ANNIBAL EN GAULE

 

CHAPITRE IV. — LA TRAVERSÉE DES ALPES.

 

 

I. — La distance du Rhône aux plaines du Pô.

 

Depuis le passage du Rhône, en remontant le fleuve comme pour aller vers ses sources, il y a 1.400 stades jusqu'à l'entrée des Alpes, par où l'on va en Italie. Reste la traversée des Alpes, environ 1.200 stades ; après les avoir franchies, Annibal devait être arrivé dans les plaines de l'Italie voisines du Pô. (Polybe, III, 39.)

Il y a là deux choses bien définies : le point de départ, qui est le Rhône, et le point d'arrivée final, qui est le pied du versant italien des Alpes. Qu'on regarde une carte, à quelque échelle qu'elle soit, ou mieux, que l'on aille voir le terrain, et l'on constatera avec quelle netteté est marquée la ligne où la plaine succède à la montagne du côté de l’Italie. Quand on vient par la vallée de la Doire Ripaire, la plaine commence à Avigliana ; sur la Doire Baltée, c'est à quelques kilomètres en amont d'Ivrée.

Les indications intermédiaires sont, au contraire, bien vagues :

1° Nous avons traduit άναβολή par entrée, mais le sens peut être aussi montée ; ce sont les mesures sur la carte qui nous fixeront. Nous allons mesurer la longueur des différentes routes qui traversent les Alpes et examiner pour chacune d'elles si 1.400 stades aboutissent près d'un endroit qu'on puisse qualifier de montée ou d'entrée des Alpes ;

2° Comment et jusqu'où remonterons-nous le Rhône ? Le biographe Hœfer a cru devoir aller jusqu'à ses sources, et mettre le passage au Saint-Gothard : que deviennent alors les 1.400 et les 2,600 stades qui, eux, sont précis ? Telles sont, dit M. Osiander (p. 41), les absurdités où l'on tombe quand on ne s'attache qu'à un mot, isolé du contexte, et sur lequel on bâtit tout un système en en forçant le sens. ώς έπί τάς πηγάς, écrit-il ailleurs, indique simplement la direction, l'orientation du mouvement, non son but (p. 29). Si l'on veut s'en convaincre, il suffit de compter les 1.400 stades le long du Rhône. En partant de Fourques, ils nous mènent jusqu'à 10 kilomètres en aval de Lyon ; si nous partions de Roquemaure, nous irions jusqu'à 30, 40 ou 50 kilomètres en amont de Lyon. Ce serait encore bien loin des sources.

Doit-on du moins remonter le Rhône jusqu'à l’entrée ou à la montée des Alpes ? Remontons-le pendant 1.400 stades (248 kilomètres) à partir de Fourques, de Beaucaire, ou même de Roquemaure : nous arrivons, comme nous venons de le voir, un peu en aval ou en amont de Lyon. C’est seulement si nous partions de Pont-Saint-Esprit que nous pourrions atteindre les Alpes à Saint-Genix-d'Aoste, non loin de Culoz, sans nous être beaucoup éloignés du Rhône. C'est la solution du colonel Perrin. Nous verrons, d'après les détails de la marche, si elle est assez conforme aux récits de Polybe et de Tite-Live pour nous faire remettre en question le point de passage du Rhône.

En écartant provisoirement cette solution, nous sommes forcés de ne pas remonter le Rhône jusqu'au bout des 1.400 stades, et nous devons nous écarter du fleuve quelque temps avant l'entrée ou la montée des Alpes.

Entendre par là qu'on peut se contenter de marcher un ou deux jours le long du Rhône pour s'en écarter aussitôt, c'est peut-être élargir beaucoup l'interprétation ; nous sommes donc disposé dès à présent à ne pas admettre que le mouvement ait pu se faire dans la vallée de la Durance. Nous étendrons pourtant nos recherches à cet itinéraire, car les chiffres surtout sont précis dans le texte de Polybe, et c'est à eux de décider en dernier ressort.

Supposons qu'Annibal ait remonté le cours de la Durance :

 

 

Km.

 

Du passage du Rhône, tel que nous l'avons déterminé, jusqu'au pont du chemin de fer sur la Durance, il y a

28

[1]

De là jusqu'à Sisteron

153

 

De Sisteron à la route de Gap à Briançon, près de Prunières

77

 

De là jusqu'à Suse

124

 

De Suse jusqu'à Avigliana

29

 

 

411

 

Au lieu de

461

 

 

Si au lieu de suivre la rivière, il a suivi la route la plus naturelle :

 

 

Km.

Route de Saint-Rémy, Cavaillon, Apt, Forcalquier jusqu'à Sisteron

172

De là à Prunières, par Serres, Veynes et Gap

94

De Prunières à Avigliana

153

 

419

Au lieu de

461

 

Dans l’un et l'autre cas, les 1.400 stades (248 kilomètres) comptés depuis l'origine conduisent un peu à l'ouest de Prunières. Or, quelque signification qu'on attribue au mot άναβολή τών Άλπεων, il est impossible de trouver quoi que ce soit qui y ressemble dans cette région. Des voyageurs qui ont passé par Sisteron et Tallard, ou par Serres et Veynes, ne trouvent près de Gap et de Chorges ou près de la Bréole, ni une entrée, ni une montée des Alpes. Si nous comptons 1.200 stades à partir d'Avigliana, en rebroussant, nous arrivons entre Veynes et Serres, où il n'y a rien qui réponde à l'expression άναβολή τών Άλπεων.

Ainsi, depuis Arles jusqu'à Avigliana, il y a 411 ou 419 kilomètres au lieu des 461 voulus. De plus, on ne peut diviser ce total, trop faible de 50 kilomètres, en deux parties différant peu (20 à 25 kilomètres) des 1.400 et 1.200 stades de Polybe, et trouver à la séparation des deux un endroit qui puisse recevoir le nom d'άναβολή τών Άλπεων. Sisteron et Briançon donnent seuls une entrée ou une montée. Il est donc impossible de concilier les données de Polybe avec l'itinéraire Sisteron, Embrun, mont Genèvre, Avigliana. Il est trop court.

Si l'on veut emprunter le col de l’Échelle ou le col des Thures au lieu du mont Genèvre, la longueur totale de l'itinéraire se trouve augmentée de 20 à 25 kilomètres ; l'écart avec les chiffres de Polybe deviendrait acceptable, mais on ne peut toujours pas placer l'άναβολή τών Άλπεων, entrée ou montée à 1.400 stades (248 kilomètres) du passage du Rhône.

Tout itinéraire passant au sud du mont Genèvre, par la vallée de l'Ubaye ou celle du Guil, serait plus court encore, et de beaucoup. Il est donc inutile de s'en occuper.

La voie romaine, passant à Saint-Rémy, Cavaillon, Apt, Sisteron, Gap, Embrun, mont Genèvre et Suse, nous donne 370 à 375 kilomètres d'Arles à Avigliana. Nous voilà encore plus loin du chiffre donné par Polybe.

Strabon nous a indiqué un chemin qui était, semble-t-il, le plus fréquenté de son temps. Il passait par Cavaillon, puis traversait la partie méridionale du territoire des Voconces pour gagner Embrun, Strabon qualifie d'άναβάσις la montée des Alpes ; c'est l'άναβολή, de Polybe, III, 50, et il y a 63 milles de Tarascon au pied de cette montée, qui ne peut être loin de Vaison ; 99 milles depuis là jusqu'aux frontières des Caturiges, près d'Embrun, et 99 encore de là jusqu'en Italie, La longueur de cette roule est donc à peu près la même que celle de la route Sisteron, Gap, Embrun.

Plus au Nord, le chemin qui emprunte la vallée de la Drôme donne les longueurs suivantes :

 

 

Km.

 

D'Arles à Loriol

146

 

De Loriol à Die

55

241

De Die au col de Cabre

40

 

Du col de Cabre à Gap

 

42

De Gap à Avigliana

 

173

 

 

456

 

Cet itinéraire est donc acceptable, au point de vue des chiffres et des données du paragraphe III, 39 de Polybe, Il placerait l'άναβολή au pied du col de Cabre (ce serait alors non pas l’entrée, mais la montée des Alpes) et donnerait bien près de 461 kilomètres pour le trajet total depuis le Rhône jusqu'en Italie, Le parcours effectué le long du Rhône est de 146 kilomètres, c'est-à-dire à peu près 800 stades, ce qui correspond bien aux indications postérieures.

 

Essayons de passer par Die et Grenoble. Il y a, d'Arles à Die, 201 kilomètres ; de Die à la Chapelle-en-Vercors, 38 ; total, 239 ; la montée ou l'entrée des Alpes se trouverait fort avant ce dernier point, et par conséquent beaucoup trop près du Rhône ; il y a 27 kilomètres de la Chapelle à Grenoble, et 205 de Grenoble à Avigliana[2], total 232, ce qui serait un peu trop (au lieu de 213) pour la deuxième partie.

Remontons le Rhône jusqu'à l'Isère.

 

 

Km.

Depuis le passage, près d'Arles, jusqu'à la Drôme

146

De la Drôme à l’Isère

28

En remontant l’Isère depuis le confluent jusqu'au Bec de l'Échaillon

78

 

252

De l'Échaillon à Grenoble

17

De Grenoble à Aiguebelle par le Gélon

70

D'Aiguebelle à Modane

65

De Modane à Suse par le mont Cenis

63

De Suse à Avigliana

29

 

244

 

La distance depuis le passage du Rhône jusqu'au bec de l’Échaillon, qui est bien l’entrée en montagne, le seuil des Alpes, άναβολή, est bien près du chiffre de Polybe (252 kilomètres au lieu de 248), mais la traversée des Alpes est sensiblement trop longue (244 au lieu de 213).

 

Si, au lieu de passer par le mont Cenis, nous employons le col Clapier, proposé par le colonel Perrin, nous trouvons :

 

 

Km.

 

De l'Échaillon à Modane

152

 

De Modane à Suse par le Clapier

40

[3]

De Suse à Avigliana

29

 

 

221

 

 

L'itinéraire qui emprunte les vallées de l’Isère et de l’Arc est donc admissible, à condition de passer, non pas par le mont Cenis, mais par le Clapier. Il a, sur les précédents, l'avantage de donner une entrée (άναβολή) très nette dans la montagne à la distance indiquée par Polybe.

Quiconque a suivi la route ou le chemin de fer de Valence à Grenoble a pu constater combien l'entrée dans la montagne est franchement marquée, au moment où l'on pénètre entre le Vercors et le massif de la Grande-Chartreuse. Le défilé où l'on se trouve resserré jusqu’à Grenoble, la vue des hautes cimes qui en barrent le fond donnent brusquement l'impression de la montagne. On a franchi la porte.

La distance est exactement la même si, à partir de Grenoble, on remonte vers le Lautaret au lieu de passer par la Maurienne. Au point de vue des distances, cet itinéraire est donc également acceptable.

Si, au lieu de se diriger vers le mont Cenis, on gagne le Petit Saint-Bernard, on trouve :

 

 

Km.

De l'Échaillon à Grenoble

17

De Grenoble au Petit Saint-Bernard

156

Du Petit Saint-Bernard à la plaine, à 6 kilomètres en amont d'Ivrée

111

 

284

 

Nous avons donc 70 kilomètres de trop.

Certains historiens ont essayé de réduire ce chiffre en plaçant le débouché en plaine à Aoste au lieu d'Ivrée. Il faut n'avoir regardé ni la carte, ni le pays, pour accepter une pareille solution. C'est à quelques kilomètres d'Ivrée que l'on débouche en plaine. Aoste, entourée de montagnes de tous côtés, ne donne nullement l’impression de l'arrivée en plaine. Et quand on y arrive, on n'a pas franchi le défilé de Bard !

En résumé, nous sommes obligés d'exclure les itinéraires qui empruntent la vallée de la Durance :

1° Parce qu'ils ne remontent pas le Rhône assez longtemps pour justifier les expressions de Polybe ;

2° Parce qu'ils sont trop courts ;

3° Parce qu'ils ne fournissent pas, quelque interprétation que l'on donne au texte grec, et quelque approximation que l'on admette, une entrée ou montée (άναβολή) dans les Alpes à environ 1.400 stades du Rhône ou 1.200 stades de l’Italie.

Nous rejetons les itinéraires qui passent par la vallée d'Aoste comme beaucoup trop longs.

Il nous reste trois solutions admissibles au point de vue de la longueur :

1° Vallée du Rhône, d'Arles à Loriol, puis vallée de la Drôme, col de Cabre, Gap, et mont Genèvre ;

2° Valence, Grenoble, la Maurienne, le Clapier ;

3° Valence, Grenoble, le Lautaret, le mont Genèvre.

Il n'est pas sans intérêt de voir ce que nous donneraient les conditions du paragraphe III, 39, si nous avions accepté le point de passage de Roquemaure ou celui de Pont-Saint-Esprit, choisis par la plupart de nos prédécesseurs.

Il y a environ 60 kilomètres depuis l'endroit où nous avons fixé le passage du Rhône, jusqu'à Roquemaure ; il y en a 90 jusqu'à Pont-Saint-Esprit (par la rive gauche du fleuve).

Rien ne serait changé à nos conclusions précédentes concernant la route de Sisteron, Briançon, le mont Genèvre. Elle demeurerait beaucoup trop courte.

La route de la Drôme, et celles qui, par Grenoble, conduisent au col Clapier ou au mont Genèvre, deviendraient trop courtes de 60 ou de 90 kilomètres. De plus, si l'on partait de Roquemaure, une longueur de 1.400 stades, comptée à partir du Rhône, conduirait en plein milieu du Grésivaudan, à une dizaine de kilomètres au sud de Montmélian. Impossible de placer là une entrée ou une montée des Alpes. Si l'on est parti du Pont-Saint-Esprit, au contraire, on termine les 1.400 stades à Ventrée de la Maurienne, que l'on peut faire passer à la rigueur pour l'entrée des Alpes.

Le colonel Perrin a fait remonter Annibal, sur la rive droite de l'Isère, vers Saint-Rambert et Saint-Genix-d'Aoste, pour gagner de là le col Clapier par Chambéry et la Maurienne. Cette solution serait la seule qui satisfît à la lettre aux conditions énoncées par la phrase de Polybe que nous citions en tête de ce chapitre.

Le chemin du Petit Saint-Bernard, par Grenoble, aurait bien la longueur totale voulue, mais il serait impossible d'y placer une entrée ou une montée des Alpes à hauteur de Chamousset, et plus impossible encore d'apercevoir les plaines d'Italie en arrivant au col. On ne voit de là que d'affreux précipices.

Nous arrivons donc aux conclusions suivantes :

1° Ayant fixé le passage près d'Arles, nous avons trois solutions possibles pour la traversée des Alpes : passer par la vallée de la Drôme pour aller au mont Genèvre ; passer par Grenoble et le Lautaret pour rejoindre ce même col ; enfin, passer par Grenoble, le Grésivaudan et la Maurienne pour franchir le col Clapier ;

2° Si nous avions accepté le point de passage de Roquemaure, aucune solution ne pouvait plus convenir ;

3° En acceptant le passage à Pont-Saint-Esprit, la route d'Yenne, Chambéry, le Clapier serait admissible, au point de vue des distances.

Malgré la clarté et la simplicité des mesures qui ont conduit à ces conclusions, un grand nombre de nos prédécesseurs ont adopté le point de passage de Roquemaure, celui-là même qui ne se prête à aucune solution pour la traversée des Alpes. Nous avons vu dans le chapitre précédent comment ils y avaient été amenés ; examinons de même comment ils ont pu s'en accommoder, malgré les chiffres.

Pour les uns, ce fut assez facile, car ils laissèrent tout à fait de côté les données du paragraphe III, 39, ou, ce qui revient au même, ils admirent qu'une différence de 60 kilomètres sur 200, 1 sur 3, n'avait rien d'extraordinaire.

D'autres ont recherché un appareil plus scientifique. Ayant fixé d'avance leur itinéraire avant d'avoir fait aucune mesure, ils ont trouvé à peu près 1.400 stades jusqu'à Montmélian, ont même poussé un peu plus loin s'il le fallait, découvert tant bien que mal un chemin creux ou une butte pour marquer l'άναβολή, entrée ou montée ; arrivés là, ils se sont trouvés un peu à l'étroit dans l'espace compris entre Montmélian et Avigliana pour faire tenir les 1.200 stades que nous avons comptés, nous, entre le bec de l'Échaillon et Avigliana. Ils ont donc abandonné le chemin de la vallée, le plus naturel, pour grimper et descendre sans cesse sur les contreforts des Alpes ; enfin, comme l'allongement qui en résultait ne suffisait pas encore, ils ont admis que, dans les montées, en raison de la fatigue, on majorait les distances parcourues. En accomplissant ce petit travail avec des méthodes diverses, mais avec un 'doigté parfait, ils se sont tous retrouvés ensemble à l'arrivée.

Nous savons, dit le colonel Perrin, qu'en pays de montagnes, l'expérience a prouvé que les routes, par suite des nombreux détours qu'elles sont obligées de faire, sont plus longues de 1/3 que celles des plaines, pour parcourir une même distance mesurée à vol d'oiseau. Mais cette règle n'est véritablement exacte que dans des massifs montagneux tels que les Vosges, le Jura, etc. ; elle ne peut s'appliquer à des massifs aussi escarpés et aussi élevés que celui des Alpes. Si cependant nous appliquons cette règle à la voie ferrée du mont Cenis, qui peut être assimilée à une voie en plaine, nous aurons de Chamousset à Alpignano 163 kilomètres, dont le tiers est 54 kilomètres, ce qui donne un total de 217 kilomètres, chiffre très rapproché de celui de 224.

Comment a été vérifiée cette règle, d'après laquelle les chemins de montagne sont de 1/3 supérieurs aux chemins de plaines ? Nous n'en savons rien. Mais en admettant même qu'elle soit exacte dans certaines conditions, elle ne peut pas l'être d'une manière générale, ni même donner une moyenne dans un ordre d'idées où tout est irrégulier. Les montagnes allongent les chemins : 1° en les obligeant à contourner des massifs. Ainsi, de Grenoble à Saint-Jean-de-Maurienne, il y a 50 kilomètres à vol d'oiseau et 110 par la route ; 2° en leur faisant faire des lacets aux montées ; il y a 3 kilomètres ½, à vol d'oiseau de Lans-le-bourg au refuge n° 18 de la route du mont Cenis, et 10 kilomètres par la route.

Ces deux modes d'allongements peuvent agir, ensemble ou séparément, de la manière' la plus diverse, et l'allongement peut varier depuis zéro jusqu'aux valeurs extrêmes que nous venons d'indiquer. Peut-on en conclure une moyenne ? Jamais de la vie !

Il faut d'ailleurs tenir compte de la nature du chemin considéré. S'il y a 10 kilomètres de Lans-le-bourg au col du mont Cenis par la route, il n'y en a pas plus de 4 par la Ramasse ; or, en abandonnant les vallées à fond plat pour marcher à mi-côte, on emploierait des chemins plus semblables à la Ramasse qu'à la route nationale, et l'on peut se demander s'il y aurait lieu de faire subir une majoration quelconque aux distances mesurées de proche en proche, d'un hameau à l'autre, sur la carte à 1/50.000e. Le colonel Perrin n'y songe pas. D'autres l'ont fait.

Le lieutenant Azan a reconnu l’insuffisance de la majoration ainsi obtenue, et il est parti d'un principe différent. Le colonel Perrin ne nous parlait que de longueurs réelles, existantes, et si son estimation est discutable en thèse générale, au moins peut-on couper court à toute discussion par une mesure directe sur le terrain ou sur le cadastre. Avec MM. Osiander et Azan, il s'agit de longueurs fictives. On part de ce principe que l'on marche plus lentement en montant qu'en terrain plat, et l'on suppose que Polybe mesure les distances parcourues, non plus en longueur, mais en temps. Ceci est exact pour nos alpins, qui ont des montres, et mesurent les trajets d'un point à un autre en heures et en minutes ; mais ce procédé n'était pas à la portée des anciens. Non seulement ils n'avaient pas de montre, pas de sabliers de poche, mais ils n'avaient pas d'unité de temps ; l’heure était la douzième partie de la journée, comptée du lever au coucher du soleil, et une heure d'été valait presque deux heures d'hiver. Ainsi les anciens ne songeaient pas à estimer les distances parcourues en montagne par le temps mis à les parcourir, mais bien par leur longueur.

Strabon ne donne pas l'altitude d'un col, mais la longueur du chemin qui va du pied au sommet, et on peut en vérifier l’exactitude.

Il est donc inexact que les chemins aient été mesurés en montagne autrement qu'en plaine. La mesure par le temps ou par l'altitude était impossible.

M. Osiander veut que l'unité de longueur ne soit pas la même en montagne qu'en plaine. Il s'ensuivra que les 1.200 stades fournis par Polybe pour la traversée des montagnes devront donner en kilomètres un équivalent beaucoup plus faible que ne le pense le vulgaire.

M. Osiander, qui veut placer le commencement de la montée à Montmélian (!) ne compte que 187 kilomètres de là jusqu'à Avigliana, et se trouve ainsi au-dessous de la distance donnée par Polybe (213 kilomètres). Pour faciliter la coïncidence, il déclare que les stades de montagne sont les 5/6 des stades de plaine. Les 1.200 stades de Polybe représenteraient donc, non plus 213 kilomètres, mais 178.

Pour en venir là, M. Osiander remarque que les distances fournies par Polybe sont des multiples de 200 stades (3.000, 2.600, 1.600, 1.400 et 1.200) c'est-à-dire de 24 milles romains ; or, Hérodote se sert (V, 53) d'une journée de marche de 200 stades, et Végèce (I, 9) nous apprend que la journée de marche d'une armée romaine est de 24 milles en terrain plat, de 20 milles en terrain difficile (in arduis et clivosis, I, 27). Polybe aurait donc, suivant M. Osiander, transformé en stades une mesure donnée en jours de marche ; mais la journée de marche, évaluée par lui à 200 stades, était de 24 milles en plaine, de 20 milles en montagne. Son évaluation, exacte jusqu'à l'entrée des Alpes, se trouve donc trop forte de 4/6 dans la traversée des montagnes.

A coup sûr, dit le savant professeur, Polybe n'a pas procédé lui-même à la mesure ; compter des pas, comme firent les bématistes d'Alexandre, aurait été trop absorbant et d'ailleurs inutile, la transformation des pas en stades, en terrain accidenté, ne pouvant donner qu'an résultat subjectif. (Et celle des journées de marche !) Polybe n'avait donc pas d'autre moyen que celui auquel nous avons encore recours : il déduisait la longueur de la marche de sa durée. Ce procédé devait être passé dans les habitudes militaires, et le stade itinéraire des savants, égal à 148 mètres, ou 5/6 du stade de Polybe, pouvait être pris pour unité par une mesure de temps et un calcul très simples. Le pas militaire des Romains, qui était S/6 du pas entier ou normal, entraîne comme conséquence un route militaire qui est 5/6 du mille normal.

Nous demandons la permission de n'en rien croire. Polybe était mieux au courant que nous de toutes ces questions, et n'était pas homme à prendre une mesure pour une autre. Il n'y a pas trace, dans les textes, de deux milles différents, et celui qui a servi à graduer les voies romaines était une mesure militaire. D'ailleurs, en supposant deux pas, deux milles, l’un pour les civils et l'autre pour les militaires, s'ensuit-il que le premier convienne aux plaines et l'autre aux montagnes, sans que jamais un mot indique la différence ? Les montagnes sont-elles réservées aux militaires et la plaine aux civils ?

Enfin, puisque l'on accuse la mesure des longueurs d'être illusoire en montagne, quoi de plus illusoire que la mesure du temps pour un ancien ? On s'imagine difficilement Polybe sur le sentier qui mène à un col et estimant la durée de son ascension par le cours des astres ! Nous le voyons bien plutôt, lui ou son bématiste, mesurer la longueur de la route (carrossable ou charretière) avec un odomètre.

M. Osiander ajoute, pour nous convaincre, qu'en identifiant les stations des voies romaines, on trouve une différence marquée entre les unités de distance employées en plaine et en montagne. Nous craignons qu'il n'ait été abusé par un petit nombre de cas particuliers où il y avait quelques erreurs de tracé ou d'identification ; car nous avons étudié avec soin toutes les voies romaines de la Narbonnaise, aussi bien le long du Rhône que dans les Alpes, et le mille de 1481 mètres nous a paru répondre à toutes les conditions. Peut-être les nombres des Romains se trouvent-ils un peu faibles, en plaine ainsi qu'en montagne[4].

Pour nous, qui faisons suivre aux armées anciennes, comme aux nôtres, le fond des vallées tant qu'elles le peuvent, il nous semble que de Montmélian jusqu'au pied des cols, la distinction entre les deux unités n'a pas lieu d'être faite. Elle n'aurait à intervenir que pour l'ascension du col, et là son influence se bornerait à 2 ou 3 kilomètres.

Était-il vraiment indispensable de quitter le fond des vallées pour grimper et redescendre sans cesse ? Y a-t-il là d'autre nécessité que celle de procurer une majoration aux chiffres de Polybe ?

La vallée de l'Arc, dit-on, était impraticable il y a vingt siècles : c'était un marécage sillonné en tous sens par les bras de la rivière. Voilà une affirmation bien hardie, et à l’appui de laquelle on n'apporte aucune preuve formelle. L'expression de marécage, en tout cas, est impropre : tout ce qu'on peut admettre, c'est que le fond de la vallée ait été couvert de sable et de cailloux, à travers lesquels l'Arc creusait des sillons toujours changeants. Qu'il fût impossible d'y tracer un chemin, c'est certain, et il en a été de même jusqu'à l'endiguement du torrent ; mais qu'on ne pût pas y marcher, c'est autre chose.

Acceptons pourtant l'hypothèse, et supposons qu'Annibal n'ait pas fait marcher son armée sur le fond même de la vallée. Il ne s'ensuit pas qu'il l'ait promenée à flanc de coteau.

Prenons une carte du XVIIe ou du XVIIIe siècle, par exemple la belle carte manuscrite de 1729-1731 conservée au dépôt de la guerre[5] : l'Arc, non endigué, coule en plusieurs bras à travers les sables et les galets dont il a rempli son lit majeur, et où nul chemin n'est tracé ; mais deux bonnes routes longent sur les deux rives le pied des pentes. Situées à quelques mètres au-dessus du fond de la vallée, elles sont hors de l'atteinte des flots de l’Arc, sauf en cas d'inondation exceptionnelle. Ces deux roules, on en voit encore les restes tout le long de la vallée : tantôt elles sont en remblai, si la pente est douce, la terre friable ; leur mur de soutènement existe toujours, mais la route abandonnée est recouverte de gazon ; tantôt elles sont entaillées dans le roc, et à peine ruinées par le temps.

De pareilles routes, non pavées, mais assurant les communications les plus faciles et les plus rapides entre les diverses parties de la vallée, ont dû exister de tout temps, et s'il n'y en avait pas lors du passage d'Annibal, chose bien improbable, il valait mieux pour ses éléphants marcher dans la vallée, sur les sables et les galets, mais à plat, que de monter et descendre sans cesse.

On jugera les chemins qu'a choisis le colonel Perrin, par exemple, en constatant qu'il compte 59 kilomètres de la Chambre à Saint-Michel, tandis qu'il y en a 25 par la route moderne ; il en compte 38 de Saint-Michel à Aussois, tandis que nous en avons 24, et il s'élève chaque jour à la cote 1.400 ou 1.500. Quelles difficultés faudrait-il supposer dans le fond de la vallée pour justifier de pareils détours et de pareilles fatigues, car ces 97 kilomètres parcourus à la place de 49, se font en montant et descendant sans cesse ?

A notre avis, c'est aller chercher bien loin, et au prix de grandes complications, des fatigues certaines pour échapper à des difficultés hypothétiques. Qu'il y ait eu des voies romaines sur les coteaux où le colonel Perrin trace l'itinéraire d'Annibal, c'est possible : l'industrie et l'agriculture étaient plus florissantes alors qu'aujourd'hui sur ces hauteurs ; mais partout nous voyons les grandes voies romaines suivre le fond des vallées avec nos roules modernes : sur la Durance, sur la Drôme, sur l'Isère, sur la Doire ; pourquoi l'Arc ferait-il exception ? Il ne traverse pas de précipices comme ceux où coule la Romanche.

Nous nous en tenons donc à la solution la plus naturelle et la plus simple, celle qui consiste à faire passer Annibal par les voies les plus faciles, les plus voisines des chemins modernes. Il faudrait nous donner de bien solides arguments pour nous faire quitter les voies naturelles et courir à travers la montagne. Si les invasions se sont toujours faites par les vallées, ce n'était pas pour marcher sur les sommets.

Tous ces détours, toutes ces majorations viennent se combiner avec le choix d'une entrée ou d'une montée près de Montmélian. Ce n’est pas la partie la moins étonnante de la solution de Larauza, de M. Osiander, etc.

En s'engageant au milieu des éminences entre la Chavanne et Mallaverne, on ne comprend pas, dit avec modération M. Chappuis, que Polybe y ait vu l'entrée des Alpes, et M. Osiander, qui l'y voit, nous la montre assez fidèlement pour nous écarter tout de suite de son opinion : Les hauteurs de Chavanne et de Maltaverne, dit-il p. 108, peuvent s'appeler à bon droit clivi ou colles, car Chavanne est à 60 mètres seulement, et Maltaverne à 120 mètres au-dessus du niveau de Montmélian. C'est là que commence le terrain difficile[6].

Ainsi voilà des gens qui ont franchi sur les bords du Rhône, plusieurs collines très âpres de 200 à 300 mètres d'altitude ; qui, parvenus à Valence, ont vu tout près d'eux les plateaux de la rive droite de l’Isère ; qui ont longé, heurté, avec la vallée de cette rivière, les falaises du Vercors et de la Grande Chartreuse ; qui ont marché trois jours entre cette dernière et la chaîne de Belledone ; et ils marquent comme pénible, décisive, une côte équivalente à celle des Champs-Elysées ?

Que le mot grec άναβολή signifie entrée ou montée, la chose est tout aussi extraordinaire. Il n'y a là ni entrée ni montée, mais un mouvement de terrain insignifiant qu'on grossit, comme on a grossi les chiffres de Polybe, pour assurer la concordance.

M. Osiander soutient ce paradoxe-ci, comme l’autre, à force d'érudition, en quoi il est sans rival : Polybe, nous dit-il, ne parle nullement d'une entrée, d'une porte des Alpes, mais bien d'un commencement de la montée vers les Alpes. Il y a ici confusion entre deux paragraphes de Polybe. Dans l'un, III, 39, l'historien compte 1.400 stades depuis le passage du Rhône jusqu'à l'άναβολή des Alpes. Là, άναβολή désigne un point bien déterminé ; on peut le traduire par entrée ; si on le traduit par montée, il faut que ce soit une montée très courte. Or, il n'y a guère de montée digne d'être mentionnée dans les Alpes, qui ait moins de 100 stades de longueur. Le point visé, s'il n'est pas une entrée' sera le pied ou le sommet de la montée.

Plus loin, dans le récit détaillé de la marche, Polybe dit qu'en quittant le Rhône[7], Annibal commence τήν άναβολήν πρός τάς Άλπεις la montée vers les Alpes. Ici, plus de doutes : il s'agit d'une montée assez longue commençant au Rhône et finissant aux Alpes. Quelle que soit la solution proposée, si elle ne place pas cette montée à Saint-Genix-d'Aoste, où les Alpes sont baignées par le Rhône, l'άναβολή πρός τάς Άλπεις à une assez grande longueur. Notre άναβολή τών Άλπεων de tout à l’heure, qui était un point bien précis, n'est donc pas à confondre avec l'άναβολή πρός τάς Άλπεις. Elle pourrait être le pied ou le sommet de cette montée ; mais le pied de la montée vers les Alpes n'est pas dans les Alpes, tandis que le sommet y est. L'άναβολή τών Άλπεων est donc au sommet, non au pied de l'άναβολή πρός τάς Άλπεις[8]. Le même mot άναβολή a été pris dans deux sens un peu différents, entrée et montée, ce qui s'explique d'autant plus facilement qu'il s'agit de textes empruntés à deux originaux indépendants. Ne trouverait-on pas du reste, dans un ouvrage français, le mot monter pris dans trois ou quatre sens distincts ?

Le commencement de la montée vers les Alpes ne correspond pas au 1.400e stade depuis le passage du Rhône ; il le précède, et se trouve exprimé par le erigentibtis in primos agmen clivos de Tite-Live. Mais, si nous appliquons bien celte indication aux contreforts que l'on rencontre, de plus en plus accentués, à partir de Valence jusqu'au bec de l'Échaillon, la hauteur de Maltaverne ne nous paraît pas y répondre aussi bien. En tout cas, elle ne répond pas au mot άναβολή, désignant un point précis du parcours, dans le paragraphe III, 39 de Polybe ; elle ne se trouve pas à proximité du Rhône, ni au moment où l'on entre chez les Allobroges, puisqu'au contraire on va les quitter.

Nous avons indiqué plusieurs solutions entre lesquelles les chiffres de III, 39 ne permettaient pas de faire un choix. Achevons ici notre travail d'élimination en utilisant les autres données de Polybe.

1° Le dernier de nos trois itinéraires passe au col Clapier, qui est le seul d'où l'on voit la plaine d'Italie. Ce chemin est donc le seul admissible ;

2° D'autre part, les deux autres itinéraires ont à franchir le col de Cabre ou le Lautaret avant le mont Genèvre, et les textes ne nous permettent pas de supposer qu'Annibal ait franchi deux cols. Quand on songe aux difficultés que présente le passage unique détaillé par Polybe et Tite-Live, on est assuré qu'un autre passage n'aurait pas été décrit sommairement, et à peine indiqué dans le récit. Le mont Genèvre n'est pas beaucoup plus difficile que le Lautaret ou le col de Cabre. Le Lautaret, en particulier, offre des obstacles très sérieux à la montée ;

3° Enfin, de toute façon, il faut que le chemin choisi pénètre sur le territoire allobroge peu de temps avant l'entrée des Alpes, et que la grande ville des Allobroges se rencontre aussitôt après. La route du col de Cabre ne traverse pas le territoire allobroge.

L'itinéraire Valence, Grenoble, col Clapier, répond donc seul à toutes les données essentielles de Polybe. C'est à lui que nous nous attacherons pour le comparer en détail avec le récit des historiens.

 

 

 



[1] Ces chiffres sont mesurés sur la carte à 1/200.000e et vérifiés au moyen de la carte des étapes et d'une carte cycliste.

[2] Voir le détail plus loin.

[3] Il y a 15 kilomètres de Modane au Planais ; du Planais au col, en montant, 3 heures de marche que nous évaluons à 10 kilomètres ; à la descente, 3 heures, qui peuvent faire 15 kilomètres.

[4] Voir plus haut la route d'Arles à Avigliana, qui a 375 kilomètres d'après les itinéraires romains, tandis que les routes modernes en donnent 395 à 400. C'est une route de montagne, cependant !

[5] Réduction du cadastre de la Savoie.

[6] Larauza (p. 64) place ici le commencement de la montée. Il s'appuie sur ce texte : A 100 pas environ de l'autre côté du pont, dit M. Albanis Beaumont, est une charmante colline ou falaise, couverte d'arbres jusqu'à son sommet. C'est au pied de cette colline qu'on laisse à droite le chemin qui conduit à Sainte-Hélène, pour prendre à gauche celui du Piémont. Le premier hameau que l'on traverse se nomme la Chavane ; il est situé au sommet de la montée.

Et page 66 :

Dès la Chavane, on n'est plus dans le plat pays, έν τοΐς έπιπέδοις ; l'on a quitté cette large et belle vallée que les habitants appellent la plaine de Grenoble, la plaine du Grésivaudan, et la route plane et unie qu'elle présentait le long du fleuve. Le chemin que l'on suit va sans cosse montant et descendant à travers ces riantes collines qui se succèdent depuis la Chavane jusqu'à la Croix d'Aiguebelle. Mais si l'on n'est plus dans la plaine, l'on n'est pas encore dans les Alpes : au sortir de la Chavane l'on n'entre pas tout de suite dans ces sombres et étroites vallées que l'on rencontre un peu plus loin ....

[7] La plupart des historiens, ayant placé le passage à Roquemaure ou plus haut, ne peuvent marcher 800 stades le long du Rhône, et ils admettent que Polybe, en disant le Rhône, a voulu nommer l’Isère.

[8] DELUC, p. 97 :

Il suffit de jeter les yeux sur les expressions mêmes de Polybe, ήρξάτο τής πρός τάς Άλπεις άναβολής, pour voir que dans le cas où le mot άναβολή serait employé comme désignant l’action de monter, la phrase signifierait tout au plus qu'Annibal commença à monter vers les Alpes, c'est-à-dire à franchir les premières collines que l'on rencontre, mais non pas qu'il commença à gravir les Alpes elles-mêmes. Mais si le mot άναβολή désigne quelquefois l’action de traverser en montant' il peut aussi désigner celle de traverser en pénétrant, d'après le double sens de la préposition άνά sursum, en haut, et per, à travers.

Dans un des chapitres précédents, l'expression τήν άναβολή Άλπεων désigne Ventrée des Alpes et non la montée des Alpes. Ce mot étant employé par Polybe dans chacun de ses deux sens, il était important de les signaler suivant l'occurrence.

Voir Polybe, X, 48.