athénien à côté de l'archonte de la colonie de clérouques, qui est qualifiée de ό δήμος ό έν Σάμω. L'inscription donnée par W. VISCHER (in Rhein. Museum, XXII, p. 213) et celle qu'a publiée C. CURTIUS (op. cit., p. 4) ont trait au retour des Samiens.

[29] DINARCH., In Demosth., § 14. ISOCRAT., Antidos., § 113. Il faut sans doute compter dans le nombre Neapolis, en face de Thasos. Voyez le décret qui la concerne dans SCHÖNE, Griech. Reliefs, p. 23, et KÖHLER, in Hermes, VII, p. 167. L'inscription citée par HEUZEY (Macédoine, p. 24) indique qu'il s'agit bien de la ville de Thrace. C'est aussi à cette campagne de 364 que se rapporte le texte épigraphique de RANGABÉ, Antiq. Hellen., III, 391.

[30] ARISTOT., Rhet., p. 24, 22.

[31] PLUTARQUE, Demosth., 5.

[32] JUSTIN., XVI, 4. ISOCRATE, Philipp., § 53.

[33] XENOPH., Hellen., VI, 4, 35. DEMOSTH., In Aristocrat., § 120.

[34] DEMOSTH., De coron. trier., § 8. KIRCHHOFF, Rede vom trierarch. Kranze (in Abhandl. der Berl. Akad., 1865, p. 103).

[35] L'année même où eurent lieu les coups de main des corsaires d'Alexandre de Phères, sous l'archontat de Nicophémos (361/0) et par suite de ces exploits, une alliance fut conclue entre les Athéniens et les Thessaliens. L'inscription a été publiée par KÖHLER (Mittheilungen, II, p. 201 sqq.). Le traité garantit aux Thessaliens leur constitution fédérale, telle qu'elle avait été restaurée par Pélopidas (lig. 16-19). C'est là une clause qui vise directement les entreprises d'Alexandre de Phères, et l'intention ressort clairement de la ligne 40, où l'on ordonne de détruire l'original de l'ancien traité passé entre Athènes et Alexandre (Mittheil., II, p. 291, d'après la restitution de Köhler).

[36] LYCURGUE, In Leocrat., § 93. [DEMOSTH.,] In Polycl., § 49.

[37] Sur Aristophon, voyez SCHÄFER, Demosthenes, I, p. 122 sqq.

[38] Aristophon encourut soixante-quinze fois la γραφή παρανόμωνSCHIN., In Ctesiph., § 194).

[39] Xénophon (Hellen., VII, 2, 18) vante la rapidité avec laquelle il exécutait ses entreprises.

[40] DIODORE, XV, 92.

[41] DEMOSTH., In Aristocrat., § 156.

[42] DIODORE, XV, 95. ÆN. TACT., Poliorcet., II, 13.

[43] DEMOSTH., In Aristocrat., § 104. [DEMOSTH.] In Polycl., § 12.

[44] L'expédition de Timothée contre Amphipolis est de l'an 360 (SCHOL. ÆSCHIN., II, 31).

[45] [DEMOSTH.,] In Polycl., § 14. SCHOL. ÆSCHIN., I, 56.

[46] DEMOSTH., In Aristocrat., § 158.

[47] Au commencement de 359 : Ol. CV, 1 (F. SCHULTZ, in N. Jahrbb. für Philol., 1865, p. 309).

[48] DEMOSTH., In Aristocrat., § 163. HARPOCRAT., s. v. Κερσοβλέπτης.

[49] Céphisodotos fut condamné à une amende de 5 talents (DEMOSTH., In Aristocrat., § 163 sqq.). Il avait été envoyé en Thrace avant la mort de Cotys : son rappel est de l'an 359/8 (Ol. CV, 2). Cf. SCHULTZ, op. cit.

[50] DIODORE, XVI, 7. ÆSCHIN., In Ctesiph., § 85. DEMOSTH., De reb. Cherson., § 74, etc.

[51] DEMOSTH., Olynth. I, § 8. II, § 6.

[52] DEMOSTH., In Aristocrat., § 178 sqq. Dans Diodore (XVI, 34), le traité est placé quatre ans trop tard.

[53] C'est en tout cas ce qui paraît résulter d'un passage d'Eschine (De falsa leg., § 70).

[54] On trouve des monnaies milésiennes avec la légende ΕΚΑ (J. BRANDIS, Münzwesen Vorderasiens, p. 328). Les monnaies d'Halicarnasse suivent, au contraire, le système rhodien (ibid., p. 338).

[55] L'orthographe officielle du nom, d'après les monnaies, est Μαύσσωλλος.

[56] STRABON, p. 654. DIODORE, XIII, 75.

[57] H. WADDINGTON, Revue Numismatique, 1863, p. 223. L'inscription des monnaies du groupe est ΣΥΝμαχία (LEAKE, Num. Hellen., Insul. 38. BRANDIS, op. cit., p. 262. 325).

[58] DEMOSTH., De Rhod. libert., § 3.

[59] DEMOSTH., ibid. On a de l'an 355/4 (Ol. CVII, 2) une inscription dans laquelle on décerne des honneurs à Philiscos de Sestos pour le service qu'il a rendu durant la guerre à la cité en lui faisant parvenir un avis important : μηνύσας τ[όν τών Βυζαντίων στόλ]ον (d'après la restitution de Sauppe).

[60] Sur l'occasion qui fit éclater la guerre, voyez BECKER, Isocrates und Athen, p. 136 sqq.

[61] [DEMOSTH.,] De fals. test., § 21. BÖCKH, Staatshaushaltung, I. p. 723. Seewesen, p. 178.

[62] DIODORE, XVI, 7.

[63] CORN. NEP., Chabrias, 4. PLUTARQUE, Phocion, 6.

[64] DIODORE, XVI, 21.

[65] POLYÆN, III, 9. 29. DIODORE, ibid. L'affaire se passait à Embata.

[66] DIODORE, XVI, 22.

[67] DEMOSTH., Philipp. I, § 24. DIODORE, XVI, 22.

[68] DEMOSTH., Olynth. II, § 28.

[69] ISOCRAT., Areopagit., § 81. Cf. DIODORE, ibid.

[70] ISOCRAT., De pace, § 19 sqq.

[71] Signature de la paix au commencement de 355 : Ol. CVI, 1 (DIODOR., XVI, 22. ISOCRAT., De pace, § 16).

[72] C'est à Eubule et son parti que s'adresse le reproche de Démosthène (DEMOSTH., Olynth. III, § 28. Cf. SCHOL., ibid.).

[73] DEMOSTH., De Rhod. libert., § 9. D'après un passage de Diodore (XVIII, 9) où il est question des exilés samiens qui rentrent en 322, après plus de 43 ans d'absence, la tyrannie de Cyprothémis doit être nécessairement placée avant la prise de Samos par Timothée, c'est-à-dire avant 365.

[74] DEMOSTH., De Rhod. libert., § 37. SAUPPE, Comment. de duobus inscriptionibus Lesbiacis, Gotting., 1870, p. 5 sqq.

[75] DIODORE, XVI, 21. DIONYS., Dinarch., p. 668. CORN. NEP., Timoth., 3. ISOCRAT., Antidos., § 429.

[76] PLUTARQUE, Præcept. ger. reipubl., p. 801 f.

[77] Environ 589.400 fr.