Vologèse n'avait vu qu'avec une extrême douleur Tiridate, son frère, dépossédé et chassé de l'Arménie, et Tigrane placé par les Romains sur un trône qui était si fort à la bienséance des Parthes, et sur lequel ils s'attribuaient depuis longtemps des droits et des prétentions. L'indignation le portait à repousser l'injure, et à venger l'honneur des Arsacides. D'un autre côté, lorsqu'il considérait la grandeur de la puissance romaine, les embarras que lui causait la révolte persévérante des Hyrcaniens, et les efforts qu'il lui fallait faire pour les réduire au devoir, naturellement temporiseur, et plus prudent que hardi, il demeurait en suspens. Un nouvel affront vint aiguillonner son courage. Tigrane entra à main armée dans l'Adiabène, pays qui était sous la protection des Parthes, et il y fit le dégât non en courant, et en cherchant à éviter l'ennemi, mais avec la tranquillité d'un vainqueur assuré de sa supériorité. Les premiers de la noblesse parmi les Parthes souffrirent très-impatiemment de se voir méprisés au point que les Romains, dédaignant de les attaquer par eux-mêmes, les fissent insulter par un de leurs esclaves. Monobaze, roi de l'Adiabène, aigrissait ces plaintes en y mêlant les siennes, et demandant quelle était donc sa ressource, et quel secours il devait implorer. Voilà, disait-il, l'Arménie abandonnée. On empiète sur les régions voisines. Si les Parthes ne nous défendent point, nous savons que chez les Romains la servitude est plus douce pour ceux qui se soumettent volontairement, que pour les vaincus. Tiridate ne parlait pas si haut : mais sa présence seule était un reproche pour son frère. Il y joignait même quelquefois des discours, qui ne laissaient pas d'être piquants, quoiqu'ils parussent s'en tenir à des généralités. Il disait que jamais les grands empires ne s'étaient soutenus par la lâcheté, et que l'on n'avait pas des soldats et des armes pour n'en faire aucun usage. Et plein des idées barbares, qui mettent la gloire dans la violence, il prétendait que chez les princes la force décidait de la justice[1] ; et que conserver ses possessions c'était le partage des familles privées, mais que les rois devaient s'étendre et conquérir. Tant de différentes impressions réunies déterminèrent
Vologèse. Il assembla un grand conseil, et ayant placé Tiridate à côté de lui,
il parla en ces termes : Mon frère que vous voyez
ayant respecté en moi le droit d'aînesse, qui m'appelait au trône de notre
père commun, je lui mis sur la tête la couronne d'Arménie, qui est regardée parmi
nous comme le troisième degré d'honneur et de puissance ; car Pacorus était
en possession de celle des Mèdes : et je me félicitais d'avoir pris de sages
mesures pour établir l'union dans notre famille, et pour prévenir les haines
et les jalousies fréquentes entre frères. Les Romains s'y opposent : et
quoiqu'ils n'aient jamais troublé la paix avec nous, sans avoir lieu de s'en
repentir, ils la rompent encore aujourd'hui pour leur malheur. Je le nierai
point : mon premier vœu avait été de conserver par l'équité plutôt que par
l'effusion du sang, par le bon droit de ma cause plutôt que par les armes, ce
qui nous avait été laissé par nos ancêtres. Si j'ai fait quelque faute par un
peu de lenteur, je la réparerai par le courage. Quant à vous, vos forces sont
entières, votre gloire n'a souffert aucune brèche : et vous y avez ajouté la gloire
de la modération, qui n'est point à mépriser pour les plus puissants d'entre
les mortels, et que les dieux mêmes récompensent. Après ce discours, il ceignit le diadème sur le front de Tiridate, et lui donna ce qu'il avait de cavalerie à va suite, avec les secours fournis par les Adiabéniens. A la tête de cette armée il mit Monésès, l'un des plus illustres seigneurs de la nation, qu'il chargea de chasser Tygrane de l'Arménie, pendant que lui-même, après qu'il aurait terminé par un accord ses querelles avec les Hyrcaniens, il mettrait en mouvement toutes les forces de son royaume pour tomber sur les provinces de l'empire romain. Corbulon instruit des desseins de Vologèse et de tout son plan de guerre, se prépara à lui faire face de tous côtés. Il envoya au secours de Tygrane deux légions sous la conduite de Vérulanus Sévérus et de Vectius Bolanus : et lui, restant en Syrie, il établit sur la rive de l'Euphrate les légions qu'il s'était réservées ; il leva des milices dans la province ; il construisit des forts, et plaça des troupes à tous les endroits par où les ennemis pouvaient entrer ; et comme le pays est aride et manque d'eau, il s'assura la possession de certaines sources pour les siens, et il combla les autres par des monceaux de sable. Son intention n'était pourtant pas de pousser cette guerre, ni même d'en avoir la conduite. Il ne voulait point commettre à de nouveaux hasards la gloire qu'il avait acquise dans les campagnes précédentes : et il avait écrit à l'empereur que l'Arménie demandait d'être défendue par un général qui n'eût que ce seul département, parce que la Syrie était menacée d'une invasion par Vologèse. Conséquemment à ce système il recommanda à ses deux lieutenants, qu'il envoyait en Arménie, de se donner de garde de toute entreprise hasardeuse, et de se tenir sir la défensive. Monésès n'apporta aucun délai à l'exécution des ordres de Vologèse, et il se mit promptement en marche. Mais malgré toute la diligence dont il usa, il ne put surprendre Tigrane, qui, averti de son reproche, s'enferma dans Tigranocerte, ville forte, et munie d'une bonne garnison et de toutes les provisions nécessaires de guerre et de bouche. Le fleuve Nicéphorius baignait une partie de son enceinte, et le reste était défendu par un profond et large fossé. Monésès remporta d'abord un léger avantage, et tua dans une embuscade 'quelques soldats ennemis, qui, pour faciliter l'entrée d'un convoi, s'étant avancés témérairement, se virent tout d'un coup enveloppés ; mais lorsqu'il s'agit d'attaquer la ville, les Parthes avec leurs flèches apprêtaient à rire aux assiégés ; et les Adiabéniens, ayant voulu monter à l'escalade, et employer les machines usitées alors dans les sièges, furent aisément repoussés : la garnison fit une sortie sur eux, les mit en fuite, et en tua un grand nombre. Quoique ce début de guerre ne fût pas favorable aux Romains et Parthes, et pût donner de grandes espérances aux Romains, Corbulon suivit l'arrangement qu'il s'était fait, et il écrivit à Vologèse pour se plaindre des hostilités commises par lui contre les Romains, et pour lui déclarer que, si les Parthes ne levaient le siège de Tigranocerte, il entrerait avec son armée sur les terres de leur empire. Caspérius, centurion, chargé de ses ordres, trouva Vologèse près de Nisibe à trente-sept milles[2] de Tigranocerte, et il exécuta sa commission avec beaucoup de hauteur. Vologèse craignait la guerre avec les Romains, et le succès de la première entreprise qu'il avait tentée n'était pas propre à l'encourager. D'ailleurs il ne pouvait actuellement tirer aucun service de sa cavalerie, qui faisait toute sa force, parce que les chevaux manquaient absolument de subsistance, les campagnes ayant été ravagées par des nuées de sauterelles, qui avaient rongé toute la verdure. Il prit donc le ton de douceur et de modération, et il répondit qu'il enverrait des ambassadeurs à l'empereur romain, pour lui demander l'Arménie, et pour conclure à cette condition une paix stable avec lui. En même temps il donna ordre à Monésès de se retirer de devant Tigranocerte, et lui-même il s'éloigna de la frontière, et retourna dans le cœur de ses états. Voilà ce qui parut de cette négociation dans le public. On soupçonna avec fondement que par un article secret il avait été stipulé que Tigrane viderait l'Arménie. En effet il n'est plus parlé de ce prince dans l'histoire, et ses intérêts n'entrèrent pour rien dans les démêlés qu'eurent encore les Romains avec les Parthes. Bien plus les troupes romaines abandonnèrent Tigranocerte, et vinrent passer l'hiver avec beaucoup d'incommodités dans la Cappadoce. Ainsi il n'est pas possible de douter que Corbulon n'ait consenti que l'Arménie passât au pouvoir des Parthes moyennant la formalité d'en demander l'investiture à Néron. Quelles raisons déterminèrent ce général à conclure au milieu de ses prospérités un traité assez peu honorable pour les Romains, c'est ce qu'il n'est pas aisé d'éclaircir. Je n'en trouve point d'autre dans Tacite que celle que j'ai déjà marquée, une réserve prudente, et la crainte de risquer sa gloire passée dans une guerre nouvelle. Ce motif ne me satisfait pas pleinement. Mais ce que Tacite n'a pas deviné, nous le chercherions inutilement après tant de siècles. La date de ce traité paraît devoir se rapporter à l'an de Rome 812. J'ai dit que Corbulon avait demandé que l'on envoyât de Rome un général chargé spécialement des affaires de l'Arménie. Césennius Pétus fut choisi, et il arriva dans la Cappadoce vers les commencements de l'an 813. Conformément à ses instructions, il partagea avec Corbulon les forces que les Romains tenaient en Orient, et prit pour lui trois légions, dont une avait été récemment tirée de la Mésie. Corbulon en garda trois pareillement pour la défense de la Syrie. Les troupes auxiliaires furent aussi divisées entre eux. Pour le reste des détails il était dit qu'ils se concerteraient ensemble. Mais Corbulon n'était pas de caractère à souffrir un compagnon : et Pétus, pour qui c'était assez de gloire d'occuper le second rang, méprisait et rabaissait les exploits de ce grand capitaine. Il n'y a point eu, disait-il, de sang ennemi répandu, ni de butin pour les troupes romaines : des prises de villes sans effet. Moi, j'imposerai aux vaincus des tributs et des lois ; et au lieu de leur donner un fantôme de roi, je soumettrai le pays au gouvernement direct et immédiat de Rome, et je le réduirai en province. Il semble que les pouvoirs des généraux romains fussent encore aussi étendus que du temps de la république, et qu'ils décidassent à leur gré du sort des peuples qu'ils avaient subjugués par les armes. Cependant les ambassadeurs que Vologèse avait envoyés à Rome revinrent sans avoir rien obtenu, et les Parthes recommencèrent la guerre. Pétus en reçut la nouvelle avec joie, se promettant d'effacer les exploits de Corbulon. Il passe l'Euphrate, et entre en Arménie, sans être effrayé par des événements que les Romains prenaient pour des présages de malheurs. Les Parthes s'étaient remis en possession de Tigranocerte. Pétas voulant, disait-il, recouvrer cette importante place, et ravager le pays que Corbulon avait épargné, part subitement, et transporte son armée au-delà du mont Taurus, sans s'être fortifié un camp d'hiver, suivant l'usage de la discipline romaine, sans avoir fait aucun magasin. Il prit en effet quelques châteaux, et on eût pp dire qu'il avait acquis quelque gloire et quelque butin, s'il eût estimé cette gloire ce qu'elle valait, ou ménagé les provisions enlevées aux ennemis. Mais allant toujours en avant, et parcourant une étendue de pays qu'il ne pouvait garder, il se trouva embarrassé pour les subsistances : et sentant les approches de l'hiver, qui vient de fort bonne heure en Arménie, il retourna sur ses pas. C'est à quoi se réduisirent ses exploits : et cependant, comme s'il eût terminé la guerre, il envoya à Rome des dépêches triomphantes. Il éprouva bientôt que la guerre n'était rien moins que finie. Corbulon, toujours attentif à assurer la rive de l'Euphrate, s'était attaché alors avec un redoublement de vigilance à la border de redoutes assez voisines les unes des autres pour se donner la main. Il fit plus ; et voulant forcer les Parthes à se tenir sur la défensive, et à craindre eux-mêmes une irruption dans leur pays, il entreprit de jeter un pont sur le fleuve. Les Parthes s'y opposèrent, et leurs escadrons, voltigeant dans la plaine au delà de la rivière, incommodaient par leurs flèches les travailleurs romains. Corbulon fit avancer contre eux de gros bâtiments chargés de catapultes et de balistes, dont la portée excédait celle des arcs ennemis. Les ayant ainsi écartés, il acheva son pont, et envoya d'abord les troupes auxiliaires occuper les collines qui s'élevaient au-delà du fleuve, et ensuite il s'y transporta lui-même avec ses légions. L'appareil de l'armée romaine avait quelque chose de si magnifique et de si terrible, que les Parthes désespérèrent de réussir du côté de la Syrie, et ils portèrent vers l'Arménie tout l'effort de leurs armes. Pétus était si peu sur ses gardes, qu'une de ses légions hivernait fort loin de lui dans le Pont, et qu'il avait affaibli les autres par des congés accordés avec une facilité indiscrète. Tout d'un coup il apprend que Vologèse est près d'arriver à la tête d'une nombreuse armée. Dans le camp qu'il occupait actuellement, il n'avait que la quatrième légion. Il manda promptement la douzième, qui fort éloignée d'être complète, grossit moins ses troupes, qu'elle ne décela sa faiblesse. Néanmoins avec ce peu de monde il aurait pu traîner la guerre en longueur, et lasser l'ennemi, s'il eût en assez de fermeté pour suivre un plan, et pour se gouverner d'une manière uniforme, soit par ses propres conseils, soit par ceux des autres. Mais aussi vain que timide, il consultait les vieux officiers qui savaient la guerre ; et ensuite, de peur de paraître avoir eu besoin de prendre des leçons d'autrui, il exécutait tout le contraire de ce qui lui avait été conseillé : et se déterminant par l'impression que faisait sur lui chaque circonstance, sa conduite était pleine de variations, qui gâtaient entièrement les affaires. Il prit donc d'abord le parti de quitter son camp, criant avec fierté que c'était par la bravoure et par les armes, et non par les remparts et les fossés, que l'on remportait les victoires ; et il mena ses légions en avant, comme pour livrer bataille. Mais ayant perdu un centurion et quelque peu de soldats qu'il avait envoyés reconnaître l'armée des Parthes, il revint sur ses pas tout effrayé. Sa constance se ranima, parce que Vologèse ne l'avait pas poursuivi vivement. Il posta trois mille fantassins d'élite au-dessus d'une gorge du mont Taurus pour arrêter le roi des Parthes au passage ; il établit dans la plaine à même intention sa cavalerie pannonienne, qui était excellente : il mit en sûreté sa femme et son fils dans la citadelle d'Arsamosata, où il envoya une cohorte pour garnison. Ainsi séparant ses troupes, il donna de grands avantages à un ennemi léger, alerte, capable de coups de main, propre à enlever des quartiers, mais qui n'aurait jamais pu entamer un corps d'armée considérable. On eut bien de la peine à obtenir de lui, qu'il avertît Corbulon de la situation oh il se trouvait : et Corbulon, dont la conduite n'est pas aussi exempte de taches que son habileté était grande dans la guerre, ne se hâta pas, laissant au danger le temps de croître, afin d'augmenter aussi la gloire qu'il acquerrait en le dissipant. Il forma néanmoins un détachement de trois mille légionnaires, pris en nombre égal sur ses trois légions, de huit cents chevaux, et d'autant de fantassins auxiliaires, et il ordonna à ces troupes de se tenir prêtes à marcher au premier signal. Vologèse fit plus de diligence que Corbulon. Quoiqu'il sût que le chemin par lequel il devait aller à Pétus • était gardé d'un côté par trois mille hommes d'infanterie romaine, et de l'autre par la cavalerie pannonienne, il avança sans crainte ; et par la grande supériorité de ses forces, il dissipa les Pannoniens, il écrasa les légionnaires. Un seul centurion, nommé Tarquitius Crescens, osa défendra une tour dont il avait la garde, et il fit plusieurs sorties avec succès. Mais les Barbares mirent le feu à la tour, et le firent périr dans les flammes. La cavalerie s'était retirée sans avoir rendu de combat, et par conséquent sans perte. Pour ce qui est des gens de pied, ceux qui étaient sans blessures s'enfoncèrent dans les forêts et dans les défilés des montagnes ; les blessés revinrent au camp, et ils y portèrent la terreur dont les avait remplis leur désastre. Ils exagéraient la valeur du roi des Parthes, le nombre prodigieux et la férocité des nations qu'il traînait à sa suite ; et ils trouvaient disposés à les croire des auditeurs sur lesquels agissait une peur semblable. Le général lui-même ne se roidissait point contre la fortune : abattu et consterné, il avait abandonné toutes les fonctions de sa charge. Sa ressource était en Corbulon, à qui il écrivit de nouveau des lettres pressantes pour le prier de venir au plutôt, de sauver les drapeaux des légions, les aigles romaines, et les restes déplorables d'une armée malheureuse : ajoutant que pour lui il garderait jusqu'au dernier soupir la fidélité qu'il devait à l'empereur. C'était-là que Corbulon l'attendait. Il ne différa plus,
et laissant en Syrie une partie de ses troupes pour la défense des châteaux
construits sur la rive de l'Euphrate, il se mit lui-même en marche avec le
gros de ses forces, prenant la route la plus commode pour les subsistances,
par la Commagène et par la Cappadoce. Il faisait marcher avec son armée un
grand nombre de chameaux chargés de blé, afin de porter à celle de Pétus un
double secours, contre l'ennemi et contre la disette. Sur son chemin il
rencontra plusieurs fuyards, qui venaient chercher leur sûreté sous sa
protection, soldats, officiers, et même un premier capitaine de légion. Sans
vouloir écouter leurs excuses[3], il les renvoya à
leurs drapeaux. Allez, leur dit-il, essayez de fléchir la juste indignation de Pétus. Auprès
de moi vous ne trouverez grâce, que vainqueurs des ennemis. En même
temps il parcourait les rangs de ses légions, il les encourageait, en leur
rappelant leur gloire passée, et leur en montrant une nouvelle à acquérir. Le prix de votre expédition, leur disait-il, ne se réduira pas à quelques bourgades d'Arménie : c'est
un camp romain, ce sont des légions qu'il s'agit de conserver à la
république. Si l'honneur de sauver la vie dans un combat à un seul citoyen
est si grand, qu'il est récompensé par une couronne éclatante donnée de la
main du général, quel triomphe pour nous de sauver une armée entière !
Outre les motifs communs à tous, le péril de leurs proches, de leurs frères, était
pour quelques-uns un aiguillon propre et personnel. Ainsi pleines d'ardeur
ces vaillantes troupes marchaient nuit et jour, sans prendre presque aucun
relâche. C'était une raison pour Vologèse de presser d'autant plus vivement l'armée qu'il tenait assiégée. Il attaquait tantôt le camp romain, tantôt le fort où l'on avait retiré les personnes que la faiblesse de l'âge ou du sexe rendait inutiles pour le combat. Il s'avançait même plus près que les Parthes n'ont coutume de faire, pour essayer si par cette témérité il pourrait engager les ennemis à en venir aux mains. Mais les Romains[4], ne quittant leurs tentes qu'à regret et avec peine, se contentaient de défendre leurs retranchements. Tels étaient les ordres de leur général ; et plusieurs s'y conformaient très-volontiers par lâcheté, attendant Corbulon, et préparés, si le danger devenait pressant, à s'autoriser de l'exemple des traités de Caudium et de Numance. Ils le disaient tout haut, et ils observaient que les Samnites ni les Numantins n'avaient pas été des ennemis aussi redoutables que les Parthes, rivaux de la puissance romaine, et qu'ils pouvaient bien faire ce qu'avait fait cette antiquité si vigoureuse et tant vantée, qui, lorsque la fortune était contraire, n'avait pas négligé le soin de sa sûreté. Pétus, voyant la consternation généralement répandue parmi
ses soldats, se résolut d'entrer en négociation avec Vologèse. Il lui écrivit
donc, non pas encore d'un ton suppliant, mais comme ayant à se plaindre de ce
que le roi des Parthes contestait aux Romains par la voie des armes leur
droit sur l'Arménie, qui depuis un très longtemps leur avait été soumise, ou
à un roi choisi par l'empereur. Il lui représentait que
la paix était également utile aux deux nations : et il l'avertissait de ne
pas envisager seulement la situation actuelle des choses ; qu'avec toutes les
forces de son royaume il était venu attaquer deux légions, au lieu que les
Romains avaient derrière eux tout l'univers pour ressource et pour appui.
Vologèse, en répondant à Pétus, ne descendit point dans la discussion des
droits et des prétentions réciproques : mais parlant en vainqueur, il déclara
qu'il attendait Pacorus et Tiridate, ses frères, pour prendre avec eux sur
l'Arménie le parti qui serait convenable à la majesté du nom des Arsacides,
et pour décider du sort des légions romaines. Pétus demanda ensuite une conférence avec le roi, qui ne jugea pas à propos de venir lui-même, mais envoya à sa place Vasacès, le commandant de sa cavalerie. Le Romain rappela les exploits de Lucullus, de Pompée, et les droits exercés sur l'Arménie par les Césars. Vasacès soutint que les Romains n'avaient eu que l'ombre du pouvoir en Arménie, et que la réalité avait toujours été du côté des Parthes. Après bien des discours, la conclusion fut remise au lendemain, et l'Adiabénien Monobaze y intervint comme témoin des articles qui seraient réglés. Il fut dit que les hostilités cesseraient : que tous les soldats romains videraient l'Arménie : que les forts avec les provisions qui s'y trouvaient seraient livrés aux Parthes : après quoi Vologèse enverrait une ambassade à Néron. Lès Parthes exigèrent encore que les Romains jetassent un pont.sur le fleuve Arsamétès[5], qui baignait leur camp..Pétus obéit, feignant néanmoins, pour couvrir sa honte, qu'il construisait ce pont à dessein de s'en servir lui-même. Mais l'événement le décela ; car il prit une route différente. Ce traité était déjà assez honteux pour les Romains. La renommée en grossit encore l'ignominie, en publiant qu'ils avaient passé sous le joug, et ajoutant toutes les circonstances d'un désastre complet. Il est vrai que l'humiliation des Romains fut grande. Les Arméniens entrèrent dans leur camp avant qu'ils en fussent sortis, et bordant les chemins par où l'armée se retirait, ils reconnaissaient leurs esclaves et leurs bêtes de charge, et les enlevaient. Ils allèrent même jusqu'à dépouiller les Romains et les désarmer : et le soldat tremblant souffrait tout, de peur d'être obligé de combattre. Vologèse voulut aussi triompher, mais d'une façon décente. Il se contenta d'ériger un trophée de sa victoire, en mettant ensemble en un monceau les armes et les corps de ceux qui avaient été tués ; et il ne se rendit pas le témoin de la fuite de l'armée romaine. Cette conduite a, ce me semble, de la modération et de la dignité, et elle ne méritait pas d'être traitée par Tacite d'une vaine affectation, qui ne coûtait rien au roi des Parthes après qu'il avait satisfait son orgueil. Le bruit s'était répandu que le pont construit par les Romains sur l'Arsamétès n'était pas solide, et qu'ils avaient eu la perfidie de le fabriquer de manière que lorsqu'il serait chargé il plierait et fondrait sous le faix. Ce soupçon engagea Vologèse à passer ce fleuve sur un éléphant, et les premiers de sa cour à cheval. Néanmoins ceux qui osèrent se fier au pont n'eurent point lieu de s'en repentir. La construction en était bonne, et les Romains y avaient travaillé fidèlement. Tout ce qui peut déshonorer une armée et un général se trouva réuni dans la honteuse retraite des Romains. Ils étaient dans une telle abondance, qu'en par- tant ils brûlèrent leurs magasins. Au contraire, Corbulon, dans des mémoires que Tacite avait sous les yeux, assurait que les Parthes manquaient de tout, et que n'ayant point de fourrage à donner à leurs chevaux, ils étaient près d'abandonner l'entreprise. Il ajoutait qu'il n'était qu'à trois journées de chemin ; en sorte qu'une patience de trois jours mettait Pétus en état de recevoir un secours, qui l'aurait infailliblement délivré. Si le témoignage de Corbulon est suspect, parce que la honte de Pétus tournait à sa gloire, au moins voici des circonstances données pour certaines par Tacite. La précipitation de l'armée romaine en se retirant fut telle, qu'en un jour elle fit plus dé quarante milles, c'est-à-dire plus de treize lieues, laissant sur les chemins les blessés qui ne pouvaient suivre ; et le désordre de cette retraite ne fut pas moins ignominieux, qu'une fuite lâchement prise dans le combat. Corbulon avec ses troupes vint à la rencontre de cette déplorable armée près des bords de l'Euphrate, et il ne fit point briller la sienne d'un éclat qui reprochât à l'autre son infortune. Les soldats, d'un air triste, et plaignant le sort de leurs camarades, ne purent pas même retenir leurs larmes. A peine les pleurs qui coulaient de leurs yeux leur permirent-ils de faire le salut accoutumé. Il ne s'agissait point d'émulation de vertu, ni de jalousie de gloire, sentiments qui ne conviennent qu'à des heureux. La seule commisération agissait sur les cœurs, et plus vivement dans les subalternes. L'entretien des deux chefs fut court et sec. Corbulon se plaignit de la peine qu'on lui avait fait prendre inutilement, et de l'occasion qu'il manquait de terminer la guerre par la défaite et la fuite des Parthes. Pétus répondit que toutes choses étaient encore dans leur entier, et qu'ils pouvaient rebrousser chemin, et, joignant ensemble leurs forces, attaquer l'Arménie, que la retraite de Vologèse avait laissée sans défense. Cette proposition était une insigne mauvaise foi dans la bouche de Pétus, s'il est vrai, comme Corbulon l'attestait dans ses mémoires, qu'il eût juré sur les aigles romains, en présence des témoins envoyés par Vologèse, qu'aucun Romain ne mettrait le pied dans l'Arménie, jusqu'à ce que l'on sût si l'intention de Néron était de ratifier ou d'infirmer le traité. Quoi qu'il en soit, Corbulon rejeta nettement le projet qui lui était proposé. Il dit qu'il n'avait point d'ordres de l'empereur pour ce qui concernait l'Arménie ; que le seul danger des légions l'avait engagé à sortir de sa province ; mais que maintenant, dans l'incertitude de ce que feraient les Parthes, et s'ils ne tenteraient point une irruption en Syrie, il se hâterait d'y retourner : qu'encore s'estimerait-il fort heureux, si, avec une infanterie fatiguée d'une longue et pénible marche, il pouvait prévenir des troupes de cheval, qui n'avaient que des plaines à traverser. Pétus n'eut point d'autre parti à prendre, que d'aller achever ses quartiers d'hiver en Cappadoce ; et Corbulon retourna en Syrie. Là il reçut des nouvelles de Vologèse, qui le sommait de détruire les forts construits par lui au-delà de l'Euphrate, afin que ce grand fleuve redevînt, comme il l'avait toujours été, la borne des deux empires. Corbulon demanda de son côté à Vologèse d'évacuer l'Arménie ; et après quelques difficultés, le roi des Parthes y consentit. Ainsi Corbulon rasa ses forts au-delà de l'Euphrate, et l'Arménie laissée à elle-même ne vit plus au milieu d'elle aucunes troupes étrangères. Pendant ce temps-là on dressait à Rome des trophées, comme si les Parthes avaient été vaincus ; on élevait des arcs de triomphe au milieu du mont Capitolin. Le sénat, par une précipitation bien imprudente, avait ordonné ces ouvrages dans le temps que la guerre durait encore ; et on eut honte de les laisser imparfaits : on aima mieux braver la vérité connue, que d'avouer aux yeux ce que tout le monde savait intérieurement. Les événements que je viens de rapporter appartiennent à l'an de Rome 813. L'année suivante au printemps, arrivèrent à Rome des
ambassadeurs de Vologèse, dont les instructions portaient que le roi des Parthes n'alléguait plus ses droits tant de
fois représentés sur l'Arménie, puisque la querelle se trouvait décidée par le
fait, et que tes dieux, arbitres souverains des peuples les plus puissants,
avaient rendu les Parthes maîtres de ce pays, non sans quelque ignominie pour
les Romains ; que Tigrane avait souffert un siège dans Tigranocerte ; que
Pétus et ses troupes auraient infailliblement péri, si Vologèse n'eût bien
voulu leur accorder la vie, et la liberté de se retirer ; que ce prince avait
assez prouvé et sa puissance et sa douceur, et qu'il n'avait plus à souhaiter
qu'une bonne paix ; que Tiridate ne refuserait pas d'aller à Rome recevoir,
la couronne d'Arménie, s'il n'était retenu sur les lieux par le sacerdoce
dont il était revêtu ; mais qu'il se rendrait au camp romain, et que là,
devant les aigles et les images de l'empereur, en présence des légions, il
prendrait possession de ce royaume. Lorsque les lettres de Vologèse eurent été lues, comme les dépêches de Pétus ne s'y rapportaient nullement, et n'annonçaient aucun changement bien fâcheux, on interrogea le centurion qui avait accompagné les ambassadeurs Parthes, et on lui demanda où en étaient les affaires de l'Arménie. Il répondit qu'il n'y était pas resté un seul Romain. Alors on comprit que les Barbares se moquaient de l'empereur et de l'empire, en demandant l'investiture d'un royaume dont ils s'étaient mis en possession par les armes. Néron délibéra avec les premiers de la république sur le choix entre une guerre difficile et une paix peu honorable. Tous opinèrent pour la guerre ; et de peur de retomber dans le même inconvénient qu'avait produit l'incapacité de Pétus, on recourut à Corbulon, qui par son habileté et sa grande expérience était plus capable qu'aucun autre de remédier au mal, et d'effacer la honte du nom romain. Les ambassadeurs furent renvoyés sans réponse favorable, mais avec des présents néanmoins ; et on leur laissa entendre que, si Tiridate venait en personne solliciter ce qu'il désirait, il ne serait pas rebuté. En même temps que les ministres de Néron faisaient entrevoir aux Parthes cette ouverture de paix, ils n'en prenaient pas moins les mesures les plus efficaces pour pousser vivement la guerre. On donna à Cestius l'administration de la Syrie[6], afin que Corbulon déchargé du soin de cette province, pût vaquer uniquement à la guerre ; et l'on soumit à l'autorité de ce général tout ce que les Romains entretenaient de troupes en Orient, auxquelles on ajouta encore une légion, qui lui fut amenée de Pannonie par Marius Celsus. On écrivit aux rois, aux tétrarques, à tous ceux qui avaient quelque commandement ou quelque emploi dans les provinces voisines, et même aux propréteurs qui les gouvernaient, de recevoir et d'exécuter les ordres de Corbulon ; en sorte que le pouvoir qui lui fut donné égalait presque celui.qui avait été autrefois conféré à Pompée pour la guerre contre Mithridate. Dans cet intervalle Pétus arriva à Rome : et Tacite[7] dit que Néron se contenta de lui faire essuyer quelques plaisanteries. Je me hâte, lui dit-il, de vous pardonner : car, peureux comme vous êtes, le moindre délai serait capable de vous faire tomber malade. Un mot de cette nature serait parmi nous quelque chose de plus triste que la disgrâce la plus complète. Les Romains n'étaient pas si vifs sur le point d'honneur, qu'on l'est dans notre nation. Corbulon forma son plan avec beaucoup de sagesse : Préparatifs terrible dans l'appareil, et charmé s'il pouvait obtenir la victoire par le seul effroi que son nom et ses forces marelles répandraient parmi les ennemis. Il renvoya en Syrie les légions qui avaient été si maltraitées sous Pétus, et qui, affaiblies par la perte de leurs meilleurs hommes, et conservant de leur disgrâce une impression de terreur, étaient peu propres pour combattre. Au lieu d'elles il prit avec lui deux légions exercées de longue main sous ses ordres par les travaux et encouragées par les succès. Il y joignit la cinquième légion qui, laissée par Pétus dans le Pont n'avait souffert aucun échec, et la quinzième qui venait de lui arriver de Pannonie, des détachements des légions d'Illyrie et d'Égypte, les troupes auxiliaires d'infanterie et de cavalerie qui accompagnaient ordinairement les légions, et les secours que lui avaient récemment fournis tous les rois et les princes de l'Orient. Avec cette formidable armée il se rendit près de Mélitène, pour y passer l'Euphrate. Après avoir fait la revue de ses troupes avec les cérémonies de religion usitées en pareil cas, il leur fit une harangue dans laquelle il releva magnifiquement la fortune attachée aux auspices de l'empire romain, et ses propres exploits, rejetant les mauvais succès sur l'inexpérience de Pétus. Il n'avait jamais cultivé l'éloquence : mais la hauteur des sentiments et la noble confiance en sa vertu remplaçaient avantageusement dans ce guerrier l'art du discours qui lui manquait. Il se mit ensuite en marche, et prit la route qu'avait prise autrefois Lucullus, rouvrant les passages que depuis un si long temps diverses causes avaient fermés. Les Parthes furent effrayés : et bientôt Corbulon vit
arriver des ambassadeurs de Vologèse et de Tiridate, chargés de propositions
de paix. Il les reçut sans dureté et sans dédain, et en les renvoyant il les
fit accompagner de quelques centurions romains, à qui il donna des
instructions assez pacifiques. Il y disait que la
querelle n'était pas encore portée au point qu'elle ne pût être terminée sans
employer les armes : qu'il y avait eu variété d'événements ; de grands
avantages remportés par les Romains, quelques-uns accordés aux Parthes,
puissantes leçons contre l'orgueil. Que c'était à Tiridate et à Vologèse à en
profiter, considérant, l'un que ses intérêts demandaient qu'en recevant en
don le royaume auquel il prétendait, il lui épargnât les dévastations de la
guerre ; l'autre, que la nation des Parthes tirerait plus d'utilité de
l'alliance avec les Romains, que du sang mutuellement répandu. Il ajoutait
qu'il n'ignorait pas quelles semences de discordes l'empire des Parthes
renfermait dans son sein, et combien étaient intraitables plusieurs des
peuples que Vologèse avait à gouverner ; qu'au contraire l'empereur romain
jouissait partout d'une paix tranquille, et n'avait que cette seule guerre à
soutenir. Corbulon fortifia ses conseils par des hostilités capables
d'intimider, et, en entrant dans l'Arménie, il attaqua les grands du pays qui
les premiers avaient abandonné les Romains, les chassa hors de leurs terres,
rasa leur forteresses, porta la terreur dans les plaines, dans les montagnes,
parmi les faibles et parmi les puissants. Ce général n'était point haï des Parthes comme un ennemi implacable : ils avaient même confiance en sa générosité, et ils crurent que son conseil était bon. Ainsi Vologèse, qui n'avait pas non plus un caractère violent, fit un pas vers la paix en demandant une trêve pour quelques-unes de ses satrapies. Tiridate proposa une entrevue. Corbulon y consentit. On marqua un jour peu éloigné : et les Parthes ayant choisi le lieu où l'année précédente ils avaient tenu les légions romaines assiégées, afin de renouveler le souvenir flatteur de leurs succès, Corbulon ne l'évita pas, persuadé que le contraste de sa fortune avec celle de Pétus augmentait sa gloire. Et en général il n'était point du tout fâché de ce qui tendait à aggraver la honte de ce chef malheureux, comme il parut par la commission qu'il donna au fils de Pétus, qui servait sous lui comme tribun, d'aller avec quelques compagnies de soldats ensevelir les ossements de ceux qui avaient péri dans cette expédition infortunée. Tacite nous a décrit tout le cérémonial de l'entrevue Corbulon et de l'espèce d'hommage qui la suivit. Voici de quelle manière l'entrevue se passa. Au jour marqué, Corbulon envoya au camp de Tiridate deux otages pour sûreté de la personne du prince. Les deux otages furent Tibère Alexandre, et Annius Vivianus ; le premier, juif apostat, comme il a été dit ailleurs, neveu de Philon, ayant rang entre les plus illustres chevaliers romains, et faisant dans le camp de Corbulon à peu près les fonctions de nos intendants d'armée 1 : l'autre était gendre de Corbulon, et quoiqu'il ne fut pas en âge d'entrer au sénat, il ne laissait pas d'exercer la charge de commandant de la cinquième légion. Corbulon et Tiridate s'avancèrent ensuite vers le lieu convenu, n'amenant chacun que vingt cavaliers. Lorsque le roi aperçut le général romain, il descendit le premier de cheval, et Corbulon ne tarda pas à en faire autant. Tous deux à pied ils se prirent la main en signe d'amitié. Corbulon commença par louer le jeune prince de ce que, renonçant à des espérances pleines de dangers, il choisissait le plus sûr et le meilleur parti. Tiridate, après avoir beaucoup vanté sa haute naissance, ajouta pourtant, d'un ton modeste, qu'il irait à Rome, et qu'il comptait procurer un nouveau degré de gloire à l'empereur, en mettant à ses genoux un Arsacide dans une circonstance où les affaires des Parthes n'étaient point en mauvaise posture. Il fut donc réglé que Tiridate viendrait déposer le diadème au pied de la statue de l'empereur, et qu'il ne le reprendrait que de sa main. L'entrevue se termina par un baiser qu'ils se donnèrent réciproquement. Après quelques jours, se fit la cérémonie que j'appelle de l'hommage, avec un très-grand éclat. D'un côté paraissait la cavalerie des Parthes distribuée en escadrons, avec les enseignes usitées parmi cette nation : de l'autre, les légions rangées comme en un jour de bataille faisaient briller leurs aigles, et leurs drapeaux déployés ; Tacite ajoute même des statues des dieux, qui semblaient représenter un temple. Ati milieu avait été dressé un tribunal de gazon, suivant la coutume, sur lequel était placée une chaise curule, et sur la chaise une statue de Néron. Tiridate s'en approcha respectueusement, et après avoir immolé des victimes, il ôta le diadème de son front, et le mit au pied de la statue. Ce spectacle excita de grands mouvements dans les esprits, surtout lorsqu'on se rappelait l'idée encore récente du désastre et de l'humiliation des armées romaines. Quelle différence, s'écriait-on, en ce jour ! Tiridate va dans un long voyage rendre toutes les nations témoins de sa soumission à l'empire des Romains, réduit à l'état de suppliant et presque de captif. Corbulon couvert de gloire y joignit la politesse, et donna un grand repas à Tiridate. Ce prince, à qui les usages des Romains étaient tout nouveaux, demandais raison de tout ; pourquoi un centurion venait annoncer au général le commencement de chaque veille ; pourquoi la fin du repas était marquée par le son de à trompette ; pourquoi l'on allumait du feu sur un autel placé à la droite de la tente du général : et Corbulon profitait de l'occasion pour lui donner, en satisfaisant sa curiosité, une idée magnifique de tout ce qui se pratiquait chez les Romains. Le lendemain Tiridate demanda un intervalle pour aller, avant que d'entreprendre un si grand voyage, dire adieu à sa mère et à ses frères : et il partit du camp romain, y laissant sa fille en otage, et une lettre soumise pour Néron. Il vit Pacorus dans le pays des Mèdes, et Vologèse à Ecbatane. Le dernier avait eu des inquiétudes au sujet de la réception qui serait faite à son frère, et il avait écrit à Corbulon pour le prier de ne rien exiger de Tiridate qui ressentît la servitude : qu'il ne quittât point son épée, qu'il fût admis au baiser par les gouverneurs de provinces, qu'on ne le fit point attendre clans leurs antichambres, et qu'à Rome on lui rendît les mêmes honneurs qu'aux consuls. Sur quoi Tacite fait cette réflexion. Vologèse, accoutumé aux manières superbes des rois d'Orient[8], ne connaissait point la façon de penser des Romains, qui maintiennent avec vigueur les droits essentiels de l'empire, mais qui font peu attention à un vain cérémonial. Pline nous apprend que Tiridate, qui était mage, voulut faire le voyage de Rome par terre, parce que sa religion, dont le culte avait les eaux pour objet, Plia. xxx, a. aussi-bien que le feu, ne lui permettait ni de cracher dans la mer, ni de souiller cet élément par aucune ordure : et ce scrupule gênant fait voir que la raison alléguée quelque temps auparavant par Vologèse, pour dispenser Tiridate d'aller à Rome, n'était pas un pur prétexte. Il fut pourtant obligé de passer l'Hellespont : mais le trajet est très-court. Sa marche fut onéreuse pour les provinces, qu'il fatigua par les réceptions qu'il fallait lui faire partout. Il menait avec lui sa femme, ses enfants, les enfants de Vologèse, de Pacorus, et de Monésès, toute sa maison, et trois mille chevaux parthes. Une nombreuse cavalerie romaine, commandée par Annius Vivianus, gendre de Corbulon, lui faisait aussi cortège ; et toute cette suite, quoique défrayée aux dépens de l'empereur, qui fournissait à Tiridate huit cent mille sesterces par jour[9], ne pouvait manquer d'incommoder les habitants des lieux où elle passait. Il mit neuf mois à son voyage, toujours à cheval, jusqu'à ce qu'il fût arrivé en Italie. Sa femme l'accompagnait aussi à cheval, et couverte d'un casque d'or, pour n'être point vue au visage. On voit que les affaires de la guerre se terminaient sans que Néron y mît beaucoup du sien, et peut-être faut-il attribuer en partie à son aversion pour tout ce qui demandait des soins et une application sérieuse, l'étendue des pouvoirs donnés à Corbulon, et la liberté presque indépendante avec laquelle ce général en usait. L'unique affaire de Néron étaient ses plaisirs. Toujours livré à sa folle passion pour la musique, il ne trouvait pas que les jeux Juvénaux, qui se célébraient dans son palais ou dans ses jardins, offrissent un assez grand théâtre à une voix telle que la sienne. Il voulut la faire briller dans les jeux publics. Cependant, retenu encore par quelque reste de pudeur, il n'osa pas commencer par Rome à se donner en spectacle à tout un peuple assemblé. Il résolut de faire son essai à Naples, ville grecque, et par conséquent plus favorable à la gloire des arts. Son plan était de passer ensuite en Grèce, afin d'y gagner, dans les jeux Olympiques, Pythiens, et autres renommés de toute antiquité, des couronnes éclatantes, dont le lustre lui méritât l'admiration de ses citoyens, et le rendit tout-à-fait digne du théâtre de Rome. Ce fut sous les consuls Lécanius et Crassus qu'il entama l'exécution de ce noble projet. C. LECANIUS BASSUS. - M. LICINIUS CRASSUS FRUGI. AN R. 815. DE J.-C. 64.Lorsqu'il monta sur le théâtre de Naples, on peut juger que la foule des spectateurs fut grande. Outre les gens de sa cour et les troupes de sa garde, la curiosité y avait attiré non-seulement tout le peuple de la ville, mais les habitants des villes voisines ; et les applaudissements ne furent pas épargnés. Un tremblement de terre qui survint pendant qu'il chantait, ne l'empêcha pas d'achever son rôle : et après la fin des jeux, l'édifice du théâtre étant tombé, lorsque toute la multitude en était déjà sortie, Néron regarda cet accident ménagé, ce semblait, si à propos pour le moment où il ne devait être funeste à personne, comme une preuve signalée de la faveur des dieux ; et il leur en rendit grâces par des vers et des chants de musique. De Naples Néron s'avança vers la mer Adriatique, suivant l'idée qu'il avait de s'embarquer à Brindes pour passer en Grèce, et il s'arrêta à Bénévent, parce qu'il voulut assister à un combat de gladiateurs, qu'un certain Vatinius y devait donner avec beaucoup d'appareil. Cet homme[10], qui portait un nom signalé par l'opprobre dès le temps de la république, en soutenait dignement toute la honte. Élevé dans une boutique de cordonnier, mal fait de sa personne, plaisant grossier, il avait été d'abord appelé à la cour de Néron pour en être le jouet : et bientôt par les calomnies qu'il inventait contre les plus gens de bien, il acquit tant de crédit, de puissance, et de richesses, que nul n'était plus en état de nuire, et les méchants même lui cédaient en ce point la supériorité. Ce misérable affectait de se déclarer l'ennemi du sénat, jusqu'à dire souvent à Néron, Je vous hais, César, parce que vous êtes sénateur ; et il lui faisait sa cour par cet horrible langage. Quand j'ai dit que Néron n'était occupé que de ses plaisirs, c'est par opposition aux affaires, et sans préjudice des droits de sa cruauté. Pendant que les jeux de Vatinius l'amusaient à Bénévent, il faisait poursuivre à Rome Torquatus Junius Silanus comme criminel de lèse-majesté. Le vrai crime de Torquatus était d'être sorti des plus anciennes maisons de la noblesse romaine, et de compter Auguste pour bisaïeul. Mais les accusateurs apostés par le ministère lui reprochèrent des prodigalités et des largesses, qui en le ruinant ne lui laissaient de ressource que dans à bouleversement de l'état. Ils ajoutèrent qu'il avait une maison montée sur le modèle de celle des empereurs, et qu'il donnait à ses domestiques des titres semblables à ceux des officiers du palais. En même temps les plus fidèles de ses affranchis furent enlevés et chargés de chaînes. L'accusé, voyant qu'il allait être condamné, se fit ouvrir les veines, et Néron, suivant son style ordinaire, écrivit au sénat que tout coupable qu'était Torquatus, et quoiqu'il eût eu raison de désespérer de sa cause, il aurait néanmoins obtenu grâce de la vie, s'il eût pris confiance en la clémence de son souverain juge. Le projet du voyage en Grèce n'eut point d'exécution. Néron était un esprit volage, qui ne se gouvernait que par caprice, et dont les pensées n'avaient nulle consistance. Ainsi tout d'un coup on le vit revenir à Rome, sans qu'il parût aucun motif de ce changement subit, si ce n'est une nouvelle fantaisie qui l'avait frappé. Il se proposait de voyager dans les provinces de l'Orient, et surtout en Égypte. Il publia ce dessein par une déclaration, dans laquelle il promettait que sou absence ne serait pas longue, et que la tranquillité et le bonheur de la république n'en souffriraient point. Mais s'étant transporté au Capitole, et ensuite au temple de Vesta, pour invoquer la protection des dieux sur son voyage, lorsqu'il se levait après sa prière finie, premièrement son habit s'accrocha, ce qui fut répute un mauvais présage ; et :de plus il eut un éblouissement, et fut saisi d'un tremblement universel, soit par quelque indisposition subite et passagère, soit que la sainteté du lieu, lui rappelant le souvenir de ses crimes, augmentait la terreur qu'il portait sans cesse au fond de son âme. Ce double accident le fit changer encore une fois de résolution. Il déclara que l'amour de la patrie l'emportait en lui sur tout autre sentiment ; qu'il avait vu la tristesse répandue sur les visages des citoyens ; qu'il avait entendu leurs plaintes secrètes. Comment supporteraient-ils la douleur de lui voir entreprendre un si grand voyage, eux qu'alarmait une simple promenade de peu de jours, parce que la vue de leur prince était leur ressource et leur consolation contre tous les maux qui pouvaient survenir ? Il concluait qu'il ne lui était pas permis de se refuser aux désirs du peuple romain, qui voulait le retenir, et qui avait sur lui les mêmes droits que les plus proches parents ont sur les particuliers. Il parait que Néron savait tourner les choses du beau côté. Il resta donc dans Rome, et je soupçonne assez volontiers que, pour se dédommager de son voyage manqué, ce fut alors qu'il envoya à la découverte des sources du Nil. Deux centurions par son ordre remontèrent le Nil à ce dessein ; mais ils furent arrêtés par des marais pleins d'herbages, et par les cataractes. Néron ne se trompait pas absolument en supposant que le peuple était bien aise de le voir résider dans Rome. Les divertissements et les spectacles qu'occasionnait sa présence, et surtout l'inquiétude capitale sur l'article des vivres, s'il s'éloignait, étaient de puissants motifs auprès de la multitude. Le sénat et les premiers de la république doutaient si sa cruauté était plus à craindre de loin ou de près, et comme il arrive dam les plus grands maux, le présent fut jugé le pire. Néron se piqua de répondre, mais d'une façon digne de lui, à l'affection que' le peuple lui marquait, et pour prouver que nul séjour ne le charmait plus que celui de Rome, il en fit le centre de ses plaisirs. On lui préparait ses repas de dissolution dans les édifices publics, dans les places, dans le champ de Mars, dans le Cirque, et il se servait de toute la ville comme de sa maison. Tacite nous fournit avec une sorte de regret quelque détail sur un de ces repas, oh l'excès de la débauche la plus honteuse fut joint à la profusion des mets, et il le cite comme un exemple par lequel on peut juger des autres, et conséquemment le dispenser de s'occuper trop longtemps à peindre des objets si hideux. Ce repas accompagné de musique et d'illumination fut donné à Néron par Tigellin sur un étang qui portait le nom d'Agrippa. La table, au service de laquelle on fit contribuer en gibier et en poisson les terres et les mers les plus reculées, fut dressée dans un bateau, qui était tiré par d'autres barques. Ces bâtiments brillaient d'ornements d'or et d'ivoire ; et les rameurs étaient des jeunes gens florissants par les grâces de l'âge, mais déshonorés par le vice, et entre lesquels le degré d'infamie réglait la distinction des rangs. Que dirai-je de l'indigne assemblage de femmes de la lie du peuple, et de daines de la plus haute noblesse, confondues et égalées par l'impudence de la débauche ? Néron, le plus corrompu de toute cette abominable troupe, ne sachant plus de quelle horreur s'avisez, se maria comme femme à un nommé Pythagoras. Tout le cérémonial fut observé, auspices consultés, voile mis sur la tête de l'empereur, dot stipulée et consignée. Pour finir ici tout ce qui regarde une matière qui alarme et révolte la pudeur, j'ajouterai par anticipation que quelques années après Néron joua le rôle contraire, et prit solennellement pour femme un eunuque nommé Sporus. Il ne croyait pas, selon le témoignage de Suétone[11], qu'il y eût une seule personne chaste dans le monde. Mais les vicieux sont de mauvais juges de la vertu. Le christianisme, qui s'établissait dans Rome, commençait à y rendre même la continence et la virginité communes, pendant que cet insensé empereur ne pensait pas qu'il fut possible de se contenter des plaisirs permis. Il ne manquait plus à Néron, que de devenir incendiaire. Il voulut l'être en grand, et brûler sa patrie, la capitale de l'univers. Je ne fais nulle difficulté de mettre sur son compte l'incendie qui consuma cette année plus des deux tiers de Rome, quoique Tacite ait douté si ce fut un accident fortuit, ou un effet de la noire malice du prince. Outre que Suétone et Dion chargent positivement Néron de ce crime, Tacite lui-même nous administre des circonstances qui prouvent évidemment que, si l'on vent attribuer au hasard l'origine du feu, au moins ce furent les ordres de Néron qui l'entretinrent, l'étendirent, le firent durer pendant plusieurs jours, et rendirent le désastre de Rome aussi grand que celui d'une ville prise d'assaut. Cet historien rapporte que personne n'osait porter du secours aux édifices qui brûlaient, parce que des hommes inconnus écartaient ceux qui voulaient éteindre le feu, en leur faisant de grandes menaces. Il s'en trouvait même qui augmentaient le feu, et qui y jetaient des torches allumées, en criant qu'ils avaient des ordres. Tacite, il est vrai, soupçonne que C'était peut-être l'avidité de piller impunément qui faisait agir et parler ainsi ces scélérats. Mais s'ils n'eussent pas été soutenus, l'intérêt était si vif, que bientôt la fraude aurait été découverte. Néron était à Antium lorsque l'incendie commença, et il y resta jusqu'à ce que les flammes menaçassent son palais. Alors seulement il revint à Rome, et le bruit se répandit dans le temps même que du haut d'une tour fort élevée il avait considéré avec satisfaction toute la ville en feu, et qu'ensuite, prenant son habit de théâtre, il avait joué une pièce dont le sujet était la prise de Troie ; image retracée au naturel dans ce que Rome souffrait actuellement. N'ayons donc aucun doute sur la part qu'eut Néron à l'incendie de Rome. Cet exploit est digne de tout le reste de son caractère inhumain et barbare. Il enviait, aussi-bien que Tibère, le sort de Priam, qui avait vu sa famille exterminée, et sa patrie réduite en cendres ; et quelqu'un ayant cité devant lui ce proverbe grec, que le même Tibère avait souvent à la bouche, Qu'après ma mort la terre soit livrée en proie aux flammes ! il enchérit encore sur l'indignité de cet horrible sentiment : Non pas après ma mort, dit-il, mais de mon vivant. Le projet de brûler Rome flattait encore la manie qu'il avait de bâtir, et sa folle vanité. Il était choqué du mauvais goût dans lequel étaient construits les anciens édifices, des rues mal alignées, étroites, tortueuses, obscures, sans dessein général, sans symétrie, ouvrages du caprice et de la précipitation des particuliers qui avaient rebâti à la hâte leurs maisons brûlées par les Gaulois. Néron voulait faire une nouvelle Rome, et il avait même l'ambition de lui donner son nom, et de l'appeler Néropolis, ou ville de Néron. Il se proposait spécialement d'agrandir son palais ; et parce que des greniers publics très-solidement construits occupaient un emplacement dont il croyait avoir besoin, il joignit les machines de guerre au feu pour les abattre, comme si c'eût été une forteresse ennemie. L'incendie commença le dix-neuf juillet, jour auquel les Gaulois, quatre cent cinquante ans auparavant, avaient mis le feu à la ville, et il dura dans toute sa violence pendant six jours et sept nuits. Il ne s'éteignit que faute d'aliments, ayant tout ravagé depuis le grand Cirque, situé au pied du mont Palatin, jusqu'aux extrémités des Esquilies, où on lui opposa un grand vide eu abattant un nombre prodigieux d'édifices. Ce n'est pas tout encore. Le feu que l'on croyait apaisé se ralluma de nouveau, et s'il fit périr moins d'hommes, parce que les lieux qu'il attaqua cette seconde fois étaient moins peuplés et plus découverts, il consuma de plus grands et de plus beaux bâtiments, soit temples des dieux, soit portiques destinés à l'ornement de la ville et à l'agrément des habitants. Ce fut dans les jardins de Tigellin que le feu reprit naissance, et de là il s'étendit aux environs : circonstance bien suspecte, et qui parut à tout le monde marquer visiblement la main d'où partait le désastre public. Une ancienne inscription citée par Juste Lipse donne lieu de penser que le second embrasement dura encore plus de deux jours. Le ravage que souffrit Rome par ce double incendie est affreux à imaginer. De quatorze quartiers, qui partageaient cette grande ville, trois furent détruits rez pied, rez terre ; quatre n'avaient point été endommagés ; les sept autres ne montraient plus que les vestiges et les tristes débris de bâtiments à demi brûlés. Tacite n'entreprend point de donner un dénombrement exact des maisons, des îles[12], des temples, qui périrent en cette funeste occasion. Il cite seulement, outre le palais de l'empereur, quelques édifices vénérables par leur antiquité, et la plupart précieux à la religion romaine : tels que le grand autel qu'Évandre, disait-on, avait consacré à Hercule vivant et présent sur les lieux ; le temple de Jupiter Stator, voué par Romulus ; le palais de Numa ; le temple de Vesta, qui renfermait les dieux Pénates du peuple romain. Ajoutez les dépouilles de tous les peuples de l'univers, les chefs-d'œuvre des plus habiles maîtres de la Grèce en peinture et en sculpture, les ouvrages d'anciens écrivains, et les monuments qui conservaient la mémoire des temps passés : toutes pertes irréparables, et dont la beauté de la ville, rebâtie dans un nouveau goût, était un bien faible dédommagement. Je n'ai point décrit l'horrible tumulte qui troubla tant de malheureux, dont les uns perdirent la vie, les autres se voyaient réduits à fuir et à errer sans asile, sans ressource, quelques-uns dépouillés en un instant de tout ce qu'ils possédaient au monde. C'est une image qu'il est aisé de se représenter. Néron fit parade d'attention à soulager le peuple dans cette calamité. Il recueillit les fugitifs dans le champ de Mars, et dans les édifices qu'Agrippa y avait construits : il ouvrit même ses jardins pour les y recevoir. On leur bâtit par son ordre des cabanes qui pussent leur servir de retraites. Il fit apporter d'Ostie et des villes voisines les meubles et les provisions dont tout ménage a besoin ; et il diminua le prix du blé, jusqu'à le faire donner à trois as le boisseau[13]. Mais on ne lui sut point gré de tous les secours qu'il procurait contre un mal dont il était la cause. Néron profita du malheur de sa patrie pour augmenter l'enceinte de son palais, dont il recula les limites jusqu'aux Esquilies. C'était la seconde fois qu'il le rebâtissait, et il l'appela le palais d'or, parce que l'or y brillait de toutes parts au milieu des compartiments de nacre de perles enrichis de pierreries. Les salles à manger étaient lambrissées de feuilles d'ivoire, qui tournant sur des pivots faisaient des tableaux changeants. De ces lambris pleuvaient des fleurs, et ils étaient percés de conduits par lesquels coulaient les parfums les plus précieux. La plus magnifique de ces salles était ronde, et imitait par un mouvement continuel celui de la voûte céleste. Les bains fournissaient à volonté des eaux amenées de la mer, et encore des eaux chaudes sulfureuses de la fontaine d'Albula[14]. La richesse des ornements de ce superbe palais n'était pas le principal objet de l'admiration. Le luxe avait alors rendu commun dans Rome tout ce qui dans d'autres temps aurait pu étonner en ce genre. La merveille du palais d'or était son étendue immense, qui enfermait des terres labourables, des vignobles, des prairies, des étangs, des forets remplies de bêtes fauves, des campagnes à perte de vue. Dans le vestibule s'élevait un colosse de six-vingts pieds de haut, ouvrage du statuaire Zénodore, qui représentait Néron. Les bâtiments étaient ceints de portiques à trois rangs de colonnes, et d'une longueur prodigieuse. La grandeur démesurée de ce palais fit naître une épigramme, que Suétone[15] nous a conservée : Rome va être engloutie par une seule maison. Romains, transportez-vous à Veïes, pourvu néanmoins que cette maison n'embrasse pas encore la ville de Veïes dans son enceinte. Cependant Néron n'en parlait qu'avec une sorte de dédain, et lorsqu'il le vit achevé, il dit qu'il commençait à être logé comme un homme. Il avait raison, dit Pline[16] avec une ironie pleine d'indignation. C'était ainsi qu'étaient logés ces anciens vainqueurs des nations, ces illustres triomphateurs, que l'on allait prendre à la charrue, ou devant leur petit foyer ; pour les mettre à la tête des armées. Ces hommes admirables avaient souvent pour toute richesse un champ, dont l'étendue n'égalait pas une des salles du palais de Néron. La reconstruction de la ville fut dirigée avec attention et intelligence. On ne l'abandonna point à la fantaisie des particuliers, et on l'assujettit à un plan général. Les nouvelles rues furent larges et tirées au cordeau. On régla à une certaine mesure la hauteur qu'il serait permis de donner aux maisons : on y pratiqua des cours, et l'on construisit en dehors des portiques, qui régnaient d'un bout à l'autre de chaque rue, avec des toits plats, de dessus lesquels on serait à portée de secourir les maisons où le feu aurait pris. Néron éleva ces portiques à ses frais, et il se chargea encore de livrer nettes et débarrassées aux propriétaires les places où ils auraient à bâtir : largesse intéressée, puisqu'il s'appropria tout ce qui pouvait se trouver de précieux parmi les débris, sans permettre à personne d'en approcher et de venir y reconnaître son bien. Pour accélérer l'ouvrage il proposa des récompenses différentes, selon la différence des rangs' et des fortunes, à tous ceux qui, avant un certain temps qu'il déterminait, auraient achevé leur bâtiment. Il fit voiturer du moellon en abondance, et il fixa dans chaque maison une certaine partie dans la construction de laquelle il n'entrerait point de bois, mais seulement de la pierre de Sabine et d'Albe, qui résistait au feu mieux que toute autre. On observa une sévère police par rapport à la distribution des eaux, que plusieurs particuliers avaient interceptées et détournées à leur usage. Elles furent toutes rendues au public, et afin que le remède fût toujours prêt contre les accidents imprévus du feu, on ordonna à chaque propriétaire d'avoir devant sa maison un réservoir qui fût exactement entretenu plein d'eau. Enfin chaque maison fut isolée, et l'on ne voulut plus souffrir de murs mitoyens. Ces divers arrangements fondés sur l'utilité procurèrent en même temps de la beauté et de la grâce à la ville : mais plusieurs prétendaient que l'habitation en était devenue moins saine, parce que ces rues étroites, ces maisons extrêmement hautes de l'ancienne Rome, la défendaient contre les ardeurs du soleil ; au heu que, dans le nouveau plan, de larges espaces sans aucune ombre y laissaient pénétrer toute la violence de la chaleur. Néron avait eu dessein de donner à Rome une grandeur proportionnée à celle de son palais, et d'en prolonger les murailles et l'enceinte jusqu'à Ostie, où il se proposait d'ouvrir un canal qui amènerait la mer jusque dans le cœur de la ville. Il aimait l'extraordinaire, le gigantesque, et il était servi selon son goût par deux architectes d'un génie audacieux, Sévérus et Céler, qui se faisaient une gloire de forcer la nature par l'art, et de se jouer de la puissance du prince en tentant l'impossible. Un de leurs projets était de tirer un canal navigable depuis le lac Averne jusqu'à l'embouchure du Tibre. L'entreprise était folle. Car dans tout cet espace, qui est de cent soixante milles, c'est-à-dire de plus de cinquante-trois lieues, on ne trouve presque qu'un rivage aride et des montagnes d'un roc dur, sans eau, si ce n'est celle des marais Pontins ; et quand même avec des peines incroyables on serait venu à bout de vaincre ces difficultés, l'utilité en eût été médiocre. Cependant Néron commença à percer les collines voisines de l'Averne, et il avait cet ouvrage, et les autres dont j'ai parlé, tellement à cœur, qu'il fit amener en Italie pour y travailler tout ce qu'il y avait de prisonniers dans l'étendue de l'empire, et voulut que les criminels même, au lieu de subir la peine de mort, fussent condamnés à des travaux. Tant d'efforts et de dépenses furent inutiles : le projet du canal, aussi bien que celui de l'énorme agrandissement de Rome, s'en alla en fumée. L'unique effet qui en résulta, ce fut qu'en fouillant les terres dans le canton de Cécube, on fit perdre au vin de ce cru sa qualité, qui le mettait au rang des meilleurs vins d'Italie. Néron souffrait avec peine de se voir haï de tout le public, comme auteur de l'incendie. Il eût bien voulu effacer des esprits, s'il eût été possible, un soupçon trop bien fondé ; et c'était dans cette vue, comme je l'ai dit, qu'il avait prodigué les soulagements au peuple. Il y joignit les cérémonies de la religion ; et pour faire regarder cette calamité comme un effet de la colère des dieux, il mit en œuvre tout ce.que la superstition païenne fournissait d'expiations, et de moyens d'apaiser le courroux du ciel. Enfin, comme rien ne lui réussissait, il s'avisa d'un expédient digne de lui, et il entreprit de rejeter l'odieux du crime dont il était coupable sur des hommes non-seulement innocents, mais embrasés de l'amour d'une doctrine et d'une vertu toute céleste. Les chrétiens s'étaient beaucoup multipliés dans Rome par les travaux apostoliques de St-Pierre et de St-Paul. Comme toute nouveauté en matière de religion est suspecte, ils étaient haïs de ceux qui ne les connaissait pas. Néron crut donc trouver en eux des sujets propres à être noircis de l'imputation atroce dont il cherchait à se laver. Telle est l'origine de la première persécution que l'Église ait soufferte de la part des empereurs romains, et il lui est glorieux d'avoir eu pour ennemi un prince qui l'était de toute vertu. Mais ce qui est déplorable, c'est que les plus beaux génies, les écrivains les plus célèbres, ont partagé l'aveuglement de Néron sur un objet si important, et se sont en quelque manière rendus complices de ses cruautés contre les chrétiens, en les approuvant. Je ne parle point ici de Suétone, quoiqu'il ait compté les supplices que ce prince fit souffrir aux chrétiens parmi ses bonnes actions. J'en veux à Tacite, cet esprit sublime, ce grand politique, cet ennemi déclaré du vice, qui s'exprime sur le sujet dont il s'agit d'une façon si calomnieuse et si brutale, qu'elle doit être pour nous un puissant avertissement de rendre à Dieu d'immortelles actions de grâces, pour nous avoir délivrés des ténèbres qui ont offusqué les idées d'un homme d'ailleurs si éclairé. Voici son récit : Néron voulut substituer en sa
place des victimes de l'indignation publique, et il soumit pour raison de
l'incendie, aux tourments les plus rigoureux, une secte d'hommes déjà détestés
pour leurs crimes, que le vulgaire appelait Chrétiens. L'auteur de cette
secte est un nommé Christ, qui sous l'empire de Tibère avait été puni du dernier
supplice par Ponce Pilate intendant de Judée. Et cette superstition damnable
réprimée pour un temps avait repris de nouvelles forces, et s'était répandue,
non-seulement dans la Judée, où le mal était né, mais dans la ville même, qui
est la sentine où se rassemble tout ce qu'il a de vicieux et d'infâme en
quelque lieu que ce puisse être. Il y en eut donc d'abord quelques-uns
d'arrêtés, qui s'avouèrent chrétiens, et sur leur dénonciation on en prit une
grande multitude, qu'il ne fut pas si aisé de convaincre du crime de
l'incendie, que d'une opiniâtreté de haine contre le genre humain. Dans leurs
supplices mêmes ils furent traités avec insulte. On couvrait les uns de peaux
de bêtes pour les faire dévorer par les chiens ; on en attachait d'autres à
des croix : plusieurs étaient revêtus de tuniques enduites de poix et de
soufre, et on les faisait brûler en manière de flambeaux pour éclairer
pendant la nuit. Ces supplices étaient un spectacle qui s'exécutait dans les
jardins de l'empereur, et pendant ce temps il donnait au peuple le
divertissement des courses de chariots, se mêlant parmi la foule en habit de
cocher, ou monté sur le siège d'un char et tenant les rênes. De là naissait
la commisération pour des hommes, véritablement coupables et dignes de toutes
sortes de supplices, mais qui semblaient immolés au plaisir inhumain d'un seul,
et non à l'utilité publique. Il est bien remarquable que l'innocence des chrétiens est attestée par Tacite, qui les charge d'injures. Il de leur fait que le reproche vague d'être les ennemis du genre humain, de la corruption duquel ils se séparaient. On peut assurer encore qu'il était mal informé, lorsqu'il dit que les Chrétiens se dénonçaient les uns les autres. Toute l'histoire ecclésiastique fait foi que ces généreux athlètes de Jésus-Christ, toujours prêts à confesser hautement le nom de leur divin maître, souffraient avec joie les plus horribles tourments que pût imaginer la cruauté des juges et des bourreaux, plutôt que de livrer leurs frères à la persécution. Les dépenses que Néron eut à faire pour les différents ouvrages dont j'ai parlé, lui servirent de prétexte pour exercer les rapines les plus odieuses. Un de ses grands vices était la prodigalité. Il ne connaissait point d'autre usage des richesses et de l'argent, qu'une profusion insensée. Ceux qui comptaient avec eux-mêmes lui semblaient des caractères bas et sordides : c'était au contraire un titre pour mériter son estime et ses éloges, que d'abuser de l'argent, et de le faire écouler comme l'eau. Il louait sans cesse Caligula son oncle, et il se le proposait en tout pour modèle ; mais par nul endroit ce monstre ne lui paraissait plus digne de son admiration que pour avoir en très-peu de temps dissipé les trésors immenses que Tibère lui avait laissés. Aussi toute occasion de largesse, toute façon de dépenser, avait des charmes pour Néron, et il n'y gardait aucune mesure. Je ne rappellerai point ici le luxe prodigieux de ses repas, ni les frais immenses des cour ses du Cirque et des représentations de pièces de théâtre. Mais aimant à étonner par la singularité de ses entreprises, il réunit souvent en un même jour et en un même lieu des spectacles d'espèces toutes différentes et même contraires : et un vaste bassin rempli d'eau, où l'on voyait nager de grands poissons de mer, après avoir servi à l'exécution d'un combat naval, était tout d'un coup mis à sec, et devenait un champ de bataille pour des troupes de terre, ou pour des gladiateurs. Dion cite une occasion où le changement de scène fut répété jusqu'à quatre fois en un jour. Ce n'est pas tout encore. Les jeux étaient terminés par des distributions que Néron faisait au peuple de tout ce qui peut se donner : oiseaux rares de toute espèce, blé, étoffes, or, argent, pierreries, tableaux, esclaves, chevaux et mulets, animaux des forêts apprivoisés, enfin des vaisseaux, des maisons, des terres. Comme la plupart de ces choses ne pouvaient pas se distribuer en nature à une multitude, l'empereur jetait de petites boules inscrites d'un nom qui marquait leur valeur. C'étaient comme de bons billets de loterie, et chacun de ceux qui avait pu saisir une de ces boules allait recevoir son lot. Suétone[17] rapporte que Néron donna à un joueur de flûte et à un gladiateur les patrimoines et les maisons d'illustres sénateurs décorés des ornements du triomphe. Il aima un singe aussi follement que Caligula avait aimé son cheval, et en conséquence il assigna à ce singe des maisons à la ville, des terres à la campagne, et après sa mort il lui fit une pompe funèbre avec une magnificence royale. Jamais il ne mit deux fois le même habit. Il jouait un jeu excessif : il pêchait avec un filet doré, dont les cordelettes étaient de pourpre. S'il voyageait, jamais il ne mena moins de mille voitures, dont les mules étaient ferrées d'argent, et les muletiers vêtus des plus belles étoffes, avec une multitude de Maures et de coureurs, ornés de bracelets et d'écharpes. Si l'on ajoute à ces profusions la fureur de bâtir, plus ruineuse encore que tout le reste, il sera aisé de concevoir comment les revenus de l'empire romain ne suffisaient point à Néron. Aussi se trouva-t-il tellement épuisé et dans une si grande détresse, que L'argent manquait pour la paie des troupes et pour les récompenses des vétérans. Comme il ne voulait point se réformer, son unique ressource fut les exactions et les rapines. Il n'est pas de chicane qu'il ne mît en œuvre pour tirer de l'argent et des communautés et des particuliers. Jamais il ne donna un emploi, qu'il ne dit à celui qu'il en revêtait, Vous savez ce qu'il me faut, et il exhortait tous ceux qu'il mettait en place à piller à outrance. Faisons en sorte, disait-il, qu'il ne reste rien à personne. La nécessité de rebâtir Rome fut pour lui un motif spécieux d'exiger d'horribles contributions, qui ruinèrent l'Italie, les provinces, les peuples alliés, et tout ce qui tenait à l'empire. Les sacrilèges ne lui coûtèrent rien. Il commença par dépouiller les temples mêmes de la ville, enlevant tout l'or que les vœux des anciens Romains y avaient consacré, soit pour rendre gratis aux dieux des heureux succès, soit pour implorer leur protection dans les disgrâces. Dans l'Asie et dans la Grèce, non-seulement les dons et les offrandes, mais les statues mêmes des dieux, devinrent la proie de l'avidité de l'empereur, qui envoya pour ce honteux exploit dans ces provinces Acratus et Secundus Carinas, l'un affranchi, et disposé à prouver son obéissance servile par toutes sortes de crimes ; l'autre homme de lettres, et instruit dans les sciences des Grecs, dont il s'était contenté d'orner son esprit sans en faire passer le fruit jusqu'à son cœur. Les temples même de Jupiter Olympien et d'Apollon à Delphes ne furent point épargnés. De ce dernier les ministres de Néron enlevèrent cinq cents statues de bronze, soit d'hommes, soit de dieux. Néron faisait, comme l'on voit, profession ouverte d'impiété, et en même temps, par une bizarrerie digne de remarque, quoique les exemples n'en soient pas rares, il était superstitieux. Il honora singulièrement pendant un temps la déesse Syrienne, dont j'ai parlé ailleurs. Ensuite passant d'une extrémité à l'autre, il en traita la statue avec un mépris outrageux. Ce ne fut que pour s'engager dans une nouvelle superstition. Un homme du peuple lui avait fait présent d'une petite image qui représentait une jeune fille, en lui disant qu'elle lui servirait de préservatif contre les embûches. La conjuration dont je vais incessamment donner l'histoire ayant été découverte peu après, Néron conçut une vénération parfaite pour cette image : il en fit sa divinité suprême, et persévéra constamment à lui offrir trois sacrifices par jour. Les progrès de Néron dans le crime déterminèrent Sénèque à se retirer de plus en plus de la cour, dont il ne lui avait pas été permis de s'éloigner entièrement. Il craignit de paraître autoriser par sa présence l'odieuse conduite de son élève, et il demanda un congé pour aller se confiner dans une campagne éloignée. N'ayant pu l'obtenir, il feignit une maladie, et sous prétexte d'être retenu par la goutte, il ne sortait point de sa chambre. Tacite avait entre les mains des auteurs qui rapportaient qu'un affranchi de Sénèque, nommé Cléonicus, fut chargé par Néron de l'empoisonner ; et que ce criminel dessein ne réussit point, soit parce que l'affranchi en avertit son patron, soit par les précautions que Sénèque employait lui-même, et par l'étonnante frugalité avec laquelle il vivait, ne prenant pour nourriture que des fruits, et se désaltérant dans l'eau courante. Deux événements de moindre importance termineront cette année. Le premier est un léger mouvement excité par des gladiateurs, que l'on tenait dans la ville de Préneste. Déjà le peuple[18], qui craint et désire les troubles, imaginait une nouvelle guerre de Spartacus, et des maux pareils à ceux que ce fameux gladiateur avait faits à l'Italie. La garde qui était dans Préneste suffit pour arrêter le mal naissant. Un naufrage eut pour cause les ordres trop absolus de Néron. Il avait commandé à la flotte entretenue sur la mer de Toscane, de se rendre en Campanie un certain jour marqué, sans excepter le cas d'une nécessité évidente et des périls de la mer. La flotte partit donc de Formies par un gros temps, et lorsqu'il s'agit de doubler le cap de Misène, elle fut jetée avec tant de violence contre les rivages de Cumes, que la plupart des galères à trois rangs de rames y périrent, et un plus grand nombre encore de moindres bâtiments. Je ne parlerai point des prodiges que Tacite rapporte sur la fin de cette même année. J'observerai seulement qu'il parut au ciel une comète, qui fut regardée, selon la prévention de ces anciens temps, comme un présage sinistre, que Néron ne manqua pas d'expier par le sang le plus illustre de Rome. |
[1] TACITE, Annales, XV, 1.
[2] Un peu plus de douze lieues.
[3] TACITE, Annales, XV, 12.
[4] TACITE, Annales, XV, 13.
[5] Le texte de Tacite porte aujourd'hui Arsanias ; mais c'est une correction de Juste-Lipse qui n'est pas suffisamment fondée. Je rétablis donc l'ancienne leçon. L'Arsametes de Tacite punit être le même que l'Arsanus ou Arsamus, dont parle Pline. l. V, c. 24 ; et il donnait le nom à la ville Arsamosata, bâtie sur ses bords. L'Arsanias est trop éloigné, et se jette dans l'Euphrate beaucoup au-dessus.
[6] J'adopte la correction que Pighius a faite dans le texte de Tacite, qui porte par erreur Cincius on Cintius. Celui dont il s'agit ici, est ce Cestius qui commença la guerre contre les Juifs, et qui ayant assiégé Jérusalem fut repoussé avec perte et ignominie.
[7] TACITE, Annales, XV, 25.
[8] TACITE, Annales, XV, 31.
[9] Cent mille livres = 147.848 fr. selon M. Letronne.
[10] TACITE, Annales, XV, 34.
[11] SUÉTONE, Néron, 23.
[12] On appelle îles dans une ville des corps d'édifices contigus, enfermés par quatre rues.
[13] Moins de deux sous. Le boisseau romain valait plus de trois quarts du nôtre.
[14] Aujourd'hui Bains de Tivoli.
[15] SUÉTONE, Néron, 39. — L'auteur de l'épigramme fait allusion au dessein qu'avait en autrefois le peuple d'aller s'établir à Veïes. On peut consulter sur ce fait l'Histoire Romaine de M. Rollin, liv. VI, § 2, 3 et 4.
[16] PLINE, XXXVI, 15.
[17] SUÉTONE, Néron, 30.
[18] TACITE, Annales, XV, 46.