ANNIBAL EN GAULE

 

AVANT-PROPOS.

 

 

Quelle route Annibal a-t-il suivie dans sa marche à travers la Gaule ?
Il n'y a guère de problème historique plus captivant que celui-ci ; mais on lui a fait une réputation détestable; les savants le croient insoluble, et il leur paraît aussi fou de le reprendre pour la millième fois que de tenter la quadrature du cercle; encore n'est-ce pas aussi méritoire, car c'est une distraction accessible aux moindres talents. On n'admet pas que les données soient en nombre assez grand, et de nature assez précise : une dissertation sur la marche d'Annibal ne saurait être qu'une œuvre d'imagination, non un travail scientifique basé sur des faits positifs, aboutissant à des conclusions en règle. Ceux qui se livrent à de tels passe-temps sont des amateurs puérils et superficiels. Les hommes graves ont le devoir de s'en abstenir.
Cette opinion règne depuis deux mille ans, et les railleries de Sénèque sont encore de mode.
Il est vrai que pendant longtemps les faits ont paru lui donner raison : jusqu'au début du XIXe siècle, on n'a pu tenter aucune recherche méthodique, les moyens faisant défaut. On ne pouvait qu'inventer des itinéraires dans des pays à peine connus, et la fantaisie des auteurs se donnait libre carrière.
Il y a quatre-vingts ans, deux historiens consciencieux et méthodiques, Deluc et Larauza, crurent que les cartes et la science de leur époque permettaient enfin de traiter rationnellement la question. Ils découvrirent vite que, parmi les données du problème, il s'en trouvait une, et une seule, capable de déterminer d'un bout a l'autre la route d'Annibal : au moment où il va commencer le récit de la marche, Polybe fait connaître sommairement la longueur du trajet qui va être accompli : Il y a, dit-il en substance, 3.000 stades des Colonnes d'Hercule a Carthagène; de cette ville à l'Ebre, 2.600 stades ; de l'Ebre à Emporion (Ampurias) 1.600 ; d'Emporion au Rhône, 1.600 ; du point où Annibal a passé le Rhône jusqu'à l'entrée (ou la montée) des Alpes, 1.400 ; de là jusqu'au débouché dans les plaines d'Italie, 1.400.
Nous connaissons les Colonnes, Carthagène, l'Ebre, Ampurias; les trois premières distances ne nous apprendront donc rien ; elles ne serviront qu'à vérifier l'exactitude de l'auteur. Quant aux trois autres, elles doivent, au contraire, déterminer le point où Annibal a franchi le Rhône, puis l'entrée et la sortie des Alpes. Toute la solution du problème tiendrait en quelques lignes.
En se dirigeant d'Ampurias vers le Rhône, on ne peut suivre que la route du littoral, dont le tracé a peu varié à travers les siècles; comptons 1.600 stades sur cette route à partir d'Ampurias, et nous aurons le point de passage, fixé sans discussion possible.
Au delà du Rhône, plusieurs chemins distincts traversent les Alpes, et ont des longueurs différentes. Mesurons chacun d'eux à partir du point de passage trouvé ; rejetons ceux qui ne présentent pas d'entrée ou de montée des Alpes bien caractérisée à 1.400 stades de là, ou dont le développement total, jusqu'en Italie, diffère trop des 2.600 stades (1.400 + 1.200) indiqués par Polybe. Il en restera deux ou trois, peut-être, entre lesquels le choix se fera d'après les autres circonstances du récit.

Telle était l'œuvre entreprise par Deluc et Larauza ; mais ils disposaient de moyens insuffisants. Les cartes et les livrets de poste qu'ils employaient leur firent commettre des erreurs matérielles que vint encore augmenter une évaluation inexacte du stade. Dès le passage du Rhône, ils se trouvèrent égarés, et réduits aux expédients.

Ce double exemple a-t-il découragé leurs successeurs ? Toujours est-il que, depuis lors, on est retombé en pleine fantaisie. Les historiens ont désespéré d'atteindre la vérité par une méthode régulière ; ils se contentent donc de chercher des indices dans la lecture de Polybe, ou même en dehors de lui : un mot, une phrase les frappent, sur lesquels ils bâtissent tout un système. S'agit-il de déterminer l'endroit où Annibal a passé le Rhône, point essentiel dont tout le reste va dépendre ? Ils ne tiendront pas compte de la distance à Ampurias, dont la précision les gênerait, ou bien ils jugeront à propos de lui infliger une majoration. Ils choisiront pour base de leurs recherches une donnée assez élastique pour se plier à tous leurs caprices ; celle-ci par exemple, que le point de passage est à quatre marches de la mer. Suivant quelle route comptera-t-on ces quatre marches, et quelle en sera la longueur ? On ne le sait pas, et la latitude laissée par une telle condition est si grande, que tous les points proposés, depuis Arles jusqu'à Pont-Saint-Esprit, y satisfont également. Plusieurs de nos historiens ayant fixé d'avance leurs vues sur Roquemaure ou Pont-Saint-Esprit, imaginent des marches énormes, et même des marches à vol d'oiseau !

Ils se justifient parfois en déclarant qu'ils ont tout calculé de manière à se plier aux indications ultérieures de Polybe.

Mais qu'arrive-t-il, au contraire ? C'est que toutes ces solutions, établies en dehors des premières données précises et solides de l'historien grec, se trouvent encore en contradiction avec les autres.

Aucune d'entre elles ne comporte, suivant les chemins ordinaires, un parcours de 2.600 stades entre le Rhône et la plaine italienne ; il faut supposer des montées et descentes quotidiennes, des détours inexplicables, des unités de longueur inconnues, pour retrouver le chiffre de Polybe. Elles ne présentent pas, à 1.200 stades environ du Rhône, une entrée ou montée digne de ce nom ; il faut qualifier de montée des Alpes une côte insignifiante où la route s'élève doucement de 60 mètres pour redescendre aussitôt, et cela en pleine montagne.

Parmi les diverses conditions imposées par Polybe, les plus nettes sont les suivantes : Annibal a remonté le Rhône sur une longueur de 800 stades ; à son entrée dans les montagnes, il a combattu les Allobroges, dont il traversait le territoire, et il a pillé leur ville où il a trouvé 150.000 rations. Il a franchi les Alpes en un point d'où l'on voyait largement la plaine d'Italie, et à la descente, le chemin a passé non loin d'un glacier.

Or, personne, jusqu'à ce jour, n'a trouvé moyen de faire parcourir à Annibal 800 stades le long du Rhône : on n'a pas craint de supposer que tout ou partie de cette longueur peut se compter sur un affluent, Isère, Eygues ou Durance. On impute ainsi à Polybe des confusions indignes de lui.

Il était également impossible de placer le combat contre les Allobroges et le pillage de leur ville sur le territoire que tous les géographes leur attribuent. On leur suppose des migrations invraisemblables, en sens inverse de celles qui pourraient être admises si tout ne prouvait qu'il n'y en eut aucune entre Annibal et l'époque de la conquête, etc.

Les causes d'erreur qui ont égaré Deluc et Larauza n'existent plus aujourd'hui. Depuis les travaux de Dorpfeld, on sait que le stade grec est de 177m,50 environ, et non de 185 mètres, comme le supposaient ces deux historiens. Cette valeur est en parfait accord avec le renseignement de Strabon (VII, 7) d'après lequel Polybe comptait 8 stades 1/3 dans le mille romain d'environ 1.480 mètres[1]. Nous disposons, en outre, de cartes précises, de carnets d'étapes, de guides, etc., grâce auxquels nous ne pouvons commettre d'erreurs dans l’évaluation des distances sur les routes modernes.

Munis de ces éléments de travail parfaits, nous reprenons la comparaison des longueurs relevées sur la carte avec celles que nous indique Polybe.

Quelle exactitude faut-il attribuer à ces dernières ? Polybe indique parfois, au cours du récit ou dans une digression géographique' des distances en chiffres ronds, estimées d'une manière très vague. C'est une conséquence de l'esprit pratique dans lequel est conçu son ouvrage : il veut présenter à ses lecteurs des idées générales, et ne pas les égarer dans les détails ; il ne cite pas plus de chiffres précis qu'il ne nomme de petites localités. Parlant à des Grecs, il esquisse à grands traits la géographie de l'Occident, donne les dimensions de l'Espagne, de la Gaule, en milliers de stades, évalue enfin le rapport de l'une a l'autre avec une approximation grossière pour n'employer que les nombres les plus simples.

Tel n'est pas le cas pour la série des distances mesurées entre Gibraltar et l'Italie : elles sont données en centaines de stades, c'est-à-dire à cent stades près (17 à 18 kilomètres). Nous pouvons vérifier les trois premières, car nous en connaissons les extrémités : de Gibraltar à Carthagène, à Tortose, à Ampurias, le tracé des chemins est fixé par le terrain ; ceux que Polybe a connus ne diffèrent pas sensiblement de ceux que nous pouvons leur comparer. Or, nulle part nous ne trouvons un écart supérieur à 10 kilomètres entre le chiffre de Polybe et celui que nous relevons sur les meilleures cartes modernes ; le long de ces côtes escarpées, à travers les sierras, nous constatons que les mesures de l'historien grec sont aussi exactes que le comporte l'unité adoptée.

Rien ne permet de supposer qu'il n'en doit pas être de même au delà d'Ampurias. Nous ignorons comment les mesures ont été prises, mais elles sont données ensemble, dans un paragraphe isolé du récit, et forment une série complète, homogène ; elles résultent assurément d'un travail unique poursuivi d'un bout à l'autre avec les mêmes moyens et la même conscience.

Personne, du reste, n'a jamais songé à le mettre en doute, et les historiens qui sont partis de données vagues, toutes différentes de celle-ci, se sont astreints à mettre leurs solutions d'accord avec ces chiffres si essentiels, au moyen de divers artifices que nous détaillerons.

Nous prendrons donc les distances données par Polybe, telles quelles, pour point de départ de nos recherches, et nous les comparerons aux longueurs mesurées sur les diverses routes qui traversent le Rhône et les Alpes.

S'il ne s'en trouvait pas une seule, dans le nombre, qui répondît à peu près aux chiffres de Polybe, il faudrait supposer une erreur grossière, abandonner tout espoir de résoudre la question sans y introduire d'hypothèses. Mais ce n'est pas ce qui se produit : les 1.600 stades comptés a partir d'Ampurias nous amènent sur le Rhône non loin d'Arles, et il y a trois chemins qui, partant de là pour traverser les Alpes, répondent exactement aux données numériques de l'historien grec. L'un d'entre eux passe au col de Cabré, le second au Lautaret, le troisième remonte le Rhône, puis l'Isère et l'Arc pour passer au col Clapier[2], non loin du mont Cenis. Les deux premiers ne satisfont pas aux diverses conditions qui résultent du récit de Polybe ; le troisième satisfait à toutes.

Parmi ces conditions, il en est une sur laquelle nous insisterons, parce qu'elle fixe le col franchi par Annibal avec une précision absolue, et que c'est précisément ce col Clapier auquel nous ont conduit les chiffres : parvenu au col, Annibal a vu et montré à ses soldats les plaines du Pô.

On croit souvent qu'il s'agit ici de quelque indication vague, peut-être purement pittoresque. Mais rien ne serait plus contraire à l'esprit de Polybe ; du reste, il a été sur les lieux mêmes vérifier l'exactitude des chroniques, et après cette visite, il s'exprime en termes précis et formels. Il remarque la disposition spéciale des montagnes autour de ce col, disposition qui permet d'apercevoir toute l'Italie encadrée entre deux forteresses naturelles ; il fait observer qu'Annibal trouvait là une occasion unique pour jouir de ce spectacle : qu'il a fait sonner l'assemblée, montré du doigt la plaine, indiqué dans le lointain le chemin de Rome. Tout cela est net, positif, détaillé, sans emphase, et bien vivant. Après un témoignage pareil, faire passer Annibal au mont Genèvre ou au Petit Saint-Bernard, d'où la vue ne plonge que dans des gorges affreuses, ou au mont Cenis, qu'un cirque de montagnes enferme complètement, ce serait déclarer que Polybe ne mérite aucune créance ; ce serait le supprimer sans plus de façons, et dès lors on pourrait aussi bien conduire Annibal en Italie par le Tyrol que par la Ligurie. Ce ne serait plus de l'histoire, et toute discussion deviendrait une pure comédie.

Devant un renseignement aussi ferme et aussi décisif, les historiens d'Annibal n'auraient jamais dû se croire en possession de la vérité, qu’ils n'eussent découvert un col offrant ce spectacle unique dont parle Polybe. Ils ont préféré continuer leur jeu d'interprétations et d'hypothèses, et c'est seulement vers 1880 que le colonel Perrin a signalé le col Clapier. C'est le pas le plus considérable, on peut même dire le seul, qu'ait fait la question depuis deux mille ans[3].

Les systèmes établis avaient tant de force que l'on ne se rendit pas unanimement à l'évidence. Cependant la nouvelle solution compta bientôt de nombreux partisans : M. Soltau et le lieutenant Azan ont, dans leurs ouvrages, admis le passage par le Clapier. Des officiers de nos troupes alpines, et notamment le capitaine Card et M. le commandant Lemerle, ont étudié la question sur place, mais leurs travaux sont malheureusement restés inédits. On a éprouvé quelque répugnance à accepter ce col Clapier, qui était presque inconnu ; le sentier décrit par le colonel Perrin est des plus difficiles, mais ce n'est pas là celui qu'Annibal a pu suivre : le chemin qui descend vers les granges de Tuglia (Quatre-Dents), en longeant le pied du glacier d'Ambin, répond au contraire exactement à la description de Polybe, et une ancienne chaussée pavée, peut-être une voie romaine, prouve que ce passage a été fréquenté dans des temps très reculés. S'il a l'inconvénient d'exiger une ascension plus longue d'une heure que celle du mont Cenis, il le compense amplement en faisant gagner une grande journée de marche sur le trajet de Modane à Suse.

Enfin le Clapier n'est pas seulement remarquable par ce panorama unique sur la plaine d'Italie : c'est encore le seul auquel puisse s'appliquer, à la montée, le per invia pleraque errores de Tite-Live, et le seul qui, du côté de la descente, se prête à toutes les exigences du récit.

Or, ce col Clapier, qui a le monopole exclusif de répondre à toutes les conditions voulues, se trouve être celui auquel nous avaient conduit les chiffres de Polybe. Quand nous avons déterminé l'itinéraire d'après les trois distances comptées depuis Ampurias jusqu'en Italie, nous n'avons fait intervenir en aucune façon les détails topographiques et les incidents du récit ; nous les avons absolument ignorés. Et voici que tous ces détails se présentent à point nommé sur le parcours déterminé d'après les distances. C'est le trajet de 800 stades le long du Rhône, et non de ses affluents ; c'est l'arrivée chez les Allobroges précédant de peu l'entrée en montagne ; c'est la grande ville allobroge qui se trouve identifiée avec Grenoble. Une bataille a heu en Maurienne, et c'est précisément au point le plus remarquable de la vallée, militairement parlant, carrefour et défilé si importants qu'on y a établi, de nos jours, un fort d'arrêt. Nous n'avons à supposer aucune modification à la géographie politique et physique de la Gaule, et les localités qui ont joué un rôle important dans la marche d'Annibal sont celles qui le joueraient encore aujourd'hui.

Il est évident, d'après ce qui précède, que, pour déterminer le chemin d'Annibal par la méthode que nous avons employée, il suffirait à la rigueur de connaître la valeur du stade grec, et d'avoir de bonnes cartes. Mais si Ton veut compléter la discussion, apprécier les arguments qui peuvent être proposés en faveur des diverses solutions, il faut connaître plus ou moins sommairement les sources et les procédés de travail de Polybe et de Tite-Live, le degré de confiance que mérite chacune de leurs indications ; il faut aussi quelques notions sur l'état physique, la viabilité, la population des pays qu'Annibal a traversés. Les» historiens citent, en général, les détails qui intéressent directement leur système et qui, présentés seuls et de la manière voulue, prédisposent en leur faveur. Nous avons tenu à agir autrement et à donner d'abord un aperçu général de toute la région rhodanienne ; nous avons résumé ensuite les idées les plus ordinairement admises sur les textes et la méthode historique de nos auteurs, et nous n'avons abordé la discussion du problème Annibalien qu'après avoir mis le lecteur au fait de tout ce qui pouvait l'éclairer.

Nous n'étions certes pas en état de traiter ces questions avec la science désirable, mais nous n'avons pu trouver d'ouvrage français existant où elles le fussent ; nous n'aurions pu nous référer à aucun livre connu. Il a donc fallu combler cette lacune de notre mieux, et, après tout, une érudition plus profonde n'aurait peut-être pas ici d'avantage bien sensible.

Les traductions de Polybe et de Tite-Live sont assez infidèles ; nous donnons celles des chapitres qui nous intéressent, imprimées en un fascicule à part afin qu'on puisse les confronter avec le texte. Comme il n'est pas une expression de nos deux auteurs sur laquelle on n'ait épilogue, nous les avons rendues très littéralement, sans aucun souci d'élégance.

Tous les historiens d'Annibal prétendent faire mieux que leurs prédécesseurs et avoir le privilège de la vérité ; nous n'échapperons pas à la loi générale, et comment aurions-nous entrepris ce travail, si nous ne pensions pas soutenir une thèse juste ? Nous croyons pourtant que le chemin d'Annibal n'a pas, en lui-même, assez d'importance pour soulever tant de polémiques. Ce que nous voudrions voir rejeter définitivement, ce ne sont pas les solutions différentes de la nôtre, à laquelle nous n'attachons aucun prix, mais des méthodes funestes, des procédés de raisonnement vicieux, qui ne devraient plus trouver place dans les travaux historiques, et qu'on tolère dès qu'il s'agit de cette question légendaire[4].

 

 

 



[1] Le stade de 8 au mille n'a été adopté qu'à partir d'Artémidore, un demi-siècle après la conquête de la Grèce par les Romains, pour faciliter les relations entre les deux peuples. On n'attribue plus, aujourd'hui, aucune importance à la phrase de Polybe où il déclare que le chemin d'Espagne en Italie a été jalonné de 8 en 8 stades par les Romains. On y voit généralement une interpolation, postérieure à la réforme d'Artémidore ; d'autres savants estiment simplement que Polybe a voulu abréger le discours dans ce passage, où une précision extrême était superflue.

[2] Si l'on voulait passer par le mont Cenis, on trouverait environ 35 kilomètres de trop.

[3] Nous aurions voulu donner ici une photographie de l'admirable panorama dont on jouit au Clapier ; mais il fallait s'avancer de 100 mètres en territoire italien, et les autorités italiotes, à tous les degrés de la hiérarchie, nous ont interdit de franchir cette distance avec un appareil photographique. Nous ne pouvons donc pas donner ici la preuve matérielle de ce que nous affirmons après le colonel Perrin. De nombreux savants d'outre-Rhin visitent annuellement le Clapier ; nous souhaitons que l'un d'entre eux obtienne enfin la permission qui nous a été refusée. Nous tenons à dire, néanmoins, que, si prévenu que nous fussions par les témoignages du colonel Perrin et du lieutenant Azan, nous avons été à notre tour surpris, émerveillé. Ce n'est pas un lambeau de plaine qu'on aperçoit, mais bien, comme le dit Polybe, toute l'Italie, et l'on peut deviner dans l'Apennin ligure la route d'Étrurie, c'est-à-dire de Rome. Les montagnes de Drubiaglio et de Sant ;Ambrogio encadrent le débouché comme deux forteresses, et les ruines qui couronnent celle-ci rendent plus sensible encore la comparaison de Polybe.

[4] Nous adressons nos plus affectueux remerciements à notre camarade Azan, qui nous a initié à cette question passionnante, et qui, malgré nos divergences d'opinion, nous a prêté jusqu'au bout le plus précieux concours.