§ I. — LES HOSTILITÉS SOUS LE RÉGIME DE La paix de Nicias, suivie quelques semaines plus tard par une alliance offensive et défensive, avait amené dans la mère patrie un ordre de choses tout nouveau, un nouveau système politique. Les deux grandes puissances s’étaient de nouveau réciproquement reconnues et unies pour le maintien de la paix et la conservation de leurs possessions. Si elles restaient amies, on n’avait pas plus à craindre les troubles à l’intérieur que des dangers du dehors. On avait juré, selon la formule imposée par la loi, qu’on observerait les nouveaux traités ; on les avait gravés sur les tables de marbre et solennellement exposés, d’un côté dans l’Amyclæon, de l’autre dans le sanctuaire de la déesse protectrice de l’acropole d’Athènes ; de part et d’autre, il ne manquait pas de gens qui voulaient sérieusement la paix. Néanmoins, ce n’était pas une paix réelle qu’on avait conclu ; on n’avait réussi qu’à faire cesser momentanément les maux de la guerre qui s’étaient fait le plus cruellement sentir ; les efforts des partisans de la paix avaient amené une entente suffisante à la rigueur, mais non pas une réconciliation des deux États, ou une véritable fusion de leurs intérêts, ou une transformation des affaires civiles et politiques qui promit d’être durable. Aussi, bientôt après la conclusion de la paix, on put constater que personne n’était satisfait. Le malaise général était plus grand, les rapports plus tendus qu’avant la guerre ; d’abord entre Sparte et ses alliés, puis entre les grandes puissances elles-mêmes, et enfin au sein même des deux États principaux, où des partis nouveaux arrivèrent au pouvoir. Le premier fait qui se produisit après la paix de Nicias fut la défection des alliés péloponnésiens, un événement qui se préparait depuis longtemps. Les alliés demandaient au chef de la ligue de défendre sincèrement et énergiquement leurs intérêts communs ; ils demandaient une politique péloponnésienne ; mais ils s’étaient aperçus qu’on suivait à Sparte la politique la pins étroite et la plus égoïste, et qu’on prétendait à tous les droits que confère l’hégémonie sans vouloir en remplir les devoirs. Pour délivrer des Spartiates prisonniers, on avait, pendant des années, recherché et enfin obtenu la paix ; maison avait complètement négligé les plaintes et les désirs des alliés, qui plus que toute autre cause avaient amené la guerre, et Sparte, qui avait conscience de sa culpabilité, dut, pour ne pas être complètement isolée, conclure un armistice avec. son ennemie. Athènes n’en avait pas besoin c’est Sparte qui cherchait du secours contre ses propres hilotes. C’est ainsi qu’à l’irritation causée par l’égoïsme de Sparte vint se joindre le mépris. Les Péloponnésiens se sentaient trahis, et c’est surtout la dernière clause du traité, celle par laquelle les alliés se réservaient expressément le droit d’en modifier les divers articles selon leur bon plaisir[1], qui avait produit une grande agitation ; car on v voyait non seulement le peu de cas qu’on faisait des États de deuxième ou de troisième rang, mais aussi une convention secrète faite dans le but de les assujettir[2]. Corinthe, qui malgré son activité infatigable n’avait rien obtenu de ce qu’elle désirait, et qui maintenant devait laisser à l’ennemi ses places les plus importantes sur la mer Ionienne, Sollion et Anactorion, se mit à la tète du mouvement et fonda tout d’abord son espoir sur Argos[3]. Cette ville avait en effet été tranquille spectatrice de la dernière guerre, comme elle l’avait été des guerres médiques. Depuis que les hostilités avaient éclaté entre les deux
principaux États, elle avait embrassé le parti d’Athènes ; mais elle s’était
prudemment abstenue d’agir et avait conclu en 450 (Ol. LXXXII, 3), une paix de trente ans avec Sparte.
Protégée par ce traité, elle s’était approprié tous les avantages dont
jouissent d’ordinaire, en temps de guerre, les États neutres. Une paix
profonde lui avait permis de se relever de ses défaites antérieures, sans
jamais oublier son ancienne grandeur, sans renoncer à ses prétentions sur La paix de Nicias marque pour Argos le commencement d’une ère nouvelle. L’expiration de son traité lui rendait sa liberté d’action : le moment semblait venu où elle pouvait sortir de son isolement et réaliser les anciens projets de son ambition. On disait maintenant dans le Péloponnèse que Sparte avait perdu par sa trahison tout ses droits à l’hégémonie, que sa place était vacante, et que la ville d’Agamemnon était appelée à reprendre la situation honorable qu’elle avait eue autrefois. Les Corinthiens, qui par eux-mêmes ne pouvaient guère agir qu’en sous-ordre, ne cessaient d’exciter Argos, et, comme on les écoutait, ils invitèrent les députés du Péloponnèse à se réunir dans leur ville pour organiser, au vu et au su de tous, une ligue séparatiste qui devait défendre les intérêts des États moyens[6]. Les villes achéennes se montrèrent prêtes à y adhérer. Élis depuis longtemps était en froid avec les Spartiates, et, depuis peu, elle se trouvait en guerre ouverte avec eux à propos de Lépréon. Les Lépréates, qui habitaient, L’Arcadie aussi était loin d’être tranquille ; les Argiens
y étaient revenus à leur ancienne politique. Là aussi de petits États
élevaient des prétentions toutes nouvelles, surtout Mantinée, qui, soutenue
par Argos, jouait pour la première fois le rôle d’une ville indépendante
parmi les États de deuxième ordre. Ses habitants avaient transporté des
montagnes du Matinale dans leur ville les ossements d’Arcas, l’ancêtre royal
de toute la tribu, pour donner à Mantinée l’importance d’un centre national.
Ils cherchaient à étendre par la conquête le territoire de leur cité dans
l’intérieur de l’Arcadie, on les tribus de montagnards vivaient’ en
associations faiblement unies entre elles, et ils prirent ouvertement parti
contre Sparte, parce que cette puissance avait intérêt à empêcher toute
modification de l’état traditionnel de la péninsule[9]. L’adhésion d’une
ville arcadienne à la ligue séparatiste produisit une profonde impression :
tout le système politique du Péloponnèse semblait hors des gonds, et le
respect qu’inspirait Sparte paraissait s’être changé eu haine et en mépris.
Des envoyés spartiates se rendirent à Corinthe pour protester énergiquement
contre ces menées révolutionnaires ; Sparte s’appuyait sur le droit
péloponnésien, d’après lequel les décisions de la majorité liaient tous les
alliés ; Corinthe, au contraire, lui opposait l’obligation plus sacrée qui
résultait de la foi jurée ; elle déclara qu’elle ne pouvait en aucun cas abandonner
la cause des villes de La ligue du Péloponnèse était dissoute ; il s’agissait maintenant de gagner Mégare et Thèbes encore indécises, et d’attirer dans la ligue séparatiste d’Argos et de Corinthe les États fidèles à Sparte. Le premier acte collectif de la ligue fut l’envoi d’une ambassade à Tégée. La démarche n’eut aucun succès ; car l’hostilité qui régnait entre Tégée et Mantinée l’emporta sur toute autre considération. La jalousie qu’inspirait à Tégée l’essor de son audacieuse voisine la rendit cette fois inébranlable, et Sparte, appuyée sur la fidélité des Tégéates, redressa la tète. Plistoanax envahit l’Arcadie ; les Mantinéens furent repoussés du territoire conquis, et Lépréon énergiquement protégée contre Élis par une garnison d’hilotes qui avaient gagné leur liberté en servant sous Brasidas[10]. Ces mesures produisirent sur les membres de la ligue une impression décourageante ; les États secondaires s’étaient trop bâtés de compter sur une défection générale des Péloponnésiens. On manquait de confiance, de cohésion, d’hommes d’États expérimentés ; Argos surtout, appelée à jouer inopinément un rôle important, était mal préparée à diriger des entreprises politiques. Incertaine et inquiète, elle hésitait ; les autres cités ne pouvaient non plus se faire illusion sur le danger de leur situation, car elles se trouvaient en hostilité avec les deux grands États, et elles ne furent pas longtemps à s’apercevoir combien il était difficile de fonder en Grèce une troisième puissance[11]. Les mouvements des États secondaires n’eussent eu en effet aucune importance si les deux grandes puissances avaient été sincères l’une à l’égard de l’autre. Mais entre elles non plus il n’y avait point d’union véritable ; c’est à peine si on parvint à sauvegarder durant six mois les apparences de la concorde, et on ne songea pas même sérieusement à appliquer les clauses du traité de paix, bien qu’on se fia engagé par serment à les faire exécuter au besoin parla force. A Sparte notamment, on ne pouvait se décider à renoncer de bon gré aux succès obtenus en Thrace et à permettre aux Athéniens d’y rétablir complètement leur puissance. Le but principal une fois atteint, à savoir la délivrance des prisonniers de Pylos, les Spartiates n’étaient pas fâchés de voir Cléaridas, qui maintenait la politique de Brasidas, refuser de rendre Amphipolis ainsi que les autres villes voisines qui s’étaient détachées d’Athènes. Ils prétendaient avoir fait preuve de bonne volonté en rendant les prisonniers athéniens et en retirant leurs troupes des villes de Thrace ; ils ajoutaient qu’ils n’étaient pas en état de contraindre Amphipolis. La forteresse de Panacton, située sur la frontière, resta également entre les mains des Béotiens. Naturellement, Athènes garda Pylos ; tout ce qu’elle accorda, ce fut d’éloigner la garnison, composée de Messéniens et d’hilotes, et de la remplacer par des troupes athéniennes[12]. C’est ainsi que l’été se passa en négociations interminables qui n’amenèrent aucun résultat. Pourtant on faisait sans cesse de nouvelles tentatives de rapprochement ; les Spartiates offrirent même de contraindre les Béotiens à rendre la forteresse en litige ; car, dans les deux États, les partis qui voulaient sincèrement la paix étaient encore au pouvoir. Mais, dès l’automne, les choses changèrent de face. Un nouveau collège d’éphores fut élu ; ceux qui y entrèrent avaient des tendances toutes différentes de celles de leurs prédécesseurs ; c’étaient des hommes inquiets et ambitieux, comme Cléobule et Xénarès. Ils étaient ennemis de cette paix qui n’avait fait qu’humilier et affaiblir Sparte. Comme représentants de la jeune Sparte, ils se mirent à la tète du mouvement et s’opposèrent résolument au parti qui, sous-la conduite de Plistoanax, avait conservé les scrupules et les craintes d’autrefois, ainsi que la vieille aversion pour toute entreprise d’un succès douteux ; leurs efforts tendaient à rompre le plus tôt possible l’alliance gênante et contre nature qu’on avait conclue[13]. Mais comme, en attendant, on était lié par les traités et qu’on n’était pas à même d’en signer d’autres, les éphores durent chercher à atteindre leur but par des voies détournées. ils tentèrent tout d’abord d’unir Thèbes et Argos. Ces États devaient former le noyau d’une nouvelle ligue contre Athènes, ligue à laquelle Sparte pourrait ouvertement s’adjoindre en temps opportun ; on espérait en même temps éviter ainsi les dangers dont on était menacé par la ligue séparatiste. Le plan était habilement combiné ; ce fut avec succès qu’on en entreprit l’exécution. Les Argiens en effet, après les beaux débuts de leur politique nouvelle, avaient timidement reculé ; ils craignaient de rester seuls eu face d’un voisin ennemi, et ils se hâtèrent de se rapprocher de Sparte en renonçant à leurs plans ambitieux. Il était beaucoup plus difficile de venir à bout de la
raideur des Béotiens. Les généraux de leur ligue étaient, il est vrai,
disposés à se prêter à tout :niais les membres du Conseil qui avait la
direction suprême des affaires refusèrent de leur donner les pouvoirs
nécessaires, et cela, uniquement parce qu’ils craignaient qu’en s’alliant aux
Péloponnésiens infidèles, aux séparatistes, on ne blessât Sparte, l’alliée
naturelle de Les Spartiates durent alors agir avec plus de franchise.
Leur but immédiat était la délivrance de Pylos ; et ils ne pouvaient espérer
l’atteindre que par Panacton. Ils envoyèrent donc des députés aux Béotiens
pour les engager à rendre cette place frontière ; mais les Béotiens
refusèrent absolument, à moins que Sparte ne consentit à conclure avec eux un
traité d’alliance[14]. Ils poussaient
Sparte à cette démarche afin d’amener par là la rupture des traités ; car ils
se trouvaient, par le fait de ces derniers, évincés de leurs anciennes
alliances, et ils voulaient profiter des circonstances pour reprendre une
forte position dans les affaires de Athènes était la seule cité qui fût restée ferme et intacte au milieu des agitations qui suivirent la paix. Jamais Nicias n’avait été plus influent. Les embarras de Sparte secondaient ses plans ; car il pouvait en profiter pour convaincre les Spartiates qu’ils devaient d’autant plus étroitement s’allier à Athènes qu’ils voyaient leur puissance domestique ébranlée d’une manière si inquiétante par les mouvements des l’ilotes, la défection des Péloponnésiens et le mauvais vouloir de leurs anciens alliés. C’est pour cela qu’il avait travaillé avec ardeur à faire changer le traité de paix en alliance offensive et défensive, et il était d’avis qu’une entente sincère de Sparte et d’Athènes, d’accord avec leurs intérêts respectifs et assurant à chacune ses possessions, était la meilleure et même la seule garantie d’une paix durable en Grèce. C’était donc, au fond, la vieille politique de Cimon qu’il espérait remettre en honneur. La disposition générale des esprits lui était favorable.
Ce n’étaient plus, en effet, des tribus isolées ou certains partis qui demandaient
la fin des misères de la guerre ; c’est ce que prouve Mais la grande politique nationale jouait de malheur à
Athènes, et on vit reparaître la fatalité qui l’avait poursuivie jadis. Le
succès de cette politique dépendait toujours de l’attitude de Sparte ; toute
défection de celle-ci était pour elle une défaite. Nicias fut assez peu
clairvoyant pour croire à la durée d’une alliance que Sparte n’avait
consentie que dans un moment d’embarras et sous l’influence de Plistoanax et
de son parti ; il avait aussi été quelque peu imprudent dans l’exécution des
traités. Car, en admettant même, comme on le rapporte, qu’il n’ait pas
dédaigné d’avoir recours à la corruption pour faire prendre à Sparte
l’initiative de l’exécution des clauses du traité, il eut le tort de
considérer l’ordre de rendre Amphipolis comme équivalant à un fait accompli,
et d’ordonner la mise en liberté des prisonniers de Pylos avant qu’on eût
rendu les villes de Le temps semblait passé où le sort des Athéniens dépendait de tel ou tel de leurs concitoyens. La culture générale des esprits effaçait de plus en plus les différences des caractères et des aptitudes. Cléon et Nicias eux-mêmes avaient dû leur influence moins à d’éminentes qualités, devant lesquelles se fussent inclinés leurs concitoyens, qu’aux circonstances qui avaient fait d’eux l’expression la plus complète des dispositions et des tendances de leur parti. C’est alors qu’on vit surgir de la foule un homme unique par l’abondance de ses dons naturels, et dont l’éclatante personnalité exerça sur ses concitoyens une fascination telle que. jusqu’à la fin de la guerre, le sort de l’État resta presque entièrement entre ses mains. Déjà depuis plusieurs années on s’était occupé à Athènes du jeune Alcibiade avec le plus vif intérêt ; car il réunissait en lui tout ce qui pouvait captiver l’attention du public. Il était petit-fils de cet Alcibiade qui, comme ami de Clisthène, avait pris une part active à ses réformes, et fils de Clinias, ce héros de la liberté, qui, près d’Artémision, avait remporté sur sa propre trirème le prix de la bravoure, et qui consolida ensuite l’alliance nouée par son père avec les Alcméonides en épousant Dinomaque, fille de Mégaclès. Il périt à la bataille de Coronée et laissa deux fils, Alcibiade, et Clinias, auxquels par testament il donnait pour tuteurs Périclès et son frère Ariphron. Alcibiade avait alors environ cinq ans et grandit sous les yeux de sa mère, affranchi de cette autorité paternelle dont une nature comme la sienne pouvait se passer moins que toute autre[20]. Car, avec ces heureuses dispositions qui faisaient pour lui un jeu de tous les exercices du corps et de l’esprit, se développa en même temps une arrogance qui ne connaissait aucune limite, une orgueilleuse conscience de la richesse et de la splendeur de sa famille, un sentiment présomptueux de sa propre, valeur, entretenu par la vigueur d’une jeunesse épanouie en pleine santé, par une stature élevée et une rare beauté[21]. L’esclave thrace que ses tuteurs lui avaient donné pour pédagogue était incapable de maîtriser le pétulant enfant. Il grandit de la sorte et devint un jeune homme instruit et d’un esprit cultivé, mais sans frein moral, volontaire, indiscipliné et capricieux ; il n’avait jamais appris à obéir et était absolument incapable de se vaincre lui-même. Son entrée dans la vie publique n’était pas faite pour réparer les vices de son éducation. Il devint pour le peuple athénien, si facile à éblouir par de brillantes qualités, l’objet d’un véritable culte : non seulement on lui pardonnait toutes ses folies, mais on y applaudissait en les faisant passer de bouche en bouche. Ce que faisait le fils de Clinias, sa manière de se vêtir et de s’exprimer, passait pour le comble du bon ton et était imité comme la dernière mode[22] ; les artistes le prenaient pour modèle de leurs statues d’Hermès, dans lesquelles ils reproduisaient les belles formes de l’éphèbe athénien[23], et ce n’étaient pas seulement les hommes du commun qui s’efforçaient de gagner par leurs flatteries le vaniteux jeune homme, mais les esprits les plus distingués de l’époque : un Prodicos, un Protagoras pavaient leur tribut d’hommages aux charmes de sa personne et se sentaient honorés par le moindre témoignage de sa faveur. Et Périclès ? Était-il indifférent à l’égard du jeune parent que son noble père avait confié à sa sollicitude ? Ne faisait-il rien pour arrêter la corruption de son pupille, qui ne pouvait être qu’une cause de malheurs pur lui-même et pour la cité tout entière ? Sans doute, dans l’antiquité déjà on l’a accusé de négligence ; il est possible que les expériences qu’il fit sur ses propres fils l’aient amené à estimer trop peu l’influence de l’éducation et des exemples, et que, pour cette raison, il ait, plus qu’il ne devait, abandonné Alcibiade à lui-même et à son incapable pédagogue. Toutefois, une preuve de sa sollicitude de tuteur, c’est qu’il sépara d’Alcibiade son frère Clinias, plus jeune que lui, afin d’éviter que celui-ci ne fût corrompu par son aîné ; et, quelque incorrigible que ce dernier dût souvent lui paraître, il ne l’en garda pas moins quelque temps, à ce que l’on rapporte, dans sa propre maison[24] ; il se fiait sans doute à la noblesse naturelle du caractère d’Alcibiade, et, si mécontent qu’il pût être, il ne rompit jamais ses relations personnelles avec son pupille, car Alcibiade était au nombre de ces amis intimes qui ne cessèrent de l’entourer après sa retraite des affaires et qui lui persuadèrent de reprendre de nouveau le gouvernement de la cité[25]. Il était impossible qu’Alcibiade ne rendit pas justice au génie puissant et à la grandeur de Périclès ; mais il ne savait pas apprécier ce qu’il y avait de meilleur en lui, son calme, sa modération, sa prudence : il lui semblait que Périclès s’arrêtait à moitié chemin. Une anecdote nous à conservé un trait assurément caractéristique de la différence qui existait, au jugement des contemporains, entre ces deux esprits. On raconte qu’Alcibiade, trouvant son tuteur tout soucieux la veille du jour où il devait rendre compte.de sa gestion, lui conseilla de rechercher plutôt le moyen de ne plus rendre aucun compte à ses concitoyens[26]. Il prétendait donc régenter Périclès lui-même, et son esprit hautain ne pouvait consentir à se soumettre à lui[27]. Un homme de modeste apparence devait réussir là où le grand Périclès avait échoué ; un homme qui, volontairement pauvre, parcourait alors les rues d’Athènes nu-pieds et mal vêtu : artisan de profession, il avait quitté son atelier parce qu’une voix intérieure le poussait à se mêler à la foule, à s’entretenir avec des hommes de tout rang, à se laisser instruire par eux ou à leur poser des questions qui seraient pour eux l’occasion d’un sérieux examen d’eux-mêmes et le germe d’un relèvement moral. C’était Socrate, fils du sculpteur Sophroniscos ; il avait quarante ans à la mort de Périclès. Au milieu de cette population mêlée, chez laquelle, après les terribles fléaux de la peste et de la guerre, l’immoralité, la légèreté et l’orgueil, suite naturelle d’une demi-culture intellectuelle, avaient fait des progrès toujours plus rapides, il cherchait constamment des hommes à qui il ph offrir ses services. C’est ainsi que son regard s’arrêta sur le fils de Clinias, qui avait alors environ dix-neuf ans ; la pensée lui vint qu’il lui serait peut-être donné d’arracher ce jeune homme si richement doué à l’ivresse des plaisirs, et de sauver ce qu’il v avait de bon au fond de sa nature ; il sentait qu’il ne pouvait rendre à Athènes un plus grand service. Lorsque Socrate s’approcha pour la première fois d’Alcibiade, celui-ci crut, comme la plupart des Athéniens, qu’il n’avait affaire qu’à un sophiste d’une espèce particulière ; toujours prêt à la riposte et persuadé que, comme dialecticien, il ne le cédait à aucun autre Athénien, il se plaisait à se mesurer avec lui dans d’ingénieuses conversations. Les façons étranges de son interlocuteur excitaient sa curiosité ; le désintéressement avec lequel il consacrait à d’autres son temps et sa peine le remplissait d’étonnement. Mais bientôt il sentit grandir en lui un intérêt d’un tout autre genre. Car Socrate n’était point-de ceux qui offrent au premier venu leur sagesse toute faite, recherchant bien plus la satisfaction de leur vanité qu’une influence profonde et durable sur leurs disciples. Les incidents les plus insignifiants de la vie de tous les jours lui fournissaient matière à conversation ; il cherchait, par une série de questions simples, à faire naître une réflexion sérieuse et personnelle ; il voulait s’emparer de l’âme tout entière, révéler aux jeunes gens les profondeurs de leur propre conscience, et produire en eux une émotion pleine de douloureux pressentiments qu’ils ne pouvaient ni comprendre ni dominer, une émotion qu’il comparait aux douleurs de l’enfantement, à celles qui précèdent l’épanouissement d’une vie nouvelle ; lui-même ne prétendait être que l’accoucheur, venu pour dégager des entraves et amener à la lumière les germes du divin cachés dans l’âme humaine. C’est alors qu’Alcibiade comprit pour la première fois le néant de la vie qu’il menait ; il se trouva en face d’un monde spirituel dont il n’avait eu jusque-là aucune idée, d’une vertu, d’une grandeur morale qu’il contemplait avec un silencieux étonnement. Gâté jusqu’alors, admiré et envié par tout le monde, entouré de flatteurs dont l’importunité égoïste et aride devait le remplir de mépris pour ses semblables, il venait de rencontrer un homme qui ne comptait pour rien sa beauté et tous les dons de la fortune, qui lui dévoilait impitoyablement ses faiblesses et ses défauts, un homme inaccessible à toutes les séductions dont l’entourait la sympathie démonstrative de son élève, et ne cherchant en lui que son âme immortelle. Alcibiade, forcé de convenir que toutes ces recherches et toute cette sollicitude n’avaient d’autre mobile que la philanthropie la plus profonde et la plus pure, telle qu’il ne l’avait encore rencontrée nulle part, ne put résister plus longtemps à la puissance de cet amour, uni au sérieux imposant de la sagesse. Pour la première fois de sa vieil se sentit désorienté et tout honteux. L’opinion qu’il avait de ses grandes qualités, de son génie naturel, lequel le dispensait de toute étude et de toute recherche de sa vocation d’homme d’État, etc., toutes ses chimères s’évanouirent. Il comprit que la connaissance de soi-même, qu’exigeait le dieu de Delphes, était la base de toute vertu et qu’avant de commander aux autres il fallait savoir se commander à soi-même ; il conçut un idéal d’État dont la grandeur, d’après les idées de Périclès, reposerait sur la culture intellectuelle, la vertu et l’union des citoyens ; il pressentit que rien de ce qui est contraire à la notion de la justice ne saurait être ni utile, ni salutaire, et il comprit quelle devait être, conformément à ces principes, son attitude dans la société. Il confessa, en pleurant à chaudes larmes, qu’une vie qui déplaisait à Socrate ne pouvait pas s’appeler une vie. Il ne : s’en tint pas à une émotion passagère, mais il s’attacha à Socrate avec reconnaissance ; comme à un ami paternel ; il partageait avec lui ses repas, fréquentait avec lui les gymnases, s’abritait sous la meure tente pendant la guerre, et, si dans les combats livrés autour de Potidée (432 :Ol. LXXXXVII, 1 ) Socrate lui sauva la vie, il le sauva à son tour, au péril de ses jours, à la malheureuse bataille de Délion. La foule frivole poursuivait de ses sarcasmes et de ses propos malicieux cette singulière liaison avec un homme aussi laid que l’était le philosophe ; mais Alcibiade ne s’en effraya pas, et cette amitié, qui dura plusieurs années, est sans contredit un témoignage irrécusable de la noblesse native d’Alcibiade, que la nature avait appelé à satisfaire aux exigences les plus élevées de la vie morale. Socrate n’était donc pas arrivé trop tard pour agir sur Alcibiade ; il trouva encore en lui une Arne capable de l’enthousiasme le plus pur, douée d’assez d’énergie pour s’arracher à la fange des plaisirs sensuels. Mais produire chez Alcibiade une conversion véritable, une modification durable et solide dans sa manière d’être. c’est une chose qui dépassait le pouvoir même d’un Socrate. Les anciens avaient besoin de s’accoutumer de bonne heure à la vertu, et, sous ce rapport, Alcibiade avait trouvé trop tard son paternel ami. Il pouvait bien s’enthousiasmer pour la vertu socratique, mais rester fidèle à ses principes, renoncer à lui-même et à tout ce qui faisait son orgueil, devenir un autre-homme, c’est ce dont il était incapable. Il oscillait entre deux buts qui sont inconciliables dans l’existence ; à la fin, son ambition l’entraîna du côté où l’appelaient la gloire et la puissance. Il lui fallut étouffer de nouveau la voix de la conscience qui s’était éveillée en lui, et en se détournant sciemment de la justice, telle qu’il l’avait reconnue, il devint moins scrupuleux et plus immoral que jamais. Socrate n’avait pas eu l’intention de l’éloigner des affaires publiques ; mais la méthode socratique, qui conduit à la vocation politique par un sérieux examen de soi-même, était pour l’impatient et fougueux jeune homme trop longue, trop incommode et peu s’ire. Il voulait employer tous les moyens dont il pouvait disposer pour être le premier dans Athènes, et dès qu’il vit s’ouvrir devant lui la perspective d’une brillante carrière, il se jeta dans la mêlée des partis, non pas pour défendre virilement une opinion arrêtée sur le gouvernement de l’État, mais pour satisfaire à tout prix sa soif du pouvoir. La politique de sa famille avait été depuis quelques générations anti-laconienne ; son ambition et son esprit de contradiction l’entraînèrent du côté opposé. Après la mort de Périclès, il se posa, comme la plupart des jeunes nobles, en adversaire du gouvernement populaire et de ceux qui le soutenaient. Il renoua même avec Sparte les anciennes relations de sa maison, que son grand-père avait rompues, et s’intéressa aux prisonniers de Pylos pour se faire un bon renom dans leur pays. Il s’appuya sur ces dispositions lorsque les négociations entre les grandes puissances furent entamées, et, comme depuis longtemps il se sentait attiré vers les affaires diplomatiques, pour lesquelles il croyait avoir des aptitudes spéciales, il aurait bien voulu jouer un rôle prépondérant comme confident de Sparte. Mais celle-ci n’accepta pas ses services ; elle lui préféra Nicias, qui lui inspirait plus de confiance, et l’irritation d’Alcibiade en voyant échouer ses plans fut si grande qu’il se jeta dans le parti contraire, pour se faire une position comme chef du peuple et ennemi de Sparte[28]. Les circonstances étaient favorables. Le peuple n’avait pas de chef qu’il pût opposer au parti des aristocrates. Il est vrai que Cléon avait dans Hyperbolos un successeur qui pendant quelque temps eut un grand succès. C’était un homme d’obscure origine, un fabricant de lampes, qui s’était enrichi et s’était fait des partisans. Rompu de bonne heure aux luttes de l’agora, audacieux et disert, il était passionné pour la guerre et ardent adversaire de Nicias ; mais avant tout, il était passé maître dans l’art d’intenter des procès et très influent dans les tribunaux. Il était aussi l’héritier de Cléon par sa haine de la comédie, qui défendait les intérêts des conservateurs. De même qu’Aristophane avait censuré ses prédécesseurs, Eupolis, Hermippos et Platon attaquèrent avec une amère ironie Hyperbolos. Dans sa personne le Marikas d’Eupolis mit au pilori tous les abus de la démagogie contemporaine, qui trouvait sa force dans une violence passionnée et des expédients de bas étage[29]. Il manquait aux démagogues du temps l’élévation morale, ce que les Athéniens entendaient par culture des Muses, fruit d’une éducation libérale, d’une instruction méthodique commencée dès le jeune âge dans les sciences et les arts. Ces défauts étaient trop évidents chez Hyperbolos, et c’est pour cette raison qu’il n’a jamais pu jouir de la confiance publique. D’ailleurs, le système gouvernemental tout entier, tel que Cléon l’avait inauguré, était tombé en discrédit par suite de ses dernières entreprises. On sentait le besoin d’avoir des hommes supérieurs, capables de conduire la foule. Or, il ne s’en trouvait aucun qui partageât autant qu’Alcibiade les penchants et les tendances de la foule, et qui la dominât en même temps par la supériorité de son esprit, sa décision, son énergie, ses richesses et sa naissance. En lui semblaient réunies les diverses qualités qui avaient fait d’un Périclès, d’un Nicias et d’un Cléon de puissants chefs de parti. C’est pour cela que la foule, dépourvue de chefs, s’attacha volontairement à lui et cru t trouver eu lui le défenseur le plus énergique de ses intérêts. Son influence grandit à mesure que les Athéniens devenaient plus mécontents de la politique de Nicias. Lorsque Cléon eut péri devant Amphipolis, Nicias se crut délivré de son plus dangereux adversaire. Et pourtant, ce ne fut pour lui, qui estimait avant tout une position tranquille et incontestée, que le commencement d’une lutte bien autrement difficile, de l’époque la plus tourmentée de son existence. Car maintenant il avait un adversaire qui possédait tous les talents qui lui manquaient à lui-même, un homme qui, comme Cléon, ne connaissait ni repos ni scrupules, et qui de plus avait le génie créateur. Nicias ne s’était pas montré à la hauteur de la situation. Il avait fait mettre en liberté les prisonniers avant d’avoir une garantie suffisante de la reddition d’Amphipolis. Mais ce qui fut décisif, ce fut l’alliance conclue entre les Spartiates et les Béotiens. Après un fait comme celui-là, on ne pouvait plus douter qu’Athènes, avec sa politique honnête et pacifique, n’eût été indignement trompée ; personne ne pouvait s’en réjouir davantage que ceux qui voulaient aussi tôt que possible mettre lin à cette paix trompeuse et ruiner la perfide Sparte. Alcibiade se mit à leur tète, parce que c’était pour lui la meilleure manière de se venger des Spartiates, parce qu’une nouvelle guerre lui fournirait l’occasion la plus brillante de montrer ses talents et lui donnait l’espoir d’arriver le plus vite à la gloire et à la première place dans l’État. En agissant ainsi, il avait pour lui la plus grande partie de la foule, de cette même foule qui pendant des années avait soutenu la politique agressive de Cléon, et en outre, un grand nombre de jeunes gens qui se fiaient à son étoile et voulaient parvenir avec lui. Quant à son plan, il ne voulait pas d’une guerre
défensive, comme Périclès l’avait faite ; il lui fallait une guerre offensive
d’où l’on pût attendre gloire et profit. Mais, comme le moment n’était pas
venu de recommencer ouvertement la guerre, il forma le projet d’attaquer
Sparte, pendant la paix, à l’endroit le plus vulnérable, en profitant du
désarroi de la ligue péloponnésienne pour procurer à Athènes, dans la
péninsule dorienne, un puissant allié. Déjà il avait, dans ce but, entamé des
négociations avec Argos, pour avertir les démagogues de cette ville de la
chute prochaine du parti laconien à Athènes et les décider à s’allier avec
les Athéniens. Le temps pressait ; car Argos était si effrayée de l’alliance
de Alcibiade prit ses coudées franches, comme s’il était déjà le maître à Athènes. A son instigation, des députés argiens se présentèrent à Athènes accompagnés d’alliés de leur cité, d’Éléens et de Mantinéens, ennemis irréconciliables de Sparte. Ils arrivèrent au printemps de l’année 420 (Ol. LXXXIX, 4), en même temps que les députés spartiates chargés de calmer l’irritation que l’alliance avec Thèbes avait fait naître à Athènes et de rétablir à tout prix la bonne entente entre les deux grandes puissances. Ces tentatives de réconciliation ne restèrent pas sans effet. Alcibiade risquait de perdre pour toujours son influence ; il devait donc avoir recours aux moyens les plus osés et les moins scrupuleux afin d’éviter qu’on éconduisit les Argiens qui se fiaient à ses promesses. Il persuade aux Spartiates, qui, munis de leurs pleins
pouvoirs, s’étaient présentés devant le conseil des Cinq-Cents, de parler
devant le peuple assemblé comme s’ils n’étaient pas autorisés à terminer les
négociations, et il leur promet, en revanche, d’obtenir la restitution de
Pylos. Sans défiance, les Spartiates donnent dans le piège, et Alcibiade
profite de leurs contradictions pour leur reprocher avec violence, le jour
suivant, devant l’assemblée leur manque de bonne foi, et pour infliger en
même temps un échec inattendu au parti de la paix tout entière. Ne voit-on pas assez clairement, s’écria-t-il, qu’il est impossible de traiter loyalement avec Sparte,
dont les délégués changent chaque jour de langage ? Il faut chercher de
nouveaux amis, des amis dont des institutions et des intérêts semblables
fassent les alliés naturels d’Athènes ; ceux-là, il convient de les soutenir
et de les choyer, de peur qu’ils ne se voient forcés de passer dans le camp
ennemi. Athènes peut tout aussi bien s’allier avec Argos que Sparte avec
Thèbes[30].
Les ambassadeurs durent se retirer honteusement, et, malgré tous les efforts
de Nicias à Sparte et à Athènes, une alliance offensive et défensive fut
conclue pour cent ans entre Athènes d’un côté, Argos, Mantinée et Élis de
l’autre. Les Athéniens prêtèrent serment pour eux et les
alliés qu’ils gouvernaient : chacun des trois États péloponnésiens le
fit pour son propre compte. Le document, gravé sur le marbre, fut exposé à
Athènes, dans l’acropole ; à Argos et à Mantinée, près du marché, dans les
sanctuaires d’Apollon et de Zeus ; on chargea les Éléens de le placer dans
l’Altis, gravé sur des tables de bronze, au nom de tous les signataires, an
moment de la célébration prochaine des fêtes olympiques. Outre la copie que
Thucydide a insérée dans son histoire[31], il nous est
resté un fragment considérable du document en marbre placé dans l’acropole[32]. Ce traité modifiait essentiellement la situation des États
grecs. Athènes se trouvait à la tète d’une ligue séparatiste péloponnésienne
; elle entrait dans une nouvelle politique belliqueuse, née des combinaisons
d’un seul homme. Alcibiade tenait dans sa main le sort de Il n’était pas disposé à attendre une autre occasion pour exploiter ce brillant succès. L’événement devait prouver qu’Athènes venait de gagner un théâtre nouveau et très favorable pour ses entreprises ; les traités de paix ne furent pas rompus, il est vrai, mais l’ancienne lutte recommença de fait pendant l’été de l’année 119 (Ol. XC, 1-2). Alcibiade était stratège, et sous sa conduite les quatre États alliés prirent l’attitude d’une puissance militaire. Alors commença une guerre péloponnésienne, dans le vrai sens du mot. On voulait gagner l’Arcadie, dans le but de relier Argos l’Élide et d’isoler Sparte dans le sud, comme elle l’avait été autrefois déjà par l’Argien Phidon. Sparte avait été alors exclue par les Pisates des jeux olympiques ; elle le fut maintenant, par les Éléens[33]. D’un autre côté, on avait en vue Corinthe, qui, dans les circonstances présentes, s’était naturellement détachée de nouveau de la ligue séparatiste[34]. Mais aucun pays ne pouvait mieux que l’Achaïe fournir de nouveaux points d’appui sur la mer corinthienne à la puissance d’Athènes. C’est pour cela qu’Alcibiade entra en négociations avec les habitants de Patrie. Il fut assez heureux pour les décider à adhérer à la ligue athénienne ; ils prirent en même temps la résolution de joindre leur ville à la mer par des murs, qui devaient les protéger contre Sparte et permettre à Athènes de leur porter secours en cas de besoin[35]. Une chaîne de places fortes athéniennes s’étendait donc de
Naupacte jusqu’aux îles Ioniennes. Sur la côte occidentale, on disposait des
ports de l’Élide. De Pylos on pouvait à tout moment attaquer Mais les Épidauriens, avec leur constitution aristocratique, étaient très fortement attachés à Sparte ; les Corinthiens, disposés à conclure, après la paix de Nicias, une alliance défensive avec Argos, s’étaient rapprochés des Lacédémoniens par suite de la dernière évolution de la politique argienne ; ils comprirent immédiatement le danger et mirent Sparte en mouvement. La ligue péloponnésienne déploya une énergie inattendue, et une série d’événements de la plus haute importance vint se greffer sur la querelle d’Argos et d’Épidaure[36]. Il s’agissait tout d’abord de trouver un prétexte à la guerre. Argos accusa sa voisine de ne pas avoir fourni les offrandes dues au sanctuaire d’Apollon Pythæys. Pour revendiquer les droits du dieu, les Argiens envahissent le territoire d’Épidaure. En même temps le roi Agis se met en mouvement avec toutes ses forces ; mais des présages peu favorables le retiennent en Laconie, et on remet l’expédition jusqu’après les Carnéennes, qui devaient avoir lieu le mois suivant[37]. Les Argiens, au contraire, qui s’étaient mis en marche avant le commencement du mois, surent reculer l’époque des fêtes, au moyen de jours intercalaires, de telle sorte que, pendant que les alliés d’Épidaure se voyaient liés par la trêve, ils ravagèrent sans être inquiétés le territoire de leurs voisins, le mois Carneios n’ayant pas encore commencé pour eux[38]. C’est ainsi que l’été s’écoula sans que les troupes de la ligue et celles des États séparatistes se fussent rencontrées ; et les 1.000 hoplites envoyés dans le Péloponnèse sous la conduite d’Alcibiade s’en retournèrent chez eux parce qu’il n’y avait pas de danger pour le moment[39]. Pendant l’hiver (419/8), l’affaire entra tout à coup dans une phase nouvelle. Les Lacédémoniens avaient réussi à faire entrer secrètement par mer à Épidaure trois cents hommes sous Agésippidas, et préparé ainsi à Athènes et à Argos la surprise la plus pénible[40]. Les Argiens reprochaient amèrement à Athènes d’avoir négligé de surveiller la mer, et accusaient Sparte d’avoir violé la paix en franchissant les frontières des alliés d’Athènes. A l’instigation d’Alcibiade, on ajouta sur la colonne où était gravé à Olympie le traité de paix que Sparte avait violé ses serments[41] ; le parti de la guerre rendit ainsi à la politique athénienne toute liberté, et, sur la proposition des Argiens, la garnison athénienne de Pylos fut remplacée par des Messéniens et des hilotes, qui devaient mettre au pillage le territoire laconien. Mais l’influence d’Alcibiade n’alla pas plus loin ; la rivalité des partis paralysa toute résolution ultérieure. On se contenta de protester contre Sparte, et, pour l’année suivante, ce furent des partisans de la paix, et parmi eux Lachès et Nicostratos, qu’on élut stratèges. Dans le Péloponnèse, au contraire, on se préparait à la
guerre avec une grande énergie. La détresse des Épidauriens, qu’on ne voulait
abandonner à aucun prix, et l’incertitude. croissante de toutes les affaires
du Péloponnèse avaient fait prendre la résolution de faire cette fois un
suprême effort. Les Lacédémoniens entrèrent en campagne avec toutes leurs
forces, et les Péloponnésiens restés fidèles, ainsi que Mégare et Les Argiens, les Mantinéens et les Éléens coalisés essayèrent de l’arrêter à Méthydrion, mais Agis réussit à opérer la jonction de toutes ses troupes à Phlionte ; de Némée, il marcha contre Argos[43]. L’armée argienne fut cernée dans la plaine, du côté de la ville par les Lacédémoniens, du côté de la montagne par les alliés. Une bataille décisive semblait inévitable ; les-troupes confédérées, malgré le mati-que de cavalerie, étaient pleines d’ardeur. C’est alors que deux Argiens, Thrasyllos, un des cinq généraux, et Alciphron, le chargé d’affaires de Sparte à Argos, se rendirent auprès du roi Agis, et cherchèrent à lui persuader que l’effroyable effusion de sang à laquelle on allait assister devait et pouvait être évitée. Ils s’engagèrent à faire rétablir l’ancienne alliance, et promirent pleine et entière satisfaction pour tout ce que le parti démocratique avait entrepris contre Sparte. Bien qu’ils fussent dépourvus de pouvoirs officiels, ils surent gagner le roi. Agis estima sans doute qu’il était de son devoir, comme roi, d’éviter, autant que cela dépendait de lui, une bataille sanglante ; il crut que le déploiement formidable des forces de Sparte suffirait à détourner pour toujours les Argiens de leur politique séparatiste, et, comme pour le moment les généraux étaient opposés à cette politique de conciliation, il ne confia sa résolution qu’à l’un des éphores qui accompagnaient l’armée, et signa de sa propre autorité avec les deux Argiens un armistice de quatre mois, laps de temps durant lequel ceux-ci devaient faire en sorte que leurs promesses fussent mises à exécution[44] La nouvelle de l’armistice excita dans les deux camps le plus grand mécontentement. Quand les Argiens rentrèrent chez eux, Thrasyllos faillit être lapidé ; ses biens furent confisqués. L’armée péloponnésienne opéra sa retraite sans faire de résistance, mais on se disait avec indignation qu’on avait abusé de la fidélité des alliés et laissé échapper de gaieté de cœur l’occasion, peut-être unique, d’humilier les Argiens. A Sparte aussi la conduite d’Agis excita un tel mécontentement qu’on jugea à propos de restreindre encore l’autorité du commandement en chef dévolu aux rois ; dans toutes les entreprises futures, un conseil de guerre de dix hommes devait être, adjoint au roi[45]. Bientôt après la retraite d’Agis, un contingent athénien de 1.000 hommes, dont 300 cavaliers, arriva à Argos sous le commandement de Lachès et de Nicostratos, pour secourir les alliés contre Sparte. A leur grand étonnement, Argos avait traité avec les Spartiates, et le parti de Thrasyllos était si puissant qu’on exigea le départ immédiat des Athéniens et qu’on refusa d’entendre devant le peuple Alcibiade, qui accompagnait l’armée en qualité d’agent politique[46]. Mais les Mantinéens et les Éléens, qui se voyaient abandonnés par les Argiens, firent si bien qu’on consentit à négocier avec les Athéniens. Lorsque ceux-ci eurent pris la parole, ils réussirent bientôt à persuader aux Argiens que le traité conclu avec Agis était absolument nul et qu’il fallait sans tarder recommencer la guerre. Les Mantinéens et les Éléens tenaient avant tout à briser la puissance de Sparte dans l’intérieur de la péninsule et sur la côte occidentale. A leur instigation, on résolut de faire contre Orchoménos une expédition à laquelle les Argiens prirent part, mi peu malgré eux. Cette forteresse arcadienne était le point d’appui le plus important de la puissance lacédémonienne à l’intérieur des terres. Elle fut prise, et les alliés allèrent camper devant Tégée. Mais déjà des discordes intestines affaiblissaient l’armée : les Éléens étaient mécontents parce qu’on ne voulait pas commencer par chasser de Lépréon la garnison lacédémonienne, et leurs 3.000 hoplites regagnèrent leurs foyers au moment du plus grand danger, au moment on les Spartiates partaient en guerre, sous la conduite du roi Agis, avec les cinq sixièmes de toutes leurs forces, brûlant du désir de punir Argos de sa mauvaise foi et de réparer les pertes que leur avait, fait éprouver l’humeur pacifique de leur roi. Les alliés se retirèrent du territoire de Tégée sur celui de Mantinée et occupèrent les hauteurs ; elles étaient si bien fortifiées qu’Agis renonça à les enlever, bien qu’il eût déjà commencé l’attaque. Mais il eut recours à un stratagème employé souvent par les Tégéates dans leurs guerres avec leurs voisins ; il détourna le cours de l’Ophis, un ruisseau qui coulait d’un territoire à l’autre, de sorte que les Mantinéens, qui possédaient la partie basse de la plaine commune, furent menacés d’une inondation complète. Rien ne put plus alors les retenir sur les hauteurs ; les remontrances des généraux restèrent sans effet, et le lendemain, Agis fut fort surpris de voir dans la plaine l’ennemi rangé en habile, comme il l’avait désiré. Le départ des Éléens lui assurait la supériorité numérique, et de plus l’avantage de commander un corps d’armée également bien exercé et discipliné. Ce fut avec un grand courage et une parfaite sûreté de coup d’œil qu’il dirigea la lutte qui s’engagea bientôt avec acharnement sur toute la longueur du front de bataille. Il repoussa le centre ennemi, où se trouvaient les Argiens, et l’aile gauche, où les Athéniens étaient au premier rang. Puis, sans se laisser entraîner par le succès, il courut à l’autre bout du champ de bataille, où les Mantinéens, qui formaient l’aile droite, étaient victorieux. Eux aussi durent battre en retraite avec de grandes pertes[47]. Cette bataille fut de très grande conséquence, parce qu’elle remit tout à coup en lumière la supériorité de la tactique spartiate et la faiblesse des confédérés. En effet, les Argiens, qui prétendaient être le noyau de leur armée, n’avaient même pu attendre de pied ferme le choc des lances ennemies. Comme leur prétention de disputer l’hégémonie à Sparte devait après cela paraître insensée ! Les Athéniens, en trop petit nombre pour décider du sort de la bataille, n’avaient échappé qu’avec peine à une déroute complète ; la preuve qu’il fallut faire des efforts inouïs pour empêcher les troupes de se débander, c’est que les deux généraux périrent dans la mêlée ; par bonheur Agis, qui tenait à reconquérir sa gloire militaire, fut arrêté dans son élan par Pharax, un membre influent du Conseil. Celui-ci le décida notamment à épargner la troupe d’élite des Argiens, qui avait marché au combat avec une téméraire ardeur, parce qu’il voyait bien que cette troupe, si on lui laissait la vie, pourrait rendre à Sparte de grands services, tandis que sa destruction ne servirait qu’à rendre les démocrates maîtres absolus d’Argos. Cependant cette bataille fut loin de terminer la guerre. En effet, comme les Lacédémoniens s’en retournèrent chez eux pour célébrer les Carnéennes, l’armée battue put tranquillement se reformer ; bientôt elle fut plus forte qu’avant la bataille, car les 3.000 Éléens qui avaient déserté la cause commune revinrent sur leurs pas à la nouvelle de la détresse des Mantinéens, et Athènes envoya un deuxième corps auxiliaire de 1.000 hoplites. On s’entendit immédiatement sur ce qu’il fallait entreprendre, et on résolut, sans doute à l’instigation des Athéniens, de marcher contre Épidaure ; résolution qui parut d’autant plus opportune que les Épidauriens avaient fait, la veille de la bataille, une grande incursion sur le territoire argien. La ville fut cernée, et on en commença le siège selon les règles. L’incapacité des Éléens et des Mantinéens fit :échouer l’entreprise ; les remparts élevés par les Athéniens sur le rivage autour de l’Héræon furent seuls terminés ; on y laissa une garnison composée de diverses troupes, tandis que l’armée se sépara vers la fin de l’été[48]. Cependant les conséquences de la bataille s’étaient fait sentir à Argos. Le parti démocratique était découragé, tandis que ses adversaires, les partisans de Thrasyllos et d’Alciphron, entraient de nouveau en négociation avec Sparte pour arriver au pouvoir avec son secours. La troupe des Mille, qui seule dans la bataille s’était vaillamment comportée, était le foyer de l’agitation oligarchique. Aussi, lorsqu’en hiver des ambassadeurs vinrent faire aux Argiens de la part de Sparte des propositions de paix et d’alliance, les menaçant en même temps d’une armée qui déjà s’était avancée jusqu’à Tégée, le parti lacédémonien réussit à faire accepter au peuple les propositions de paix, malgré la présence d’Alcibiade. On échangea les otages et les prisonniers, et les Argiens suspendirent les hostilités contre Épidaure. A l’avenir on devait repousser en commun toute agression contre le Péloponnèse ; pour tout le reste, chaque État devait se gouverner comme il le jugerait bon[49]. Ce fut là la première victoire des oligarques. Bientôt après, ils réussirent à rompre complètement l’alliance avec Athènes et à en conclure une de cinquante ans avec Sparte ; on y traitait avec beaucoup d’égards les prétentions des Argiens ; on leur accordait une situation égale à celle des Spartiates, à la tète de la ligue du Péloponnèse[50]. On prit immédiatement vis-à-vis d’Athènes une attitude hostile : des ambassadeurs de Sparte et d’Argos se rendirent ensemble sur la côte de Thrace, pour y traiter avec les villes qui avaient fait défection et pour y gagner de nouveau le roi Perdiccas[51] ; puis on somma énergiquement les Athéniens d’évacuer le territoire d’Épidaure, où campaient encore des troupes athéniennes et péloponnésiennes, les derniers restes de l’armée séparatiste. Les Athéniens, incapables de s’opposer à la défection de leurs alliés du Péloponnèse, envoyèrent Démosthène pour ramener les troupes d’Épidaure. Au lieu de remplir sa mission, Démosthène parvint par la ruse à se débarrasser des alliés, pour conserver aux Athéniens tout seuls cette importante position : elle devait être une autre Pylos sur la côte septentrionale de la péninsule. Mais à Athènes le parti de la paix avait alors la haute main ; le procédé arbitraire du général ne fut pas approuvé ; il dut obéir à l’ordre reçu, et l’évacuation de l’Héræon acheva de mettre à néant tous les projets qu’avaient fait naître les derniers événements[52]. Vers la même époque eut lieu, dans divers États du Péloponnèse, une réaction tantôt violente, tantôt amenée par les circonstances. Mantinée retomba dans son obscure situation d’autrefois, dans la dépendance de Sparte ; à Sicyone, l’armée de la nouvelle ligue renversa le gouvernement constitutionnel, auquel on reprochait des tendances démocratiques, et enfin eut lieu, ce qui était évidemment le but de toutes ces mesures préparatoires, un brusque revirement dans le même sens à Argos même, et cela, à la suite d’une sanglante révolution qui, vers la fin de l’hiver, livra tout l’État au parti oligarchique dont les chefs faisaient partie des Mille. Depuis long-. temps Sparte n’avait pas exercé dans la péninsule un empire aussi absolu. A l’exception de l’Élide, dont la sourde colère n’avait rien d’inquiétant parce qu’elle était incapable de nuire, tous les États étaient alliés de Sparte et régis parlote constitution semblable à la sienne. Même en Achaïe, Sparte modifia les constitutions selon son bon plaisir, pour enlever aux villes toute possibilité de suivre l’exemple des Patræens. |
[1] THUCYDIDE, V, 23.
[2] THUCYDIDE, V, 27.
[3] THUCYDIDE, V, 29.
[4] THUCYDIDE, V, 67.
[5] HÉRODOTE, VII, 151.
[6] THUCYDIDE, V, 30.
[7] Cf. E. CURTIUS, Peloponnesos, II, p. 85. Münzen von Olympia (in von Sallet’s Num. Zeitschrift, II, p. 185), article dans lequel l’auteur rapporte à ces versements l’όλυμπικόν νόμισμα.
[8] THUCYDIDE, V, 31.
[9] Sur les prétentions de Mantinée au rang de grande ville (PAUSANIAS, VIII, 9), cf. E. CURTIUS, Peloponnesos, I, p. 238.
[10] THUCYDIDE, V, 33-31.
[11] Les Corinthiens firent à ce moment une tentative pour obtenir un armistice analogue à celui qui, peu de temps après la conclusion de la paix de Nicias, avait été accordé aux Béotiens (THUCYDIDE, V, 32). C’est à ces négociations, restées d’ailleurs sans résultat, que Kirchhoff rapporte l’inscription du C. I. ATTIC., IV, n. 46 a.
[12] THUCYDIDE, V, 35.
[13] THUCYDIDE, V, 33.
[14] Voyez les négociations au sujet de Panacton dans THUCYDIDE, V, 36. 39. 42.
[15] THUCYDIDE, V, 39.
[16]
[17] BÖCKH, Staatshaushaltung, I, p.
525.
[18] C. I. ATTIC., I, 320, à la date de Ol. XC, 1 (420).
[19] THUCYDIDE, V, 35.
[20] PLAT., Alcib., I, p. 122, Protag., p. 320.
[21] Forma princeps (PLINE, XXXVI, 4, 8).
[22] Alcibiade est souvent représenté par les comiques comme le chef de file des jeunes débauchés d’Athènes (ARISTOPHANE, Dætal., fragm. 16, Acharn., 680. 710). On le donne pour l’inventeur des orgies du matin (EUPOLIS, fragm. 303. MEINEKE, Fragm. Com. Græc., [1847], I, p. XXIV).
[23] CLEM. ALEX., Cohort. ad gentes [Protrept.]. p.-47. Sur un portrait d’Alcibiade, voyez Archäol. Zeitung, 1867, p. 70.
[24] Alcibiades educatur in domo Periclis (CORN. NEP., cap. 2) : apud avunculum eruditus, (GELL., XV, 17) : τρεφόμενος παρ' αύτώ (DIODORE, XII, 38).
[25] PLUTARQUE, Périclès, 37.
[26] PLUTARQUE, Alcibiade, 7.
[27] Sur la jeunesse d’Alcibiade, voyez PLUTARQUE, Alcibiade, 1-17. HERTZBERG, Alkibiades der Staatsmann und Feldherr, p. 18-72.
[28] PLUTARQUE, Alcibiade, 14. C’est à ce changement de parti que KIRCHHOFF (Abfassungszeit der Schrift vom Staate der Athener) rapporte les paroles de l’auteur de cet écrit (Rep. Athen, II, 6).
[29] ARISTOPHANE, Pac., 687. Cf. PLUTARQUE, Alcib., 13. COBET, Platon. com. relig,, p. 136 sqq. GILBERT, Beiträge, p. 210. Hyperbolos était déjà redouté du vivant de Cléon (ARISTOPH., Acharn., 846) : il avait été hiéromnémon (Nub., 623) et membre du Conseil (MEINEKE, Fragm. Com., II, p.670). C’est Hyperbolos qui a proposé au peuple le décret inséré dans le C. I. ATTIC., n. 49, et probablement aussi celui qui figure au n. 46.
[30] THUCYDIDE, V, 44-45.
[31] THUCYDIDE, V, 47.
[32] Le fragment d’inscription a été publié d’abord par KOUMANOUDIS, dans l'Άθηναίον, V, p, 333. Il est dans le C. I. ATTIC., IV, n. 46 b. Sur les différences que l’on constate entre le texte de Thucydide et la rédaction du document, cf. KIRCHHOFF, in Hermes, XII, p. 308 sqq. A. SCHÖNE, ibid., p. 472 sqq. CLASSEN, Vorbemerkungen zu Thucyd., VIII, p. XXV. STAHL ad Thucyd., lib. V.
[33] THUCYDIDE, V, 49 sqq.
[34] THUCYDIDE, V, 31.
[35] THUCYDIDE, V, 52, 2. E. CURTIUS, Peloponnesos, I, p. 437.
[36] Sur cette querelle, voyez THUCYDIDE, V, 53 sqq.
[37] Deux fois l’expédition d’Agis est entravée par des διαδατήρια défavorables (THUCYDIDE, V, 54. 55. 3).
[38] C’est dans la guerre avec Épidaure que les Argiens emploient le stratagème naïf expliqué par GROTE (X, p. 6, trad. Sadous). Pour n’être point entravés par le mois Carneios, le mois qui imposait une suspension d’armes, ils intercalèrent après le 26 du mois précédent autant de jours qu’il leur en fallait pour leur expédition.
[39] THUCYDIDE, V, 55, 3.
[40] THUCYDIDE, V, 56.
[41] THUCYDIDE, V, 56.
[42] THUCYDIDE, V, 57 sqq.
[43] Sur la marche des troupes en Argolide, voyez E. CURTIUS, Peloponnesos, II, p. 583.
[44]
THUCYDIDE, V,
59, 5. 60, 1-2.
[45] THUCYDIDE, V, 63, 3.
[46] THUCYDIDE, V, 61.
[47] THUCYDIDE, V, 63-74.
[48] THUCYDIDE, V, 75.
[49] THUCYDIDE, V, 76-77.
[50] THUCYDIDE, V,
78-79.
[51] THUCYDIDE, V, 80.
[52] THUCYDIDE, V, 80.