§ I. — PEUPLES ET PRINCES DU NORD. Les Hellènes ont une histoire plus indépendante que les
autres peuples de l'antiquité et des temps modernes : Il est vrai que leur
civilisation repose sur leurs rapports avec l'Orient ; mais ils ont élaboré
d'une manière indépendante les éléments qu'ils en ont reçus et en sont
devenus complètement les maîtres. A plusieurs reprises, des nations
étrangères se sont immiscées dans leurs affaires et leur régime politique ;
mais ces interventions ont eu des résultats contraires à ceux qu'on avait
cherché à obtenir. Les guerres médiques ne servirent qu'à donner aux Hellènes
la pleine conscience de leur force nationale, et si plus tard l'influence de La situation devait nécessairement devenir tout autre le jour où dans le nord du continent grec se réveillèrent des forces nationales qui avaient sommeillé jusque-là, et où, de ces mêmes montagnes d'où était issue une grande partie de la nation hellénique, sortirent, par une nouvelle poussée, des tribus qui constituèrent des États et firent sentir leur influence à leurs voisins du Sud. Ils étaient, sans comparaison, bien plus faits pour se mesurer avec les Hellènes que les Perses et les Mèdes ; il leur était plus facile aussi de faire valoir leurs prétentions, puisqu'il n'y avait pas de mer qui les séparât des Grecs. Sur mer, les Hellènes ne pouvaient être attaqués que par un État déjà civilisé, maître d'une grande étendue de côtes et bien pourvu d'argent : sur terre, au contraire, des peuples plus bruts pouvaient aussi remporter les plus grands succès. Les premières tentatives qui furent faites pour rendre
l'histoire des États méridionaux dépendante du Nord vinrent de Alors vint le tour des contrées situées au delà de
l'Olympe, qui servent de trait d'union entre les péninsules méridionales et
les larges surfaces du continent européen, à savoir les régions alpestres du
nord de Mais, quelle que soit l'influence de ces différences sur le
développement de la civilisation des peuples, ils ne peuvent néanmoins à la
longue déterminer fatalement le cours de l'histoire. Ces mêmes agréments que
l'homme du Midi regrette de ne pas trouver sous un ciel étranger poussent
l'homme du Nord à s'avancer vers le sud, aussitôt que la faiblesse de ses
voisins lui permet d'espérer le succès ; et l'Olympe n'était, sous aucun
rapport, une de ces frontières qui auraient pu empêcher les peuples installés
au delà de réclamer leur part dans le développement de l'histoire grecque.
Les régions péninsulaires de Considérons maintenant les pays du Nord de plus près, en partant du même point que nous avons désigné déjà comme le point de départ de la zone méridionale. Le 40e degré de latitude est la limite de l'Hellade
proprement dite. C'est là que les chaînes de montagnes ramifiées qui forment
les pays méridionaux se réunissent en un nœud compact, le Lacmon. A partir de
là, la chaîne qui sépare A partir du Tchardagh commencent, sous le 42e degré de
latitude, les hauteurs qui se dirigent vers l'est et séparent les affluents
du Danube des fleuves tributaires de l'Archipel : elles forment pour ainsi
dire la muraille de fond du continent de Thrace, ce que l'on désigne du nom
collectif de Balkan ou Hæmos. Seulement, ce n'est pas une chaîne
ininterrompue, mais plutôt une série de nœuds montagneux (le massif du Hilo et le mont Perin) d'où
partent deux chaînes principales, l'une au nord, l'Hæmos proprement dit,
l'autre au sud-est, le Rhodope, qui fait des côtes de Les deux chaînes de montagnes qui se rencontrent à angle droit au Tchardagh, le Pinde et l'Hæmos, forment l'encadrement des grands bassins fluviaux qui caractérisent le nord du monde grec : deux à l'ouest, les vallées de l'Haliacmon et de l'Axios, deux à l'est, celles du Nestos et de l'Hèbre, enfin, au milieu, la vallée du Strymon. Ces régions fluviales ont ce caractère commun, qu'elles sont séparées par de hautes montagnes des côtes de l'Adriatique aussi bien que de la plaine du Danube, et que le cours de leurs rivières les attire tontes du côté de la mer Égée, en les invitant à prendre part aux affaires qui s'y agitent. Par contre, les montagnes qui les enferment sont brisées sur quelques points, et il devient par là si facile de passer sur les territoires situés au-delà[1], que les peuples cantonnés dans ces vallées ont conçu tout naturellement le désir d'étendre leur action vers le nord. La nature a ainsi assigné aux États constitués par eux leur mission, qui est de servir de lien entre les pays danubiens et les côtes de l'Archipel. Pour ce qui regarde la configuration intérieure de ces régions, que nous appelons Macédoine et Thrace, il faut reconnaître qu'elles ne sont pas distinctes au point que les deux vallées fluviales de l'ouest réunies, et de même les deux ou trois de l'est, forment de part et d'autre un pays aux frontières naturelles bien déterminées, un tout bien homogène. Par exemple, la vallée du Strymon peut être adjugée indifféremment à la moitié de l'est ou à celle de l'ouest. Aussi n'y a-t-il jamais eu ici de frontières politiques fixes, mais chaque puissance qui s'est développée, dans ces contrées a cherché à s'étendre vers l'est ou vers l'ouest, d'une vallée à l'autre. La partie la plus importante de la région orientale est le
bassin de Lorsque le roi Darius, dans son expédition scythique,
traversa Ce fut là le premier empire national au nord de
l'Archipel, un empire qui réunissait dans son sein un ample faisceau de
forces populaires. Les Thraces, en effet, passaient pour le peuple le plus
nombreux et le plus puissant qu'il y eût autour de Si cet empire devait avoir un avenir, il fallait qu'il gagnât de l'influence sur la mer Égée. On commença par contracter des liens de famille avec Abdère, la ville grecque la plus voisine et la plus importante, et à préparer ainsi l'entrée de la dynastie royale dans le concert des cités grecques. Le beau-frère de Sitalcès, Nymphodoros, servit d'intermédiaire avec Athènes, où de bonne heure on reconnut quelle importance avait un royaume thrace pour l'empire maritime athénien, et quels dangers ou quels avantages il pouvait apporter aux Athéniens dans le cas d'une guerre avec Sparte. On ne négligea rien, en conséquence, pour honorer cette dynastie du Nord : on se servit de vieilles légendes populaires sur Térée et Procné pour montrer que la famille de Térès était parente des Athéniens[4]. On considéra l'alliance avec Sitalcès comme la plus précieuse des alliances étrangères : Aristophane, dans ses Acharniens, nous montre les ambassadeurs rapportant que Sitalcès était enthousiasmé pour Athènes à la façon du plus tendre des amants, qu'il écrivait son nom sur toutes les murailles, et que son fils, Sadocos, citoyen honoraire d'Athènes, n'avait pas de désir plus ardent que de prendre part aux festins solennels de sa nouvelle patrie[5]. Mais cette alliance, conclue en 431, devait prendre aussi
une importance politique. On concerta une grande expédition militaire. Les
Odryses, venant du nord, les Athéniens, de la mer, devaient abattre ensemble
l'hostilité perfide de Perdiccas, qui avait offensé les deux parties, et
briser l'audace des Potidéates et des Chalcidiens, qui causaient tant de
tribulations aux Athéniens. Or, qui aurait pu résister à une telle puissance
? Sitalcès déboucha de la vallée de l'Hèbre avec 150.000 hommes. C'était une
armée comme on n'en avait pas vu depuis Xerxès. C'est avec épouvante que l'on
constata pour la première fois la puissance du Nord : tous les peuples
voisins, Mais, quelque grandioses que fussent les débuts de cette entreprise, elle échoua après une campagne de cinquante jours. Les Athéniens ne vinrent pas, soit par négligence, soit qu'ils aient vu avec inquiétude les effectifs formidables de leur allié et appréhendé les suites que pouvait avoir son immixtion dans les affaires de la Grèce[6]. En Thrace aussi la situation changea. Sadocos mourut sans doute de bonne heure, car, lorsque Sitalcès périt en 424 dans son expédition contre les Triballes, son neveu Seuthès, qui précédemment déjà s'était déclaré contre Athènes, monta sur le trône[7]. Seuthès se laissa gagner par Perdiccas, qui sut sans doute persuader au jeune roi que c'était, pour les princes du Nord, une politique absurde que d'afficher un philhellénisme naïf et de soutenir Athènes, c'est-à-dire le plus dangereux adversaire de l'accroissement de leur puissance. Le règne de Seuthès fut pour Il n'y avait pas encore eu d'État semblable sur tout le pourtour de la mer Égée : il semblait destiné à prendre une importance décisive. Déjà il comptait parmi ses sujets tributaires des villes grecques. Le nombre de ces dernières ne pouvait que croître ; à l'aisance du pays, à son industrie florissante devait s'ajouter le commerce maritime et la puissance navale. Comment alors les Athéniens réussiraient-ils à conserver de ce côté leurs colonies déjà si remuantes ? Aussi, dès le temps de Sitalcès, les Spartiates avaient-ils tenté de brouiller l'empire thrace avec Athènes. Le temps semblait arrivé où le résultat final des luttes entre les Grecs allait dépendre des rois de Thrace. Mais cet empire manquait de stabilité. Après Seuthès, il se morcela en principautés distinctes, et le danger se trouva ainsi éloigné d'Athènes. Le pays des Thraces n'était pas destiné par la nature à former un tout solide. Les chaînes de montagnes qui le traversent favorisaient la désagrégation des tribus, réunies les unes aux autres à grand'peine et par des liens qui n'avaient jamais été bien serrés. Tout autres et bien plus favorables étaient les circonstances en Macédoine. Il y régnait aussi une grande diversité de conditions topographiques, qui était un grand obstacle à la constitution d'un ensemble. A l'est du Pinde, en effet, il n'existe ni vaste plateau ni versant incliné d'une manière uniforme : au contraire, de la chaîne centrale se détachent quantité de contreforts latéraux, qui divisent le pays en une série de bassins enclos d'une muraille circulaire et placés au-dessus et à côté les uns des autres. Ces compartiments ont eu une grande influence sur les destinés de la contrée. Voyons d'abord la vallée supérieure de Vers l'est s'étend une autre vallée, allongée entre la vallée de l'Haliacmon et le Bermion, lequel sépare cette région des plaines du littoral : à savoir le bassin d'Ostrovo, pays des Éordiens, où les eaux des lacs et des ruisseaux se réunissent et arrivent à la mer sous le nom de fleuve Ludias. Au nord de l'Éordée et de l'Orestide est un troisième
bassin, le val des sources de l'Érigon, que coupe le 41e degré de latitude.
C'est le bassin actuel de Bitolia, appuyé à la chaîne principale du Pinde
septentrional, par-dessus laquelle se fait commodément le commerce avec les
pays albanais. Ici se trouvait dans l'antiquité le séjour des Lyncestes, et
plus au nord celui des Pélagoniens. Vient enfin la vallée du Vardar, une
haute vallée arrosée par l'Axios, la plus septentrionale de tout le système,
bornée par de hautes chaînes alpestres, nourrie par de nombreux ruisseaux,
dont les plus éloignés sont très voisins de Toutes ces contrées sont autant de bassins circulaires,
dont la clôture de rochers n'est percée qu'en un point : c'étaient
-autrefois, comme le prouvent des lacs intérieurs qui subsistent encore, des
vallées lacustres, par conséquent, en somme, de pures reproductions de la
plaine de Thessalie, laquelle commence, quand on vient du sud, la série des
bassins alignés à l'est du Pinde. Mais, tandis que Cependant, la nature, par un procédé des plus remarquables, a pris soin d'inviter on ne peut plus nettement les habitants de ce plateau divisé en tant de compartiments à
créer une sorte d'union entre eux et avec les habitants des côtes, et cela
par la direction des cours d'eau. En effet, l'Haliacmon sort en serpentant des
gorges montueuses de l'Orestide ; le Ludias s'échappe de l'Éordée ; l'Érigon
pénètre dans la vallée de l'Axios ; et tous ces cours d'eau, quelque
éloignées que soient leurs sources, à peine sortis de leurs bassins de
montagnes, se dirigent vers la même côte, pour trouver dans la même baie
quelque chose comme une embouchure commune. Ainsi, tandis que les fleuves de On ne peut imaginer entre les deux moitiés d'un pays de
contraste naturel plus frappant que celui qui existe entre la plaine ouverte
sur la mer et le haut pays, fermé comme une forteresse. Aussi la région du
littoral a-t-elle eu une histoire à part. Les gens du pays haut s'appelaient
seuls Macédoniens[10] ; plus bas, —
sur les rivages du beau golfe qui s'enfonce profondément dans les terres
entre le pied boisé de l'Olympe et les récifs des promontoires de A ces tribus du littoral, qui s'étaient établies dans les
temps préhistoriques sur le golfe macédonien, vinrent s'ajouter plus tard des
colons venus des cités commerçantes de Pendant que l'Émathie, qui appartenait naturellement à
l'Hellade autant par la proximité de la mer que par le climat et la
végétation, se pénétrait entièrement de la civilisation hellénique, Quant aux rares documents qui nous restent de la langue
macédonienne, on y reconnaît des racines grecques, des formes appartenant au
dialecte éolien, quelques mots aussi qui appartiennent à l'antique fonds
commun aux Grecs et aux Italiotes[17]. On trouve aussi
dans les mœurs des Macédoniens bien des particularités qui rappellent les
plus anciennes coutumes des Grecs : par exemple, l'habitude de s'asseoir aux
repas. Enfin, dans la vie publique aussi, bien des usages de La nationalité macédonienne, parente de la race grecque,
ne resta pourtant pas sans subir des mélanges qui troublèrent les
ressemblances primitives et modifièrent le caractère du peuple. Le principal
élément étranger que nous voyons apparaître est constitué par les Illyriens.
La race illyrienne étendait ses rameaux du nord-ouest jusque bien avant dans la
région centrale, et, par les passages du Pinde cités plus haut, descendait
sur le versant oriental. C'était un peuple sauvage, pillard, qui immolait des
enfants avant la bataille et pratiquait le tatouage[20]. A mesure que
les Macédoniens voyaient se séparer d'eux les branches les plus nobles et les
plus intelligentes de la famille, par exemple les Doriens, il leur devenait
plus difficile dans leurs montagnes de se soustraire à l'immigration des
Barbares de l'ouest. Macédoniens et Illyriens exercèrent les uns sur les
autres une influence multiple : ils se ressemblèrent de plus en plus : par
les vêtements, la coupe des cheveux, la langue, les mœurs ; de sorte que peu
à peu, dans la large région qui s'étend depuis le détroit de Corcyre jusqu'à La région des montagnes et celle du littoral, Les côtes de l'Illyrie étaient, dès les temps les plus
reculés, visitées par des navigateurs étrangers. Un des fils de Cadmos
s'appelait Illyrios[22] : la mer qui
baigne les côtes d'Illyrie et d'Épire portait, dès les temps les plus reculés,
le nom de mer Ionienne[23], et on
connaissait sur ses côtes d'anciennes colonies ioniennes. Après les Ioniens,
les Corinthiens prirent en main la colonisation de ces contrées et étendirent
avec une infatigable activité le champ de leurs opérations commerciales,
qu'ils portèrent jusque dans l'intérieur du pays. C'est ainsi que s'explique
cette circonstance, que nous trouvons dans les montagnes de la région
macédono-illyrique la même famille de l'aristocratie corinthienne qui a
représenté la culture hellénique dans les contrées les plus diverses de Il semble que des Héraclides d'Argos ont dit suivre aussi
ces voies ouvertes par les Corinthiens, car Hérodote savait que les ancêtres
des princes macédoniens avaient été établis d'abord en Illyrie et s'étaient
transportés de là en Macédoine[25]. C'est l'arrivée
de cette famille qui a donné au pays la première occasion de marcher vers
l'unité politique, unité qui avec les éléments indigènes n'aurait jamais pu
aboutir. Ces princes se nommaient Téménides, c'est-à-dire qu'ils
honoraient comme leur ancêtre ce même Téménos qui passait pour le fondateur
de la dynastie des Héraclides dans l'Argos du Péloponnèse. Or nous avons
entendu parler des troubles d'Argos pendant la période royale, des
dissentiments survenus entre les Héraclides et l'armée dorienne, de la fuite
d'un roi Phidon à Tégée. Il est donc très croyable que, pendant ces troubles,
certains membres de la maison princière émigrèrent pour chercher à leur
activité un théâtre plus favorable que les limites étroites et le milieu
tumultueux de leur patrie : du reste, la tradition désigne le frère de ce
Phidon comme l'Héraclide qui abandonna les rivages du Péloponnèse pour Que les Péloponnésiens aient suivi la voie ouverte par
Corinthe, la principale ville commerçante de Partout où dominent des Hellènes, ils font effort pour arriver à la mer. Les Argéades ne purent donc se résigner longtemps à rester enfermés dans ce coin montagneux de l'Orestide. Aussi, dès qu'ils eurent gagné de l'influence parmi les chefs des pays d'alentour, s'avancèrent-ils vers la côte, et par là mirent en relation les deux moitiés jusque-là séparées du pays. Le Ludias et l'Haliacmon, les deux artères naturelles, montrèrent le chemin aux Téménides, et le premier acte important de leur politique fut le choix d'une capitale qui appartînt aussi bien à la région intérieure qu'à la côte maritime. Ils se décidèrent pour Édesse ou Ægæ, localité très-ancienne, où une légende phrygienne plaçait les jardins de Midas[27], à l'extrémité septentrionale du Bermion, à l'endroit où le Ludias rompt la barrière des montagnes. Il n'y a pas dans toute Ægæ était la capitale naturelle du pays. C'est à sa
fondation que commence l'histoire de Il est remarquable de voir comme se répètent ici tous les
événements de la première période de l'histoire de Le premier de ces rois fut Perdiccas : partant d'Ægæ, il conquit, vers 700 avant notre ère, la plaine basse qui s'étend entre le Ludias et l'Haliacmon. Irrésistibles, ils poussèrent en avant, ces Macédoniens, dure race de pâtres et de chasseurs, bien supérieurs en force aux paisibles habitants de la plaine, et conduits par des fils de nobles familles qui avaient toujours les armes à la main. Néanmoins, les progrès de la puissance macédonienne furent lents et souvent interrompus. Il fallut, après Perdiccas, un siècle entier avant que les Téménides réussissent à donner à leur empire une consistance assurée et à exécuter leurs plans du côté de la mer. Car ils eurent à se défendre sans cesse contre les attaques des montagnards, qui les empêchèrent de se vouer tout entiers à leur tâche favorite. Quatre rois, successeurs de Perdiccas, furent sans cesse occupés avec leurs ennemis héréditaires, les Illyriens, dont les incursions et les rapines mettaient l'empire en danger. Ce fut seulement le cinquième, Amyntas, qui retrouva assez
de loisir pour tourner son attention du côté de la mer. Durant la lutte que les Achéménides entreprirent dans le but de subjuguer l'Europe, il se plaça au point de vue des partisans de la liberté grecque : c'est sous lui que se manifesta pour la, première fois l'hostilité à l'égard des monarchies de l'Orient, sentiment qu'il faut classer parmi les instincts populaires communs aux Macédoniens et aux Grecs. Alexandre fit assassiner les Perses qui demandaient à son père un acte de soumission[31], et lorsque, malgré tout, il fallut accepter le vasselage, il ne cessa de travailler, dans sa situation de vassal des Perses, à favoriser la cause des Hellènes. On vit revivre en lui dans toute son énergie le caractère héréditaire des Téménides : son ambition suprême était d'être regardé comme un compatriote et un égal par le peuple grec : aussi, le jour où à Olympie il allait être exclu des concours comme étranger, il n'eut pas de repos qu'il n'eût établi, sa généalogie à la main, et qu'on ne lui eût reconnu le droit de prendre part, comme un frère d'armes authentique, aux jeux nationaux[32]. Il reconnut dans l'État athénien la réalisation de l'idéal conforme à la nature grecque, et il considéra comme le plus grand des honneurs d'être accepté à Athènes pour hôte de la république[33]. Mais, au même moment, les Perses aussi l'employèrent comme
un instrument de leur politique[34] Aux yeux du roi
Xerxès, Mais, tout en briguant avec tant d'ardeur la faveur des
Hellènes, il ne put néanmoins s'affranchir de l'impérieuse influence des
circonstances, qui lui imposaient des relations d'une autre nature avec les
Hellènes. L'arrondissement du territoire macédonien, qui était pour lui une
tâche indispensable, ne pouvait réussir sans conflit avec les Hellènes.
Alexandre avait déjà transféré sa capitale à Pydna, au sud de l'Haliacmon, sur
le territoire des Piériens[39]. Entre Pydna et
l'embouchure du Ludias s'élevait Méthone, une ville grecque indépendante. Il
y avait là une situation territoriale qui, à la longue, devait être
intenable. Il en était de même sur la côte de On voit par là avec quel soin jaloux Alexandre surveillait
déjà les frontières de son empire et comme il cherchait, surtout dans le
bassin du Strymon, à empêcher l'établissement de colonies athéniennes. Aussi
avait-il donné son appui à la résistance des Thasiens contre Athènes[40] ; et c'est pour
cela que les Mycéniens, que Sparte
était alors impuissante à soutenir, vinrent s'établir dans les déserts
menacés par certaines convoitises. On le voit, c'est l'or de Alexandre avait fait entrer Nous voyons l'épanouissement le plus complet de cette
politique des Téménides chez Perdiccas, le successeur d'Alexandre. C'est
pendant son long règne qu'Athènes et Perdiccas n'était pas le successeur légitime. Il dut d'abord
écarter l'héritier du trône, Alcétas[41], et partager
ensuite le pouvoir avec un second frère, Philippe, qui possédait le pays à
l'est de l'Axios[42]. Ce n'est
qu'après des luttes de plusieurs années qu'il devint le seul souverain. Les
Athéniens se mêlèrent de toutes ces affaires intérieures. Nous les avons vus,
depuis les victoires de Cimon, avoir sans cesse l'œil fixé sur les côtes de
la mer de Thrace : Périclès s'occupa tout particulièrement de consolider sur
ce point la puissance athénienne. Lorsque la possession de la péninsule de
Thrace fut assurée (452), ils fondèrent
la ville de Bréa au nord de Vers le temps de la fondation d'Amphipolis, Perdiccas
était encore en lutte avec Philippe, et, comme le territoire de ce dernier
était voisin des régions riveraines du Strymon, les intérêts des Athéniens se
confondaient avec ceux de Perdiccas. Il est donc très vraisemblable que les
Athéniens aidèrent à son triomphe[43], et qu'ils
n'accordèrent ce concours qu'à des conditions d'où résultait pour le roi une
sorte de dépendance vis-à-vis d'Athènes. En effet, le premier renseignement
certain que nous possédions sur le règne de Perdiccas nous apprend qu'il
appartenait à la confédération athénienne : nous avons même plusieurs
témoignages qui établissent que Ces rapports se modifièrent dès que Perdiccas eut atteint
le premier but que visait son ambition. Il épia dès lors l'occasion favorable
pour se débarrasser des obligations qui lui pesaient. Il en trouva facilement
les voies et moyens, car on ne pouvait nulle part mieux que dans ces parages
observer les points vulnérables de l'empire maritime d'Athènes. De tous les
princes étrangers, il arriva certainement le premier à la conviction qu'à la
longue Athènes ne pourrait supporter les efforts gigantesques qu'il lui
fallait faire pour conserver l'édifice tout artificiel de sa souveraineté.sur
mer. La côte de Thrace fut le premier champ de bataille où se rencontrèrent
la politique d'Athènes et celle du Péloponnèse, et dans nulle autre région
coloniale on n'eût trouvé un aussi violent mécontentement contre Athènes,
autant d'énergie populaire et un aussi vif sentiment de l'indépendance, que
dans les villes de Cet état de choses traçait au roi sa voie. Il noua des alliances secrètes avec les villes mécontentes, et, sans rompre ouvertement avec Athènes, il se vit en état de lui préparer les plus grands dangers : il n'eut pour cela qu'à exciter l'esprit d'insubordination des alliés, à les enhardir par des promesses, à leur donner le bon conseil de s'unir pour augmenter à coup sûr leur force de résistance. Perdiccas serait resté volontiers encore au dernier plan, mais il fut forcé de jeter le masque. Les Athéniens reconnurent en lui l'ennemi, et la lutte cachée se transforma en guerre ouverte. Les Potidéates, les Bottiéens et les Chalcidiens firent défection : Perdiccas reçut une partie de la population sur son territoire, et décida le reste à choisir Olynthe pour capitale et centre de résistance[45]. Il se mit ouvertement du côté des rebelles, et les Athéniens lui firent la guerre en même temps qu'aux dissidents (432 ; Ol. LXXXVI, 5) : ils accordèrent dès lors leur appui aux adversaires que le roi avait dans ses propres États. Attaqué au sein de son royaume et sur les côtes, menacé à l'est par l'empire thrace qui devenait de jour en jour plus puissant, Perdiccas tomba dans la plus grande détresse. Therma fut conquise, Pydna assiégée, et il se vit hors d'état de triompher par la force de ces difficultés. Mais ce prince, qui n'était jamais à court d'idées,
s'adressa à son voisin Sitalcès, et obtint par de grandes promesses
l'entremise de ce roi influent ; puis, changeant en apparence toute sa
politique, il abandonna sans vergogne les Chalcidiens, qu'il avait lui-même
décidés aux actes les plus compromettants, et entra avec Sitalcès dans
l'alliance d'Athènes, qui lui restitua son port de Therma[46]. Les Athéniens
purent alors rétablir leur puissance ébranlée ; ils forcèrent la fière
Potidée et, cherchèrent à s'attacher par une politique habile les villes qui
leur étaient restées fidèles sur la côte de Dans ce mélange de sévérité et de douceur, nous ne pouvons pas ne pas reconnaître l'esprit habile de la politique de Périclès. Mais la situation changea bientôt. Perdiccas, qui n'aimait rien tant que de faire la guerre sous les apparences de la paix, secourut les Corinthiens en Acarnanie[48] ; il se débarrassa en même temps des obligations qu'il avait contractées envers Sitalcès. Cette conduite irrita les deux plus puissants de ses voisins, et ils se concertèrent pour infliger a ce roi déloyal un châtiment qui devait mettre fin, une fois pour toutes, à cette lutte de ruses et de perfidies[49]. Les Athéniens manquèrent au rendez-vous[50] ; ce fut leur première faute grave dans leur politique. Ils s'aliénèrent ainsi le plus puissant de leurs alliés et sauvèrent le plus dangereux de leurs ennemis d'une perte inévitable. Bien plus, Perdiccas sortit de cette crise infiniment plus fort qu'auparavant ; car il était débarrassé d'Amyntas, le fils de Philippe, que l'on avait voulu élever au trône à sa place, et il noua les meilleures relations avec les Odryses, ses voisins et maintenant ses amis. Quant à Athènes, il resta provisoirement en paix avec elle
: mais le feu qu'il avait allumé dans La guerre, telle qu'elle était conduite dans l'Hellade, ne
répondit pas à ses espérances. Les Spartiates furent maladroits ou malheureux
; si les événements continuaient à se dérouler de cette manière, on pouvait
prévoir qu'Athènes aurait bientôt les mains libres et pourrait venir
sérieusement jouer son rôle sur la côte thraco-macédonique. C'est ce qu'il
fallait empêcher. Aussi, d'accord avec les Chalcidiens, il envoya à Sparte
une ambassade secrète, décida la mission de Brasidas, lui fraya un chemin à
travers Malgré toutes les difficultés intérieures, A l'intérieur de son empire, Perdiccas fut un prince
habile et actif. Il favorisa toutes les relations qui rapprochaient son pays
des Grecs ; il conclut des traités d'hospitalité réciproque avec les familles
nobles de la Thessalie[53] ; il recueillit
sur son territoire les Histiæens chassés d'Eubée[54] ; il en fit
autant à l'égard d'une partie des Grecs de Il fut surpassé dans ce genre d'efforts par son successeur
Archélaos, qui put s'abandonner d'autant plus complètement à une politique
pacifique qu'il n'eut pas à se défendre contre des attaques du dehors et que
l'occasion de faire des conquêtes ne se présentait pas encore. C'est parle
sang et le crime qu'il dut se frayer le chemin du trône ; car, fils d'une
esclave et de Perdiccas, il dut se débarrasser d'abord de ses compétiteurs[57]. Arrivé à son
but, il se montra né pour être souverain et poursuivit des desseins élevés
avec fermeté et réflexion. Il reconnut en effet que son empire ne pouvait
utilement prétendre à des succès extérieurs, si à l'intérieur il manquait de
cohésion, d'ordre et de sécurité. Du côté de la montagne comme du côté de la
nier, il était encore exposé à des agressions hostiles, et un ennemi résolu
pouvait mettre en question non seulement la fortune des individus, mais
encore l'existence même de l'État. Il s'agissait donc de bâtir des villes qui
offrissent un asile fortifié aux habitants. Ces villes furent reliées par des
routes sur lesquelles put s'établir un commerce régulier : des postes
permanents de troupes surveillaient les routes et contenaient le brigandage.
Les habitants connurent le bonheur de la paix intérieure ; la valeur des
propriétés s'accrut, et, une culture supérieure, qui n'avait encore réussi à
s'implanter que sur un petit nombre de points, commença à se répandre dans
l'intérieur de l'empire, dont les différentes parties se fondirent peu à peu
en un ensemble. Comme fondateur de villes, constructeur de routes,
organisateur de l'armée, Archélaos, au jugement de Thucydide, a plus fait que
les huit rois ses prédécesseurs[58]. Son règne
ouvrit une ère nouvelle, et, voulant en laisser une preuve matérielle, il
fonda au-dessous d'Ægæ, dans la plaine basse d'Émathie, sa nouvelle capitale,
Pella, protégée par un lac et une ceinture de marais, reliée à la mer par le
Ludias[59]. Pour être le
centre de l'empire et le dépôt des trésors royaux, elle était bien mieux
située que Pydna en Piérie, la ville d'Alexandre. Mais Archélaos ne négligea
pas pour cela Au pied du versant septentrional de l'Olympe, il
construisit Dion, au milieu de la plaine : car elle ne devait pas être une
forteresse, mais, comme Olympie en Élide, une ville de fêtes ouverte et
rustique, consacrée à Zeus[60], le plus ancien
dieu national des Hellènes, et aux Muses, qui avaient tout d'abord été
célébrées sur ce sol. Ce culte des Muses, il le pratiqua aussi en regardant
comme un devoir essentiel de son gouvernement de faire de sa cour le
rendez-vous des illustrations contemporaines. C'est pour cela qu'il adressa
des invitations aux hommes les plus distingués de Les efforts d'Archélaos n'en sont que plus dignes d'estime. Ce n'est pas par caprice ou vanité princière qu'il devint le protecteur libéral des arts et des sciences : mais il sut reconnaître qu'il ne pouvait favoriser plus efficacement les intérêts vitaux de son royaume, qu'en Misant de sa capitale un centre de civilisation hellénique. L'État qui avait la prétention de régner un jour sur les mers grecques devait avant tout s'approprier la culture grecque. Archélaos traça à la politique macédonienne sa véritable voie. Tout lui réussit. Malgré ses parjures, il passait pour l'homme le plus heureux du monde, et le jeune État prospérait plein de confiance en l'avenir sous la direction de ses princes qui, fidèles à leur devoir de souverains, conduisaient l'empire à un but nettement entrevu. Mais aussitôt après la mort violente d'Archélaos[67], il se fit une vive réaction ; la noblesse indigène se révolta contre le philhellénisme des rois : ce fut une période d'anarchie, qui rejeta dans le tourbillon des luttes de partis l'État alors en voie d'organisation et remit en question l'autorité des Téménides. Parmi les adversaires qui s'élevèrent contre eux, nous voyons les Lyncestes, famille ambitieuse et inquiète, qui avait excité avec ardeur la fermentation dans lé peuple, et qui, quoique d'origine grecque, profita de tous les mouvements du parti autochtone pour se débarrasser de la suzeraineté imposée des Téménides. Ils nouèrent des relations avec les autres familles mécontentes du pays, particulièrement avec les Élymiotes, attirèrent dans leur parti la noblesse rurale, qui était rebelle à la culture grecque, et appelèrent dans le pays les Illyriens pour tenir en échec l'armée royale. Pendant dix ans[68] la couronne fut
comme une balle que se lançaient les deux partis. Aucun des deux ne put avoir
raison de l'adversaire. On chercha à établir une entente, en tempérant
l'hostilité par des alliances de familles, comme on avait fait en Attique du
temps des Pisistratides, où l'on avait réussi à réconcilier provisoirement
les partis par des mariages. Amyntas, un arrière-petit-fils du roi Alexandre,
prit une femme de la famille des Lyncestes, Eurydice, qui était en même temps
la fille d'un Élymiote. Ce prince se montra, comme souverain, le digne
héritier de la politique de sa race : parmi les Grecs de distinction qui
vécurent près de lui, nous trouvons le médecin Nicomaque, le père d'Aristote[69]. Mais il avait
aussi des ennemis dangereux dans son voisinage ; aussi chercha-t-il à se
prémunir contre de nouveaux périls par une alliance avec les villes de Amyntas dès lors se jeta de plus en plus dans les bras des
Grecs ; les villes maritimes furent son dernier refuge. Il leur fit, dans sa
détresse, toutes les concessions commerciales possibles ; il leur abandonna
presque toute Enfin la fortune sourit de nouveau au prince si profondément éprouvé. Non seulement il sut se maintenir contre les partis indigènes, mais il eut la satisfaction de voir s'effondrer sans qu'il s'en mêlât la puissance supérieure des États grecs qui étaient dangereux pour lui. Les Olynthiens, qui avaient jusqu'à Pela elle-même entre leurs mains, furent attaqués par les Lacédémoniens, qui rendirent au prince le service inappréciable d'abaisser l'orgueil de la superbe cité sa voisine[71]. Mais Sparte elle-même ne put pas profiter de ses succès, parce que, vaincue par Thèbes, elle dut abandonner toutes ses possessions du dehors. Ensuite il se forma au sud de l'empire une puissance toute
nouvelle, Le compétiteur était Ptolémée, qui avait épousé une fille
d'Amyntas, mais qui entretenait un commerce de galanterie avec Eurydice, la
veuve d'Amyntas. Celle-ci le soutenait contre ses propres fils. Pélopidas
crut servir au mieux l'intérêt de Thèbes en cherchant à satisfaire les deux
prétendants au trône. Alexandre resta roi, après avoir donné aux Thébains des
assurances de son alliance et fourni des otages : son adversaire obtint une
principauté dans Cependant cette domination fut considérée dans le pays comme une usurpation criminelle, qui rencontra une violente résistance. Les amis du roi assassiné se rendirent en Thessalie, où Pélopidas se trouvait encore avec une armée de mercenaires : en même temps, Pausanias, partisan exilé de la maison royale, pénétra dans le pays par la côte de Thrace, s'empara d'un certain nombre de villes et trouva de nombreux adhérents. La fière Eurydice et son amant se virent dans la plus grande détresse. N'ayant pas d'appui sûr dans son propre royaume, elle jeta les yeux sur les navires athéniens qui, sous le commandement d'Iphicrate, croisaient alors dans les eaux d'Amphipolis pour observer le cours des événements. Elle s'adressa au général, en lui demandant humblement des secours contre Pausanias : cette femme superbe et violente se présenta à lui comme représentant la succession légitime, en qualité de mère de l'héritier de la couronne. L'influence des Athéniens et celle des Thébains se heurtèrent alors en Macédoine. Iphicrate fit obstacle aux progrès de Pausanias ; mais les moyens lui manquaient pour prendre des mesures énergiques[77]. L'influence de Thèbes l'emporta. Mais Pélopidas lui même, n'ayant avec lui que des troupes peu sûres, ne put pas non plus agir de façon à trancher le débat. Il fut impuissant à donner à cette lutte l'issue que désiraient ceux qui l'avaient appelé : il dut se contenter d'imposer de nouveau la reconnaissance de l'influence thébaine et d'éliminer celle des Athéniens[78]. Ptolémée, avec l'aide de Thèbes, se consolida sur le trône, mais à condition qu'il ne gouvernerait que comme tuteur des enfants d'Amyntas[79] ; il dut fournir des otages, qui furent emmenés à Thèbes. Il y avait parmi eux son fils Philoxénos, et sans doute aussi Philippe, le plus jeune fils d'Amyntas[80]. Si ce dernier fut à cette occasion emmené à Thèbes, ce fut dans le but de soustraire un des héritiers légitimes du trône aux dangers qui le menaçaient dans sa patrie, et en même temps de garder en main un instrument dont on pût se servir contre le régent. Mais cet ordre de choses, résultat d'un accord amené par la lassitude et qui n'était sincère ni d'un côté ni de l'autre, n'eut pas non plus de durée. Perdiccas, l'aîné des deux fils survivants d'Amyntas, n'attendait que l'heure de la vengeance. Dès qu'il fut en âge de se rendre compte de ses forces et de ses devoirs, il s'éleva contre Ptolémée comme le vengeur de son frère assassiné, et, sans se préoccuper des dispositions prises par les Thébains, il le renversa de ce trône sur lequel l'adultère et l'assassinat l'avaient fait monter trois ans auparavant[81]. Bientôt il dut se faire respecter comme roi indépendant en faisant courageusement face à tous ses ennemis : il battit d'abord les Illyriens, puis il affermit contre les Thébains et les Chalcidiens l'indépendance de son empire. La fortune le favorisa, car Thèbes, en perdant Pélopidas, devint bientôt inoffensive. Il se servit d'Athènes contre les Chalcidiens et appuya les entreprises de Timothée[82]. Ce dernier eut juste assez de succès pour servir les vues de Perdiccas. La puissance d'Olynthe fut brisée, mais le but des Athéniens ne fut pas atteint : ils ne purent venir à bout d'Amphipolis, dont le roi savait apprécier la haute importance. Pour fortifier sa dynastie, il rappela au pays son frère Philippe et lui donna une principauté. Tout était en bonne voie, lorsque, dans la sixième année de son règne, éclata une nouvelle insurrection contre la dynastie des Téménides : les Illyriens inondèrent de nouveau le pays ; il y eut une bataille sanglante où périt le jeune roi avec un grand nombre de Macédoniens fidèles, et le royaume fut replongé dans une anarchie terrible et sans espérance[83]. L'héritier du trône était un enfant. Quantité de
prétendants, vieux et jeunes, surgirent de tous côtés et essayèrent de faire
valoir leurs prétentions. Ce fut d'abord un beau-frère de Perdiccas, nommé
Archélaos ; ensuite Pausanias, le chef des Lyncestes, accompagné de troupes
auxiliaires de Le plus modeste de tous ceux qui aspiraient au trône de Macédoine, le seul qui n'eût pas de troupes étrangères à sa disposition, était cependant le mieux armé pour la lutte ; c'était le troisième fils d'Amyntas, Philippe, dont l'heure était maintenant arrivée. Il avait, comme ses frères Alexandre et Perdiccas, l'esprit et le cœur d'un roi : leur malheur ne l'effrayait pas et ne l'empêcha pas de poursuivre résolument le même but. Il s'était en silence admirablement préparé aux événements. Trois années de sa jeunesse (368-365), vécues à Thèbes[84], étaient une école par où n'avait passé aucun prince du Nord avant lui. Thèbes était alors le centre de l'histoire du temps, la ville des arts, de la guerre et de la paix, une cité qui, remplie d'une noble confiance en elle-même, avait avec de petits moyens fait de grandes choses. A Thèbes, Philippe était devenu un Grec. D'un caractère
très avisé, il avait su mettre de côté toute morgue aristocratique, pour
s'assimiler tout ce que l'on pouvait apprendre des Grecs. Il avait vécu dans
la maison de Pamménès, l'un des premiers hommes de guerre de Thèbes. Dans le
commerce familier avec son hôte, il était devenu un admirateur d'Épaminondas[85], et avait été
initié à tous les secrets de sa stratégie et de sa politique. Il n'était pas
non plus resté étranger à la haute culture intellectuelle qui avait pénétré à
Thèbes : on dit même, — d'après un renseignement peu sûr, il est vrai, —
qu'il avait connu Platon, dont le disciple Euphræos l'aurait recommandé à
Perdiccas[86].
Mais ce fut une bonne fortune pour le futur souverain que d'avoir l'occasion
d'apprendre à gouverner par lui-même d'abord sur un théâtre restreint, et de
s'habituer de nouveau à vivre avec des Macédoniens. C'est là qu'il appliqua
ce qu'il avait appris à Thèbes, l'art de faire de grandes choses dans un
cercle restreint, et de former en silence le noyau d'une bonne armée qui, au
moment voulu, pût donner la victoire. C'est avec une armée bien dressée,
fidèlement dévouée, qu'il sortit tout à coup de son obscurité. Le grand nombre
des ennemis fut un avantage pour lui plutôt qu'un désavantage ; car, plus le
désordre était grand, plus il y avait d'influences étrangères se combattant
entre elles, plus aussi les patriotes se ralliaient autour du fils unique
d'Amyntas : il avait dans son camp Dès lors, Philippe déploya des talents que personne n'avait devinés dans l'adolescent. Il avait alors vingt-trois ans : sa prestance était pleine de noblesse et de dignité royale : il avait toute l'expérience de la vie, toute la souplesse intellectuelle, toute la science du monde que l'on ne pouvait apprendre que dans les cités grecques : il parlait et écrivait le grec couramment et avec goût. Il se gardait pourtant de scandaliser les siens par son éducation exotique ; il ne voulait pas être un étranger parmi les Macédoniens. Il chassait et banquetait avec eux comme un vrai fils du pays : il était le meilleur nageur, le meilleur cavalier, le meilleur camarade des jeunes nobles dans tous les exercices à la mode nationale, dans toutes les jouissances de la vie : il savait dominer cette noblesse sans lui faire sentir la véritable cause de sa supériorité. Il réunit autour de lui les chefs des différents cantons, sachant prendre chacun suivant son caractère, exploitant ses qualités et ses défauts. Quant au peuple, il sut, par des oracles habilement répandus, lui inspirer confiance en sa personne. Les citoyens de la ville royale d'Ægæ, qu'Argæos cherchait à gagner pour lui, se déclarèrent décidément pour Philippe[87]. Bientôt ce ne furent plus seulement des espérances incertaines, des signes favorables, mais les plus brillants succès qui le désignèrent aux yeux de tous comme celui que la destinée avait marqué pour relever l'empire en décadence. Il avait en bien des points les allures d'un roi barbare,
comme le comportait la coutume des peuples du Nord : il lui arrivait d'être
farouche et emporté, et de se livrer aux plaisirs des sens jusqu'à l'ivresse.
Mais il ne perdait jamais de vue les buts plus élevés de la vie. Il était
irrité ou bienveillant, brave ou rusé, opiniâtre ou conciliant, selon que le
demandaient les circonstances : il y avait en lui le mélange de dignité
royale, d'énergie naturelle et de culture grecque, qui était nécessaire pour rendre
enfin Il se débarrassa de ses ennemis en procédant sûrement et prudemment. Archélaos paya de la vie ses prétentions au trône ; Argæos fut surpris au moment où il se retirait d'Ægæ et anéanti, mais les Athéniens qui étaient dans son armée furent renvoyés sans rançon. On décida par des présents les Péoniens à battre en retraite[88] : le roi de Thrace lui-même se laissa amener à une entente pacifique et abandonna la cause de Pausanias. C'est ainsi que Philippe devint le roi du pays, et personne, dans ces temps où il fallait un homme énergique sur le trône, ne songea à faire valoir les droits de son neveu mineur, d'autant plus qu'en Macédoine le droit de succession n'était pas parfaitement fixé. La première tâche qui lui incombait fut de donner au royaume
une situation sûre et indépendante en face des États voisins. Cette tâche
était double, selon qu'il s'agissait des voisins de la côte ou de ceux de
l'intérieur. Ce sont ces derniers qui avaient été le plus grand obstacle aux
progrès réguliers du royaume : car, depuis trois générations, les influences
opposées alternaient comme le flux et le reflux de la mer. Tantôt c'étaient
les Illyriens qui inondaient le pays, tantôt c'étaient les Téménides qui
relevaient la tête ; Philippe avait appris de bonne heure l'art d'isoler ses
ennemis : les dangers dont il n'aurait pu se tirer s'ils l'avaient surpris
d'un seul coup, il savait les affronter l'un après l'autre au moment
opportun. C'est de cette façon que, après avoir conquis la liberté de ses
mouvements à l'intérieur, il marcha contre les Péoniens, avec lesquels il
avait commencé par s'entendre. Il s'agissait maintenant de leur faire sentir
une fois pour toutes la supériorité de Ces succès, Philippe les devait à la tactique qu'il avait apprise en Grèce : il avait su apprécier là l'importance politique des réformes intelligentes apportées à l'organisation militaire. Avant tout, il s'était approprié l'idée capitale de la tactique thébaine, la concentration de l'attaque sur un seul point de la ligne ennemie : c'est de cette façon qu'il assura le succès longtemps indécis de la bataille contre Bardylis, en lançant à l'improviste l'aile droite comme colonne d'attaque. Philippe avait organisé l'armée et tout ce qui se rapporte à elle d'une manière si puissante qu'elle était devenue l'appui le plus solide de la dynastie, et par elle de l'empire tout entier. Il perfectionna ce que ses prédécesseurs, en particulier Archélaos, avaient commencé. Le droit qu'avait tout homme libre de porter les armes devint le service obligatoire dans les armées royales : le roi fournissait les armes et payait la solde. L'armement était, en somme, celui des hoplites grecs, avec quelques différences cependant, différences qui tenaient à d'anciennes coutumes nationales. Ainsi, le soldat macédonien portait un grand bouclier rond garni d'airain, et maniait la sarisse, une lance dont la longueur était, dit-on, de plus de vingt pieds. Bouclier contre bouclier, les guerriers macédoniens formaient la phalange, étroitement serrée, présentant son front immobile et sa forêt de lances comme une masse invulnérable. A côté d'elle, l'infanterie possédait le corps spécial des Hypaspistes, qui avaient sans doute un armement plus léger et une organisation moins compacte. Ils formaient, dans le sens le plus étroit du mot, une troupe royale, dont une partie était toujours sous les armes et à la disposition du roi pour les cas imprévus. Les montagnards furent utilisés d'une manière conforme à leurs aptitudes : ils fournirent des troupes légères et des archers, comme par exemple les Agrianes, sur le Strymon supérieur. Philippe admit même des étrangers, quand ils pouvaient se rendre utiles, en particulier des Grecs de toutes provenances ; il avait des éclaireurs de Tarente, des archers de Crète, des ingénieurs thessaliens qui lui fabriquaient ses machines de guerre. Il donna tout particulièrement son attention à la cavalerie. C'est à sa tête qu'était le poste de combat du roi, et une troupe choisie de cavaliers entourait sa personne. C'était là la garde d'honneur à laquelle appartenaient les fils de la noblesse : entrés comme pages au service du roi, ils étaient directement sous sa discipline, et, quand ils se montraient capables, ils arrivaient aux premiers grades de l'armée. Dans l'infanterie, il y avait aussi une semblable troupe de compagnons ou hétœres du roi, qui formaient le solide noyau de l'armée[91]. Dans ces gardes à pied et à cheval subsistaient les clans, qui autrefois accompagnaient les chefs quand ils allaient conquérir des terres ; mais ils avaient subi les transformations indiquées par le temps. Ainsi, tandis que bourgeois, paysans, bergers, se
fondaient dans l'armée en un seul peuple macédonien, se sentaient les membres
d'un même corps, obéissaient à une même volonté, et apprenaient à voir dans
cette union un gage de paix au dedans, de victoire au dehors, les grands
étaient associés personnellement aux intérêts du roi ; la noblesse, d'indépendante
et rebelle qu'elle était dans ses propriétés, devenait une noblesse de cour
et une noblesse militaire ; son crédit et son revenu dépendaient du roi ;
l'ambition amenait les jeunes gentilshommes aux côtés du roi et en faisait
les soutiens du pouvoir monarchique. Cette élite de l'armée, toujours sous
les armes, vivant dans des rapports de camaraderie avec le roi, ce qu'on
appelait l'Agéma[92], fut considérée
en même temps comme une sorte de représentation nationale auprès du roi.
C'est ainsi que Philippe sut fondre les éléments anciens et nouveaux,
étrangers et indigènes, la tradition macédonienne et les inventions
helléniques, donner à tout le pays, par la constitution de l'armée, la
solidité et la cohésion : fait d'autant plus considérable que Mais le point principal, c'est que Philippe ne rendit pas seulement des ordonnances, ne créa pas seulement des institutions, mais qu'il sut être l'âme de ce tout, dominer les circonstances avec une évidente supériorité intellectuelle, intervenir partout personnellement avec une présence d'esprit toujours en éveil, mettre dans sa dépendance les grands et les petits, endurcir les soldats, former leurs chefs, et créer de la sorte un empire qui trouvait la suprême expression de son unité dans le roi chef d'armée. C'est par ces moyens que Philippe avait relevé le royaume de ses pères, entouré de frontières précises le domaine gagné sur ses adversaires, et endigué pour ainsi dire le territoire contre les inondations des peuples farouches qu'il avait pour voisins. Alors seulement il put être question d'une politique macédonienne ; alors seulement celle-ci put tourner ses regards au dehors. De ce côté, la tâche qui l'attendait était toute différente. Ici c'était un État continental en face de puissances maritimes, un Barbare en face d'Hellènes. Du côté de la terre, l'empire devait être fermé ; du côté de la mer, il fallait l'ouvrir : ici il ne s'agissait pas de le défendre contre les forces de ses voisins, il fallait les gagner au contraire au profit de son propre État. Il y avait trois puissances dont les rapports avec Le premier objectif était Amphipolis, la ville fatale,
l'enfant de douleurs de la politique maritime des Athéniens[93]. Que de troupes
vaillantes de jeunes guerriers avaient succombé sur ce rivage dans la lutte
contre les Thraces, avant qu'une colonie stable pût s'y établir ! On réussit
enfin, et c'est au milieu des plus fières espérances que s'élève la ville à
l'embouchure du Strymon. Pendant douze ans, Athènes a la joie de voir les
progrès rapides de la jeune cité : puis celle-ci fait défection, et, depuis
ce temps, la colonie rebelle ne cesse d'être un sujet de scandale et de
soucis cruels pour les Athéniens. Le fruit de tant de peines, de luttes, de
sacrifices était perdu, et les coûteux travaux exécutés sur terre et en
constructions hydrauliques se trouvèrent faits pour d'autres, c'est-à-dire
pour les ennemis d'Athènes. En effet, cette même ville qui devait être la
clef de la voûte de la domination d'Athènes sur le littoral de la mer Égée et
la citadelle de la mer de Thrace devint alors le point le plus vulnérable de
la république, le plus solide appui de la puissance lacédémonienne : malgré
les stipulations de la paix de Nicias, elle ne fut pas rendue aux Athéniens.
Les citoyens d'Amphipolis ne se souciaient plus de leur métropole. C'est
qu'Amphipolis, comme le témoigne le dialecte de ses inscriptions, ne fut
jamais une ville athénienne : sa population non attique, qui fut dès le
commencement en grande majorité, lui imposa des rapports intimes avec les
villes voisines. C'est avec leur appui et celui des tribus thraces
qu'Amphipolis, après avoir été fidèle à Sparte plus longtemps que toutes les
autres cités de la côte, put se défendre contre Athènes et conserver une
situation indépendante dans tous les sens. De magnifiques médailles d'argent
témoignent de la prospérité de la cité[94]. Vint ensuite le
nouvel élan pris par la puissance maritime d'Athènes, et les nouvelles
tentatives des Athéniens sur Amphipolis, leurs négociations avec les
puissances voisines, leurs expéditions de terre et de mer. Mais rien ne se
fit avec une énergie suffisante, et même les succès partiels aboutirent à un
résultat opposé. En 371, Amyntas reconnut solennellement les prétentions
d'Athènes, et Iphicrate réussit, sans doute avec l'aide d'un parti
amphipolitain favorable aux Athéniens, à mettre la main sur un certain nombre
d'otages. On s'attendait à la soumission de la ville. Mais tout à coup le
général fut rappelé, et la trahison de Charidème rendit les otages aux
citoyens[95].
Plus tard, l'activité de Timothée, partout ailleurs couronnée de succès (365), échoua devant Amphipolis : son
expédition manquée compta comme la neuvième de celles qui furent entreprises
contre Amphipolis[96]. Ce fut aussi la
dernière : car c'est le moment où Philippe entre en scène. Pour lui, cette
cité, par sa position dominante sur les routes du littoral, par son port, par
sa richesse en bois et en métaux, était la plus importante comme la plus
rapprochée des places en dehors de Cependant, par ses victoires sur les Illyriens et les Péoniens, Philippe avait fini par avoir ses coudées franches, et ses desseins sur la côte de Thrace se montrèrent alors au grand jour. Amphipolis vit ses troupes s'approcher et prit rapidement la décision qui seule pouvait encore la sauver. Deux Amphipolitains considérables, Hiérax et Stratoclès, se rendent à Athènes ; la fière cité rend spontanément hommage à sa métropole, lui ouvre ses portes et ses ports, la ville et son territoire, en demandant protection contre Philippe[98]. Mais en même temps arrivait une ambassade de Philippe. Elle renouvela l'alliance conclue après la défaite d'Argæos, et fit à propos d'Amphipolis une communication confidentielle, qui devait écarter tout sujet de crainte et de malentendu. Les Athéniens avaient déjà éprouvé, dirent les envoyés, à quel point le roi était leur ami : il leur avait pardonné l'appui donné à son adversaire, et renvoyé chez eux leurs guerriers à titre gracieux. Pour cc qui était d'Amphipolis, la superbe cité était son ennemie à lui autant que celle d'Athènes. Il allait l'humilier, et ensuite la leur donner de sa main, comme un gage de son amitié. Ainsi, la ville pour la possession de laquelle les Athéniens avaient livré tant de combats inutiles leur était offerte spontanément de deux côtés différents : il semblait qu'ils n'avaient plus qu'à choisir de quelle main ils voulaient l'accepter. Un examen calme et attentif de la question ne pouvait pas laisser longtemps dans le doute. On n'avait pas à se méfier des Amphipolitains. Dans leur détresse, et assurés de perdre leur liberté, ils aimaient mieux la sacrifier à Athènes qu'à Philippe. Quant à celui-ci, comment pouvait-on admettre que, oubliant ses vastes ambitions, il pût s'emparer au prix de grands efforts de la ville la plus considérable de son voisinage uniquement pour la rendre ensuite à l'État qui de tous était le plus capable d'arrêter les accroissements de son empire ? Dans tous les cas, il fallait se dire que cette restitution ne se ferait pas par pure générosité, mais qu'elle serait liée à des conditions qui compenseraient amplement un pareil sacrifice. Les Athéniens venaient de faire une expédition heureuse en Eubée ; leur flotte était en pleine activité ; comment les Amphipolitains pouvaient-ils s'attendre à ce que leur offre fût refusée ? Et néanmoins elle le fut[99]. Au lieu d'accepter des deux mains, on fut assez aveuglé pour s'abandonner à une mesquine susceptibilité. On était charmé de voir la ville rebelle recevoir un châtiment mérité, et l'on se croyait assuré de la ressaisir sans faire de sacrifices et sans se brouiller avec un roi généreux et bienveillant. On eut la vanité de croire que l'amitié d'Athènes était un bien si grand qu'il était tout naturel de voir un roi même puissant faire quelques sacrifices pour l'obtenir. Cette faute des Athéniens était pour Philippe plus qu'une bataille gagnée ; elle était en même temps d'un excellent augure pour ses entreprises ultérieures. Amphipolis fut rapidement attaquée et prise (357)[100] ; dès lors, le roi n'avait plus à craindre qu'une alliance entre Olynthe et Athènes. Olynthe, qui avait assisté tranquillement à la chute d'Amphipolis, ne pouvait rester neutre plus longtemps. Elle avait donc, immédiatement après la prise d'Amphipolis, représenté aux Athéniens quelle était la vraie situation sur la côte de Thrace, et proposé une alliance contre Philippe. Mais on croyait encore à Athènes à la magnanimité du roi, et plus on en était réduit à tout attendre de sa bonne volonté, moins on voulait entreprendre contre lui. En effet, quoique l'on n'osât plus croire à une cession gratuite d'Amphipolis, on espérait cependant encore rentrer en possession de la ville du Strymon au prix d'un échange contre Pydna : ce projet fut caressé par les politiciens d'Athènes, avec toute l'importance qu'on attache aux secrets d'État[101]. Mais Philippe n'avait besoin ni d'échanges ni de cadeaux :
ce qu'il désirait, il le prenait. Il envahit sans hésiter le territoire de la
confédération athénienne, enleva Pydna[102], et, comme par
là il avait ouvertement rompu avec Athènes, il fit alliance avec les
Olynthiens repoussés par elle. Cette alliance était en ce moment assez
importante à ses yeux pour le décider à des concessions considérables. Comme
depuis longtemps Olynthe et Philippe avait dès lors ses coudées franches : il sut
employer ses acquisitions à préparer des revendications nouvelles. La ville
du Strymon n'était à ses yeux que la clef du pays situé au delà du fleuve. Ce
pays, qui s'avance dans la mer en forme de péninsule, forme d'un côté le
golfe Strymonique, de l'autre, la baie profonde qui sépare de la pleine mer
l'île de Thasos. Dans le milieu de cette saillie de la côte s'élève à 1870
mètres le Pilaf-Tepe, le Pangæon antique, montagne couverte de neiges,
impraticable, mais, par ses richesses souterraines, la possession la plus
précieuse de toute la région côtière de l'Archipel[104]. En effet.
quoique l'Hèbre détachât de l'Hæmos des métaux précieux qu'il roulait dans
ses eaux, quoique les Péoniens trouvassent de l'or sous le soc de leurs
charrues et que Thasos eût ses mines à elle, le Pangæon n'en était pas moins
de beaucoup la source la plus abondante de l'or et de l'argent. Aussi, à
partir du moment où les Phéniciens eurent mis ces trésors en lumière, ils
furent sans cesse l'objet de luttes sanglantes : car c'était justement là que
demeuraient les tribus les plus guerrières de Les Thasiens furent ceux qui réussirent à se maintenir le
plus longtemps sur la côte d'or : ils fondèrent au bord de la mer des
stations d'où, ne fût-ce que dans une, proportion restreinte, ils
exploitèrent les mines, et leur colonie de Daton devint proverbiale pour
désigner une localité comblée de tous les biens de la terre[106]. Mais, pour eux
aussi, l'or ne fut pas une fortune durable. Ils furent d'abord humiliés par Rien ne pouvait faire plus de plaisir au roi. Il y avait
longtemps que son attention était attirée vers les mines d'or, qui étaient
indispensables à ses desseins. Il pouvait maintenant d'autant mieux atteindre
son but qu'il n'intervenait pas en conquérant, mais en allié et ami
d'Hellènes en lutte avec des peuples barbares. Trois ou quatre ans après la
fondation de Crénides, il franchit le Strymon, repoussa sans grande peine les
Thraces, annexa à Le revenu des mines servit, comme à Thasos et à Athènes, de premier capital pour l'entretien d'une marine, dont le roi avait besoin pour repousser toute attaque sur mer, pour étendre sa domination sur les côtes et protéger le commerce macédonien. Pour créer une flotte, il n'y avait pas, comme Histiée l'avait déjà reconnu, de région plus favorable dans tout l'Archipel. Outre des baies magnifiques, d'excellentes voies maritimes et une richesse inépuisable en bois de construction, cette côte avait sur toutes les autres l'avantage inappréciable que, en utilisant les vents du nord qui y règnent pendant tout l'été, on pouvait de là atteindre sûrement et rapidement tous les points situés au sud, pendant qu'une attaque venant du sud était ralentie d'autant. La facilité d'opérer des débarquements rapides et imprévus était d'autant plus importante, que les Macédoniens, avant de posséder une flotte sérieuse, devaient se borner à des surprises et à des actes de piraterie dans le genre de ceux qu'Alexandre de Phères avait risqués avant eux. Par là on pouvait porter des coups terribles, même à des États pourvus de flottes bien supérieures. C'est pendant que Philippe était lui-même occupé dans des
guerres nouvelles contre les Thraces, les Péoniens et les Illyriens (355 et 354) que se firent les établissements
les plus considérables sur le territoire nouvellement conquis. Quand il
revint à la côte, il attaqua Méthone, que par égard pour les Athéniens il
avait respectée jusque-là comme ville libre, membre de la confédération
maritime d'Athènes. Les Athéniens attachaient un grand prix à cette ville :
néanmoins, au moment décisif, ils arrivèrent trop tard. Méthone succomba et
fut détruite[111].
Dès lors, à l'exception des villes de A l'acquisition des mines et à l'arrondissement heureux du territoire de l'empire se rattache la réforme du système monétaire, qui avait une grande importance pour Philippe. Jusque-là, les pays qui venaient d'être réunis avaient eu des systèmes monétaires très différents, ce qui devait exercer sur le commerce une influence très défavorable : on manquait d'un centre d'où pût émaner une nouvelle règlementation, et la monnaie macédonienne cherchait de divers côtés un système à qui se rallier. D'abord elle voulut s'accommoder au système très ancien en usage dans les villes et tribus thraces[112]. Puis, après qu'en Thrace on eut adopté le système du Grand-Roi, — qui, au moment même où la puissance politique des Perses était en complète décadence, se répandit au loin jusque sur le côté européen de la mer Égée, — le roi Archélaos s'y rallia également, tandis que les villes du littoral frappaient leur monnaie d'après l'étalon attico-européen. Vers le milieu du ive siècle, l'épanouissement du commerce rhodien amena une nouvelle perturbation dans les relations commerciales ; la monnaie de l'Asie-Mineure, frappée au poids fixé par Rhodes, se répandit rapidement dans tout l'Archipel, et, comme Évagoras, Philippe frappa sa monnaie d'argent selon ce système[113]. Les monnaies de Philippe témoignent de la prospérité de
l'empire et du souci que le roi prenait des intérêts commerciaux : en effet,
elles sont frappées avec plus de soin que celles de ses prédécesseurs. Il fit
de la fabrication de la monnaie un droit régalien ; il démonétisa toutes les
monnaies des villes sur son territoire, à l'exception de celles de sa colonie
de Philippes, qu'il voulut distinguer de cette façon comme ville libre de
l'empire. Il inaugura aussi une fabrication régulière pour la monnaie d'or
qui, même dans les parties les plus riches en or de son territoire, avait
tenu une place remarquablement restreinte. La pièce d'or, le statère de
Philippe, n'était autre chose, au point de vue de la valeur, que le darique perse, qui était répandu dans toute |
[1] Il en est ainsi, par exemple, aux sources de l'Axios (Vardar), d'où l'on passe facilement dans la vallée du Margos (Morava), et encore à l'endroit où de l'Hèbre (Maritza) on gagne l'Oskios (Isker), autre affluent du Danube.
[2] Voy. la liste des tribus donnée par Hérodote (VII, 110).
[3] THUCYDIDE, II, 29.
[4] Thucydide (II, 29) réfute cette parenté si fort à la mode de son temps entre les Thraces du Parnasse et les Odryses, entre Térès et Térée (Tereus). Sur l'histoire des Odryses, cf. E. MURET, Bulletin de corresp. hellén., III [1879], p. 409 sqq.
[5] ARISTOPHANE, Acharniens, 141 sqq.
[6] THUCYDIDE, II, 98 sqq.
[7] THUCYDIDE, IV, 101.
[8] THUCYDIDE, II, 96-97.
[9]
Le système des bassins fluviaux de
[10] Μακέτα signifie haut pays, et Μακεδόνες, les gens du haut pays ou peut-être de haute taille. Cf. G. CURTIUS, Griech. Etymologie, I4, p. 161.
[11] ARISTOT., ap. PLUTARQUE, Thes., 16. STRABON, p. 329.
[12] Il existait d'anciens cultes d'Apollon à Ίχναι et ailleurs (Rhein. Museum, XVII, p. 712).
[13]
Sur les cultes de
[14] PLUTARQUE, Quæst. græc., 11.
[15] HÉRODOTE, I, 56 ; VIII, 43.
[16] APOLLOD., III, 8,
[17] Sur le dialecte macédonien, cf. BERGK, op. cit., I, p. 60.
[18] CALLISTH., ap. ARRIAN., Anab., IV, II.
[19] ÆLIAN, Var. Hist., XIII, 4. THEOPOMP., ap. ATHEN, p. 167.
[20] STRABON, p. 315 ; THEOPOMP., ap. ATHEN., p. 443. Ils
apparaissent pour la première fois dans Hérodote (IX, 43. Cf. V, 61).
[21] DEMOSTH., Philipp. III, § 31.
[22] APOLLOD., III, 5, 4. STEPH. BYZ., s. v. Ίλλυρία. Sur les premiers habitants de l'Illyrie, voy. H. CONS, La province romaine de Dalmatie, [Paris, 1882], p. 36 sqq.
[23] PINDARE, Nem.,
IV, 54.
[24] STRABON, p. 326.
[25] HÉRODOTE, VIII, 137.
[26]
Il y a, en somme, deux versions de la légende royale, la légende de Caranos,
recueillie par Théopompe (fragm. 30), et celle de Perdiccas dans Hérodote
(VIII, 137). Cf. WEISSENBORN,
Hellen, p. 52, 4. GUTSCHMID,
Mecedon. Anagraphe (in Symbol. Philol., Bonn., p. 118). Caranos,
l'ancêtre de la dynastie, est le frère de Phidon, le septième Téménide
(peut-être celui qui s'est sauvé à Tégée). C. FR. HERMANN (in Verhandl. d. Altenb. Philologenversammlung, p.
43) cherche à établir un lien entre la dynastie macédonienne et l'histoire
d'Argos. Mais l'affinité des Argéades (STBABON, p. 329. STEPH. BYZ., s. v. Άργέου)
avec Argos a été rejetée par O. MÜLLER et O. ABEL (Geschichte Makedoniens vor Philippus, p. 99), à
l'opinion duquel se rallient et GUTSCHMID et BORN (Zur Makedon. Geschichte, p. 8). D'après eux, ce
n'est point l'Argos du Péloponnèse, mais celle de l'Orestide qui doit être la
véritable patrie des princes macédoniens. UNGER (in Philologus, XXVIII, p. 401
sqq.) regarde la filiation qui fait venir les Téménides d'Argos comme une pure
invention, par la raison qu'il y avait plusieurs généalogies en circulation, et
il rapporte également le passage d'Appien (B. Syr., 63) à l'Argos de
l'Orestide, dont on a fait ensuite l'Argos du Péloponnèse. Néanmoins, comme il
reconnaît dans Caranos et ses frères Aéropos et Gauanès les trois ancêtres des
plus illustres dynasties de
[27] HÉRODOTE, VIII, 138.
[28] JUSTIN., VII, 1.
[29] HÉRODOTE, V, 94.
[30] SCHOL. THUCYD., I, 57. HARPOCRAT., s. v. Άλέξανόρος. DIO CHRYS., II, 25.
[31] HÉRODOTE, V, 19 sqq.
[32] HÉRODOTE, V, 22. Cf., II, 99. D'après GUTSCHMID (loc. cit.), c'est justement alors que la généalogie des princes macédoniens aurait été dressée pour la première fois.
[33] HÉRODOTE, VIII, 143.
[34] Ambassade d'Alexandre à Athènes (HÉRODOTE, VIII, 136-144).
[35] LEAKE, Num. Hellen. Kings of Europa, 3. Sur l'écusson des Bisaltes, ibid., 157. BRANDIS, Münzwesen Vorderasiens, p. 118.
[36] HÉRODOTE, V, 17.
[37] PAUSANIAS, VII, 25, 6.
[38]
Éloge d'Alexandre par Pindare (fragm., 85. 86. Böckh).
[39] THUCYDIDE, I, 137.
[40] SCHÄFER, in Jahrbb. für Philologie,
1865, p. 627.
[41] PLAT., Gorg., p. 471.
[42] THUCYDIDE, II, 95. 100.
[43] THUCYDIDE, I, 57.
[44] HEGES. [DEMOSTH., VII], De Halonnes., § 12.
DEMOSTH., Olynth. III, § 24. SCHOL., ibid.
[45] THUCYDIDE, I, 58.
[46] THUCYDIDE, I, 61.
[47] KIRCHHOFF, Chronologie der Volksbeschlüsse
für Methone (Abhandl. der Berl. Akad., 1861, p. 555).
[48] THUCYDIDE, II, 80.
[49] THUCYDIDE, II, 95.
[50] THUCYDIDE, II, 1Ol.
[51] THUCYDIDE, IV, 79.
[52] THUCYDIDE, V, 83.
[53] THUCYDIDE, IV, 78.
[54] THÉOPOMPE, fragm., 164 b. STRABON, p. 445.
[55] SUIDAS, s. v. Μελανιππίδες.
[56] SUIDAS, s. v. Ίπποκράτης.
[57] PLAT., Gorg., p. 471.
[58] THUCYDIDE, II, 100.
[59] Pydna est élevée alors au rang de capitale (XENOPHON, Hellen., V, 2, 13) ; mais la ville elle-même existait déjà
[60]
Le nom de Δίον vient du
temple de Zeus Olympien. Sur les concours ou άγώνες,
voy. DIODORE, XVII, 16. STEPH. BYZ., s. v. Δίον.
[61] Vit. Sophocle.
[62] DIOG. LAERT., II, 5, 9.
[63] ÆLIAN., Var. Hist., XIV, 17.
[64]
Sur la cour des Muses rassemblée autour d'Archélaos, voy. ABEL, Makedonien, p. 200 sqq.
[65] EURIPIDE, Bacch., 409-415. Cf. 560
sqq.
[66] DIOGENIAN., VII,
25. SUIDAS, s. v. Εύριπίδης.
[67] DIODORE, XIV, 37. PLAT., Alcib. II, p. 141 d. ARISTOT., Polit., p. 219.
[68] Durant ces dix ans, on voit passer successivement : Oreste, fils d'Archélaos (399-396), détrôné par son tuteur, le Lynceste Aéropos, qui règne de 396 à 392 sous le nom d'Archélaos II (DIODORE, XIV, 37) ; Amyntas II, roi de 392 à 390 (DIODORE, XIV, 89), qui aurait été, d'après GUTSCHMID (op. cit., p. 105), un bâtard d'Archélaos ; Pausanias (390-389), fils d'Aéropos. Le successeur de Pausanias est Amyntas III (GUTSCHMID, ibid., p. 107). Cet ordre résulte des indications fournies par Eusèbe et Syncelle.
[69] SUIDAS, s. v. Νικόμαχος.
[70] DIODORE, XVI, 92.
[71] Prise d'Olynthe par les Spartiates en 379.
[72] ÆSCHIN., De falsa leg., § 26. 28.
[73] DIODORE, XV, 61.
[74] DIODORE, XV, 67.
[75] PLUTARQUE, Pelopid., 26.
[76] Alexandre est assassiné (DIODORE, XV, 71. MARSYAS ap. ATHEN., p. 629. SCHOL. ÆSCHIN., De falsa leg., § 29).
[77] ÆSCHIN., De falsa leg., § 27 sqq.
[78] Traité conclu avec Thèbes (PLUTARQUE, Pelopid., 27).
[79] ÆSCHIN., De falsa leg., § 29.
[80]
Philippe était au nombre des otages (PLUTARQUE, Pelopid., 26. DIODORE, XV, 67). Cf. ABEL, Makedonien,
p. 230.
[81] Ptolémée assassiné (DIODORE, XV, 77).
[82] DEMOSTH., Olynth. II, § 14. Cf. Philologus, XIX, p. 248. 578.
[83] DIODORE, XVI, 2.
[84] JUSTIN., VII, 5. DIODORE, XVI, 2.
[85] PLUTARQUE, Pelopid., 26.
[86] C'est Carystios de Pergame qui l'affirme d'après une lettre de Speusippe (ATHEN., p. 506. Fragm. Histor. Græc., IV, p. 357). On part de là pour accuser d'ingratitude Philippe, qui doit à Platon sa souveraineté. Sur Euphræos d'Oréos, voy. BERNAYS, Dial. des Arist., p. 21, 143.
[87] DIODORE, XVI, 3.
[88] DIODORE, XVI, 4.
[89] DIODORE, XVI, 4.
[90] DIODORE, XVI, 8.
[91] DIODORE, XVII, 37. ATHEN., p. 135 e.
[92] ARRIAN., I, 14, 1. II, 8, 3.
[93] Sur Amphipolis et Athènes, voy. WEISSENBORN, Hellen, p. 136 sqq.
[94] Cf. J. DE WITTE, Médailles d'Amphipolis (Revue Numismatique, 1864).
[95] DEMOSTH., In
Aristocrat., § 143.
[96] SCHOL. ÆSCHIN., De
falsa leg., § 34.
[97]
Les troupes macédoniennes qui se trouvaient à Amphipolis avaient été
probablement demandées à Perdiccas, comme le conjecture avec apparence de
raison GROTE
(XVII, p. 21, trad. Sadous).
[98] THEOPOMP.,
fragm., 47 b. HARPOCRAT., s. v. Ίέραξ.
[99] DEMOSTH., Olynth. I, § 8. Après la prise d'Amphipolis, un décret du peuple amphipolitain condamna au bannissement Philon et Stratoclès (C. I. GRÆC., II, 2008. SAUPPE, Inscr. Macéd., 20). C'est l'application de la politique de Philippe (DIODORE, XVI, 8).
[100] DIODORE, XVI, 8.
[101] DEMOSTH., Olynth. II, § 7.
[102] DIODORE, XVI, 8.
[103] DIODORE, XVI, 8. DEMOSTH., Philipp. I, § 25.
[104] Sur le Pangæon, Philippes, Neapolis, voy. HEUZEY, Miss. archéol. de Macédoine. Cf. Götting. gelehrte Anzeigen, 1864, p. 1228.
[105] BRANDIS, Münzwesen, p. 208. Les monnaies d'or sont en proportion excessivement minime.
[106] ZENOB., III, 11. Cf. IV, 34. HARPOCRAT., s. v.
Δάτος.
[107] DIODORE, XVI, 3.
[108] THÉOPHRASTE, De caus. plant., V, 14.
[109] DIODORE, XVI, 8. STEPH. BYZ., s. v. Cf. BÖCKH, Staatshaushaltung,
I, p. 322. SCHÄFER, Demosthenes, I, p. 120. II, p. 25.
[110] Environ 5.894.000 fr.
[111] DIODORE, XVI, 31. DEMOSTH., Olynth. I, §
13, Phil. I, § 4. Complètement déçus dans les espérances qu'ils avaient
fondées sur Philippe, les Athéniens, l'année même de la fondation de Philippes,
conclurent une alliance avec les voisins de
[112] La plus ancienne monnaie d'argent d'Ægæ, à l'effigie du bouc, se rattache au système éginète : les premières pièces qui portent le nom du roi, à partir de 480, sont celles des Bisaltes (BRANDIS, Münewesen, p. 207. 209. 211).
[113] Sur la réforme monétaire de Philippe, voy. BRANDIS, op. cit., p. 250.