Le présent article pourrait servir d’introduction à une série de mémoires sur la poésie alexandrine. On a voulu y montrer, en insistant sur les caractères essentiels de la fondation d’Alexandrie et de l’organisation du Musée, pendant la période la plus brillante de leur histoire, quelle littérature devait naturellement s’y développer. Mais bien qu’on ait eu surtout pour objet une discussion littéraire, il a paru utile de résumer en même temps pour les lecteurs français les derniers travaux dont les fouilles faites à Alexandrie de 1863 à 1867 ont été l’occasion[1]. La fondation d’Alexandrie fut une conséquence naturelle de l’expédition d’Alexandre. La Grèce avait envahi l’Asie pour lui imposer ses mœurs, son culte, sa langue : l’hellénisme n’étant plus confiné comme auparavant dans le bassin de la mer Égée et dans les colonies semées sur la mer Méditerranée, niais se répandant jusque dans les profondeurs de l’Orient, Athènes ne devait plus être la capitale du monde nouveau. Des hoplites grecs et la phalange macédonienne avaient pu, au prix d’efforts héroïques, traverser des contrées sans limites et atteindre les bords de l’Indus. Pouvait-on cependant espérer que le commerce de la Perse et de l’Arabie, que les caravanes libyennes et les navires phéniciens se détourneraient de leur course ordinaire pour se rendre dans le golfe Saronique ? Le bassin du Pirée, considérable pour la marine grecque, suffirait-il au rendez-vous des nations lointaines qui allaient être les principales provinces de la monarchie universelle ? Alexandre, en faisant la conquête de l’Orient, se considérait lui-même comme un monarque oriental, comme un successeur des grands rois, unissant sous sa domination Athènes et Babylone, la Grèce obéissante et l’Asie devenue grecque. Aussi lui fallait-il une ville dont la situation exceptionnelle rendit cette union possible : il choisit Alexandrie. Située au milieu même de la Méditerranée hellénique, entourée presque à égale distance par la Grèce, l’Asie mineure et la Syrie, elle pouvait s’ouvrir sur la mer et sur le lac Maréotis à un double commerce, l’un avec l’Occident jusqu’au Pont-Euxin, l’autre avec l’Orient par le Nil et le golfe Arabique, jusqu’aux extrémités de l’Afrique et de l’Asie. Elle était la station maritime désignée pour tout le commerce de l’empire futur. Enfin, Alexandrie était une ville nouvelle qui, n’appartenant à aucune race et à aucun pays, n’exciterait pas la jalousie des cités rivales, et dans laquelle des colons venus des points les plus divers se rencontreraient pour s’y mêler et s’y confondre. Elle serait à la fois le centre des trois continents et la patrie de tous les peuples. Alexandre mort, tout croula. Cependant, les présages qui avaient annoncé la grandeur d’Alexandrie ne furent pas trouvés menteurs. Si la domination lui échappait, les avantages de sa situation demeuraient. En outre, la solidité de la monarchie des Lagides lui fut un secours, ainsi que la fragilité des monarchies voisines. Protégée contre toutes les attaques par la nature et par les Ptolémées, ses rapides commencements ne connurent pas les luttes féroces qui désolaient l’Asie. Quand l’armée de Soter fut impuissante à défendre sa capitale contre les envahisseurs, contre Perdiccas ou Antigone, les vents et le Nil en eurent raison. C’est ainsi qu’Alexandrie, à la fois colonie grecque et capitale de l’Égypte, ville lettrée et ville forte, servit au contact des nations, et que le génie grec, bien qu’affaibli par ce changement de sol, y reprit une vie nouvelle. Enfermée entre la mer Méditerranée, le Nil et la mer Rouge, l’Égypte était heureusement disposée, comme le remarquera plus tard le second Scipion[2], pour devenir une monarchie sûre et puissante. Des limites naturelles presque inexpugnables[3] arrêtaient l’ennemi du dehors, et au dedans la facilité des communications assurait l’obéissance. Les Égyptiens avaient oublié peu à peu leurs antiques traditions ; ils n’avaient point d’ailleurs à regretter la domination des Perses. A mesure que le commandement s’affaiblissait sous les dynasties précédentes, l’esprit de caste perdait aussi son empire. La caste des guerriers était presque éteinte au moment de la conquête macédonienne ; l’habile politique des Lagides leur livra les prêtres : il n’y eut plus dans tout le royaume que des sujets. Appuyé sur une armée de deux cent mille hommes, entièrement composée de arecs, où les Macédoniens tenaient les premiers rangs, et qui S’était peu à peu emparée de la police, des tribunaux criminels, d’une partie même de l’administration civile[4] ; servi par une multitude de fonctionnaires avides et souples ; usant d’un revenu annuel qu’on peut estimer à soixante-dix millions[5], un Ptolémée ne saurait-il pas concentrer dans Alexandrie toutes les ressources de la monarchie ; et en les employant avec intelligence à former une cour de savants et de poètes, ne réussirait-il pas à faire renaître, à l’ombre d’un despotisme tranquille, la littérature qu’avait autrefois enfantée une liberté turbulente ? Ptolémée Soter essaya le premier de réaliser ce dessein. Il avait environ quarante ans, lorsque dans le partage des satrapies de l’empire d’Alexandre, il obtint l’Égypte. Habile capitaine et fin politique, à la fois tenace et varié, poursuivant avec opiniâtreté un même but, niais par des voies diverses, ne demandant à la guerre que ce qu’il lui était impossible d’obtenir par la diplomatie, plus attaché aux conquêtes solides qu’épris du faste et des triomphes éphémères, il joignait à la patience dans les petites choses le souci des grandes. Ce parvenu avait toutes les qualités d’un fondateur d’empire. Il comprit qu’un héritier d’Alexandre ne devait pas être seulement un soldat couronné, un Macédonien énergique, mais barbare ; qui pour faire oublier la Grèce il n’y avait qu’à la rendre inutile, niais que pour remplacer Athènes, il fallait une autre ville que Pella. La communauté de religion étant le lien le plus puissant qui unît alors les peuples, les Grecs et les Egyptiens reconnaîtraient Alexandrie comme leur patrie, si elle était en même temps celle de leurs Dieux. L’alliance des deux cultes rendrait plus facile celle des deux races. Si les vaincus voyaient les Dieux grecs transformés, au moins en apparence, en divinités égyptiennes, ils accueilleraient avec moins de défiance les lois, la langue et la littérature des vainqueurs. Aussi Alexandre donna-t-il l’exemple de rassembler dans Alexandrie les cultes des grandes divinités des deux pays ; il avait élevé des temples à Isis en même temps qu’aux dieux de l’Olympe[6]. Soter imita cet exemple. Au Sud-Ouest d’Alexandrie, dans l’ancien quartier de Rhakotis, habité déjà avant la fondation de la ville dont il resta depuis le quartier le plus populeux, il y avait un sanctuaire consacré à Isis et à Sérapis. C’est là que Ptolémée fit placer une statue de Hadès, le Sérapis grec, qui était adoré à Sinope, sur le Pont Euxin. Des apparitions et des prodiges avaient décidé le roi de Sinope à céder l’image sainte. Au moment du départ, tandis que la foule hostile et menaçante entourait le temple pour empêcher le sacrilège, la statue était d’elle-même montée sur le navire, comme si les Dieux avaient solennellement adopté Alexandrie pour leur future demeure[7]. A la place même de la modeste chapelle se dressa plus tard, sur une hauteur, le Sérapeum. Les cent marches qui y conduisaient, ses portiques et ses colonnades, ses statues et sa bibliothèque en faisaient un monument si beau, que la parole, dit naïvement Ammien Marcellin, était impuissante à le décrire[8]. Ainsi commençait à Alexandrie la fusion des deux cultes grec et égyptien. En même temps que la religion, Ptolémée Soter y introduisait la littérature grecque. Lettré lui-même, car il a écrit une relation des campagnes d’Alexandre, il se fit une cour de poètes et de philosophes. Il appelait auprès de lui Atheos et Hégésias de Cyrène, Diodore Chronos, Stilpon de Mégare[9], Straton de Lampsaque, qui fut précepteur de Philadelphe. Il avait aussi voulu faire venir Théophraste[10] ; enfin, à côté de ces philosophes, il admettait dans son intimité des grammairiens comme Zénodote[11], des poètes comme Philétas, des mathématiciens comme Euclide. A l’égard de ces hommes célèbres, il se montrait généreux autant qu’affable. Il tenait Straton en telle estime, raconte Diogène Laërce, qu’il lui fit un présent de quatre-vingts talents (444.872 fr.)[12]. Comment ne pas répondre aux ordres d’un prince qui savait si bien distinguer le mérite, et qui le récompensait si royalement ? Mais il ne suffisait pas d’attirer les savants à Alexandrie ; il fallait les y attacher. Il n’y avait encore autour du roi qu’une réunion de talents, mais rien qui ressemblait à une école. C’étaient des hôtes d’un moment, appelés en Égypte par la générosité du roi, mais qui se disperseraient sans laisser aucune trace de leur séjour, s’ils n’étaient intéressés à une œuvre collective et retenus par un attrait puissant. Que les savants étrangers fussent assurés de trouver à Alexandrie, avec la compagnie de leurs pareils, des livres, la sécurité pour leurs recherches et les faveurs d’un monarque éclairé : tous viendraient peu à peu dans l’asile qui leur était ouvert. Alexandre, dans ces temps troublés, serait considérée comme le refuge des idées et le sanctuaire du travail. On quitterait la Grèce appauvrie et languissante, l’Asie brillante, mais moins sûre, pour la nouvelle Athènes. Elle serait pour la science une patrie d’adoption dont la gloire deviendrait le patrimoine commun. Les efforts de chacun auraient désormais une direction, une récompense et un résultat. C’est ainsi que commencent les siècles littéraires. Le roi d’Égypte était d’autant plus vivement sollicité à cette entreprise, que les autres souverains l’y auraient devancé. Même les plus barbares rivalisaient de noble libéralité pour les belles études. Comme il n’était point de grandeur qui effaçât aux yeux des Grecs l’infériorité de l’esprit, les Antiochus, les Antigone, les Attale voulaient, eux aussi, avoir leur Académie. Les Ptolémées ne pouvaient, sans déchoir, négliger de s’en faire nue. Ils fondèrent la bibliothèque et le Musée. L’honneur de ces deux fondations revient-il à Ptolémée Soter ou à Ptolémée Philadelphe ? Il est impossible de le décider avec certitude. Les textes, d’une autorité douteuse et d’une interprétation difficile, semblent se contredire[13]. Nous croyons cependant qu’on en pourrait tirer, sinon des preuves, au moins des présomptions en faveur de Ptolémée Philadelphe. Au reste, ces présomptions sont insuffisantes et ne sauraient nous dispenser d’examiner la question en elle-même. Animé des sentiments que nous avons dits, Ptolémée Soter a dû songer à organiser une bibliothèque. Mais cette organisation n’était pas l’œuvre d’un jour. Après avoir rassemblé une quantité considérable de manuscrits achetés aux particuliers, aux villes et aux rois, qui ne consentaient pas toujours à s’en dessaisir, il fallait les faire recopier à grands frais, afin d’en avoir plusieurs exemplaires. Il ne paraît pas que durant la première partie de son règne, Ptolémée, préoccupé avant tout de conserver son royaume, attaqué par des rivaux redoutables, marchant de combats en combats, tantôt à Cyrène, tantôt à Rhodes ou à Chypre, tantôt en Syrie ou en Cilicie, ait eu le loisir et l’argent nécessaires pour cette entreprise. Les dernières années furent plus calmes. L’empire affermi, Soter a pu se tourner plus librement aux travaux de la paix. C’est précisément à cette époque, en 290, que Démétrius de Phalère, fugitif, vint lui demander asile. Esprit actif et fécond, Démétrius savait tout ce qu’on pouvait savoir alors, et avait écrit sur tout. Histoire, grammaire, politique, rhétorique, morale, il avait traité Ies sujets les plus élevés et les plus difficiles ; la longue liste de ses ouvrages cités par Diogène Laërce serait presque la table des matières d’une encyclopédie[14]. Élevé à l’école de Théophraste, Démétrius avait l’universalité de sa science. Cet écrivain infatigable était d’ailleurs rompu à tous les artifices de la sophistique ; ce grave législateur se moquait des lois ; ce fier esprit s’abaissait à toutes les flatteries ; ce moraliste sévère ne respectait aucune morale. Maître d’Athènes pendant dix ans, il y étala tous les vices d’un tyran aiguisés par une imagination de rhéteur. L’arrivée de Démétrius Poliorcète fut pour les Athéniens une délivrance, car ils ne savaient plus que changer de maître. Le philosophe banni et condamné à mort, ils renversèrent ses statues pour en élever d’autres au conquérant. Après avoir erré d’exil en exil, Démétrius de Phalère se retira en Égypte. Ptolémée l’accueillit avec faveur et mit à profit ses connaissances et son activité, en lui confiant la direction de la bibliothèque. Il ne saurait être ici question d’une fonction officielle analogue à celle des bibliothécaires qui suivirent, car la bibliothèque n’existait pas encore[15]. Il s’agissait seulement de la constituer. Personne n’était plus apte que Démétrius à cette tâche délicate. D’après ses avis, Ptolémée acheta, entre autres ouvrages, tous ceux qui avaient été écrits sur l’art de gouverner. Les livres, disait Démétrius, ont plus de courage que les courtisans, pour dire aux rois la vérité[16]. Ainsi fut commencée la bibliothèque. S’il faut en croire plusieurs témoignages anciens, il y aurait eu déjà 200.000 volumes à la fin du règne de Ptolémée Soter, et Démétrius, que le roi interrogeait à ce propos, se serait flatté d’en réunir 500.000[17]. Cette gloire devait lui échapper. Suspect à Ptolémée Philadelphe, parce qu’il avait conseillé au vieux roi de ne pas déshériter ses fils aînés au profit du plus jeune, Démétrius fut envoyé en exil et y mourut[18]. Dans les premières années du règne de Ptolémée Philadelphe, les livres furent transférés au Musée. L’existence de la bibliothèque ne date véritablement que de ce temps. Il en est de même de l’existence du Musée. On s’accorde généralement à en reconnaître Ptolémée Philadelphe comme le fondateur[19]. Aucun texte ne le prouve, mais il n’est question nulle part du Musée sous Ptolémée Soter. Les philosophes qu’il appela auprès de lui avaient vu à Athènes des institutions analogues au Musée d’Alexandrie ; Démétrius, disciple de Théophraste, avait fréquenté le musée des péripatéticiens. On peut donc supposer que l’idée de la fondation nouvelle a été inspirée à Ptolémée Soter par les savants de son entourage ; peut-être même le plan du futur établissement fut-il dressé et les premiers travaux entrepris, mais ce ne fut qu’à la fin du règne. Ptolémée Philadelphe exécuta l’œuvre projetée et en recueillit la gloire. Dés son avènement, il s’appliqua, selon le mot de Callimaque, à continuer les traditions paternelles[20]. Depuis longtemps déjà, c’était une pieuse et poétique coutume, de mettre sous l’invocation et le patronage des Muses les concours et les solennités littéraires. On avait élevé sur l’Hélicon un temple consacré aux Muses ; en leur honneur on célébrait des jeux et des danses[21]. Le lieu où se réunissait l’école pythagoricienne s’appelait un musée[22]. Un poète comique disait d’Athènes qu’elle était le musée de la Grèce[23]. Ainsi le nom de Musée désignait communément les lieux chers aux Muses, où les arts et les lettres étaient en faveur. Bientôt même il prit une signification plus particulière. Quand la Grèce fut opprimée par les successeurs d’Alexandre, les villes à la discrétion des garnisons macédoniennes qui les rançonnaient, la patrie et l’indépendance perdues à la fois, et qu’il n’y eut rien à attendre de l’avenir, les esprits délicats éprouvèrent le besoin d’échapper aux humiliations de la vie publique en se réfugiant dans des retraites où ne pénétraient pas les bruits du dehors. On ne se réunit plus seulement dans les écoles de philosophie pour y philosopher, mais pour y vivre. Ordinairement ces écoles se composaient, comme celle de Théophraste, d’un musée ou temple des Muses, d’un bâtiment contenant une bibliothèque avec des promenades et des jardins alentour[24]. Des statues de divinités et de sages célèbres, comme celle de Platon à l’Académie et celle d’Aristote au Lycée, en étaient l’ornement[25]. Les membres de l’association prenaient leurs repas en commun. Les disciples habitaient parfois à quelque distance de l’école, dans de petites cabanes[26]. De pareilles mœurs semblent nouvelles, succédant à celles des anciens maîtres de rhétorique et de philosophie, si mêlés à la vie active, et enseignant sur la place publique. Vous diriez un monastère du moyen âge avec ses dépendances. Cependant, il ne faudrait pas pousser trop loin la comparaison, et croire que les solitaires du musée fussent soumis à un régime sévère. Les malheurs publics étaient encore trop récents pour que les âmes déjà fussent affaissées et éprises de la mort. Les plus mécontents méprisaient leur temps, sans en vouloir à la vie. On fuyait la place publique devenue déserte et silencieuse, pour se joindre à des amis préférés. Le musée offrait aux sages son doux loisir, le plaisir des joutes philosophiques, et même des jouissances moins nobles. Lorsque le péripatéticien Lycon invitait ses amis au Lycée, le luxe de l’ameublement et du service, la somptuosité du repas, le nombre des tables et des cuisiniers auraient fait froncer les sourcils aux gens d’humeur chagrine[27]. C’était un couvent où personne ne faisait de vieux, et où la sagesse n’entrait. pas toujours avec la philosophie. Le Musée d’Alexandrie fut probablement organisé sur ce modèle, quelques années après la mort de Théophraste[28]. Il est difficile d’en déterminer avec certitude l’emplacement ; mais on peut, à l’aide de la description si précise de Strabon, réduire en d’assez étroites limites l’espace hors duquel il est impossible de le placer. En effet, d’après Strabon, dans le quartier de la ville compris entre la pointe de Lochias à l’Est et le théâtre à l’Ouest, se succédaient, le long du grand port, de nombreux monuments royaux construits à grands frais par les Ptolémées. Au delà s’éleva plus tard le Césareum, puis on rencontrait le marché, les magasins de dépôt (άποστάσεις) et les chantiers qui se continuaient jusqu’à l’heptastade[29]. Or, les constructions royales dont le Musée et le Sêma faisaient partie, étaient toutes attenantes les unes aux autres[30] ; le Musée était donc bâti ou sur le grand port même, entre le théâtre et la pointe de Lochias, ou immédiatement derrière une première ligue d’édifices dont il n’était pas séparé. Il ne pouvait donc se trouver ni bien avant dans l’intérieur de la ville, comme le supposait Parthey[31], ni surtout au delà de la rue de Canope, à la place où Mahmoud Beg l’a mis dans son plan. L’affirmation catégorique de Strabon ne permet pas d’éloigner le Musée des autres édifices royaux, et de le reculer de l’autre côté de la rue de Canope qui, par sa largeur, divisait la ville en deux parties. La découverte d’une stèle portant le nom d’un auteur grec, ne suffit pas à déterminer l’emplacement du Musée, car le lieu même où les fouilles ont été faites ne concorde pas avec le témoignage positif de Strabon[32]. Ainsi, les monuments royaux occupant dans leur ensemble une partie de la surface d’un triangle rectangle dont la ligne des quais attrait fait l’hypoténuse et les deux rues principales de la ville, les deux autres côtés, le Musée et la bibliothèque étaient certainement plus voisins de l’hypoténuse que du sommet du triangle, formé par l’intersection des deux rues, point que l’on peut considérer comme le centre d’Alexandrie. En outre le développement des quais, depuis l’intérieur de la pointe de Lochias jusqu’au théâtre, étant d’environ sept cents mètres, le Musée pouvait avoir sa place sur cette ligne, au bord de la mer, à côté du théâtre, dans cette partie de la rive qui a été depuis rongée par le flot[33]. Si la bibliothèque était un des bâtiments du Musée, comme tout le fait supposer, elle ne pouvait pas non plus se trouver, comme on l’a voulu[34], au delà du théâtre, à l’endroit où étaient les magasins de dépôt, les docks. Dion Cassius dit, il est vrai, que les chantiers et les magasins de blé et de livres furent brûlés par suite de l’embrasement des vaisseaux du port, pendant le combat entre César et Achillas[35]. Ces magasins, dont parle Dion[36], ne peuvent être que les άποστάσεις placés par Strabon à côté des chantiers. On sait en effet que ce mot, dans le dialecte gréco-alexandrin, signifie magasins. Mais peut-on voir dans ces magasins de livres la fameuse bibliothèque d’Alexandrie ? N’était-ce pas seulement un dépôt de livres réunis provisoirement dans les docks, proximis forte œdibus condita, dit Orose[37], et destinés à en être enlevés, peut-être par César lui-même, qui se proposait de les faire transporter à Rome ? Il est donc impossible de considérer le texte de Dion Cassius comme une preuve que la bibliothèque fût située prés des chantiers, et il est plus naturel d’admettre qu’elle faisait partie du Musée. Ajoutons enfin que, d’après le témoignage de César, les monuments d’Alexandrie, construits sans charpentes et couverts de terrasses en pierre, ne pouvaient être incendiés[38]. Le Musée et la bibliothèque étaient à l’abri des flammes qui consumèrent les magasins et les matériaux accumulés dans les chantiers[39]. Les bâtiments du Musée étaient entourés de cours et de promenades plantées d’arbres. Le portique qui régnait le long de la façade et sur les deux côtés, aboutissait à une, exèdre ou salle ouverte, garnie de siéges[40]. C’est dans cette salle que les membres du Musée s’assemblaient pour leur travail et pour les affaires importantes. Elle servait de salle d’étude et de salle des actes. Derrière l’exèdre s’élevait l’œcus, ou salle à manger. La partie centrale du plafond était exhaussée au dessus des côtés, de la hauteur d’un étage. Les côtés de l’appartement étaient supportés par des colonnes et couverts d’une terrasse circulaire. D’autres colonnes formaient au centre l’épistyle couronné par un dôme[41]. Les philosophes des différentes écoles prenaient place dans cette salle à des tables séparées[42]. En dehors de ce bâtiment principal décrit par Strabon, il y avait des dépendances considérables, la bibliothèque, des salles de dissection où Hérophile et Érasistrato commencèrent les merveilles de l’anatomie ; des appareils d’astronomie disposés sans doute sur la terrasse de l’œcus, pour les observations d’un Hipparque et d’un Ptolémée ; des parcs où Philadelphe faisait venir des animaux de toute espèce, un jardin d’acclimatation pour les plantes rares, enfin tout ce qui pouvait soutenir et encourager l’activité des savants. Qu’on se figure l’ensemble des bâtiments avec leurs élégants portiques et les colonnes frôles qui portaient le dôme, comme une mosquée arabe avec son minaret ; à l’intérieur, dans l’air tiède des cours ou à l’abri de l’exèdre, les pensionnaires du Musée conversant ou écrivant, loin de la rumeur de la ville affairée, et l’on comprendra combien devaient être précieuses, pour des hommes d’étude, à une époque où les associations scientifiques n’existaient pas, la paix et les ressources de ce riche refuge[43]. La direction du Musée était confiée, comme dans les musées de la Grèce, à un grand-prêtre[44]. Ce personnage devait être un administrateur plutôt qu’un savant, car le nom d’aucun d’entre eux n’a été conservé. Les sociétaires, au nombre d’une centaine peut-être, touchaient un traitement donné par le roi. Le Musée avait d’ailleurs une caisse particulière[45], formée sans doute par des dons volontaires, et par les profits de l’enseignement. Rien ne fait supposer que les membres de la compagnie fussent astreints à une cotisation annuelle, comme dans les associations de tout genre qui se multiplièrent plus tard sur la surface de l’empire romain. Payés par le roi, les pensionnaires du Musée dépendaient absolument de sa faveur. Il pouvait à son gré les appeler auprès de lui ou se passer d’eux. Une grande pensée avait créé le Musée, un caprice pouvait le dissoudre. Il dura cependant près de six siècles, et ce ne fut pas un prince qui le renversa. Il disparut dans une guerre civile qui détruisit le Bruchium tout entier, sous l’empereur Aurélien[46]. Nous n’avons que fort peu de renseignements sur la vie intérieure du Musée. Les grands ouvrages qui ont honoré le règne des premiers Ptolémées sortirent de là. C’était donc une académie, dont les membres il est vrai ne se recrutaient pas eux-mêmes, mais c’était en même temps une école. On y était à la fois auteur et professeur. Les savants en renom y avaient des disciples qui venaient apprendre d’eux les méthodes scientifiques ; les grammairiens les plus célèbres de cette époque y furent tour à tour élèves et maîtres. Quelques-uns passèrent : ainsi toute leur vie dans la claustration du Musée. Jamais école ne fut plus libre ; ce n’était ni la contrainte, ni la régularité de nos écoles modernes. Causeries sérieuses, recherches en commun, déférence naturelle des plus jeunes pour leurs aînés, attachement à une tradition littéraire et scientifique, voilà, j’imagine, ce qui constituait surtout l’enseignement du Musée. Il y avait cependant pour un certain nombre d’adolescents et même d’enfants des cours suivis et un enseignement direct, peut-être rétribué, auquel ne dédaignaient pas de se prêter les savants les plus illustres. On ne saurait s’expliquer autrement qu’Aristophane de Byzance, par exemple, qui était encore enfant à la mort de Callimaque, ait pu être son élève[47]. L’étude était à peu près l’unique préoccupation des membres du Musée. La plupart d’entre eux n’ont pas de biographie ; les compilateurs byzantins ne leur ont attribué aucune de ces aventures qui abondent parfois dans la vie des poètes anciens. Mais ce système d’isolement et de détachement des choses du dehors avait, pour l’étude même, de graves inconvénients. L’abus des recherches de détail et des discussions érudites tournait à la controverse et au pédantisme ces esprits naturellement subtils. Il y avait des grammairiens qui posaient des questions difficiles, et d’autres qui se chargeaient de les résoudre. L’amour-propre aiguisait encore leur finesse, et le désir de vaincre faisait oublier toute sincérité. Les bons mots avaient souvent plus de succès que les bonnes raisons. C’étaient des tournois où les combattants ne se servaient pas toujours d’armes courtoises ; quand la preuve faisait défaut, on avait recours au sophisme ou à la plaisanterie. L’emploi des faux raisonnements, d’abord nécessité, devenait habitude, et l’on finissait par tromper son adversaire, de bonne foi. Ces assauts d’esprit rappellent la querelle du juste et de l’injuste dans les Nuées d’Aristophane. Un poète satirique, Timon, en a tracé une vive peinture. Dans l’Égypte populeuse, dit-il, on engraisse des scribes, grands amateurs de grimoires, qui se livrent à des querelles interminables dans la volière des Muses[48]. Timon, qui écrivait ces vers pendant la période la plus brillante du Musée, oubliait sans doute les immenses travaux de Zénodote, de Callimaque, d’Ératosthène et de tant d’autres savants contemporains ; il oubliait que la littérature grecque fut revue, méthodiquement classée et expliquée par eux ; mais il a justement signalé le vice de l’institution. Dans ces académies fermées à l’air et à la vie extérieure, les savants perdent peu à peu le sens du réel et de la vraie proportion des choses ; les riens sur lesquels ils discutent prennent à leurs yeux une telle importance, qu’ils ne voient plus qu’eux ; une lettre déplacée à propos dans un texte vaut une grande découverte, et dans la critique des grands poètes, on ne néglige rien, excepté leur poésie. Sosibius de Lacédémone, grammairien d’un esprit sagace et délié, se vantait devant le roi d’avoir résolu une grave difficulté d’un passage d’Isomère en déplaçant une seule lettre. Quelques jours après, il se plaignait au roi qu’on ne lui eut pas payé sa pension. Philadelphe se fit apporter la liste d’émargement, et y trouva les noms de Soter, de Sosigène, de Dion, d’Apollonius et d’autres, mais non celui de Sosibius : De quoi te plains-tu ? dit-il au savant ; vois la première syllabe de Soter, la seconde de Sosigène, la première de Dion et la dernière d’Apollonius : cela ne fait-il pas Sosibius ? ton nom est donc sur la liste ; tu es payé[49]. Il n’y a là, de la part du prince, qu’un simple amusement, mais peut-on s’étonner qu’en apportant aux questions sérieuses le même genre d’esprit, les Grecs érudits de la décadence aient inventli les subtilités étranges de la théologie alexandrine. Les membres du Musée avaient pour leurs études des ressources inépuisables dans la riche bibliothèque qui en faisait partie. Quand elle se fut considérablement accrue, une seconde, moins importante, fut établie clans le Sérapeum. On y mettait les livres les moins nécessaires, et ceux qui faisaient double emploi. La petite bibliothèque du Sérapeum était surnommée la Me de la grande[50]. Celle-ci comprenait non seulement les nombreuses salles où l’on déposait les volumes, mais encore des ateliers pour la préparation du papyrus et pour la copie des manuscrits. Elle devait occuper un assez grand espace. La plante employée pour les manuscrits était encore le papyrus, que l’on cultivait surtout dans les marais du Delta. Pour faire une feuille de manuscrit, on divisait la tige du papyrus en bandes très minces que l’on collait les unes à côté des autres ; par dessus celles-ci, on appliquait des bandes transversales disposées de la même manière. Après avoir été trempée dans l’eau du Nil, puis mise sous presse, séchée et polie, la feuille était devenue souple et résistante. Le meilleur papyrus se faisait avec la partie intérieure de la tige ; le reste était employé pour le papier d’emballage ; l’écorce servait à faire des cordes. La feuille était large de six pouces au moins ; elle dépassait rarement treize pouces. Quand elle était ainsi préparée, le copiste y écrivait avec un roseau taillé comme une plume d’oie. Encre noire, faite avec de la suie et de la gomme, encre rouge, mine de plomb, pierre à aiguiser, pierre ponce, éponge, règle, compas ; tels étaient les instruments du copiste. Il écrivait parallèlement à la longueur des feuilles ajoutées les unes aux autres. Les lignes, larges comme la main, formaient des séries de colonnes parallèles, séparées par des intervalles irréguliers. Le volume fini était roulé autour d’un bâton, à peu près comme nos cartes murales, et attaché avec une agrafe. Le lecteur prenait le bâton de la main droite, la feuille de la main gauche, et il lisait en déroulant avec la main droite, en roulant au contraire de la main gauche, afin de n’avoir qu’une ou deux colonnes sous les yeux. Quand sa lecture était terminée, il roulait de nouveau le volume autour du bâton[51]. Ces rouleaux étaient enfermés dans des bottes ornées quelquefois avec un grand luxe. Il en fallait beaucoup pour un ouvrage d’une certaine étendue. Un volume ne contenait en effet ni un livre, ni même un chapitre ou une pièce de théâtre, mais une partie seulement de tout cela. Un chant de l’Iliade remplissait plus d’un volume. Un papyrus égyptien découvert en 1821 contient la fin du dernier chant de l’Iliade, depuis le vers 127. Il est haut de dix pouces, long de huit pieds, et contient seize pages de quarante-trois vers environ chacune. Les papyrus d’Herculanum ont de deux à quatre mille lignes quand ils contiennent un ouvrage entier, et de deux à six cents quand ce sont seulement des parties d’ouvrage. Il n’y a donc pas lieu de trouver exagérés les chiffres donnés par les anciens sur les bibliothèques d’Alexandrie, ni d’admirer outre mesure l’extraordinaire fécondité des philosophes et des grammairiens grecs. Clitomaque de Carthage avait écrit, il est vrai, plus de quatre cents volumes ; Chrysippe, plus de sept cents ; mais combien cette masse de volumes eût-elle fait de livres aujourd’hui ? Les trois cent soixante-seize livres de Théophraste formaient un total de 232.808 lignes[52]. De nos jours, un volume de six cents pages in-8° contient près de 23.000 lignes, plus remplies que celles des manuscrits anciens. Dix de nos volumes auraient donc suffi à toute l’œuvre de Théophraste. Le grand nombre de livres écrits par les grammairiens s’explique plus aisément encore. Si l’ouvrage qu’ils commentaient était divisé en plusieurs manuscrits, le commentaire suivait la même division. Didyme avait composé trois mille cinq cents livres ou rouleaux, mais il pouvait y en avoir un pour chaque ode de Pindare. Ne soyons point étonnés que le lexique de Zopirion fût divisé en quatre-vingt-quinze livres : trois pages du Dictionnaire de Littré formant environ un rouleau, le dictionnaire tout entier en eût rempli au moins deux mille. A lui seul, il aurait constitué une bibliothèque. Nous avons vu que Démétrios de Phalère se vantait d’avoir réuni en cinq ans deux cent mille volumes, en comptant sans doute les doubles, ce qui fait environ, d’après la proportion constatée sous Ptolémée Philadelphe, cinquante mille volumes à un seul exemplaire (simplicia), les autres n’étant que des doubles. Ce chiffre n’a rien d’excessif, et on peut sans témérité l’adopter. A. ce premier fonds vint s’ajouter la bibliothèque d’Aristote, que Philadelphe acheta à Nélée, héritier de Théophraste[53]. Cette bibliothèque était considérable, à en juger par sa célébrité, par le caractère et la situation de celui qui l’avait composée. La science d’Aristote suppose une immense lecture, et il est permis de croire que son royal élève Alexandre avait mis à sa disposition tous les livres nécessaires[54]. Remarquons enfin qu’il y a eu dans l’antiquité des bibliothèques privées contenant jusqu’à trente mille volumes rares, comme celle du mathématicien Épaphrodite[55]. Pendant son règne, qui fut long et prospère, Ptolémée Philadelphe ne cessa d’acheter des livres de tous les côtés, particulièrement à Rhodes et à Athènes[56]. A la fin de sa vie, le nombre des livres avait doublé. Un rapport officiel du bibliothécaire Callimaque[57] constate la présence au Musée de quatre cent mille volumes mêlés (commixta), et de quatre-vingt-dix mille seulement sans compter les doubles. Dans la bibliothèque extérieure au Musée, dans celle du Sérapeum, avaient été déposés quarante-deux mille huit cents volumes moins nécessaires, des doubles probablement. Ptolémée Évergète, continuant l’œuvre de son père, ne recula devant aucune dépense pour rassembler à Alexandrie les livres les plus rares. C’est ainsi qu’après avoir emprunté aux Athéniens, moyennant une caution de 75.000 fr., l’exemplaire officiel des tragiques, copié autrefois sous le ministère de l’orateur Lycurgue, il garda l’exemplaire et abandonna les 75.000 fr.[58] Pendant son règne, la bibliothèque dut recevoir encore des accroissements notables. On ne sait s’il y eut quelque ralentissement pendant les années moins heureuses qui suivirent, et surtout à la fin de la dynastie des Lagides. Cependant, au moment olé la bibliothèque fut brûlée, sous César (47 av. J.-C.), il y avait, soit au Musée, soit au Sérapeum, sept cent mille volumes[59]. Pour réparer le désastre, Antoine donna à Cléopâtre les deux cent mille volumes à lui seul exemplaire de la bibliothèque de Pergame, aussi riche, peu s’en fallait, que celle d’Alexandrie[60]. Dans les quatre-vingt-dix mille volumes qui composaient essentiellement la bibliothèque au temps de Ptolémée Philadelphe, se trouvaient sans doute la multitude des poèmes épiques, toute la série des œuvres dramatiques, tragédies, drames satiriques, comédies, ces dernières de beaucoup les plus nombreuses - Athénée lut huit cents pièces appartenant à la seule comédie moyenne, - enfin, toutes les poésies lyriques de formes variées, doriennes ou ioniennes, si fréquentes avant le Ve siècle. Les œuvres en prose n’étaient pas moins considérables. Les grands historiens comme Hérodote, Thucydide, Xénophon, et d’autres plus récents, chroniqueurs prolixes plutôt qu’historiens, comme Ctésias, Éphore, Théopompe, tenaient dans la bibliothèque une large place. Ajoutons les orateurs, Antiphon, Lysias, Isocrate, Isée, Démosthène, le médecin Hippocrate, et enfin l’armée des philosophes, depuis Platon jusqu’aux péripatéticiens contemporains de Ptolémée Philadelphe, gens dont la plume était aussi abondante en paroles que la bouche d’un Nestor ou d’un Ulysse, et qui comptaient leurs livres par centaines. Il était facile, avec tant d’œuvres diverses, d’atteindre le chiffre donné plus haut. A cette source intarissable, les poètes et les grammairiens de la décadence puisèrent assidûment ; toute l’antiquité classique se retrouve dans leurs écrits, divisée en une infinité de poèmes, de commentaires et de scholies. Mais la source roulait des eaux troubles et des scories ; il importait d’abord de la purifier. Les meilleurs manuscrits présentaient des fautes, des interpolations et des lacunes nombreuses. Ceux d’Homère, en particulier, avaient besoin d’une recension nouvelle. En outre, les fraudes qui se produisaient déjà depuis longtemps, puisque Platon prit des précautions afin qu’on ne lui prêtât pas de faux écrits[61], devinrent plus fréquentes sous les Ptolémées. Les faussaires, attirés par l’appât de l’argent promis à ceux qui découvriraient quelque livre important, en inventaient. Il fallait donc faire le partage de ce qui était authentique et de ce qui ne l’était pas. Ce triage accompli, les volumes qui composaient un même ouvrage réunis et mis à part, il restait à inventorier tant de richesses, à en dresser le catalogue, à expliquer les textes difficiles, à guider le lecteur inexpérimenté à travers le dédale des manuscrits. Les listes des vainqueurs aux jeux solennels, olé se trouvaient les noms de ceux qui avaient chanté leurs victoires, et les didascalies des concours dramatiques, furent les premiers matériaux, encore bien insuffisants, de la bibliographie[62]. Cette science existait à peine ; il fallait la créer. Ce fut l’œuvre des bibliothécaires. Il n’y avait, selon toute apparence, qu’un seul bibliothécaire, aidé par des collaborateurs, mais seul chargé de la direction générale des bibliothèques du Musée et du Sérapeum. Chaque bibliothécaire conservait ce titre jusqu’à sa mort. Les premiers Ptolémées choisirent pour cette importante fonction les hommes les plus éminents de l’école, On y vit se succéder Zénodote, qui fut le premier bibliothécaire en titre, Callimaque, Ératosthène, Apollonius de Rhodes, Aristophane de Byzance et Aristarque. Ces noms illustres résument toute l’histoire de la littérature alexandrine pendant une période d’un siècle et demi (282-145)[63]. Les études de Zénodote sur Homère, les poésies de Callimaque, hymnes, élégies, épopées, poèmes didactiques, épigrammes, poésies diverses, et ses travaux de bibliographie ; le poème savant d’Apollonius de Rhodes ; les recherches d’Eratosthène en histoire, en géographie, en astronomie, dans tous les domaines de la science ; enfin les découvertes d’Aristophane de Byzance et d’Aristarque dans la critique des textes, sont les œuvres les plus remarquables du Musée. Elles suffiraient à en justifier l’établissement et à en assurer la gloire. On peut remarquer toutefois, dans cette longue énumération, que l’histoire est presque absente ; l’éloquence n’y figure pas ; la poésie n’y vient qu’au dernier rang. Les œuvres qui demandent de l’imagination et une haute inspiration étaient négligées ou inférieures. Le peu de valeur des poésies qui nous ont été conservées permet d’estimer à leur juste prix celles qui sont perdues. Si la création du Musée seconda les efforts des érudits, elle ne put faire naître ni des historiens, ni des orateurs, encore moins des poètes. Ce fut une renaissance, mais ce fut aussi un déclin. Il y eut beaucoup de gens de lettres, mais peu d’écrivains, beaucoup de livres, mais peu d’œuvres. Ce siècle, si grand par l’érudition, ne produisit qu’une littérature médiocre. Une littérature, c’est la vie d’une nation ou d’une aristocratie qui en est l’élite, exprimée par l’histoire, par l’éloquence, par la poésie ; c’est une société prenant conscience d’elle-même dans les œuvres de quelques hommes, et y retrouvant son image ; c’est Athènes, Rome, Versailles, vivant éternellement par un Sophocle, un Virgile, un Racine. Mais il faut pour cela qu’il y ait une cité, un peuple, une noblesse. Alexandrie n’était qu’une grande ville, un rendez-vous ouvert au monde. Une multitude composée de gens de toute sorte ; des Égyptiens indigènes, des fellahs, nés pour la souffrance et pour les travaux pénibles, habitués aux coups et aux longs jeunes, vivant de lentilles et de graines de lotus, ordinairement soumis, parfois révoltés et farouches, plus bêtes de somme que citoyens ; des Grecs expatriés, indifférents au pays qu’ils habitaient, flatteurs et serviles, prêts à l’assassinat comme à l’apothéose, d’ailleurs actifs et industrieux, ayant encore quelque lointain souvenir de la Grèce ; des Juifs retirés dans deux quartiers de la ville, isolés par leurs habitudes, leur religion, leur langue ; enfin, pour contenir cette tourbe confuse et tumultueuse, une armée de prétoriens indisciplinés, plus instruits à commander qu’à obéir, pillards et cruels : telle était la population d’Alexandrie[64]. Au milieu de cette foule cosmopolite, les littérateurs étrangers qui se groupaient autour du prince formaient une société fermée, un cénacle ignoré du reste de la ville et ne la connaissant pas ; ils étaient à eux-mêmes leur public. Si les littératures peuvent être soutenues par la libéralité des princes, elles vivent plus sûrement encore par la liberté. Le pouvoir arbitraire des rois d’Égypte fut souvent pour les lettres une protection, mais souvent aussi un danger. Les premiers Ptolémées, malgré leurs vices, usèrent de ce pouvoir à rehausser l’éclat de la monarchie ; les derniers en abusèrent pour satisfaire les caprices d’une concubine ou d’un eunuque. Un Ptolémée accueillit les lettrés à sa cour, mais un Ptolémée les exila. Philadelphe achetait à prix d’or les manuscrits d’Asie et de Grèce, il pensionnait Callimaque et Théocrite, mais il bannit Démétrius et fit noyer Sotadès. Ce dernier périt pour avoir osé railler les fantaisies d’un roi qui faisait élever des temples et des statues à ses maîtresses[65] ou qui répudiait sa première femme afin d’épouser sa propre sœur. Sotadès avait oublié qu’un Ptolémée payait le talent, mais châtiait la franchise. La flatterie était donc nécessaire : c’était cependant un art dangereux, et qu’il fallait apprendre. Ptolémée Évergète I avait un flatteur en titre, Callicrate. Cet artiste d’un nouveau genre, avait fait de la flatterie une étude patiente. Il avait pris pour modèle et pour patron le héros de la duplicité, Ulysse, dont il avait fait graver le portrait sur une bague. Il portait ainsi fièrement les insignes de sa dignité[66]. Au reste, il devait être difficile de toujours plaire aux Ptolémées. Sauf le premier, qui fut surtout un soldat et un politique, les autres étaient de beaux esprits raffinés en même temps que des barbares débauchés et cruels. Intelligents comme des Grecs, ils sont sanguinaires comme des Orientaux. Voyant qu’autour d’eux on fait si peu de cas de la vie humaine, ils en arrivent à sacrifier sans scrupules ceux qui les gênent, surtout leurs parents. Ils discutent avec des grammairiens et des philosophes sur un vers d’Homère ou sur l’immortalité de l’âme, mais ils font massacrer leurs frères, comme Philadelphe ; leur mère et leur sœur, comme Philopator. Le plus féroce de tous, Évergète Physcon, fut un des plus lettrés. L’abus des plaisirs et de la bonne chère l’avait rendu obèse au point qu’on n’aurait pu embrasser sa taille ; impuissant à mouvoir sa masse énorme, cachant sa difformité sous une robe qui lui descendait jusqu’aux talons et recouvrait ses bras, il ne sortait jamais à pied du palais. Il arriva au trône en versant des flots de sang. Le même homme cependant fut surnommé le philologue ; il écrivit sur la grammaire et sur l’histoire naturelle. Après lui l’esprit s’éteint, étouffé par la bestialité. Son second fils, Alexandre, tandis que le royaume est déchiré par la discorde, passe son temps à manger, entouré de courtisanes et de favoris. Appesanti par la graisse, Il ne parait en public qu’appuyé sur deux esclaves. Mais au milieu des repas, dans le secret de ses plaisirs, emporté par l’excitation des sens, on voyait le monarque essoufflé sauter à terre du haut de son lit de table et, pieds nus, se mettre à danser furieusement, comme un danseur de profession[67]. Ainsi la bonne volonté des premiers Ptolémées fut impuissante contre la nature des choses. Leurs efforts ne produisirent que des résultats imparfaits et éphémères ; les causes de décadence, un moment combattues et neutralisées, reprirent bientôt le dessus et agirent en toute liberté. Aristarque venait à peine de mourir, qu’Évergète II, rentrant victorieux à Alexandrie après une guerre fratricide, mettait la ville à sac, et, pour être plus sûr de son obéissance, en chassait les habitants. Les pierres ne peuvent pas s’insurger. Dans cette proscription en masse, le Musée ne fut pas épargné. Évergète, qui aimait la science, mais qui se méfiait des savants, parce qu’il redoutait en eux des témoins et des juges de ses cruautés, les bannit. Les îles et les cités voisines de l’Égypte accueillirent à l’envi les grammairiens, les philosophes, les savants et les artistes en fuite[68]. En un moment avait été détruite l’œuvre de plus d’un siècle. Quelques-uns revinrent plus tard, rappelés par celui-là même qui les avait proscrits et qui s’était ravisé ; mais c’en était fait de la gloire du Musée. Bientôt ce ne fut plus qu’un nom. Annales
de la Facultés des Lettres de Bordeaux — 1879 |
[1] Mémoire sur l’antique Alexandrie, ses faubourgs et ses environs, découverts par les fouilles, sondages, nivellements et autres recherches faite d’après les ordres de S. A. Ismaïl Pacha, par Mahmoud Beg, astronome de Son Altesse ; 1867. Les fouilles ordonnées par le vice-roi d’Égypte sur l’invitation de l’empereur Napoléon III, qui composait alors son histoire de Jules César, ont permis du déterminer d’une manière à peu prés certaine le tracé de l’enceinte et celui des rues principales. Il n’en est pas de même pour les monuments, dont on n’a trouvé que des vestiges douteux et peu importants. Toutefois ces récentes découvertes ont confirmé l’exactitude de la description de Strabon. Je n’ai pu ma procurer le mémoire de Mahmoud Beg, qui n’est pas dans le commerce, mais on en trouvera un résumé très clair et très complet dans un travail de Khepert, Zur Topographie der alten Alexandria (Berlin, 1872). Le savant géographe a reproduit le plan de Mahmoud Beg, réduit de moitié, en y introduisant quelques heureuses modifications. Le phare, haut de soixante-douze mètres, avec un second étage octogone de trente-neuf mètres de hauteur, d’après l’historien Makrizi, était situé à l’extrémité Est de l’île de Pharos : une chaussée longue d’un kilomètre et demi environ, appelée heptastade, unissait l’île à la ville et suivait exactement la direction Sud-Ouest-Sud-Est. La ville, située entre la mer et le lac Maréotis, sur une chaîne de collines larges de un à trois kilomètres et atteignant une hauteur de trente-cinq mètres, s’étendait du Sud-Ouest au Nord-Est sur une longueur de 5.090 mètres. La plus grande largeur était, à l’Est, au cap Lochias, de 2.500 mètres, et la plus petite, à l’Ouest, de 1.150 mètres. L’enceinte totale était de 15.800 mètres. Les murs du port, dont on a retrouvé de distance en distance les fondations, formaient une ligne brisée, oblique, du Sud-Ouest au Nord-Est. Les rues étaient perpendiculaires les unes aux autres : on en a découvert sept dans la longueur de la ville, et douze dans la largeur. La principale rue, partant de l’extrémité Est du port, traversait toute la longueur d’Alexandrie pour conduire à la porte de Kanobos. Elle était large d’environ un plèthre (30 mètres), bordée de trottoirs et garnie de colonnades dont les débris jonchent encore le sol. Les rues parallèles à celle-ci, séparées par des intervalles de 278 mètres, avaient de 2.400 à 800 mètres de longueur. Parmi les rues transversales, il y en avait une qui parcourait la ville du Sud au Nord et aboutissait à la pointe Lochias. Elle était terminée à ses deux extrémités par la porte du Soleil et la porte de la Lune dont parle Achille Tatius dans le roman de Leucippe et Clitiphon (V, 1, 2). Sa largeur était de 14 mètres ; elle était formée d’une étroite promenade plantée d’arbres, entre deux chaussées. Les débris de toute sorte, fûts de colonnes, chapiteaux, substructions de grands monuments, y sont plus nombreux encore que dans la rue de Canope. Lee rues parallèles avaient sept mètres de largeur, et étaient séparées par un intervalle de 380 mètres, avec des rues secondaires à la moitié ou au tiers de cette distance. La place où se dressait le théâtre, en face de la mer, est maintenant une hauteur couverte de ruines. Le pantoum, dont l’emplacement a été retrouvé, se dressait au point culminant de la ville sur une hauteur de 35 mètres. Le gymnase, placé par Malimoud Dag après le Panæum, devait au contraire le précéder, d’après les indications de Strabon qui nomme les monuments les uns après les autres, en allant de l’Ouest à l’Est. L’hippodrome détendait en dehors du mur d’enceinte, au delà de la porte de Canope. Quant aux autres monuments, comme le Séma, le Musée et le Sérapeum, il en sera question ailleurs. Enfin, le faubourg d’Eleusis, qui sert encore aujourd’hui de promenade et de jardin public, était situé à 1.500 mètres de la porte de Canope, vers Io Sud, prés du canal d’Alexandrie et non loin du lac Maréotis.
[2] Diodore, XXXIV, 1, éd. Didot.
[3] Isocrate, Buseris, 12, appelle le Nil un mur immortel.
[4] Robiou, Mémoire sur l’économie politique de l’Égypte au temps des Lagides. Paris, 1876, pass.
[5] Voir, à ce sujet, Robiou, l. l. ; Droysen, Geschichts des Hellenismus, I, p. 41, 45. Saint Jérôme, in Dan., XI, 8.
[6] Arrien, Exp. d’Alex., III, 1, éd. Didot.
[7] Tacite, Hist., IV, 81.
[8] Ammien Marcellin, XXII, 18. His accedunt altis sufflata fastigiis templa ; inter quæ eminet Serapeum, quod licet minuatur exilitate verborum, atriis tamen columnariis amplissimis et spirantibus signorum figmentis et reliqua operum multitudine ita est exornatum, ut post Capitolium, quo se venerabilis Roma in æternum attollit, nihil orbis terrarum ambitiosius cernat. Alexandrie est ornée de temples magnifiques, au milieu desquels se distingue celui de Sérapis. Aucune description n'en pourrait donner une idée. Les portiques, les colonnades, les chefs d'oeuvre de l'art qui respirent dans ce monument, composent un ensemble qui ne le cède qu'à ce Capitole, orgueil éternel de la métropole de l'univers.
[9] Diogène Laërce, II, 118, éd. Didot.
[10] Diogène Laërce, V, 87.
[11] Suidas, s. v. Ζηνόδοτος.
[12] Diogène Laërce, V, 88.
[13] Plutarque, Apophthegm., 189, d, éd. Didot ; Saint Jérôme, Chron., II, 350 ; Irénée, III, 25 ; Clément Alex., Stromates, I, 351 ; Épiphane, Περί μέτρων καί σταθμών, ch. 9 ; Plutarque, Adr. Epic., X, 507 ; Athénée, V, ch. 36, éd. Schweigh. (Voir, sur cette question, O. Seemann, De primis sex biblioth. Alex. custod., Essen, 1859.)
[14] Diogène Laërce, V, 78.
[15] Épiphane, Περί μέτρων καί σταθμών, ch. 9.
[16] Plutarque, Apophthegm., 189, d.
[17] Arisicas, 398, éd. Van Dale ; Zonaras, Ann., IV, 10.
[18] Diogène Laërce, V, 78.
[19] Voir Ritschl, Opusc. philol., I, 4 et suiv. ; Wiechert, Ueber das Leb. und Geditsch des Apoll. r. Rhod., 15 ; Maller, Hist. de l’École d’Alexandrie, I, 68 et suiv. Paris, 1849.
[20] Callimaque H., IV, 170.
[21] Athénée, XIV, 38.
[22] Diogène Laërce, VIII, 13.
[23] Athénée, V, 13.
[24] Diogène Laërce, V, 51.
[25] Diogène Laërce, IV, 1.
[26] Diogène Laërce, IV, 10.
[27] Athénée, XII, 69.
[28] Aulu-Gelle, Nuits attiques, 20, 5.
[29] Strabon, XVII, p. 783, 785.
[30] Strabon, XVII, p. 783, 785.
[31] Parthey, Das Alexandrinitche Museum, Berlin, 1838. Voir le plan et la discussion relative à l’emplacement du Musée, p. 24 et suivantes.
[32] Kiepert, l. cit., par. 6.
[33] Lumbrozo, Sulla descriptione Straboniana di Alessandria, dans les Annales de l’Institut de correspondance archéologique, année 1876, p. 5-20.
[34] Brugsch, Relation d’un voyage en Égypte, 1855, p. 9.
[35] Dion Cassius, XLII, 88.
[36] Strabon, XVII, p. 783, 785.
[37] Orose, Hist., VI, 15.
[38] César, De bello Alexand., 1.
[39] Lumbrozo, liv. cit., p. 11, fait ingénieusement remarquer que César ayant parlé seulement de l’incendie des chantiers, et nullement de celui de la bibliothèque (De Bello civ., 3, 111 : Omnes eas nares, et reliquas quæ errant in navalibus, incendit), l’affirmation relative à l’incendie de la bibliothèque a bien pu naître plus tard d’une équivoque. La grandeur du désastre aurait peu à peu été exagérée au point qu’on aurait imaginé que des livres, en quantité considérable, se trouvaient dans les magasins incendiés, et Tite-Live, cité par Sénèque, De tranquil. an., 9, 4, se serait fait l’écho de la légende. Les textes de Dion Cassius et d’Orose où il est question, non de la bibliothèque, mais de chantiers et magasins, en seraient la preuve. On ne voit pas cependant comment une pareille idée aurait pu naître si rien ne la justifiait. Le silence de César s’explique naturellement ; il rend compte des mesures de défense qu’il a dû prendre pour assurer sa position dans Alexandrie, et ne se préoccupe pas des désastres qu’elles ont pu causer dans la ville. Ce silence suffirait-il enfin à faire considérer comme une fable l’assertion si précise de Sénèque : Quadringento millia librorum Alexandria arserunt, assertion d’ailleurs si vraisemblable ?
[40] Strabon, XVII, p. 783, 785.
[41] Vitruve, VI, 5.
[42] Athénée, V, p.180.
[43] Sur la constitution du Musée, voir l’ouvrage déjà cité de Parthey, p. 50, 63. On consultera également avec fruit le mémoire de Wenlger, Das Alexandrinische Museum (Berlin, 1875).
[44] Strabon, XVII, p. 783, 785 ; Athénée, XII, 69.
[45] Strabon, XVII, p. 783, 785.
[46] Ammien Marcellin, XXII, 16.
[47] Suidas, s. v. Άριστώνυμος. Cela résulte de nos recherches sur la biographie de Callimaque. V. Annuaire de l’Association pour d’encouragement des études grecques, 1877 : La querelle de Callimaque et d’Apollonius de Rhodes ; et en 1878 : Remarques sur la date et la composition des hymnes de Callimaque.
[48] Athénée, I, 22, d.
[49] Athénée, XI, 85.
[50] Épiphane, Περί μέτρων καί σταθμών, 13. Sur l’emplacement où s’élevait le Sérapeum, v. Kiepert, l. cit., ch. 6, et Lumbrozo, l. cit., 16 et suiv. La critique de Lumbrozo est purement négative, mais il prouve très clairement ce qu’avait déjà vu Kiepert, que le Sérapeum ne pouvait pas se trouver à l’endroit où l’a marqué Mahmoud Reg, sur la hauteur où se dresse le monument appelé à tort la colonnade de Pompée.
[51] Voir à ce sujet, Waltenbach, Das Schiftwesen im Mittelalter, Leips., 1871. Weniger, l. cit., p. 19 et suiv.
[52] Sur cette question du nombre de volumes que contenaient les bibliothèques d’Alexandrie, j’ai adapté les conclusions de Hitachi dans son célèbre mémoire De Bibliothecis Alex., Opusc. phil., I. Lire surtout dans ce mémoire la scholie de Plaute, commentée par le savant critique.
[53] Athénée, I, 4.
[54] Strabon, XIII, 608.
[55] Suidas.
[56] Athénée, I, 3, b.
[57] Scholie de Plaute, Ritschl., l. c.
[58] Galen., in Hippocr. Epidem., III, 2.
[59] Ammien Marcellin, XXII, 16 ; Aulu-Gelle, Nuits Attiques, VI, 17.
[60] Plutarque, Antoine.
[61] Galen., Comment., 49, p. 105.
[62] Egger, Annuaire de l’association pour l’encouragement des études grecques, 1876. Callimaque bibliographe.
[63] Annuaire de l’association pour l’encouragement des études grecques, 1877, mémoire déjà cité.
[64] Sur la population d’Alexandrie, v. Polybe, XXXIV, 14 (cité par Strabon, XVII, p.797 et suiv.) ; Diodore, XVII, 52 ; Tacite, Ann., I, 2.
[65] Athénée, XIII, 87.
[66] Athénée, VI, 59.
[67] Athénée, XII, 78.
[68] Athénée, IV, 83.