Ihler chassé de la forêt de Mormal. — Clerfayt devant Le Quesnoy. Bombardement et capitulation de la place. — Démonstrations du 12 septembre. — Tentative d'un corps de 12.000 hommes pour débloquer Le Quesnoy. — Attaque de la forêt de Mormal. — Prise de Bousies et de Fontaine-aux-Bois. — Reculade. — Le capitaine Thiébault et le commandant Göttmann.Hondschoote et Menin étaient deux éclatantes victoires. Béru disait que les succès du 8 et du 13 septembre paraissaient décisifs. La farce, écrivait un rédacteur du Batave, est jouée pour les Anglais et les Hollandais, et le brave Houchard, qui est un général à la Père Duchesne, aura soin que les Autrichiens arrivent sous peu au dénouement de la tragédie[1]. Les Autrichiens allaient justement arrêter Houchard dans sa marche triomphante. Pendant que le duc d'York levait le siège de Dunkerque et que le prince d'Orange se faisait battre à Menin, Cobourg s'emparait du Quesnoy. Le généralissime des coalisés aurait dû se saisir de Cambrai. Terminez vite votre campagne, mandait Dumouriez au colonel Mack dès le mois de mai ; si une fois Valenciennes est pris, tout est dit, parce que vous pouvez éviter Bouchain et vous porter sur Cambrai qui ne peut pas tenir. Sitôt qu'on sut à Paris que l'armée du Nord abandonnait le camp de César, on crut que Cambrai avait capitulé. Cambrai est cerné, disait Couthon, et je ne serais pas étonné qu'il fût pris. Aussi Cobourg avait-il l'intention d'investir Cambrai et lorsqu'il eut débusqué les Français de leur position de Paillencourt, il pria le duc d'York de coopérer au siège de la place. Mais York marchait déjà sur Dunkerque, et Cobourg, délaissé par son allié, ne s'estimant plus assez fort, et s'imaginant que Cambrai pouvait résister six à huit semaines, se dirigea sur Le Quesnoy. Les Anglais furent outrés. Pourquoi, après avoir sommé Cambrai, se détourner sur Le Quesnoy ? N'était-ce pas rétrograder ? Ce mouvement ne passerait-il pas pour une retraite ? Ne serait-ce pas encourager les troupes républicaines, augmenter l'influence de la Convention, exciter la France à faire de plus grands efforts ?[2] Avant de bloquer Le Quesnoy, il fallait chasser les républicains de la forêt de Mormal. Custine, Kilmaine et Houchard avaient chargé le général Ihler de s'établir au centre de cette forêt avec 8 bataillons, 400 cavaliers et 4 canons pour protéger à la fois Le Quesnoy et Landrecies. Ihler avait ordre de lutter aussi longtemps que possible et, s'il était forcé, de faire sa retraite sur Avesnes et Maubeuge. C'est le frère aîné de ce Théobald Ihler qui tombait glorieusement dans la journée du 20 août 1793 à Jockgrim et qui couvert de blessures, frappé à mort, animait encore ses dragons et leur recommandait d'ôter ses épaulettes, pour que l'ennemi ne le reconnût pas. Né à Thann en 1743 et successivement sous-lieutenant, lieutenant, aide-major et capitaine en second au régiment de La Marck, major au régiment de Bouillon, lieutenant-colonel en 1786, colonel en 1791, Ihler était général de brigade depuis le 12 juillet 1792 et général de division depuis le 1er juin 1793. Représentants et commissaires le louaient à l'envi. Courtois assurait qu'il raisonnait très bien son métier, qu'il était aimé du soldat et que sa probité garantissait son civisme. Defrenne marquait au ministre qu'il avait des connaissances techniques, qu'il vaquait sans relâche aux devoirs de sa fonction et se montrait très-bien. Celliez et Varin le croyaient étranger et un peu partisan de Custine, mais le regardaient comme un brave homme et un excellent officier qu'il fallait conserver. Viger le jugeait bon militaire, quoique aristocrate. Houchard le qualifiait de patriote !et comptait beaucoup sur ses talents distingués. Le vieil et infirme Gudin qui commandait à Maubeuge, ne souhaitait pas d'autre successeur[3]. Fidèle aux instructions qu'il avait reçues, Ihler mit son camp à Hecq et le défendit par des coupures et des abatis. Il éleva des redoutes à la Maison-Rouge, au Rond Quesne, à la rue Coulon, à l'Opéra, au carrefour de la Taperie où aboutissaient les principales communications. Mais les troupes dont il disposait, n'étaient pas capables d'une longue et vigoureuse résistance. Le 16 août, le chef d'état-major de Cobourg, Hohenlohe-Kirchberg, vint examiner la position française. Le 17 au matin, il ordonnait l'attaque. Deux bataillons, trois compagnies et deux escadrons, le comte d'Erbach à. leur tête, marchèrent sur Berlaimont et refoulèrent les avant-postes de la division de Maubeuge qui se replièrent de l'autre côté de la Sambre sur les hauteurs de Saint-Remi et de Hautmont. Un bataillon et quatre escadrons, menés par Lilien, poussèrent sur Hecq et Preux-au-Bois. Le général Wenkheim s'achemina sur Poix et Englefontaine. Neuf bataillons et quatorze escadrons auxquels était confié le principal effort, partirent de Villerspol, sous la conduite de Bellegarde, pour attaquer Gommegnies et Jolimetz. Cette attaque était, comme dit Ihler, environnante, et les Français, abordés de toutes parts, n'avaient d'autre route, pour faire retraite, que celle de Landrecies. A neuf heures du matin, deux compagnies du corps franc d'O'Donnell avaient enlevé le village retranché de Villereau, un des points essentiels. La Maison-Rouge, la Maison-Blanche, Jolimetz, l'Opéra, les grandes Carrières étaient assaillis de front et aussitôt emportés. Les nationaux fuyaient à travers la forêt. Le général Colomb les rallia au carrefour de la Taperie, les plaça dans la petite redoute qui couvrait ce passage, et sur les flancs, dans les bois de droite et de gauche, à la lisière des avenues, sur la chaussée et en avant de Locquignol. Mais, dès que l'ennemi parut, ils se sauvèrent derechef. Colomb parvint à les rassembler au carrefour du Calvaire, il leur parla, leur prouva qu'il avait pris et prenait encore d'efficaces mesures ; il leur dit que leur position était belle et avantageuse ; il menaça de les sabrer s'ils fuyaient de nouveau. Mais lorsque l'Autrichien se montra, les sans-culottes abandonnèrent le carrefour du Calvaire comme ils avaient abandonné les précédents débouchés, et s'échappèrent de la forêt par le pont d'Hachette ; leur terreur, rapporte Colomb, était à son comble. Ihler se hâta de jeter six bataillons dans Landrecies et de gagner Avesnes avec le reste ; le jour suivant il était à Maubeuge[4]. Les Impériaux n'avaient que 50 morts et blessés, et on lit dans leur journal de guerre qu'ils firent à l'adversaire 150 prisonniers et lui mirent 500 hommes hors de combat. Le feu a été très vif, écrivait Hohenlohe-Kirchberg, et il a coûté cher aux Français ; ils ont été délogés de la forêt comme dans une chasse à courre ; en trois heures, l'attaque était terminée[5]. Le Quesnoy fut investi le surlendemain. Cette ville défend un espace de neuf lieues de l'Escaut à la Sambre, et commande la ligne de Bavay à Saint-Quentin par le Cateau. Elle est située sur un terrain assez élevé entre les petites rivières de la Rhonelle et de l'Écaillon qui prennent toutes deux leur source dans la forêt de Mormal et rejoignent l'Escaut, la première à Valenciennes et la seconde à Haulchin. Ses fortifications consistaient alors en un rempart et en huit bastions irréguliers munis de contregardes, de ravelins et de larges fossés pleins d'eau. Son point faible était le côté qui regardait Valenciennes ; Villars l'avait attaqué en 1712 ; les Impériaux l'attaquèrent en.1793. Le feldzeugmestre Clerfayt dirigeait le siège et avait sous ses ordres 15.000 hommes[6]. Les travaux furent conduits, comme devant Valenciennes, par le colonel de Froon qui disposa peu à peu de 132 bouches à feu : 34 mortiers, 12 obusiers et 86 canons. La garnison fit plusieurs sorties de nuit vers le poste de Potelle et la ferme de Béart. Elles n'eurent aucun succès. Le 27 août, les Autrichiens ouvraient la tranchée à 350 toises du glacis contre les bastions Soyer et César. Le 2 septembre, au matin, les batteries de leur première parallèle étaient installées et prêtes à jouer. Le même jour, à cinq heures du soir, après avoir inutilement sommé le gouverneur, Clerfayt commençait le bombardement qui dura toute une semaine presque sans relâche. Le canon de la place riposta d'abord avec vigueur, et, le 3 septembre, démonta deux pièces de l'assiégeant. Mais le 4, les Impériaux, débouchant en zigzags, entamaient la deuxième parallèle sur une étendue de 720 toises. Le 7, ils l'avaient terminée. Le 8, ils dominaient et domptaient le feu de l'artillerie française qui ne répondait plus que faiblement en certains endroits. Le 9, ils faisaient sauter plusieurs dépôts, de poudre. Le 10, ils travaillaient à l'établissement de la troisième parallèle. Mais ce jour-là, à cinq heures et demie du soir, le commandant, le chef de brigade Goullus[7], envoyait le lieutenant-colonel du régiment de Bouillon proposer à Clerfayt une capitulation honorable. Le feldzeugmestre déclara que la garnison serait prisonnière de guerre. Le 13 septembre, à neuf heures du matin, 4.000 républicains mettaient bas les armes, et les assiégeants prenaient possession du Quesnoy au nom de Sa Majesté l'Empereur et Roi[8]. La ville avait considérablement souffert. Les casernes et les hôpitaux, l'arsenal, le munitionnaire, les magasins de foin et de paille étaient devenus la proie des flammes. Un quart des maisons avait été incendié, et un autre quart, brisé, fracassé par les bombes et les boulets. Cependant, la forteresse pouvait tenir encore. Les fronts des bastions attaqués, à droite et à gauche de la porte dite de Valenciennes, leurs courtines, leurs demi-lunes n'avaient aucune brèche praticable. Les trois redoutes qui, dans cette partie de la défense, entouraient Le Quesnoy, n'étaient pas prises. Les ponts de communication entre les souterrains et les chemins couverts n'étaient pas coupés. La garnison occupait tous les chemins couverts et toutes les places d'armes. La troisième parallèle était à peine tracée et ne fut achevée que durant les trois jours où se débattit la capitulation. Mais il y avait dans la ville 209 tués et 300 blessés. Beaucoup d'artilleurs — 115, selon un témoin du siège — étaient plus ou moins grièvement atteints. Les autres avaient plusieurs fois, sous la grêle des projectiles, abandonné leur poste. Des canons étaient démontés, et leurs embrasures démolies ; malgré l'abondance des matériaux que renfermait la place, les charpentiers, les menuisiers, les charrons refusaient de réparer les pièces. La population se rebutait et montrait le plus mauvais vouloir. Goullus avait reçu, dès le troisième jour du bombardement, une blessure à la jambe et ne quittait plus le lit. Les municipaux, désespérés, éperdus, le priaient de terminer les misères et les angoisses des bourgeois par une prompte reddition. La faiblesse des fortifications n'a pas causé la chute du Quesnoy ; ce fut, écrit un adjoint au corps du génie, la conduite de quelques membres du Conseil général de la commune, et sur eux doit tomber tout le blâme[9]. Les représentants, indignés et craignant pour l'avenir, engageaient le Comité de salut public à prendre les mesures les plus sévères. Levasseur et Bentabole demandaient qu'on fît sortir d'une ville menacée la plus grande partie des habitants ; on pourrait ainsi, disaient-ils, plus facilement approvisionner les forteresses, et la garnison ne serait pas influencée par les malveillants. Delbrel, plus rigoureux, voulait que tous les habitants sans distinction fussent chassés de la place ; sinon, assurait-il, chaque ville assiégée serait livrée. Le 22 octobre, la Convention décrétait qu'elle ne dérogerait jamais à la loi qui ordonnait la démolition de toute place qui se rendait sans avoir soutenu l'assaut ; l'impunité de Verdun et de Longwy, ajoutait l'Assemblée, avait atténué la force du grand exemple donné par Lille et Thionville, et l'on voyait des capitulations comme celles de Condé, de Valenciennes et du Quesnoy, monuments de lâcheté ou de perfidie[10]. Pendant que Clerfayt bombardait Le Quesnoy, Cobourg couvrait cette opération avec 21.000 hommes qui formaient le reste de l'armée des alliés. Son corps de bataille, commandé par Colloredo, s'établissait derrière l'Écaillon entre Englefontaine et Vertain ; Bellegarde campait sur les bords de la Seille ; Gontreul était à Marchiennes ; Otto, à Denain ; Auersperg, à Douchy ; Benjowsky, à Saulzoir et à Montrécourt ; Dujardin, dans la forêt de Mormal ; Latour, à Bettignies. C'était, comme disait Thugut, garder des troupes bien considérables pour le siège d'une bicoque, et le prince eût mieux fait de renforcer à temps le corps du maréchal Freytag. Mais la cavalerie de Cobourg allait obtenir un avantage aussi retentissant qu'imprévu. Houchard avait ordonné que le commandant de Maubeuge, Gudin, tâcherait, dans la journée du 7 septembre, de dégager Le Quesnoy Gudin remit l'entreprise au 12. On devait, pour aider Gudin, effectuer des démonstrations sur toute la ligne. Declaye se porterait de Cambrai sur Solesmes avec 6.000 hommes. Beaurgard se dirigeait de Guise sur Le Nouvion. Davaine partirait du camp de Gavrelle ; Dumas, de Mons-en-Pevèle et de Pont-à-Marcq ; Dupont-Chaumont, de Douai ; Ransonnet, d'Arleux, pour alarmer les Autrichiens qui leur faisaient face. Bouchotte approuvait cette diversion et comptait sur le succès : du concert dans les opérations, écrivait-il à Houchard, comme il y en a dans les cœurs pour le système populaire, et tout ira bien ! Davaine exécuta ses instructions. Le 12 septembre, tous les postes s'ébranlèrent et tiraillèrent de loin avec les Impériaux. On inquiéta, sans l'attaquer, la petite ville de Marchiennes. On fit mine de se jeter sur Denain par Abscon et Azincourt ; mais le général Otto vint-à la rencontre des carmagnoles avec dix escadrons, les chargea, les dispersa et leur prit quatre canons et plus de deux cents hommes. Beaurgard n'avait que 1.200 fantassins et 150 cavaliers ramassés dans tous les dépôts. Il se borna donc à une promenade militaire. Mais Parant, commandant de. Saint-Quentin, dut le rejoindre à Mazinghien près du Cateau. A dix heures du matin, Beaurgard était à Mazinghien ; il rejetait des éclaireurs autrichiens sur le Cateau, et à la vue d'une colonne qui paraissait du côté de Bohain, se repliait sur Hannape. Ce ne fut qu'à sept heures du soir, au village de Wassigny, qu'il rattrapa Parant. Cependant, un corps de plus de 14.000 hommes, sorti de Maubeuge et conduit par Ihler, s'efforçait de débloquer Le Quesnoy. Il formait deux colonnes. Celle de droite comptait 9.000 hommes ; elle devait emporter les redoutes qui défendaient l'accès de la forêt de Mormal et, après avoir laissé quatre bataillons au pont d'Hachette, se saisir d'Englefontaine. Celle de gauche, sous es ordres de Colomb[11], marcherait vers Forest, gagnerait la chaussée dite de Brunehaut et enlèverait le village de Poix. Si les Autrichiens vaincus abandonnaient le siège du Quesnoy, on verserait dans les magasins de la place 800 sacs de farine tirés d'Avesnes et de Landrecies, on chasserait les bouches inutiles, on emmènerait les troupes qui étaient de trop, on occuperait la forêt de Mormal et camperait à Hecq. L'attaque des républicains fut prompte et vive. L'avant-garde de la colonne de droite, composée de quatre bataillons et d'une compagnie franche, repoussa les Impériaux jusqu'à leurs retranchements. Mais elle trouva dans la forêt, entre Preux et le pont d'Hachette, des abatis d'une longueur extraordinaire et des redoutes hérissées de chevaux de frise. Il fallait s'emparer des abatis et se loger solidement dans la forêt pour ne pas être pris soudainement à dos et sur les flancs lorsqu'on aborderait les villages de Preux et de Hecq. On assaillit donc les abatis ; mais on recula sous le feu des pionniers et de quelques compagnies d'infanterie. Trois bataillons, frais et intacts, tentèrent l'assaut une seconde fois ; ils furent également refoulés. Il était onze heures du matin, et le combat, dirigé par le général Meyer[12], avait commencé à quatre heures et demie. Ihler fit sonner la retraite. Tout se taisait dans la direction du Quesnoy et les prisonniers autrichiens lui juraient que la forteresse s'était rendue la veille ; il n'entendait pas le canon de Declaye qui devait marcher sur Solesmes avec la garnison de Bouchain et de Cambrai ; enfin, plus il s'opiniâtrait à la lutte, moins il avait des chances de réussir, puisque l'adversaire allait sûrement recevoir des renforts, et, en effet, Colloredo accourait avec neuf compagnies du régiment Wallis et six escadrons de cuirassiers. La colonne de gauche que commandait Colomb, était plus heureuse. Elle emporta trois redoutes et chassa des deux villages de Bousies et de Fontaine-au-Bois les troupes légères des Impériaux. L'ennemi résistait vigoureusement ; mais à onze heures et demie le ler bataillon des volontaires de la Vendée occupait le bois de Fontaine et le 2e bataillon belge, dit 246 bataillon d'infanterie légère, arrivait à Bousies, après avoir, à la seconde attaque, grâce à un secours de trente cavaliers, d'une pièce de 8 et d'un obusier, enlevé les redoutes qui lui barraient le chemin. Le futur général Thiébault, capitaine dans ce bataillon belge, s'essayait alors dans le métier des armes, et il raconte qu'il était fier de mener pour la première fois à la guerre une compagnie de quatre-vingt-deux hommes. Il tint de beaux discours à ses soldats, il leur paya de l'eau-de-vie, il les entraîna et à leur tête, il pénétra dans Fontaine-au-Bois, tandis que les tambours battaient la charge et que des malheureux paysans, blessés par les balles, cherchaient, au lieu de se faire panser, à éteindre le feu qui dévorait leurs maisons et leurs granges. Au sortir de Fontaine, il traversa un taillis et vit une redoute dans une clairière ; il tourna cette redoute, il y entra et n'y trouva qu'une rangée de pieux qu'il avait pris de loin pour des ennemis : c'était une des ruses autrichiennes. Thiébault poussa plus avant ; mais, sur l'ordre d'Ihler, Colomb avait interrompu l'attaque et reculait sur Landrecies. Le bataillon belge, averti trop tard, faillit être enveloppé. Son chef, Göttmann, ignorait que Le Quesnoy avait capitulé et que Colomb se retirait à cause de l'échec de la colonne de droite. Il prétendit que le général ne s'était montré qu'à l'instant de la retraite et qu'il avait permis à ses troupes de se reposer et de se coucher sur les routes. Il fit halte à Landrecies pour signer une dénonciation sur les registres de la municipalité, puis regagna le cantonnement de Cerfontaine. Les soldats qui, depuis quarante heures, étaient sur pied, allaient à la débandade ou tombaient de fatigue. Si l'ennemi, dit Thiébault, nous avait attaqués avec cinquante hommes de cavalerie, il nous mettait en pleine déroute et prenait toute l'artillerie ; mais comment eût-il supposé un tel désordre ![13] Voilà le résultat de la journée du 12 septembre. Cette petite armée de 14.000 hommes n'avait pu délivrer Le Quesnoy ; elle revenait tristement à Maubeuge, après avoir laissé, sur l'ordre de Gudin, un bataillon-à Landrecies et une demi-brigade de 1.600 hommes à Avesnes. Mais le pis, c'était la débâcle de la colonne sortie de Cambrai et de Bouchain. |
[1] Le Batave, 18 septembre.
[2] Witzleben, II, 270 ; Ternaux, Terreur, VI, 588 ; Correspondance de Couthon, 21 ; Thürheim, Briefe, 125 ; Auckland, III, 110 (Craufurd Auckland, 13 août).
[3] Kilmaine à Bouchotte, 30 juillet, et ordre de Des Bruslys, 30 juillet ; Courtois et Teissier à Bouchotte, 5 juin ; Defrenne à Bouchotte, 28 avril ; Celliez et Varin à Bouchotte, 26 juillet ; Viger à Bouchotte, 25 août ; Houchard et Gudin au ministre, 10 et 27 août (A. G.). Cf. sur Théobald Ihler, Wissembourg, 107, et Charavay, Les généraux morts pour la patrie, 9, et sur l'aîné, Jean-Alexandre, dont il est ici question, une note de Charavay, Carnot, II, 329 qui donne ses états de services. Jean-Alexandre Ihler était proposé par le représentant Du Bois du Bais comme successeur de Gudin. Mais Bouchotte jugea que Ihler ne pouvait être chargé de ce commandement parce qu'il ne réunissait pas assez de confiance. (Du Bois du Bais à Carnot, 7 sept. et Bouchotte à Houchard, 3 sept.) Ihler fut suspendu de ses fonctions le surlendemain de sa tentative sur Le Quesnoy (14 septembre 1793) et retraité un an plus tard le 17 octobre 1794. Comme son cadet, il était Alsacien et naquit à Thann le 29 octobre 1745.
[4] Ihler à Houchard, 17 août ; Colomb au président de la Convention, 21 août (A. G.). Ce fut là que périt l'adjudant général Legros. Né à Corbaix, dans le Brabant, major dans l'insurrection des Pays-Bas, il avait reçu au mois de novembre 1792 du Comité militaire belgique le brevet de colonel et la mission de former le 26 régiment belge ; puis, il avait été commandant temporaire de Saint-Quentin et, en qualité de chef de brigade, il était à la tête des postes avancés dans la forêt de Mormal lorsqu'il fut pris le 17 août 1793. Les Autrichiens le fusillèrent comme déserteur. Le 6 octobre 1794, sa veuve Ursule d'Aubremez et ses trois enfants demandèrent un secours à la Convention, et Laurent déclara que Legros était digne des regrets de l'assemblée ; Legros, ajouta Laurent, est mort en vrai républicain ; ceux qui exécutaient l'ordre de Cobourg, tremblaient ; mais Legros leur dit : Tirez, ne tremblez pas, je ne crains pas la mort, et il ne voulut pas qu'on lui fermât les yeux, parce qu'un républicain sait mourir les yeux ouverts. Le 19 octobre, sur le rapport de Sallengros, la Convention décréta que la veuve de Legros recevrait un secours de mille livres et qu'elle avait droit à une pension. La commune de Saint-Quentin avait fait inscrire le nom de Legros en lettres d'or sur un tableau entre les noms de Le Peletier et de Marat. Le 17 décembre, sur la proposition du Comité d'instruction publique, la Convention décidait que le nom de Legros serait inscrit sur la colonne du Panthéon et que les circonstances de sa mort seraient insérées dans le recueil des faits héroïques (Moniteur XXII, 170, 288, 769 ; Borgnet, Hist. des Belges, II, 301.)
[5] Witzleben, II, 281-282 ; Schels, 18-19 ; Foucart et Finot, II, 155 ; Gudin à Bouchotte, 18 août (A. G.).
[6] 19 bataillons, 12 compagnies et 10 escadrons.
[7] Goullus (François), né à Lyon le 4 novembre 1758, fils d'un aubergiste, engagé au régiment de la Couronne, devenu le 45e (28 octobre 1776), caporal (1er décembre 1778), fourrier (20 décembre 1779), sergent-major (22 juin 1787), adjudant (24 décembre 1789), lieutenant (15 septembre 1791), capitaine (26 avril 1792), nommé lieutenant-colonel par Dumouriez (1er octobre 1792), commandant à Namur (15 décembre 1792) et à Maubeuge (1er mars 1793), promu chef de brigade du 45e par Dampierre (12 avril 1793), envoyé au Quesnoy (29 juillet 1793), rentré de captivité au mois d'octobre 1795, confirmé chef de brigade (6 ventôse an IV), devint général de brigade le 17 février 1797 et fit la plupart des campagnes de la Révolution et de l'Empire en Allemagne, en Italie et en Espagne. Après avoir été commandant d'armes à Amsterdam (2 janvier 1811), il fut admis à la retraite le 25 mars 1814 et mourut à Brie, dans l'Ariège, le 7 septembre de la même année.
[8] Ils perdaient 4 officiers et 204 soldats tués ou blessés.
[9] Rapport de Julliot, adjoint au corps du génie (A. G. ce rapport a été, ce semble, reproduit et résumé par le capitaine Lémont, don le mémoire est cité par Foucart et Finot II, 160) ; compte-rendu de Clozel, quartier-maitre du 7e bataillon de Paris ; Goullus à Bouchotte, 14 sept. (A. G.) ; mémoire de Langeron (A. E.) ; Witzleben II, 282-284 ; Dohna, III, 329-330.
[10] Levasseur et Bentabole au Comité, 21 sept. ; Bentabole à Duhem, 22 sept. (Moniteur du 27) ; rapport de Delbrel, 23 sept. (A. G.). Les bureaux de la guerre accusaient plutôt le commandant, et Jourdeuil, adjoint à la 5e division, écrivait le 24 septembre au Comité que la capitulation du Quesnoy était l'œuvre d'un traître, d'un parjure, et que tant de bassesse n'entra jamais dans le cœur d'un républicain.
[11] Colomb (Joseph-Antoine), fils d'un avocat au parlement du Dauphiné et premier consul de la ville d'Embrun, né le 26 septembre 1735 à La Seyne, volontaire au régiment de Piémont (10 juin 1752), sous-lieutenant de grenadiers (1er septembre 1755), lieutenant (16 mars 1157), capitaine (22 mai 1759), réformé (7 avril 1763), aide-major du régiment de recrues de Lyon (1er octobre 1763), capitaine commandant au régiment de Piémont (24 mars 1769), capitaine titulaire (19 juin 1771), capitaine-commandant de la compagnie colonelle (28 août 1777), lieutenant-colonel au 470 régiment (25 juillet 1791), colonel (16 mal 1792), général de brigade (15 mai 1793). Il avait été blessé à Bergen (13 avril 1759) ; il était à l'attaque du fort Villate, à la bataille de Neerwinden où il eut son cheval tué sous lui ; il sauva le trésor de l'armée lors de la défection de Dumouriez. Mais Celliez avait écrit que s'il était bon à conserver, on devait l'entourer de patriotes purs (26 juillet, à Bouchotte). Le ministre le crut noble et le suspendit le 2 octobre ; sa suspension, lui écrivait Jourdeuil, était la suite d'une mesure générale nécessitée par les circonstances. Colomb ne fut réintégré que le 29 frimaire an IV après avoir défendu la représentation nationale en prairial et en vendémiaire ; envoyé à l'armée d'Italie où il fit la campagne de l'an V, il passa ensuite à la 19e division militaire ; lorsqu'on le réforma, le 1er prairial an IX, il comptait 52 ans de services. Il ne faut pas le confondre avec un autre général du même nom, Pierre Colomb, Matois de naissance, ancien gendarme de la garde et colonel du e dragons, qui servait également à l'armée du Nord, mais qui venait de demander sa retraite (5 août 1793), pour cause d'infirmités et d'obtenir un congé.
[12] Ce Meyer, général de très fraiche date, était naguère chef du 2e bataillon des volontaires des Hautes-Alpes ; nous le retrouverons, ainsi que Ondin, dans le volume suivant.
[13] Bouchotte à Houchard, 11 sept., instruction de Ondin (projet d'attaque pour délivrer Le Quesnoy avec deux colonnes, l'une de 9.148 hommes et l'autre de 5.747 hommes) ; rapport d'Ihler, 12 sept. ; dénonciation de Göttmann (extrait du registre des séances de la commune de Landrecies, 12 sept.) ; Courtois à Bouchotte, 12 sept. ; lettre de Davaine, 13 sept. (A. G.) ; lettre des représentants Drouet et Bar au Comité, 15 sept. (Foucart et Finot, II, 214) ; Thiébault, Mém. 1893, I, 449-451 (notes de Victoires et Conquêtes, I, 251) ; Witzleben, II, 286-287 ; Schels, 22-23. La colonne d'Ihler avait fait 28 prisonniers et comptait 92 blessés, les officiers non compris.