En entreprenant de faire connaître la sagesse de Constantin dans la législation, je ne prétends pas accumuler ici toutes les lois que ce prince a publiées pendant un règne de plus de trente ans, et dont plusieurs entrent dans des détails qui sont plus du ressort de la jurisprudence que de l'histoire. Je saisirai ce qu'il y a de plus général, et ce qui se rapporte aux grandes vues du gouvernement et du bien commun de la société. L'amour de la justice et le zèle contre les oppresseurs
des peuples sont les premières qualités d'un souverain qui connaît ses
devoirs. Je ne sais si jamais aucun prince a exprimé ces sentiments d'une
façon plus énergique que ne l'a fait Constantin dans une loi de l'an 225,
adressée à tous les sujets de l'empire. Si quelqu'un,
dit-il, de quelque rang ou condition qu'il soit, se
croit en état de prouver manifestement quelque injustice commise par qui que
ce puisse être de ceux qui exercent l'autorité en mon nom, juges, comtes,
ministres ou officiers de mon palais, qu'il se présente avec confiance ;
qu'il s'adresse directement à moi : j'écouterai tout par moi-même, je
prendrai moi-même connaissance de tout ; et si le fait est privé, je me
vengerai de ceux qui m'auront trompé par de faux dehors d'intégrité ; et au
contraire je récompenserai par des largesses, j'élèverai en honneurs celui
qui aura découvert et prouvé le crime. Ainsi puisse la divinité souveraine
m'être toujours propice, et continuer de me protéger, en maintenant pareillement
la république dans un état florissant. Telle était donc l'intention du prince, attestée même avec
serment, par rapport aux officiers du premier ordre, qui ne relevaient que de
lui. Quant à ce qui regarde les ministres subalternes de la justice, qui
souvent n'exercent pas de moindres vexations, et même avec moins de pudeur,
Constantin charge d'abord leurs supérieurs de les réprimer ; mais, en cas de
négligence de la part des magistrats, il ouvre le recours à son autorité
suprême. Les termes de la loi sont très-remarquables, et annoncent la plus
grande sévérité. Que les officiers destinés à servir
les tribunaux cessent d'exercer leurs rapines ; qu'ils cessent dès ce moment,
ou la mort sera leur salaire. Qu'ils n'exigent rien des plaideurs pour les
audiences publiques ou particulières du magistrat. L'accès auprès du juge
doit être également libre au riche et au pauvre. Que l'avidité de ceux qui
délivrent les actes se renferme dans les bornes d'un modique salaire. S'il se
commet quelque malversation en ces différents genres, ceux qui se trouveront
lésés s'adresseront en premier lieu au chef du tribunal. S'il néglige d'y
mettre ordre, nous permettons à tous de porter leurs plaintes au commandant
de la province ou au préfet du prétoire, afin qu'instruit nous-même du crime
par l'un ou par l'autre, nous ordonnions le supplice du coupable. L'administration
de la justice demande des soins, de la vigilance. Constantin le savait, et
rien n'est plus beau que les lois qu'il prescrit aux juges dans l'exercice de
leur ministère. Il veut que le juge prête aux plaideurs une patience qui ne
sache point se lasser ; qu'il les écoute, qu'il leur donne tout le temps de
s'expliquer, qu'il les interroge même pour tirer d'eux de plus amples éclaircissements.
Mais il ne requiert pas moins la célérité, qui était d'autant plus nécessaire
alors, que le droit romain marquait pour l'instruction de chaque, affaire un
terme fatal au-delà duquel il n'était plus permis de produire, et le jugement
se rendait par forclusion. Si ce retardement était arrivé par le fait de la
partie, elle ne pouvait s'en prendre qu'à elle-même. Mais si la faute venait
du juge, Constantin veut et ordonne que l'on prenne sur les biens de ce juge
négligent de quoi dédommager la partie qui en a souffert. Il a été souvent fait mention dans cette histoire d'efforts tentés pour mettre un frein à l'avidité des avocats, qui même dans la règle austère ne devaient absolument rien recevoir de leurs clients. Cette règle était de difficile exécution, et peut-être impraticable dans sa rigueur. Aussi Constantin ne prétendit-il pas la faire revivre. Mais il tonne contre les conventions infâmes des avocats, qui examinant non les droits, mais les biens de ceux qui avaient besoin de leur secours, les obligeaient de leur céder par acte ce qu'ils possédaient de meilleur, soit en fonds de terre, soit en bestiaux ou en esclaves. L'empereur déclare les avocats qui feront cet odieux trafic de leur talent indignes d'être admis dans le commerce des honnêtes gens, et il les exclut du barreau. On voit par ces dispositions quelle était l'attention de. Constantin à maintenir l'ordre judiciaire et l'observation des lois. Il respectait ce double objet au point de ne pas souffrir que les rescrits mêmes des princes pussent y donner atteinte. C'est ce qu'il témoigne solennellement dans deux constitutions, par l'une desquelles il ordonne que ces sortes de rescrits, lorsqu'ils sont contraires aux lois, n'aient aucune force, de quelque manière qu'ils aient été obtenus, parce que les juges doivent plutôt se conformer aux lois publiques et générales ; par l'autre il défend d'admettre les rescrits contre les choses jugées, et il veut que celui qui les a obtenus ne soit pas même écouté. Pour simplifier les affaires et obvier aux chicanes, Constantin commença à dénouer les liens des formules de l'ancien droit, qui étaient toutes de rigueur, en sorte que l'erreur d'une syllabe rendait un acte invalide. Ce prince dispensa les testateurs de cette nécessité gênante ; et il ordonna que les volontés des mourants, même exprimées en langage ordinaire et commun, seraient exécutées. Les successeurs de Constantin entrèrent dans son esprit : et les formules furent abolies par l'autorité de Constance, et encore plus expressément par Théodose le jeune. Rigide vengeur du crime, Constantin renouvela l'ancien supplice des parricides, dont l'usage avait été aboli par une loi de Pompée : et par rapport aux crimes de rapt ou d'usurpation violente du bien d'autrui, il voulut que la peine ne pût en être éludée ou même différée sous prétexte de la qualité de ceux qui s'en seraient rendus coupables. Il ordonna par une loi expresse que les sénateurs qui auraient commis de semblables forfaits dans la province, fussent jugés et punis sur les lieux par les juges ordinaires, sans pouvoir profiter du privilège accordé à leur dignité, de n'être justiciables que du préfet de la ville de Rome. Ses dispositions contre les libelles diffamatoires sont très-rigoureuses. Il ne se contente pas de déclarer que ces ouvrages de ténèbres ne pourront nuire à la réputation de ceux qu'ils attaquent ; il veut qu'on les livre aux flammes, et que, les auteurs, si on les découvre, soient forcés par les magistrats à prouver ce qu'ils ont avancé, sous peine, s'ils ne peuvent y réussir, d'être traités comme calomniateurs ; et, supposé même qu'ils aient à alléguer des preuves suffisantes, il ne les exempte pas de la punition qui est due à leur malignité et à leur audace. J'ai déjà parlé des lois publiées par Constantin contre les délateurs. Les poursuites de ces hommes malfaisants avaient deux objets. Quelquefois ils accusaient les personnes ; dans d'autres occasions ils dénonçaient des biens appartenant au fisc, et injustement possédés, ce qu'ils prétendaient, par des particuliers. Ils coloraient leurs vexations du prétexte d'amour du bien public, ou de chaleur pour les intérêts du prince. Leur vrai motif était l'avidité du gain et l'espoir d'une proie souvent sanglante. Le zèle de l'empereur contre ces odieux brigands égale celui du citoyen. Il qualifie les délateurs de monstres exécrables que l'on doit avoir en horreur, comme l'un des plus grands fléaux de la vie humaine. Il veut que, lorsqu'ils accusent, faute par eux de prouver leurs allégations, le juge leur fasse couper la langue, et les envoie au supplice. Pour ce qui est des affaires oh il s'agirait de revendiquer au domaine du prince des possessions qui en auraient été distraites sans titre, il ordonne qu'elles soient poursuivies par les avocats du fisc, et que les délateurs ne soient pas écoutés, mais punis. Il paraît par ce dernier article que l'intention de Constantin était que les deniers du fisc ne fussent ni négligés par ceux qui devaient en prendre soin, ni exigés avec rigueur et injustice. Ailleurs il menace de châtiment les avocats du fisc, s'ils ne remplissent diligemment leurs fonctions ; mais en même temps il leur défend étroitement de tourmenter les particuliers par des procès intentés sans cause légitime ; et si le cas arrive, il invite les parties lésées à s'en plaindre, en leur promettant bonne justice de leurs oppresseurs. Assurer aux citoyens la possession tranquille de leurs biens était pour lui un objet capital, auquel il sacrifiait ses propres intérêts. C'est dans cet esprit qu'à l'occasion des fêtes de sa dixième année il publia une constitution, par laquelle il maintenait les possesseurs de bonne foi en pleine et paisible jouissance de tout ce qu'ils pouvaient avoir acquis des dépendances du domaine, soit par donation des princes, soit à quelque autre titre ; et quatre ans après il défendit de faire revivre les actions et prétentions même légitimes que le fisc aurait à exercer contre des particuliers, si l'on avait une fois laissé passer le temps de les poursuivre ; et pour les abolir sans ressource il ordonna que l'on en brûlât toutes les pièces. Il se faisait un devoir si essentiel de protéger ses sujets contre les concussions, que l'on peut dire qu'il a même outré la sévérité contre les concussionnaires : car si quelqu'un de ses intendants était convaincu de ce crime, il le condamnait par une loi expresse à la peine du feu, autorisant cette rigueur par une raison remarquable. Ceux qui nous appartiennent, dit-il, sont plus obligés que les autres à observer nos ordonnances, et plus coupables lorsqu'ils y manquent. C'est dans la levée des tributs qu'il y a plus de facilités d'exercer les concussions. On voit par différentes lois que Constantin est très-attentif à empêcher que les financiers et leurs commis n'exigent des peuples plus qu'il n'est dû, et à punir les contrevenants. L'insolence des juges, suivant qu'il s'exprime lui-même, avait mis en usage des rigueurs tortionnaires, les emprisonnements, les fouets et autres peines corporelles contre les débiteurs trop lents à payer les droits du prince. Constantin condamne et défend toutes ces violences. Les prisons, dit-il, sont pour les criminels. Si quelqu'un refuse opiniâtrement de contribuer aux besoins de l'état, on peut le mettre à la garde d'un soldat, ses biens répondront de ce qu'il doit ; mais sa personne sera exempte de tout mauvais traitement ; et nous espérons que l'indulgence dont nous usons sera un motif pour nos sujets de se porter d'autant plus volontiers à nous aider à soutenir les charges publiques. Cette loi détruit une des calomnies de Zosime qui accuse Constantin d'avoir employé les plus dures et les plus criantes vexations, et même les tourments, pour la levée d'un impôt fameux dans l'histoire sous le nom de Chrysargyre. C'était un droit qui se levait de quatre ans en quatre ans sur tous ceux qui exerçaient le commerce. Zosime a encore suivi son penchant à décrier Constantin, lorsqu'il assure que ce prince fut l'inventeur de cet impôt, dont l'antiquité parait remonter jusqu'au-delà du temps où régnait Alexandre Sévère. Constantin avait plus d'inclination à soulager les peuples qu'à les surcharger. Un grand nombre de ses lois respirent l'indulgence ; et je vais en ajouter quelque ; exemples à ceux que j'ai déjà rapportés. Ainsi, par un règlement fait à perpétuité, il diminua d'un quart les impositions sur les terres ; et comme cette espèce de taille réelle se levait d'après un cadastre dans lequel plusieurs se plaignaient d'être traités avec injustice, il ordonna en faveur des complaignants un nouvel arpentage, qui ramenât toutes choses à l'égalité. Il modéra l'effet des confiscations prononcées contre les criminels. Nous avons dans le Code Théodosien une loi de ce prince[1], qui déclare non sujettes à la confiscation les possessions particulières des femmes de ceux qui ont été condamnés pour crime, et même les donations qu'ils leur ont faites avant que d'être accusés. Il étend la même faveur à leurs enfants émancipés ; et, s'ils les ont encore en leur puissance, l'empereur vent qu'on l'instruise du nombre et des prétentions de ces enfants malheureux, sans doute afin de pouvoir procurer quelque adoucissement à la calamité où les réduit le crime de leurs pères. L'humanité de Constantin se manifeste encore dans une loi qui regarde les prisonniers détenus pour raison prisonniers soient traités de quelque crime dont on les accuse. Il veut que l'on hâte l'instruction de leur procès, parce que la mort dans les prisons est cruelle pour un innocent, et trop douce pour un coupable. Pendant que l'on instruit leur affaire, il défend de les enfermer dans des cachots où ils soient privés de la vue du soleil, et de la jouissance de la lumière. Il défend pareillement qu'on leur fasse porter des chaînes qui les serrent, qui les tourmentent, qui entrent dans les chairs. Une chaîne lâche suffit pour s'assurer de la personne du prisonnier, et elle n'est pas un supplice. Enfin la même loi ordonne des peines contre les geôliers qui traiteront avec cruauté les prisonniers commis à leur garde. Les sentiments de commisération vainquirent même dans Constantin, à l'occasion d'une réjouissance publique, l'attention à maintenir la sévérité des lois. Crispus son fils[2] et Hélène sa mère se disposant à venir à Rome, on leur préparait une fête, et pour en augmenter la joie l'empereur ordonna que l'on mît en liberté tous les prisonniers, à l'exception seulement des meurtriers, des empoisonneurs et des adultères. Il n'excepte point de la grâce, comme l'on voit, les criminels de lèse-majesté. Ce genre d'accusation, qui avait donné lieu sous les premiers empereurs à tant d'injustices et de cruautés, ne paraissait pas à Constantin un objet privilégié pour lequel nulle rigueur ne fût excessive. Son intention était sans doute, et devait être, que ce crime fût puni lorsqu'il était prouvé. Mais il eut assez de confiance et de noblesse de sentiments pour en rendre la poursuite difficile et périlleuse à ceux qui l'entreprendraient. Comme en cette matière les accusés étaient soumis à la question, de quelque condition et dignité qu'ils fussent, Constantin par une nouvelle loi y soumet les accusateurs eux-mêmes, s'ils n'apportent pas des preuves suffisantes ; et pour ce qui est des esclaves et des affranchis qui se rendraient dénonciateurs contre leurs maîtres ou leurs patrons, il veut que sans les écouter on les envoie au supplice. La condition des débiteurs était très-dure selon les lois romaines, ainsi qu'on a pu le voir en plus d'un endroit de l'histoire de la république ; et les riches qui prêtaient ne se contentaient pas même des avantages qui leur étaient accordés par la loi. Ils exigeaient des usures criantes, et d'ailleurs ils avaient mis en usage une sorte de contrat par lequel l'emprunteur engageait ses biens fonds, ou en tout ou en partie, pour sûreté de l'argent qu'il recevait sous cette clause rigoureuse que faute par lui de payer au terme préfix, les biens engagés passaient au pouvoir du créancier. Constantin mit ordre à ce double abus autant que les circonstances le permettaient. Il ne crut pas sans doute possible d'interdire absolument l'usure autorisée de tout temps par les lois de l'état. Mais il rappela et rétablit l'ancien taux, qui fixait les intérêts de l'argent prêté à douze pour cent. Quant à ce qui regarde les engagements des biens fonds pour sûreté de la dette, il abolit entièrement les contrats iniques, qui tendaient à faire passer tous les fonds en un petit nombre de mains ; et il ordonna que malgré l'expiration du terme fatal le débiteur serait toujours en droit de revendiquer son gage en représentant la somme qu'il avait reçue. Cette nature de règlements, en soulageant les particuliers, faisait aussi l'avantage de l'état, qui ne peut manquer de souffrir dans la répartition trop inégale des biens entre les citoyens. Il est de l'intérêt public que les petits ne soient pas entièrement dépouillés. C'est sur eux que roulent tous les travaux les plus nécessaires à la société ; et ils ne peuvent pas y suffire s'ils sont réduits à la misère. Sous ce point de vue nuls citoyens ne méritent mieux d'être ménagés que ceux qui s'occupent de la culture des terres. Aussi Constantin témoigne-t-il dans différentes lois une grande attention à empêcher l'interruption de leurs travaux. Il défend de saisir, même pour deniers impériaux, les bœufs du labourage et les esclaves de charrue. Il défend pareillement à ceux qui voyageaient par autorité publique, de prendre ces mêmes bœufs pour le service de leurs voitures, et il veut qu'ils y emploient uniquement ceux des messageries. Enfin, si l'on impose des corvées aux habitants de la campagne, il excepte les temps des semailles et de la récolte, pendant lesquels il entend que l'on respecte des occupations si importantes au genre humain. Tous ceux dont les personnes ou les causes sont favorables suivant les principes de l'équité naturelle, éprouvent les attentions bienfaisantes de Constantin dans les lois dont il est auteur. Ainsi par un nouveau règlement il augmente les ressources et les moyens de défense des mineurs contre les fraudes de leurs tuteurs. Par une autre loi il ordonne que les pupilles, les veuves, les infirmes, s'ils ont des procès, ne puissent être obligés de venir plaider devant le prince, mais qu'ils soient jugés sur les lieux ; et au contraire il leur accorde le droit, de porter leurs causes au pied du trône, s'ils craignent la puissance de leurs parties adverses dans la province où ils habitent. Lorsqu'il s'agit de nouvelles impositions, il veut que la répartition en soit faite dans chaque ville non par les premiers citoyens, mais par le magistrat de la province, de peur que le crédit des riches ne fasse tomber sur les faibles la plus grande partie du fardeau. Il n'est pas jusqu'aux esclaves que ne juge dignes de ses soins la bonté de Constantin. Dans les partages des terres, que suivait nécessairement le partage des esclaves, il défend de séparer les maris de leurs femmes, les pères et mères de leurs enfants ; et, si l'on a manqué à cette attention d'humanité, il charge l'officier public de remédier à ce désordre, et de réunir par l'habitation ce que des liens sacrés ont uni par le droit de la nature. Une loi très-importante, parce qu'elle regarde un objet infiniment touchant, est celle par laquelle il assure la vie aux enfants qui naissent de parents pauvres, et épargne un crime à leurs pères. On sait que les lois romaines donnaient aux pères le droit de vie et de mort sur leurs enfants, et souvent ce droit était impitoyablement exercé sur des enfants qui venaient de naître ; et leurs pères, hors d'état de les nourrir, avaient la barbarie de les tuer. Constantin, pour prévenir ces parricides, pour conserver des citoyens à l'état, ordonne au préfet du prétoire, dès qu'on lui aura présenté un enfant que son père ne peut point nourrir, de hâter le secours, parce que les besoins des premiers moments qui suivent la naissance ne souffrent point de délai ; de lui fournir sur-le-champ les aliments et tout ce qui lui est nécessaire ; et il affecte à cette dépense que la charité et la politique recommandent également, et le trésor impérial et son domaine particulier. Constantin signale aussi dans diverses lois son zèle à protéger la liberté des citoyens. Non seulement il rétablit dans la jouissance d'un droit si précieux ceux qui l'avaient perdu sous la tyrannie de Maxence — on pourrait croire que son intérêt propre avait autant de part à cette disposition que l'équité — ; mais dans des lois postérieures il procure tontes les facilités imaginables à tous ceux qui sont réduits injustement en servitude pour revendiquer la liberté qui leur appartenait par le droit de la naissance. Il ne veut pas que dans les causes de cette nature on puisse opposer la prescription même de soixante ans. Ce prince, qui respectait et pratiquait les règles de la chasteté dans sa conduite personnelle, ne pouvait manquer 'de manifester dans les lois qu'il a portées, son zèle pour cette vertu, et d'employer son autorité pour empêcher les désordres contraires. Nous avons déjà observé qu'en accordant grâce, l'an de J.-C. 322, à tous les criminels, il excepte les adultères, qu'il met de niveau dans sa loi avec les meurtriers et les empoisonneurs. Il augmenta la peine du crime de rapt ; et il ne se contenta pas de soumettre le ravisseur au supplice le plus rigoureux : il y condamna pareillement la personne enlevée, si elle avait donné son consentement ; et, supposé que ce consentement ne fût pas prouvé, se persuadant néanmoins difficilement qu'elle puisse être absolument innocente, il la prive de la succession' de ses père et mère. Il étend la sévérité jusque sur les confidentes, sur les esclaves qui auront favorisé l'enlèvement, sur les parents même qui seraient négligents à en poursuivre la vengeance. Seulement il diversifie les peines selon le degré de la faute et la qualité des personnes. Il renouvela et aggrava l'ancienne et salutaire rigueur de l'arrêt du sénat rendu sous l'empereur Claude contre les femmes qui s'abandonnaient à des esclaves. Il établit la peine du bannissement[3] perpétuel et de la confiscation des biens contre le tuteur qui aurait corrompu une pupille confiée à ses soins. Il défendit qu'aucun homme marié osât entretenir une concubine. Il entreprit d'abolir le crime contre nature, souvent toléré par les plus sages de ses prédécesseurs ; et, s'il ne put réussir à en effacer tout vestige, au moins il en réprima la licence par l'atrocité du supplice. Sa vigilance se porta à tout ce qui peut intéresser la pudeur. Il ordonna que dans les prisons les différents sexes fussent séparés par la différence des logements et des quartiers. Il défendit que ta r. les femmes, pour cause de dettes, même publiques, pussent être tirées de leurs maisons, qui sont comme un sanctuaire où la modestie de leur sexe leur apprend à se renfermer ; et il décerna la peine de mort contre les juges qui ordonneraient et feraient exécuter une pareille violence. Dans toutes ces différentes lois, si pleines de sagesse, d'équité, de zèle pour la justice et pour la pureté des mœurs, il est aisé de sentir une impression de l'esprit du christianisme, dont Constantin faisait profession lorsqu'il les porta. D'autres lois du même prince ont un rapport plus direct et plus immédiat à la religion : et je dois en rendre compte au lecteur, après néanmoins que j'aurai dit un mot de celles qui regardent les gens de guerre et les gens de lettres. On sait combien l'affection des troupes était nécessaire aux empereurs romains, dont le pouvoir tout militaire se soutenait plus par les armes que par les lois. Il est remarquable que, dans ce grand nombre de guerres civiles que Constantin eut à soutenir ou à entreprendre, il ne se soit élevé dans ses armées aucune sédition, aucune révolte, excepté celle qu'excita Maximien Hercule, son beau-père, en son absence, et qui fut calmée dès qu'il parut. Il fut redevable de la tranquillité dont il jouit à cet égard, premièrement à ses grandes qualités, qui lui attirèrent l'estime et l'admiration des officiers et des soldats, et de plus It la conduite qu'il tint par rapport à eux, mêlée d'indulgence et de fermeté. On voit par plusieurs lois du Code théodosien[4], qu'il fut très-attentif à conserver et même à étendre les privilèges des vétérans, à leur assurer des établissements, à leur accorder bien des grâces et des immunités, soit qu'ils s'adonnassent à l'agriculture ou au commerce. Mais on n'y voit aucune trace de basse complaisance, ni de flatterie, telle que, l'avaient pratiquée quelques-uns de ses prédécesseurs, qui se rendant odieux aux peuples par un gouvernement tyrannique, mettaient toute leur ressource dans les gens de guerre. Les fils des vétérans jouissaient des mêmes privilèges que leurs pères, mais pourvu qu'ils fissent la même profession. Souvent ils auraient bien voulu, en s'épargnant les fatigues militaires, retenir les prérogatives de cet état. Constantin veille dans plusieurs lois à empêcher un abus, qui en augmentant le nombre des privilèges allait à la foule des peuples. Il veut que les fils des vétérans, qui parvenus à l'âge de seize ans n'auront pas embrassé le parti des armes, soient compris dans les rôles des contribuables, et qu'ils partagent les fardeaux publics avec leurs concitoyens. Ce prince, dans une autre loi, prive les officiers de guerre d'un avantage qu'ils se procuraient contre les règlements, et qui tournait à la charge des provinces. Au lieu de recevoir leurs étapes en nature, ils les demandaient en argent : d'où il résultait un double inconvénient. Il fallait imposer une taxe pécuniaire sur les peuples : et d'ailleurs les provisions restant dans les magasins s'y gâtaient, et, pour les renouveler, on exigeait une seconde fois ce qui avait déjà été fourni. Constantin défend absolument de payer aux officiers les étapes en argent : et ce qu'ils auront laissé dans les magasins, il l'adjuge au profit du fisc. On peut juger de la sévérité avec laquelle ce prince maintenait la discipline militaire dans ses armées, par une loi concernant les congés donnés aux soldats qui gardaient les frontières de l'empire. Cette loi condamne à la mort l'officier qui aura accordé le congé, si dans le temps il s'est fait quelque mouvement de la part des Barbares ; ou au bannissement perpétuel, dans le cas même que la tranquillité de la frontière n'aura été troublée par aucune incursion. Il fit plusieurs changements dans la milice, dont je n'entreprendrai point de donner ici le détail, parce qu'ils sont liés avec l'histoire des temps postérieurs, qui n'est pas de mon plan. Mais je ne puis me dispenser d'observer l'attention qu'il eut d'affaiblir l'autorité de la charge de préfet du prétoire, qui avait été si souvent funeste aux empereurs. Les préfets du prétoire étaient, comme je l'ai fait remarquer en d'autres occasions, les lieutenants du souverain dans le civil comme dans le militaire ; et se trouvant si près du trône, c'était pour eux et une amorce séduisante et une très-grande facilité pour passer du second rang au premier, auquel ils touchaient déjà. Constantin employa deux moyens pour diminuer le crédit de ces officiers redoutables : il en augmenta le nombre, et il resserra l'étendue de leur pouvoir. Le préfet du prétoire, dans l'origine, était unique. Dans la suite l'usage s'était introduit d'en créer deux assez communément, et nous avons vu Commode en établir trois ; mais c'était une singularité qui ne tira pas à conséquence. Constantin en porta le nombre à quatre : et au lieu qu'anciennement ces officiers, lors même qu'ils étaient plusieurs, exerçaient l'autorité de leur charge en commun et par indivis sur tout l'empire, il leur assigna quatre départements ou diocèses différents : les Gaules, sous lesquelles étaient comprises l'Espagne et la Grande-Bretagne ; l'Italie avec l'Afrique et les îles intermédiaires ; l'Illyrie, prise dans toute son étendue que nous avons plus d'une fois marquée ; et enfin l'Orient qui embrassait l'Asie mineure, la Syrie et l'Égypte. Cet arrangement était une nouveauté : mais en l'établissant, Constantin avait néanmoins l'avantage de pouvoir s'autoriser de ce qui s'était pratiqué avant lui. Sous Dioclétien, l'empire avait été gouverné par quatre princes, qui avaient chacun leur préfet du prétoire : et nous voyons dès le temps de Valérien un Carus, préfet de l'Illyrie et des Gaules, et par conséquent attaché à un département particulier. Constantin démembra encore d'une autre façon une charge qui lui était justement suspecte, et il la priva du pouvoir sur les troupes, ne lui laissant que le soin général de la justice et des finances. Par ce changement il la dénatura. Elle était toute militaire dans son établissement, et il la rendit purement civile. Pour la remplacer dans le commandement des armes, il créa les maîtres de la milice, qui n'avaient aucune autorité dans le civil. Ainsi la plénitude de la puissance ne se trouva plus réunie que dans, la personne du souverain, et il n'y eut plus d'officier qui le représentât complètement. Zosime blâme aigrement cette réforme, comme contraire au bien du service dans le maintien de la discipline et dans les opérations de la guerre. Mais les exemples de tant de révoltes, de tant d'empereurs détrônés, paraissent justifier suffisamment les précautions que Constantin se crut obligé de prendre. Le même écrivain lui reproche d'avoir retiré les troupes des châteaux qui gardaient les frontières, pour les loger dans les villes qui n'en avaient nul besoin, et d'avoir par cette mauvaise politique ouvert l'entrée de l'empire aux Barbares. Si le fait était avéré, il serait peut-être difficile d'y trouver une excuse légitime. Mais Zosime montre une haine si envenimée contre un prince à qui il ne peut pardonner la destruction de l'idolâtrie, qu'il mérite peu d'être cru dans le mai qu'il dit de lui. Constantin, ainsi que tous les grands princes de tous les âges et de tous les pays, aima et favorisa les lettres. Il les cultivait lui-même, et il s'occupait volontiers, dit un auteur du temps, à lire, à écrire, à méditer. Eusèbe nous a conservé plusieurs monuments de l'esprit et du savoir de ce prince, lettres, ordonnances, discours, qui tous roulent sur la religion ou sur des matières qui s'y rapportent. Constantin dressait lui-même, suivant le témoignage de cet historien, ses édits et ses lettres les plus importantes. Il composait lui-même ses harangues ; il les écrivait en latin, dont l'usage lui était plus familier : et des interprètes les traduisaient en grec. Connaissant par sa propre expérience quels avantages un prince retire des belles connaissances, il eut grand soin d'en orner l'esprit de ses enfants. Il leur donna une éducation digne de leur naissance et du rang sublime auquel ils étaient destinés ; il leur choisit les maîtres les plus excellents dans tous les genres, et il était lui-même leur premier maître ; il les instruisit dans la piété chrétienne, dans la science du gouvernement, dans tous Les exercices militaires. Il prit soin de leur apprendre à goûter de bonne heure le plaisir de faire du bien, en employant leurs tendres mains, dès qu'ils surent écrire, à signer les brevets de récompenses et de gratifications : il voulut que ce riche fonds Mt relevé et assaisonné en eux par l'étude des lettres et de l'éloquence. Nous ne connaissons que deux des maîtres auxquels il confia l'instruction de leur enfance, et ce sont des noms qui font grand honneur au discernement de Constantin. Lactance, le plus bel esprit de son siècle, fut précepteur de Crispus César ; et Æmilius Arborius, célèbre professeur de rhétorique à Toulouse, fut mandé à Constantinople pour donner des leçons à l'un des trois princes[5], enfants de Fausta. Tout ce détail sur le goût personnel de Constantin pour les sciences et pour les beaux-arts, nous fait comprendre combien il se porta volontiers à les favoriser et les protéger comme législateur. Il prodigua les immunités et les privilèges aux médecins, et aux professeurs de grammaire et des autres parties de la littérature. Par différentes lois il les exempte, eux et leurs biens, de toute charge publique dans les villes où ils habitent, et il leur permet néanmoins d'en posséder les honneurs. Il les dispense du service militaire, et de la nécessité de loger dans les passages des troupes ; et il étend toutes ces exceptions à leurs femmes et à leurs enfants. Il défend qu'on les vexe par des chicanes odieuses, et si quelqu'un leur fait un mauvais procès, ou les maltraite en quelque façon que ce puisse être, il veut que l'injuste agresseur soit condamné à une amende de cent mille sesterces, dont il rend responsables les magistrats eux-mêmes s'ils négligent de l'imposer et de la faire payer. Telle est la protection qu'il croit devoir aux gens de lettres, afin qu'ils puissent librement vaquer à leurs études, et communiquer aux autres les connaissances qu'ils ont acquises. L'architecture est par elle-même un art tout-à-fait digne de l'estime et des bienfaits du souverain ; mais la construction de plusieurs basiliques sacrées, et surtout la fondation de Constantinople, rendait les architectes singulièrement précieux à Constantin. C'est sans doute sur ce motif qu'est fondée une de ses lois, par laquelle il invite les jeunes gens qui ont du génie et des lettres à étudier l'architecture, et les habiles dans cet art à l'enseigner publiquement ; accordant aux uns l'immunité de toutes charges personnelles, pour eux et pour leurs parents, et assignant aux autres un salaire convenable. Il nous reste maintenant à parler de la piété chrétienne de Constantin, dont nous avons déjà mis en Constantin. œuvre plusieurs traits à mesure que l'occasion s'en est présentée : mais c'est un objet assez important pour mériter un article séparé et étendu. J'observerai d'abord qu'il ne fut point de ceux qui rougissent de Jésus-Christ et de sa croix ; au contraire il en faisait toute sa gloire, et il professa hautement la foi qu'il avait dans le cœur. Il l'annonçait et par ses discours, et par ses actions, et par des monuments publics et multipliés. Il s'était fait représenter à l'entrée de son palais, ayant la croix au-dessus de sa tête, et à ses pieds le dragon infernal percé de coups et précipité dans les abîmes : et en général, de quelque manière que l'on exprimât sa ressemblance, soit en statue ou sur la toile, en grand ou en petit, il voulut qu'on lui donnât l'attitude d'un homme qui prie, les yeux élevés au ciel et les mains étendues. Il nous reste encore des médailles de Constantin, qui autorisent sur ce point le témoignage de l'histoire. Le respect de ce prince pour la croix du Sauveur le porta à abolir ce genre de supplice, qui de tout temps était usité chez les Romains et chez les Grecs, particulièrement contre les esclaves. Il ne voulut pas que l'instrument de notre salut fût déshonoré par un usage, non seulement profane, mais capable d'en inspirer de l'horreur. Il trouvait indécent et irréligieux de se servir de la croix pour la punition des plus vils criminels, pendant qu'il l'érigeait lui-même en trophée, et qu'il en faisait, le plus bel ornement de son diadème et de ses drapeaux militaires. Le texte de cette loi, si digne de la piété du premier empereur chrétien, ne nous a point été conservé : mais elle est attestée par un écrivain païen, et la pratique de tous les princes et de tous les peuples qui font profession du christianisme y est conforme. Par une conséquence du même sentiment religieux, Constantin interdit aussi l'usage de briser les jambes des criminels, sorte de supplice qui était assez souvent un accompagnement de celui de la croix, comme il parait par l'exemple des deux voleurs crucifiés avec Jésus-Christ. Il regarda comme un devoir de religion pour lui marquer l'attachement à faire respecter dans le visage humain ce rayon de beauté divine que la main du Créateur y a imprimé. On marquait sur le front avec un fer chaud ceux qui étaient condamnés aux mines ou à être enfermés avec les gladiateurs, afin que s'ils voulaient s'enfuir ils portassent partout la preuve écrite de leur état, et fussent partout reconnus. Constantin abolit cette coutume par une loi que nous avons, et il allègue lui-même la raison que j'ai énoncée. Mais il y ajoutait sans doute dans son esprit un autre motif, qui n'eût pas également frappé ses sujets, païens pour la plupart : il ne voulait point que l'on soumît à l'ignominie une partie du corps sur laquelle les chrétiens ont toujours été dans l'usage de recevoir et d'imprimer eux-mêmes le sceau de la croix. J'ai raconté avec quel éclat Constantin fit paraître sa vénération pour la croix dès qu'il en eut vu le symbole au ciel, et qu'en conséquence il se fut converti à la foi chrétienne. Mais quand ce gage sacré de la rédemption du genre humain eut été découvert en nature par la piété d'Hélène mère de l'empereur, ce fut alors qu'il déploya toute sa magnificence pour honorer les mystères de l'humiliation du Sauveur. Il avait pris la résolution d'élever un temple à Jésus-Christ sur le Calvaire ; et Hélène, pour seconder ce pieux dessein, se transporta à Jérusalem, et entreprit de découvrir le lieu du crucifiement, la croix sur laquelle Jésus-Christ avait souffert la mort et la caverne de son sépulcre. Cette recherche n'était pas aisée, parce qu'Adrien, près de deux cents ans auparavant, avait, comme je l'ai rapporté, pris plaisir à cacher et à profaner les lieux consacrés par les derniers mystères de Jésus-Christ. Il avait exhaussé par de grands amas de terre l'endroit de la caverne qui n'était pas loin de celui du crucifiement, et ayant ainsi formé une plate-forme qu'il pava de pierres, il y avait bâti un temple de Vénus et placé une statue de Jupiter au-dessus du sépulcre. Il fallut donc commencer par renverser tout cet édifice d'impiété, détruire le massif de pierres qui y avait servi de fondement, et creuser bien avant jusqu'à ce que l'on trouvât l'ancien sol. Après que l'on eut emporté une grande quantité de terres qui furent jetées au loin comme souillées et impures, aussi bien que Yeu matériaux et les décombres du bâtiment, enfin on découvrit la grotte sacrée dans laquelle avait reposé le corps du Seigneur, et d'où il était sorti triomphant ; et en poussant la fouille un peu plus avant on aperçut trois croix. Tout le monde sait — car nul événement n'est plus célèbre parmi les chrétiens[6] — par quels miracles Dieu distingua la croix de son fils de celles des deux voleurs crucifiés avec lui. La guérison d'une femme mourante, la résurrection d'un mort, opérées par l'attouchement de l'une des trois croix et refusées aux deux autres, manifestèrent quelle était celle sur laquelle s'était accompli le salut du genre humain. La pieuse impératrice, qui avait présidé à tout le travail, fat transportée de joie lorsqu'elle se vit en possession d'un trésor qu'elle préférait à toutes les richesses de l'empire. Elle fit couper là croix sacrée en deux parties, dont elle laissa la plus grande à Macaire évoque de Jérusalem, après l'avoir enfermée dans une châsse d'argent, et elle envoya l'autre à sou fils, comme un présent d'un prix inestimable. L'empereur en jugea ainsi, et il voulut faire de ce gage si cher à sa piété la sauvegarde de sa ville impériale et de son palais. Il commença peu après à bâtir Constantinople ; et lorsque les édifices furent en état, le bois sacré ayant été scié par son ordre en deux portions, il déposa la plus considérable dans son trésor, où elle fut conservée religieusement par ses successeurs, et il enferma l'autre dans sa statue qui occupait le milieu de la grande place de la nouvelle ville. Il fit un usage semblable des doux teints du sang adorable de Jésus-Christ qui avaient été trouvés avec la croix et qu'Hélène lui avait transmis. Il les inséra partie dans son casque, partie dans la bride de son cheval de guerre, afin qu'ils lui servissent de défense et de protection dans les hasards des combats. Aussitôt que le saint sépulcre eut été découvert, Constantin se mit en devoir d'accomplir ce qu'il avait projette, et il donna ses ordres pour la construction d'une basilique digne, s'il était possible, de la sainteté des lieux et de sa magnificence. Il écrivit aux grands officiers de la province pour leur commander d'assembler les matériaux les plus précieux et des ouvriers pour les mettre en œuvre. Il donna l'intendance de tout l'ouvrage à Macaire évêque de Jérusalem, et nous avons la lettre qu'il lui adressa à ce sujet. Cette lettre est remplie de l'esprit de religion et de foi. L'empereur y témoigne d'abord son admiration sur l'économie de la divine providence, qui avait tenu cachés et ensevelis sous terre pendant près de deux siècles les monuments sacrés des souffrances et de la résurrection du Sauveur, et qui les mettait en évidence et en gloire dans le temps que le règne du démon se détruisait. En effet, si ces sacrés monuments avaient été en vue et à portée de la main des hommes durant les persécutions violentes que l'Église a souffertes, il n'est pas douteux que la fureur des ennemis du christianisme les aurait anéantis, comme elle s'efforça d'abolir les livres saints. Mais ils avaient été mis en sûreté précisément par les soins que l'impiété avait pris pour en effacer absolument le souvenir et la connaissance ; et ils reparaissaient au moment où la dévotion des fidèles, appuyée de la puissance séculière, pouvait les vénérer avec une entière liberté. Constantin continue, et il marque le fruit que l'on doit tirer de ce bienfait du ciel : Mon premier et mon unique vœu, dit-il, a toujours été que de même que la preuve de la vérité se manifeste de jour en jour par de nouvelles merveilles, ainsi nos âmes s'embrasent toutes d'un nouveau zèle pour la loi divine, et qu'elles en expriment de plus en plus en elles-mêmes la sainteté par une parfaite pureté des mœurs et par le concert d'une charité unanime. Il explique ensuite ses intentions sur le temple qu'il veut construire, et dont il prétend que la magnificence surpasse tout ce qui se voit de plus beau et de plus riche en quelque ville que ce puisse être ; et il ordonne à Macaire de choisir lui-même tout ce qu'il connaîtra de plus éclatant et de plus parfait en matériaux, promettant de les lui faire fournir à sa volonté. L'effet suivit des ordres si précis. Une grande et vaste basilique fut élevée, tout incrustée de marbres, tonte brillante de dorures ; elle embrassait dans son étendue et le lieu du sépulcre qui fut orné et embelli singulièrement, et le lieu du crucifiement. C'est pourquoi elle se trouve appelée le Martyre, l'Église du Calvaire, l'Anastasie ou Église de la Résurrection, et l'Église de la Croix. Tous ces objets étaient réunis dans une même enceinte, ayant pourtant chacun leur sanctuaire particulier. La construction d'un tel édifice était une dépense qui ne convenait qu'à l'empereur. Sainte Hélène voulut aussi satisfaire sa piété par des monuments proportionnés à son état, mais non moins religieux ; elle détruisit à Bethléem le temple d'Adonis par lequel Adrien avait profané le lieu où Jésus-Christ a pris naissance, et elle y éleva une église consacrée au fils de Dieu incarné ; elle en bâtit pareillement une sur la montagne des Oliviers, à l'endroit où le Sauveur a terminé son séjour sur la terre par son ascension glorieuse : dans ces deux ouvrages elle fut aidée des libéralités de son fils, mais ce fut elle qui eut la première part au dessein et à l'exécution. Elle honorait ainsi Jésus-Christ en impératrice. Mais elle savait bien que ces pieuses magnificences, quoique très-conformes à l'esprit de la religion, n'en sont pas néanmoins la partie la plus essentielle, et que les bonnes œuvres envers les temples vivants du Dieu de miséricorde sont infiniment plus agréables à ses yeux que la construction des temples matériels élevés à sa gloire ; elle soulageait par d'abondantes largesses les pauvres, les orphelins et les veuves ; elle avait une tendresse particulière pour les vierges consacrées à Dieu ; et l'on rapporte qu'un jour ayant rassemblé toutes celles de Jérusalem, elle leur donna un repas dans lequel elle voulut les servir elle-même ; elle aimait la simplicité, et dans les prières communes elle se confondait avec les autres femmes sans prendre de place distinguée ; elle visita les principales églises de l'Orient, et partout elle laissa des preuves de sa libéralité chrétienne et religieuse ; elle pouvait suffire à toutes ces dépenses que sa charité lui prescrivait, parce que l'empereur son fils avait assez de confiance en elle pour lui permettre de tirer du trésor impérial toutes les sommes dont elles croyait avoir besoin. Elle ne survécut pas longtemps à son voyage de Jérusalem, que l'ardeur de son zèle lui avait fait entreprendre malgré le poids des années ; car elle était dans une grande vieillesse lorsqu'elle visita les saints lieux, puisqu'elle mourut peu après âgée de quatre-vingts ans. Sa vie avait été constamment heureuse, au moins depuis l'élévation de son fils sur le trône des Césars. Elle vit ce fils unique réunir sous sa puissance toute l'étendue de la domination romaine, et trois petits-fils semblaient lui promettre que l'empire se perpétuerait dans sa postérité : ajoutez une santé ferme, et la vigueur de l'esprit conservée pleinement dans un âge fort avancé. Tant de prospérités ne furent pas pour elle, comme il est trop ordinaire, une séduction, mais l'aliment de sa reconnaissance et de sa piété envers Dieu. Elle avait été longtemps engagée dans la superstition de l'idolâtrie, et ce fut la conversion de son fils dont Dieu se servit pour l'amener elle-même au christianisme. Elle l'embrassa avec un cœur sincère et un esprit éclairé ; et comblée de mérites devant Dieu et devant les hommes, elle mourut entre les bras de son fils, qui lui rendit dans ses derniers moments tous les devoirs de la piété filiale, comme il s'en était toujours jusque là fidèlement acquitté. La tendresse et le respect de Constantin pour une si digne mère est sans doute un des beaux endroits de la vie de ce prince. Hélène fut recommandable par sa prudence et par l'habileté de sa conduite. C'est ce qui parait par l'autorité qu'elle conserva toujours sur son fils ; et l'attention qu'elle eut à tenir bas les frères de Constantin en est encore une preuve. Ils étaient trois, Jule Constance, Dalmate et Annibalien, et ils avaient sur leur frère aîné, comme je l'ai remarqué ailleurs, l'avantage de la noblesse du côté de leur mère, qui était belle-fille de Maximien Hercule. D'ailleurs il était sans exemple que des fils d'empereurs fussent restés dans la condition privée. Ils n'avaient pourtant pas un droit acquis à l'empire, puisqu'il était électif ; et le bas âge où leur père les laissa en mourant, l'inconvénient de partager le domaine de Constance Chlore qui ne faisait déjà que la quatrième partie de l'empire romain, c'étaient là des raisons légitimes pour réunir toute la succession paternelle sur la tête du seul Constantin qui se trouvait en état de la défendre contre l'avidité et l'injustice de Galérius. Il ne paraît point qu'Hélène ait pu avoir aucune part à ce premier arrangement, puisqu'elle ne devait point être à la cour de Constance Chlore qui l'avait répudiée ; mais elle sut le maintenir par des précautions de prudence. Craignant que les jeunes princes, ou par eux-mêmes, ou par de mauvais conseils, ne se portassent à des intrigues contraires à leur devoir et à la tranquillité de l'état, elle les tint toujours éloignés de la cour et des emplois, tantôt à Toulouse, tantôt en quelque autre ville, et enfin à Corinthe, où elle fixa leur séjour. Julien l'Apostat, fils de Jule Constance, taxe cette conduite de ruse artificieuse d'une belle-mère. M. de Tillemont n'y voit qu'une sage politique, en supposant, comme il est vrai, que le droit d'hérédité dans les fils d'empereur n'avait de force qu'autant qu'il était reconnu et appuyé des suffrages du sénat et des armées. Après la mort d'Hélène, Constantin éleva ses frères et leurs enfants en dignité. Il en décora deux du consulat[7]. Il renouvela pour Dalmace le titre de censeur, qui n'avait point été en usage depuis Valérien et dont il n'est plus fait aucune mention après Dalmace. Il créa pour Jule Constance la dignité de patrice, qui était un simple titre d'honneur, mais qui donnait rang au-dessus des préfets du prétoire et immédiatement après les consuls. Il établit en faveur du même Jule Constance et d'Annibalien le titre de nobilissime, qui emportait le droit d'user de la robe de pourpre brodée d'or. Enfin Dalmace son frère étant mort avant lui et ayant laissé deux fils, Dalmace et Annibalien, Constantin donna à ses deux neveux part dans sa succession. Il fit l'aîné César, en lui assignant pour département la Thrace, la Macédoine, et la Grèce que l'on appelait alors Achaïe ; et il nomma l'autre roi de Pont, de Cappadoce et de la petite Arménie. L'événement fit voir que la sévérité d'Hélène était plus avantageuse à ces princes eux-mêmes que l'indulgence de Constantin. En les élevant il donna de l'ombrage à ses fils, qui ne se virent pas plus tôt maîtres de l'empire par la mort de leur père, qu'ils firent massacrer leurs oncles et leurs cousins[8]. L'histoire ne marque point quel fut le lieu de la mort d'Hélène, mais seulement celui de sa sépulture. Constantin fit porter son corps à Rome dans le tombeau des empereurs. Il témoigna un zèle vif pour conserver et faire passer aux âges futurs le nom de sa mère. Il érigea en ville la bourgade de Drépane en Bithynie, où il paraît qu'elle était née, et il en changea l'ancien nom en celui d'Hélénopolis. Il donna le même nom à une autre ville dans la Palestine. Il sépara du royaume de Pont une petite province qu'il nomma Hélénopont. L'Église a accordé à cette pieuse princesse des honneurs plus précieux et plus durables, par le culte qu'elle lui rend clans son office public. M. de Tillemont place la mort de sainte Hélène sous l'an 328, et en 326 son voyage à Jérusalem, et par conséquent la découverte du saint sépulcre et de la croix du Sauveur. Outre la basilique de la Résurrection à Jérusalem et les églises de sa nouvelle ville de Constantinople, le pieux empereur en édifia encore plusieurs autres, comme à Nicomédie, à Antioche et ailleurs. Mais celle de Mambré exige une attention particulière par la singularité des circonstances. La vallée de Mambré est célèbre dans la Genèse par la résidence qu'y fit longtemps Abraham, et par l'apparition des anges qui lui annoncèrent un fils. Comme le nom d'Abraham était grand dans tout l'Orient, le lieu qui rappelait sa mémoire attirait un très-grand concours, non seulement de juifs et de chrétiens, mais de gentils ; et ceux-ci l'avaient même profané, en prétendant l'honorer par un autel consacré aux faux dieux et par des sacrifices idolâtriques qu'es étaient dans l'usage d'y offrir. Constantin fut averti de ce désordre par Entropie sa belle-mère, veuve de Maximien Hercule, qui devenue chrétienne, et voyageant dans la Palestine par dévotion ce prince pour les saints lieux, avait été blessée de ce qu'elle avait vu à Mambré. Constantin ne fut pas moins sensible à la profanation d'un lieu si respectable. II en écrivit à Macaire de Jérusalem et à Eusèbe de, Césarée, leur faisant avec douceur des reproches sur leur indifférence pour un objet qui touchait à la religion, et il leur ordonna de bâtir une église chrétienne à Mambré : ce qui fut exécuté. Le zèle vif et tendre de Constantin pour le culte de Dieu le portait par une suite naturelle à honorer les personnes consacrées au saint ministère. Il appelait les évêques ses frères ; il les faisait manger avec lui ; au lieu de concevoir du mépris pour l'air simple et souvent pauvre que plusieurs conservaient encore, c'était précisément ce qui les lui rendait plus respectables : ceux d'entre eux qui avaient souffert des traitements rigoureux dans les dernières persécutions, et qui portaient sur leurs corps les marques glorieuses de la confession du nom de Jésus-Christ, attiraient singulièrement sa vénération ; il baisait les cicatrices de leurs plaies sacrées, qu'il regardait comme des sources de bénédictions. C'est ce que l'on rapporte en particulier de saint Paphnuce, évêque dans la Thébaïde, qui avait eu l'œil droit crevé dans la persécution de Maximin. Rien n'est plus sage ni plus respectueux pour l'épiscopat que l'usage que fit ce prince des mémoires qui lui avaient été présentés par des évêques contre quelques-uns de leurs confrères. C'était à l'ouverture du concile de Nicée que certains prélats, fauteurs secrets de l'impiété d'Arius, voyant que leur doctrine allait être anathématisée dans cette sainte assemblée, cherchèrent à y porter le trouble, et à faire diversion par des délations et des querelles personnelles dont ils voulaient que l'empereur se rendît le juge. Constantin reçut leurs mémoires, en fit une liasse et les brûla sans les avoir lus : après quoi étant entré au concile, il invita les Pères assemblés à la concorde ; il déclara que c'était à Dieu et non à un homme mortel à les juger, et il ajouta que l'on ne devait point faire éclater dans le public les fautes des évêques, s'ils en commettaient quelqu'une, de peur que leur exemple semblât autoriser le simple peuple à pécher ; que pour lui, s'il était témoin de quelque scandale donné par un évêque, il le couvrirait de son manteau, pour en dérober, s'il était possible, la connaissance à tout le monde. A ces témoignages de déférence et de respect pour
protection la religion et pour ses ministres, Constantin joignit une
protection réelle, dont l'Église chrétienne n'eut de son temps que trop de
besoin, non seulement contre les ennemis du dehors, mais par rapport aux
divisions qui la déchirèrent au dedans. Ces divisions n'ébranlèrent point la
fermeté de sa foi, mais elles lui causèrent une vive douleur. Il est bien triste, disait-il, que ceux qui devraient observer entre eux une charité
fraternelle, se fassent une guerre honteuse et même impie, et que par leurs
haines scandaleuses ils fournissent aux incrédules une occasion de risée et
d'insulte. C'est ainsi qu'il s'exprimait au sujet du schisme des
donatistes, peur l'extinction duquel il convoqua deux conciles, l'un à Rome
en 312, l'autre très-nombreux à Arles en 3i4, dans un temps où la guerre
contre Licinius semblait lui 'devoir causer d'autres inquiétudes. L'hérésie d'Arius excita de bien plus violentes tempêtes, et ce fut dans la vue de les calmer que Constantin assembla le concile de Nicée. Il y remplit parfaitement les fonctions du titre qu'il s'attribuait lui-même d'évêque du dehors. Persuadé qu'il devait faire servir sa puissance à la gloire de celui de qui il l'avait reçue, mais la renfermant dans ses justes limites, il assista au concile en personne, il y protégea la liberté des suffrages, il en fit exécuter les décrets, et il y fut inviolablement attaché toute sa vie. Heureux s'il eût pu aussi bien se tenir en garde contre les flatteries des évêques ariens que contre leurs erreurs. Séduit par sa facilité et par sa bonté, il tomba dans leurs pièges ; et par une inconséquence des plus étranges, il donna sa confiance à des hommes qui avaient dans le cœur le dessein de détruire la foi qu'il professait, et il devint le persécuteur de ceux qui tenaient la même foi que lui. J'indique seulement ces grands faits, dont les suites s'étendent fort au-delà des bornes que je me suis prescrites, et je n'en prends que ce qui est propre à donner une idée de la conduite de Constantin par rapport aux affaires de l'Église. Il combla les ecclésiastiques de privilèges et de faveurs. Il les exempta de toutes ces fonctions civiles qui étaient, comme je l'ai remarqué ailleurs, si onéreuses ; et il allègue la raison de la grâce qu'il leur accorde. C'est, dit-il, afin que rien ne les détourne du culte divin auquel ils sont consacrés. Il exerçait à leur égard de grandes libéralités, non seulement passagères, mais d'une façon stable et perpétuelle : il leur donna des biens fonds. Toutes les églises recevaient chaque année par ion ordre une certaine quantité de blés et d'autres vivres, qui devait être fort abondante, puisque réduite au tiers, comme elle l'était du temps que Théodoret écrivait, elle est encore représentée par cet historien comme considérable. Il permit et valida par une loi expresse les donations testamentaires faites aux églises, et il gratifia toutes leurs possessions d'une immunité qui a reçu diverses atteintes sous ses successeurs, moins zélés que lui peut-être ou plus frappés des dommages que l'état en pouvait souffrir. Constantin, ne croyant pas pouvoir assez honorer l'épiscopat, communiqua même aux évêques une partie de la puissance civile, et il les érigea en quelque façon en magistrats. Ainsi il publia trois lois, dont deux nous restent, l'une adressée à Protogène évêque de Sardique, l'autre au grand Osius de Cordoue, par lesquelles il donna aux évêques le droit d'attester et d'autoriser les affranchissements qui se feraient dans l'Église en leur présence, sans qu'il fut besoin que le magistrat civil y intervînt ; et il voulut que ces sortes d'affranchissements eussent la vertu des affranchissements les plus solennels, et opérassent en faveur de l'esclave affranchi une pleine et entière liberté qui emportait la qualité de citoyen romain. Bien plus il constitua les évêques juges de toutes les affaires que les parties plaidantes voudraient porter devant eux, en déclinant les tribunaux séculiers ; et il ordonna que les jugements qu'ils rendraient fussent sans appel, comme s'ils étaient émanés de l'empereur lui-même, et que pour l'exécution, les magistrats et leurs officiers fussent obligés d'y tenir la main. Voilà ce que rapporte Sozomène ; et c'en serait déjà beaucoup, quand même nous nous en tiendrions à son récit. Mais si nous recourons au texte de la loi même, telle qu'elle se trouve à la fin du Code théodosien[9], nous serons étonnés de voir que l'historien n'a pas tout dit. Cette loi permet à l'un des plaideurs de traduire l'autre, même malgré lui, au tribunal de l'évêque ; et cela en quelque état que soit l'affaire, et dans le cas même où elle serait déjà liée et instruite devant le tribunal ordinaire : elle veut qu'un évêque soit cru en justice sur son seul témoignage, et défend d'écouter aucun témoin qui voulût le contredire : privilège inouï et sans exemple. Jacques Godefroi, frappé de ces difficultés et de quelques autres, suspecte la légitimité de la loi, et il l'argue ouvertement de faux. M. de Tillemont la soutient et la croit vraie. Ce n'est pas à moi à entrer dans une pareille discussion. Mais si cette loi a été donnée par Constantin telle que nous l'avons, on ne peut se dispenser d'y reconnaître un zèle bien vif, auquel l'événement n'a pas répondu, et dont il a été nécessaire de restreindre les effets. Constantin témoigna sa piété par d'autres lois, qui sont louables sans exception et sans réserve. Telle est celle par laquelle il ordonna dans tout l'empire la célébration du dimanche, avec cessation de toute affaire publique et particulière, des travaux manuels, des jugements dans les tribunaux. Il excepta seulement les ouvrages nécessaires de la campagne, soit pour les semailles, soit pour les récoltes ; et par une autre loi qui suivit de près la première, il ajouta une nouvelle exception en faveur des actes de juridiction gracieuse, comme les émancipations et les affranchissements. Il est remarquable que dans ces deux lois Constantin n'emploie point le terme de jour du Seigneur, mais celui de jour du Soleil. Cette dernière dénomination était autorisée par l'usage ; et d'ailleurs comme les lois dont il s'agit s'adressaient à tous' indistinctement, païens aussi bien que chrétiens, il fallait parler un langage intelligible pour tous. Je soupçonne même en cela une attention de prudence. Le prince ménageait les esprits de ceux qui demeuraient encore attachés à l'ancienne superstition ; et c'est aussi sans doute par ce motif que, traitant de vénérable le jour qu'il ordonnait de fêter, il garde le silence sur les raisons de la vénération. Une loi bien digne encore d'un empereur chrétien, est celle par laquelle il exempta le célibat des peines auxquelles il avait été soumis par des princes qui ne le regardaient que comme un obstacle à la multiplication de leurs sujets, et qui, vu les mœurs de leur temps, pouvaient même le juger plutôt une occasion de licence qu'une pratique de vertu. Constantin savait par quels principes se conduisaient ceux des chrétiens qui s'abstenaient du mariage ; et toujours amateur et observateur de la chasteté, il n'avait garde de souffrir que l'héroïsme de cette vertu, c'est-à-dire la continence, privât ceux qui s'y dévouaient des avantages accordés par les lois aux autres citoyens. Il rendit donc les célibataires, contre la rigueur de l'ancien droit, habiles à recevoir tout ce qui leur serait laissé par testament. Il fit cesser l'injustice à leur égard, sans ôter néanmoins aux pères de plusieurs enfants les privilèges qui étaient de pure faveur. Les instructions salutaires du christianisme lui ouvrirent pareillement les yeux sur l'abus sanguinaire et inhumain des combats de gladiateurs. Les sages entre les païens en avaient senti toute l'horreur. Quelle honte ! s'écrie Sénèque[10]. La nature et la vie de l'homme sont quelque chose de sacré, et on le tue par forme de jeu, et pour l'amusement de ses semblables. Marc Aurèle avait apporté à ces cruels plaisirs quelques tempéraments qui en adoucissaient la barbarie ; mais il était réservé à la religion du sauveur des hommes d'abolir des jeux si contraires à l'humanité. Constantin eut le premier la gloire de les prohiber, et il ordonna que les criminels qu'il était d'usage de condamner au métier de gladiateur, fussent dorénavant envoyés aux mines. Toute sa puissance néanmoins ne suffit pas pour détruire tout d'un coup un désordre trop enraciné. Les combats de gladiateurs subsistèrent encore quatre-vingts ans après lui, jusqu'à ce qu'Honorius réussit enfin à extirper sans retour ce brutal et féroce divertissement. Constantin, quoique plein de zèle pour tout ce qui intéressait la sainte religion qu'il professait, savait cependant garder des ménagements avec des préjugés trop anciens pour céder sans peine la place à une réforme, et il évitait de gâter par indiscrétion ce qui avait besoin d'être mené avec douceur. J'ai déjà remarqué le nom de jour du Soleil conservé dans la loi par laquelle il ordonna la célébration du dimanche. Il usa d'une semblable réserve dans les deux lois que j'ai rapportées ensuite. Le vrai motif de celle qu'il donna en faveur des célibataires était sans doute son respect pour la vertu dé continence. Il honorait singulièrement ceux qui s'étaient dévoués à la philosophie divine, suivant l'expression d'Eusèbe[11], c'est-à-dire ceux qui embrassaient la vie solitaire, dont le premier engagement était le renoncement au mariage. Il révérait les vierges consacrées à Dieu, comme les temples vivants de celui à qui seul elles réservaient tous les sentiments de leur cœur. C'est de quoi néanmoins la loi ne fait aucune mention, et Constantin n'y semble occupé que de la pensée de réparer une injustice. Il en est de même de la loi qui tend à abolir les gladiateurs. Des spectacles sanglants, dit l'empereur, ne conviennent pas à l'heureuse tranquillité de nos temps. Voilà une raison bonne à présenter à tous ; mais tous n'auraient pas été capables d'entrer dans celles qui se déduisent de la douceur du christianisme. Constantin poussa encore plus loin les ménagements de prudence ; et certains abus qu'il ne pouvait point espérer de détruire il se contenta de les restreindre. C'est ce que l'on a vu par rapport à l'usure. Il traita avec la même sagesse ce qui regarde les divorces, qui n'ont jamais été défendus que par la seule loi du christianisme. Vouloir soumettre les hommes sans préparation à une ordonnance si sévère, et qui avait effrayé les apôtres lorsque leur divin maître la proposa, t'eût été une entreprise capable de révolter tous les esprits ; mais la licence des divorces était portée chez les Romains depuis plusieurs siècles à un excès intolérable. Il y avait longtemps que Sénèque[12] s'était plaint de ce que les femmes comptaient leurs années, non par les consuls, mais par le nombre de leurs maris. Cette indécente multiplication de mariages différait peu de la débauche : elle troublait les familles et embarrassait les successions de mille difficultés. Ainsi l'on ne pouvait qu'approuver le zèle du prince qui se proposerait d'y mettre ordre ; et c'est ce que fit Constantin en diminuant le nombre des cas où le divorce serait permis, et en aggravant la peine des divorces injustes et sans cause. Par là il disposait de loin les choses à une réforme plus parfaite, et entièrement réglée sur les maximes de la sévérité évangélique. Peut- être porta-t-il trop loin la condescendance pour les païens, en n'abolissant point par rapport à lui l'usage des termes d'éternité, d'adoration, et autres semblables, que l'orgueil des princes idolâtres et la flatterie basse et impie des courtisans avaient introduits. On ne peut douter que ce langage profane ne lui déplut, et il ne l'employait point lui-même ; mais il souffrait que ceux aux préjugés desquels il s'assortissait, continuassent de s'en servir ; et sa piété devait l'engager à en témoigner de l'horreur, et à le proscrire. Ses successeurs ont été encore moins scrupuleux que lui sur cet article. Si Constantin toléra ces expressions païennes, ce n'est pas assurément qu'il manquât de zèle contre l'idolâtrie. Il lui porta des coups mortels, il s'efforça de la détruire ; et s'il laissa une partie de l'ouvrage à achever à ceux qui viendraient après lui, c'est qu'il n'était pas possible de faire en peu de temps un si grand changement dans l'univers. Il employa la voie d'exhortation. Nous avons un édit de ce prince, et composé par lui-même, qui contient une invitation à tous les peuples soumis à ses lois, de renoncer à leurs vieilles superstitions, et d'embrasser la vraie foi, à laquelle Dieu donnait actuellement un si grand éclat par la vengeance exercée sur les persécuteurs du christianisme, et par l'exaltation du prince qui s'en déclarait le protecteur. Du reste il laissa la liberté de conscience. Il témoigne désirer ardemment que tous embrassent la seule religion véritable ; mais il interdit la contrainte. Que chacun, dit-il, suive ce qu'il croit être la vérité, sans prétendre dominer sur les autres. Que celui qui est éclairé tâche, s'il est possible, de se rendre utile à son prochain en lui communiquant les mêmes lumières ; s'il ne peut y réussir, qu'il le laisse en paix. Cet édit parait donné peu après la ruine de Licinius et la réduction de tout l'empire sous l'obéissance de Constantin. Ce prince pratiqua constamment la maxime qu'il prescrivait aux autres. Il protégea sans doute les chrétiens contre la violence que les païens, dans les endroits oh ils étaient les plus forts ; voulaient quelquefois leur faire pour les obliger de prendre part à des cérémonies profanes ; mais je ne vois point qu'il ait jamais employé la force pour contraindre aucun païen d'embrasser le christianisme. Quant à ce qui regarde l'exercice de la superstition idolâtrique, des sacrifices, des divinations, il n'eut pas la même indulgence que pour les personnes. Il interdit d'abord tout acte de cette espèce qui se passe rait dans le secret, laissant pourtant subsister le culte public et les cérémonies qui s'exécutaient dans les temples et à la vue du soleil. C'est ce qui paraît par trois lois, datées des années 319 et 321. Il alla ensuite plus loin, et il défendit à tous ceux à qui il faisait part de son autorité, toute célébration de sacrifices. Il mettait des chrétiens en place, autant qu'il lui était possible ; mais comme la nécessité le forçait d'employer aussi des idolâtres, ce n'était que sous la condition expresse qu'ils s'abstiendraient de sacrifier, et cette défense s'étendait jusqu'aux préfets du prétoire. On ne peut pas douter qu'encouragé par les premiers succès, et acquérant plus d'autorité à mesure que s'étendait la durée de son règne, et que ses prospérités croissaient, il n'ait interdit en général les sacrifices des païens. Le témoignage d'Eusèbe, suivi de plusieurs autres, y est formel : et Constant, fils de Constantin, qui dans une loi assure la même chose, donne à ce fait une certitude au-dessus de toute critique. D'un autre côté, il n'est pas moins certain que dans Rome les sacrifices et les autres cérémonies idolâtriques y subsistèrent encore longtemps : et Libanius, déposant de ce qu'il a vu, atteste que dans tout l'empire les temples avaient été dépouillés par Constantin, mais non pas fermés ; que ce prince ne changea rien aux pratiques de l'ancienne religion de l'état ; et qu'à la magnificence près, qui n'y était plus, tout le culte public s'exécutait dans les temples à la façon accoutumée. Il est un moyen de concilier cette contradiction apparente. Constantin défendit les sacrifices : mais il ne tint pas la main avec sévérité à l'exécution de ses lois, qui exprimaient plutôt son vœu qu'une résolution ferme de se faire obéir. Il enleva des temples leurs statues, et il empêcha que l'on n'en fabriquât de nouvelles ; il en enleva les richesses, mais il laissa subsister les édifices ; il toléra l'exercice du culte, et la crainte des troubles et des émeutes populaires ne lui permit pas de lutter contre l'obstination de ceux qui s'endurcissaient dans leur aveuglement. Il s'abstint néanmoins avec scrupule de tout acte qui pourrait paraître autoriser l'idolâtrie, et il défendit que l'on plaçât ses images dans aucun lieu consacré aux fausses divinités. Il détruisit même certains temples fameux : mais ce furent surtout ceux dans lesquels la débauche se joignant à l'impiété, animait son zèle par un double aiguillon, et ôtait tout prétexte aux défenseurs du paganisme, s'ils conservaient encore quelque sentiment d'honneur et de raison. Tels étaient les temples d'Héliopolis et d'Aphaque, en Phénicie. Les habitants d'Héliopolis adoraient Vénus, et leurs mœurs étaient dignes du culte qu'ils rendaient à la déesse de l'impudicité. Toutes les femmes communes entre tous, la prostitution des jeunes filles aux étrangers qui passaient, et cela par principe de religion, voilà quelle était la loi du pays. Constantin détruisit le temple qu'il regardait comme la source de ces abominations. En la place du culte impur qu'il abolissait il établit celui du christianisme, en bâtissant une église et envoyant dans cette ville un évêque et un clergé, dont les instructions et les exemples pussent amener à la vertu une multitude nourrie dans l'école du vice. Mais une corruption invétérée ne se déracine pas aisément : elle résista aux efforts de Constantin ; et sous le règne de Julien l'Apostat, elle porta les habitants de cette ville criminelle à des excès horribles de cruauté et d'infamie contre les vierges chrétiennes. Dans Aphaque, le désordre régnait avec encore plus d'impudence qu'à Héliopolis. La situation du lieu, sur le mont Liban, loin du commerce et de la vue des hommes, favorisait la débauche et en bannissait toute retenue. Vénus y était honorée sous le beau nom d'Uranie ou Céleste, qui était fondé sur ce que l'on voyait, de temps en temps en cet endroit, des feux s'allumer en l'air et aller s'éteindre dans le fleuve Adonis, qui coulait à peu de distance. A ce prétendu prodige, qui ne consistait qu'en quelques feux follets, dont l'exemple n'est pas rare, Zosime en ajoute un autre plus capable d'étonner. Il dit que près du temple était tin lac, dans lequel on jetait les offrandes que l'on faisait à la déesse, en or, en argent, en étoffes précieuses ; et que ces offrandes, fussent-elles d'or, surnageaient si la déesse ne les agréait pas. Dans ce récit exagéré, et chargé sans doute de fausses circonstances, il est aisé de reconnaître une propriété naturelle d'une eau semblable à celle du lac Asphaltite, dont la pesanteur spécifique soutient ce qui s'enfonce dans l'eau commune. De telles merveilles, aidées de l'industrie des prêtres qui en faisaient leur profit, imposaient au vulgaire. Mais les chrétiens, quoique peu habiles alors en physique, savaient à quoi s'en tenir sur tout ce que l'on employait pour appuyer l'idolâtrie et la dépravation des mœurs. Constantin s'embarrassa peu de tous ces faux miracles, et il détruisit de fond en comble le temple et le culte qui s'en autorisaient. Les sages entre les païens rougissaient eux-mêmes de la honteuse dissolution qui se pratiquait dans les temples d'Héliopolis et d'Aphaque ; mais ils vantaient avec complaisance les cures miraculeuses qu'Esculape opérait dans son temple d'Èges, en Cilicie. Nous en avons parlé à l'occasion du séjour que fit en ce lieu Apollonius de Tyane. Constantin avait donc lieu de regarder le temple d'Èges, accrédité par mille fables, comme un des plus dangereux pièges du démon, et comme le plus ferme appui de l'idolâtrie dans toutes les contrées qui l'environnaient. Il l'abattit et le rasa sans en laisser de vestige : et Esculape, comme le dit assez agréablement Eusèbe, fut frappé pour cette fois d'un foudre plus redoutable que celui de Jupiter, qui lui ayant ôté la vie ne l'avait pas empêché de conserver la gloire et l'état de demi-dieu. Ces démolitions de temples fameux, et les enlèvements d'un grand nombre d'idoles des plus révérées, furent très-utiles à la propagation du christianisme, en détrompant les peuples des fausses idées qu'ils s'étaient forgées de la puissance et de la nature de leurs dieux. Ils étaient tout étonnés de voir que ces statues si belles, et en qui ils croyaient que résidait une vertu divine, ne contenaient au dedans d'elles-mêmes que des ossements de morts, des crânes desséchés, des haillons, du foin, de la paille, et toutes sortes d'ordures. Ces sanctuaires inaccessibles, d'où partaient des orales, ne présentaient à ceux qui y entraient et qui es visitaient, ni dieu, ni génie, ni au moins quelque fantôme, qui parût surnaturel et au-dessus de l'humain. Ainsi les adorateurs des idoles, convaincus pat leurs yeux de l'impuissance et de la futilité de tout ce qu'ils avaient craint et révéré, ne pouvaient s'empêcher de condamner leurs superstitions et celles de leurs pères ; et ils venaient en foule s'enrôler dans la société sainte qui les désabusait de leur erreur. En Égypte, le temple de Sérapis subsista. Constantin ne crut pas apparemment que la prudence lui permit a attaquer ce monument magnifique, qui était l'objet de religion le plus cher à la ville d'Alexandrie et à toute l'Égypte. L'honneur de le détruire était réservé à Théodose. Constantin fit néanmoins une brèche au culte de Sérapis, et il donna aux Alexandrins une leçon semblable à celle que recevaient les peuples des autres provinces par la ruine de leurs temples. Le temple de Sérapis était un asile des plus horribles infamies, pratiquées comme cérémonies religieuses. Constantin en abolit l'usage. De plus, on gardait dans ce même temple la colonne sur laquelle se mesuraient les accroissements du Nil dans ses débordements. L'empereur fit transporter cette colonne dans l'église chrétienne d'Alexandrie : aussitôt toute l'Égypte se persuada que Sérapis se vengerait ; que le Nil ne croîtrait point, et que par conséquent le pays serait frappé de stérilité. L'événement leur fit voir que leurs craintes étaient vaines. Cette année même et les suivantes le Nil monta à la hauteur nécessaire pour fertiliser les terres, et les Égyptiens furent à portée d'apprendre que ce n'était point à Sérapis, mais à la providence du Dieu vivant qu'ils étaient redevables des biens dont les enrichissait l'accroissement de leur fleuve. Les conversions devinrent donc très-fréquentes, et le christianisme se multiplia infiniment sous un prince qui mettait sa gloire à le protéger et à l'étendre. Non seulement des particuliers en grand nombre, mais les villes entières, saisies d'un saint transport de zèle, abattaient volontairement leurs idoles, détruisaient les temples profanes, et élevaient des églises pour le culte du vrai Dieu. Maiume, port de Gaza dans la Palestine, se signala par son ardeur pour cet heureux changement ; et Constantin l'en récompensa en l'érigeant en ville, au lieu qu'elle n'était auparavant qu'une simple bourgade, et en lui faisant porter le nom de Constancie, sa sœur. Eusèbe nomme encore la ville de Constantine en Phénicie, dont les habitants embrassèrent le christianisme d'un commun accord, et avec un consentement aussi libre qu'unanime. Il assure qu'il en fut de même de plusieurs autres dans toutes les provinces. Rome attachée à ses vieilles maximes, et ne pouvant se résoudre à abandonner des dieux auxquels elle avait pendant tant de siècles attribué sa fortune et sa grandeur, fut de toutes les villes de l'empire celle où l'idolâtrie se soutint le plus longtemps et avec le plus d'éclat. L'ardeur de Constantin pour la propagation du christianisme ne se renfermait pas dans les bornes de son empire, tout vaste qu'il était. Les nations qui sans être soumises à ses lois respectaient sa grandeur et sa puissance, touchaient sa charité chrétienne, et en quelque façon apostolique ; et il profitait de toutes les occasions qui pouvaient se présenter pour les inviter à renoncer à leurs superstitions et à embrasser la religion de Jésus-Christ. Il eut la satisfaction de voir ses désirs accomplis par rapport aux Ibériens qui habitaient entre le Pont-Euxin et la mer Caspienne. La conversion de ce peuple, dont on peut voir l'histoire édifiante dans M. de Tillemont[13], ne fut pas le fruit du zèle de l'empereur. Dieu se servit pour cette œuvre du ministère d'une simple captive. Mais comme la nation convertie avait besoin de ministres évangéliques qui achevassent l'ouvrage heureusement commencé, Constantin, à qui le roi du pays en demanda, se fit une grande joie de mettre la dernière main à cette pieuse conquête, et il eut soin de choisir pour cette mission un évêque plein de l'esprit de Dieu et de saints ecclésiastiques dont les leçons et les exemples affermirent dans l'Ibérie la foi que la captive y avait plantée. Le christianisme est encore aujourd'hui la religion dominante de cette contrée, mais défiguré et altéré encore plus par les mauvaises mœurs que par l'erreur et par le schisme. Constantin se regardait comme le protecteur universel de tous, les sectateurs de la vraie foi, en quelque région qu'ils habitassent. Sapor, roi des Perses, lui avait envoyé une ambassade pour lui demander son amitié. L'empereur romain sachant qu'il y avait beaucoup de chrétiens dans les états de ce prince, mais qu'ils y gémissaient sous une dure oppression, prit cette occasion de lui écrire en leur faveur. Il commence sa lettre, qu'Eusèbe et Théodoret nous ont conservée, par exposer en style magnifique les avantages du christianisme sur toute autre religion. Il observe que les empereurs romains qui ont persécuté les chrétiens, en ont tous été punis par une fin malheureuse ; et il cite en particulier l'exemple de Valérien, qui était bien présent à la mémoire des Perses. Enfin il recommande les chrétiens à la bienveillance de Sapor, mais en ménageant la délicatesse d'un souverain puissant et jaloux de son autorité, et il se donne bien de garde de lui faire des reproches, ou même de paraître instruit des mauvais traitements qu'ils éprouvaient dans ses états. Je suis charmé d'apprendre, dit-il, que les plus belles parties de la Perse comptent parmi leurs ornements un grand nombre de chrétiens qui les peuplent. Je souhaite qu'ils partagent la prospérité de votre règne. En les protégeant vous vous rendrez propice le Dieu père et maître de l'univers. Je les mets sous votre puissante sauvegarde : j'implore pour eux votre piété. Aimez-les d'une façon qui réponde à la bonté et à la douceur de votre gouvernement. En agissant ainsi, vous ferez votre propre bien, et vous vous acquerrez de ma part une parfaite reconnaissance. Cette lettre si chrétienne et si pressante eut peut-être son effet dans le temps. Mais ensuite la guerre s'étant allumée entre les Romains et les Perses, la haine de Sapor contre les chrétiens n'eut plus de frein, et même redoubla, et ce prince les persécuta dans son empire avec fureur. Cette guerre, et la persécution à laquelle elle donna lieu, appartiennent au règne de Constance : car la mort prévint Constantin lorsqu'il se préparait à marcher contre Sapor. Le frère du roi de Perse avait mieux profité que lui de la lumière du christianisme, qui se répandait de plus en plus : mais il y fut amené par ses malheurs. Il était petit-fils de Narsès, dont nous avons rapporté la défaite par Galérius. Narsès étant mort l'an de J.-C. 302, eut pour successeur son fils Hormisdas II. Celui-ci fut père d'Hormisdas, dont il est ici question, et de Sapor. Il mourut en 309, et le trône appartenait de droit à Hormisdas son fils aîné, et non pas à Sapor, qui même n'était pas encore né. Mais le jeune prince avait irrité les grands par des hauteurs, par des duretés, par des menaces atroces. Ils s'en vengèrent, et au lieu de le proclamer roi après la mort de son père, ils se saisirent de sa personne, l'enfermèrent chargé de chaînes dans un château, et sur la prédiction qui leur fut faite par les mages que l'enfant qui naîtrait de la reine actuellement grosse serait un prince, ils mirent la couronne sur le ventre de la mère, et déclarèrent qu'ils reconnaissaient pour roi le fils dont elle était enceinte. Le hasard voulut que la promesse témérairement faite par les mages fût vérifiée par l'événement, et Sapor naquit déjà roi couronné. Hormisdas languit plusieurs années dans les fers. Enfin il fut délivré par le zèle ingénieux de sa femme, qui lui envoya une lime enfermée dans le ventre d'un poisson. En même temps elle donna aux gardes un grand festin, où le vin le plus excellent fut prodigué. Les gardes s'enivrèrent, et Hormisdas s'étant servi de la lime pour user ses chaînes et les rompre, se sauva d'abord chez le roi d'Arménie son allié et son ami. De là il se rendit vers l'an 323 auprès de Constantin, et il lui fut toujours fidèlement attaché et à ses enfants et successeurs. En Perse on ne fut pas fort affligé de sa fuite, que Sapor et ses ministres regardèrent plutôt comme l'éloignement d'un rival dangereux. Ils ne le redemandèrent jamais, et ils lui renvoyèrent même sa femme avec un cortège honorable et digne de son rang. Comme le christianisme était dès lors fort répandu en Perse, Hormisdas avait pu en prendre des leçons, surtout dans le temps de sa prison. Ce qui est certain, c'est que parmi les Romains il vécut chrétien, et chrétien courageux. L'apostasie de Julien n'ébranla point sa foi, et il se recommandait aux prières de ceux qui sous cet empereur souffraient pour le nom de Jésus-Christ. Constantin aima et chérit un prosélyte de cette importance ; il le combla d'honneurs et de richesses ; et Constance se servit utilement de lui dans la guerre contre Sapor. Par tout ce que je viens de rapporter, on doit être convaincu de la sincérité et de l'ardeur du zèle de Constantin pour la splendeur et la gloire de la sainte religion qu'il avait embrassée. Ce serait peu, et il aurait été utile aux autres et non à lui-même, s'il avait borné sa piété à ces œuvres d'éclat, et s'il n'eût pas réglé sa conduite personnelle sur les maximes de l'évangile qu'il faisait triompher. Eusèbe atteste qu'au milieu des soins infinis d'un si grand empire, ce prince se rendit très-exact aux devoirs de religion. Il avait établi dans son palais comme une espèce d'église, où se faisaient les lectures de l'Écriture sainte, où l'on récitait l'office divin ; et l'empereur assistait à tout avec sa cour, à laquelle il donnait l'exemple. Les exercices publics ne suffisaient pas encore à sa piété. Il consacrait des temps réglés dans la journée à méditer seul devant Dieu sur les vérités du salut, à le prier, à lui demander ses lumières et ses secours. Il joignait le jeûne à la prière, soit dans les temps où l'Église l'ordonne, soit dans les occasions particulières de dangers et de besoins pressants qui augmentaient sa ferveur. Dans les moments de retraite qu'il se ménageait, composait des discours sur la religion ; et il les prononçait ensuite en forme d'exhortations à ceux qui l'environnaient. C'étaient de vrais sermons, dans lesquels tantôt il montrait les absurdités du polythéisme, tantôt il exposait l'économie du mystère de Jésus-Christ. Il traitait aussi les dogmes de la religion naturelle, la providence, les récompenses et les peines de la vie future. Il entrait dans les détails de la morale, et parlait avec force contre l'avidité de s'enrichir, contre l'injustice et les rapines, vices trop ordinaires dans toutes les cours. On peut bien croire qu'un prince qui se donnait la peine de prononcer des discours de sa composition, ne manquait pas d'auditeurs. On accourait en foule pour l'entendre : on l'interrompait souvent par des applaudissements. Il rejetait ces louanges, et il avertissait de les réserver pour le roi céleste et immortel. Mais il eût bien souhaité que ceux qui l'écoutaient, et dont il dépeignait quelquefois les vices par des portraits caractérisés et ressemblants, eussent profité de ses instructions pour se réformer ; et c'est ce qu'il obtenait peu. Il est sans comparaison plus facile de louer le bien que de le pratiquer. Nous avons un de ces discours de Constantin, qu'Eusèbe a placé à la suite de la vie de cet empereur, pour fournir la preuve et l'exemple de ce qu'il y avait avancé. Ce discours roule à peu près sur les objets que nous avons marqués, si ce n'est qu'il renferme peu de morale. Un prince si pieux sentait le besoin continuel où il était du secours du ciel ; et pour l'obtenir il avait grande confiance aux prières des évêques et des saints. Il écrivit même et fit écrire ses enfants pour ce sujet à saint Antoine, qui enfoncé- dans les déserts de la Thébaïde, séparé du commerce des humains qu'il avait fui, n'était et ne pouvait être un homme précieux qu'aux yeux de la vertu. Le saint solitaire fut peu flatté de cette marque de considération qu'il recevait de la part de son souverain. Il douta s'il ferait réponse, et il fallut que ses disciples lui représentassent le danger d'indisposer des princes zélés pour l'honneur du nom Chrétien. Il répondit donc ; mais sa lettre, au lieu de compliments et d'éloges, ne contenait que des avis. Après les avoir félicités sur le bonheur qu'ils avaient d'adorer Jésus-Christ, il les exhortait à compter le présent pour peu de chose, et à s'occuper plutôt du jugement à venir ; à bien graver dans leur cœur cette pensée que Jésus-Christ est le seul à qui la puissance Soit donnée pour toujours dans le ciel et sur la terre. Il leur recommandait ensuite la douceur et la bonté envers les hommes, le soin de la justice et l'amour des pauvres. Constantin reçut avec joie cette réponse si simple, si chrétienne, qui lui prescrivait ce qu'il se faisait gloire depuis longtemps de pratiquer. La guerre même n'interrompait pas les exercices de piété de Constantin : et, pour ses campagnes, il avait fait construire comme une église portative, dans laquelle il se retirait souvent pour prier avec les évêques dont il était accompagné. Il établit le même usage parmi les légions, et il voulut que chacune eût sa chapelle avec les prêtres et les diacres nécessaires pour la desservir. Cette chapelle était pour l'usage des soldats chrétiens. Mais les païens mêmes que Constantin avait dans ses troupes portaient la croix sur leurs armes, ainsi que je l'ai rapporté, et ils étaient assujettis à l'observation du dimanche. On les assemblait dans une plaine, et là ils prononçaient une prière que l'empereur leur avait dressée et fait apprendre par mémoire, et qui contenait une invocation du seul Dieu véritable, seul arbitre des événements, seul auteur des succès et des victoires. L'unité de Dieu et sa providence sont des dogmes si conformes à la raison, qu'il n'est pas nécessaire d'être chrétien pour les professer : et ce premier pas pouvait conduire ceux qui l'avaient fait à une pleine connaissance de la vérité. Les aumônes que Constantin faisait distribuer à toutes sortes de personnes dont la situation demandait du soulagement, étaient immenses : c'est ce qui est attesté par Eusèbe, en plusieurs endroits, et cet écrivain nous en a conservé un monument authentique : il a inséré dans le dixième livre de son Histoire ecclésiastique une lettre de Constantin à Cécilien, évêque de Carthage, par laquelle ce prélat est autorisé à se faire remettre entre les mains, par l'intendant général des domaines et des revenus impériaux, en Afrique, une somme de trois millions de sesterces[14], qui font trois cent soixante-et-quinze mille livres de notre monnaie, pour être distribuée aux ministres des églises catholiques de sa métropole, suivant l'état dressé par Osius ; et si cette somme n'était pas suffisante, l'empereur ordonne à Cicilien de demander le supplément qu'il croira nécessaire. L'inclination de Constantin le portait à la libéralité, et cette vertu avait en lui plutôt besoin de frein que d'aiguillon. C'est, par exemple, une pratique assez singulière que celle qu'il suivait, au rapport d'Eusèbe, dans les procès qu'il jugeait par lui-même. Il dédommageait à ses dépens celui qu'il avait été obligé de condamner, et il le consolait soit par une gratification en argent, soit par le don de quelque bien fonds. Sa raison était qu'il ne voulait point qu'aucun de ceux qui paraissaient devant lui sortît mécontent. Ce sentiment est sans doute plein de bonté, et il était placé, supposé que celui qui avait perdu son procès eût plaidé de bonne foi. Mais si l'intérêt seul et l'opiniâtreté, comme il est trop ordinaire, l'avaient guidé dans l'action qu'il avait intentée ou soutenue, en ce cas la libéralité du souverain devenait une amorce de cupidité. S'il donnait magnifiquement, il faisait encore une autre sorte de grâce, qui coûte quelquefois davantage aux princes : il pardonnait les injures. Dans une sédition, arrivée probablement à Alexandrie, la populace mutine s'était portée jusqu'à outrager les statues de l'empereur. On instruisit Constantin de ces excès, et, pour aggraver le crime des séditieux, on lui disait qu'ils n'avaient pas même respecté le visage de leur prince, qui portait les marques des coups de pierres dont on l'avait assailli. Constantin sourit, et passant doucement la main sur son visage, il dit : Je ne suis point blessé. Cette parole magnanime mérite assurément toutes sortes de louanges : et c'est avec grande raison que saint Flavien la cita en exemple à Théodose, lorsqu'il implorait sa clémence pour les habitants d'Antioche. Constantin agit en conformité. Il eut pitié de la frénésie de ceux qui lui avaient manqué de respect, et il se contenta de prendre des mesures pour empêcher à l'avenir de semblables désordres. Il paraît qu'il s'était fait une loi de regarder comme dignes de risée plutôt que de châtiment ces fougues passagères d'une multitude imprudente, qui ne prévoit pas les conséquences de ce qu'elle fait. Le peuple de Rome, à qui il était peu agréable, comme je l'ai observé ailleurs, s'était élevé contre lui par des cris insolents. Ce sont les termes de l'écrivain original. Constantin, ayant alors avec lui deux de ses frères, leur demanda leur avis sur la conduite qu'il devait tenir en cette occasion. L'un d'eux lui conseilla d'envoyer des troupes pour punir les mutins, et il s'offrait pour être le ministre de sa vengeance. L'autre, au contraire, pensa qu'il valait mieux paraître ignorer ce qui ne méritait que le mépris. Constantin se déclara pour ce dernier avis : et même, si nous en croyons Libanius, de qui nous tenons ce récit, il éleva en dignités celui qui lui avait donné un conseil de douceur, et il laissa l'autre dans un état d'abaissement. On ne trouve dans l'histoire aucune trace de cette diversité de conduite de Constantin à l'égard de ses frères ; mais le fond du fait nous suffit pour prouver sa patience dans les injures. D'une autre part, il rejetait avec indignation les louanges immodérées. Après qu'il eut bâti l'église de la Résurrection, à Jérusalem, un évêque osa, c'est l'expression d'Eusèbe, lui dire en face qu'il le jugeait bienheureux, puisqu'en cette vie il possédait la puissance souveraine, et que dans la vie future il devait régner avec le fils de Dieu, dont il honorait les mystères avec tant de magnificence. Constantin reprit sévèrement cet évêque adulateur. Ne me tenez jamais, lui dit-il, un pareil langage ; mais plutôt priez pour moi, afin que dans le siècle présent et avenir je sois trouvé digne d'être appelé le serviteur de Dieu. Il n'était point, comme l'on voit, enivré de sa grandeur ; il disait souvent, peut-être même avant que de faire profession du christianisme, que d'être empereur c'était un don de la fortune, mais que l'important et le difficile consistait à se conduire en bon et sage prince. Ces sentiments se fortifièrent et se perfectionnèrent sans doute en lui à l'aide de la lumière de l'évangile ; et l'on a lieu de croire qu'il s'occupait beaucoup du néant de tous les biens humains, si l'on en juge par la leçon qu'il fit un jour à un de ses courtisans, que possédait la fureur d'accumuler. Jusqu'où, lui dit-il, porterons-nous la cupidité ? et ne saurons-nous jamais y mettre des bornes ? Ensuite, avec une demi-pique, qu'il se trouvait par hasard tenir à la main, il traça sur la poussière à peu près la figure et l'étendue du corps d'un homme ; et reprenant son discours : Que vous en semble ? dit-il. Quand vous auriez amassé toutes les richesses de l'Univers, et que vous seriez maître de toute la terre, n'est-il pas vrai que bientôt vous n'occuperez plus que ce petit espace que je viens de circonscrire, encore supposé qu'on vous l'accorde ? Il eût été à souhaiter que Constantin ne se fût pas contenté de faire de pareilles remontrances à des hommes injustes et avides, mais qu'il eût employé la puissance dont il était revêtu à réprimer leurs injustices et leurs vexations. Nous avons vu quel zèle il témoigne dans quelques-unes de ses lois contre les malversations des officiers et des magistrats, et avec quelle énergie d'expressions il exhorte les peuples opprimés à lui en porter leurs plaintes. Il s'en tenait là. Bon et facile par caractère, il ne savait ce que c'était que de punir ceux qu'il mettait dans les premières places : et ceux-ci usant de la même indulgence à l'égard de leurs subalternes, vicieux comme eux, il en résultait que, sous un prince amateur de l'équité et des lois, les provinces étaient au pillage. Il ne faut rien outrer. La bonté même, si estimable dans un souverain, devient une source de malheurs pour les peuples, si elle est poussée trop loin. Une autre qualité excellente dans Constantin se tournait encore en piège pour lui et occasionnait de grands maux. Il était très-attaché à sa religion : et des hypocrites, empruntant les dehors du christianisme, parce que c'était le moyen de plaire et de faire sa cour, gagnaient ainsi la confiance du prince, et conséquemment acquéraient la licence de tout faire et de tout oser, sans en craindre les suites. Eusèbe, qui nous fournit cette observation, en est lui-même la preuve et l'exemple : ambitieux et attentif à conserver son crédit à la cour, quoiqu'il favorisât dans le cœur l'arianisme, il prit les dehors de l'orthodoxie, et par-là non seulement il se maintint en faveur, mais il abusa de la crédulité du prince pour le prévenir et l'irriter contre les vrais défenseurs de la foi de Nicée, et en particulier contre le grand saint Athanase, qui fut opprimé, déposé et envoyé en exil. L'aveuglement de Constantin par rapport à Eusèbe de Nicomédie a quelque chose encore de plus surprenant. Ce prélat devait lui être odieux à toutes sortes de titres. Il avait appuyé contre lui les armes de Licinius ; il n'avait souscrit qu'avec une répugnance infinie le décret du concile de Nicée, touchant la consubstantialité du Verbe, et depuis la séparation du concile, il avait continué d'entretenir ses anciennes liaisons avec les sectateurs déclarés de l'hérésie d'Arius, montrant évidemment le dessein de relever ce parti de sa chute, et d'en rendre inutile la condamnation. Pour ces crimes l'empereur le bannit, et, dans une lettre adressée aux fidèles de Nicomédie, il expose les sujets de plaintes atroces qu'il a contre leur évêque, et proteste que si quelqu'un ose lui parler en faveur de ce misérable, il s'attirera son indignation. Cependant, au bout de trois ans, il le rappela d'exil et le rétablit sur son siège : guidé par ses conseils, il persécuta les prélats orthodoxes, chassa saint Eustathe d'Antioche, et, comme je viens de le dire, saint Athanase d'Alexandrie ; et enfin, en mourant, il reçut le baptême des mains de ce prélat, ennemi de Dieu et de l'Église. Plaignons l'humanité, plaignons le sort des souverains,
que leurs bonnes qualités mêmes exposent souvent à la séduction. Je ne trouve
rien de mieux pensé sur ce point, que ce qu'a écrit un illustre auteur au
sujet de David trompé par les artifices d'un fourbe, et commettant en
conséquence contre le fils de Jonathas une injustice, qu'il ne répara même
qu'à demi lorsque la vérité fut éclaircie. Il ne
faut pas espérer, dit ce pieux et sage écrivain, que les meilleurs princes ne se laissent point surprendre
par la calomnie ; parce que la précipitation à croire les faux rapports
flatte les deux plus grands faibles de la grandeur, la paresse et l'orgueil.
Il ne faut pas même s'attendre qu'après avoir découvert la calomnie, ils
réparent entièrement le mal qu'elle les avait engagés de faire ; parce qu'ils
sont souvent moins touchés du désir d'être justes que de cacher la honte de
s'être trompés. Mais il faut être assez équitable pour leur pardonner cet
abus de leur pouvoir, par la compensation des grands avantages que la société
tire d'ailleurs de leur autorité, et par la compassion pour la faiblesse
commune de notre nature, qui se défend difficilement des tentations qui sont
inséparables de la grandeur. Il y aurait donc de l'injustice à conclure des fautes qui se remarquent dans le gouvernement de Constantin, qu'il faille lui refuser notre estime. Malgré ce qu'il a des reproches que lui eu de répréhensible, il fut un grand prince, vainqueur de tous les ennemis qu'il lui fallut combattre, soit Romains, soit étrangers, zélateur de la vertu, protecteur de la religion, aimant les hommes, et servant Dies d'un cœur sincère et fidèle. C'est sa piété qui lui a mérité le mépris et la haine de Julien son neveu. Ce prince apostat ne pouvait lui pardonner d'avoir fait du christianisme la religion dominante de l'empire et mis l'idolâtrie sur le penchant de sa ruine. De là cet acharnement indécent à décrier un prince à qui il tenait de si près, à le peindre des plus fausses couleurs, à le représenter comme livré à la mollesse et noyé dans les délices. Certainement, jusqu'à l'âge de cinquante ans, Constantin n'eut pas le loisir de s'endormir dans l'inaction ; et depuis que la victoire remportée sur Licinius l'eut établi en pleine et paisible possession de tout l'empire, on le voit occupé de soins dignes de son rang. La construction d'une grande ville, des temples magnifiques élevés en l'honneur de Dieu et de Jésus-Christ, de sages lois publiées, l'attention vigilante à empêcher les dissensions et les schismes dans l'Église, voilà les monuments du repos de Constantin. S'il usa du diadème, s'il l'orna de perles et de pierreries, d'autres empereurs lui en avaient donné l'exemple ; et, sans vouloir excuser de blâme ce goût de luxe, sans doute peu séant, je ne crains point de dire qu'il a racheté ce faible par -toutes les grandes choses qu'il a faites. La gloire même des armes ne manqua pas à ses dernières années. En 332 il fit la guerre avec succès contre les Goths, qui dès auparavant avaient éprouvé sa vigueur et sa puissance. Mais cette première leçon n'ayant pas suffi pour les rendre sages, et les Goths ayant recommencé leurs hostilités, il envoya contre eux, dans le temps dont je parle, son fils aîné, qui les vainquit en divers combats, et en fit périr près de cent mille par l'épée, par la faim, par la misère. Constantin profita de ses avantages en prince habile et modéré. Ayant abattu la fierté des Goths par la force et la terreur, il ne refusa pas d'entrer avec eux en négociation ; et comme cette nation était composée de plusieurs peuples, qui n'avaient pas tous pris part à la guerre, en traitant avec tous il suivit des plans différents suivant la différence des causes. Il soumit à des conditions plus dures ceux qu'il avait fallu vaincre ; il exigea d'eux des otages, et entre autres le fils de leur roi Ariaric : les autres furent invités et engagés à reconnaître la majesté de l'empire sous le nom d'amis et d'alliés. Les fruits de cette victoire et de la paix qui la suivit, firent grands en même temps pour les vainqueurs et pour les vaincus. Constantin s'affranchit du tribut honteux que ses prédécesseurs avaient payé à ces Barbares, et il assura sa frontière du côté du Danube. Les Goths, par un commerce plus étroit avec les Romains, commencèrent à adoucir leurs mœurs sauvages et à devenir des hommes. Les Sarmates donnèrent aussi dans ce même temps de l'exercice aux armes de Constantin. C'était pour eux qu'il avait entrepris la guerre contre les Goths ; et peu reconnaissant de ce bienfait les Sarmates osèrent faire des courses sur les terres romaines. Mais bientôt et aisément vaincus ils rentrèrent dans le devoir. Deux ans après ils furent réduits par une aventure singulière à venir, non plus ravager les terres de l'empire, mais y chercher un. asile. La guerre s'étant rallumée entre eux et les Goths, ils furent battus. Ils s'avisèrent d'une ressource qui devint pire que le mal. Ils armèrent leurs esclaves ; et ceux-ci, qui étaient en plus grand nombre que leurs maîtres, se voyant la force en main, les chassèrent du pays. Les Sarmates, au nombre de trois cent mille, hommes, femmes et enfants, se réfugièrent dans les états de Constantin et implorèrent sa bonté. L'empereur reçut leur prière : il enrôla dans ses troupes ceux d'entre eux qui étaient en état de servir, et il assura aux autres leur subsistance en leur donnant des terres à cultiver dans la Thrace, dans la petite Scythie : dans la Macédoine et jusqu'en Italie. Constantin s'était peu amolli, et il conserva si bien jusqu'à la fin le goût de la guerre, qu'âgé de plus de soixante ans il se préparait à marcher à la tête de ses armées contre les Perses, lorsqu'il fut attaqué de la maladie dont il mourut. Ainsi nous ne pouvons attribuer qu'à malignité le reproche de mollesse par lequel Julien a voulu ternir la gloire de son oncle. La grandeur de Constantin lui attira les hommages non seulement de ses sujets, mais de toutes les nations barbares qui environnaient son empire, au nord, celle à l'orient, au midi. Eusèbe témoigne avoir vu dans le palais impérial une multitude d'ambassades venues de toutes ces contrées si distantes les unes des autres. C'était assurément un beau spectacle et bien glorieux pour le prince, que cet assemblage de Germains, de Goths et de Sarmates, d'Indiens, d'Éthiopiens et de Blemmyes, aussi différents par l'air du visage, par la couleur du teint, par la taille, en un mot par toute leur personne, que par les parures et les vêtements, et qu'il réunissait tous en un sentiment commun d'admiration et de vénération pour lui seul. Le palais de Constantin était comme l'abrégé de l'univers. Ces ambassadeurs, suivant la variété des pays et des climats, lui apportaient une grande variété de présents, des couronnes d'or, des diadèmes enrichis de pierreries, des étoffes précieuses, de jeunes esclaves, des chevaux, des animaux rares, des armures de toute espèce. Il recevait ces présents avec bonté, et il leur en rendait de bien plus riches. Quelques-uns de ces étrangers, frappés de l'éclat de sa cour, charmés de son accueil gracieux et affable, et surtout concevant, à proportion qu'ils le voyaient de plus près, plus d'estime pour sa vertu, s'attachèrent à lui et oublièrent leur patrie. Ils n'eurent pas lieu de s'en repentir. Constantin non seulement les combla de biens, mais revêtit des premières dignités de l'empire ceux d'entre eux qui se distinguaient par leur mérite. Julien, toujours injuste à son égard, l'a blâmé d'avoir élevé des Barbares au consulat ; et lui-même il en fit autant, avec cette différence que Névitta qu'il nomma consul, barbare de mœurs aussi bien que de naissance, n'était en rien comparable à ceux que Constantin avait mis en place. J'ai déjà remarqué que le bon gouvernement de ce sage prince et le respect pour ses grandes qualités tinrent les troupes dans la soumission pendant tout son règne. Nous ne voyons point non plus s'élever contre lui des tyrans, comme sous les empereurs qui l'ont précédé et suivi. Il faut en excepter seulement un certain Calocérus, à qui l'histoire ne donne d'autre titre que celui d'intendant des chameaux, et qui eut la folie de vouloir se faire empereur. Il s'empara réellement de l'île de Chypre ; mais ce mouvement ne fut qu'une étincelle légère qui disparut dans l'instant. Bientôt vaincu et pris, Calocérus subit le supplice des esclaves. M. de Tillemont soupçonne qu'il pouvait être le même que ce Philumène, d'ailleurs inconnu, à qui saint Athanase fut accusé faussement d'avoir fourni de l'argent pour une révolte. Constantin jouit d'un bonheur qui ne se démentit jamais, et dont une circonstance remarquable est la durée de son règne. A compter de sa première proclamation dans la Grande-Bretagne aussitôt après la mort de son père, il jouit des honneurs du rang suprême pendant plus de trente ans, terme auquel n'avait atteint aucun de ses prédécesseurs depuis Auguste. Il célébra sa trentième année à Constantinople avec une grande magnificence, et Eusèbe prononça à cette occasion un panégyrique du prince qui s'est conservé jusqu'à nous. Deux ans après il mourut en paix dans le château d'Achiron non loin de Nicomédie ; et de même que sa vie avait été environnée de gloire, sa mémoire a été en bénédiction dans toute la postérité. Il s'était proposé pour modèles les meilleurs princes qui eussent gouverné l'empire, Constance Chlore son père, Claude II son grand-oncle, Tite Antonin et Marc Aurèle ; et il leur est certainement comparable à bien des égards : mais il les a surpassés par l'avantage précieux et inestimable de la piété chrétienne, qu'ils avaient tous ou méconnue ou même persécutée. A la tête des écrivains qui ont fleuri sous le règne de Constantin il doit être mis lui-même. Nous avons de lui, outre plusieurs lettres, un discours adressé à l'assemblée des saints, où l'on trouve du savoir, du zèle et un témoignage éclatant de sa foi. Eusèbe de Césarée fut sans contredit le héros de la littérature de ce siècle. Il embrassa l'érudition sacrée et profane. Il est le père de l'histoire ecclésiastique, et nous lui avons l'obligation de nous avoir conservé ce qui reste de plus précieux monuments des premières antiquités de l'Église chrétienne. Génie vaste et aisé, il s'exerça dans tous les genres, histoire, dissertations, ouvrages polémiques, éloges oratoires. Mais il faut avouer que l'éloquence ne fut point son talent. Ses longues périodes, son style chargé, ses métaphores souvent peu naturelles et accumulées sans mesure, seraient assurément de méchants modèles pour ceux qui aspirent à devenir orateurs. Pour ce qui regarde sa personne, j'ai déjà eu lieu d'observer plus d'une fois qu'il fut bien moins estimable comme évêque que comme écrivain. Son ambition, ses basses flatteries, sa foi au moins suspecte sur l'article essentiel de la consubstantialité du Verbe, ses liaisons avec les ariens déclarés, la part qu'il prit à leurs injustices contre les défenseurs de la foi de Nicée, tout cela nous donne lieu de déplorer le sort d'un homme qui, pouvant être la gloire du christianisme et de l'épiscopat, a mieux aimé, en se livrant à l'esprit du monde, perdre tout le fruit des connaissances salutaires dont il était rempli. Lactance a écrit et est mort sous Constantin. Ses ouvrages, consacrés à la défense de la religion chrétienne, sont précieux à l'Église, quoique mêlés de quelques erreurs légères, qui n'altèrent pas la substance de la doctrine. Sa latinité est pure et élégante ; et en le comparant avec Capitolin et Lampride ses contemporains, on sera étonné de la différence des styles. Il mourut pauvre : ce qui ne ferait pas d'honneur à l'empereur dont il avait instruit le fils ; à moins que l'on ne suppose que la funeste catastrophe de l'infortuné Crispus ait entraîné la disgrâce de son précepteur. Les écrivains Je viens de nommer Lampride et Capitolin, auxquels on doit ajouter Spartien, tous auteurs de l'histoire Auguste, qui ont dédié à Constantin quelques-unes des vies d'empereurs dont ce recueil est composé. Les autres auteurs qui achèvent la collection vivaient aussi du même temps, ou peu auparavant. L'éloquence latine fut mieux traitée sous ce règne que l'histoire : on en peut juger par les morceaux que nous avons extraits des orateurs Euménius et Nazaire. Porphyrius Optatianus a composé en vers latins un Éloge de Constantin : et s'il est vrai qu'il en ait été récompensé, il faut ajouter son exemple à celui de Chérile, bien payé par Alexandre pour de très-méchants vers. Commodien et Juvencus sont des poètes chrétiens, dont le dernier a mis en vers l'histoire des Évangiles. Les philosophes, alors tous païens et ardents défenseurs de l'idolâtrie, ne furent pas traités favorablement par un prince plein de zèle pour le christianisme. Nous avons une Lettre de Constantin, dans laquelle Porphyre et ses écrits sont cités avec horreur ; et l'empereur voulant flétrir les ariens, ne croit pas pouvoir leur donner un nom plus ignominieux que celui de Porphyriens. Jamblique fut disciple de Porphyre, et maître de Sopatre. Ce dernier fait un personnage considérable dans l'histoire de Constantin, si nous admettons le récit des auteurs païens. Ce fut lui, disent-ils, à qui ce prince s'adressa d'abord pour trouver un moyen d'expier le meurtre de son fils. Mais nous avons ré- : futé cette fable, qui est détruite par des preuves de fait. Ce qui paraît vrai, c'est que Constantin fit mourir Sopatre. Le motif de cette rigueur est Mal expliqué. On nous dit, d'une part, que ce philosophe vint à Constantinople pour s'opposer à la ruine du culte idolâtrique, à laquelle travaillait l'empereur ; et de l'autre, que ce même empereur lui donna des accès si familiers auprès de sa personne, que la faveur de Sopatre excita la jalousie des courtisans, et en particulier d'Ablave, préfet du prétoire, dont le crédit était très-grand. Il n'est point de lecteur qui ne sente combien les deux parties de ce récit s'accordent mal ensemble. On ajoute que dans une disette de blé le peuple de Constantinople s'émut, et qu'il attribua la famine qu'il commençait à souffrir aux prestiges magiques de Sopatre ; et qu'en conséquence Constantin livra son favori à la fureur de la multitude, qui animée encore par Ablave mit le philosophe en pièces. Quelle superstition, ou quelle faiblesse impute-t-on ici à Constantin ? D'autres ont écrit que ce prince voulut, par la mort de Sopatre, prouver son aversion pour le paganisme, comme si toute sa conduite ne l'eût pas assez évidemment manifestée. S'il faut hasarder une conjecture, je trouve bien plus vraisemblable que le philosophe protecteur de l'idolâtrie voulut profiter de l'émotion populaire occasionnée par la disette, pour augmenter le trouble et le porter aux derniers excès, et qu'il fut puni comme séditieux. Me voici arrivé, avec la grâce de Dieu, au bout de la carrière que je m'étais proposé de remplir, et je ne pouvais finir mon travail par une époque plus chère à un cœur chrétien, que l'élévation du christianisme sur le trône et la destruction de l'idolâtrie. Les hérésies et les schismes déplorables, qui déchirèrent l'Église dans le plus grand éclat de sa prospérité temporelle, sont des objets tristes et dans lesquels je n'ose m'engager. Ce n'est pas qu'ils ne présentent une belle matière à l'écrivain : variété d'événements ; exemple de vertu et de courage magnanime dans les défenseurs de l'orthodoxie ; conclusion heureuse ; et triomphe remporté enfin par la vérité, suivant les promesses divines, sur l'erreur et le mensonge. Mais je pourrais entamer ce grand sujet, sans être mené par la suite des faits au-delà du terme que je me suis prescrit. Il me suffit d'avoir témoigné mon zèle pour servir le public, et pour lui fournir, en me proposant pour modèle un maître respectable, des leçons de vertu. C'est la vertu que j'ai consacré ma plume : c'est elle seule que j'ai tâché de rendre aimable, soit par les tableaux que j'en ai faits, soit par le contraste odieux des vices qu'il m'a fallu trop souvent peindre. Puisse mon travail être utile aux hommes, et agréable à celui qui doit être la fin unique de toutes nos entreprises ! FIN DU TOME NEUVIÈME ET DERNIER |
[1]
Code Théodosien, lib. IX, tit. 42, leg. I.
[2] Par rapport à l'événement qui
donna lieu à la fête publique dont il est parlé dans la loi, je suis
l'interprétation de Jacques Godefroi, qui souffre quelque difficulté, mais qui
paraît être tout ce qu'on peut dire de plus vraisemblable.
[3] Je n'ai pas voulu me servir du
mot déportation, qui est le terme
propre, mais moins connu que celui de bannissement perpétuel. Il y a pourtant
de la différence entre ces deux peines. Par la déportation
le criminel était renfermé dans une île ; et le bannissement laisse celui qui y
est condamné en liberté d'aller où il veut, hors le pays d'où il est banni.
Mais ces mêmes peines se ressemblent en ce point essentiel, qu'elles sont les
plus rigoureuses en leur genre, et qu'elles emportent l'une et l'autre
confiscation des biens, et privation de tous les droits de citoyens.
[4] Code Théodosien, VII,
20, 2-5.
[5] Ausone ne désigne que par le
nom vague de César celui des trois princes qu'Arborius instruisit dans
l'éloquence. C'est ce qui m'a obligé d'employer aussi une expression
indéterminée.
[6] Eusèbe ne fait point une
mention expresse de l'invention de la croix ; et son silence a donné lieu à des
esprits hardis de révoquer en doute la vérité du fait. Mais les témoignages
positifs et infiniment respectables qui nous en assurent, sont trop forts pour
céder à un argument négatif, auquel on donne plus d'étendue qu'il n'en a
réellement. On peut voir ce qu'ont répondu à cette objection M. de Tillemont, Hist.
Eccl., t. VII, not. 3, sur sainte Hélène, et surtout M. Duguet, Explic.
de la Pass., t. X, ch. 14, art. 2.
[7] Voyez les fastes de
Constantin.
[8] Quoique Constance, second fils
de Constantin, soit nommé seul par Zosime comme auteur de cet horrible carnage,
il est très-vraisemblable que ses frères, qui n'étaient pas meilleurs que lui,
et qui avaient le même intérêt, n'en étaient pas innocents.
[9] Code Théodosien, XVI,
12.
[10] SÉNÈQUE, Ep. 95.
[11] EUSÈBE, De vita Const., IV,
28.
[12] SÉNÈQUE, De Beneficiis, III,
16.
[13] TILLEMONT, Constantin, art. 89.
[14] Le mot follis employé dans l'original équivalait au sestertium ou grand sesterce des anciens temps, comme le prouve Gronovius, de Pec. Vet., l. IV, c. 16. Ainsi trois mille folles sont trois mille grands sesterces, ou trois millions de petits.