C'était un usage chez les Romains de ne prendre aucune décision importante sans l'avis d'un consilium. Le paterfamilias, comme juge domestique[1], le commandant d'armée avant de livrer bataille[2], les consuls[3], les préteurs[4], les censeurs[5], les édiles[6], les gouverneurs de provinces[7] et même les simples juges[8] prenaient leurs décisions de consilii sententia. Cet usage fut conservé et développé par les empereurs, vraisemblablement sous l'influence des coutumes orientales[9]. Mais le conseil qu'ils présidaient acquit rapidement une importance bien autrement grande que celle du consilium magistratuum. Cette importance résultait de l'étendue des attributions reconnues aux empereurs. La lex regia leur conférait des pouvoirs exceptionnels[10]. Par suite, le conseil était consulté sur des questions non pas seulement d'intérêt privé, mais aussi d'ordre public, non pas seulement sur les différends qui pouvaient surgir entre particuliers, mais aussi sur les difficultés relatives au gouvernement et à l'administration de l'État, à l'application et à l'interprétation de la loi. C'est ainsi que le conseil des empereurs se trouva investi d'attributions semblables-à celles du conseil des magistrats, et, de plus, de certaines attributions qui, de tout temps, avaient appartenu au sénat. En cet état se pose la question de savoir quel est le caractère du consilium principis. Fait-il partie intégrante de la constitution de l'empire ? ou bien est-ce une simple réunion de personnages dépourvus de toute mission officielle ? C'est là, à vrai dire, la question fondamentale ; mais, pour en avoir la solution, il faut suivre dans ses diverses phases le développement du conseil. Que les empereurs aient préféré un conseil composé de leurs amis à une assemblée dont les membres étaient, dans une certaine mesure, indépendants ; qu'ils aient eu le désir de substituer leur conseil au sénat, c'est ce que l'on ne peut méconnaître. Mais le conseil impérial ne pouvait s'établir qu'aux dépens du sénat et en lui enlevant son influence. Il ne pouvait venir à la pensée des empereurs d'obtenir ce résultat du premier coup. C'eût été une modification trop évidente à un ordre de choses dont on voulait respecter les apparences. Aussi, pendant longtemps, le consilium principis n'eut-il aucune existence officielle. A part quelques tentatives d'Auguste et de Tibère pour le faire considérer comme une délégation du sénat, ce n'est que dans la première moitié du second siècle qu'il reçut, avec l'approbation du sénat, un commencement d'organisation. Il y a donc, dans l'histoire du conseil d'Auguste à l'avènement de Dioclétien, deux périodes à distinguer : l'une finit et l'autre commence sous Hadrien. |
[1]
Valère Maxime, lib. V, c. VIII,
2, 3 ; VI, c. I,
1 ; Plaute, Stichus, v. 127 ; Sénèque, De Clementia, lib. I, c. XV.
[2] Tite-Live, lib. IX, c. XV ; lib. XLII, c. LVII.
[3] L. 29 pr., Dig., lib. XXXI.
[4] Cicéron, De Orat., I, XXXVII ; L. 9, § 3, Dig., lib. IV, tit. II.
[5] Varron, lib. VI, c. LXXVII.
[6] Juvénal, Sat., III, v. 162.
[7] Cicéron, 2e in Verr., 29.
[8]
Valère Maxime, lib. VIII, c. II, 2 ; Cicéron,
Pro Quintio, II, IV ; Pro Roscio, IV, XII.
[9] Cf. sur le conseil des rois d'Égypte, G. Lumbroso, Recherches sur l'économie politique de l'Égypte sous les Lagides, p. 180.
[10] Le fragment de la lex de imperio Vespasiani, conservé à Rome, au musée du Capitole, contient la disposition suivante : Utique quæcunque ex usu reipublicæ majestate divinarum huma(na)rum, publicarum privatarumque rerum esse censebit, ei agere facere jus potestasque sit, ita uti Divo Aug(usto) Tiberioque Julio Cæsari Aug(usto) Tiberioque Claudio Cæsari Aug(usto) Germanico fuit. (Ch. Giraud, Nov. Enchiridion juris Romani, p. 627 ; Corp. Inscr. Lat., VI, 930.)