§ II. — THÈBES ET ATHÈNES CONTRE SPARTE. Peu de périodes de l'histoire grecque se sont ouvertes
aussi subitement que celle qu'inaugure la délivrance de Thèbes[1]. Si la ville
elle-même fut surprise des événements de la nuit, combien davantage les
villes plus éloignées ! La première impression fut presque partout la même.
Le peuple témoigna un sympathique intérêt pour ce coup d'audace, si vivement
mené et tel qu'on n'en avait pas vu depuis longtemps. Cela rappelait les
exploits du passé, les héros qui pénétraient dans la demeure paternelle pour
la délivrer. A Sparte même, on ne put réprimer un certain assentiment, un
certain intérêt, bien qu'on se vit obligé, suivant les vues du parti
dominant, de considérer comme des rebelles les héros de la liberté. En tout
cas, l'événement entraînait de toute nécessité d'importantes conséquences.
Car une puissance dont le joug pesait lourdement sur toute Le début avait brillamment réussi aux Thébains ; mais le
plus difficile, sans contredit, de leur tâche ne faisait que commencer. En
effet, une restauration durable de la puissance thébaine rencontrait partout
des difficultés. Thèbes n'était qu'une des villes de la contrée ; sa
domination en Béotie, qu'elle avait poursuivie à plusieurs reprises avec une
constance opiniâtre, avait été complètement détruite par la paix d'Antalcidas.
Platée était reconstruite, Orchomène indépendante ; les villes voisines
veillaient avec un soin jaloux sur leur autonomie. Par conséquent, on était
condamné à reprendre par le commencement, en face de l'ennemi extérieur, l'œuvre
délicate de l'unification du pays. Car ce n'était pas Thèbes, mais Naturellement, on avait déjà pris ses mesures dans ce but.
Le parti de Mais, pour atteindre ce but, un heureux élan qui enthousiasmait les esprits, qui faisait prédominer les meilleurs instincts et reléguait dans l'ombre les discordances, ne pouvait longtemps suffire. L'ancienne rudesse perçait toujours. Déjà la première victoire avait été souillée par des injures aux vivants et aux morts, lorsque le peuple, au moment de la retraite de la garnison, guetta au passage les citoyens qui avaient cherché protection auprès d'elle. Quelques-uns d'entre eux furent sauvés par les Athéniens ; d'autres furent victimes de la fureur populaire, qui n'épargna même pas les enfants de ces infortunés[4]. Au sein même du parti des patriotes, il ne manquait pas de divergences, car avec la démocratie apparurent du même coup tous les inconvénients du régime. Des ambitieux qui avaient coopéré à la délivrance se crurent dédaignés et se posèrent en adversaires acharnés de Pélopidas et d'Épaminondas, par exemple Ménéclidas[5]. D'autres voulaient profiter du bouleversement pour s'attaquer aux familles nobles et accomplir une révolution sanglante, comme Eumolpidas et Samidas[6]. Dans cet état de choses, c'était contre des difficultés
infinies qu'avaient à lutter les nouveaux chefs du peuple, qui voyaient dans
son relèvement moral et intellectuel la condition nécessaire à C'était une institution qui se rattachait à de vieilles coutumes locales. Déjà lors de la bataille de Délion, on mentionne une troupe des Trois-Cents. Ils combattaient, comme les héros d'Homère, en avant de la masse de l'armée, unis par couples, et, par analogie avec les habitudes des guerriers de l'âge héroïque, on les appelait Hénioques et Parabates[7]. Cette ancienne institution, sous la direction d'Épaminondas et de Gorgidas, reçut une vie nouvelle. Ils avaient en silence rassemblé autour d'eux un cercle de jeunes gens et s'étaient présentés avec eux le jour de la délivrance, si bien qu'ils passèrent pour les fondateurs de la phalange sacrée de Thèbes. Désormais ce ne fut plus un privilège' de noblesse que de figurer parmi les Trois-Cents, mais les plus nobles de cœur et les plus généreux parmi les jeunes gens du pays, ceux qui déjà sous l'oppression des tyrans s'étaient préparés à la lutte pour la liberté, furent désormais les, guerriers d'élite et les combattants d'avant-garde. Ils étaient destinés à aiguillonner chez les autres le désir d'imiter leur bravoure et leur discipline ; ils étaient associés par les liens de l'amitié et par leur unanimité dans le désir de combattre pour les grands desseins de la patrie. C'était une création féconde, où le côté soldatesque se fondait heureusement avec des principes moraux et politiques, l'ancienne coutume locale avec les idées du présent et les maximes pythagoriciennes, un glorieux monument de la sagesse d'Épaminondas. Mais quelle médiocre confiance pouvait inspirer la petite
phalange dans la lutte que l'on affrontait ! En effet, bien que Sparte
renfermât un parti qui avait énergiquement condamné le coup de main de
Phœbidas et qui en voyait sans regret les funestes conséquences, il ne
fallait pourtant pas supposer que le gouvernement spartiate céderait. Les
Thébains n'étaient rien moins que prêts à la guerre ; ils se trouvaient dans
une situation beaucoup plus fâcheuse que lorsque, dix-sept ans auparavant,
ils avaient commencé la lutte. Il avaient alors des subsides perses et des
alliés grecs, et les forces de l'ennemi étaient divisées. Aujourd'hui, les
Thébains se levaient seuls ; car, si Athènes leur avait lors de la prise de Pourtant ces négociations restèrent sans résultat. A
Sparte, on jugea les harmostes qui avaient livré Ainsi la politique d'Agésilas continuait à prédominer à Sparte, et, au dedans comme au dehors de la ville, on était persuadé qu'il se chargerait de la conduite des opérations contre Thèbes. Cependant, il déclina cette tâche et allégua qu'un roi, aussi bien que tout autre citoyen, après avoir servi plus de quarante ans, était dispensé de faire campagne à l'étranger. Mais ce n'était pas là le motif réel ; la vraie raison était l'impopularité au loin répandue qu'Agésilas s'était attirée par sa conduite à Phlionte, et sans doute aussi par ses relations avec Phœbidas, impopularité telle que, dès qu'il prenait part de sa personne à quelque entreprise, tout le monde en Grèce s'attendait aux pires excès. Or, il se trouvait à Sparte des réfugiés thébains qui s'étaient sauvés avec la garnison[10], et, comme les éphores se laissaient fréquemment dicter leurs mesures par les bannis des autres pays, il en fut ainsi cette fois encore. Les Thébains leur firent comprendre que l'apparition d'Agésilas en Béotie ne ferait que provoquer une plus vive résistance, parce qu'on était habitué à n'attendre de lui que les procédés les plus horribles de la guerre, la dévastation irréparable du pays, la traite d es hommes, les exécutions et l'installation de tyrannies. Les éphores cédèrent. Agésilas se retira avec dépit et ne voulut plus avoir rien de commun avec toute cette affaire[11]. A sa place, le commandement fut remis au jeune Cléombrote, frère et successeur du noble Agésipolis, et comme lui animé de sentiments tout grecs et favorables à l'union. Cléombrote aurait, à coup sûr, volontiers accueilli la paix offerte par Thèbes. Obéissant aux éphores, il se rendit dès le mois de janvier 378 en Béotie[12], s'avança avec son armée jusque dans les environs de Thèbes, dressa son camp sur les hauteurs de Cynocéphales et y demeura seize jours. Puis il rentra, sans avoir fait de dégât nulle part[13]. Toute l'expédition se borna à une simple démonstration, de sorte que les troupes péloponnésiennes, en s'en retournant, ne savaient plus du tout pourquoi elles avaient marché. Tout le parti d'Agésilas fit naturellement éclater son indignation. On avait perdu le moment le plus propice pour l'attaque ; on ne pouvait voir dans toute cette entreprise qu'un encouragement des plus dangereux donné aux rebelles. Mais le parti de la guerre ne fut pas assez fort pour renverser Cléombrote ; de son côté, le parti de la paix ne réussit pas davantage à prendre la haute main, et, au milieu de ces fluctuations, il ne pouvait être question d'une politique aboutissant à des résultats sérieux. Cependant, cette courte campagne d'hiver ne laissa pas que d'amener des conséquences importantes. Cléombrote, en effet, avait laissé une partie considérable de ses troupes en Béotie, à Thespies qui, située à trois lieues de la capitale, était particulièrement propre à faire une place d'armes menaçante. en confia le commandement à Sphodrias, qui reçut en même temps des fonds pour lever de nouvelles troupes[14]. Ainsi les Thébains, en dépit de cette inoffensive
campagne, se trouvaient dans une fort mauvaise situation. Ils avaient aux
portes de leur ville une armée péloponnésienne, qui se renforçait à vue d'œil
avec les recrues venues des villes qui leur étaient hostiles, et qui servait
en même temps à intimider les Athéniens. Ceux-ci, de leur côté, faisaient
leur possible pour donner satisfaction à Sparte ; ils reconnurent combien
leur situation s'était modifiée depuis que les Spartiates réoccupaient les
défilés de l'isthme. Car, au nord de l'isthme, il s'offrait tant de passages
vers Dans ces circonstances, il n'y a rien d'étonnant que les Thébains eussent recours à la ruse pour amener ce qui désormais leur devait importer avant tout, à savoir une rupture entre Athènes et Sparte et la victoire du parti thébain à Athènes. On connaissait Sphodrias, l'harmoste de Thespies, pour un homme de tempérament passionné ; on pouvait compter qu'il ne montrerait pas de répugnance pour exécuter un coup de main à la façon de Phœbidas, si on lui en offrait l'occasion. Aussi, à l'instigation de Pélopidas et de Mélon, — du moins, c'est ainsi qu'on raconte le fait[15], — un Béotien alla se présenter à l'harmoste comme fidèle partisan de Sparte, et l'informa sous main que le Pirée n'était pas encore complètement fortifié. C'était donc chose facile, en partant de Thespies, en traversant la plaine d'Éleusis et suivant la côte attique, de pénétrer presque dans le port, avant que dans la ville haute on ne s'en aperçût. Sphodrias donna dans le piège. Les Lacédémonien, pauvres d'idées personnelles, étaient d'autant plus accessibles aux suggestions étrangères, et il n'est pas surprenant qu'un Spartiate ambitieux se soit laissé enivrer à l'idée qu'il lui était possible de réduire en son pouvoir, par une marche de nuit, le port de l'Attique, les chantiers et la flotte, et de rendre à sa patrie un service qui allait en quelque sorte couronner toutes les entreprises de ce genre. La politique impitoyablement égoïste de la raison d'État était si bien passée dans les mœurs publiques à Sparte, que Sphodrias ne pouvait douter que son agression ne fût approuvée après coup, si elle réussissait. On connaissait du reste les dispositions d'Athènes ; on était en droit de supposer qu'elle ne guettait que la première mésaventure de Sparte pour relever la tête ; un coup de main hardi pouvait prévenir une série de combats dangereux, et, dans quelques jours peut-être, il ne serait plus possible de le tenter. Sphodrias se mita l'œuvre sans retard, mais dans l'exécution il se montra hésitant et imprudent : les torches qui brûlaient autour des sanctuaires d'Éleusis l'effrayèrent, parce qu'il les prit pour des signaux allumés par les Athéniens. Ensuite, il n'avait pas exactement calculé la longueur de la route. Au point du jour, il n'était encore que sur la limite entre les plaines d'Éleusis et Athènes ; son plan d'une surprise de nuit était déjoué. Il lui fallut rebrousser chemin. Mais, ici encore, il agit avec une rare étourderie. Au lieu de se retirer en silence, il pilla différents villages et s'en retourna par le Cithéron, tandis que les citoyens d'Athènes sortaient pour venger cette infâme violation de la paix. Le forfait était d'autant plus grand, qu'à ce moment les députés de Sparte séjournaient encore à Athènes, après avoir réclamé et obtenu satisfaction pour l'infraction à la neutralité commise lors de l'insurrection thébaine[16]. Le seul acte capable de calmer les Athéniens, c'était le châtiment immédiat de Sphodrias. Les éphores le destituèrent et le citèrent devant le tribunal, le Conseil des Anciens[17]. Personne ne doutait qu'il ne fût condamné à mort, puisque l'on ne pouvait produire en sa faveur aucun des arguments qui avaient sauvé Phœbidas. Lui-même n'avait pas osé comparaître. Pourtant, il fut acquitté, et le bruit courut qu'une tendre amitié qui existait entre les fils de Sphodrias et d'Agésilas y avait contribué[18]. Le roi, contre toute attente, prit le parti de l'accusé, alléguant pour raison que Sparte ne pouvait se passer de tels hommes[19]. On a diversement jugé dans les temps anciens et modernes l'acte de Sphodrias. On le connaissait pour un adhérent de Cléombrote, et c'est à ce dernier qu'on voulut faire remonter la véritable initiative de l'entreprise[20] : mais elle répugne trop à la politique du jeune roi et de sa famille. On a rejeté aussi comme invraisemblable, mais sans motifs suffisants[21], tout le récit, si dûment certifié, de l'artifice des Thébains. Les Thébains pouvaient avec de grandes chances de succès essayer de ce moyen, car au pis-aller, dans le cas, à leur sens fort improbable, où la surprise sur Munychie aurait réussi, les Athéniens auraient été entraînés aussitôt à une alliance avec Thèbes pour reconquérir la citadelle. Les Thébains sans doute ne pouvaient compter avec certitude sur l'acquittement de Sphodrias ; mais, à défaut de ce résultat, le coup de main devait fatalement seconder leurs desseins et accroître l'animosité contre Sparte. Ce qui demeure le plus obscur, ce sont les rapports de Sphodrias avec les rois. Tous deux paraissent avoir tenu pour lui contre les éphores[22], l'un, ce semble, par une vieille amitié ; mais il est difficile de croire que l'autre se soit mis en opposition avec l'opinion publique et ait rendu service à ses adversaires par pure complaisance paternelle. C'est par principe qu'il dut approuver l'acte, et dans le cas actuel, ce fut pour lui, comme il nous est permis de l'admettre, un triomphe que de voir l'ami de. Cléombrote embrasser sa politique et rendre hommage à cette théorie, qu'il faut employer tous les moyens pour agrandir la puissance de l'État. On n'avait pas le droit de sacrifier aux ennemis des hommes professant ces idées, quand même un de leurs plans aurait avorté. C'est ainsi que, des deux rois, l'un crut devoir protéger le partisan de la veille, l'autre, le nouveau converti. L'acquittement de Sphodrias transforma son expédition, insignifiante en elle-même, en un événement d'une longue portée. A Sparte, le crédit d'Agésilas baissa, parce qu'on le rendit responsable de l'injuste sentence qui froissait le sentiment des meilleurs citoyens[23], d'autant plus qu'on croyait qu'il n'avait ébranlé l'empire de la loi que pour des considérations purement personnelles. Ce qui ressortit le plus clairement de cet incident, ce fut non seulement l'absence de scrupules, mais aussi le manque absolu d'habileté politique, dont pourtant une politique comme celle d'Agésilas pouvait le moins se passer. A Athènes, on n'avait renvoyé les ambassadeurs lacédémoniens que sur l'assurance que Sphodrias, pour l'entreprise accomplie de son chef, serait condamné à mort. Par son acquittement, l'État se chargeait de son crime, et la satisfaction promise n'était pas accordée. Aussi s'opéra-t-il tout d'un coup un changement complet. Les Athéniens, qui venaient de se montrer si souples et condescendants, et de faciliter singulièrement par là aux Spartiates la soumission de Thèbes, les Athéniens se détachèrent de Sparte avec promptitude et résolution. Le parti thébain, récemment encore frappé de peines corporelles et pécuniaires, prit en main, avec l'assentiment général, le gouvernail de l'État. Une vive ardeur guerrière s'éveilla ; l'enceinte du Pirée fut achevée et le plan de restauration des forces navales pressé avec énergie[24]. On adressa aux autres États l'invitation de s'unir dans une lutte commune contre l'arbitraire lacédémonien, mais, avant tout, on conclut avec Thèbes une alliance offensive et défensive. La situation se présentait donc pour Sparte sous un aspect
sensiblement plus fâcheux quand, l'été suivant, elle se prépara pour une
deuxième expédition. Il ne s'agissait plus du châtiment d'une ville isolée,
mais les deux capitales de Chabrias, qui avait déjà fermé à Cléombrote l'entrée de Cette fois, Agésilas arriva en personne, et même avec un effectif de 18.000 hommes et 1.500 cavaliers. Surpris par les préparatifs si bien combinés des Thébains, il se vit hors d'état de faire usage de sa supériorité numérique. Comme un animal carnassier devant la porte d'une ferme bien gardée, il rôda le long des retranchements ; dès qu'il voulait y pénétrer, il rencontrait un corps prêt à combattre, et, quand il se retirait sans avoir rien fait, l'arrière-garde essuyait encore des pertes sensibles de la part des escadrons légers, qui savaient tirer parti de tout accident de terrain. Enfin il réussit à pénétrer : mais, même alors, il ne put que ravager le terroir de la ville ; l'ennemi resta en bataille[27] et, dans des positions bien choisies, tint si vaillamment tête aux attaques d' Agésilas, que celui-ci de son côté abandonna la lutte et rappela ses troupes déjà en marche pour l'assaut. Ce recul équivalait à une défaite : Agésilas se vit désarmé par le courage à froid de ses adversaires ; il se contenta de fortifier de nouveau Thespies, d'y mettre Phœbidas comme gouverneur, et il rentra chez lui avec ses troupes[28]. Encouragés par cet essai, les alliés sortirent de leur camp, assaillirent Thespies, battirent et tuèrent l'odieux Phœbidas[29] gagnèrent journellement des adhérents dans le pays béotien, et il ne resta plus aux Spartiates d'autre ressource que de procéder, au début du printemps suivant, à une nouvelle levée de troupes. Mais les confédérés péloponnésiens devenaient aussi chaque
année moins traitables. La guerre de Thèbes déplaisait au premier chef ; on
en vint à des résistances ouvertes, et, bien que le roi, grâce à sa
supériorité numérique, à des marches forcées employées à propos et autres
artifices de tactique qu'il avait appris en Asie, remportât çà et là de
petits avantages[30], l'objet
essentiel ne fut pas atteint. Tandis que le courage des alliés croissait sans
cesse, Agésilas sentait baisser son crédit aux yeux des amis et des ennemis ;
l'ambitieux prince fut contraint de quitter pour la seconde fois Pendant les dernières campagnes avait éclaté une nouvelle
guerre, qui menaçait d'un autre côté la puissance de Sparte. Athènes, tirée
de son attitude indécise par l'attentat de Sphodrias, avait inauguré une
politique toute nouvelle. On savait maintenant ce qu'on avait à attendre de
Sparte ; on comprenait la nécessité d'être prêts contre un ennemi si rusé, et
c'est ainsi que se réveilla pour la première fois dans la nation athénienne
la conscience nette de sa mission politique. Ce fut un mouvement unanime et
résolu. On ne se contenta donc pas d'appuyer les Thébains et de repousser de
concert avec Thèbes les prétentions de Sparte à la domination sur Sous ce rapport, l'année de l'archonte Nausinicos fit époque (378/7 : Ol. C, 3 ). Ce fut l'année pendant laquelle les hommes d'État les plus marquants d'Athènes s'unirent pour fonder à nouveau la grandeur de leur patrie. Leurs propositions, bien qu'imposant de nouveaux sacrifices, furent accueillies sans résistance par le peuple. On procéda à un nouveau recensement des habitants[33]. L'état de la fortune existante en Attique, en y comprenant le domaine public et les biens des mineurs, fut exactement dressé, et, en n'imposant plus comme par le passé les charges publiques aux capitalistes pris individuellement, mais en formant des groupes de contribuables où les plus pauvres contribuaient dans la proportion de leurs facultés, on ménagea une hase plus large et plus sûre aux revenus de l'État. On divisa la masse des contribuables, — d'où ne demeuraient exclus que les individus sans fortune (c'est-à-dire probablement ceux dont les biens étaient estimés au-dessous de 25 mines[34]), — en vingt corporations[35], dont chacune représentait un capital imposable de même valeur. Celles-ci garantissaient en bloc les prestations exigées par l'État. Les plus imposés dans les différentes associations, au nombre de trois cents, veillaient à la rentrée des contributions, en répondaient devant l'État, et, en cas de besoin, se chargeaient des avances. Ce système évitait l'intervention immédiate des autorités et donnait aux plus riches, en dédommagement des sacrifices considérables qu'on leur demandait, une influence correspondante. Alors le Pirée se ranima, comme autrefois aux jours de Thémistocle. Les vaisseaux qui étaient encore bons depuis la guerre de Corinthe furent remis en service actif, cent nouvelles trirèmes construites, les chantiers réparés, les marins exercés. Les chefs capables ne manquaient pas aux Athéniens. Ils avaient l'ingénieux Iphicrate, Chabrias, guerrier éprouvé, le noble et magnanime Timothée, fils de Conon, désigné entre tous pour reprendre l'œuvre dont son père avait jeté les fondements par la reconstruction des murs. C'étaient là des généraux de race, doués d'un vrai tempérament militaire. Dans Callistratos d'Aphidna, on possédait un homme d'État que son éloquence, son expérience, sa connaissance du monde rendaient éminemment propre à consolider la nouvelle puissance d'Athènes. Tout dépendait en effet de l'habileté avec laquelle on tiendrait compte des circonstances. Mais c'est aux Spartiates qu'on devait la plus grande part du succès des nouveaux efforts. Ceux-ci, grâce à l'abus qu'ils avaient fait de leur prépondérance depuis l'anéantissement de la flotte athénienne, avaient provoqué une telle animosité, non seulement sur le continent, mais dans toutes les villes des îles et du littoral, et traitaient actuellement encore ces mêmes villes avec un si insolent orgueil, que les Athéniens eurent l'inappréciable avantage de se présenter aux places maritimes grecques, qui toutes avaient tâté plus ou moins du régime des harmostes, en sauveurs et en libérateurs, absolument comme jadis les Spartiates avaient invité ces mêmes places à secouer le joug d'Athènes. Mais il importait à présent de convaincre les États
maritimes qu'ils n'étaient pas destinés à échanger toujours un joug contre un
autre. Aussi fallait-il des garanties solides pour prouver qu'on poursuivait
une politique fédérale essentiellement différente de l'ancienne politique,
celle qui visait à l'empire des mers. On montra qu'on s'était instruit aux leçons
du passé, et l'on posa comme premier principe de la nouvelle association le
respect scrupuleux des constitutions existantes. On ne voulait pas dominer dans
les États confédérés au moyen des partis ; Athènes ne devait pas gouverner à
titre de capitale, mais seulement diriger en qualité de chef-lieu, siège du
conseil fédéral, où toutes les républiques, grandes et petites, devaient être
représentées[36].
Callistratos fut, en un certain sens, l'Aristide de la nouvelle confédération
et fit assurément beaucoup pour amener une entente. Ce fut son œuvre que, au
lieu des tributs d'odieuse mémoire, on levât
les sommes nécessaires à l'entretien de la confédération sous le nom adouci
de contributions, où était exprimée la
gratuité du don[37].
Un acte beaucoup plus sérieux fut le renoncement solennel d'Athènes à toute
possession territoriale dans les États insulaires. Elle abandonna toute
prétention sur ce qui y avait précédemment appartenu à l'État, et l'on arrêta
qu'à l'avenir il serait interdit à tout citoyen d'Athènes d'acquérir des propriétés
foncières à l'étranger[38]. Cette décision
enleva aux insulaires l'appréhension de voir renaître les anciennes
clérouchies. D'autre part, on se garda bien d'irriter Jamais Athènes ne mit en avant une politique plus opportune et plus heureuse. Son idée trouva partout de l'écho et une cordiale adhésion. Les alliances extérieures, qui même pendant les temps de l'hégémonie absolue de Sparte avaient persisté sans bruit[39], furent alors officiellement renouvelées, notamment avec Chios, cette vieille et fidèle alliée, qui avait subi les plus dures épreuves sous l'empire maritime de Sparte, avec Mitylène, que Thrasybule avait affranchie des harmostes spartiates, et avec Byzance[40]. On renoua avec les Cyclades, avec Ténédos, Méthymne, Rhodes et Périnthe, et par conséquent l'ancienne coalition navale fut renouvelée sur une vaste échelle et avec une large extension[41]. On s'abstint de toutes déclarations hostiles, puisqu'on voulait s'unir non pour l'offensive, mais pour la défense d'intérêts communs, et que l'on tenait absolument à ne pas ranimer les anciennes dissensions des partis. Cependant les choses ne se passèrent point partout avec tant de calme et de régularité. Quand Chios accéda à la confédération restaurée des États maritimes, les anciens chefs de la démocratie relevèrent la tête, et les familles alliées à Sparte, comme celle de Théopompe, durent s'exiler[42] Les Spartiates feignirent d'abord de ne pas même s'occuper de ces graves mouvements. Mais, dès leur première réunion, leurs alliés élevèrent une protestation très vive contre la politique de guerre exclusivement continentale, où les forces péloponnésiennes se consumaient inutilement : ce n'était là que l'ancienne tactique d'Archidamos. Ce furent sans doute les Corinthiens qui pressèrent surtout l'armement d'une flotte. On ne pouvait laisser s'affermir la nouvelle puissance maritime ; il fallait bloquer Athènes par eau et l'affamer. C'était là le seul genre d'attaque convenable : c'est sur mer aussi qu'on trouverait le moyen d'atteindre le plus aisément les Thébains. Le gouvernement spartiate se vit forcé d'acquiescer ; et il en résulta qu'on ajourna en premier lieu les expéditions en Béotie, tandis que toute l'attention se reportait sur la mer. En un délai très court, Pollis, l'amiral lacédémonien, put mettre à la voile avec soixante navires, et il se montra si inopinément dans les eaux de Céos et d'Andros, que toute une flotte chargée de grains venant de l'Hellespont eut peine à lui échapper. Les bâtiments se sauvèrent dans le port de Géræstos en Eubée, mais ne purent continuer leur route. Le Pirée resta en état de siège, sous la menace d'une nouvelle famine[44]. Alors le peuple prit une résolution virile et équipa sans retard tant de vaisseaux de guerre qu'ils parvinrent à rompre le blocus et à ramener le convoi. Chabrias commandait la flotte. Il ne s'en tint pas à ce premier succès, mais se rendit à Naxos pour assiéger la capitale de l'île. Pollis le suivit, et, dans le large canal qui sépare Naxos de Paros, les flottes se rencontrèrent : celle d'Athènes était plus forte de vingt bâtiments. C'était au milieu de Boédromion, le mois triomphal des Athéniens, et Chabrias choisit le seizième jour du mois (9 septembre 376) pour la bataille[45] : c'était la première journée des fêtes d'Éleusis, qui s'ouvraient par le cri : A la mer, les initiés ![46] Pollis attaqua l'aile gauche des Athéniens avec succès, jusqu'au moment où Chabrias s'y porta avec le noyau de la flotte et, puissamment secondé par la bravoure de son lieutenant le jeune Phocion, coula plus de la moitié des navires ennemis, en captura huit, et gagna une victoire si éclatante, qu'il eût pu anéantir les faibles forces de l'ennemi si le souvenir du sort encouru par les généraux des Arginuses ne l'avait rendu circonspect dans l'usage de sa fortune[47]. Il rentra avec 3.000 prisonniers et procura à la ville un butin de 110 talents[48]. Ce fut la première victoire dont Athènes fût de nouveau
redevable à elle-même, une véritable victoire nationale, le juste châtiment
de la trahison de Sphodrias, la pleine justification des prétentions avec
lesquelles Athènes reparut parmi les États maritimes de Avec quelle promptitude la situation des États s'était
modifiée en quelques années ! Sparte, qui naguère encore croyait dans sa
présomption illimitée avoir asservi toute Pour Thèbes, les succès d'Athènes constituaient un inappréciable avantage : il lui fut loisible, pendant ces années, de se consacrer tranquillement à sa tâche la plus pressée 'et de consolider sa situation en Béotie. Elle se mit à l'œuvre avec une habile modération, qui était due sans doute à une politique dirigée par Épaminondas. On s'abstint de toute violence, pour ne pas souiller l'œuvre de l'unification par de sanglantes querelles de parti. On comptait sur le renforcement, d'année en année plus sensible, du parti national, sur l'éclosion d'une jeunesse patriote, sur l'effet des défaites de Sparte, qui allaient fatalement décourager ses adhérents. D'ailleurs la position des gouvernements oligarchiques s'aggravait tous les jours. A Thespies, la situation était si critique que les oligarques, pour se sauver, conçurent le plan désespéré d'assaillir leurs adversaires dans la ville avec le secours d'un corps lacédémonien et de les massacrer d'un seul coup. Cet attentat aurait donné le signal d'une série de scènes sanglantes dont le résultat final n'aurait guère pu être favorable aux Spartiates. Aussi ce fut un des derniers actes d'Agésilas en Béotie que d'empêcher la guerre civile à Thespies[49]. Mais, plus le parti lacédémonien à Tanagra, à Thespies, à Orchomène et à Platée, persévérait dans sa fidélité, plus instamment il réclamait un appui efficace. Aussi, immédiatement après la bataille de Naxos, on résolut une campagne nouvelle : Sparte espérait, après avoir abandonné la mer Égée aux Athéniens, obtenir du répit de leur côté, et elle se tourna avec une ardeur nouvelle contre Thèbes. Mais les Thébains tâchèrent de nouveau, par d'adroites négociations, d'échapper à ce danger menaçant, et, entre autres mesures de précaution, ils remirent en mouvement leurs amis d'Athènes. Ceux-ci insistèrent pour qu'on ne s'arrêtât pas à moitié chemin et qu'on ne laissât pas stériles les victoires remportées. Il fallait rétablir dans toute son étendue l'empire maritime, si l'on voulait jouir en sûreté des avantages acquis. On savait que les États maritimes de la mer d'Occident souhaitaient l'accession à la confédération nouvelle, et, au grand effroi des Spartiates, on expédia au printemps 375 une escadre de 50 bâtiments sous la conduite de Timothée, qui d'abord opéra des descentes dévastatrices sur la côté de Laconie, puis cingla en contournant le Péloponnèse vers la mer Ionienne, pour y éprouver la fortune de la flotte réorganisée[50]. Le résultat fut extraordinairement favorable. La république de Palé à Céphallénie fut la première à faire adhésion ; puis ce fut le tour de Corcyre[51], et aujourd'hui encore on voit devant le Dipylon le monument que les Athéniens érigèrent en l'honneur des ambassadeurs corcyréens Thersandros et Simylos. Ils appartenaient probablement à l'ambassade qui négocia l'accession au nom des îles Ioniennes et de l'Acarnanie[52]. La noble conduite du général athénien lui gagna tous les cœurs, car il ménagea partout les constitutions existantes et s'abstint scrupuleusement de tout abus de pouvoir. La confédération attique s'étendit rapidement dans la mer d'Occident ; les princes d'Épire s'y joignirent[53]. Par suite, la crainte qui avait le plus contribué à l'explosion de la guerre du Péloponnèse, à savoir, que le Péloponnèse ne fût cerné et en quelque sorte enlacé par la puissance maritime d'Athènes, cette même crainte ressaisit les Spartiates et leurs alliés. Les États demeurés fidèles, surtout Leucade et Ambracie, demandèrent instamment du secours. Aussi, suivant les souhaits des Thébains, guerre continentale déjà résolue fut de nouveau différée, et l'on envoya une flotte de 55 navires, sous Nicolochos, pour maintenir la puissance péloponnésienne dans la mer Ionienne[54] En juin, les flottes se rencontrèrent devant la côte d'Acarnanie, en face de l'île de Leucade, à la hauteur d'Alyzia[55]. Timothée, à l'exemple de Chabrias avant la bataille de Naxos, se souvint de la fête qu'en ce jour de combat on célébrait à Athènes en l'honneur d'Athéna Skiras, et se porta au devant de l'ennemi avec ses vaisseaux couronnés de myrte[56]. Il employa une escadrille pour le fatiguer par de rapides mouvements ; ensuite seulement il s'avança au combat avec le reste de ses navires, et il remporta une victoire qui, sans être aussi décisive que celle de l'année précédente, affirma pourtant d'une manière indubitable la supériorité des Athéniens. Timothée, renforcé par l'appoint des Corcyréens, resta le maître incontesté de la mer. En un temps très court et avec de faibles ressources, on avait enlevé des succès qui jadis auraient coûté les plus grands et les plus longs efforts ; cette fois, ils n'étaient achetés par aucune révolution sanglante ; les mains du vainqueur étaient pures, sa gloire sans tache, et l'autorité morale des Athéniens plus grande que jamais. Mais Athènes elle-même n'était plus l'ancienne Athènes ; il y manquait l'abnégation des citoyens, la volonté énergique de tout consacrer à la restauration de leur puissance. Les brillants succès de Timothée n'eurent pas le don de provoquer une ardeur guerrière durable ; la joie que causaient ses messages triomphants était gâtée et changée en dépit par les demandes d'argent qui les accompagnaient[57]. C'est qu'il n'y avait pas de Trésor pour faire face aux besoins de la guerre. Les contributions fournissaient un rendement médiocre ; pour ramasser les sommes nécessaires à la flotte, il fallait avoir recours à l'impôt sur le revenu, dont chacun se ressentait. Enfin, l'on avait le sentiment pénible que ces lourds sacrifices profitaient surtout aux Thébains. Ils étaient les seuls qui en retirassent un bénéfice sûr et incontestable, tandis que la solidité des succès d'Athènes était sujette à des doutes légitimes. On croyait à Athènes avoir fait plus que le nécessaire
pour relever l'honneur de l'État, et, comme Sparte d'ailleurs avait rabattu
ses prétentions, comme elle était lasse de la guerre sur mer et souhaitait
avoir les mains libres pour des desseins plus importants, on pouvait ouvrir
les négociations pour la paix sous les meilleurs auspices[58]. Aussi les deux
grandes puissances tombèrent bien vite d'accord, et cela, sur la base du
traité d'Antalcidas : il fut convenu que toutes les garnisons seraient
retirées des territoires étrangers[59], et que Sparte
et Athènes se reconnaîtraient mutuellement comme chefs-lieux, l'une, des
États du Péloponnèse, l'autre, d'une confédération maritime[60]. La convention
débattue à Sparte fut soumise à Athènes à la ratification des députés de la
confédération maritime[61]. Aucun des
États, à l'exception de Thèbes, n'avait d'intérêt à la continuation de la
guerre. Athènes était pleinement satisfaite des concessions de Sparte ; les
autres États étaient contents d'avoir secoué avec de légers sacrifices la
tyrannie de Sparte. Les Thébains ne pouvaient faire prévaloir leurs intérêts
particuliers en opposition avec le désir général de la paix, mais ils avaient
prescrit à leur député de ne signer la paix qu'au nom de C'est avec étonnement qu'on entendit l'envoyé de Thèbes plaider sa cause contre le plus grand orateur d'Athènes, Callistratos, avec une égale supériorité[62]. Il prouvait par sa personne comme par son discours qu'en réalité une ère nouvelle s'était levée pour Thèbes, et qu'elle était justement appelée à occuper un autre rang que celui qu'elle avait tenu jusqu'alors. Cependant, personne n'était disposé à retarder encore pour l'amour de Thèbes cette paix tant désirée ; il aurait fallu sur ce point reprendre les négociations avec Sparte ; or, l'on savait que Sparte ne céderait pas sur cet article, et au fond Athènes était absolument d'accord là-dessus avec Sparte. C'est avec un déplaisir croissant qu'on voyait les efforts des Thébains pour se pousser au rang des grandes puissances grecques. Aussitôt le despotisme de Sparte brisé, s'évanouit le sentiment de fraternité qui s'était formé entre Athènes et Thèbes dans la lutte contre l'ennemi commun, et l'ancienne aversion reparut, renforcée par des craintes défiantes, auxquelles la présence d'un homme comme Épaminondas pouvait fournir des motifs fondés aux yeux d'une cité voisine aussi mal disposée. Callistratos défendit le traité concerté à Sparte, et, dans tout le congrès, Épaminondas ne compta pas une voix pour lui. Il restait tout seul : il n'en agit pas moins conformément à ses instructions, et le résultat fut que Thèbes se vit exclue de la participation au traité. A son retour, la question fut encore une fois examinée ; on ne trouva pas à Thèbes les circonstances assez mûres pour faire le pas décisif ; on recula, et une seconde ambassade signa le traité dans les termes que réclamaient les autres États[63]. Cet effort sur eux-mêmes, auquel se résignèrent encore une fois les Thébains, fut une démarche pleine d'habile modération, et qui porta les meilleurs fruits. Car au lieu que l'indignation générale se tournât contre eux, comme étant les seuls perturbateurs de la paix, ou que Sparte pût exploiter ce mouvement de l'opinion pour entreprendre une nouvelle guerre de revanche, tout sujet de querelle était pour le moment évité. Ainsi l'on put en Grèce s'abandonner avec bonheur au
sentiment d'une tranquillité générale, et nulle part on ne le fit avec plus
de vivacité qu'à Athènes. A un court effort avait succédé une victoire
brillante, à une prompte guerre une heureuse paix. Athènes avait parmi ses
alliés une prépondérance nouvelle reconnue par tous et qui devait, on
l'espérait du moins, être très utile au commerce et à l'industrie sans
entraîner d'obligations onéreuses. On se croyait soustrait à la nécessité de
faire jamais de nouveaux efforts et de nouveaux sacrifices, et en droit de se
livrer avec un plaisir sans mélange aux jouissances ineffables de la paix.
Ces dispositions de la nation trouvèrent leur expression publique dans la
fondation d'un sacrifice annuel, destiné à ériger en jour de fête pour la
république l'anniversaire de la conclusion de la paix[64]. L'opinion du
jour trouva de même son expression dans l'art plastique. Céphisodote
représenta la déesse de Cette allégresse pacifique ne fut qu'une courte ivresse, car l'accord des deux grandes puissances, comme pouvaient le prévoir les hommes d'État de Thèbes, reposait sur une base fragile. Comme aux époques de guerres antérieures, les généraux, après la proclamation de la paix, ne purent se retenir d'usurper quelques petits avantages, là où une occasion propice se présentait. Timothée était maître de lamer d'Occident. Avant de la quitter, il débarqua encore une troupe de Zacynthiens dans leur île et les appuya dans les efforts qu'ils firent pour s'emparer du gouvernement[66]. Cette infraction au traité révolta les Spartiates, et, comme ils n'obtinrent pas satisfaction à Athènes, ils envoyèrent sur le champ une flotte à Zacynthe. Ils profitèrent en même temps d'une invitation faite par le parti qui leur était favorable à Corcyre pour attaquer cette île, qu'ils tenaient tout particulièrement à ne pas laisser sous l'influence athénienne, parce qu'elle était d'une trop grande importance pour leurs communications avec la Sicile[67]. Pour cette affaire, ils trouvèrent l'appui le plus énergique chez les États du Péloponnèse, et, comme Timothée dans l'intervalle avait quitté ces parages, ils se mirent, après avoir échoué dans un premier coup de main, à resserrer de très près, avec 60navires et 1.500 hommes, la ville des Corcyréens par terre et par mer. Mais les Athéniens ne se firent pas attendre : ils expédièrent par la route de terre des troupes auxiliaires en Épire. De là, avec le concours d'un gouvernement ami, elles furent transportées à Corcyre, où elles arrivèrent à temps pour écarter le premier danger[68]. Simultanément ils équipèrent 60 vaisseaux de guerre, pour les envoyer à la suite sous Timothée. Ainsi, après un semblant de paix de quelques semaines, la guerre se rallumait de nouveau ; maintenant le devoir des Thébains consistait à utiliser de toutes leurs forces ce nouveau répit, qui s'offrait à eux par une fortune inattendue, pour régler enfin les affaires de leur propre pays et se préparer en vue du jour décisif qui ne pouvait tarder. La fusion pacifique des territoires de Béotie, qu'avaient espérée Épaminondas et ses amis, était impossible à réaliser, bien qu'il fût évident que tout l'avenir du pays dépendait de son groupement autour d'un point central. Les Orchoméniens répugnaient toujours à l'idée que leur ville, avec son antique illustration, tomberait au rang d'une obscure bourgade dans la contrée gouvernée par Thèbes ; les classes inférieures étaient trop peu cultivées encore pour apprécier les avantages dont la renaissance politique du pays leur offrait la perspective, et les familles dirigeantes ne voulaient pas plier, bien qu'il leur fallût reconnaître que leur position devenait plus intenable chaque jour. Quant aux Platéens, pouvait-on les blâmer de l'insurmontable haine qu'ils nourrissaient contre les auteurs de leur terrible destinée ? Les hommes éminents qui menaient alors la politique thébaine durent expier la conduite passée de leur ville natale. Force était donc de procéder par la voie des armes, et on avait d'autant moins à s'en faire un scrupule, que c'étaient des garnisons ennemies qui empêchaient l'unification du pays. Car la nouvelle Thèbes avait adopté de l'ancienne ce principe, que toute alliance d'une ville béotienne avec des puissances étrangères constituait une félonie punissable, une trahison nationale ; principe que les Thébains avaient fait valoir à propos de Platée devant les Spartiates, et que ceux-ci regardaient comme abrogé par la paix d'Antalcidas. Pélopidas était le champion de Thèbes. Après plusieurs
attaques sans résultat contre Orchomène, il profita du moment où le corps
lacédémonien qui en gardait la citadelle s'était mis en marche vers Ainsi ce pressant danger se changea en un éclatant
triomphe, et cette journée, jour de gloire pour la phalange sacrée, produisit
une grande impression dans tout le pays. Probablement ce résultat entraîna
l'annexion des villes béotiennes, sans qu'il fût besoin d'en détruire aucune.
Vers le même temps, aussitôt après l'explosion de la nouvelle querelle entre
Athènes et Sparte, on noua déjà des relations avec Jason, tyran de Phères, et
l'on fit des tentatives pour attirer Tandis que la politique de Thèbes s'aventurait déjà au
delà des frontières du pays, les derniers événements décisifs s'accomplissaient
au sein même de Cependant la guerre maritime s'était poursuivie avec des
alternatives diverses. Les Corcyréens attendaient dans la désolation la
flotte promise. La bonne volonté ne manquait pas à Athènes, quelque sensible
que fût aux citoyens le brusque renversement de leur bienheureuse paix ; mais
la pénurie financière s'était fait sentir déjà avant le départ, et paralysait
toutes les mesures[73]. Timothée fit
son possible. Il donna l'exemple des plus grands sacrifices ; les triérarques
fournirent de leur propre bourse des fonds pour l'entretien des équipages, et
c'est ainsi qu'en avril 373 la flotte prit la mer : mais, au lieu de se
rendre à Corcyre, où la détresse des assiégés allait grandissant chaque jour,
Timothée se dirigea vers le nord, vers les côtes de Thessalie et de Macédoine[74]. Il avait
manifestement en vue une guerre longue et décisive, et songeait, conformément
à son devoir qui était de créer avant tout de nouvelles ressources, à gagner
de nouveaux alliés ; et, comme tout homme est porté à considérer comme
l'œuvre la plus importante celle pour laquelle il possède personnellement le
plus d'aptitude, il ne se fit aucun scrupule de faire attendre les
Corcyréens, tandis qu'il réussissait, grâce aux séductions de sa personne, à
entraîner le prince Jason de Phères[75] et Amyntas de
Macédoine[76],
ainsi qu'une série d'États insulaires et de villes maritimes, à se joindre à
la confédération attique[77] L'été s'écoula
pendant que Timothée parcourait la mer Égée en vainqueur pacifique et en
recruteur heureux de Mais la deuxième croisière n'aboutit non plus à aucun résultat[78] A quoi servait la flotte, sans les moyens de l'entretenir ? Timothée ne manquait ni d'activité ni de dévouement patriotique. Il engagea aux triérarques, pour les avances qu'ils firent à l'État, ses propres biens : mais ce n'était là qu'un remède momentané ; il était impossible, dans de pareilles circonstances, d'inaugurer une véritable campagne et de se porter loin de la patrie à la rencontre d'une flotte bien équipée. Il ne put donc rien faire en attendant que croiser en tous sens dans la mer Égée, pour compléter ses équipages et ses ressources pécuniaires ; puis il demeura quelque temps inactif dans la rade de Calaurie. Assurément, cette inaction n'était à personne plus pénible qu'au général. Et pourtant, on rejeta sur lui la faute de ce que la guerre traînait ainsi en longueur et que l'on perdait un temps précieux. Il était plus aimé hors d'Athènes que parmi ses concitoyens. Ses plus dangereux adversaires étaient Iphicrate et Callistratos qui, sans être autrement amis entre eux, s'étaient associés pour l'attaquer. Iphicrate était revenu d'Égypte, où il avait conduit sous les ordres de Pharnabaze des mercenaires grecs[79], et cherchait un nouveau théâtre pour de glorieuses entreprises ; Callistratos comptait parmi ceux qui se sentaient blessés et tenus à l'écart par l'orgueil de Timothée. Aussi le général fut accusé de mensonge envers le peuple et de haute trahison, et déposé de son commandement ; Iphicrate lui succéda, et même, parait-il, avec des pouvoirs spéciaux, puisqu'on lui abandonna le libre choix de ses collègues. Il faut qu'il ait su à ce moment acquérir une grande confiance. Probablement, c'est à cette date que se placent ses efforts pour ouvrir aux Athéniens de nouvelles sources de revenus ; car une loi, due à son initiative, prescrivait d'enlever toutes les saillies des maisons entravant la circulation des rues ou les frappait d'une taxe particulière ; par là, les citoyens aisés, qui tenaient à conserver les aménagements de leurs domiciles, versèrent au Trésor une contribution assez forte[80]. Dans ses fonctions de général, Iphicrate déploya une énergie peu commune. Né pour commander des mercenaires, il était habitué à faire peu de façons ; il contraignit impitoyablement les citoyens à fournir leurs prestations pour la flotte, et rassembla en un court délai soixante-dix navires. Il fut assez habile pour choisir comme collègue l'homme le plus capable de lui nuire, Callistratos, et avec lui Chabrias[81]. Ces mesures réveillèrent la confiance, car l'homme qui demandait le concours de tels personnages témoignait par là qu'il ne redoutait aucun contrôle pour ses opérations militaires. Ce n'est pas sans quelque ostentation qu'il se complut à humilier son prédécesseur. Il laissa les grandes voiles à Athènes, pour montrer que ses vaisseaux n'étaient pas destinés à des promenades dans l'Archipel, mais que dès le début ils n'étaient que des machines de guerre. Les courses rapides qu'il entreprit autour du Péloponnèse[82] devaient être déjà une école de guerre. Il avait l'art de maintenir ses hommes alertes et actifs au milieu des plus grandes fatigues, de ranimer l'émulation, d'exciter l'ambition. On admirait l'esprit qui régnait sur la flotte, la discipline et l'apprentissage qu'on y faisait de la guerre. Au moment où il arriva sur le théâtre de la guerre[83] la situation
s'était déjà considérablement modifiée. Les citoyens de Corcyre s'étaient
eux-mêmes délivrés par une sortie désespérée des dernières rigueurs de
l'investissement ; ils avaient tué le général spartiate Mnasippos et
tellement découragé l'armée assiégeante, qu'à la nouvelle de l'approche d'une
flotte athénienne le siège fut complètement levé[84]. C'est ainsi que
l'heureux Iphicrate fut vainqueur avant même d'être arrivé et qu'il surprit
une escadre de secours venant de Syracuse, escadre que les Spartiates, dans
la précipitation de leur départ, avaient négligé d'attendre. Sur dix trirèmes
siciliennes, chargées aussi des offrandes les plus précieuses pour Delphes et
Olympie, neuf tombèrent aux mains des Athéniens[85]. Les rançons des
Syracusains prisonniers, le bénéfice des offrandes qu'Iphicrate, autorisé par
le consentement assez clairement exprimé du peuple[86], convertit sans
façon en argent, tout cela procura pour quelque temps des ressources à la
flotte. En outre, avec les quatre-vingt-dix vaisseaux de la flotte réunie
d'Athènes et de Corcyre, il entreprit une guerre de flibustier fort
lucrative, en rançonnant les côtes du Péloponnèse et de Cette guerre, en somme peu honorable, ne pouvait se
continuer longtemps. C'est ce que vit Iphicrate, et là-dessus il dut donner
pleinement raison à Callistratos. Il l'invita en conséquence à se rendre à
Athènes, pour obtenir soit des ressources pour une guerre régulière, soit la
paix[88]. Callistratos ne
songeait qu'à ce dernier objet. Il était des mieux placés pour apprécier la
situation ; il ne pouvait douter que Sparte ne se montrât plus disposée
encore que trois ans auparavant à reconnaître l'empire maritime d'Athènes.
Quant aux Athéniens, ils n'avaient pas de motif particulier qui les poussât à
poursuivre la guerre. En outre, Antalcidas venait d'être renvoyé à Suse[89] ; il était de
l'intérêt d'Athènes de prévenir une immixtion nouvelle de la part de Ce fut un jour mémorable pour Les négociations commencèrent devant Les Lacédémoniens durent accepter tranquillement ces
reproches, et ce fut pour un grand nombre d'États autrefois mortifiés une
sensible satisfaction que d'entendre dire une bonne fois aussi ouvertement la
vérité aux Spartiates, dans leur propre ville et en présence d'une grande
assemblée. C'est à Callistratos qu'était réservée la tâche de prononcer le
véritable discours pour la paix. Il s'interposa en homme d'État pour adoucir
les dures paroles du précédent orateur, en accordant volontiers que des deux
côtés toutes sortes de fautes avaient été commises. La question n'était pas
d'en faire le compte respectivement, mais de tirer profit des leçons et des
corrections qu'on avait reçues par suite de fausses mesures, de manière que
la nation tout entière en ressentît les avantages. Les Spartiates devaient
avoir conscience aujourd'hui des résultats qu'avait produits la façon dont
jusqu'alors ils avaient appliqué la paix d'Antalcidas. Thèbes aurait dû être
abaissée, et maintenant elle était plus puissante que jamais. Ce devrait être
pour eux une raison de se montrer disposés à suivre une politique modérée. Les Athéniens, dit-il, sont
animés d'un véritable amour de la paix : mais ce n'est pas, comme
quelques-uns le pensent, l'ambassade que vous venez d'envoyer à Suse qui leur
a inspiré leurs propositions actuelles : qu'ont-ils à craindre du roi de
Perse, puisque ce qu'il veut, ils le veulent aussi ? fous ne sommes pas
davantage en proie à aucun embarras dont nous désirions nous délivrer par une
paix précipitée. C'est bien plutôt la considération de la situation générale
de C'est d'après les principes développés dans ces discours
que le traité de paix fut conclu. Dans ses traits essentiels, c'était un
renouvellement de la paix d'Antalcidas, avec cette seule différence que
Sparte n'était pas chargée de l'exécution. On ne voulut pas voir replacer
entre ses mains une autorité dont elle avait fait un si criant abus. Le plus
naturel eût été que les deux grands États se chargeassent en commun de
garantir le maintien de la paix ; car, celle-ci n'ayant d'autre but que la
pacification générale de Par cette clause, la paix que l'on venait de conclure avec
les formalités les plus solennelles et pour toute Le point le plus sérieux et le plus litigieux, les rapports de Thèbes avec les pays voisins, n'avait pas même été abordé pendant les conférences. On l'omit des-deux côtés avec intention. Épaminondas s'était énergiquement prononcé contre la politique spartiate, dans le sens d'Autoclès ; ce fut pour lui une satisfaction que de la voir condamner si publiquement : d'autre part, il pouvait se trouver pleinement satisfait des articles du traité, à les prendre dans leur teneur ; il ne s'agissait plus que de savoir quelle application en serait faite à l'égard de Thèbes, et la lumière ne se fit sur ce point que lors de la clôture du congrès. Le 14 Scirophorion (16
juin)[97],
le traité fut signé et juré par les représentants des grands États : Ainsi les antipathies qui s'amassaient depuis longtemps éclatèrent ouvertement au jour ; il n'y avait rien à attendre, dans le cas présent, des négociations. Agésilas posa donc à son adversaire la question décisive en lui demandant catégoriquement si, prenant pour base la paix d'Antalcidas renouvelée, il voulait reconnaître l'indépendance des villes béotiennes. Dans le cas seulement, répliqua Épaminondas, où vous reconnaîtriez les villes de votre propre pays comme des républiques libres. La fière assurance du Thébain irrita la fureur du roi. Au comble de la colère, il bondit du siège qu'il occupait en qualité de président du congrès, et donna sa réponse définitive en effaçant du traité de paix le nom des Thébains[99] C'était là déclarer la guerre à Thèbes, et la fin du congrès pour la paix marqua l'explosion d'une lutte destinée à décider de tout l'ensemble des rapports internationaux en Grèce. |
[1]
La principale source à consulter pour l'époque de l'hégémonie de Thèbes était
jadis Éphore, dont le patriotisme éolien étendait sa sympathie jusqu'à
[2]
Βοιωτάρχαι,
autorités fédérales de
[3] ÆSCHINE, In Ctesiph., § 142. On a vu que les Thébains avaient déjà affiché cette prétention lors de la conclusion de la paix d'Antalcidas, et précédemment, dans le traité d'alliance de l'an 395. Ils la reproduisirent en 372 au cours des négociations ouvertes à Sparte en vue de la paix (XENOPH., Hellen., VI, 3, 19).
[4] XÉNOPHON, Hellen., V, 4, 12.
[5] PLUTARQUE, Pelopid., 25. CORN. NEPOS, Epamin., 5.
[6] PLUTARQUE, De gen. Socrat., 3.
[7] DIODORE, XII, 70, en souvenir de l'âge homérique, où les guerriers montés sur des chars combattaient en avant des fantassins et étaient associés deux à deux. L'usage du char de guerre doit s'être conservé longtemps en Béotie, de sorte que l'appellation a subsisté après que la vieille manière de combattre fut tombée en désuétude. Quant au chiffre de 300, c'est le nombre normal pour une troupe d'élite, et on le rencontre à Sparte, à Cyrène, etc.
[8] XÉNOPHON, Hellen., V, 4, 19.
[9] ISOCRATE, Orat., XIV, § 29.
[10] XÉNOPHON, Hellen., V, 4, 94.
[11] XÉNOPHON, Hellen., V, 4, 13. PLUTARQUE, Agesil., 24.
[12] XÉNOPHON, Hellen., V, 4, 14.
[13] XÉNOPHON, Hellen., V, 4, 14-18.
[14] XÉNOPHON, Hellen., V, 4, 15.
[15] PLUTARQUE, Agesil., 24. On soupçonna même Sphodrias d'avoir reçu de l'argent des Thébains (XÉNOPHON, Hellen., V, 4, 20).
[16] XÉNOPHON, Hellen., V, 4, 22.
[17] XÉNOPHON, Hellen., V, 4, 24.
[18] XÉNOPHON, Hellen., V, 4, 25-33. Le fils d'Agésilas, Archidamos, était l'ami intime de Cléonymos, fils de Sphodrias (XÉNOPHON, ibid., 25).
[19] XÉNOPHON, Hellen., V, 4, 32.
[20] DIODORE, XV, 29.
[21] Voir les raisons qu'oppose GROTE (XIV, p. 249, trad. Sadous) à l'assertion de Xénophon. D'après lui, Sphodrias aurait agi à l'instigation d'Agésilas : le bruit rapporté par Xénophon et Plutarque aurait été répandu par les Spartiates, comme dit SCHÄFER (Demosthenes, I, p. 16). Mais alors, pourquoi les Spartiates auraient-ils mis cette histoire en circulation ? Gagnaient-ils quelque chose, eux ou Sphodrias, à ce que ce dernier fût représenté comme un homme capable de se laisser entraîner par les bavardages d'un voyageur de commerce béotien à violer les traités de paix ?
[22] Cléombrote et ses amis étaient pour Sphodrias (XÉNOPHON, Hellen., V, 4, 25).
[23] XÉNOPHON, Hellen., V, 4, 24.
[24] XÉNOPHON, Hellen., V, 4, 34.
[25] XÉNOPHON, Hellen., V, 4, 38.
[26] Sur les hauts faits de Chabrias, voyez DEMOSTH., In Leptin., § 75 sqq.
[27] DIODORE, XV, 32. Cf. CORN. NEPOS, Chabrias, 1. DEMOSTH., In Leptin., § 76. REHDANTZ, Vitæ Iphicat., Chabr., etc., p. 53.
[28] XÉNOPHON, Hellen., V, 4, 39-41.
[29] XÉNOPHON, Hellen., V, 4, 42-46.
[30] XÉNOPHON, Hellen., V, 4, 47-55.
[31] XÉNOPHON, Hellen., V, 4, 58.
[32] XÉNOPHON, Hellen., V, 4, 59.
[33] Sur ce nouveau recensement, voyez BÖCKH, Staatshaushaltung, I, p. 667-693.
[34] Soit environ 2.460 francs.
[35] Cf. PHILOCHOR., Atthid. V (fragm. 126. C. Müller). HARPOCRAT., s. v. συμμορία.
[36]
DIODORE, XV, 28.
L'original des statuts de
[37] HARPOCRATION, s. v. σύνταξις.
[38] DIODORE, XV, 29.
[39] Xénophon dit bien que les Athéniens étaient isolés (Hellen., V, 3, 27) mais Isocrate (Plat., § 28) atteste la persistance de l'alliance avec Chios, Mitylène et Byzance. C'est le noyau de l'association qui maintenant s'élargit (DIODORE, XV, 28). Même après la paix d'Antalcidas, Athènes a cherché à maintenir ses relations avec les villes d'Ionie. Le décret de l'an 387/6 (C. I. ATT., II, 4, n. 1.4 b, p. 397 et 423) a trait à Clazomènes, laquelle, bâtie sur une île, s'était brouillée avec la commune de Chyton, située sur la côte en face. Le décret vante l'attachement que Clazomènes a toujours montré pour Athènes. C'est à peu près vers le même temps que s'est conclue une alliance offensive et défensive entre Athènes et Chios. Le document rédigé à cet effet (publié par KOUMANOUDIS, Άθηναΐον, V, p. 520, et par KÖHLER, Mittheilungen, II, p. 138 sqq.) reconnaît expressément la validité de la paix d'Antalcidas et se conforme aux dispositions du traité, car les deux États sont mis sur le même plan et considérés comme ayant mêmes droits (lig. 45). La présence parmi les ambassadeurs envoyés à Chios pour la conclusion du traité de ce même Céphalos de Collytos (KÖHLER, Mittheil., p. 441) qui plus tard coopère à l'organisation de la nouvelle Ligue maritime, montre que, bientôt après la conclusion de la paix avec le Grand-Roi, on avait compris à Athènes qu'il était possible encore d'arriver à former une confédération, même en se conformant aux nouvelles mesures, à condition de procéder avec prudence pour ne pas heurter la lettre du traité.
[40] C'est à un renouvellement opéré alors du traité avec Byzance que se rapporte l'inscription publiée par KÖHLER (Hermes, V, p. 10 sqq.).
[41]
En fait de documents relatifs à l'admission dans la nouvelle Ligue maritime, on
possède aujourd'hui, plus ou moins bien conservés, ceux qui concernent
[42] PHOTIUS, cod. 176, p. 120. SCHÄFER, Quellenkunde, p. 55.
[43] DIODORE, XV, 29.
[44] XÉNOPHON, Hellen., V, 4, 61.
[45] PLUTARQUE, Phocion, 6. La date résulte du calcul de BÖCKH, Mondcyclen, p. 4.
[46] Cf. A. MOMMSEN, Heortologie,
p. 246.
[47] DIODORE, XV, 35.
[48] DEMOSTH., In Leptin., § 77 . La somme équivaut environ à 648.310 fr.
[49] XÉNOPHON, Hellen., V, 4, 55.
[50] XÉNOPHON, Hellen., V, 4, 62-65. DIODORE, XV, 36.
[51] Le texte du traité d'alliance nomme les Παλαιής et Κερκυραίων ό δήμος (SCHÄFER, Comment. de sociis Athen., Chabriæ et Timothei ætate, p. 11).
[52] RANGABÉ, II, p. 382. Sur le tombeau élevé au Céramique, voyez C. CURTIUS, Archäol. Zeitung, 1871, p. 28.
[53] Alcétas le Molosse et son fils Néoptolème sont nommés dans le traité d'alliance.
[54] XÉNOPHON, Hellen., V, 4, 65.
[55] XÉNOPHON, Hellen., V, 4, 65. DIODORE, XV, 36. POLYÆN., III, 10, 4.
[56] POLYÆN., ibid. La fête des Skira, qui se célébrait à la fin de l'automne, est facile à confondre avec celle des Skirophoria (Cf. SCHÖMANN, Griech. Alterthumer, II2, p. 466). On a admis avec quelque vraisemblance, à cause de la saison, que la confusion a eu lieu ici. En ce cas, la bataille tombe le 12 du mois Skirophorion, correspondant au 27 juin (SCHÄFER, Demosthenes, I, p. 43).
[57] XÉNOPHON, Hellen., V, 4, 66.
[58] XÉNOPHON, Hellen., VI, 2, 4. MANSO, VÖMEL et autres mettent en doute la paix de 374 : SIEVERS (op. cit., p. 220) dit qu'elle n'a jamais été mise à exécution. La vérité est du côté de REHDANTZ (op. cit., p. 71 sqq.), qui a distingué dans les négociations pour la paix deux actes différents, indiqués presque dans les mêmes termes par Diodore (XV, 38 et 50). Callias a fait deux fois la paix, en 387 et en 374 (XÉNOPHON, Hellen., VI, 3, 4).
[59] On désigne des έξαγωγεϊς pour emmener les garnisons étrangères (DIODORE, XV, 38).
[60] DIODORE, XV, 38.
[61] DIODORE, XV, 38.
[62] DIODORE, XV, 38.
[63]
Il faut bien que Thèbes ait cédé après coup, d'après Isocrate (Plat., §
14). Cf. WEISSENBORN, Zeitschrift
für Alterthumswissenschaft, 1847, p. 921.
[64] ISOCRATE, Antidosis,
§ 110. — CORN. NEPOS, Timoth., 2.
[65] PAUSANIAS, IX,
16, 2. I, 8, 2. Cf. BRUNN, Ueber die sogenannte Leukothea, 1867.
[66] XENOPHON, Hellen.,
VI, 2, 2.
[67] DIODORE, XV, 46,
XÉNOPHON, Hellen., VI, 2, 5 sqq.
[68] Ce corps était commandé par Ctésiclès (XÉNOPHON, Hellen., VI, 2, 10).
[69] La route entre Orchomène et Tégyre était impraticable (ULRICHS, Reisen, I, p. 202).
[70] PLUTARQUE, Pelopidas, 16-17. DIODORE, XV, 37.
[71] XÉNOPHON, Hellen., VI, 1, 1.
[72] D'après Pausanias (IX, 1, 8), Platée a été détruite sous l'archontat d'Asteios (373/2) ; d'après Diodore (XV, 46), sous l'archontat de Socratide (374/3) ; d'après CLINTON-KRÜGER, dans l'été 374, par conséquent avant la paix : mais Isocrate parle de συνθήκαι (Plat., § 10), de είρήνης οΰσης (ibid., § 14. Cf. § 44), ce qui ne peut s'appliquer à la paix d'Antalcidas (Cf. WEISSENBORN, Zeitschrift fur Alterthumswissenschaft, 1847, p. 921).
[73] APOLLOD. [DEMOSTH., XLIX], In Timoth., § 26
sqq.
[74] DIODORE, XV, 47.
[75]
Traité d'alliance avec
[76] APOLLOD. [DEMOSTH., XLIX], In Timoth., § 26
sqq.
[77]
Le total des villes gagnées à
[78] XÉNOPHON, Hellen., VI, 2, 12 sqq. APOLLOD. [DEMOSTH., XLIX], In
Timoth., § 8.
[79] DIODORE, XV, 43.
[80] POLYÆN., III, 9, 30. Cf. BÖCKH, Staatshaushaltung, I, p. 92. REHDANTZ, op. cit., p. 92 sqq.
[81]
Iphicrate choisit de lui-même Callistratos (XENOPHON, Hellen., VI. 2, 39 : texte
qu'il ne faut pas corriger comme le fait BÖCKH, Staatshaushaltung, I, p. 550). THIRLWALL (History of Greece, V, p.
81) y voit a proof of magnanimous selfconfidence.
[82] XÉNOPHON, Hellen., VI, 2, 27-32.
[83] Voici la chronologie de ces événements. Attaque de Sparte contre Corcyre (printemps 373) : envoi de Mnasippos (automne). Destitution de Timothée au mois de Mæmactérion (novembre) : traversée d'Iphicrate (printemps 372 ou fin 373, suivant WEISSENBORN, op. cit., p. 924).
[84] XÉNOPHON, Hellen., VI, 2, 15-26.
[85] XÉNOPHON, Hellen., VI, 2, 33-36. DIODORE, XV, 47. POLYÆN., III, 9, 55.
[86] DIODORE, XVI, 57.
[87] XÉNOPHON, Hellen., VI, 2, 37 sqq.
[88] XÉNOPHON, Hellen., VI, 3, 3.
[89] XÉNOPHON, Hellen., VI, 3, 12.
[90] DIODORE, XV, 50. XÉNOPHON, Hellen., VI, 3.
[91] Macédoine (ÆSCHINE, De falsa leg., § 32). Perse (DIODORE, XV, 50).
[92] C'est le troisième Callias.
[93] Le discours du δαδοΰχος Callias dans XÉNOPHON, Hellen., VI, 3, 4-6.
[94] XÉNOPHON, Hellen., VI, 3, 7-9.
[95] XÉNOPHON, Hellen., VI, 3, 10-17.
[96] XÉNOPHON, Hellen., VI, 3, 18.
[97] PLUTARQUE, Agesil., 28.
[98] XÉNOPHON, Hellen., VI, 3, 19. La manière dont Xénophon présente les faits est décidément défavorable aux Thébains et à Épaminondas, dont la présence n'est pas même mentionnée. Cf. HERTZBERG, op. cit., p. 374. HERBST in N. Jahrbb. für Philologie, LXXVII, p. 701. W. VISCHER in N. Schweiz. Museum, 1864, p. 23.
[99] PLUTARQUE, Agesil., 28. PAUSAN., IX, 13, 2.