HISTOIRE DES PEUPLES BRETONS

 

CHAPITRE X. — L'île de Bretagne.

 

 

CÉSAR, dès ses premières campagnes dans la Gaule, avait formé le plan de traverser le détroit pour aller châtier les Bretons qui, en toute occasion, n’avaient cessé de fournir des secours à leurs frères du continent[1]. Mais il fallait auparavant anéantir la puissante marine des Vénètes. La victoire navale du jeune Brutus dans les eaux du Morbihan[2] ouvrit aux Romains le chemin de la Bretagne. Malgré le refus des mariniers gaulois de donner aucun. détail sur l’étendue de l’île, sur le nombre, les mœurs et la manière de combattre des nations qui l’habitaient, César mit à la voile avec l’infanterie de deux légions, le vingt-six du mois d’août, dans la cinquante-cinquième année avant l’ère chrétienne. Il n’avait avec lui que ses premiers vaisseaux, lorsqu’il aperçut les rivages de la Bretagne dont les hauteurs étaient couronnées par une multitude d’hommes armés. L’aspect de ces Barbares à moitié nus, et dont les cris sauvages semblaient défier les envahisseurs, jeta d’abord l’épouvante parmi les soldats romains. Mais elle fut bientôt dissipée par l’intrépidité du porte-enseigne de la dixième légion qui, s’étant jeté à la mer, s’élança vers l’ennemi avec son aigle.

On sait quel fut le résultat, de cette campagne de vingt-et-un jours[3]. Pour sauver sa réputation, César accepta, avec empressement, une promesse illusoire de soumission, que lui firent les indigènes, et regagna les Gaules en toute hâte. Ce départ nocturne et précipité fut considéré comme une fuite par les Bretons[4] ; et, malgré tous les efforts du vainqueur des Gaules pour colorer cet échec, il paraît qu’il ne put réussir à donner le change même en Italie[5].

L’année suivante, César repassa dans l’île de Bretagne avec cinq légions et deux mille cavaliers gaulois. Il n’entre pas dans notre plan de décrire les divers combats que les Romains eurent à soutenir contre les indigènes. Nous nous bornerons à recueillir, çà et là, dans les Commentaires, quelques détails sur le système d’attaque et de défense adopté par les insulaires à cette époque, système que le génie de la résistance avait inspiré à ces peuplades indomptables, et que nous retrouverons en vigueur, au VIIe et au VIIIe siècles de notre ère, à l’extrémité de la presqu’île armoricaine.

Effrayés à la vue des huit cents vaisseaux romains rangés en bataillé le long de leurs rivages, les Bretons s’étaient retirés précipitamment dans leurs forêts. Là, existaient des lieux de refuge, admirablement fortifiés par la nature et par l’art, et dont toutes les avenues étaient fermées par d’épais abattis d’arbres[6]. Les insulaires essayèrent d’abord de résister, derrière ces retranchements, aux attaques des légions ; mais, convaincus bientôt de la supériorité de la discipline romaine, ils résolurent d’éviter tout engagement général. Casswallawn, nommé roi suprême du pays, renvoya même, une partie de ses troupes et ne conserva que quatre mille hommes montés sur des chars. Voici la manière dont les Bretons combattaient avec ces chariots : d’abord, ils les précipitaient sur tous les points en lançant des traits ; et, par la seule crainte qu’inspiraient le bruit des chevaux et des roues, ils parvenaient à rompre les, rangs ennemis. Avaient-ils pénétré au milieu des escadrons ; ils sautaient à bas de leurs chariots et combattaient à pied. Les conducteurs alors se retiraient peu à. peu de la mêlée, et se plaçaient de telle façon que, si les combattants étaient pressés par le nombre, ils pussent aisément se replier vers leurs chars. C’est ainsi, dit César, que ces peuples réunissaient, dans leurs guerres ; l’agilité du cavalier à la fermeté du fantassin ; et, tel était l’effet de l’habitude et de leurs exercices journaliers, que, dans les pentes les plus rapides, ils arrêtaient court leurs chevaux lancés au galop, leur faisaient faire volte-face et couraient sur le timon, d’où ils s’élançaient ensuite dans leurs chariots avec une rare dextérité[7].

Toutefois, le plus souvent les Bretons se bornaient à observer la marche de l’ennemi, se tenant à peu de. distance de la route qu’il suivait, ou se plaçant en embuscade clans des lieux de difficile accès, tandis que le reste de la population, avec leur bétail, était caché au fond des bois[8].

Engagée, à travers un pays inconnu, l’armée romaine, se fût peut-être épuisée, à la longue, dans cette guerre d’escarmouches[9] et de surprises meurtrières[10], si l’infortuné Caswallawn n’avait eu à lutter contre les haines implacables de ses concitoyens. Ce prince, dans une bataille livrée aux Trinobantes, l’une des plus puissantes nations de l’île, avait tué leur roi ; et le fils de ce dernier, le jeune Mandubrat, s’était réfugié dans les Gaules, près de César, afin d’éviter le sort de son père. Or, voulant se venger de leur ennemi, les Trinobantes offrirent au général romain de payer le tribut, sous la condition qu’ils seraient gouvernés par le fils de leur ancien souverain. Cette proposition ayant été acceptée, les Cénimagnes, les Ségontiakes, les Ancalites, les Bibrokes, les Casses, députèrent aussi vers César pour traiter de leur soumission. Ce furent ces traîtres qui conduisirent les Romains sous les remparts de la forteresse où Caswallawn s’était retiré avec un grand nombre d’hommes et tous leurs troupeaux. Cette retraite, environnée d’un mûr et d’un fossé, était défendue, de tous côtés, par des marécages et par des bois. César admira l’esprit judicieux qui avait présidé au choix de cette position et l’art avec lequel l’on avait ajouté aux obstacles naturels du terrain[11]. Néanmoins, il fit attaquer ces retranchements, de deux côtés à la fois, et parvint à en expulser les Bretons.

Cependant, Caswallawn avait envoyé des messagers aux quatre rois, ou Brenins ; de la contrée maritime de Kent, avec ordre de rassembler toutes leurs forces, d’attaquer brusquement le camp que les Romains y avaient établi, et de mettre le feu à leurs vaisseaux[12]. La réussite de ce plan eût vengé, d’un seul coup, la Bretagne et la Gaule, et délivré Rome du plus dangereux de ses enfants. Mais les lieutenants de Caswallawn furent vaincus, et ce dernier, découragé par tant de revers, voyant son territoire ravagé et la défection grigner un grand nombre de tribus, fit offrir la paix aux Romains, par l’entremise de l’atrebate Comm[13]. César, fatigué, de son côté, d’une guerre à laquelle il ne pouvait assigner de terme[14], demanda des otages, fixa le tribut que la Bretagne paierait chaque année au peuple romain, et se hâte de repasser le détroit, sans laisser aucune garnison ni aucun établissement dans l’île[15].

On sait que c’était l’un des points fondamentaux de la politique d’Auguste, politique pleine de sagesse et d’habileté, qu’il fallait resserrer l’empire dans les bornes que la nature semblait lui avoir elle-même tracées[16]. Aussi, ce prince, voyant les peuplades de la Bretagne disposées à payer le tribut comme les nations soumises, se borna-t-il à exiger de cette contrée la quotité des taxes qu’elle prélevait sur son commerce avec les Gaules[17]. Pour ne pas s’écarter de la ligne tracée par son prédécesseur, Tibère ne se montra pas plus belliqueux. Caligula, près duquel s’était réfugié Adminius[18], prince exilé par Cunobelin, son père, avait résolu d’envahir la Bretagne ; mais les, projets de cet empereur n’aboutirent, comme on sait, qu’à un acte de folie[19]. Ce fut Claude qui, pressé par Béric autre fugitif breton, entreprit la conquête de cette île dont on racontait tant de merveilles[20], et que Jules César, suivant l’expression de Tacite, n’avait fait qu’indiquer[21]. Aulus Plautius, avec quatre légions et leurs auxiliaires, traversa le détroit et rejeta sur la rive septentrionale de la Tamise les Bretons commandés par les deux fils de Cunobelin, Caradoc (Caractacus) et Togidumn. L’empereur prit alors lui-même le commandement de l’armée, s’avança jusqu’à Camalodunum et reçut la soumission de toutes les peuplades voisines[22]. Après son départ, la défense de la rive gauche de la Tamise fut confiée aux soins de Plautius, la droite à ceux de Vespasien. Tous deux éprouvèrent de la part des Bretons la résistance la plus opiniâtre. Vespasien eut à livrer plus de trente batailles, avant de parvenir à dompter les Belges et les habitants de l’île de Wight. Quant à Plautius, les cinq dernières années de son gouvernement furent tout entières employées à repousser les attaques de Caradog chef des Cassiens et des Silures, et dont l’énergie ne se laissait abattre par aucun revers.

Ostorius Scapula, successeur de Plautius (an de J.-C. 50), trouva, en arrivant, la province pleine d’agitation. Les Bretons s’étaient jetés sur les terres des tribus soumises, avec d’autant plus de fureur qu’ils ne supposaient pas que, l’hiver commencé, un nouveau général, avec des troupes qu’il ne connaissait pas, osât venir les attaquer dans leurs marécages[23]. Mais, lui, sachant combien un premier succès e ecce d’influence sur l’esprit du soldat, marche aussitôt aux ennemis les taille en pièces, et élève deux chaînes de postes, l’une au nord, le long de la rivière d’Avon, l’autre à l’ouest, sur la rive gauche de la Severne[24]. Une révolte des Icènes frit étouffée avec non moins d’énergie ; et les Romains fondèrent une colonie à Camalodunum, pour maintenir ces peuples dans l’obéissance. Ils attaquèrent ensuite les Silures, nation indomptable dont l’énergie était incessamment excitée par Caradog. Ce prince, à la suite d’une foule de défaites ou de combats heureux, S’était élevé à une réputation qui éclipsait celle de tous les autres chefs de la Bretagne[25]. N’ayant sous ses ordres qu’une armée inférieure à celle de ses ennemis, il s’était vu forcé de transporter la guerre chez les Ordovices. Là, s’élevait une haute montagne, connue de nos jours encore sous le nom de Kaër-Caradog (ou forteresse de Caradog), et sur laquelle on retrouve des vestiges d’anciennes fortifications[26]. Ce fut dans ce lieu que les Silures résolurent d’attendre les Romains et de hasarder une affaire générale.

Caradog, plein d’espérance et d’enthousiasme, volait dans les rangs des siens, s’efforçant de communiquer à tous l’ardeur de son courage. Rappelant à ses compagnons les noms de ces héros de l’indépendance qui avaient chassé le dictateur César, préservé la patrie de la honte du tribut et conservé intact l’honneur de leurs femmes et de leurs enfants, il s’écriait que le jour était venu de vaincre ou de mourir, de délivrer la patrie ou de recevoir des fers[27]. C’était à chaque mot un frémissement universel. Chacun attestait les dieux du pays que ni traits ni blessures ne le feraient reculer d’un pas. Ces élans d’exaltation nationale firent hésiter un moment le général romain. D’ailleurs, cette position formidable, ces montagnes, toute l’horreur de ces lieux et de cette multitude sauvage l’épouvantaient. Toutefois, cédant enfin aux cris de ses soldats qui demandaient la bataille, il en donna le signal, Le combat fut terrible. Mais que pouvaient l’amour du pays et l’enthousiasme du courage contre la discipline, des légions ? Les Bretons furent vaincus ; et la femme, la fille et les frères de Caradog tombèrent au pouvoir de l’ennemi. Quant à ce prince, il avait cru trouver une retraite chez sa belle-mère Cartismandua, reine des Brigantes ; mais il n’est point d’asile sûr pour les princes malheureux. Lâchement trahi par celle qui lui avait accordé l’hospitalité, Caradog alla servir à Rome au triomphe du vainqueur. La renommée du héros breton avait depuis longtemps franchi les murs, parcouru les pays voisins, et pénétré même jusqu’en Italie[28]. Claude, en voulant rehausser sa propre gloire, écrit Tacite, ne fit qu’accroître celle de son prisonnier. Le peuple fut invité par l’empereur à une fête extraordinaire. Les prétoriens se rangèrent en armes dans la plaine qui borde leur camp. Les vassaux du prince captif (regii clientes), les colliers, les caparaçons, tous les trophées qu’il avait conquis en combattant ses ennemis, puis, ses frères, sa femme et sa fille furent montrés en pompe à la multitude. Enfin, il parut lui-même, le front calme, le regard assuré ; et, arrivé au pied du trône de Claude, il prononça ce discours touchant que Tacite nous a transmis, et où éclate toute la noble indépendance de la race bretonne[29].

Si ma modération dans la prospérité eût égalé ma naissance et mon destin, je serais venu ici l’ami, non le captif des Romains, et vous n’eussiez point dédaigné l’alliance d’un prince issu d’aïeux illustres et commandant à plusieurs nations. Maintenant, le sort m’humilie autant qu’il vous élève. J’avais des chevaux, des armes, des soldats, des richesses ; est-il donc étonnant que j’aie voulu défendre ces biens ? Si votre ambition veut donner des fers à tous, est-ce une raison pour que tous les acceptent ? Au reste, une prompte soumission n’eût illustré ni mon nom ni votre victoire. L’oubli suivrait ma mort ; en me laissant la vie, vous immortalisez votre clémence. — Ce noble langage gagna la bienveillance de Claude : Caradog et tous les siens obtinrent leur grâce.

Les Silures, privés de leur roi, ne s’abandonnèrent pas au désespoir. Tacite rapporte, au contraire, que la pitié que leur inspirait le sort de leur chef prisonnier ne fit qu’exciter leur soif de guerre et de vengeance[30]. Leurs bois, leurs marais, tous les lieux de difficile accès devinrent le théâtre de combats continuels et qui, le plus souvent, ressemblaient à des luttes de brigands[31]. Avec leurs prisonniers et les dépouilles enlevées à l’ennemi, les rebelles faisaient des largesses aux autres nations pour les entraîner à la révolte. Quelques mots imprudents, prononcés par Ostorius, ajoutèrent encore à la haine des Silures. Rome, avait dit le général romain, devrait traiter ces peuples comme les Sicambres jadis transportés dans les Gaules, et anéantir jusqu’à leur nom national[32]. »

Répétées de bouche en bouche, ces paroles allumèrent dans le cœur des Bretons une fureur incroyable. La guerre devint atroce. Ostorius, épuisé de travaux, ayant chaque jour à repousser de nouvelles attaques, mourut de fatigue et de douleur. Son successeur Aulus Didius trouva, en arrivant, les Romains déjà entamés : les Silures, toujours plus indomptables, venaient de battre une légion commandée par Manlius Valens.

Depuis la prise de Caradog, le meilleur général des Bretons était Venusius, prince de la nation des Brigantes et allié des Romains qui l’avaient protégé, tant qu’il était resté l’époux de la reine Cartismandua. Après leur divorce, qui fut, aussitôt suivi d’une guerre, les Brigantes, en haine de l’adultère commis par leur reine, embrassèrent le parti de Venusius contre les troupes impériales. Cette guerre n’amena, de part et d’autre, aucun résultat.

A Didius succéda Veranius, dont la mort prématurée fraya le chemin du commandement à Suetonius Paulinus. Ce général, que la voix publique opposait à Corbulon, brûlait d’égaler la gloire des triomphes de l’Arménie, en domptant les opiniâtres Bretons.

L’île de Mona, ou d’Anglesey, servait alors de refuge à tous ceux qui fuyaient la Bretagne pour échapper au joug de l’étranger[33]. Paulinus résolut de se rendre maître de ce sanctuaire de la religion et de la liberté bretonnes. Pour arriver à ce but, il ordonne à sa cavalerie de traverser le détroit à la nage, tandis que son infanterie le passerait sur des bateaux plats construits à cet effet.

En approchant de l’île sacrée, les Romains aperçurent l’armée ennemie qui offrait aux regards une forêt d’armes et une multitude d’hommes à travers les rangs desquels ne cessaient de courir des femmes en habits de deuil, échevelées, et portant à la main des torches allumées[34]. Tout autour, les Druides, les mains levées vers le ciel, vomissaient d’horribles imprécations. Les Romains furent saisis d’une horreur superstitieuse à la vue de ce spectacle si nouveau pour eux : on eût dit que leurs pieds étaient cloués à la terre, à les voir, immobiles, se livrer sans défense aux coups des insulaires. Mais la voix de leurs chefs ranime leur courage ; et, honteux de trembler devant une troupe de prêtres et de femmes, ils marchent aux Barbares et les précipitent dans les flammes qu’ils avaient allumées. Lés vainqueurs bâtirent une forteresse pour contenir les indigènes, et abattirent les bois sacrés arrosés si souvent du sang des captifs.

Tandis que ces choses se passaient, une formidable insurrection éclatait dans la Bretagne. Prasutagus, roi des Icéniens, avait institué Néron son héritier, dans l’espoir que cette démarche mettrait son royaume et son palais à l’abri de toute insulte. Mais l’avarice romaine ne se rassasiait pas facilement. Le royaume du prince fut saccagé par des centurions, son palais, par des esclaves, comme s’il eût été pris d’assaut. On avait commencé par battre sa femme de verges et par déshonorer ses filles ; puis, comme si la contrée entière eût fait partie de l’héritage du roi, on dépouilla les principaux Icéniens de leurs possessions, et l’on vendit comme esclaves jusqu’aux parents même du souverain[35]. Le bruit de ces atroces exécutions se répandit bientôt parmi toutes les tribus. Enhardis par l’absence de Suétonius, les Bretons se communiquent leurs souffrances et s’excitent mutuellement à la révolte. On n’obtient rien par la patience, se disent-ils ; seulement, la tyrannie ajoute des maux plus accablants à ceux qu’on paraissait ne pas sentir. Jadis, chacune des peuplades de l’île n’obéissait qu’à un seul roi ; aujourd’hui, elles en ont deux qui les oppriment : le général épuise leur sang, l’intendant leurs richesses ; tyrans dont la discorde et l’union sont également funestes... Rien de sacré pour l’avarice ou pour la passion de ces hommes. Dans le combat, c’est le plus fort qui pille. Ici, une poignée de brigands, pour la plupart lâches et efféminés, s’emparent des maisons, ravissent les enfants, lèvent des soldats, comme s’il n’y avait que pour sa patrie qu’un Breton ne sût pas mourir.... Qu’ils imitent donc les vertus de leurs ancêtres ; que l’issue d’un seul combat ne les décourage pas ; et ils verront les conquérants s’enfuir, comme jadis Jules César, leur dieu[36].

Exaspérés par ce discours, les Bretons prennent tous les armes, sous la conduite de Boadicée, la veuve de Prasutagus. La colonie de Camalodunum, dont les soldats exerçaient sur les indigènes d’horribles brigandages[37], est d’abord attaquée. Vieillards, femmes, enfants tous sont passés au fil de l’épée. De là, cent vingt mille Bretons marchent sur Londres et sur Vérulam. Cérialis veut leur barrer le passage ; il est écrasé : les deux villes sont emportées d’assaut, tous les habitants égorgés. L’île de Bretagne était perdue, pour Rome, sans l’indomptable énergie de Suétonius[38]. Ce général, par un effort de valeur incroyable, avait percé, au travers des ennemis, jusqu’à Londinium dont il voulait faire le centre de ses opérations ; mais, considérant la faiblesse de son armée, il prit le parti de sacrifier une ville pour sauver la province, et courut se poster, avec dix mille hommes aguerris, à l’entrée d’une gorge étroite dont les derrières étaient fermés par un bois[39]. Là, il attendit l’ennemi de pied ferme. Jamais les Bretons n’avaient rassemblé de si grandes forces ; et, tel était l’excès de leur présomption que, voulant avoir leurs femmes pour témoins de leur victoire, ils les avaient placées sur les chariots dont ils avaient bordé les extrémités de la plaine. La bataille fut longue et vaillamment disputée ; mais, victorieux à la fin, les Romains prirent une revanche terrible, et ne firent aucun quartier. Quatre-vingt mille hommes furent massacrés, suivant Tacite, dans cette journée qui rappelait les plus glorieux triomphes de l’ancienne république[40].

Privée de ses fils les plus braves, en proie aux horreurs de la famine[41], la Bretagne hésitait encore à se soumettre[42]. Le rappel de Suétonius lui fit même concevoir un instant l’espoir de reconquérir son indépendance. Mais Pétilius Cérialis et Frontinus, généraux illustres tous deux, battirent successivement les tribus révoltées. Leur successeur, Cneius Julius Agricola, acheva glorieusement la tâche commencée par tant de vaillants capitaines. Quand ce grand homme arriva dans l’île les troupes romaines ne songeaient qu’au repos ; les Bretons qu’à la vengeance. Les Ordovices, peu de temps auparavant, avaient détruit presque en entier le corps d’armée cantonné sur leur territoire, et cette victoire avait fait naître de nouvelles espérances. Agricola n’hésite pas à marcher contre cette peuplade dont il extermina la plus grande partie. Précédé par la terreur de son nom, il s’empare ensuite de l’île de Mona, et porte successivement les limites de son gouvernement jusqu’au Tay.

Mais, convaincu parla triste expérience de ses prédécesseurs que des victoires demeurent sans résultats si elles sont souillées par des violences, Agricola résolut de détruire la cause même des révoltes[43]. Il réforma l’administration civile, dans toutes ses branches, punit sévèrement les concussions et les tyrannies des officiers inférieurs, et sut gagner, par sa justice et par sa bienveillance, l’affection des principaux chefs bretons. Ce n’est pas tout : à l’exemple d’Auguste, il voulut que les peuples soumis à ses armes prissent, dans les plaisirs ; le goût du repos et des habitudes paisibles[44] ; politique habile sans doute, mais dont Tacite n’aurait pas dû reprocher aux bretons d’avoir subi si promptement l’influence, lui qui plaçait ce machiavélisme vulgaire au rang des vertus de son héros. Quoiqu’il en soit, telle fut sur les fils des princes de la nation[45] la contagion des mœurs étrangères, que plusieurs abandonnèrent bientôt les coutumes nationales et même la langue de leurs pères. Des temples, des habitations, des portiques s’élevèrent comme par un enchantement ; et l’imitation alla jusqu’à faite adopter aux bretons les habitudes efféminées de leurs vainqueurs, et ces mœurs dissolues, qui, suivant les expressions de Tacite, formaient une partie de leur servitude[46].

La bataille des Monts-Grampiens, gagnée sur les Calédoniens de Galgacus, consolida la puissance romaine dans la Bretagne Les tribus subjuguées ne firent aucune tentative pour secouer le joug, et les indomptables peuples du nord furent obligées de regagner leurs montagnes.

Lorsque les conquêtes des Romains eurent atteint leurs limites les plus étendues, l’île tout entière fut divisée en six provinces. Le vaste espace contenu entre l’extrémité occidentale du Cornwall et la partie méridionale du Foreland, dans le comté de Kent, forma l’une des plus riches provinces britanniques sous le titre de Britannia prima. La Britannia secunda comprit la principauté actuelle de Galles, en y joignant la partie qu’entoure la Seyern, dans les sinuosités de son cours, vers le canal de S.-Georges. La province Flavia Cæsariensis, la plus vaste de toutes, était bornée de deux côtés par les précédentes, et des deux autres, par l’Humber, le Don et l’Océan germanique. Au nord de l’Humber était placée la province Maxima, qui touchait aux deux rivières d’Eden et de Tyne ; les mers de l’ouest et de l’est baignaient ses deux extrémités opposées, et elle renfermait les terres inférieures de l’Ecosse, jusqu’aux détroits de la Clyde et du Forth. Les tribus placées au-delà formaient le sixième gouvernement de Vespasien ; elles étaient séparées des Calédoniens indépendants par une longue chaîne de montagnes qui commence près de Dumbarton, traverse les deux comtés d’Athol et de Badenoch, et s’étend au-delà da détroit de Murray[47].

Ces diverses provinces renfermaient un grand nombre de villes et de stations militaires dont les unes devaient leur origine aux Bretons et les autres aux Romains. Elles étaient divisées en quatre classes, selon leur importance ; le premier rang était réclamé par les colonies qui offraient, sur une échelle restreinte, la représentation de la mère-patrie. La Bretagne possédait, neuf de ces établissements : deux sous le gouvernement civil et sept sous le gouvernement militaire[48]. Venaient ensuite les villes municipales. L’île tout entière, et, c’est une gloire pour elle, n’en comptait que deux, York et Verulam[49]. Dix villes avaient obtenu de divers empereurs la faveur du jus latii[50]. Les autres étaient stipendiaires. Toutefois, ces distinctions disparurent, lorsque Caracalla eut étendu le droit de cité romaine à toutes les provinces de l’empire.

Cependant, les Calédoniens, vaincus par Agricola, n’avaient pas tardé à franchir la ligne de forts établis entre les deux détroits. En moins d’uni demi-siècle, la situation de la Bretagne était devenue si précaire, que l’empereur Adrien se vit contraint de dire, en personne, une campagne contre les Bretons. L’histoire garde le silence sur les exploits de ce prince ; mais les médailles recueillies par Camden et par d’autres antiquaires anglais, nous autorisent à croire que les Romains replacèrent sous leur domination les provinces qui s’en étaient détachées[51]. Un monument, construit par les ordres d’Adrien, a aussi bravé jusqu’ici les ravages du temps : nous voulons parler du rempart que cet empereur fit élever à partir de la baie de Solway, sur la côté occidentale jusqu’à l’embouchure de la Tyne, sur la côte orientale. Des corps de troupes considérables, et fort rapprochés les uns des autres, stationnaient sur toute l’étendue de cette ligne pour la défense contre les incursions des Barbares[52]. Toutefois, la tranquillité rétablie par Adrien ne fût pas de longue durée. Les six tribus des Maætes recouvrèrent leur indépendance, tandis qu’au midi les Brigantes envahissaient le territoire des Ordovices. Lollius Urbicus battit ces deux peuples ; et, à l’imitation d’Adrien, il éleva, dans l’isthme, un rempart de plus de trente mille pas d’étendue (depuis Kaer-Riden, sur le Forth, jusqu’à Alcluid, sur la Clyde), et lui donna le nom de mur d’Antonin en l’honneur de ce prince[53]. Tous ces obstacles, néanmoins, ne mirent pas un terme aux ravages des Calédoniens. Excités par l’amour du butin non moins que par l’animosité nationale, ces indomptables brigands attaquaient, chaque année les nouvelles fortifications, et, après les avoir franchies, portaient dans toute la province le pillage et la dévastation. Ulpius Marcellus, vaillant soldat et propréteur de la Bretagne, battit plusieurs fois ces barbares, sous le règne de Commode ; mais sa gloire fit ombrage à l’empereur, et il fut rappelé. Albinus, successeur d’Ulpius, revêtit, comme on sait, la pourpre impériale et conduisit dans la Gaule les légions britanniques. Le récit de l’historien Hérodien sur la bataille que l’élu de la Bretagne livra à Sévère sous les murs de Lyon, ne permet pas de douter que des auxiliaires bretons n’eussent suivi les légion sur le continent[54].

Maître d’un empire désormais non contesté, Sévère jugea prudent d’abolir le pouvoir immense du préfet de la Bretagne ; et il divisa cette île en deux gouvernements[55] dont l’un fut confié à Héraclianus et l’autre à Varius Lupus. Ce dernier, placé à la tête d’une armée composée de nouvelles troupes, se vit bientôt dans l’impossibilité de résister aux attaqués des Maætes et des Calédoniens. Il fallut donc acheter leur retraite et réclamer l’assistance de l’empereur lui-même[56]. Sévère avait alors plus de soixante ans ; mais, malgré la goutte qui l’obligeait de se faire porter en litière, il se rendit en personne dans cette île éloignée, accompagné de ses deux fils et d’une armée formidable. Immédiatement après son arrivée, il franchit les murailles d’Adrien et d’Antonin, et pénétra jusqu’à l’extrémité septentrionale de l’île. Les Bretons ne se montrèrent nulle part, réunis en masses compactes, pour essayer d’arrêter la marche de l’empereur ; mais, divisés en petits pelotons qui manœuvraient au-dessus de l’armée romaine et profitaient des moindres accidents de terrain pour tomber sur les flancs et sur l’arrière-garde de l’ennemi, ils lui firent éprouver une perte de cinquante mille hommes. A la fin, cependant, fatigués par des combats incessants, les Calédoniens demandèrent la paix, livrèrent au vainqueur une partie de leurs armes, et lui firent même abandon d’une assez grande étendue de territoire[57].

Sévère, de retour à York, résolut, de remplacer les remparts de gazon élevés sous Adrien, par une muraille de pierre construite au nord des anciennes fortifications. Dans le voisinage de la mer, cette muraille suivait une direction parallèle ; mais, à mesure qu’elle approchait d’un terrain plus élevé, elle s’écartait du mur d’Adrien pour envelopper les vallées dans ses circuits ; puis, s’élevant sur de hautes éminences, elle se prolongeait hardiment sur le bord des précipices les plus escarpés. S’il faut en croire le vénérable Bède, ce rempart était haut de douze pieds, et ses fondations variaient de deux à trois verges[58]. Quatre escadrons de cavalerie et quatorze cohortes, formant un corps de dix mille hommes, occupaient les dix-huit postes établis sur toute la ligne[59].

Cependant, la soumission des tribus calédoniennes n’avait été qu’apparente. Dès que les Romains se furent retirés, les barbares secouèrent le joug, et recommencèrent les hostilités. Cette nouvelle enflamma la colère de Sévère ; il se préparait à faire marcher une autre armée vers le nord, avec l’ordre non plus de soumettre, mais d’exterminer les peuplades rebelles, lorsque la mort vint le surprendre[60]. A partir de cette époque jusqu’au règne de Gallien, l’histoire ne fait pas mention de la Bretagne. Des médailles découvertes dans l’île nous apprennent seulement que les tyrans de la Gaule, Posthumus, Lollianus, Victorinus, Tetricus et Bonosus, furent successivement reconnus par les insulaires. A toutes les époques en effet, les Bretons suivirent le destin de la Gaule.

L’état de trouble et de faiblesse dans lequel se trouvait l’empire, à la fin du IIIe siècle, inspira de nouveaux projets de pillage et de dévastation aux Barbares qui, sous le nom de Francs et de Saxons[61], n’avaient cessé de ravager le littoral des contrées baignées par l’Océan. Pour repousser leurs incursions, il fallut créer une marine. Dioclétien fit donc équiper une flotte à Gessoriacum (Boulogne), et en confia le commandement à Carausius, Ménapien de basse origine, suivant Eutrope. La conduite du comte des rivages saxoniques excita bientôt de légitimes soupçons. Les barbares continuaient impunément leurs pirateries ; on disait que Carausius favorisait leur passage, lorsqu’ils sortaient des ports de la Germanie, mais qu’il avait soin d’intercepter leur retour pour se faire livrer une partie des richesses que les pirates avaient enlevées. Maximien avait résolu de punir la perfidie du Ménapien ; mais celui-ci avait prévu l’orage : les officiers de la flotte, séduits par ses libéralités, lui étaient complètement dévoués. Sûr de n’être point traversé de ce côté, ni inquiété par les Barbares, il s’embarqua pour la Bretagne, décida la légion qui s’y trouvait à épouser sa cause et se fit revêtir de la pourpre.

Le règne de ce tyran fut heureux et plein de gloire. Lès Calédoniens s’enfuirent devant ses armes. Ses flottes triomphantes couvraient le détroit, commandaient les bouches du Rhin et de la Seine, et portaient la terreur de son nom jusqu’au détroit de Gibraltar. Enfin, les choses en vinrent à ce point que Dioclétien. et son collègue se virent contraints de céder la souveraineté de la Bretagne à cet aventurier, et de l’admettre aux honneurs de la pourpre[62]. Toutefois, dès que les deux empereurs légitimes se furent associé Galerius et Constance, ils assignèrent à ce dernier la mission d’arracher la Bretagne aux mains de l’usurpateur. La prise de Boulogne fut le premier exploit de Constance. Le crime d’Allectus permit bientôt au nouveau César de reconquérir file tout entière. Sous l’administration douce et équitable du père de Constantin, les Bretons jouirent de plusieurs années d’un repos inconnu jusque-là ; mais une persécution religieuse vint troubler cette paix et ce bonheur. Le christianisme avait été introduit dans l’île de Bretagne. Quelques écrivains font remonter l’établissement du nouveau culte à S. Paul et à S. Pierre ; mais ces deux opinions ne reposent que sur des témoignages contestables ou insignifiants. Suivant les traditions galloises, ce fut Caradog, prisonnier à Rome avec toute sa famille qui, après là mort de Claude, implanta dans le South-Wales la foi du Christ, que lui avaient enseignée les saints Apôtres Pierre et Paul. Pomponia Gracina, femme du proconsul Plautius, et Claudia, dame illustre de Bretagne, qui avait épousé le sénateur Pudens, sont, avec plus de raison, considérées comme ayant introduit le christianisme chez les Bretons[63]. Quoi qu’il en soit de ces récits traditionnels, il est certain que la religion de Jésus-Christ fut professée, dans la Bretagne, avant la fin du deuxième siècle[64]. L’Évangile, pour parler le langage énergique de Tertullien, avait même, dès cette époque, conquis dans l’île des régions dont le sol n’avait jamais été foulé par les armées romaines[65]. On prétend que les édits de Dioclétien et de Maximien, contre les chrétiens, n’y furent jamais exécutés avec la même rigueur que dans le reste de l’empire. Gildas, en effet, ne fait mention que d’un petit nombre de martyrs bretons, parmi lesquels saint Alban et deux généreux citoyens de Kaerléon, Julius et Aaron[66].

Dès que Constance, spectateur de cruautés qu’il abhorrait au fond de l’âme, eut été proclamé empereur, le glaive de la persécution rentra dans le fourreau. Les Bretons payèrent à Constantin la dette de reconnaissance qu’ils avaient contractée envers son père. C’est, en effet, de l’île de Bretagne, nous l’avons dit déjà, que le jeune prince tira une grande partie de l’armée avec laquelle il battit Maxence[67].

Instruits du départ de toutes ces troupes, les tribus indépendantes du nord recommencèrent leurs incursions. Constance, peu d’années après la mort de son, père, se vit forcé de passer dans la Grande-Bretagne pour arrêter ces ravages ; mais on peut juger dès exploits du prince par les paroles de son panégyriste, qui, quoi qu’il en eût, n’a pu célébrer que le triomphe du jeune empereur sur les éléments[68].

Julien, ne pouvant s’éloigner de la Gaule, envoya Lupicinus pour repousser les Barbares qui désolaient la Bretagne. Mais la lâcheté de ce général ne fit qu’accroître l’audace des Pictes et des Scots. Après de longs désastres, Valentinien chargea enfin Théodose du soin de défendre ou plutôt de reconquérir la Bretagne : Tous les historiens du temps célèbrent à l’envi la gloire de ce capitaine qui donna le jour à un fils plus illustre encore[69].

Nous avons raconté ailleurs les expéditions de Maxime et de Constantin le tyran, dans les Gaules. La Bretagne, ainsi privée des bras qui pouvaient la défendre, resta livrée à toutes les insultes des Barbares. C’est alors que les insulaires, ne comptant plus sur les secours de l’empire expirant, proclamèrent leur indépendance. A partir de cette époque, dit l’historien Procope, l’île de Bretagne fut perdue pour les Romains et devint la proie des tyrans[70].

Honorius, l’empereur légitime de l’occident, sembla autoriser cette séparation, en écrivant aux villes bretonnes qu’elles eussent à se défendre elles-mêmes contre les Barbares[71]. Cette révolution renversa tout l’édifice du gouvernement civil et militaire fondé par les Romains ; et, durant une période de quarante ans, les cités de la Bretagne, comme celles de l’Armorique, se gouvernèrent d’après leurs propres lois[72]. Quelques succès remportés sur les Pictes et sur les Scots exaltèrent, pendant quelque temps, le courage des Bretons. Mais, peu d’années s’étaient à peine écoulées, et déjà, décimés par les invasions continuelles des Pictes, des Scots et des pirates germains, les Bretons envoyaient des députés à Rome pour implorer les secours de l’empire[73]. Deux fois ces demandes furent prises en considération. Mais lorsque les Romains, après avoir relevé le mur de Sévère, durent enfin quitter ces rivages, à la suite d’une dernière victoire remportée sur les Pictes[74], ils déclarèrent aux Bretons qu’il ne fallait plus désormais compter sur les secours de la métropole[75].

Aussitôt que les Pictes apprirent ce départ, ils redescendirent des montagnes, et recommencèrent leurs brigandages[76]. Les levées nombreuses ordonnées par les empereurs avaient trop affaibli la population bretonne, pour qu’elle osât tenter une résistance désespérée contre les hideux pirates[77] qui, traversant la mer sur de frêles barques, ne cessaient d’inonder les plages de la Bretagne[78].

C’est un spectacle douloureux à l’âme que ce lui de ces populations jadis indomptables[79], adressant à Aétius, en 446, cette supplique tant de fois citée :

Les Barbares nous refoulent vers la mer, et la mer nous repousse vers les barbares ; placés entre deux grands périls, il faut, ou que nous soyons exterminés, ou que nous périssions dans les flots[80].

Aétius, cerné de tous côtés par les ennemis de l’empire, ne pouvait écouter ces touchantes supplications. Les Bretons reçurent donc un refus. Dans leur désespoir ; ils abandonnèrent leurs habitations et leurs champs ; et, réfugiés au milieu des forêts et dans les cavernes, ils y vécurent jusqu’à ce que la famine eût forcé leurs farouches ennemis à regagner leurs demeures. Ce fut alors que le Wor-Tigern, élu dans l’assemblée du pays[81], conçut la pensée d’invoquer, contre les Scots et les Pictes, l’assistance d’une troupe de guerriers païens dont les Bretons avaient pus, à leurs dépens, apprécier tout le courage[82]. La tradition générale, appuyée sur le témoignage si respectable de Bède, rapporte que les états rassemblés par le chef des chefs, envoyèrent une ambassade en Germanie, pour implorer l’assistance des Saxons. Mais tous les anciens monuments bretons affirment que les hommes du nord, commandés par les deux frères Hengist et Horsa, étaient débarqués, dans la petite île de Thanet, lorsqu’il fut décidé qu’un traité serait conclu ;avec ces étrangers.

Quoi qu’il en soit, il est certain que les pirates s’engagèrent, par là promesse d’une ample récompense, à porter les armes pour la Bretagne. Le succès parut d’abord justifier la politique de Wortigern et de ses conseillers. Mais les Saxons maudits, en enfonçant leurs griffes terribles sur le sol britannique, sous prétexte de venir combattre pour sa défense, ne songeaient, en réalité, qu’à l’opprimer[83]. Les récompenses accordées par les Bretons à leurs vaillants alliés avaient attiré cinq, mille nouveaux Germains avec toute leur famille. La puissance d’Hengist se trouva consolidée par ce renfort. Bientôt, une troisième flotte partit des ports de la Germanie, ravagea les îles d’Orkney, et débarqua sur les côtes du Lothian. Alors les exigences des Saxons n’eurent plus de bornes[84] et ils ne tardèrent pas à tourner leurs armes contre ceux qu’ils étaient appelés à défendre. Les Barbares marchèrent vers la Medway, tandis que les Bretons se plaçaient à Aylesford.

Le passage de la rivière fut disputé avec une opiniâtreté rare (445 à 450). Toutefois, s’il faut en croire les chroniques saxonnes, ce combat, où le Wortigern perdit son fils et Hengist son frère Horsa, fut favorable aux étrangers. Au milieu de toutes ces calamités, les Bretons semblèrent quelquefois se retremper par l’excès même de leur infortune. Une fois sous les ordres d’Aurelius Ambrosius, ils attaquèrent les Saxons qui s’en revenaient, chargés de butin des extrémités de l’île, et les forcèrent à regagner leurs vaisseaux. Des monceaux d’ossements indiquaient, dans chaque district ; les lieux où s’étaient livrés des combats. Le siège d’Andérida[85] vit éclater des prodiges de valeur dignes des plus beaux jours de l’indépendance : les fragments de ses tours abattues nageaient dans le sang, disent les anciens poètes nationaux. La chronique saxonne est plus énergique encore. En cette année-là, Ælla et Cissa assiégèrent Andérida, et ils firent un tel carnage de ses habitants, que c’est à peine si un seul Breton parvint à s’échapper[86]. Les insulaires, durant toutes ces guerres, déployèrent de grands talents militaires : Ambrosius, Urrien, Arthur, ne se montrèrent ni moins habillés ni moins braves que Caswallawn ou Caradog. Mais les invasions se succédaient comme les flots de la mer. Attaqués de toits ; les côtés à la fois, privés de leurs chefs les plus héroïques, les Bretons se virent réduits à aller chercher un refuge dans les montagnes du Cornwall et de la Cambrie. Là, grâce aux difficultés du terrain et à l’esprit belliqueux ordinaire aux montagnards, les vainqueurs réussirent à opposer une digue à la conquête[87]. Partout ailleurs, les Saxons portèrent le fer, et la flamme, sans pitié pour l’âge, ni pour le sexe[88]. Si, quelques fuyards échappaient à l’ennemi, bientôt atteints dans les montagnes, ils étaient égorgés. D’autres, épuisés par la faim, tendaient les mains aux vainqueurs, résignés qu’ils étaient à une servitude perpétuelle. Un grand nombre s’embarquaient pour les contrées situées au-delà des mers, en poussant de longs gémissements ; et, au lieu du cri des matelots, l’on entendait s’élever, à travers les cordages, des voix qui chantaient avec le Psalmiste : Seigneur, vous nous avez livrés comme les agneaux destinés à la boucherie, et vous nous avez dispersés parmi les nations ![89]

— Nous venons d’esquisser rapidement l’histoire de la Bretagne insulaire, depuis l’an cinquante-quatre avant Jésus-Christ, jusqu’à la dernière moitié du Ve siècle de notre ère. Mais, ce n’est point assez d’avoir peint tant dé désordres et de ravages à la suite de tant d’invasions et de conquêtes. Le tableau des progrès ou de la décadence des mœurs complète naturellement le récit des événements politiques. C’est après avoir, parcouru les fastes d’une nation qu’on saisit mieux l’ensemble de ses habitudes, de ses institutions, et, pour ainsi parler, le caractère même de son génie.

 

 

 



[1] In Britanniam proficisci contendit (Cæsar), quod, omnibus fere gallicis bellis, hostibus nostris inde subministrata auxilia intelligebat. (Cæsar, Bell. Gall., L. IV, c. 20.)

Il résulte d’un passage du L. II, c. 4, des Commentaires sur la guerre des Gaules, que l’île de Bretagne reconnaissait la prépondérance de la métropole : Apud eos fuisse regem nostra etiam memoria Divitiacum, totius Galliæ potentissimum, qui cum magnæ partis harum regionum, tum etiam Britanniæ, imperium obtinnerit.

[2] Mor, en breton, mer ; bihan, petite. (V. de Bell. Gall., L. II, c. 12 et sqq.)

[3] Cæsar, De Bell. Gall., IV, 34, 35 36.

[4] Triades, Hist. de l’île de Bretagne, Archéol. of Wales, T. II.

[5] V. Suétone, in Cæsar, 25. — Lucain, Pharsale, L. II, v. 572.

[6] .... Se in silvas abdiderunt, locum nacti egregie et natura et opere munitum... Nam crebris arboribus succisis omnes introitus erant præclusi. (Cæsar, de Bell. Gall., V, 9.)

[7] Ita mobilitatem equitum, stabilitatem peditum in præliis præstant, ac tantum usu quotidiano et exercitatione efficiunt uti in declivi ac præcipiti loco incitatos equos sustinere et brevi moderari ac flectere et per temonem percurrere et in jugo insistere et se inde in currus citissime recipere consuerint. (Cæsar, de Bell. Gall., IV, 33.)

Nous aurons occasion, dans un autre ouvrage (Hist. des peuples bretons), de rapprocher ces détails de ceux que nous devons à Ermoldus Nigellus, sur la manière de combattre des Bretons armoricains au IXe siècle.

[8] .... Pecora atque homines ex agris in silvas compellebat. (Cæsar, de Bell. Gall., V, 16.)

[9] Accedebat huc, ut nunquam conferti, sed agris magnisque intervallis præliarentur. (Ibid., V, 16.)

Egaillez-vous, les gars ! criaient les Cadoudal et les Larochejacquelin, à leurs vaillants compagnons.

[10] ..... Itinera nostra servabat paulumque ex via excedebat..... et cum equitatus noster liberius prædandi vastandique causa se in agros ejecerat, omnibus viis semitisque essedarios ex silvis emittebat..... (Ibid., V, 19.)

[11] ..... Non longe ex eo loco oppidum Cassivellauni abesse, silvis, paludibusque munitum, quo satis magnus hominum pecorisque numerus convenerit. Oppidum autem Britanni vocant, cum siluas impeditas vallo atque fossa munierunt, quo incursionis hostium vitandæ causa convenire consuerunt..... Locum reperit (Cæsar) egregie natura atque opere munitum. (Ibid., V, 21.)

[12] .... Cassiuellaunus ad Cantium..... quibus regionibus quattuor reges præerant, Cingetorix, Carvilius, Taximagulus, Segonax, nuntios mittit atque eis imperat uti coactis omnibus copiis castra navalia de improviso adoriantur atque oppugent. (Ibid., V, 22.)

[13] Cassivellaunus... tot detrimentis acceptis, vastatis finibus, maxime etiam permotus defectione civitatum, legatos per atrebatem Commium de deditione ad Cæsarem mittit. (Ibid., loc. cit.)

[14] De britannicis rebus (écrivait Cicéron à son frère) cognovi ex tuis litteris nihil esse nec quod metuamus, nec quod gaudeamus. (III, 1, ad Quint.)

[15] La deuxième expédition de César en Angleterre n’a pas eu une issue plus heureuse que la première, puisqu’il n’y à laissé aucune garnison, ni aucun établissement, et que les Romains n’y ont pas été plus maîtres qu’avant. (Napoléon, Précis des guerres de Jules César, 1836.)

[16] Tacite, Ann., I, 11. — Diodore, cap. LVI, p. 833, et le discours d’Aug. dans la sat. des Césars.

[17] Strabon, L. IV, c. 4. p. 200-201. — Diodore, XXIX. — Horace, L. I, od. 29, IV, 12. — Horace, en vrai poète courtisan, n’a pas manqué de célébrer, comme une conquête, cette opération purement fiscale :

Præsens divus habebitur

Augustus, adjectis Britannis

Imperio.

(Horace, III, 5.)

[18] Suétone rapporte ce qui suit sur ce jeune prince : Nihil autem amplius, quam Adminio, Cinobellini Britannarum regis filio, qui pulsus a patre cum exigua manu transfugerat, in deditionem recepto. Dans une très savante dissertation, Cannégieter s’est efforcé d’établir due le château de Brittenburg, situé près de l’embouchure du Rhin, sur le littoral de la hollande, avait été fondé par Adminius, réfugié près de Caligula qui se trouvait alors dans la Batavie. (Henrici Cannegieteri dissert. de Brittenburgo, in-4°. Haguæ-comitum. M DCC XXXIV.) Il n’est pas douteux qu’à une époque très reculée, une colonie bretonne ait existé dans cette partie de la Hollande qui portait anciennement le nom de Bretagne (Bretangen). Mais était-ce un établissement formé par ces Britanni que Pline et Denis Le Périégète placent sur les côtes de la Flandre, par les compagnons d’Adminius, ou par les Bretons insulaires qui, avec le tyran Maxime, débarquèrent vers l’embouchure du Rhin en 383 ? Cette dernière opinion, qui est celle de Camden (Gibson’s version, p. 54), me parait la plus vraisemblable.

[19] V. Suétone, in Caligula, 46, 47. — Diodore, LIX, 754.

[20] Cicéron, dans l’une de ses lettres à son frère Quintus employé près de César, en Bretagne, s’exprime ainsi :

Ô jucundas mihi tuas de Britannia litteras ! timebam oceanum ; timebam littus insulæ. Reliqua non equidem contemno, sed plus habeo tamen spei quam timoris ; magisque sum sollicitus expectatione ea quam metu. Tu vero vaoOsacv scribendi egregiam video. Quos tu situs, quas naturas rerum et locorum, quas mores, quas gentes, quas pugnas, quem vero ipsum imperatorem habes ! (Epist. ad Q., 11, 16.) Pomponius Méla, qui vivait sous le règne de Claude, espérait qu’à la faveur des succès des armes romaines, l’île et ses sauvages habitants seraient enfin mieux connus (L. III, c. 6).

[21] ... Potest videri ostendisse posteris, non tradidisse. (Tacite, Agricola, XIII.)

[22] Diodore, LX. — Suétone, in Claude, XVII, XXIV. — Tacite, Agricola, XIII.

[23] Tacite, Ann., XII, 31. — C’est ce qui a lieu en ce moment en Algérie.

[24] Ibid., loc. cit.

[25] Ibid., c. 33.

[26] Ces ruines existent dans le Shropp-Shire : Quarte ex illis regionibus quos Cornavios olim insedisse videtur, dit Camden ; et il ajoute : Inter vada incerta intereminet antiquæ admodum memoriæ collis, quem Kaer-Caradog vocant, eo quod circa annum salutis LIII. Caractacus, Britannus rex clarissimus, saxorum vallo præstruxerit, et obfirmato animo cum suis contra Ostorium et Romanorum legionarios defenderit, donec Romanus, distracta rudi illa saxorum compage, cujus reliquiæ etiamnum supersunt, irrumpens, Britannos inermes in juga montium decedere cœgerit. (Camden, Britannia, p. 248. Amsielodami, in-f° Ann. 1659.)

[27] ..... Caratacus, huc illuc volitans illum diem, illam aciem testabatur aut reciperandæ libertatis, aut servitutis æternæ initium fore : vocabatque nomina majorum, qui dictatorem Cæsarem pepulissent, quorum virtute vacui a securibus et tributis intemerata conjugum et liberorum corpora retinerent. (Tacite, Ann., XII, c. 34.)

[28] Unde fama ejus euecta insulas et proximas provincias pervagata per Italiam quoque celebrabatur..... Ne Romæ quidem ignobile Carataci nomen erat ; et Cæsar dum suum decus extollit, addidit gloriam victo. (Tacite, Ann., XII, 36.)

[29] Si quanta nobilitas et fortuna mihi fuit, tanta rerum prosperarum moderatio fuisset, amicus potius in hanc urbem quam captus venissem, neque dedignatus esses claris majoribus ortum, plurimis gentibus imperitantem fœdere pacis accipere. Præsens sors mea ut mihi informis, sic tibi magnifica est. Habui equos viros, arma opes : quid mirum si hæc invitus amisi ? nam si vos omnibus imperitare vultis, sequitur ut omnes servitutem accipiant ? si statim deditus traderet, neque mea fortuna neque tua gloria inclaruisset ; et supplicium mei oblivio sequeretur : at si incolumem servaveris, æternum exemplar clementiæ ero. (Ibid., c. 37.)

[30] Tacite, Annales, XII, 38.

[31] Crebra hinc prælia et sæpius in modum latrocinii : persaltus, per paludes, ut cuique fors aut virtus. (Tacite, Ann., XII, 39.)

[32] Ut quondam Sugambri excisi et in Gallias trajecti forent, ita Silurum nomen penitus extinguendum. (Ibid., loc. cit.)

[33] Igitur Monam insulam, incolis validam, et receptaculum perfugarum, aggredi parat... (Tacite, Ann., XIV, 29.)

[34] Stabat pro littore diversa acces, densa armis virisque, intercursantibus feminis, in modum furiarum, quæ, veste ferali, crinibus dejectis, faces præferebant. (Ibid., c. 30.)

[35] ... Et propinqui regis inter mancipia habebantur. (Ibid., c. 31.)

[36] Tacite, Annales, XV.

[37] Tacite, Ann., XIV, 31.

[38] Tacite, Agricola, XIII. — Ann., XIV, 33.

[39] Ibid., loc. cit.

[40] Clara et antiquis victorias par, ea die, laus parti ; quippe sunt qui paulo minus quam octoginta millia Britannorum cecidisse tradant. (Ann., XIV. 37.)

[41] Nihil æque quam fames affligebat... (Ann., XIV, 38.)

[42] ... Gentesque præferoces tardius ad pacem inclinant. (Ibid., loc. cit.)

[43] Agricola, XIX.

[44] Tacite, Agricola, XXI.

[45] Jam vero principum filios liberalibus arlibus erudire. (Ibid., loc. cit.)

[46] Idque apud imperitos humanitas vocabatur, cum pars servitutis esset. (Ibid., loc. cit.)

[47] Rich. Corin., I, p. 15. not. imp. occid., f. 155.

[48] Richborough, Londres, Colchester, Bath, Gloucester, Caerleon, Chester, Lincoln et Chesterfield. (Ric. Corin., I, p. 36.)

[49] Ibid., loc. cit.

[50] Inverness, Perth, Dumbarton, Carlisle, Catterick, Blackrode, Cirencester, Salisbury, Caister dans le Lincolnshire et Slack, en Longwood. (Ibid., loc. cit.)

[51] Camden, Introd., LXXIX. — Spæd., 96.

[52] Spartien, in Hadrien.

[53] De nombreuses inscriptions nous apprennent les noms des différents corps qui élevèrent ces fortifications. (V. Horsley, Britann. Roman, 160.)

[54] V. Hérodien, L. III, c. 20, 21, éd. Tauchnit, Leipzig.

[55] Είς δύο ήγεμονίας (Hérodien, IIII, 24. — Spartien, in Severus. — Inscript. in Speed, p. 139).

[56] Hérodien, III, 46.

[57] Diodore, ap. Xiphilin, in Severus. — Hérodien, III, 46, 49.

[58] Bède, Hist., I, 12.

[59] Instit. imp. rom., Pancirol. f. 176. — Spartien, in Severus, 321.

[60] Diodore, L. LXXVI. — Hérodien, in Severus.

[61] Aurelius Victor leur donne le nom de Germains. — Eutrope (IX, 23) les appelle Saxons.

[62] Voir dans Mionnet la médaille frappée à celte occasion (PAX AVGG).

[63] Vid. Tacite, Ann., VIII, 32. — Saint Paul, II Timothée, IV, 21 ; et Martial, épit. II, 54 ; IV, 13.

[64] Origène, Homel. VI, in Luc.

[65] Britannorum inaccessa Romanis loca, Christo vero subdita. (Tertullien, Adv. Jud., c. 7, p. 189. éd. Rigalt.)

[66] Gildas, VII, VIII. Bède, I, 7.

[67] Zozime, L. II, ch. 15.

[68] Julius Firmicus Maternus, de err. prof. relig., p. 464. Ed. Gronov., ad calc. Minuc. Fel. — Tillemont, Hist. des emp., IV. 336.

[69] Horrescit... ratibus... impervia Thule,

Ille... nec falso nomine Pictos

Edomuit, Scotumque vago mucrone secutus,

Fregit hyperboreas remis audacibus undas.

(Claudien, in III. Cons. Honor., v. 53 et sqq.)

Officiis Martiis felicisssime cognitus, dit Ammien, L. XXVII, c. 8.  — V. Pacatus, Panég., c. 6. — Symmaque, L. X, Epist. 1.

[70] Procope, de Bell. Vand., L. I, c. 2. — Itemque tandem tyrannorum virgultis crescentibus et in immanem silvam erumpentibus, ajoute Gildas, de excid. Britann., ap. Galland, T. 12, p. 195 et sqq.).

[71] La lettre d’Honorius était, en effet, adressée aux villes de Bretagne, (Zozime, VI, 10).

[72] Insula nomen romanum, nec tamen mores legemque tenens, quin potius abjiciens, dit Gildas, de excid. Brit. (Collect. Max. patrum., T. VIII, p. 710-711).

[73] Gildas, ibid., c. 12.

[74] Gildas, loc. cit.

[75] Gildas, loc. cit.

[76] Gildas, de excid., c 14.

[77] Gildas, de excid., c 15.

[78] Gildas, loc. cit. Vid. Bède, Hist., I, 13. Hist. Miscell., XIV, ap. Murat, L. I, p. 98.

[79] Gildas, qui attribuait à la révolte des Bretons et à leurs vices la ruine de leur pays, les accable des reproches les plus sanglants. A l’en croire, ces peuples, après le départ des Romains, étaient tombés dans la plus profonde barbarie, à ce point de ne plus savoir fabriquer des armes, etc. Gibbon (Ch. 38. ad. an. 536). Whitaker et Lingard ont fait justice de ces hyperboles du Jérémie breton. AI. Guizot s’exprime ainsi dans son Essai sur l’Histoire de France (p. 2) : On regarde comme un monument de la mollesse des sujets de l’empire, la lettre des Bretons (gemitus Britonum) implorant avec larmes l’assistance d’Aétius et l’envoi d’une légion. Cela est injuste. Les Bretons moins civilisés, moins Romains que les autres sujets de Rome, ont résisté aux Saxons et leur résistance a une histoire. A la même époque, dans la même situation, les Espagnols, les Italiens, les Gaulois n’en ont pas.  

M. Guizot ne fait pas mention de la résistance des Gaulois armoricains ; mais son opinion sur la conduite des Bretons n’en a pas moins une toute autre valeur que l’attaque el écrivain que nous avons réfuté dans le chapitre précédent.

[80] Gildas, De excid. Brit., c. 17.

[81] Wor ou môr signifie, dans tous les dialectes de l’île et du continent, magnus ; tighern, tyern, se prend dans le sens de comes, rex, gubernator. Le Wortigern était donc le roi suprême du pays.

On donnait aussi à ce prince le nom de Gwrteyrn (homme-roi, homme-puissant.)

[82] Gildas, De excid. Brit., ap. Galland, T. XII, p 195 et sqq.

[83] Gildas, loc. cit.

[84] Intromissi in insulam Barbari veluti milites, et magna, ut mentiebantur, discrimina pro bonis hospitibus subituri, impetrant sibi annonas dari, quæ multo tempore impertitæ clauserunt, ut dicitur, canis faucem... Ni profusior eis magnificentia cumularetur, testantur se cuncta insulæ, rupto fædere, depopulaturos. (Gildas, loc. cit.)

[85] Andérida était située, selon Caniden (Britannia, l. 258), à Neweuden, dans les terres marécageuses de Kent et sur le bord d’une grande forêt qui couvrait une partie du comté de Sussex et du Hampshire.

[86] Chronique saxonne, p.15.

[87] Alii mentanis collibus, minacibus præruptis, vallatis et densissimis saltibus rupibusque marinis, vitam, suspecta semper mente, credentes in patria, licet trepidi perstabant. (Gildas, loc. cit.)

[88] Confovebatur namque ultionis justæ præcedentium scelerum causa, de mari usque ad mare, ignis orientali sacrilegorum manu exaggeratus, finitibus quasque civitates agrosque populans, non quievit accensus, donec cunetam pene exurens insulæ superficiem, rubra occidentale trucique Oceanum lingua delamberet. (Gildas, loc. cit.)

[89] Gildas, c. 35.