HISTOIRE GRECQUE

TOME DEUXIÈME

LIVRE DEUXIÈME. — DE L’INVASION DORIENNE AUX GUERRES MÉDIQUES (SUITE).

CHAPITRE QUATRIÈME. — L’UNITÉ GRECQUE.

 

 

§ V. — L’ORACLE DE DELPHES ET L’ART.

On a pu reconnaître l’influence des établissements religieux, et-notamment celle de Delphes, dans la constitution d’une nationalité commune, dans l’organisation du culte hellénique, dans la réglementation des fêtes et le calcul du temps, dans la formation et le développement de la conscience morale, dans la conduite de la colonisation, dans l’impulsion donnée à la culture complexe de l’esprit ; il reste à étudier un côté de la vie intellectuelle où s’est marquée tout d’abord et d’une façon très significative, l’originalité de la race grecque : il s’agit de l’art.

Dans ce domaine, rien ne paraît se rattacher aussi étroitement au culte des dieux que la construction des temples, et pourtant, c’est ici précisément qu’il est le plus difficile d’établir les rapports !nécessaires et les influences décisives. Le temple grec, ainsi que l’épopée homérique, se présente à nous fait de toutes pièces, sans que nous puissions expliquer comment il s’est formé. C’est un tout en soi, un organisme complet, qui ne peut avoir été assemblé et coordonné morceau par morceau ; c’est plutôt la réalisation d’une pensée qui est une, et toutes les différences visibles dans les monuments ne sont rien que des déviations ultérieures du type originel.

Le temple grec n’est pas la maison de la communauté, mais la maison du dieu. Il n’existait donc aucun temple tant que les Grecs étaient des Pélasges, et dressaient simplement des autels à leur Zeus, qu’ils appelaient l’Invisible. Quand on en vint à honorer des symboles, des images sacrées, on sentit le besoin de leur assigner une place qui fût digne d’elles, c’est-à-dire sacrée comme elles. On pensa d’abord à choisir à cet effet un arbre, qu’on dédia à la divinité, et qui fut son sanctuaire naturel. Aussi est-ce sous cette forme qu’on trouve, en Grèce,, les plus anciens sanctuaires : Apollon placé dans un massif de lauriers, Artémis, dans le tronc d’un cèdre ou d’un orme. Puis on voulut assurer aux divinités un abri plus durable et plus solide, pour garantir contre tout enlèvement ou tout contact criminel leurs images, gages de la prospérité publique. Sans doute on a pu se servir de bois pour enclore et protéger ainsi l’image, et on montrait des restes de temples en bois à Mantinée et à Olympie[1]. Mais c’est en pierre que s’est développé le premier système de construction solide ; et, dès que les Hellènes ont commencé à utiliser pour les besoins du culte l’inépuisable réserve de matériaux précieux qu’ils trouvaient dans leurs montagnes, ils ont organisé et façonné l’édifice tout entier d’après les propriétés mêmes de ces matériaux. Ce fut là une libre création de l’esprit des Hellènes ; car, bien qu’ils aient beaucoup emprunté aux peuples constructeurs leurs aînés, et aux Égyptiens notamment, pour ce qui touche à la technique même de la construction en pierre, leur temple n’en est pas moins, en tant qu’organisme architectural, quelque chose de purement grec et de nouveau en son genre. On ne peut non plus soutenir qu’on ait imité en pierre la maison de bois[2] ; un peuple aussi inventif que les Hellènes n’a point songé à bâtir avec des pierres exactement comme avec des poutres, en dépit de la différence naturelle des matériaux, et à s’imposer ainsi un joug intolérable, au moment où il perfectionnait son architecture sacrée.

Le temple de pierre, avant tout, a pour base une idée qui dominait le culte hellénique dans toutes ses dispositions : c’est-à-dire la séparation rigoureuse du sacré et du profane. Les demeures des hommes sont bâties avec des matériaux périssables ; mais les fondations sacrées doivent être indestructibles et résister à tout. Donc on aplanit la saillie du sol rocheux, on y appuie une terrasse de grosses pierres taillées ; elle est destinée à fournir au temple une assise solide, à l’établir sur un terrain qui lui soit propre, comme un édifice unique fondé pour l’éternité, et à l’élever majestueusement au-dessus du sol où se passe la vie des mortels. Cette construction imposante a donc un sens, auquel on rapporte aussi les larges degrés qui font tout le tour de l’édifice ; il y en a trois par façade, afin qu’on puisse mettre le pied droit sur le dernier comme sur le premier, ce qui était un augure favorable.

La place où se trouve l’image doit être, à cause de sa destination, entourée d’une clôture solide. De fortes murailles, faites de blocs superposés, se dressent donc autour de la chambre quadrangulaire, tournée vers l’orient, qu’on appelle la cella du temple : ce sont comme des rideaux épais qui dérobent à tout œil profane la vue de la divinité. Pourtant elle doit être en même temps accessible et visible ; car sur le parvis oriental est l’autel des holocaustes, et ceux qui y sacrifient veulent être sous le regard du dieu. Il faut donc ménager une transition entre l’intérieur obscur et le périmètre extérieur ; et voici comme on y arrive. La cella s’ouvrant du côté de l’est, et les parois latérales les plus longues s’avançant des deux côtés de l’entrée on forme de pilastres, au milieu de ces deux piliers (ou antes) s’élèvent deux colonnes, qui mènent à l’entrée. Elles décorent le front de l’édifice, et forment avec les piliers saillants le pronaos, qui n’est protégé contre l’extérieur que par un grillage. Un espace correspondant est adossé à la cella, du côté de l’ouest ; c’est l'opisthodome.

Les colonnes et les pilastres sont réunis par une architrave, sur laquelle se dressent de nouveaux supports verticaux, les triglyphes, blocs carrés dont les interstices (métopes) restent ouverts pour éclairer l’intérieur du temple[3]. En arrière des triglyphes s’appuient, posant sur un champ étroit, les têtes des poutres monolithes qui, avec les traverses qu’elles supportent, forment la couverture, véritable réseau de pierre tendu au-dessus du vide intérieur qu’il abrite tout entier. Dans le haut, les triglyphes sont reliés entre eux par une charpente horizontale. De même que les colonnes soutiennent l’architrave, les blocs des triglyphes soutiennent le bord saillant de la toiture, en même temps qu’ils en reportent le poids sur les axes des colonnes et sur les piliers. Quant au toit, il s’étend dans le sens de la longueur sur toute la partie inférieure de l’édifice, formant au-dessus des vestibules antérieur et postérieur un pignon triangulaire ; et, par l’inclinaison de sa surface sur les longs côtés, il facilite l’écoulement des eaux pluviales qui, recueillies dans le chéneau, sont rejetées au dehors par des gueules de lions ouvertes, sans qu’elles atteignent les parties basses de l’édifice.

Telle est l’ossature du temple grec, dans sa forme la plus simple. Sa création est le premier acte important qui atteste le développement de la civilisation hellénique, après la. migration des tribus ; plus que toute autre, elle est l’expression vraie du caractère national. Dans la mesure où cette architecture est sortie de Delphes, on peut dire que Delphes, là aussi, a donné la vie à une qualité significative qui sépare les Hellènes des Barbares. L’apparence grandiose des édifices sacrés de l’Égypte ne pouvait être dépassée ; mais ses temples ne sont qu’une agglomération de plusieurs salles distinctes, juxtaposées les unes aux autres ; le temple dorique an contraire, petit ou grand, forme un ensemble où rien n’est superflu ni arbitraire, et qui n’admet pas d’additions capricieuses. Chaque partie est un membre nécessaire qui, là où il est placé, sert au dessein général, sans avoir de valeur indépendante. C’est le Cosmos de l’état dorien, réalisé en pierre. L’ensemble est ordonné d’après les proportions numériques les plus simples, et cependant l’intérieur offre une grande complexité de rapports et de fonctions, qui tous produisent leur effet, un contraste animé de lignes perpendiculaires et horizontales, de parties ouvertes et fermées, de supports et de choses supportées ; et toutes ces oppositions se résolvent en une suprême harmonie, qui frappe le regard par sa gravité sereine et majestueuse, et lui rend sensible et vivante l’importance sacrée de la mesure et de la loi.

Cotte impression morale que produit l’édifice ne doit pas être affaiblie par des enjolivements extérieurs, tels que les aimait l’art inintelligent des Barbares et l’art grec lui-même, tant qu’il se modela sur lui. La disposition intérieure doit apparaître dans toute sa vérité et sa réalité. Si donc à une pierre de taille, déjà propre à être mise en place, on applique quelque ornement qui ne se rapporte pas essentiellement à son rôle architectural, ce n’est certes pas là une décoration indifférente, qui charme les yeux comme une ligne gracieuse ou un jeu de lumière ; ce détail est destiné à faire ressortir en quoi le morceau isolé sert à l’ensemble. Si la colonne n’était qu’un cylindre de pierre polie, elle supporterait également la charpente ; mais, quand le fût de la colonne est sillonné de bas en haut par des cannelures dont les entailles à courbe plate se touchent de si près, que de la surface primitive de ce fût il reste seulement des nervures montant jusqu’au sommet comme des lignes déliées, alors la colonne se présente aux yeux de tout spectateur, qu’il en ait conscience ou non, comme la partie qui doit soutenir l’édifice, et qui s’élance à cet effet. C’est pourquoi les cannelures sont répétées sur les triglyphes, qui sont au toit ce que les colonnes sont à l’architrave. Mais il ne suffit pas que chaque pièce architecturale isolée ait la forme qui convient à son emploi ; il faut aussi rendre sensible le rapport de toutes les pièces entre elles. Ici, deux idées différentes sont exprimées, selon que les parties en question se terminent librement dans le haut ou bien qu’elles supportent un poids quelconque. Les extrémités libres et non chargées sont ornées de la façon la plus naturelle par une couronne de feuilles toutes droites (palmette), les autres par une touffe étalée en éventail, et dont les pointes retombent[4]. Enfin, les parties qui ne sont pas directement reliées entre elles doivent cependant avoir un caractère commun, si elles remplissent une fonction identique ; ainsi, quand le mur devient pilier et sert comme la colonne à dégager et à soutenir l’édifice, il reçoit une ornementation caractéristique analogue à celle de, la colonne.

L’ossature nue du temple est donc couverte d’une enveloppe transparente de formes variées, qui sont accusées par le ciseau ou la couleur. Elles disent clairement comment la pierre, qui gisait dans la montagne à l’état de masse inanimée, arrive à une condition supérieure, à une signification idéale, dès qu’elle devient une pierre de la maison divine ; elles ne sont rien par elles-mêmes, rien que le miroir de la réalité. C’est pourquoi, ici encore, il n’y a pas de place pour l’arbitraire ; le langage de ces formes a pour base, au contraire, une symbolique consacrée par une tradition immuable, dont aucune fantaisie artistique n’oserait s’écarter.

L’architecture hellénique aime à revêtir ses ouvrages d’une coloration conforme à leur objet. Le stuc et la couleur étaient nécessaires pour donner du poli et du brillant aux pierres communes qu’il fallait employer à la place du marbre, et pareillement, puisqu’on se servait de matériaux différents, pour imprimer à l’ensemble un caractère d’unité. On appliquait aussi la couleur aux endroits où on voulait faire oublier la pierre ; par exemple, la surface des murs devait avoir l’aspect d’un tapis tombant, et le plafond intérieur du sanctuaire celui du pavillon céleste semé d’étoiles d’or. Ainsi la couleur sert aussi à accentuer les divisions architecturales.

L’édifice tout entier est un effort de la pensée, une libre création de l’esprit, qui n’a point de modèle dans la nature. Ce n’est point une invention fortuite et capricieuse, mais une œuvre façonnée avec la conception nette du but à atteindre, mais l’expression définitive d’une tendance intellectuelle déterminée. Or, cette tendance étant en harmonie complète avec l’esprit dont les législations de la Crète et de Sparte étaient animées, on peut donner à ce style d’architecture le nom de dorique. En réalité, il n’est pas plus que ces constitutions dû à l’initiative d’hommes doriens ; mais il a été le type artistique de l’État que ces hommes devaient édifier, dont ils étaient les pierres vivantes. Et comme l’idée du gouvernement dorien s’est essentiellement formée sous l’autorité de l’oracle delphique, le temple dorique doit avoir aussi la même origine. Il y a là, au fond, une prescription sacerdotale : il suffit, pour s’en convaincre, de constater que la structure du temple repose tout entière sur la séparation rigoureuse établie entre ce qui appartient aux dieux et ce qui appartient aux hommes. Qui donc devait marquer nettement cette distinction, sinon les maîtres autorisés du droit divin, les prêtres en un mot ? Ils avaient institué cette règle, que dans l’État dorien les portes et les plafonds des maisons particulières devaient être travaillés à la scie et à la hache[5] ; c’était dire : la maison de pierre est un privilège des dieux ; leurs demeures seront les seules durables, les seules qui puissent défier le temps. Mais ce qui constitue aussi un privilège pour la divinité, ce n’est pas seulement la qualité des matériaux, c’est encore la forme artistique qu’ils imposent nécessairement au temple ; et si un mortel établissait autour de sa maison une rangée de degrés, ou ornait son habitation d’un pignon supportant un toit en forme d’aigle, aux ailes éployées, il entreprendrait insolemment sur les droits des dieux.

Une preuve nouvelle du rapport immédiat qui unit à la religion apollinienne l’ordonnance de l’architecture sacrée, c’est qu’Apollon lui-même est désigné, dans la fondation de ses sanctuaires, comme le constructeur divin. Sa ivre est le plus ancien symbole d’une disposition rythmique des pierres ; et, pour lui, les hymnes du temple delphique le montrent parcourant le pays, et choisissant les places qui lui plaisent ; alors il y pose les larges dalles pour y asseoir sa demeure que les artistes aimés des dieux, Trophonios et Agamède, élèvent sous sa direction[6]. Le développement et la propagation du style dorique se rattachent certainement aussi à ce même sanctuaire d’où sont sorties les constitutions doriennes. Les idées artistiques qui sont comme la base de la construction des temples se sont fait jour dans différents États ; et si la Crète, où la conception idéale de l’État dorien a été réalisée en premier lieu, a peut-être aussi pris l’avance sur le terrain de l’art, si ses corporations d’artistes ont perfectionné la technique de la construction, du moins, aussi loin que les documents nous permettent de remonter, ce furent surtout les États doriens de l’isthme, ce fut Corinthe avant tous les autres qui, grâce au génie inventif de ses habitants, eut l’honneur de mettre la dernière main à l’architecture du temple. Les colonies, envoyées vers l’Ouest sous la conduite de Delphes, prirent assurément une grande part à ce mouvement, et réagirent sur leurs métropoles en les stimulant à leur tour. C’est un Corinthien, nommé Spintharos[7], qui est chargé de reconstruire le temple de Delphes (545. Ol. LVIII, 4) ; il est évident par là que l’école corinthienne était alors considérée comme celle où l’idéal du style dorique avait, au jugement des prêtres de Delphes, trouvé son expression la plus achevée.

A cette époque, le temple dorique avait depuis longtemps dépassé ses proportions primitives (templum in antis), calculées d’après une échelle fort modeste, car un petit édifice pouvait seul être suffisamment éclairé par les portes et les métopes ouvertes. Plus tard, lorsqu’on voulut, la prospérité s’accroissant, bâtir dans de plus grandes dimensions, on dut songer à un nouveau mode d’éclairage. Alors on fit pénétrer verticalement, par une ouverture du toit, la lumière dans le milieu du temple ; l’emplacement de la cella, ouvert par le haut, l’hypæthrion, fut entouré de colonnes, en manière de cour ; et ainsi furent jetées les bases du temple hypèthre. Mais du moment qu’on cessa d’éclairer obliquement la cella, on commença à prolonger en saillie au-dessus des murs du temple le plafond horizontal, et à l’appuyer sur des colonnes ; c’est à dire qu’on enferma extérieurement l’édifice dans un péristyle, qui pouvait servir à l’exposition des offrandes ; ce fut l’origine du peripteros.

Cette modification du type primitif serait incompréhensible si on n’avait bâti que dans les États doriens, soumis à l’influence de l’oracle ; car la forme du temple dorique, consacrée par un règlement sacerdotal, était quelque chose de définitif en soi. Le mouvement dans le sens de l’innovation se produisit lorsque la race ionienne s’appliqua à perfectionner le temple grec et travailla à l’affranchir d’une règle despotique, à le pousser plus avant en l’élevant du simple au complexe, du limité au grandiose et au magnifique.

Conforme en cela au caractère de la race ionienne, qui pourtant cherchait à rehausser, vis-à-vis de l’ensemble, la valeur de l’individu, le style ionique fit ressortir l’indépendance des parties considérées séparément. Alors la colonne est délivrée du lien serré qui la fixe au mur du temple. La cella et la colonnade se séparent l’une de l’autre. Les colonnes, prises isolément, ne posent plus directement sur l’assise commune ; chacune d’elles a son piédestal particulier et se présente comme une individualité qui a ses droits. Partout les fortes attaches de la partie basse avec la partie haute se détendent, ainsi que l’union rigoureuse de tous les membres de l’édifice ; et les relations réciproques exprimées par l’architecture n’existent qu’entre les parties immédiatement voisines. Des formes variées s’introduisent à la place du modèle rigide, seul possible autrefois ; une plus libre carrière est ouverte à la fantaisie locale et personnelle ; et tandis que, dans l’architecture dorique, la conception ornementale est dominée par une extrême sobriété et que la mesure la plus sévère en règle l’application, les Ioniens disposent librement de toutes leurs ressources, ils en étalent volontiers la profusion, et déjà leurs plus anciens temples présentent un développement colossal, comme l’Héræon de Samos et l’Artémision d’Éphèse[8].

On trouve donc ici encore, comme pour la colonisation grecque, deux centres distincts, et le contraste des deux races, qui donne l’impulsion à toute l’histoire. nationale, ne nous apparait mille part aussi marqué, aussi vivant, que dans leur architecture.

Il serait difficile de montrer à quel moment et dans quel lieu se sont développés les principes du style ionique, et s’il a été en opposition voulue avec la tradition dorienne. Un caractère commun à toutes les évolutions ioniennes, c’est qu’elles se laissent malaisément rapporter à des foyers déterminés et à des influences précises. Mais c’est sans aucun doute dans l’Ionie de l’Asie-Mineure que ces germes artistiques sont arrivés à leur plus libre, à leur plus complet épanouissement. Les anciens citaient l’Ionie, et Éphèse en particulier, comme la patrie de ce style architectural. En tout cas, on peut assurer que, comme au vine siècle av. J.-C., l’influence de l’Asie-Mineure s’était fait sentir sur les côtes d’Europe, où la population ionienne opprimée par les Doriens avait relevé la tète, de même l’école ionique gagna du terrain jusque dans l’Hellade ; et ce dernier fait. comme le premier, se produisit à l’époque des tyrans. Ce fut un manifeste contre l’inflexible esprit dorien que le Trésor de style ionique bâti par Myron à Olympie, vers 648 av. J.-C., à côté de l’édifice dorique déjà existant. Ce qui fut commencé à Sicyone se continua plus heureusement encore et s’acheva à Athènes. Là, non seulement des constructions doriques et ioniques s’élevèrent à côté les unes des autres, mais encore les principes des deux styles furent intimement conciliés. Athènes sut allier la mesure dorienne, la rigidité du type, la loi de l’harmonie pénétrant toutes les parties, à la liberté d’esprit, à l’imagination, la créatrice de l’école ionienne : ainsi, elle a fondu dans une unité supérieure les divergences des deux races.

L’histoire de l’architecture sacrée montre comment les Grecs, après avoir commencé à se représenter leurs dieux comme habitant des demeures fixes, ont donné à cette conception une forme artistique en même temps qu’une signification morale. Mais la construction des temples précède la sculpture religieuse ; car les plus anciennes statues des divinités ne sont point du domaine véritable de l’art humain. On y voit surtout des gages de la faveur divine, tombés miraculeusement aux mains des mortels ; la plupart n’ont point une figure humaine, et ne peuvent à aucun degré prétendre à une ressemblance quelconque ; ce sont des blocs informes, des morceaux de bois carrés, des piliers, des pierres coniques. A Delphes, on avait encore moins souci qu’ailleurs d’encourager l’anthropomorphisme qui matérialisait les dieux, et le symbole le plus vénérable d’Apollon resta la pyramide, même après que le monde grec fut peuplé des plus belles statues de ce dieu.

La religion n’éveilla donc et n’exerça d’abord l’instinct plastique des Grecs qu’en lui demandant pour le culte des ustensiles d’airain, des objets nécessaires aux sacrifices, vases, tables, trépieds, lampes, candélabres, bassins pour l’eau bénite, etc., qui tous doivent avoir été scrupuleusement fabriqués d’après un modèle arrêté. Ainsi l’impulsion a été donnée à l’activité industrieuse des Hellènes. Ils se sont accoutumés non pas à satisfaire grossièrement aux besoins de la vie par des ouvrages d’artisan, non pas à changer les formes arbitrairement et sans raison, selon les caprices de la mode, mais à chercher, en s’inspirant du même esprit qui domine l’architecture, l’expression formelle qui répondait le mieux à la destination de l’objet. Une fois que cette forme exacte fut trouvée, cette forme dont la beauté consiste uniquement dans une adaptation parfaite, alors ils la conservèrent avec une fidélité absolue. Toute la tectonique des Hellènes est ainsi relevée par une consécration supérieure ; elle a gardé l’empreinte de cette dignité morale par laquelle ce qui est grec se distingue si bien, à première vue, de tout ce qui ne l’est pas.

Cependant, la pratique de la religion conduisait forcément à la représentation des dieux sous la forme humaine, non-seulement dans la poésie, mais aussi dans l’art plastique. Il ne fut plus possible à un certain moment de concevoir sans temples et sans images la plupart des cultes, et leur extension exigea, pour tous les endroits où ils étaient transplantés, une multiplication d’images sacrées. Alors le tronc de bois informe fut façonné et comme articulé ; les symboles de la divinité, la lance, la lyre, le fuseau, prirent comme elle une forme typique ; et, si quelques innovations ont pu se produire, elles ont été du moins autorisées par la religion. C’est pourquoi les artistes étaient de véritables prêtres qui, eux aussi, travaillaient sous l’inspiration d’une révélation directe. Ainsi Onatas refit pour les Phigaléens leur statue de la Déméter noire, dont il modela à nouveau, d’après une apparition vue en songe, la forme primitive[9].

Ces statuaires religieux étaient des sculpteurs en bois : car, en choisissant pour matière le bois spécialement consacré à la divinité, on croyait trouver encore en lui quelque affinité avec l’être divin. Ainsi les statues d’Athéna devaient être faites en olivier, et le même bois fut employé, sur l’ordre de l’oracle, par les Épidauriens pour leurs statues de Damia et d’Auxésia[10], parce qu’ainsi ils reconnaissaient à la fois l’Athéna attique pour leur déesse, et Athènes pour la métropole du culte associé à la propagation de l’olivier. On sait, du reste, ce qui fait l’importance de Delphes : c’est un sanctuaire amphictyonique, et Apollon un dieu amphictyonique, qui veille non-seulement sur son propre culte, mais sur tous les autres ; toute négligence à l’égard d’une divinité nationale, qu’il s’agisse de Dionysos, de Déméter, ou d’Athéna, est punie par lui avec une égale rigueur ; il cherche à protéger sans partialité tous les cultes helléniques, et à les organiser par des règlements respectés.

Dans le domaine de l’activité artistique, tout se rattachait donc à l’influence théocratique et dépendait étroitement de l’idée religieuse. Si Ion voulait honorer d’une façon particulière une divinité locale, on dorait le visage de l’antique statue, ou on l’entourait elle-même d’une grille magnifique (ce que firent les Lacédémoniens pour l’Apollon d’Amyclæ), afin de ne rien changer à l’image elle-même. Car, bien que la divinité elle-même tint fermement à l’immobilité de ses formes, elle n’en acceptait pas moins volontiers les hommages de toute sorte qui affluaient vers les sanctuaires el, devenaient de plus en plus somptueux à mesure que s’accroissait la prospérité privée et publique[11].

Ce n’étaient primitivement que des présents d’une valeur matérielle ; le butin conquis par les guerriers, une portion du gain fait par les navigateurs, des lingots, des métaux travaillés. Plus tard, on chercha à donner à ces offrandes une autre valeur, indépendante du poids du métal, en y marquant par un symbole sensible les rapports du fidèle avec son dieu, et en faisant ainsi d’un présent consacré un monument historique. Ce changement ouvrit, un nouveau champ à l’invention artistique. Il fut permis de représenter les dieux en personne, ceux du temple d’abord, et d’autres aussi, considérés comme les hôtes du sanctuaire ; et à cet effet on puisa largement dans les légendes locales et les fables héroïques.

L’acceptation des présents sacrés dépendait des prêtres, et c’était là pour les sanctuaires une grande force : car l’offrande qu’on y installait était la ratification et le couronnement de la victoire gagnée sur le champ de bataille ou dans le stade. L’artiste ne pouvait pas davantage se dérober, dans l’exécution, à cette influence sacerdotale qui mettait toujours un frein à la fantaisie individuelle. Tout mouvement trop libre était une atteinte portée à la vénération religieuse ; la personne divine ne devait pas être représentée dans un état d’excitation passionnée, ni sous un costume peu séant, ni avec une expression d’un réalisme exagéré. On ne tolérait pas les légendes poétiques, si elles étaient peu édifiantes. Les scènes où figuraient les dieux devaient correspondre au cérémonial solennel observé dans le temple, et toutes les manifestations de l’art s’accorder avec la symbolique traditionnelle. Certains sujets, qui servaient à. la glorification du saint lieu, par exemple, l’attaque du trépied delphique repoussée victorieusement par Apollon[12], étaient les mieux accueillis ; les artistes et les écoles qui se liaient le plus intimement avec les collèges de prêtres étaient recommandés et favorisés par l’oracle. On peut citer les Dédalides de Crète, qui pensaient avoir subi un outrage à Sicyone ; la famine et toutes sortes de fléaux désolèrent la contrée jusqu’au moment où les artistes, réconciliés avec la ville par ordre de la Pythie, reprirent leur œuvre interrompue[13]. On s’explique, parla qu’on ait accordé aux sculpteurs le droit de se représenter en personne sur les objets qu’on dédiait aux dieux. On voyait figurer sur le trône d’Amyclæ toute la corporation des artistes qui y avaient travaillé Ils étaient considérés comme des personnes vouées au service divin.

Vivant ainsi dans le voisinage du temple et dans une union intime avec le culte, l’art plastique a appris aussi à s’acquitter de tâches multiples. On peut citer, parmi ses applications, les bas-reliefs empruntés à l’histoire des dieux et destinés à l’ornementation des murs du temple, des fontaines sacrées, des autels, des socles où on plaçait les offrandes, etc. ; l’érection de statues ou de groupes de dieux qui, sans être nécessaires à des actes d’adoration, édifiaient les fidèles par la contempla-lion des attributs divins et par le sentiment de la présence divine. Que dans ce cas on n’ait pas choisi directement pour modèle le corps humain, cela s’explique tout naturellement par les scrupules timorés d’un art hiératique ; et il est en conséquence fort vraisemblable que, dans un milieu où on proscrivait avant tout le caprice individuel, on s’est attaché aux proportions immuables de l’art égyptien : ainsi firent notamment des sculpteurs de Samos pour une statue en bois d’Apollon Pythien[14]. À cette extension de la sculpture religieuse se rapportent aussi les statues de prêtres qui, rangées en ligne aux abords des temples, affirmaient du même coup l’ancienneté du culte et sa continuité ininterrompue[15] ; ou encore, les sièges et les trônes pontes dieux. Le plus fameux de ces trônes, ouvrage de Bathyclès, se voyait depuis la LXe olympiade environ (540) à Amyclæ où il était destiné à servir, dans les fêtes, de support au colosse d’airain qui symbolisait Apollon sous la forme d’une colonne[16].

Enfin, un troisième lien rattachait l’art plastique aux sanctuaires nationaux : nous voulons parler des jeux solennels. Rien, en effet, n’a contribué plus activement au progrès d’une plastique populaire que cette décision émanée de ces centres religieux, d’après laquelle les vainqueurs des grandes luttes pouvaient être honorés d’une statue dans la cour des temples. Les premières œuvres de ce genre furent sculptées en bois, vers le temps des Pisistratides, et dédiées à Olympie[17]. A ce sujet, il fut établi comme règle que l’athlète trois fois vainqueur serait représenté de grandeur naturelle, et que la statue serait un portrait[18].

L’éducation gymnastique était déjà quelque chose d’artistique, une création particulière de l’art, réalisée par l’Hellène clans sa propre personne. Aussi, lorsqu’un jeune gymnaste, sortant de la foule de ses rivaux, avait accompli cette tache dans la perfection, l’impression produite par ce chef-d’œuvre vivant, joie des dieux et des hommes, ne devait pas être aussi éphémère que la fête où il paraissait. On demandait donc à l’art de fixer dans le souvenir des Hellènes cette vigoureuse et florissante jeunesse, et de grouper sous des figures impérissables, autour de la demeure des dieux fondateurs de l’unité nationale, un chœur d’éphèbes choisis, proposés dès lors à l’émulation des générations à venir.

Il s’agissait dans ce cas de reproduire un modèle digne de l’art, et il fallait avant tout le rendre avec fidélité, pour offrir aux regards ces muscles saillants, cette charpente solide, cette large poitrine qui avait fait ses preuves dans la course. Ici, plus de règlements extérieurs, plus de lois étrangères qui entravent l’artiste : il ne subit plus les proportions et le dessin empruntés aux écoles orientales. Les chaînes de l’art sont brisées ; et le corps humain, dans sa forme achevée, se présente à lui comme son but véritable, but précis, toujours à sa portée et cependant idéal. C’est alors que la sculpture grecque s’engage dans la route qui lui convient.

Depuis la fin du VIIIe siècle, la jeunesse grecque se montra nue dans les gymnases ; l’art ne devait donc pas la représenter autrement. Car plus les Hellènes développaient artistement leur corps, moins il leur venait l’idée d’en rougir. Cependant ils le connaissaient comme le siège des appétits sensibles, et savaient bien que, par sa nature, il est en lutte contre l’esprit. Mais, s’ils acceptaient ce contraste, tout leur effort en revanche tendit à ne pas en faire un antagonisme irréconciliable et douloureux, à le supprimer au contraire, à façonner le corps par la discipline et par la loi, à établir ainsi l’harmonie entre l’homme intérieur et l’homme extérieur, en spiritualisant la matière et en matérialisant l’esprit. Libre aux Barbares, dans leur inquiétude superstitieuse, de voiler le corps humain, qu’ils n’ont pas réussi à transfigurer pour en faire un objet agréable aux dieux ; l’Hellène le montre, avec une candeur parfaite, comme la suprême beauté et la suprême noblesse de la création visible. Hérodote, et après lui Thucydide et Platon, reconnaissent là un trait caractéristique de la race grecque ; mais ils n’ignorent pas que cette préférence particulière s’est affirmée à une époque relativement moderne[19]. L’art plastique, sous l’influence de la religion, n’est devenu que par degrés indépendant et national.

C’est bien le contact avec l’Orient qui a conduit les Grecs au polythéisme et au culte des images ; ils lui ont donc fait en meure temps toutes sortes d’emprunts dans le domaine de la technique religieuse, pour ce qui concerne soit l’expression symbolique, soit l’exécution et l’ornementation des images. C’est par l’intermédiaire des Phéniciens que les Grecs devinrent les disciples des Égyptiens et des Assyriens, apprenant des premiers le travail de la pierre et la représentation plastique du corps humain, des autres, la broderie des tissus et les bas-reliefs chargés de figures. Ils imitèrent avec des couleurs les dessins des tapis ; et, sur les vases peints des céramistes de Rhodes, de Théra, de Mélos, nous retrouvons ces motifs de décoration, ces êtres fabuleux, ces groupes d’animaux qui étaient en usage à Babylone et dans l’Assyrie. Les Phéniciens eux-mêmes, sans avoir le génie artistique et créateur, étaient d’habiles artisans qui savaient travailler et façonner l’airain ; et ils furent en cela les maîtres des Grecs. Outre les peuples étrangers de l’Orient, ceux qui avaient avec les Grecs des affinités de race, c’est-à-dire les Phrygiens et les Lyciens, importèrent en Hellade leurs procédés artistiques, comme l’attestent les monuments de l’âge héroïque.

Ainsi se développa un art décoratif, étendu et complexe, qui donna naissance à une foule d’industries différentes ; on apprit à exploiter et à travailler tous les produits du sol natal ; puis, d’autres matières furent apportées par le commerce de terre et de mer, l’ivoire de l’Inde, l’ébène de l’Éthiopie. D’opposition entre l’Asie et l’Europe, entre la mode hellénique et la mode barbare, il n’y en a pas trace. Par exemple, on taillait les pierres précieuses en scarabées, comme les Égyptiens ; on leur empruntait les animaux fantastiques, les sphinx, les griffons, les hippogriffes. Dans toute une série de monuments antiques, dans les coupes d’argent, entre autres, on reconnaît des modèles assyriens, imités par une main grecque[20]. C’est donc lentement, modestement, que l'esprit hellénique se fit sa place, après l’époque des migrations, et que, ne se contentant plus d’adopter et d’imiter, il se mit à travailler avec indépendance.

L’art égyptien, comme l’assyrien, était immobilisé dans des formes traditionnelles et séculaires : ses figures étaient conventionnelles et inanimées. Dès que le génie national des Grecs s’éveilla, la tradition étrangère ne le satisfit plus. Une sève nouvelle frémit sous l’enveloppe desséchée ; le nom de Dédale marque ce passage insensible à un art nouveau. Une existence supérieure anime la matière inerte ; la statue de pierre se détache du mur d’appui, avec lequel elle est soudée chez les Égyptiens ; elle commence à vivre ; elle marche.

Puis, on ne se contente pas de reproduire d’une manière purement industrielle des types dans le goût ancien ; on veut représenter dans l’espace cc que l’imagination du poète contemple en esprit. Ici, la poésie prend les devants et ouvre la voie à la faculté plastique ; ainsi, ce miroir idéal de la vie humaine, le bouclier d’Achille décrit par Homère, est un modèle de composition artistique, présage et gage des chefs-d’œuvre futurs.

Il fallut à ces germes un long temps pour porter leurs fruits ; un long devenir, telle est la condition commune à toutes les évolutions de la civilisation grecque. L’art restait cloîtré, cultivé par des corporations héréditaires, se développant dans des milieux différents, dans des écoles séparées. Mais ce qui donna à ce développement sa direction caractéristique, Ce fut le rapport étroit qui s’établit entre l’art et toutes les manifestations de la vie intellectuelle comme de la vie civile. Par là, il garda un caractère républicain, en opposition avec l’art de cour contemporain de héroïque, et il suivit l’essor des libres communautés.

C’est dans l’île heureuse de Chias que nous pouvons étudier la première école de sculpture, et nous en suivons la trace jusqu’au commencement des Olympiades. Chios n’est point célèbre seulement par ses vignes, dit la plus ancienne inscription en vers qui nous soit parvenue au sujet des artistes, mais aussi par les ouvrages des fils d’Archermos, Boupalos et Athénis, contemporains du poète Hipponax (environ 540 avant J.-C. )[21]. Lorsque Sparte, devenue la première ville de l’Hellade, fut un centre de civilisation nationale, nous voyons qu’il se trouva là, pour glorifier les succès de sa patrie, un maître de l’art, Chiadas, à la fois sculpteur en airain, architecte, compositeur d’hymnes[22]. Il décora de figures en relief les plaques d’airain qui, selon l’ancienne coutume phénicienne, couvraient les murs du sanctuaire d’Athéna à l’acropole de Sparte ; il orna des statues d’Aphrodite et d’Artémis les trépieds d’Amyclæ, trophées de la guerre de Messénie. On cite d’autres maîtres Spartiates, comme Syadras et Chartas, qui, à leur tour, entrent en relations avec Corinthe et avec Rhégion, colonie de Chalcis[23]. L’école entière est en rapport avec l’industrie chalcidienne, qui façonne l’airain, et ce que nous savons des inventions des Corinthiens au temps des Bacchiades, et de la prospérité de leurs chantiers de construction navale dans la première année de la XIXe Olympiade (704), prouve suffisamment qu’à cette époque une technique artistique très avancée et très variée florissait dans le Péloponnèse.

Au siècle suivant, l’art fait des progrès plus rapides, grâce aux inventions techniques dues à l’émulation des différentes écoles.

On s’entendait depuis longtemps à faire en bronze d’assez grandes statues en joignant au moyen de rivets et de crampons, de manière à en faire un ensemble, des plaques métalliques séparées, travaillées au marteau et au ciseau. Mais cet ajustage mécanique demeurait toujours imparfait, et ces raccords visibles étaient désagréables. C’est à Chios, dans l'île des Homérides, oh étaient en pleine vigueur dès le début des Olympiades le commerce et l’industrie, qu’on découvrit l’art de réunir à l’aide du feu des pièces de fer, et sans doute aussi d’autres métaux, en employant comme soudure des métaux plus fusibles. Ainsi l’ouvrage morcelé devint un tout. Le premier succès de cette expérience, au commencement du VIIe siècle, jeta le monde grec dans un étonnement profond, et la renommée de l’inventeur Glaucos[24] s’étendit au loin. Il est vraisemblable qu’il tira grand parti des produits mêmes de son pays. En effet, Chios fut de tout temps fameuse par l’abondance de ses arbustes résineux ; or, les substances résineuses servent spécialement à garantir de l’air extérieur les points où se fait la soudure, et aident ainsi au succès de l’opération.

Mais plus importante encore fut une autre découverte qui, pour la première fois, lia par une dépendance réciproque les deux branches principales de la plastique, le modelage de l’argile et le travail de l’airain. Si on savait déjà, depuis l’invention de Glaucos, fondre en un tout complet les parties d’un ouvrage d’assez grandes dimensions, cependant, cet assemblage n’était obtenu que tardivement : le travail de l’artiste était nécessairement fragmentaire, et, tant qu’on ne sut traiter l’airain qu’à l’état solide, il se bornait à façonner le métal à coups de marteau pour lui donner la forme voulue. Il lui manquait à lui-même la vue de l’ensemble, jusqu’à ce qu’il eût péniblement ajusté les pièces isolées. Le céramiste, de son côté, était hors d’état de donner aux ouvrages de ses mains, qui pourtant dépassaient de plus en plus le cercle où s’enferme l’industrie d’un artisan, la durée et la dignité d’un monument.

L’honneur d’avoir trouvé l’intermédiaire nécessaire entre les deux arts revient à l’esprit inventif des Samiens. Continuant la pensée de Glaucos, ils se font du feu un auxiliaire, pour rendre le métal maniable et docile à la volonté de l’artiste. L’airain qui coule de la fournaise est versé autour d’un noyau ou âme solide ; il se précipite et s’épanche entre cette masse à l’épreuve du feu et les parois soigneusement modelées de la forme, remplit toutes les cavités et tous les conduits, et suit chaque repli du moule de terre. Ainsi, il se solidifie sur la figure préalablement façonnée par l’artiste et reprend sa rigidité première ; le moule d’argile est brisé, et le modèle périssable parait, comme par enchantement, transformé en métal brillant ; le voilà élancé, léger, souple, mais ferme et résistant, défiant le temps et les saisons ; c’est un monument durable, prêt à orner les marchés publics et les rues.

Les Phéniciens avaient déjà des vases d’airain fondu, et les Égyptiens, dès le XIVe siècle, ont employé pour les statues de leurs rois le procédé dont il est question[25]. Mais le dernier perfectionnement de la fonte en creux, et la vulgarisation de cette découverte au profit des arts du modelé, est un mérite appartenant essentiellement aux Hellènes[26], qui par là ont donné enfin à leur génie plastique toute liberté de se développer. Dès lors, la plastique ne fut plus comme enchaînée au marbre, matière coûteuse et lourde ; et on put multiplier à volonté les copies d’une œuvre réussie, Grâce à cette ressource, et aussi à la facilité de la fente où les Grecs devinrent des ouvriers incomparables, un commerce très étendu d’œuvres d’art put s’établir ; en un mot, une vie nouvelle vint animer l’art, qui pénétra plus avant dans la masse du peuple.

D’après le témoignage unanime des anciens, la gloire d’une découverte aussi féconde s’attache au nom de Théodoros de Samos, nom qui, alternant avec celui de Téléclès, se retrouve fréquemment dans une famille d’artistes Samiens, en sorte qu’il est malaisé de distinguer avec quelque sûreté les différentes générations. Longtemps avant la chute des Bacchiades à Corinthe, c’es t-à-dire vers la XXIVe olympiade (680 avant J.-C.), on voit déjà un Théodoros, associé avec Rhœcos[27], fonder, en inventant la fonte de l’airain, la réputation de l’école de Samos qui cultivait à la fois la tectonique, la plastique, le travail de l’or et de l’argent, comme autant d’applications particulières d’une même aptitude artistique. Elle se développa en se rattachant au sanctuaire de la Héra samienne ; où l’esprit inventeur de ses maîtres trouvait les emplois les plus multiples. De là est sortie cette gloire, qui se répandit jusque dans les pays lointains. C’est encore sur les plans de Théodoros qu’on bâtit à Sparte la Skias, maison de forme ronde, propre à des réunions, destinée probablement aux concours musicaux des fêtes Carnéennes, et couverte d’une toiture en forme de tente, pour laquelle on a dû se servir de fermes en métal fondu.

Comme à Chios et à Samos, il y eut en Crète d’antiques écoles dont la tradition artistique remontait, aussi bien que les dogmes politiques et religieux des Crétois, jusqu’au temps de Minos ; il en était de même à Naxos et dans les autres stations maritimes florissantes. L’activité artistique s’y accrut avec la prospérité commerciale : dans la XXXVIIe olympiade (630), Colæos, avec la dîme du profit que lui avait rapporté son premier voyage, involontaire du reste, à Tartessos, dédia dans l’Héræon de Samos un bassin d’airain soutenu par trois colosses agenouillés. Bientôt les bassins, les trépieds, ou autres objets de ce genre, ne parurent plus suffisants : on voulut donner aux dieux quelque offrande plus significative ; et les tyrans principalement ont poussé l’art dans cette direction. Aussi le VIIe siècle fut-il vraiment l’époque de sa floraison. Ces hommes sont les premiers qui aient accumulé entre leurs mains des ressources pécuniaires considérables, avec le dessein arrêté de les appliquer à des travaux publics ; leur puissance reposait sur les classes ouvrières, et leur politique se tourna en conséquence à honorer les sanctuaires nationaux.

L’art bénéficia de toutes ces circonstances. Alors on vit dans les temples ces riches présents, par l’invention et l’exécution desquels l’art inférieur des artisans se haussa à des travaux plus relevés. Ces progrès furent aidés par la poésie, surtout par l’épopée qui, dans l’intervalle, était parvenue à sa pleine maturité. Tous les cycles mythiques, chantés partout et connus du peuple, étaient pour l’art plastique un fonds inépuisable. Le trône d’Apollon à Amyclæ et le coffre de Cypsélos montrent comment il sut s’en servir.

L’ère des tyrans passa ; mais l’impulsion donnée à l’industrie et la prospérité du commerce maritime qu’ils avaient favorisé ne s’arrêtèrent pas du même coup, et il y eut là un progrès notable, au contraire, quand l’Égypte fut ouverte aux Grecs et que des princes philhellènes montèrent sur les trônes d’Orient. Tandis qu’ainsi l’art grec trouvait des ressources puissantes et jouait un rôle de jour en jour plus important, la gymnastique, par une évolution simultanée, pénétrait dans le peuple, et la palestre devenait l’école propre de la statuaire nationale. Après le renversement des tyrans, de nouvelles fêtes furent instituées ; les statues des athlètes peuplèrent de plus en plus la cour des temples. Sur ces œuvres l’art grec a déjà marqué l’empreinte qui le distingue de tous les autres. Car après s’être imprégné, en façonnant les images mêmes des dieux, de la gravité religieuse et du respect de la tradition ; après avoir appris, en ciselant les présents sacrés, la manière de combiner ingénieusement des idées ainsi que les avantages d’une union intime avec la poésie, il acquit dans les palestres le sens de la nature et de la vérité ; et, on même temps qu’il y trouvait des sujets à profusion, il s’élevait aussi à cette sérénité plastique qui règne là seulement où s’est effacé tout divorce entre l’être spirituel et l’être corporel.

Ce furent là d’heureuses coïncidences qui, au VIe siècle, donnèrent la vie à un art vraiment national ; le succès fut tel que des maîtres isolés devinrent célèbres bien au delà des limites restreintes de leur patrie, et que les écoles séparées sentirent le besoin de se lier les unes avec les autres. L’art a soif de gloire. A mesure que l’ouvrier devient un artiste, les régions lointaines l’attirent ; il veut éprouver l’action de la patrie et du monde, se mesurer avec les maîtres étrangers. La corporation disparaît ; les points de contact avec la vie de la communauté se multiplient, et peu à peu on secoue le joug de la tradition sacerdotale.

Ainsi nous voyons pour la première fois, dans la Le olympiade (580), sortir de leur sphère d’artisans deux maîtres crétois, Dipœnos et Scyllis, les premiers statuaires en marbre qui aient été fameux dans la Grèce entière[28] Ces deux noms d’artistes, ainsi réunis, sont une raison sociale, comme Rhœcos et Théodoros, Boupalos et Athénis, fils d’Archermos, et indiquent le caractère industriel des ateliers artistiques. Parmi les œuvres que nous possédons, aucune ne saurait être attribuée avec précision à ces maîtres ; mais nous pouvons admettre que c’est leur main qui a fait de la figure humaine une figure grecque : c’est-à-dire que l’étude de la palestre est sensible dans leurs statues, et qu’on y voit, par une heureuse innovation, la vie respirer dans la tète et dans le torse. L’art du vieux Dédale est dépassé, comme le prouve une série de figures nues, où on reconnaît des statues d’Apollon. Les bras sont collés au corps et l’attitude toujours raide ; mais l’œil agrandi, la poitrine saillante, les muscles bien modelés, trahissent évidemment le génie de l’art grec, de l’art national qui prend son essor ; et nous pouvons ainsi nous représenter quel élan lui ont donné Dipœnos et Scyllis. Ils travaillèrent à Argos, à Sicyone, à Cléonæ, à Ambracie ; ils excitèrent l’envie des artistes indigènes, mais laissèrent derrière eux une trace durable. Le Péloponnèse fut fertilisé encore une fois ; de même que. jadis la péninsule avait reçu de la Crète sa musique, sa gymnastique, son gouvernement, ainsi l’art plastique y fut implanté à son tour par des Dédalides crétois. S’associant à l’industrie locale du bronze, il prit un immense développement ; et, si les écoles orientales de Chios, de Naxos et de Samos se maintinrent, elles n’en furent pas moins éclipsées par celles du Péloponnèse. Celles-ci s’implantent dès lors au centre du monde grec ; citons notamment les écoles de Corinthe, de Sicyone, d’Argos et d’Égine. Canachos, le premier maître qui ait illustré Sicyone, travaille déjà pour deux des plus fameux sanctuaires du culte hellénique d’Apollon, pour Thèbes et pour Milet[29]. Les écoles d’Égine et d’Argos furent encore plus renommées.

Égine était destinée à devenir l’entrepôt naturel du commerce dans le golfe Saronique. Là, depuis l’ère lointaine des Achéens, avait fleuri un art local, actif, personnifié pour nous dans le nom de Smilis ; puis, des tribus doriennes s’étaient jointes aux premiers habitants ioniens et avaient établi, comme à Épidaure, une constitution dorienne. Mais un esprit aussi rigide et aussi étroit n’avait aucune chance de pénétrer cette île commerçante ; elle était donc, plus que toutes les autres îles du Péloponnèse, propre à devenir le théâtre des réformes de Phidon. Même la réaction dorienne, qui triompha sur le continent, ne put entraver les insulaires dans leur développement, favorisé d’autre part de façon singulière par le rapprochement, dans une vie commune, des antiques tribus achéennes, de la race ionienne commerçante et de la race dorienne militaire. Grâce à l’activité de leur trafic maritime, ils étaient toujours au courant des progrès nouveaux de la civilisation grecque ; on les vit parmi les premiers marins qui abordèrent en Égypte et en Italie. Mais un commerce plus étroit encore, ainsi qu’une parenté intellectuelle, les liait aux Samiens. Comme eux, ils adoraient Héra. Or, la population néo-ionienne de Samos sortait d’Égine et d’Épidaure. Ces relations intimes expliquent comment le sculpteur éginète Smilis fit une statue de Héra pour les Samiens[30]. Les deux villes se rattachaient l’une à l’autre comme une colonie à sa métropole. Pour le même motif, l’invention samienne de la fonte de l’airain ne fut-nulle part adoptée avec alitant d’empressement qu’à Égine. La céramique y était en honneur depuis des siècles, et la gymnastique, introduite sous la législation dorienne, y florissait parallèlement, en sorte que l’art de fondre l’airain y trouva tout prêts ses meilleurs modèles et son plus digne emploi.

L’école des Éginètes, à la fin du VIe et au commencement du Ve siècle, a une renommée vraiment nationale. Gallon fait encore, pour Sparte, des trépieds dans le style archaïque[31] ; mais Glaucias se voue entièrement à la tache de représenter les athlètes vainqueurs, et il y trouve les motifs les plus variés, car il les montre aussi s’adonnant aux exercices préparatoires qui leur ont assuré la palme[32]. Déjà les artistes sont tellement maîtres du corps humain qu’aucune posture ne les embarrasse : il en est de même pour les animaux ; car il fallait aussi sculpter à Olympie des chevaux de course, des attelages et autres représentations monumentales, par lesquelles les colonies lointaines voulaient voir attester, aux fêtes de la métropole, leur vaillance aussi bien que leur amour de l’art. Ainsi firent les Tarentins après leurs luttes sanglantes contre les Peucétiens. Mais ils ne trouvèrent pas de maître plus habile que l’Éginète Onatas, qui figura en airain des groupes nombreux, des hommes combattant à pied et à cheval, et aussi des héros qui prennent part à la bataille[33]. Sa période d’activité s’étend jusqu’au milieu du Ve siècle.

L’école d’Égine avait pour rivale celle d’Argos, qui primitivement avait accueilli l’art venu de Lycie, et qui plus tard reçut des deux maîtres crétois une nouvelle impulsion. On trouvait aussi à Argos de vastes ateliers pour les monuments commémoratifs des victoires et les groupes de statues ; on y exécuta notamment des chevaux de course, avec une vérité étonnante. L’école argienne atteignit son apogée avec Agéladas[34], comme l’école éginétique avec Onatas. Tous deux travaillèrent ensemble à l’offrande que les Tarentins dédièrent à Delphes, en 479 avant J.-C.

Les écoles d’Argos, d’Égine, de Corinthe, de Sicyone, de Sparte, sont unies par des liens réciproques. Leur prospérité atteste la prépondérance que la péninsule dorienne conserva parmi les Hellènes jusque dans le Ve siècle, et c’est à la gymnastique qu’elle est due essentiellement. A considérer seulement ce fait, que la gymnastique a atteint sa perfection dans des États doriens, on serait tenté de donner aussi à l’art du modelé, puisqu’il s’est allié à elle si étroitement et qu’il a reproduit avec tant de naturel, avec une exactitude si scientifique le corps nu du lutteur el du coureur, le nom de plastique dorienne, et de l’opposer à une plastique ionienne, plus amoureuse de formes délicates, accoutumée à draper ses figures de tissus flottants, selon la mode nationale. Mais ce contraste ne se soutient pas jusqu’au bout. Nous avons vu comment ce que nous appelons communément dorien tire principalement de Delphes son origine, et l’histoire tout entière de l’art nous enseigne que les Hellènes, dans les productions de cet ordre, ont partout franchi les séparations naturelles et caractéristiques des raves ; tout leur développement artistique n’est que la recherche infatigable d’une expression toujours plus achevée de leur nationalité commune. C’est pourquoi il prend son essor quand les artistes commencent à voyager et les écoles à communiquer entre elles ; c’est dans les milieux où des races distinctes se rencontrent qu’il prospère le plus heureusement, et son action s’étend bien loin au delà du cercle qui resserre son berceau. Les Péloponnésiens travaillent pour Athènes, pour Thasos, pour Épidamne en Illyrie, pour les Tarentins et les Sicéliotes comme pour les Milésiens.

Ainsi, c’est dans l’art que tous les Hellènes trouvent leur unité intellectuelle ; et les colonies les plus lointaines se préoccupent avant tout d’installer dans les sanctuaires nationaux des œuvres d’art imposantes, pour montrer qu’elles ne sont pas des membres atrophiés de la nation. Ce développement collectif de l’art, c’est donc dans les temples qu’on pouvait le mieux l’embrasser du regard, puisqu’on trouvait dans leurs murs et dans leur enceinte des échantillons de toutes les manières et de toutes les périodes : ce furent les plus anciens musées de la plastique, et on y gardait encore, à titre de monuments historiques, les reliques du passé, telles que les barres d’or des vieux temples du Péloponnèse, conservées dans l’Héræon. Les villes et les princes les plus riches bâtirent à leurs frais, près des sanctuaires d’Olympie et de Delphes, des Trésors où leurs offrandes furent déposées et confiées à la surveillance des prêtres.

 

 

 



[1] Il y avait dans l’Héræon d’Élis une colonne de chêne (PAUSANIAS, V, 20, 6, etc.) qui était un débris d’une construction primitive en bois. Cf. les autels construits avec des cubes de bois (PAUSANIAS, IX, 3, 7), et les poutres de chêne qu’on voyait dans le temple de Poséidon près Mantinée (PAUSANIAS, VIII, 10, 2).

[2] Les monuments lyciens nous montrent quel aspect a une imitation en pierre d’une construction en bois.

[3] Sur le monotriglyphon, voyez BÖTTICHER, Tektonik, I2, 204 : on en a un exemple à Syracuse. Dans le temple à antes, il faut bien admettre qu’il y avait des métopes à jour, au-dessous du toit, même sur les côtés longs. C’est à une fenêtre latérale de cette espèce qu’a trait la proposition de Pylade (EURUIPIDE, Iphig. Taur., 113).

[4] Le κυμάτιον a la forme de feuilles infléchies.

[5] Rhetra de Lycurgue dans PLUTARQUE, Lycurgue, 13. Cf. BÖTTICHER, Tektonik (Excurs. 2, p. 43).

[6] διέθηκε θεμείλια Φοΐδος Άπόλλων... etc. (HYMN. HOMER., Ad. Apoll. Pyth., 116). Trophonios et Agamède, fils d’Erginos, φίλοι άθαντοισι θεοΐσι (ibid.). Cf. OVERBECK, Die antiken Schriftquellen zur Geschichte der bildenden Kunst, p. 9.

[7] Cf. BRUNN, Geschichte der griechischen Künstler, II, 379.

[8] Samos et Éphèse sont les principaux foyers du style ionique. C’est justement au temple d’Éphèse qu’on rattache la création de l’ordre ionique (VITRUVE, IV, 1, 15. PLINE, XXXVI, 179). D’après Vitruve, les Ioniens, une fois installés dans leur nouveau séjour, bâtirent d’abord à Apollon un temple dorique, puis, nori generis quærentes speciem, un temple ionique pour Diane. D’après BÖTTICHER (Tektonik, I2, 163), le style ionique a été, au contraire, importé de l’Hellade en Asie-Mineure.

[9] PAUSANIAS, VIII, 42, 7.

[10] HÉRODOTE, V, 82.

[11] Sur les dédicaces d’ex-votos, voyez O. MÜLLER, Archäologie der Kunst, § 89.

[12] Le rapt du trépied est d’un haut intérêt pour l’histoire de l'art, parce qu’il nous fournit l’exemple le plus frappant d’une légende grecque dont il n’y a pas trace dans les poésies qui nous sont parvenues (encore que les poètes l'aient chantée, PAUSANIAS, X, 13 ,8), et qui n’en a pas moins été un des sujets de prédilection traités par la plastique et la peinture (cf. WELCKER, Alte Denmäler, III. p. 268).

[13] Dipœnos et Scyllis à Sicyone (PLINE, XXXVI, 9).

[14] Statue archaïque (ξόανον) d’Apollon Pythien (DIODORE, I, 98).

[15] Sur les rangées de statues sacerdotales à Milet, Téos,.. etc., voyez E. CURTIUS, Zur Gesch. des Wegebaus, p. 31 (239).

[16] PAUSANIAS, III, 18, 9.

[17] Les plus anciennes statues, celles de Praxidamas et de Rhexibios, ont été érigées à la suite des concours de 544 et de 536 (PAUSANIAS, VI, 18, 7).

[18] Statuæ iconicæ (PLINE, XXXIV, 9).

[19] THUCYDIDE, I, 6. ού πολύς χρόνος (PLATON, Republ., p. 452). Cf. HÉRODOTE, I, 10.

[20] On reconnaît l’imitation des modèles asiatiques, par exemple, sur les coupes d’argent provenant de Cition dans l’île de Cypre (E. CURTIUS, Wappengebrauch und Wappenstil, 1874, p. 111).

[21] Bupalus et Athenis Hipponactis poetæ ætate, quem certum est LX Olympiade fuisse (PLINE, XXXVI, 11).

[22] PAUSANIAS, III, 17, 2. WELCKER, Kleine Schriften, III, 533.

[23] PAUSANIAS, VI, 4, 4.

[24] Γλαύκου τέχνη (OVERBECK, Schriftquellen, p. 47). Cf. mes observations à ce sujet dans l'Arch. Zeitung, XXXIV, p.37, et celles de MICHAELIS, p. 156.

[25] LEPSIUS, ap. Abhandl. der Berlin Akad., 1871, p. 99. FRIEDERICHS, Berlins Antike Bildwerke, II, p. 11.

[26] OVERBECK, op. cit., p. 48 sqq.

[27] Sunt qui in Samo primos omnium plasticen invenisse Rhœcum et Theodorum tradant multo ante Bacchadias Corintho pulsos (PLINE, XXXX, 152). Cf. BURSIAN, ap. Jahrbb. Fleckeisen, LXXIII, p. 510.

[28] Cf. OVERBECK, op. cit., p. 55. ULRICHS (Scopas, p. 226) a rapporté à l’art de Dipœnos et Scyllis ce qu’OVERBECK (Griech. Plastik, I2, p. 92) appelle les statues d’Apollon.

[29] Cf. OVERBECK, op. cit., p 76.

[30] Cf. OVERBECK, op. cit., p. 59.

[31] OVERBECK, p. 78.

[32] OVERBECK, p. 82.

[33] OVERBECK, op. cit., p. 79.

[34] OVERBECK, p. 73.