§ II. — L'INGÉRENCE MACÉDONIENNE EN GRÈCE. Après que Philippe eut consolidé son pouvoir et donné à
son empire un territoire qui lui permit de jouer sans secours étranger le
rôle de grande puissance, commença la troisième période de son activité,
période dans laquelle il devait fixer la situation de Il avait depuis longtemps dirigé ses regards sur l'ouest, et il était entré en relations avec la plus énergique tribu des Épirotes, les Molosses, comme l'avait fait avant lui et dans le même but Jason de Phères. De tout temps les Molosses avaient eu beaucoup à souffrir des Illyriens : lors donc que ces derniers eurent été énergiquement défaits par Philippe, on trouva tout naturel de chercher en lui un appui contre l'ennemi commun. Aussi Arybbas, successeur d'Alcétas, consentit volontiers à donner sa nièce Olympias pour femme à Philippe (avant 357)[1] ; il le reconnaissait déjà comme le plus puissant de ses alliés. Quant à Philippe, cette union le mettait en mesure de prendre sur l'État voisin une influence dont il comptait user pleinement à l'occasion. Pour le moment, il s'occupait d'une tache beaucoup plus importante et plus difficile, celle d'organiser ses rapports avec ses voisins du sud de la manière la plus utile à ses desseins. Philippe avait en face des États grecs la même situation qu'autrefois Crésus en face des villes ioniennes. Tous deux étaient bien éloignés d'être les ennemis de l'hellénisme, et de désirer sa destruction : au contraire, ils reconnaissaient si bien la supériorité de la culture grecque et la force qui en résultait, qu'ils firent tous leurs efforts pour mettre le génie hellénique au service de leurs empires, lesquels ne pouvaient arriver que par lui à leur complet développement. Mais Philippe était bien plus voisin de cette culture que le roi de Lydie ; il lui était donc plus facile d'entrer dans les traditions de la politique grecque. Tandis que le roi asiatique ne voyait devant lui, pour arriver à ses fins, d'autre voie que la conquête, Philippe chercha à se faire reconnaître par les États grecs comme leur chef et leur guide dans la poursuite d'un but commun. Ses ancêtres étaient déjà reconnus comme Hellènes ; lui-même était un disciple ;de la civilisation grecque : il avait même conquis personnellement le droit de cité dans l'Hellade par sa victoire à Olympie (356 : Ol. CVI, 1)[2] ; il fallait maintenant que son royaume, devenu puissant par la civilisation grecque, entrât dans le système politique des cités grecques, et que, comme le plus fort, il prît dans ce groupe d'États la direction dont ils avaient eux-mêmes besoin. Les circonstances ne pouvaient pas être plus favorables. Thèbes-était retombée dans son impuissance d'autrefois, et, après la mort d'Épaminondas, Athènes restait le dernier État où persistât encore l'idée d'une politique nationale ; mais ce n'était qu'un rêve, un souvenir du passé auquel on ne pouvait se résoudre à renoncer, sans se sentir la force nécessaire pour faire de l'idée une réalité. Pendant les querelles qui avaient fait couler tant de sang sans amener de résultat, le dégoût de la situation présente, le désir de la paix et de l'union, avaient fait de grands progrès ; mais comment réaliser ce désir, si ce n'est sous la direction d'une puissance qui se trouvât indépendante du groupe d'États épuisés par la guerre sans leur être pourtant étrangère ? Philippe connaissait bien cette situation ; son coup d'œil perspicace lui avait montré la décadence des petits États : il voyait ce qui restait de vie nationale s'user dans les discordes civiles, les guerres, les désordres du mercenariat : il ne lui échappait pas qu'un grand nombre de bons esprits désiraient une direction énergique, sans trouver chez leurs concitoyens les hommes qu'il fallait. Il pouvait se convaincre que, dans la mesure où la foi dans la vitalité des petites républiques avait été ébranlée, le respect pour la puissance royale avait grandi aux yeux d'un bon nombre des plus intelligents parmi les Hellènes. Il arriva donc à la conviction que les plans caressés par son ambition personnelle étaient indiqués parla nécessité, qu'ils étaient les seuls raisonnables, et que, somme toute, sa politique trouverait des adhérents même parmi les Grecs, en dépit de la ténacité de leur patriotisme local et de leur mépris pour le peuple macédonien. Leur vie nationale s'était épuisée dans le cercle borné de leur patrie et dans le moule des constitutions républicaines : si elle devait avoir un avenir, ce ne serait que par l'intervention de l'énergie juvénile des peuples du Nord apparentés à leur race, et dans le cas où la direction de la politique nationale serait confiée à un prince possédant une puissance héréditaire incontestée et supérieure à celle de tous les petits États pris ensemble. Philippe suivit donc fidèlement les traces de Jason de
Phères[3], mais il avait
sur ce dernier des avantages marqués. Tandis que Jason avilit à côté de lui
les Thébains -qui lui disputaient l'hégémonie, Philippe ne voyait alors aucun
État grec qui fût capable de diriger les affaires de En outre, Jason avait fondé sa domination par la violence : il n'avait pas un peuple derrière lui, et n'était pas même en sécurité dans sa propre maison. Philippe était un prince légitime, disposant d'immenses ressources, allié de villes grecques et du Grand-Roi, possesseur d'une portion des plus considérables du littoral : tout cela lui donnait aux yeux des Grecs une bien plus grande autorité qu'à Jason, lequel, comparé à lui, n'était qu'un hardi aventurier. Enfin, Philippe était doué à un bien plus haut degré des facultés intellectuelles nécessaires à un prince qui voulait transporter dans le Nord la force motrice du monde grec ; il avait été à une bien meilleure école, et. chez lui et à l'étranger. Il connaissait tous les procédés de la science politique des Grecs, et savait les utiliser dans son intérêt. Comme Thémistocle, il sut employer le revenu des mines à la construction d'une flotte ; de Brasidas il avait appris à connaitre le point vulnérable de la puissance athénienne ; comme Lysandre, il professait la plus complète indifférence dans le choix des moyens, et avait l'art d'exploiter les discordes civiles pour paralyser la force de résistance des villes : il était l'élève d'Épaminondas pour la stratégie, pour le système d'intervention, pour la création de villes devant servir d'appui à une influence étrangère : il était le successeur de Jason enfin quant à la manière dont il s'y prit pour s'approprier l'hégémonie de l'Hellade. Ce qui au temps de Cimon et de Périclès rendait les
Athéniens irrésistibles, l'action prompte et énergique, c'était aujourd'hui
le secret des victoires de Philippe : il était en face des Grecs ce qu'était
alors Athènes en face des Péloponnésiens lourds et irrésolus, toujours prêt à
porter les premiers coups, marchant droit à son but, réduisant toujours ses
adversaires à la défensive et les jetant dans le trouble par une attaque
imprévue. Exempt de toute impatience fiévreuse, il savait attendre le moment
opportun, s'arrêter dans le triomphe et limiter le théâtre de la guerre. Il
se garda bien dès le début de se poser en conquérant, comme avaient fait les
rois de Perse, ce qui aurait pu décider les États grecs à une alliance
défensive ou à une résistance désespérée : il aima mieux épier les occasions
favorables pour se mêler aux affaires de Dans les régions montagneuses du Parnasse, les esprits
étaient en fermentation depuis longtemps. Le pays, à peine touché par les
guerres précédentes, était très peuplé : une classe nombreuse de cultivateurs
et de bergers y avait conservé la vigueur d'une race non usée encore et une
grande simplicité de mœurs. Les hommes libres cultivaient eux-mêmes leurs
champs : il y avait même une ancienne loi de Au Ive siècle la situation changea. Les villes virent
s'élever dans leur sein des familles qui acquirent de grandes propriétés et
abandonnèrent les antiques coutumes ; la maison de Mnaséas avait mille
esclaves. Chaque famille voulut alors renchérir sur les autres : il s'éleva
des jalousies et des inimitiés, par exemple, entre les maisons de Mnaséas et
de Théotimos ; et cette situation tendue eut des conséquences graves lorsque
les Phocidiens furent tirés de leur obscurité primitive et entraînés dans les
aventures du monde grec. Ils étaient loin de s'intéresser aux affaires
nationales. Ce qui les animait, c'était un farouche esprit d'indépendance et
la haine contre leurs voisins, particulièrement contre les Thessaliens,
sentiment qui avait, dès l'époque des guerres de l'Indépendance, inspiré leur
conduite politique. Dans ces dernières années, ils s'étaient soumis malgré
eux à l'hégémonie thébaine, et, du vivant même d'Épaminondas, ils avaient
refusé de servir hors du territoire contre leurs amis les Spartiates. Ils
durent expier cette audace après la bataille de Mantinée. En effet, malgré
les sages avertissements de leur grand général, les Thébains n'étaient
nullement disposés à renoncer aussitôt à leur situation de grande puissance :
ils cherchèrent même à tendre avec plus de raideur qu'auparavant les rênes de
leur hégémonie dans Les Béotiens n'avaient pas sur leurs voisins une supériorité suffisante pour pouvoir les dompter seuls. Ils cherchèrent donc à exploiter l'ancienne antipathie des Thessaliens contre la Phocide[7], et, en second lieu, l'autorité de Delphes. A Delphes, il ne leur fut pas difficile de mettre les
autorités du temple dans leurs intérêts et de faire intervenir le dieu
pythique, afin d'obtenir par son appui le châtiment de leurs vassaux
rebelles. Étant donnée l'incertitude qui régnait sur les vraies limites du
territoire sacré, un prétexte favorable fut bientôt trouvé. Des propriétaires
phocidiens furent accusés d'avoir empiété sur le territoire du temple[8]. Le conseil
amphictyonique leur imposa une amende considérable : dans le cas où elle ne
serait pas payée, toute Il y avait au début en Phocide un parti qui, lorsque cet orage s'éleva sur le pays, conseilla une entente. Mais des démagogues passionnés réussirent à étouffer la voix de la modération. Les jalousies entre familles achevèrent de gâter la situation. A la tête du mouvement était la famille de Théotimos et celle d'Euthycrate, de ce même Euthycrate qui, au sujet d'une héritière, était devenu l'ennemi acharné de Mnaséas[10]. Cette querelle de familles devint, une querelle politique. La ruse sacerdotale a bien dit être aussi pour quelque chose dans le fai t que la maison d'Euthycrate, qui n'était pas aimée à Delphes, fut frappée dans sa fortune immobilière avec une rigueur toute spéciale par l'arrêt des amphictyons[11]. L'irritation amena le fils d'Euthycrate, Onomarchos, à se mettre à. la tète du parti de la guerre, où il avait l'espoir de satisfaire à la fois son ambition et sa haine de famille. Onomarchos passait pour l'auteur des résolutions
décisives. A ses côtés on voyait le fils de Théotimos, Philomélos[12]. C'étaient des
hommes hardis, richement doués, puissants par la parole et par l'action.
Guidée par eux, l'assemblée du peuple résolut d'opposer une résistance
énergique aux exigences des Amphictyons. Mais on n'en resta pas là. Toute la
situation du pays devait être transformée à cette occasion : car tout ce qui
s'était amassé depuis longtemps chez les Phocidiens d'irritation et de haine
contre Delphes, contre Le peuple phocidien se leva pour la première fois, d'un
élan enthousiaste, et se crut appelé à de grandes destinées. On résolut un
armement général, et l'on choisit Philomélos pour général, avec Onomarchos
comme collègue[14].
Entouré de toutes parts d'ennemis acharnés, on chercha des yeux des alliances
étrangères et l'on espéra surtout en Sparte. Les Spartiates en effet, étaient
sous le coup d'une condamnation semblable à celle des Phocidiens. Ils avaient
été condamnés à deux reprises par les autorités delphiques pour leur attentat
contre Les Phocidiens en étaient donc réduits à eux-mêmes : du
dehors rien ne leur vint en aide, si ce n'est la mollesse de leurs
adversaires, qui reculaient devant les résolutions décisives. Philomélos vit
que tout dépendait d'une action rapide : c'est encore en marchant hardiment
en avant qu'il espérait plutôt réussir à entraîner des alliés dans la lutte.
Il ne pouvait pas attendre du reste que les confédérés se fussent réunis en
armes, pour s'établir dans le pays sous prétexte de protéger le temple et
pour commander les routes ; car les communes phocidiennes étaient situées
toutes autour du Parnasse, et à Delphes on pouvait facilement les empêcher de
concerter leur action. Aussi hâta-t-il les armements par des avances d'argent
personnelles, et, pendant que tout était encore en paix, il prévint ses
adversaires par un coup de main hardi. Il marcha droit sur Delphes, et tua
après une courte lutte le peu de défenseurs qu'il y rencontra. C'est ainsi
que fut anéantie la race des Thracides[16], qui avaient les
relations officielles les plus étroites avec le sanctuaire, et que leurs
biens furent confisqués. Le reste de la population fut bientôt apaisé, les
monuments des dernières décisions amphictyoniques détruits[17] : et, après que
les Locriens accourus pour débloquer le temple eurent été repoussés dans une
rencontre sanglante, Après ces événements décisifs, on sentit plus vivement encore qu'auparavant la nécessité d'une direction unique, et l'assemblée du peuple délégua tous les pouvoirs qui constituent. la dictature absolue à Philomélos, lequel établit sa résidence à Delphes, construisit un fort commandant les abords[19] et adressa à la nation grecque un manifeste dans lequel il justifiait son apparente violation de la paix, déclarait solennellement qu'il conserverait intact le sanctuaire commun de l'Hellade et s'engageait à rendre des comptes au sujet des trésors de Delphes[20]. Les Thébains furent sans aucun doute extrêmement surpris
de la résolution et de l'énergie du peuple phocidien. C'est de Delphes qu'ils
comptaient prendre leurs mesures pour infliger une correction à ces
montagnards, considérés comme des adversaires peu redoutables : au lieu de
cela, Delphes était devenue la citadelle de l'ennemi, une citadelle contre
laquelle ils n'osaient plus avancer. Philomélos, qui pour entretenir ses
mercenaires était obligé de faire des campagnes et réquisitions aux
alentours, menaçait même les frontières de Ils convoquèrent donc aux Thermopyles une assemblée amphictyonique, dans laquelle étaient représentés les adversaires des Phocidiens, surtout les Thessaliens : c'était une assemblée en tous points illégale, mais qui néanmoins se proclama la représentation de la nation hellénique et en assuma tous les droits. Philomélos fut mis hors la loi, et tout le peuple capable de porter les armes appelé à la guerre sainte au nom du dieu de Delphes[21]. Alors s'armèrent toutes les tribus qui devaient le service
militaire aux Thébains[22] : pour la
seconde fois, Thèbes se vit à la tête de tous les peuples, depuis l'Olympe
jusqu'au golfe de Corinthe : Locriens, Doriens, Thessaliens, peuples de l'Œta
et du Pinde. Tous accouraient pleins d'ardeur guerrière, non pour secourir le
dieu de Delphes et sa Pythie, mais pour satisfaire une bonne fois à fond leur
haine contre les Phocidiens (automne 355).
Dans ces circonstances, c'eût été un miracle si Philomélos
avait pu observer la modération dont il s'était fait une loi publiquement
proclamée. La tentation était trop grande. On était le maître absolu du
Trésor le plus riche de Il semble que les Thébains aient alors considéré la cause
des Phocidiens comme perdue ; car, dans ce même temps, ils envoyèrent leur
meilleur général, Pamménès, avec 5.000 hommes à travers Tout à coup ils ne furent plus en sûreté sur leur propre territoire. Onomarchos, mettant de son côté l'avantage d'une offensive rapide, occupa les Thermopyles et ravagea les terres des alliés de Thèbes, pour dégoûter une fois pour toutes les tribus de l'Œta, les Doriens et les Locriens, de fournir des renforts à Thèbes[34]. On excita en même temps des séditions en Béotie, et on entreprit une expédition en Thessalie, pour y procurer la victoire au parti anti-thébain. C'est de ce moment que datent les complications qui
amenèrent le roi de Macédoine à prendre une part directe dans les querelles
grecques. Il venait de réaliser ses projets les plus immédiats et cherchait
une occasion d'étendre son influence sur les pays grecs. L'occasion qui
s'offrait était aussi favorable que possible. Il avait pour lui non seulement
les anciennes familles seigneuriales de Néanmoins ses débuts furent difficiles. Il commença, il
est vrai, par repousser sans grande peine Phayllos, qu'on avait envoyé contre
lui pour défendre les tyrans. Mais Onomarchos comprit bientôt que les
affaires de Thessalie ne devaient pas être traitées comme une chose
accessoire. Il sortit de Béotie avec toute son armée, et se précipita avec
une fureur indignée sur ce nouvel ennemi qui voulait renverser tous ses
plans. Il battit le roi de Macédoine dans deux grandes batailles, de telle
façon que celui-ci n'échappa à la poursuite qu'avec les débris de son armée[35]. La puissance
des Aleuades était brisée, et, comme dans le même temps Mais le roi Philippe n'était rentré chez lui que pour revenir
mieux armé sur le champ de la lutte. Peu de mois après, il reparaissait en
Thessalie avec 20.000 fantassins et 3.000 cavaliers. Il sut y exploiter en sa
faveur la haine contre Le roi pacifia Cependant ses adversaires n'étaient rien moins
qu'anéantis. Phayllos se mit à la tète des Phocidiens[39], et ce fut un
avantage pour lui que la victoire de Philippe eût effrayé les Hellènes et les
eût tirés de leur inaction. Le roi de Macédoine, que l'on était habitué à
s'imaginer bien loin, sur la limite extrême du monde grec, et que l'on ne
connaissait que comme un voisin incommode sur le territoire colonial, on le
vit tout à coup puissant en Thessalie et placé avec une armée victorieuse à
la porte qui donnait accès au cœur de Mais peu à peu la source de l'argent tarit. La guerre
s'amortit et devint une de ces querelles de frontières qui durent des années
salis résultats et qui, comme une plaie ouverte, dévorent toutes les forces
vives. Chaque jour augmentait le nombre des champs en friche, des maisons
incendiées et des arbres fruitiers coupés à la racine : les habitants
retournaient à la vie sauvage sous le coup des misères de cette guerre, qui
se continuait d'année en année sans qu'on sût au juste pourquoi. Son domaine s'étendait maintenant des montagnes aurifères
de Thrace jusqu'aux Thermopyles. Et tous ces résultats, il les avait obtenus, non en
conquérant brutal, mais en ami et bienfaiteur du pays, en défenseur d'une
cause juste et nationale, en champion de l'ordre et des saintes traditions
contre la tyrannie et le despotisme militaire, de telle façon restait
indispensable, même dans l'avenir, à ceux qui avaient déjà reçu son
assistance. Il gardait tous les fils dans sa main : il avait jeté le pont qui
conduit en Grèce, et attendait patiemment que l'heure vînt de le franchir.
Cependant les Hellènes, surtout les voisins les plus rapprochés de En automne 352, il était en Thrace, où il soumettait les chefs à sa suzeraineté[43] ; il pénétrait jusqu'à l'Euxin et concluait avec Cardia sur l'Hellespont[44], avec Byzance et Périnthe[45], des traités d'amitié. Vers le même temps, il avança du côté de l'Adriatique, établit des forts dans le pays illyrien et habitua les princes de l'Épire à se soumettre à ses ordonnances[46]. Enfin, il avait de Thessalie commencé à tendre ses filets en Eubée, cherchant à gagner des amis dans cette île importante ; il était sans cesse occupé à étendre ses liaisons dans toutes les directions et à gagner de l'influence sur toutes les côtes. C'étaient là des mesures préliminaires, qui préparaient
tout doucement les actes à venir, pendant que sur d'autres points plus
rapprochés il allait achever pour tout de bon ce qu'il avait préparé
autrefois. Parmi ces derniers desseins figurait notamment la soumission
complète des presqu'îles de Depuis la chute d'Amphipolis, il n'y avait pas de pays
plus tranquille en apparence. Pendant que la guerre sévissait dans Ce qui augmentait leurs inquiétudes, c'est qu'ils
n'étaient pas une cité unique, mais un groupe de vingt à trente villes, et
que dans chaque ville il y avait des partis hostiles les uns en face des
autres : car Philippe avait eu soin de se faire dans toutes les villes des
partisans, qui présentaient l'annexion sans condition à A partir de ce moment, les rapports entre Philippe et les
villes alliées furent des plus tendus : mais d'aucun côté on ne souhaitait
une rupture violente. Le roi toucha le territoire des villes dans ses
expéditions en Thrace : il leur montra ses forces, leur prodigua les
conseils, les menaces, mais ne fit rien de son côté pour rompre la paix. Mais
les Olynthiens, poussés par le parti national, firent un pas do plus, en
demandant des secours aux Athéniens pour défendre leurs frontières. C'était
déjà une démonstration significative contre Philippe, qui ne pouvait souffrir
patiemment que des troupes ennemies vinssent s'établir sur le territoire de
ses alliés. Il ne fallait plus maintenant que des occasions accidentelles
pour faire éclater la guerre. Une de ces occasions se rencontra lorsque le
roi demanda l'extradition d'un de ses beaux-frères, qui s'était réfugié à
Olynthe. La ville fit alors le pas décisif, en envoyant à Athènes ses députés
pour conclure une alliance offensive et défensive contre Tout dépendit dès lors du succès de cette ambassade.
Olynthe et Athènes étaient les deux seuls États qui eussent encore les moyens
de résister. Aussi était-ce leur alliance que Philippe avait cherché à
empêcher dès le début. Si Olynthe devait être perdue comme Amphipolis, Pydna,
Méthone, Athènes restait seule. Or quelle était la situation d'Athènes ?
Comment s'était-elle comportée pendant que grandissait la puissance de |
[1] Olympias était la fille de Néoptolème (JUSTIN., VII, 3).
[2] PLUTARQUE, Consol. in Apoll., 6, p. 105 a. Alex., 3.
[3] ISOCRATE, Philipp., § 119 sqq.
[4] Successeur de Jason.
[5] DIODORE, XVI, 14.
[6] ATHEN., p. 264 e.
[7] ÆSCHIN., De falsa leg., § 140. DEMOPHIL., in Fragm. Hist. Græc., II, p. 86 a.
[8] Argum. Demosth. De falsa leg. Cf. SCHOL. DEMOSTH, De Halonnes., § 42.
[9] DIODORE, XVI. 23. cf. 29.
[10] ARISTOTE, Polit., p. 200, 28. Aristote avait eu directement connaissance des faits par son ami Mnason (TIM., fragm., 67 b). L'enlèvement de Théano fut l'occasion qui fit éclater la guerre avec Thèbes (DURIS ap. ATHEN., p. 560 b).
[11] DIODORE, XVI, 32.
[12] Diodore (XVI, 56 et 61) donne par erreur à Onomarchos et à Philomélos le titre de frères.
[13] D'après Diodore (XVI, 23), les prétentions des Phocidiens sur Delphes se fondaient sur un texte d'Homère (Iliade, II, 519-520).
[14] DIODORE, XVI, 24 ; XVI, 31.
[15] DIODORE, XVI, 24.
[16] Sur les Thracides, voy. WELCKER, Griech. Götterlehre, I, p. 431.
[17] DIODORE, XVI, 24.
[18] DIODORE, XVI, 27. PAUSANIAS, X, 2, 3.
[19] DIODORE, XVI, 25.
[20] DIODORE, XVI, 14. Cf. 27.
[21] DIODORE, XVI, 28. L'assemblée se réunit dans l'automne de 355.
[22] Une inscription trouvée à Thèbes et publiée par KOUMANOUDIS (Άθήναιον, III, p. 479 sqq.) contient une liste des sommes fournies à titre de subsides et dépensées dans l'espace de trois ans pour la guerre Phocique. Cependant ces contributions sont limitées à Alyzia, Anactorion et Byzance.
[23] DIODORE, XVI, 30 sqq.
[24] DIODORE, XVI, 25. cf. 31.
[25] DIODORE, XVI, 56.
[26] Philomélos, si tant est qu'il ait, comme on le dit (DIODORE, XVI, 30. POLYÆN., V, 45), touché aux biens du temple, doit n'avoir fait que des emprunts. — DIODORE, XVI, 56.
[27] Sur la spoliation du temple par les Phocidiens, voy. DIODORE, XVI, 56-57. Cf. EPHOR. ap. ATHEN., p. 232 d (fragm. 155) et STRABON, IX, p. 421. Théopompe avait écrit un ouvrage spécial sur la matière (ATHEN., p. 532. 604).
[28] Environ 58.940.600 fr.
[29] Théopompe (fragm. 258, ap. PAUSANIAS, III, 10, 3) accuse Archidamos et Dinicha de s'être laissés corrompre.
[30] DIODORE, XVI, 31. Le combat eut lieu (PAUSANIAS, X, 2, 4), non loin de Tithora.
[31] DIODORE, XVI, 34.
[32] DIODORE, XVI, 31. On a des monnaies de bronze au nom d'ΟΝΥΜΑΡΧΟΥ (LEAKE, Num. Hell., Eur. 93) et de ΦΑΛΑΙΚΟΥ (WARREN, Federal coinage, p. 12).
[33] Alliance d'Onomarchos avec Lycophron (DIODORE, XVI, 35).
[34] Succès d'Onomarchos contre les Locriens et les Béotiens (DIODORE, XVI, 33).
[35] DIODORE, XVI, 35.
[36] DIODORE, ibid. PAUSANIAS, X, 2, 5. JUSTIN., VIII, 2.
[37] DEMOSTHEN., Olynth. I, § 12. Cf. § 22.
[38] DIODORE, XVI, 38.
[39] DIODORE, XV, 37.
[40] Les Athéniens sous Nausiclès aux Thermopyles (DIODORE, XVI, 37-38).
[41] DIODORE, XVI, 38. Phalæcos était peut-être le fils adoptif de Phayllos, comme le conjecture Wesseling (ad Diodor., ibid.) d'après l'expression de Pausanias (X, 2, 6).
[42] DEMOSTH., Olynth. I, § 22.
[43] ISOCRATE, Philipp., § 21. DEMOSTH., Olynth.
I, § 23.
[44] DEMOSTH., In Aristocrat., § 181.
[45] SCHOL. ÆSCHIN., De fals. leg., § 81.
[46] DEMOSTH., Olynth. I, § 13.
[47] LIBAN., ad I Olynth., p. 7. Cette paix avait été conclue dans l'été de 352, suivant SCHÄFER, Demosthenes, II, p. 114. Il y avait donc eu violation des traités en ce sens que les Olynthiens avaient renoncé à avoir une politique à eux vis-à-vis de l'étranger : ce qui confirme cette manière de voir, c'est qu'on ne put pas prouver que les Olynthiens eussent positivement violé aucun traité.