LES GUERRES DE LA RÉVOLUTION

HONDSCHOOTE

 

CHAPITRE VIII. — DUNKERQUE.

 

 

Le général Pascal. — Sommation de John Clements. — Mauvaises fortifications de Dunkerque. — Évacuation du camp de Ghyvelde et des forts de Zuydcoote et de Leffrinckoucke. — Sommation du duc d'York. — Prise de Rosendaël (24 août). — Alarmes de Dunkerque. — Suspension d' O'Meara. — Suspension de Souham. — Jacques Ferrand. — Hoche, le véritable défenseur de Dunkerque. — Difficultés que rencontre le duc d'York. — Retards de la flotte. — Les carnassières. — Sorties des 6, 7 et 8 septembre. — Levée du siège.

 

Le général Pascal de Kerenveyer ou, ainsi qu'on l'appelait simplement, le général Pascal, commandait Dunkerque depuis le commencement de la guerre. Il avait soixante-quatre ans, et son âge, son extérieur peu imposant, sa bonhomie, sa minutie, sa circonspection faisaient croire qu'il manquait d'énergie. Mais s'il était vétilleux et voulait tout écrire et tout copier lui-même, s'il craignait de se compromettre et demandait sans cesse l'autorisation des représentants, il était encore vert, actif, courageux, patriote ; il désirait sincèrement discipliner sa garnison, s'efforçait de réprimer l'insubordination des volontaires et des gendarmes ; en cas d'attaque, disait-il, une partie se dispersera dans les jardins touffus qui m'environnent.

Le 24 avril 1793, le commodore John Clements paraissait devant Dunkerque avec une escadre, et sommait Kerenveyer de capituler ; il venait, assurait-il, offrir aux habitants la protection d'une grande puissance jusqu'à ce que leur constitution fût établie sur des bases solides. Kerenveyer répondit qu'il n'écouterait jamais aucune proposition déshonorante pour le nom français, et il pria le commodore de ne pas perdre son temps à un commerce de lettres qui deviendrait fastidieux, et serait du moins illégal. Faites-moi l'honneur de m'attaquer, ajoutait-il, j'aurai celui de vous riposter militairement ; c'est ainsi que se terminent les discussions entre gens de notre robe. Clements répliqua que Kerenveyer ferait mieux de se dévouer à son roi qu'à des ambitieux qui n'avaient d'autre but que la ruine de la malheureuse France ; puis il s'éloigna, sans tirer un coup de canon.

La réponse de Kerenveyer au commodore fut publiée et lui valut des éloges. Mais il s'était fait détester des volontaires qui lui donnaient, dit un de nos agents, des dénominations malhonnêtes et anticiviques. Bientôt les accusations se multiplièrent tellement contre le général Pascal que Duquesnoy jugea dangereux de le laisser à Dunkerque. Le conventionnel déclara que Pascal n'avait pas la confiance de la majorité des citoyens, et proposa de le remplacer par Richardot. Le ministre manda Pascal à Paris. Après avoir examiné les dénonciations que leur envoyait Duquesnoy, les Comités de salut public et de sûreté générale déclarèrent Kerenveyer exempt de tout reproche.

Kerenveyer revint à son poste ; mais le 30 juillet, il fut suspendu, avec Tourville, Rosières, Gobert, Lapalière et autres gouverneurs de forteresses[1]. O'Meara lui succéda, et commandait à Dunkerque lorsque le duc d'York se présenta.

La ville n'avait pas à craindre un débarquement du côté de la mer. Si la rade était éloignée des remparts, les bancs qui la parsemaient en rendaient l'accès très difficile, et le chenal, protégé d'ailleurs par la batterie du Risban, n'avait pas assez de profondeur pour des vaisseaux de haut bord. Du côté de la terre, deux enceintes défendaient Dunkerque. La première, qui s'étendait du canal de Bergues jusqu'à la plage par les dunes et les canaux de la Moëre et de Furnes, comprenait un corps de place, un chemin couvert palissadé et un fossé plein d'eau ; les fronts étaient renforcés par des ouvrages avancés et des cavaliers ; sur les dunes où l'assiégeant pouvait approcher à la distance de 150 toises sans être aperçu, Carnot avait fait construire un mur crénelé qui formait comme un retranchement intérieur. La seconde enceinte, composée pareillement d'un rempart palissadé et d'un fossé plein d'eau, embrassait tout le pourtour de la ville, et servait à la garantir d'un coup de main, soit d'une descente, soit d'une attaque tentée par des troupes qui viendraient de Watten sur les derrières de Dunkerque. Mais tous ces ouvrages étaient très mauvais. Dans plusieurs endroits le fossé n'avait même pas de revêtement. Enfin, les fortifications offraient un développement plus considérable que celles de Lille, et faisaient de Dunkerque, non pas une place, mais, comme disaient O'Meara et Hoche, un grand camp retranché, dont la garde exigeait quinze à dix-huit mille hommes. Bref, écrivait Hoche au Comité, sans un nombreux secours, Dunkerque ne peut résister longtemps[2].

 

Le duc d'York avait d'abord établi ses quartiers entre Furnes et Nieuport. Les débuts de son entreprise furent brillants. Le 22 août, à trois heures de l'après-midi, il attaquait le camp retranché de Ghyvelde. Un feu très vif de mousqueterie et d'artillerie s'engagea des deux parts et dura jusqu'au soir. Mais O'Meara craignait d'être tourné ; il voyait les cantonnements qui couvraient sa droite, Oost-Cappel, Rexpoëde, Hondschoote, emportés par Freytag ; il jugea la position intenable, et dans la nuit évacua le camp de Ghyvelde ainsi que les forts de Zuydcoote et de Leffrinckoucke[3].

Le 23 août, le corps franc d'O'Donnell et les chasseurs tyroliens tiraillaient tout le jour avec les républicains, et à la faveur des' fourrés et des maisons, poussaient jusqu'à 300 toises du glacis. Il ne restait aux Français que le village de Rosendaël. L'avant-garde du duc d'York s'installait aussitôt entre Téteghem et les Dunes, et le corps de bataille, sur deux lignes, entre Téteghem et le canal de Furnes. Un bataillon de Starray, appuyé par un escadron de carabiniers hessois, se portait sur les Dunes pour former l'aile droite. A l'aile gauche, soutenus par un escadron de dragons, trois bataillons de la garde anglaise se logeaient en avant de Téteghem et envoyaient des détachements, pourvus de canons, sur le canal de Teteghem qui mène du canal de Furnes à la petite Moëre, et leurs patrouilles venaient par Coudekerque et Notre-Dame des Neiges se lier à la droite de l'armée d'observation[4].

Le même jour, le duc d'York sommait O'Meara. Puisque la ville, disait-il, ne pouvait opposer aucune résistance aux forces considérables qu'il déployait contre elle, mieux valait la rendre sur-le-champ que de la vouer à une ruine totale. O'Meara répondit simplement qu'il saurait la défendre avec les braves républicains qu'il avait l'honneur de commander. Le duc somma pareillement la municipalité. Il l'engageait à éviter l'anéantissement de la cité et la destruction d'un peuple nombreux qui subirait la fureur du soldat ; il la menaçait de ces rigueurs extrêmes dont Valenciennes avait naguère éprouvé les effets ; hésiterait-elle à se soumettre au gouvernement de la Grande-Bretagne qui redonnerait à une ville autrefois florissante l'abondance et le bonheur ? La municipalité ne répondit pas ; la réplique d'O'Meara, lit-on dans le registre de ses procès-verbaux, s'accordait avec les sentiments des citoyens[5].

Le 24, eut lieu le combat le plus mémorable du siège. York avait résolu de chasser l'ennemi de Rosendaël. L'endroit offrait de grandes ressources à la défense. Il renfermait des maisons solidement construites et une quantité de potagers et de vergers entourés soit de murs soit de haies épaisses et de larges fossés. L'avant-garde austro-anglaise, commandée par le feld-maréchal lieutenant comte d'Alton, et composée de troupes légères, d'un bataillon Starray et de quatre bataillons anglais, dut prendre les maisons l'une après l'autre, et d'ailleurs d'Alton avait eu tort d'attaquer par petits paquets et de morceler son monde.. Enfin, à neuf heures du matin, pendant que la lutte flottait encore indécise, d'Alton fut renforcé par les deux bataillons de grenadiers hessois Eschwege et Wurmb. Il emporta Rosendaël. Mais O'Meara et le Conseil de guerre avaient justement décidé de faire une sortie pour refouler les Anglais aussi loin que possible et donner le temps aux charpentiers de la marine de couper les arbres qui offusquaient les remparts. Le colonel du 5e chasseurs, La Nous, promu récemment chef de brigade, se mit à la tête de 1.500 grenadiers des différents corps qui devaient s'avancer, les uns à travers les jardins, les autres sur la chaussée pavée de Rosendaël. Les compagnies que menait La Nouë, ne s'ébranlèrent qu'avec peine et en rechignant, lorsqu'il eut pris les devants avec quelques-uns de ses chasseurs. Elles débouchaient à l'instant où d'Alton arrivait au glacis. Excitées, enlevées par La Nouë, elles assaillirent impétueusement les Hessois. D'Alton était descendu de cheval et l'épée au poing, essayait par l'exemple et la parole d'entraîner ses soldats et de brusquer le dénouement de l'affaire. Il tomba, frappé à mort par un coup de mitraille. Les Hessois évacuèrent Rosendaël. Mais La Nouë quitta sa colonne pour diriger une autre colonne de 1.000 hommes et fondre sur le flanc droit des assiégeants. Le lieutenant général de Wurmb secourut les Hessois avec les régiments Prince Charles et Kospoth. Les compagnies de grenadiers qui tenaient Rosendaël, lâchèrent pied. Le lieutenant-colonel à qui La Noue avait délégué le commandement, tenta vainement de les rallier ; elles laissèrent trois canons dans le village et regagnèrent en désordre le chemin couvert après avoir eu 7 tués et 110 blessés[6].

La perte du jeune et chevaleresque d'Alton fut unanimement déplorée dans le camp austro-anglais qui la jugeait irréparable. Mais l'échec de la garnison était grave. Les alliés vinrent hardiment l'insulter en s'abritant derrière les clôtures des jardins et les haies les plus voisines du glacis. Ils déterminèrent leur ligne de circonvallation à droite et à gauche du canal de Furnes. Ils firent des retranchements et poussèrent avec activité les travaux de la première parallèle qu'ils tracèrent à 250 toises de la place. Ils tirèrent d'une frégate échouée près de Nieuport 30 canons de fer. Ils reçurent des pièces de marine d'un gros calibre. Ils établirent peu à peu, dans les derniers jours du mois d'août, 14 batteries, 7 sur chaque rive du canal ; celles de droite enfilaient les routes qui sillonnent Rosendaël, et deux d'entre elles étaient construites sur des dunes élevées qui se prolongeaient vers l'Estran ; celles de gauche balayaient le terrain entre le canal et Téteghem. Enfin, ils annonçaient la prochaine arrivée d'une flotte qui bombarderait la ville[7].

Dunkerque tremblait. Le port, écrivait le commissaire Toustain à Bouchotte, court le plus grand danger d'être incendié, et la ville, dont les magasins sont pleins de matières combustibles, sera bientôt consumée. Aux craintes et aux alarmes s'ajoutait la discorde. Le Conseil de guerre semblait sans énergie ; il avouait que Dunkerque n'était pas en état de résister ; il ne parlait que de la faiblesse de la place, de la lenteur des secours et de la supériorité des ennemis ; pour ne pas être responsable de la reddition qu'il présageait, il invitait les municipaux et les administrateurs du district à l'aider de leurs lumières et à participer aux délibérations. Le peuple se plaignait de l'indiscipline des soldats et de la mollesse des officiers ; il assurait que la garnison était travaillée par des malveillants et que O'Meara, La Nouë et l'ingénieur Farconet étaient des hommes corrompus ; il demandait qu'un représentant vînt déjouer les manœuvres du parti anglais. La municipalité se joignait aux habitants pour déplorer l'insubordination des bataillons et leurs excès de tout genre qui n'étaient pas réprimés parce qu'il n'y avait pas à Dunkerque de tribunal militaire. Elle prétendait que Bergues accaparait les ressources de la défense, et elle reprochait aux administrateurs du district de favoriser cette ville, parce qu'elle était chef-lieu, aux dépens de Dunkerque qui se voyait depuis longtemps le plastron de petites rivalités. Elle accusait d'inertie le Conseil de guerre et ordonnait de battre la générale sans avertir O'Meara. Elle protégeait ouvertement l'adjudant-général Grysperre que le Conseil de guerre refusait d'employer. Elle blâmait le Conseil de guerre de faire une infinité de dispositions inattendues et d'exiger de la cité le paiement de tous les frais. Elle envoyait, le 24 août, deux députés aux commissaires de la Convention et à Houchard pour leur remontrer la situation critique de Dunkerque et leur dire que la place n'avait que de très mauvaises fortifications ; qu'elle serait probablement emportée de vive force la nuit suivante si l'on n'y mettait incontinent des troupes ; que Bergues, sa forteresse, était presque totalement cerné ; que les membres du Conseil de guerre avaient peut-être de bonnes intentions, mais que plusieurs et notamment O'Meara ne paraissaient pas avoir les connaissances nécessaires. Elle sommait, le 27 août, le Conseil de guerre de déclarer sur-le-champ, positivement et par écrit, s'il disposait de moyens suffisants pour conserver Dunkerque à la République : les préparatifs de l'adversaire annonçaient une attaque imminente ; les renforts n'arrivaient pas ; le Conseil de guerre allait-il prendre, dans cette fâcheuse conjoncture, de grandes mesures de salut, et s'il ne pouvait les prendre, la conscience, le devoir, les serments n'obligeaient-ils pas la municipalité de dépêcher à Paris des délégués qui solliciteraient de la Convention une assistance indispensable[8] ?

Les Dunkerquois eurent satisfaction. O'Meara, qu'ils suspectaient, était de toutes parts taxé de tiédeur et d'incivisme. Kilmaine, qui l'avait nommé, assurait qu'il connaissait parfaitement la côte ainsi que la population de Dunkerque, de Saint-Omer et de Calais, et qu'il saurait découvrir les agents de Pitt qui foisonnaient dans la région. Mais le chirurgien Dauvers écrivait au Comité que cet O'Meara avait, suivant un bruit qui courait à Lille, trois frères émigrés. Berthelmy le dénonçait aux représentants ; il l'avait pratiqué en Alsace : O'Meara, disait-il, ne fréquentait à Colmar que les aristocrates ; lorsque les volontaires du Doubs couraient aux armes, sans prendre ses ordres, pour châtier l'assemblée des électeurs qui brûlait le drapeau tricolore, O'Meara menaçait de licencier le bataillon ; lorsque tous les corps de l'avant-garde de l'armée du Rhin s'engageaient à ne plus faire de quartier aux Prussiens qui avaient, croyait-on, massacré le 4e des Vosges, O'Meara et les officiers de son bataillon, le 6e d'infanterie légère, refusaient de signer l'adresse. D'autres accusaient O'Meara de brutalité, d'ineptie et de lâcheté : dans la nuit du 25 août, il accablait d'injures des volontaires qui déchargeaient leur fusil sur l'assiégeant, leur criait grossièrement qu'ils tiraient après la lune, qu'ils ne tuaient que des grenouilles, et, comme un officier objectait que, si l'on ne tirait pas, les ennemis entreraient dans les retranchements, O'Meara le mettait au cachot et parlait de l'exécuter militairement[9].

O'Meara fut suspendu. Le commandant temporaire, Bourg, fut remplacé par Hudry, chef de bataillon de la 31e division de gendarmerie. La Nouë, que le représentant Duquesnoy traitait d'aristocrate, fut arrêté. Le directeur de l'artillerie, Hennet de Lambresson, eut ordre de se rendre à. Saint-Omer. Le directeur du génie, le capitaine Farconet, échappa pour cette fois ; mais il fut, après le siège, envoyé, comme Hennet, à Saint-Omer, puis incarcéré à Arras[10].

Souham succédait à O'Meara. Ce Corrézien qui mesurait six pieds, avait servi pendant quatre ans dans le 8e régiment de cavalerie. Il était gendarme à Lubersac, et sa stature, qui le fit appeler le géant Goliath, son caractère violent, un duel célèbre où le futur girondin Chambon lui donna trois coups d'épée, et quelques autres aventures l'avaient mis en renom dans son département. En 1791, les gardes nationaux et les gendarmes de Lubersac visitaient le château pour enlever les armes le propriétaire, M. Brachet, maréchal-de-camp et ancien officier des gardes de Louis XV, refusa de livrer son épée : C'est mon épée de Fontenoy, s'écriait-il, et vous ne l'aurez qu'avec ma vie. — Et avec la mienne, répondit Souham qui tira son sabre et vint se placer à côté de M. de Brachet, comme pour lui faire un rempart de sa haute taille. Souham, élu lieutenant-colonel du Pr bataillon des volontaires de la Corrèze, se distingua dans les premiers combats de l'armée du Nord, surtout à Raismes, et les agents du ministre, Celliez et Varin, vantaient ses connaissances militaires et son républicanisme prononcé, le jugeaient digne de remplir les fonctions d'adjudant-général : Il n'a, disaient-ils, d'autre défaut que d'être bègue. Bouchotte le nomma général de brigade. Berthelmy l'envoya à Dunkerque : Souham, affirmait-il, montrait dès les commencements de la Révolution un chaud patriotisme et unissait une grande ardeur à sa belle tournure militaire. Souham, lui écrivit-il dans le style du temps, la devise du 1er de la Corrèze sera la vôtre ; point de quartier pour les tyrans ; point de capitulation ! Il ne faut pas survivre à la honte ; on meurt alors un million de fois, du sang et toujours du sang ! Il ajoutait que Souham ne devait se rendre sous aucun prétexte, qu'il s'agissait, non pas de faire de savantes dispositions, mais d'avoir du nerf, d'acquérir la confiance des habitants, d'encourager la garnison et de rappeler aux troupes qu'elles combattaient pour la liberté. Que Souham tienne à tout prix ; qu'il tienne absolument huit jours encore : Nous marchons à votre secours, concluait Berthelmy, vous ne tarderez pas à entendre notre canon, et quand vous l'entendrez ronfler, il faudra redoubler d'audace, et, de concert avec nous, tomber sur l'ennemi à corps perdu ![11]

Le 26 août, Souham arrivait à Dunkerque et se présentait sur-le-champ au Conseil général de la commune. Le maire Emmery lui déclara que les soldats se livraient à l'indiscipline et négligeaient le service, que la municipalité comptait sur la fermeté du nouveau commandant pour les ramener à leur devoir. Souham rétablit la police. Il fit une proclamation. Il menaça de punir les discours séditieux qui se tenaient dans la ville, et proposa le sans-culotte Jean-Bart à l'imitation des Dunkerquois. Il créa une commission militaire, et ordonna que les sentences de ce tribunal seraient exécutées deux heures après avoir été prononcées. La municipalité témoigna sa gratitude à Souham, loua les mesures vigoureuses qu'il avait prises, le proclama son libérateur : Souham, disait-elle, voulait le bien, le bon ordre, et venait sauver Dunkerque des fureurs de l'ennemi[12].

Mais Souham avait montré, dans une lettre au Comité de salut public, un peu d'inquiétude. On lisait dans sa proclamation que les Anglais allaient bientôt peut-être attaquer les murs de Dunkerque et que les personnes, autres que les membres du Conseil de guerre, qui parleraient de reddition, seraient punies de mort. Enfin, il avait assuré, dans une conversation, que Dunkerque tiendrait seulement cinq jours. Le Comité décida de remercier quiconque ne voudrait pas répondre de Dunkerque.

Le ministre écrivit que Souham n'était pas assez fort et assez ferme, que l'homme qui commandait une place de la République devait être un pur républicain, inaccessible à la crainte, résolu de périr plutôt que de capituler. Vainement Houchard objecta que Souham n'était nullement disposé à porter aux Anglais les clefs de la ville, qu'il avait répété le dire des officiers du génie qui raisonnaient mathématiquement et d'après les calculs des anciennes guerres de roi à roi, qu'il n'aurait pas tenu ce langage s'il avait eu plus d'expérience et plus de moyens défensifs. Souham fut suspendu[13].

La population protesta. Souham, marquait-on à Paris, nous a paru un vrai républicain et sa suspension nous a fait une peine sensible. Lorsque le 2 septembre, au matin, il annonça, dans le Conseil général de la commune, qu'il avait ordre de quitter la ville, les municipaux déclarèrent qu'il avait en sept jours exécuté des choses qui donnaient de sa capacité l'opinion la plus favorable, qu'il avait restauré la discipline militaire et mis tout en œuvre pour encourager les habitants, qu'il possédait la confiance de Dunkerque et que le Conseil général le regardait comme un bon et loyal officier. Duquesnoy plaida chaleureusement pour lui, affirma son civisme et ses talents. Le 6 septembre, le Comité de salut public arrêtait que Souham reprendrait provisoirement le commandement de Dunkerque et, une semaine plus tard, Bouchotte le nommait général de division[14].

Le successeur intérimaire de Souham se présenta le 5 septembre devant la municipalité dunkerquoise. C'était Jacques Ferrand qu'il ne faut pas confondre avec Henri Becays-Ferrand qui défendit Valenciennes. Il ne commanda que jusqu'au septembre ; mais il assista à la levée du siège, et la municipalité lui rendit le même témoignage qu'à Souham, loua son patriotisme et ses soins, attesta qu'il avait tout fait pour maintenir la discipline et qu'il manifestait le zèle le plus ardent. Ferrand, disait un agent de Comité, est bon et ne paraît pas capable de trahir[15].

Des commissaires de la Convention vinrent animer la population. Ce furent d'abord Collombel, Duquesnoy et Hentz qui s'enquirent de la situation le 30 et le 31 août. Ils accordèrent aux paysans réfugiés dans la ville un secours de 300.000 livres et envoyèrent aux prisons d'Arras tous les Anglais et autres gens dont les princes étaient en guerre avec la République. Nous avons, écrivait Hentz, épouvanté les traîtres et chassé environ 200 prisonniers, tant étrangers qu'extrêmement suspects[16]. Puis, arrivèrent, chargés d'une mission spéciale, les deux représentants Trullard et Berlier. Ils informèrent leurs collègues près l'armée du Nord des besoins de la place et mandèrent au Comité que la garnison de Dunkerque manquait d'habits, de chemises, de souliers. Ils établirent un Comité de surveillance qui traqua les aristocrates. Ils firent déporter quelques citoyens qui leur semblèrent ennemis de la République[17].

Mais le véritable défenseur de Dunkerque fut Lazare Hoche. Il était encore peu connu. On estropiait son nom qu'on orthographiait Auch ou Hauche. Adjudant général à l'armée du Nord depuis le 16 juin, il avait remplacé d'Ardenne suspendu. Le 7 août, Kilmaine le faisait arrêter parce qu'il avait tenu les discours les plus inciviques à la nouvelle de l'incarcération de Le Veneur. Mais Hoche fut acquitté. Le 23 août, Berthelmy l'envoyait à Dunkerque : J'ai donné à Souham, disait-il, pour suppléer aux connaissances de détail qui pourraient lui manquer, un adjudant-général, courageux et instruit et il mandait à Souham : Vous pouvez tirer de Hoche le plus grand parti. Le jeune officier courut à Dunkerque avec la plus vive satisfaction et le ferme propos de déployer dans l'exercice de sa charge le zèle d'un républicain et l'activité d'un soldat. Ses lettres fixèrent sur lui l'attention du Comité. Le 29 août, il écrivait qu'il n'offrait à son pays que son travail, mais qu'il vendrait sa vie bien chèrement et que la place serait brûlée avant d'être rendue. R se multiplia, et, alerte, agissant, énergique, plein de flamme et enflammant, entraînant ses alentours par sa parole comme par ses actes, il fut l'âme de la résistance dunkerquoise. Trois généraux 'se succédèrent en quelques jours ; mais Hoche, chef de l'état-major, gardait en réalité ce commandement qui semblait passer de main en main[18]. Grâce à lui, il y eut cohésion et ensemble. Le 30 août, une réserve de 200 tirailleurs rentrait dans la ville et laissait les travailleurs qu'elle devait protéger, exposés au feu de l'ennemi. Hoche somma le commandant temporaire de renvoyer sur-le-champ cette réserve à Rosendaël et de ne la rappeler que par un ordre écrit : Informez-vous du chef qui commande les tirailleurs, pourquoi il a laissé partir ses soldats sans en donner avis. S'il est coupable, qu'il soit puni. Des exemples ! des exemples ! Si les tyrans ont des amis parmi nous, qu'ils expirent à leurs yeux ! Il engageait la garnison à remplir ses devoirs et à lutter vaillamment pour la liberté, le plus précieux des biens ; il s'efforçait de la désaccoutumer d'une insouciance criminelle, lui reprochait rudement de n'avoir aucune vigilance lorsqu'elle était de service aux palissades, et de lâcher son poste pour chercher des moules sur le rivage. Il blâmait sévèrement les officiers supérieurs qui s'oubliaient et ne montraient pas l'exactitude à leurs subalternes : Officiers et soldats sont prévenus que l'on veille sur eux. Ne travaillons-nous pas pour la même 'cause et faut-il parler de punitions à des républicains ? Il apprenait que les matelots des chaloupes canonnières, un instant égarés, frappés d'une terreur panique, s'imaginant que la flotte anglaise mouillait à trois quarts de lieue et que les gens de la ville lui faisaient des signaux, s'étaient insurgés et avaient quitté leur station pour regagner le port. Incontinent, en un style franc et courageux, — c'est lui-même qui le caractérise ainsi, — il leur adressait une proclamation, les menaçait d'user de tous les moyens que la loi mettait en son pouvoir, les priait d'entendre la voix de la patrie et de songer à leurs femmes et à leurs enfants, à la République qu'ils avaient juré de maintenir, à la gloire que leurs pères avaient acquise en défendant Dunkerque : N'êtes-vous pas disposés à faire pour votre liberté ce que vos pères firent pour un tyran ? N'écoutez pas les malveillants ; reprenez au plus tôt le poste de l'honneur que vous avez quitté ; comptez sur la prudence du chef qui vous commande ; vous n'avez rien à craindre. Et de quel œil vous verraient vos frères d'armes qui, jour et nuit, font le coup de fusil, si vous entreprenez de vous déshonorer ! Il sentait que la garnison avait besoin de la population, et il tâchait de patriotiser les habitants. Il exhortait les citoyens à seconder les soldats et à ne pas souffrir que Dunkerque devînt un autre Valenciennes. Il excitait la Société populaire qui s'était dissoute, à rouvrir ses séances et à raviver l'esprit public. Il déclarait que Souham incendierait Dunkerque plutôt que de capituler et que, si la garde nationale exigeait la reddition, il tournerait contre elle les canons destinés à combattre les traîtres comme les tyrans. Malgré notre faiblesse, disait-il fièrement à Xavier Audouin, nous tiendrons bon, je vous assure, et je crois pouvoir vous répondre de la conservation de cette importante place à la République ; on nous promet des secours prompts et puissants ; et, tardassent-ils quinze jours à arriver, dans l'état où, à force de travail, la place se trouve actuellement, on peut les attendre[19].

Aussi, après le siège, Hoche reçut-il de toutes parts des compliments et des éloges. Souham, appelé au camp de la Madeleine, ne voulait d'autre second que Hoche qui lui inspirait la plus entière confiance par ses lumières et sa capacité. Le commissaire du Comité, Deschamps, vantait son intrépidité et la vigueur, l'agilité de son esprit : Hoche, écrivait-il, a été constamment sur pied pour rétablir l'ordre. Le Conseil général de la commune attestait que Hoche avait déployé l'activité la plus louable et montré dans ses rapports avec l'administration municipale des connaissances précieuses et le vif désir d'opérer le bien, qu'il était à tous égards un bon militaire et un excellent citoyen, que mention honorable serait faite de sa conduite civique. Les représentants Trullard et Berlier témoignaient non seulement de ses sentiments de patriotisme, mais des services éclatants qu'il avait rendus ; ils déclaraient que Hoche s'était comporté avec une bravoure et une intelligence rares ; ils le nommaient chef de brigade et requéraient le général Gigaux d'adjoindre à l'état-major du camp retranché de Leffrinckoucke le combattant de Dunkerque. Mais le ministre fut plus généreux encore que les représentants : le 13 septembre, deux jours avant que Berlier et Trullard eussent promu Hoche chef de brigade, Bouchotte lui conférait le grade de général. Le nom de Hoche reste attaché désormais à la défense de Dunkerque. Par une de ces erreurs qui sont des vérités, ce n'est ni O'Meara ni Souham ni Jacques Ferrand, c'est Hoche que les mémoires contemporains et les livres d'histoire citent le plus souvent comme le gouverneur de la place, et il l'était, en effet, par les qualités dont il fit preuve et par l'ascendant qu'il prit sur son entourage. Dès le siège de Dunkerque, il se dessine dans sa mâle grandeur, ardent et opiniâtre tout ensemble, fécond en ressources, évidemment né pour commander, électrisant la troupe, maîtrisant les esprits par la crainte et par de chaudes harangues, obtenant en quelques jours d'importants et imprévus résultats[20].

 

L'arrivée de Hoche marqua le terme des succès de York. Tout semblait se conjurer contre les alliés, et l'inquiétude commençait à les saisir. Ils discernaient trop tard que les 37.000 hommes qui devaient à la fois assiéger Dunkerque, observer Bergues et couvrir la Flandre entre Ypres et Menin, avaient une besogne malaisée, qu'ils ne sauraient subir sur tous les points le choc d'une armée de débloquement, qu'ils auraient dû, pour attaquer Dunkerque avec des chances sérieuses, s'emparer auparavant d'Armentières, de Cassel et de Bergues, et barrer chaque issue. Dès la nuit du 23 au 24 août, les Dunkerquois avaient ouvert les écluses de la mer, et les eaux, s'introduisant par l'arrière-port et coulant à pleine voie, montant de cinq à six pieds dans le canal de Bergues, conduites entre le fort Louis et le pont de Steendam par des coupures pratiquées dans les digues, avaient inondé la contrée sur les derrières de Dunkerque. La place n'était qu'à demi investie : assaillie à l'est, elle restait libre à l'ouest, conservait ses communications avec l'intérieur, recevait de Bergues, de Gravelines, de Saint-Orner, de Calais des secours de toute sorte. Pas une nuit où les Anglais n'entendissent distinctement le bruit des caissons et des fourgons de munitions qui entraient dans Dunkerque.

Si du moins York avait hâté son attaque ! Mais la situation de son camp était très défavorable. Le pays, complètement épuisé, manquait de toutes choses. Pas même d'eau potable : il n'y avait dans les canaux et la plupart des fossés que de l'eau de mer ; celle des puits était trouble et nauséabonde ; on fut obligé d'aller quérir au loin des tonneaux d'eau douce. Il avait fallu, non sans peine, combler les rigoles et fendre avec le sabre les broussailles et les haies dont le sol était couvert. On ouvrit la tranchée ; mais dans le sable mouvant qui composait le terrain, on trouvait l'eau à deux pieds de la surface. On éleva des retranchements ; mais on n'avait pas d'ingénieurs et l'on .dut promettre une solde extraordinaire à tous les hommes de l'armée qui possédaient des connaissances dans l'art de la fortification. Pas de fascines : on s'avisa tardivement d'abattre de petits arbres pour façonner des gabions, et les lignes, dit un Messois, étaient les plus méchantes, les plus misérables qu'on pût voir, incapables de protéger les troupes contre de la mitraille tirée de près. On voulut faire venir des matériaux par le canal de Furnes ; mais les assiégés coupèrent les eaux dont le canal s'alimentait, et mirent presque à sec la partie navigable ; York fut contraint de recourir au roulage ; ses convois n'arrivèrent plus que par une seule et mauvaise route, celle de Furnes. Enfin, sur le front sud de la place, les Dunkerquois tendirent si bien l'inondation que les flots bordèrent l'aile gauche du camp anglais, et ils haussèrent tellement en certains endroits qu'une nappe profonde se forma devant la batterie n° 9 ; la communication directe de York avec Freytag était comme interceptée ; lorsque Cochenhausen marcha le 7 septembre avec le régiment Erbprinz sur Hondschoote, il dut passer par Furnes. La ville reçut donc à peine quelques projectiles qui ne causèrent pas le moindre dégât. Les ennemis, écrivait Hoche le 1er septembre, ne nous ont point encore envoyé une bombe ni an boulet, et ce n'est que fort lentement qu'ils confinaient leurs travaux.

York n'avait plus d'espoir que dans la flotte qui bombarderait Dunkerque. Mais vainement ses aides de camp interrogeaient l'horizon ; vainement ses commissaires engageaient déjà les pilotes qui conduiraient les vaisseaux dans les ports de Nieuport et d'Ostende. La flotte n'appareilla que le 7 septembre et n'entra que le 11 à Nieuport. Ce retard du gouvernement britannique excita l'indignation des assiégeants et la surprise de leurs alliés. On ne manqua pas de l'attribuer à des causes politiques. Le bruit courut que l'armement naval était depuis longtemps prêt à Portsmouth, mais que le duc de Richmond, grand maître de l'ordonnance ou de l'artillerie, et l'amiral Macbride, chef de l'expédition, tous deux membres de l'opposition et adversaires politiques du duc d'York, avaient à, dessein différé le départ des bâtiments. Mais Macbride ne venait-il pas en personne le 30 août au camp de York pour s'entendre avec son Altesse Royale ? Il vaut mieux croire, comme dit l'Annual Register, à quelque extraordinaire négligence administrative. Quoi qu'il en soit, au lieu de leur flotte, les Anglais virent soudain huit carcassières françaises ou chaloupes canonnières, commandées par le lieutenant Castagnier, s'embosser dans la rade, tout à fait à l'est. De là, Castagnier prenait en écharpe l'aile droite des coalisés ; de là, il empêchait le passage de leurs détachements dé cavalerie qui, filant sur l'Estran, auraient coupé la retraite aux tirailleurs de la place ; de là, il inquiétait nuit et jour les postes ennemis, et les Anglais avouent que ces gun-boats ou ces small vessels, comme ils les nomment, les incommodaient fortement par leur feu constant et bien dirigé.

L'ingénieur en chef, quartier-maître général de l'armée, le colonel James Moncrieff, établit sur le bord de la mer une batterie de gros canons qui devait écarter les chaloupes, et une frégate, accompagnée de plusieurs cutters, essaya de mettre en échec l'escadrille de Castagnier. Mais les carcassières ne s'éloignèrent pas, et elles appuyèrent très efficacement les opérations de la garnison dunkerquoise. Hoche ne se contentait pas d'élever, près du moulin à vent, entre Rosendaël et le glacis, une batterie qui canonnait le front du camp anglais. Il harcelait quotidiennement et tenait en haleine les assiégeants par de petites sorties, et, lorsqu'il connut la marche de Houchard, il fit le 6, le 7 et le 8 septembre, d'assez vives attaques[21].

Le 6, à trois heures de l'après-midi, tandis que tonnaient les batteries des remparts et des petits vaisseaux, quatre colonnes françaises assaillirent l'ennemi. La première venait par la digue du canal de Furnes ; mais elle dut jeter des ponts, et recula sous les projectiles d'une batterie anglaise qui lui démonta un canon. La deuxième débouchait par la rue de la Chapelle et ne fit qu'incendier des maisons. La troisième et la quatrième, qui jouaient le rôle principal et sortaient par la barrière de Nieuport et celle de l'Estran, gagnaient, l'une Rosendaël, l'autre les Dunes. A Rosendaël, le régiment de Jordis, uniquement composé de Hongrois, plia d'abord sous le choc impétueux des républicains. On le débusqua des bosquets qu'il occupait. Quelques maisons où il s'était retranché, furent emportées d'assaut et livrées aux flammes. Mais, à force de bravoure, Jordis reprit le dessus et refoula l'agresseur. La colonne qui marchait sur l'Estran était la plus nombreuse et s'engagea le plus loin. Elle repoussa les avant-postes ; elle se saisit d'une dune élevée et y planta un drapeau ; pendant une demi-heure, elle entretint un feu de file très nourri. Mais Moncrieff démasqua une batterie armée de six pièces de 12, et les Français, voyant une grosse colonne qui longeait les dunes, et craignant d'être enveloppés, se retirèrent en bon ordre. Ils avaient 200 blessés. Toutefois, plus de 600 des assiégeants, dont 350 hommes de l'héroïque régiment de Jordis, étaient hors de combat, et l'ingénieur Moncrieff, mortellement atteint, succomba le lendemain.

Le 7, même attaque contre l'aile droite de York. L'infanterie sortit en deux colonnes par le port et par la barrière de Nieuport avec les généraux et le représentant Trullard. L'action, qui dura de cinq heures du soir à sept heures et demie, fut insignifiante. Les républicains n'avaient que très peu de blessés et faisaient une dizaine de prisonniers. Le soldat, disent les commissaires de la Convention, louait la façon dont les généraux l'avaient conduit, et ceux-ci donnaient les plus grands éloges au soldat[22].

Le 8, lorsque la division Landrin fut arrivée et pendant que se livrait la bataille d'Hondschoote, avaient lieu, selon l'instruction de Houchard, deux sorties, l'une entre neuf et dix heures du matin, l'autre à deux heures de l'après-midi. La seconde fut la plus considérable. Trullard, écrivait un de nos agents, a vu tomber une bombe à deux pieds de lui, mais l'esclave a respecté l'homme libre ! Tandis que les canonnières ou batteries flottantes couvraient le camp anglais d'un feu continuel, les troupes françaises entamaient une vive fusillade sur les dunes et tentaient, à divers reprises, de tourner le flanc droit de l'adversaire. Elles savaient que Houchard approchait, et les représentants lisaient sur les visages l'allégresse, présage du succès. L'infanterie légère des Anglais et les régiments de Jordis et de Starray furent rudement éprouvés, et les alliés reconnaissent qu'ils durent s'imposer de grands efforts. Mais les républicains étaient fatigués, et s'ils criaient avec une sorte de fureur en avant ! en avant !, ils n'avaient pas, rapporte un des assiégeants, l'envie de combattre à la baïonnette. Landrin qui les menait, ne montra pas l'ardeur que le général en chef lui avait recommandée ; Houchard l'accuse d'avoir manqué de vigueur, et Berthelmy le taxe de lenteur et de mollesse. Enfin, l'ennemi qui faisait ses adieux à la garnison, ne ménageait pas sa poudre, et la fermeté de ses fantassins, la bonne contenance de sa cavalerie, le sang-froid d'Alvintzy, de Werneck et de Merveldt qui ne cessaient de parcourir les lignes et d'encourager Hessois, Autrichiens et Anglais, arrêtèrent les nationaux. Ils n'osèrent pousser bien loin et rentrèrent en triomphe dans la ville.

Ce fut la dernière action. Depuis l'avant-veille, on entendait une violente canonnade qui venait d'Hondschoote. La veille, Hoche écrivait au commandant de la garde citoyenne que la générale ne battrait plus sans doute à Dunkerque. Le 8, au soir, le tourier remarquait que York pliait ses tentes et envoyait sur le chemin de Furnes des voitures chargées de munitions et de vivres. On annonçait déjà dans les rues que Houchard avait enlevé Hondschoote et capturé quantité de drapeaux et de canons. Nous regardons Dunkerque comme sauvé, mandaient Trullard et Berlier à leurs collègues, et nous comptons nous mettre demain à la suite de l'ennemi[23].

Le duc d'York avait, en effet, résolu d'opérer sa retraite. A la nouvelle de la défaite d'Hondschoote, il tint conseil de guerre. On convint que, si l'on restait devant Dunkerque, on laisserait le temps aux Français de marcher sur Bulscamp et de détruire entièrement le corps d'observation, puis de se rabattre sur l'armée de siège et de l'acculer à la mer. On partirait donc dans la nuit même pour occuper une position de sûreté qu'on avait reconnue en avant de Furnes et qui, tout en appuyant la droite au canal, de Furnes près de Bulscamp et la gauche au canal de Loo près de Steenkerke, couvrait le front des troupes par deux petits canaux parallèles. L'armée, dans sa reculade, formerait deux colonnes ; la première colonne, menée par Alvintzy, longerait le canal de Furnes, et la seconde, conduite par le lieutenant général Biela, la grande Moëre. Les postes de tranchée feraient l'arrière-garde, dirigée par Werneck. Un bataillon de Kospoth resterait en soutien, à la queue de chaque colonne.

D'ans la nuit, les alliés décampèrent. Les Autrichiens et les Hessois étaient depuis longtemps sous les armes. Mais il fallut éveiller les Anglais qui dormaient profondément et qui, malgré les ordres donnés dans l'après-midi, n'avaient pas encore plié leurs tentes. Il fallut faire halte au bout d'une heure de marche pour débarrasser du chemin les bagages qui l'encombraient. Il fallut jeter de côté et renverser des voitures parce que les charretiers anglais, avaient dételé les chevaux et s'étaient dispersés de toutes parts, les uns pour se griser, les autres pour sommeiller. Heureusement, quoique la nuit fût éclairée par les étoiles et que le terrain permît la poursuite, les assiégés n'eurent pas l'idée de harceler les colonnes. Heureusement, Houchard n'enjoignit que le lendemain à Vandamme de se porter sur les derrières de l'ennemi avec un régiment de troupes légères et le 17e cavalerie. Le 9 septembre, à dix heures du matin, l'armée de York avait regagné le camp de Furnes, et ce fut seulement' dans l'après-midi qu'elle aperçut au loin une patrouille française de cent chevaux[24].

Le même jour, à cinq heures du matin, Dunkerque apprenait que les assiégeants avaient disparu. Ils sont enfin partis, s'écriait Hoche. Soldats de la liberté, n'oublions pas que c'est à la vigilance que nous devons notre salut. Gardons-nous de nous relâcher sur le service. Veillons, citoyens, veillons ! A sept heures et demie du soir, Houchard arrivait et se rendait à la municipalité où le maire Emmery lui exprimait la reconnaissance des habitants. La population, ivre de joie, se répandait par les rues, acclamait les représentants, criait Vive la République et Vive la Convention nationale. Trullard, Berlier, Hentz mandaient à l'Assemblée qu'ils ne pouvaient peindre l'allégresse de Dunkerque, et qu'ils avaient dansé avec le bon peuple. Soldats et bourgeois allaient visiter les retranchements et les batteries de l'assiégeant, revoir les dunes, parcourir les bois de Rosendaël où les Austro-Hessois se logeaient naguère. Ils se disaient les uns aux autres, à l'aspect des préparatifs d'attaque, que York voulait d'abord terrifier la ville par un bombardement, puis l'enlever par une escalade. Ils comptaient, énuméraient les armes, engins et effets de toute sorte que les alliés avaient abandonnés : 52.000 sacs à terre, 8.000 chevalets de ponts volants, 800 barils de poudre, 41 pièces de canon, 6.000 boulets de 24, et des fusils, des caissons, des fourgons et des équipages, des forges, des pelles et des pioches, des fourrages[25].

Mais ce ne fut qu'une semaine plus tard, le 17 septembre, que cessa l'état de siège. Au bruit du carillon et de toutes les cloches, pendant que le tourier hissait sur la tour le pavillon national, les représentants du peuple, les généraux, les municipaux, escortés par des chasseurs à cheval et par la cavalerie bourgeoise, se rendirent sur la place de la Liberté pour lire une proclamation de Souham : Dunkerque n'est plus en état de siège, et les choses rentrent, dans l'ordre prescrit par les lois. Votre territoire est libre, comme vos personnes le seront toujours ; la patrie qui vous retrouvera éternellement au chemin de l'honneur et du patriotisme, vous rend en ce moment à vos travaux ordinaires[26].

Thugut et Mercy apprirent avec chagrin le débloquement de Dunkerque. Je suis au désespoir, marquait Thugut, de l'aventure qui fera beaucoup de sensation en Angleterre et causera surtout au roi une grande douleur. Mercy déclarait que l'échec était facile à réparer et que les Français obtenaient un avantage plus illusoire que réel ; mais lui aussi redoutait l'impression que le désastre produirait en Angleterre, redoutait les clameurs de l'opposition qui saisirait avidement l'occasion de tracasser le ministère et de jeter de la défaveur sur le gouvernement, redoutait les nouveaux efforts des républicains dont ce succès ranimerait évidemment l'insolente audace et la frénésie[27].

En France, la joie fut universelle. Journalistes, commissaires, représentants célébraient cette brillante victoire et les conséquences qu'elle devait entraîner. Un militaire s'écriait que la frontière avait été balayée en trois jours et que ces trois jours étaient les flambeaux de sa vie. Deschamps proposait, dans le langage exagéré du temps, qu'on se mit à la poursuite des bandes de cannibales. Dufresse annonçait que l'armée ne ferait plus d'attaque partielle de petits postes et qu'en masse, d'un élan, elle délivrerait le territoire, qu'elle allait reconquérir les Pays-Bas autrichiens, qu'il voulait, avec l'inséparable Lavalette, marcher en avant, que tous deux connaissaient la Belgique mieux que personne, qu'ils avaient plus d'une dette à y payer. Lavalette qui, comme Dufresse, rêvait déjà l'invasion du Brabant, exhortait, par un placard imprimé, les soldats des régiments wallons à passer au service de la République et à goûter de notre vin et de notre Liberté. Forster applaudissait à la confusion du blond duc et à l'humiliation de l'orgueil britannique. Les voici donc évanouis, écrivait Alexandre Courtois, les projets des Anglais ! Comment des hommes qui se disent libres, ont-ils pu s'armer contre un peuple libre ? Comment des hommes qui se disent sages, ont-ils pu obéir à un roi fou ? Le Père Duchesne exultait : Quelle fameuse danse l'armée du Nord vient de donner aux brigands qui ravageaient nos frontières ! Que doivent dire les Anglais, de se voir aussi bien étrillés ! Les commissaires de la Convention, Trullard et Berlier, apportaient que les ennemis avaient fui comme des daims ; Hentz et Duquesnoy, que l'armée française reprenait confiance et courage, que la mésintelligence éclatait parmi les alliés en même temps que la terreur, qu'ils se sauvaient à toutes jambes après nous avoir fait cadeau d'une belle artillerie, qu'ils se croyaient si sûrs du triomphe que les officiers anglais demandaient à tout le monde des commissions pour les dames de Dunkerque ; Delbrel, que l'armée était une armée de héros, que les soldats se battaient bravement, que Houchard aurait sans doute de nouveaux avantages, qu'on ne devait se reposer qu'après avoir purgé le sol et ressaisi Valenciennes et Condé. Ne lisait-on pas, dans des lettres de Belgique que de vives inquiétudes s'étaient manifestées à Bruxelles, que des voitures chargées de gens et de bagages y arrivaient comme après la bataille de Jemappes, que les jacobins de cette ville ne cachaient pas leur joie, que ceux de Gand avaient arraché le sceptre de l'aigle impériale et que plusieurs venaient d'être arrêtés et enfermés à la porte de Hal[28] ?

 

 

 



[1] Cf. Charavay, Carnot, II, 12, 143-144, 156, 231-232.

[2] Mém. de Farconet ; O'Meara à Bouchotte, 25 août (A. G.) ; Hoche au Comité (Rousselin, II, 1-2.)

[3] Schels, 12 ; Barthel à Houchard, 23 août (A. G.) ; lettre de Bourg au Comité, 23 août (Moniteur du 27). L'armée de York comprenait 28 bataillons, 2 compagnies de chasseurs tyroliens et 19 escadrons, en tout 20.600 hommes. L'avant-garde était commandée par d'Alton (avec Dundas, Abercromby et le colonel lise pour généraux-majors) ; la première ligne, par Alvintzy (lieutenants-généraux Erakine et von Wurmb ; généraux-majors : Harcourt, Lake, von Bork et Werneck) ; la seconde ligne, par Biela (lieutenant-général : von Buttiar ; généraux-majors : Mansel, von Cochenhausen, Cherenezky, von Dallwigk). Cf. Ditfurth, 82.

[4] Ditfurth, 94 ; Schels,12 ; relation d'Arnaudin (A. G.).

[5] Moniteur 27 août ; Foucart et Finot, II, 66 et 69. Le duc d'York, disait Mercy, a fait sommer la place de se rendre à Sa Majesté britannique ; ce sera sans doute pour nous la remettre au moins à la paix. Thugut pria Mercy d'empêcher qu'une nouvelle sommation se fit au nom et pour le compte de la cour de Londres : Il me semble, écrivait-il, contre le véritable intérêt de l'Angleterre de se mettre en possession d'une partie de la terre ferme de ce côté, et notre cour ne pourrait voir avec satisfaction dans les Pays-Bas un nouveau et puissant voisin. (Bacourt ; Correspondance entre Mirabeau et La Marck, III, 435-436 et Thürheim, Briefe, 133.)

[6] Ditfurth, 97-102 ; Schels, 13 ; Sichart, 264-266 ; Calvert, 110 et 113 ; Hoyer's Magazin, II, 5, p. 28-29 ; relation d'Arnaudin ; O'Meara à Bouchotte, 25 août (A. G.) ; Foucart et Finot, II, 70. Les alliés avaient 13 officiers et 351 hommes hors de combat.

[7] Ditfurth, 102-105 ; Sichart, 266-267.

[8] Toustain à Bouchotte, 27 août ; Leblond à Guffroy, 28 août (Cf. sur ce Leblond d'abord fusilier, puis officier au 1er bataillon du Pas-de-Calais, puis aide de camp de Carrion, le Rougyff, n° 15 et 51) ; Deschamps à Bouchotte, 9 sept. ; Houchard à Bouchotte, 26 août ; la municipalité de Dunkerque aux représentants, 24 août ; lettres des administrateurs du district de Bergues et du Conseil de guerre, 25 août ; Foucart et Pinot, II, 57, 68, 69, 71, 72, 78-79, 82.

[9] Kilmaine à Bouchotte, 10 août ; Dauvers au Comité, f2 août ; Berthelmy à Chelles, 22 août ; Delforterie, officier du 1er du Pas-de-Calais, à Leblond, 26 août (A. G.) ; cf. une lettre adressée le 21 août du camp de Ghyvelde au Rougyff (n° 19) où l'on demande des sans-culottes pour conduire la garnison et dénonce O'Meara comme un ci-devant, un j... f... dans la force de toutes les expressions Thomas O'Meara, comte de Baane, né le 4 août 1750 à Dunkerque, cadet au régiment de Clare, depuis régiment de Berwick — où son père avait servi trente-six ans — (4 février 1758), sous-lieutenant au régiment de Roscomon, depuis régiment de Walsh (16 avril 1767), lieutenant en premier (13 juillet 1771), quitta sous prétexte d'affaires de famille et pour aller en Irlande où ses parents l'accueillirent mal, et en réalité pour chercher fortune en Allemagne (22 avril 1774), revint en France et fut successivement lieutenant au dépôt des recrues de l'ile de Ré (5 décembre 1775), capitaine aide-major dans les volontaires de Nassau (décembre 1788), et après avoir été réformé (15 août 1779), capitaine-commandant au corps de Nassau-Siegen, plus tard Montréal (16 août 1779), capitaine au bataillon des chasseurs cantabres, plus tard le 5e d'infanterie légère (10 juin 1788), lieutenant-colonel au 6e bataillon d'infanterie légère (6 novembre 1791), général de brigade (30 juin 1793). Suspendu le 25 août 1793, il se retirait à vingt lieues des frontières et avait dû s'arrêter à Amiens pour soigner sa santé ébranlée par la fièvre. Le représentant Dumont, averti de son séjour, le mit mettre en prison. Mais O'Meara protesta qu'il avait eu toujours une conduite irréprochable et — comme fit Macdonald — qu'il n'était ni noble, ni étranger, puisqu'Il était né à Dunkerque d'un père irlandais, proscrit et fils de fermier. Le 22 septembre, ordre était donné à Dumont de relâcher son prisonnier. Pourtant O'Meara ne fut que le 13 décembre 1791 relevé de sa suspension et autorisé à prendre sa retraite. Réintégré (6 mai 1795), admis an traitement de réforme (23 déc. 1796), et nommé commandant d'armes à Dunkerque (10 novembre 1807), il eut sa retraite définitive le 2 mars 1816 et mourut à Orléans le 19 avril 1819.

[10] Voir sur Hennet le Carnot de Charavay, II, 253 et sur Farconet, id., 122. Le successeur de Hennet arriva le 5 septembre au matin (Foucart et Finot, II, 89). Bouchotte voulait déjà, pendant le siège, remplacer Farconet ; le 30 août, il proposait à Houchard, Casimir Poitevin, le futur lieutenant-général et baron de Maureillan, dont on disait du bien, quoique sorti de l'école de Mézières, et Houchard, qui vit Poitevin, le jugeait plein d'intelligence et de bravoure. (Houchard au Comité, 29 août, et Bouchotte à Houchard, 30 août A. G.) La Nouë fut la victime de Duquesnoy. Dès le 11 août, Duquesnoy et Le Bas écrivaient que La Nouë, en faisant publier dans le camp de Cassel que les soldats d'infanterie pouvaient entrer dans son 5e régiment de chasseurs à cheval, avait inspiré de graves soupçons. Durant onze mois, La Nouë fut détenu à Béthune. Il devait être plus tard inspecteur aux revues. Je fus, dit-il, dans un Etat de services, chargé à Dunkerque par le Conseil de guerre de commander toutes les sorties ; j'allai tous les soirs aux avant-postes des ennemis pour reconnaître leurs mouvements et présumer les opérations du lendemain.

[11] Seilhac, Les bataillons de volontaires de la Corrèze, 92-93 ; 101- 103 ; Celliez et Varin à Bouchotte, 26 juillet et 1er août ; Berthelmy Hoche et à Souham, 23, 27, 30 août (A. G. et A. N. W, 296), à Jourdan (31 août A. G.). Souham était né le 30 avril 1760 à Lubersac. 11 fut cavalier au 80 régiment de cavalerie, alors cuirassiers du Roi, du 17 mars 1782 à 1786. Elu lieutenant-colonel en second des volontaires de la Corrèze (t5 août 1792), puis lieutenant-colonel en premier (19 septembre 1792), il fut pro nu général de brigade le 30 juillet 1793 et général de division le 13 septembre suivant. Un an avait suffi à l'ancien soldat de la monarchie pour s'élever aux premiers grades de l'armée, et il ne devait pas monter plus haut. La plupart des contemporains écrivent son nom soit Suam, soit Souhant et même Soushamps (orthographe qui nous montre comment il se prononçait à l'époque révolutionnaire). Il est certain qu'il dut son grade de divisionnaire à Duquesnoy. (Cf. la lettre du 15 septembre 1793 écrite par Duquesnoy et autres au Comité et le Résumé expositif de la conduite de Carrion, p. 11.)

[12] Foucart et Finot, II, 76, 83 ; proclamation de Souham, ter sept. ; Houchard au Comité, 29 août (A. G.). O'Meara et le Conseil de guerre refusèrent d'abord de reconnaître Souham, parce que sa nomination était signée par Berthelmy, et non par Houchard ou par Bouchotte. Mais sur ces entrefaites O'Meara était suspendu par le ministre. Berthelmy le somma sur-le-champ de quitter la place.

[13] Bouchotte à Berthelmy et à Houchard, 30 août et 3 sept. ; Houchard à Bouchotte, 5 sept. (A. G.) ; mot de Barère, 11 sept. (Moniteur du 13).

[14] Deschamps à Bouchotte, 9 sept. (A. G.) ; Foucart et Finot, II, 87.

[15] Foucart et Finot, II, 89, 123. On retrouvera Ferrand dans le volume suivant ; il avait commandé le camp de Cassel et mérité l'éloge de Duquesnoy et de Le Bas. Cf. Deschamps à Bouchotte, 9 sept. (A. G.).

[16] Lettre de Hentz, 7 sept. (Moniteur du 10) ; Foucart et Finot, II, 86. Forster, passant à Dunkerque, trois ans auparavant, notait qu'il y avait dans la ville des maisons de commerce anglaises, que le plus riche comptoir appartenait à la famille irlandaise O'Conolly, qu'on voyait plusieurs cafés anglais où tout était arrangé à l'anglaise et où l'on ne parlait qu'anglais (Ansichten, p. Büchner, II, 13).

[17] Lettre de Trullard et Berlier, 9 sept. (Moniteur du 13) ; Foucart et Finot, II, 81-96.

[18] Un ennemi qu'il s'était fait à Dunkerque, ne s'y trompa point. C'était Hudry, commandant temporaire. Hudry avait reçu de Hoche l'ordre d'exécuter un arrêté des représentants Trullard et Berlier qui suspendait un officier soupçonné d'incivisme. Tranquille dans son lit, comme dit Hoche, Hudry ne s'acquitta de sa mission que le lendemain matin. Hoche rendit compte à Souham qui envoya Hudry en prison, et ce fut Hoche qui signa l'ordre. Après le siège, Hudry — qui avait servi aux gardes-françaises et dans la même compagnie que Hoche — le dénonça comme fils d'un ci-devant valet du ci-devant roi, ne voulant que le bien du peuple en apparence, républicain de nom depuis le 10 août, poussé dans l'armée par les créatures de Lafayette. C'est à cet épisode que se rapportent les lettres du 18 et du 30 septembre à la Société populaire de Dunkerque (Rousselin, II, 9-11.) Cf. la dénonciation de Hudry, 18 sept. et la réponse de Hoche (A. G.)

[19] Des Bruslys à Ihler, 2 août, et ordre du 16 juin ; Kilmaine à Bouchotte, 7 août ; Berthelmy à Bouchotte, 27 août et à Souham 23 août (A. G. et A. N. W. 296) ; Rousselin, II, 2-7 et 10 ; cf. sur les débuts du général Hoche et la lutte pour l'Alsace.

[20] Deschamps à Bouchotte, 9 sept. ; arrêté de Trullard et de Berlier, 15 et 18 sept. ; décision du Conseil général de Dunkerque, 19 sept. ; Souham à Jourdan, 14 oct. (A. G.) ; lettre des représentants 9 sept. (Moniteur du 13).

[21] Magazin de Hoyer, II, 5, p. 30, 33 et 47 ; Ditfurth, 96 et 129 ; Schels, 12 ; Dohna, III, 165 ; Auckland III, 114 et 116 ; Calvert, 109-110, 118-119, 122 ; Rousselin, II, 7 ; Le Balaye, 2 et 3 sept. ; lettre de Toustain (Moniteur du 29 août), et à Bouchotte, 21 août (A. G.) ; Derode, Hist. de Dunkerque, 1852, p. 383. Castagnier, commandant en rade, se signala dès ce moment à l'attention de Carnot qui autorisait plus tard le ministre de la marine à l'employer devant Toulon (Rec. Aulard, VIII, 359 et 390) et de Hoche qui le nommait un homme de tète et qui lui donna, dans l'expédition d'Irlande, le commandement de la seconde légion des Francs ou légion noire, composée de détenus et galériens d'élite, et destinée à être jetée sur Bristol (Guillon, La France et l'Irlande, 1888, p. 243.)

[22] Magazin de Hoyer, II, 5, p. 31-35 ; Ditfurth, 124 ; Calvert, 119120 ; Foucart et Finot, II, 95, 99,105-106 ; Moniteur 10 sept. (Bulletin du siège.)

[23] Magazin de Hoyer, II, 5, p. 37 ; Gesch. der Kriege in Europa, II, 73 ; Ditfurth, 125 ; Calvert, 120 ; Foucart et Finot II, 406 ; Rousselin, II, 8 ; Bulletin de la Soc. de la Corrèze, I, 563 ; mémoire de Houchard, 29 sept. : Trullard et Berner au Comité, 8 sept. ; Deschamps à Bouchotte, 9 sept. (A. G.).

[24] Ordre de Houchard à Vandamme, daté d'Hondschoote, 9 sept. (A. G.) ; cf. le Magazin de Hoyer, II, 5, p. 41-42, et Ditfurth, 125-128.

[25] Trullard, Hentz, Berlier au Comité, 10 sept. (A. G.) ; Foucart et Finot, II, 95 ; lettre du Conseil général de la commune de Dunkerque aux municipaux de Gravelines, 9 sept. (Moniteur du 13).

[26] Foucart et Finot , II, 131.

[27] Vivenot, Vertrauliche Briefe von Thugut, I, 41 ; Thürheim, Briefe, 136.

[28] Journal de la Montagne, 20 et 21 sept. ; Forster, Schriften, IX, 97 ; Père Duchesne, n° 285 ; Rougyff, n° 23 ; Delbrel à la Convention, 13 sept. ; Hentz et Duquesnoy au Comité, 15 sept. ; proclamation de Lavalette, 11 septembre ; lettre de Bruxelles, 8 oct. (A. G.)