LES GUERRES DE LA RÉVOLUTION

MAYENCE

PREMIÈRE PARTIE. — LES PATRIOTES

 

CHAPITRE II. — L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE.

 

 

I. Jean de Müller. L'administration générale provisoire du pays. Dorsch impopulaire. Reprise de Francfort. Découragement des clubistes. — II. Efforts des matadors. Adresse de Pape à Frédéric-Guillaume Hohenzollern. — III. Le département des Bouches-du-Main. Simulacre de vote. Décret du 15 décembre. — IV. L'arbre de la liberté. Les pamphlets. — V. Les volontaires. Le club des gueux. Les séances du 10 et du 11 janvier. — VI. Böhmer, Stamm, Custine. Gibets. Déprédations et vexations. Hostilité de la population. — VII. Décret du 31 janvier. Invasion des Deux-Ponts. Annexion du 14 mars. Le pays rhénan.

 

I. Le jour même où la Convention promettait de secourir les peuples insurgés, Custine organisait le gouvernement de la région qu'occupait son armée et qui comprenait l'archevêché de Mayence, les évêchés et les villes impériales de Worms et de Spire, le comté de Falkenstein[1]. On lui reprocha d'avoir distribué les places de sa propre autorité sans consulter auparavant le Conseil exécutif et l'assemblée. Partout ailleurs, en Belgique, à Mons, à Bruxelles, avaient lieu des élections. Pourquoi Custine se conduisait il à Mayence en vainqueur, en conquérant[2] ? Mais la plupart des agents et employés de l'ancien régime qu'il avait provisoirement conservés, persistaient à dire qu'ils administraient la contrée de par l'Electeur. En vain il leur ordonnait, le 30 octobre, d'intituler tous leurs actes au nom de la nation française. En vain, le 11 novembre, Böhmer leur rappelait, dans un Acis original, que la France ne les avait gardés que par grandeur d'âme et jusqu'au moment où le peuple opprimé se déclarerait libre : Alors, bonne nuit, Monsieur le bailli, Monsieur le prévôt, et cætera ; si vous avez été braves et désintéressés, le peuple vous élira ! Sur les instances des clubistes, le général résolut d'ôter aux conseillers de l'Electeur le maniement des affaires. La justice, la police, les finances du pays seraient confiées à une administration nouvelle composée de patriotes. Tous les fonctionnaires civils et ecclésiastiques obéiraient à cette administration dont les décrets devaient être revêtus du sceau de la République française et approuvés par Custine et par le commissaire en chef de l'armée, Villemanzy.

Custine avait tenté de mettre Jean de Müller à la tête du nouveau gouvernement. L'historien était à Vienne, où l'avait envoyé l'Electeur, lorsqu'il apprit l'arrivée des Français. Il obtint un sauf-conduit et revint en toute hâte pour mettre en sûreté ses effets, ses lettres, ses extraits et sa correspondance. Il vit de près ce qui se passait à Mayence et déplora dans son for intérieur l'ignorance, la présomption et l'intolérance extrême de ces clubistes qui voulaient imposer au monde entier la coupe de leur habit. Les bourgeois le consultèrent, le prièrent de dicter leur conduite. Devaient-ils fréquenter le club, s'inscrire sur le livre rouge, se prononcer pour la constitution française ? Müller leur conseilla de supporter ce qu'ils ne pouvaient empêcher, de se réserver pour des temps meilleurs, de s'accommoder aux circonstances et, si l'on employait la violence, de se soumettre sans hésitation pour éviter de plus grands maux. Aussi Forster prétendait que Millier était animé de sentiments révolutionnaires et qu'il avait exhorté ses concitoyens à prêter hardiment le serment civique. C'est vrai, répliqua Müller, mais sous condition qu'ils y fussent contraints et que Mayence eût à redouter les mêmes scènes que Paris. Quant à Custine, il fit à Müller un accueil engageant et flatteur. Il l'informa qu'il allait abolir la régence et casser les dicastères ; il serait aise de conférer la suprême magistrature è l'un des principaux serviteurs de l'État mayençais et de joindre à la conquête de l'Electorat celle d'un homme qui connaissait le pays et possédait la confiance. Il promit à Müller un gros traitement, d'éclatants honneurs, un siège à la Convention. Müller répondit qu'il perdrait l'estime publique et qu'il manquerait à lui-même et à son caractère, s'il acceptait les offres du général. J'aurais désiré, dit enfin Custine, que vous vous fussiez élevé au-dessus des considérations particulières, mais je ne vous forcerai pas[3].

L'administration générale se composa de dix membres : six Mayençais, Dorsch, Forster, Boost, Blau, Pfeiffenbring et le vieux conseiller Reuter que son expérience des affaires rendait indispensable ; trois habitants de Worms que Böhmer avait recommandés, Kremer, Schraut et Witt fils ; un marchand de Spire, Holzmann[4]. Dorseh était président de l'administration générale et tous les rapports devaient être adressés à son nom. Forster était vice-président ; Boost, procureur-syndic ; Blessmann, ami de Dorsch et de Wedekind, secrétaire-général. Razen devenait maire de Mayence et Macké, procureur-syndic de la commune. Cronauer, Hafelin, Metternich, Patocki, Wassmann entraient au conseil municipal. Cotta prenait le titre de commissaire à la direction générale des postes.

De semblables changements avaient lieu sur d'autres points du territoire. Worms eut pour maire le chanoine Winckelmann, homme actif, loyal, plein de talent[5] et pour procureur de la commune l'avocat Lœwer[6] ; un autre avocat, le remuant Petersen, devint maire de Spire et commissaire national ; le greffier Reissinger, nommé procureur de la commune, fut l'auxiliaire zélé de Petersen et le remplaça durant ses missions dans le plat pays[7]. Le commissaire des guerres Buhot[8] installa solennellement l'administration de Spire en présence de députations venues de Worms et de Landau. Il donna l'écharpe à Petersen et, du balcon de l'hôtel-de-ville, le présenta aux bourgeois. Petersen jura de se rendre digne de la confiance de la nation française, Winckelmann l'embrassa, et tous les assistants saluèrent par leurs vivats l'alliance nouvelle que formaient, à l'ombre du drapeau tricolore, les cités libres du Rhin, Mayence, Spire, Worms et Landau[9].

Custine avait dit, en nommant l'administration générale, qu'il remettait le pouvoir à des hommes qui méritaient la confiance de leurs concitoyens par leurs talents, leur intelligence et leur vertu. En réalité, la plupart des membres de cette administration paraissaient jetés hors de leur sphère. Seul, Forster, ardent, infatigable, propre à tout, désarmait la critique ; on ne lui reprochait que son ingratitude envers l'Electeur[10]. Mais l'honnête Blau n'était qu'un théologien timide et on le traitait d'apostat. Le jeune Pfeiffenbring venait de terminer ses études et n'avait d'autre mérite que d'être le gendre du professeur Vogt. Le secrétaire-général Blessmann courait naguère le cachet et, de l'aveu de Forster, il n'était ni actif ni habile et ne savait pas rédiger clairement un arrêté[11]. Dorsch enfin, Dorsch, l'ex-ecclésiastique qui portait uniforme, Dorsch qui rompait ses vœux pour épouser sa maîtresse, était odieux aux Mayençais. On ne saurait trop ménager les préjugés religieux, écrivait notre agent Rivals ; j'ai vu avec peine le vicaire épiscopal du Bas-Rhin, nouvellement marié, exercer ici la principale magistrature. Les partisans de l'ancien régime attaquaient avec violence ce prêtre impudique qui souillait l'autel et qui n'avait, pour gouverner que des extraits et lambeaux de la philosophie Kantienne, de jolies fleurettes à la mode, des mots affectés, une bouche grimaçante et des œillades friponnes. Du haut de la chaire un curé s'excusa d'avoir scandalisé sa paroisse en se promenant quelques minutes avec ce renégat. On s'indignait que ce petit président, ce Präsidentchen, prît des airs de souverain et ne reçût que des dames à ses audiences. On lui prêtait cet orgueilleux propos : C'est moi qui suis maintenant l'Electeur. Ses premiers actes furent très vivement critiqués. Il proclama la liberté de la presse, et en même temps il interdit d'imprimer les écrits qui pouvaient égarer le peuple sur ses droits et ses devoirs ; il défendit à quiconque correspondait au dehors avec des étrangers ou des émigrés, de médire de la constitution française ; il voulut imposer au vicariat de l'archevêché un membre nouveau, l'ex-capucin Nimis[12].

Mais pendant que s'installait l'administration générale, les Prussiens s'emparaient de Francfort, et le 13 décembre, Custine mettait Mayence en état de siège. Les patriotes furent déconcertés. Ils ont peur, écrivait Forster, à peine si l'un d'eux ose, par ci par là, risquer un traître mot, et la prêtraille, levant la tête, applaudit gaiement les Francfortois. Lui-même, découragé, envoya sa femme et ses enfants à Strasbourg. Pfeiffenbring résigna ses fonctions d'administrateur. Un grand nombre de clubistes se retirèrent de la Société, et vainement les matadors s'évertuèrent à ramener au bercail les ouailles craintives. On prétendait qu'un faux-frère du nom de Vesperi avait vendu la liste des jacobins au roi de Prusse. On croyait que Mayence allait se rendre, et toutes les fois qu'un parlementaire se présentait aux portes, on assurait qu'il venait sommer le général. Custine essaya de calmer les frayeurs par des proclamations ; il rappela la résistance de Lille et promit aux habitants de Mayence et de Kastel qu'ils seraient généreusement dédommagés par la nation française s'ils subissaient quelque perte ; il déclara que Frédéric-Guillaume n'entrerait dans la place qu'après avoir comblé les fossés par les cadavres de ses soldats[13].

 

II. Les Prussiens ne bougèrent pas et se contentèrent d'occuper Hochheim. Les plus enragés des clubistes reprirent cœur. Ils crièrent, avec Stamm et Custine, à la traîtrise de Francfort. Ils jurèrent d'effacer de la terre cette perfide cité. Allemands, disait Metternich, maudissez les Francfortois et ne voyez plus en eux des compatriotes ; Custine aura soin que l'emplacement de leur ville ne soit plus qu'un affreux amas de décombres ! Ils firent célébrer une messe solennelle en l'honneur des Français égorgés dans la journée du 2 décembre. Forster et Wedekind sollicitèrent les jacobins de Paris d'agir énergiquement en leur faveur, de reconquérir Francfort, d'étouffer par une grande et juste vengeance l'esprit de trahison, d'écraser le serpent de la coalition[14]. Le 20 décembre, Pape lut au club une Adresse à Frédéric-Guillaume Hohenzollern. Le roi de Prusse, disait-il dans ce factum insolent, qui ne respirait que bravade et défi, le roi de Prusse se vantait d'entrer dans Mayence ; mais le sublime Custine l'attendait devant le fort de Kastel avec quelques milliers de Français pour le recevoir à la façon des républicains, et, d'ailleurs, le club était là. Le Hohenzollern croyait faire peur aux patriotes ; mais sa horde, à demi détruite en Champagne, ne leur inspirait d'autre sentiment que la pitié. Non ; c'était lui qui s'alarmait et s'épouvantait. Il savait que le club avait juré de chasser tous les despotes, que le club rédigeait une adresse à la Société des Amis de l'Égalité que Dumouriez allait fonder à Wesel, que le club réglait déjà l'organisation d'une Société semblable, qui tiendrait, l'été prochain, des séances publiques dans le château de Berlin, sous la protection d'une armée française Et Pape lançait au roi cette apostrophe : Sache-le, toutes tes mesures sont vaines et ne peuvent te sauver : ta seule ressource, c'est de fuir avec le reste de tes esclaves et de déclarer libres tes prétendus sujets ; c'est de devenir toi-même homme et citoyen. Tu crois peut-être rencontrer encore des traitres et des assassins comme à Francfort. Mais le sang français, répandu dans les rues de Francfort, sera si terriblement vengé que cette ville ne trouvera pas d'imitateurs dans le monde. Ô roi, abandonne ta couronne, les trônes chancellent et seront tous à terre avant un an ! La grande et invincible République a trois millions de défenseurs armés et exercés ; elle est destinée par la Providence à rétablir l'humanité dans ses droits ; elle ne cessera pas de vaincre jusqu'à ce que les princes et les rois aient disparu du monde ![15]

A quoi servaient ces provocations ? Pape avait annoncé qu'il enverrait son Adresse au roi de Prusse avec la liste de clubistes, que tous ceux qui s'opposeraient à l'impression de leurs noms seraient rayés de la Société, et sa motion avait été adoptée. Mais, dès le lendemain, plusieurs membres donnèrent leur démission. La municipalité et la bourgeoisie de la ville déclarèrent qu'elles restaient étrangères à ce libelle. Le club même se plaignit, et Pape promit solennellement de dire au public que la Société n'avait pas la moindre part à son factum[16].

 

III. La froideur des Mayençais irritait les matadors. Cette molle et nonchalante population refuserait-elle de se prononcer pour la liberté française ? L'indolence allemande de ces gens-là, s'écriait Forster, et leur indifférence excitent la bile. Seront-ils jamais quelque chose ? Ils ne veulent rien et ne font rien. Il faudra leur ordonner d'être libres ![17] L'administration générale résolut de tenter un vigoureux effort pour réunir Mayence à la République et créer, en quinze jours ou trois semaines, un département des Bouches-du-Main. Elle comptait que l'incorporation aurait lieu sans enthousiasme, mais de bon gré ; s'il y avait dans les villes de nombreuses abstentions, les paysans-se rendraient en foule au scrutin, et les voix de la campagne décideraient du vote.

Elle envoya dans tout le pays, entre Bingen et Landau, des commissaires chargés d'enregistrer les suffrages. Ces commissaires devaient être des hommes de bon sens, de droiture éprouvée et d'éloquence naturelle ; ils rassembleraient, dans chaque localité, tous les habitants âgés de vingt et un ans au moins, à l'exception des domestiques : ils leur liraient un extrait de la Constitution française, puis recueilleraient dans un procès-verbal les noms de ceux qui voudraient adopter cette Constitution. Le procès-verbal portait que les électeurs demandaient l'appui des Français, leurs voisins ; qu'ils désiraient former avec eux une seule famille ; que des députés, choisis par Mayence, iraient transmettre leurs vœux à la Convention ; — et, disait Forster, je pressens qui sera l'un de ces députés[18].

Mayence vota le 17 et le 18 décembre. Mais le nombre des inscrits fut peu considérable. Le procureur de la commune, Macké, avait réuni les corporations à l'Hôtel-de-Ville ; les marchands réclamèrent du temps pour réfléchir ; les tailleurs et les cordonniers déclarèrent qu'ils voulaient rester neutres[19]. Les habitants de cette grande ville de curés, disait Forster, sont indécis, faibles, pusillanimes, et Metternich leur criait avec colère : Mayençais, partout où ont vaincu les armes des Français, on s'est mis aussitôt à la besogne, en Savoie, en Belgique, à Liège, dans le Porrentruy, et vous seuls, cherchez à vous distinguer des autres, à montrer que vous manquez de raison, que vous n'êtes que des hommes égoïstes et corrompus ![20]

La campagne montra plus d'empressement. On employa tous les moyens pour secouer son inertie et la tirer de son engourdissement. Les clubistes coururent les villages et y plantèrent l'arbre de la liberté. Le fils de Custine, Böhmer, Meuth et beaucoup d'autres haranguèrent les populations et s'efforcèrent à l'envi de leur inculquer les principes républicains. Une courte analyse de la Constitution française : rédigée par Cotta et accompagnée de chaleureuses exhortations, fut publiée à cinq mille exemplaires, affichée à la porte des mairies et des tribunaux, distribuée parmi les paysans. Chers artisans et cultivateurs des bords du Rhin, lisait-on dans cet Enseignement, tous les Français sont libres et égaux en droits ; ils ont dû faire la guerre, mais cette guerre va renverser tous les trônes, donner à chaque nation la liberté et vous apporter une longue paix et la plus grande aisance. Fiez-vous à Dieu qui protège si visiblement les Français dans toutes leurs entreprises ![21]

Deux autres brochures furent répandues dans le plat pays. L'une était intitulée Comment les gens du Rhin et de la Moselle peuvent être maintenant heureux[22] ; elle énumérait les obstacles que le peuple avait rencontrés jusqu'alors, les maux dont il avait souffert, les mérites du régime nouveau qui favorisait les paysans et les artisans autrefois méprisés et aujourd'hui rétablis en leur juste valeur. L'autre, destinée particulièrement aux évêchés de Worms et de Spire, avait pour titre Les gens de Worms et de Spire, eux aussi, peuvent être heureux[23] et vantait la Constitution qu'avaient adoptée les Français, l'allure rapide de leur justice, leurs impôts payés par tous, leur administration élue par le peuple, leur puissance qui assurait tous les avantages du bonheur le plus durable.

Quelques localités, entre autres Kastel, qui, selon le mot de Böhmer, se distinguait hautement par son zèle républicain, Nackenheim que le curé Arand menait à sa guise, Wallstein dont les habitants étaient, au dire de Fuchs, les Marseillais de l'Allemagne[24], Nieder-Olm et Klein-Winternheim[25] votèrent donc pour la France. Dans plusieurs villages des environs de Mayence, deux ou trois patriotes tâchèrent d'entraîner le reste : Kirchner et Stenner à Bretzenheim ; Baumgartner, Gabel et Heinermann, à Nieder-Olm ; Lutz et le cordonnier Schreiber, à Ober-Olm ; Gött et Küpfler, à Weisenau ; le meunier Valentin Krieger, à Zahlbach[26]. Stimulés par l'un d'entre eux, Adam Lux, par l'étudiant Schmitt, par leur chapelain Arensberger, les paysans de Kostheim plantaient l'arbre de la liberté et s'inscrivaient, au nombre de deux cent vingt et un, sur leur livre rouge : Notre pasteur, disaient-ils dans une adresse à Custine, a laissé son troupeau sans secours ; l'empire allemand n'a ni force ni puissance ; l'empereur ne peut même défendre ses Pays-Bas ; nous acceptons la fraternité que nous offrent les Français victorieux, puisqu'ils se montrent de vrais amis et qu'ils veulent donner aux peuples une meilleure constitution[27].

Forster croyait déjà la réunion votée. Les voix discordantes de Mayence, pensait-il, ne seront qu'une goutte dans la majorité décisive du pays entier. Custine jugeait mieux la situation. Les habitants des campagnes, écrivait-il dès le 1er décembre, sont bien faibles dans leur foi, et leur conversion est bien incertaine. Gauböckelheim et Bodenheim refusèrent de voter. Finthen et Gonsenheim chassèrent Metternich. Un grand nombre de villages, où les prêtres et les anciens fonctionnaires mettaient la puce à l'oreille des paysans, demandèrent quelques jours de réflexion[28]. Un clubiste n'assurait-il pas que les communes qui se déclaraient pour la Constitution française faisaient preuve d'un véritable héroïsme, puisqu'elles étaient plus exposées que Mayence aux entreprises de l'ennemi, et qu'elles devaient, en récompense, recevoir une sauvegarde qui les exempterait du logement de guerre ?

Ce vote n'eut, d'ailleurs, aucun résultat. La Convention avait rendu le décret du 15 décembre. Les impôts étaient supprimés et les privilèges abolis ; le peuple se réunissait en assemblées primaires pour organiser une administration et une justice provisoires ; nul ne pourrait voter dans les assemblées primaires ni être nomme administrateur ou juge provisoire, s'il ne prêtait serment à la liberté et à l'égalité, et ne renonçait par écrit à ses privilèges. L'exécution du décret dans les pays rhénans était confiée à deux commissaires nationaux, Simon et Grégoire. Paisibles et vertueux Germains, disait Custine, vous allez montrer que vous êtes mûrs pour la liberté ! et le 24 décembre, le club envoyait à la Convention une adresse de remercîments[29].

 

IV. Les commissaires du pouvoir exécutif n'arrivèrent à Mayence que le 31 janvier 1793, et, comme dit Simon, ils trouvèrent les esprits non seulement beaucoup attiédis et très froids, mais fort irrités ; tout : gaucherie, imprudence, malveillance, semblait se réunir pour indisposer la population[30].

Durant tout le mois de janvier, Forster s'était multiplié, dépensé avec une activité passionnée, s'absorbant tout entier dans sa besogne d'administrateur général et de président du club, conférant avec Haussmann, Merlin et Reubell[31], publiant un nouveau journal, l'Ami du Peuple, annonçant que l'arrivée des trois commissaires présageait la future et inséparable réunion de Mayence à la République. Le 13, dans le plus grand appareil, au bruit du canon et de toutes les cloches, en présence de Custine et des conventionnels, il plantait l'arbre de la liberté et célébrait dans une harangue chaleureuse ce signe d'affranchissement élevé par les patriotes qui faisaient une portion du souverain de Mayence et entraient en possession de leurs droits. La cérémonie que Böhmer jugeait plus belle que le raide et suranné couronnement des empereurs, fut imposante. Après un discours de Merlin qui jura de défendre les Mayençais, ses concitoyens et ses frères, envers et contre tous, après une allocution de Custine qui pria ses soldats de considérer les habitants de la ville comme des compatriotes, le club, criant Vive la Nation et Vive la République Française, traversa les rues entre une haie de volontaires et aux sons de la musique militaire qui jouait le Ça ira. Un tambour-major et douze tambours ouvraient le défilé. Puis venait Staudinger, revêtu de l'uniforme national, brandissant une canne à épée, exhibant sur sa poitrine un écusson où étaient inscrits les mots : Passants, ce pays est libre, mort à quiconque ose l'attaquer ! Custine marchait entre deux clubistes, coiffés du bonnet rouge, Weisshaupt et Melzer, qui tenaient chacun une pique à la main. L'arbre républicain fut planté au chant de la Marseillaise, cet hymne qui, selon l'expression de Forster, inspirait un saint enthousiasme. Six clubistes, déguisés en esclaves et attachés par des chaînes de fer blanc, apportèrent une couronne, un sceptre, un globe impérial, un chapeau électoral, des lettres de noblesse et des tables généalogiques. Custine, le maire Razen, les municipaux jetèrent ces insignes de la féodalité dans le feu qui brûlait sur l'autel de la liberté. La fête se termina par un bal dans la salle des redoutes, et l'on vit, dit un journaliste, bourgeois et bourgeoises de toute condition, aller et venir, comme frères et sœurs, se réjouir du nouveau régime d'égalité, bénir la sublime nation qui l'avait proclamé[32].

Mais vainement se succédaient les manifestations populaires. Vainement Theyer réfutait le plaidoyer de l'avocat de Sèze. Vainement les clubistes applaudissaient avec fracas à l'exécution du traître Capet, et quelques-uns proposaient même d'envoyer à la Convention une lettre de remerciements. Vainement Melzer s'écriait, après la lecture du testament de Louis XVI, que la catin ; vieillissante devient toujours une cagotte. Vainement Metternich prononçait l'éloge funèbre de Le Peletier Saint-Fargeau. Lorsque Pape vint, au nom du club, prier la municipalité d'assister à la cérémonie du 13 janvier, elle : répondit qu'elle ne pouvait participer à la fête tant j que les bourgeois ne se seraient pas déclarés unanimement ; or, disait Pape, si la municipalité attend que tous les bourgeois se soient déclarés, l'arbre de la liberté ne sera pas planté avant dix ans ! Lorsque Theyer tenta de réfuter de Sèze, le public des tribunes donna de telles marques d'indignation que les clubistes demandèrent un piquet de garde au commandant de la place. Enfin, lorsque Merlin présenta Simon et Grégoire aux corps administratifs, depuis un mois, leur dit-il, nous vous avons parlé le langage d'hommes libres ; nous vous avons invités à en prendre l'attitude, et vous n'avez pas fait encore de progrès[33].

Les échecs de Custine avaient entièrement changé les dispositions du plus grand nombre, et, selon le mot des !conventionnels, refroidi les plus ardents patriotes[34]. Les clubistes ne cessaient de se faire rayer. La peur régnait, et les matadors devaient confesser qu'ils n'avaient, la dissiper, d'autre moyen que de belles paroles[35]. A quoi bon répéter à satiété les mêmes tirades déclamatoires contre les despotes et leurs satellites ? A quoi bon prodiguer de brillantes promesses qu'on ne pouvait tenir, et prédire des victoires qui ne venaient pas ? A quoi bon gourmander les Mayençais et les accuser de n'être qu'un peuple de femmes, qui croyait légèrement aux fausses nouvelles[36] ? Le nom des puissances autrichienne et prussienne, écrivait Rivals, leur imprime Lia terreur et cause leur extraordinaire timidité[37]. De même que les Belges, ils attendaient les revenants, ces grenadiers hessois qui formaient la colonne d'assaut dans la journée du 2 décembre, ces hussards de Wolfradt qui poussaient des reconnaissances jusqu'aux abords de Kostheim, ces fusiliers prussiens qui campaient sur les coteaux de Hochheim et qui étaient comme à portée de la main. Les pamphlets pullulaient et ils avertissaient la ville qu'elle serait punie de son parjure, qu'elle n'éviterait pas un bombardement, que les alliés la traiteraient en ennemie et lui feraient subir le sort que lui promettait Custine dans ses sommations du 20 octobre 1792 ; nos armées s'approchent ; trouveront-elles, au lieu de frères éprouvés, les mamelucks de l'étranger ?[38] Un mandat avocatoire de l'Empire annonçait que les Allemands qui serviraient la France, seraient châtiés comme gens sans honneur et sans foi, déclarés infâmes, et, s'ils étaient pris, irrémissiblement affligés de peines corporelles et de mort[39]. Une foule d'habitants émigrèrent, et en vingt et un jours, du 18 décembre 1792 au 7 janvier 1793, Wimpffen signa des passeports pour 632 personnes qui sortaient de Mayence[40].

 

V. Ces émigrés fuyaient non les Français, mais les clubistes. Sans doute les volontaires étaient quelquefois peu modestes en leur conduite et se permettaient envers leurs hôtes de singulières libertés. Il fallut leur défendre de tirer dans les rues des coups de fusil ou de pistolet et prononcer les peines les plus rigoureuses contre quiconque ferait violence aux citoyennes. Le Français, marquait Desportes, est toujours Français malgré la Révolution ; sans égard pour les mœurs du pays où il séjourne, il s'abandonne à son naturel, il chante, il rit à toute outrance, il tourmente indiscrètement les femmes qui ne s'en plaignent pas, mais il se moque trop ouvertement des maris qui s'en plaignent ; la jalousie amène la haine, et, malheureusement, nous prenons trop plaisir à la faire naître. Il fallut les rappeler à la pudeur et aux convenances. Ils étaient, disait-on, plus sales, plus cyniques que des Hurons : avec un incroyable sans-gêne, sans nul souci de l'hygiène, ils jetaient leurs ordures en plein jour sur la voie publique et faisaient leurs besoins dans les corridors et les escaliers des maisons. Une épidémie menaça bientôt la ville et les alentours. Le commissaire Simon, connaissant le prix que les Allemands attachent à la propreté, prêta mille écus à la municipalité mayençaise pour enlever ces immondices dégoûtantes et nettoyer une cité qu'on nommait en Allemagne les latrines françaises et que lui-même comparait à un marécage et à un grand cloaque[41].

Mais les clubistes étaient dix fois plus détestés que la garnison. Leurs déclarations furibondes avaient achevé d'aliéner les esprits. Les Mayençais s'irritaient que la Société se répandit tous les jours en injures contre leur lenteur et leur lâcheté. Ils s'indignaient que Pape les eût appelés misérables bigots et que Cotta eût un soir lancé au public des galeries ces paroles méprisantes : Vous n'êtes que des Mayençais ! Ils cessèrent de porter la cocarde tricolore. Ils prirent le club en horreur et le qualifièrent de Lurnpenclub ou club des gueux[42]. Quels étaient, disaient-ils, les membres de la Société ? Des fonctionnaires de l'ancien régime qui se vengeaient d'un passe-droit ou désiraient avancer et toucher de gros traitements ; des ecclésiastiques défroqués qui voulaient prendre femme ; des professeurs qui cherchaient à se mettre en évidence ; des écoliers qui déblatéraient contre la tyrannie et se croyaient naïvement les champions de l'humanité parce qu'ils débitaient du haut d'une tribune quelques phrases pompeuses sur la liberté et l'égalité ; de petits marchands dont les affaires allaient mal ; des artisans du plus bas étage. Il y a dans le club, reconnaissait Forster, des hommes instruits et honnêtes, mais la masse a tous les défauts de son origine hâtive, et lui aussi déplorait les prétentions des uns et l'égoïsme des autres ; il regrettait qu'on eût admis, pour faire nombre, un essaim de grossiers étudiants et de jeunes gens encore imberbes, ainsi que plusieurs personnages tarés ; il ne voyait chez la plupart des clubistes que le désir d'attraper un emploi[43]. Enfin, ajoutaient les Mayençais, les matadors, à l'exception de Dorsch et de Blau, étaient-ils nés dans le pays ? Böhmer, Wedekind, Blessmann venaient de Göttingen ; Forster, des environs de Danzig ; Metternich, de l'électorat de Trêves ; Hofmann, de l'évêché de Würzbourg ; Pape, de Westphalie ; Cotta, du Wurtemberg. Tous étaient des étrangers et des mercenaires, des Fremdlinge et des Miethlinge, que l'Électeur avait payés cher et que Custine devait payer plus cher encore[44].

Le club même se divisa, et, comme s'exprime un factum, dans le royaume des apôtres de la liberté la semence de discorde commença bientôt à germer[45]. Deux partis se formèrent : l'un, dirigé par Hofmann et l'autre par Dorsch. Hofmann avait pour lui les deux tiers du club, tous les étudiants et les jeunes gens de la ville qui reprochaient aux étrangers d'accaparer les places ; Dorsch était à la tête de ceux qui profitaient de la révolution mayençaise. Dès le mois de novembre, les deux partis engageaient la lutte. Un ami de Dorsch proposait de remercier Custine d'avoir organisé l'administration générale provisoire ; les adhérents de Hofmann faisaient rejeter la motion[46]. Le secrétaire-général Blessmann demandait son admission au club ; les étudiants le blackboulaient sans pitié[47]. Wedekind essayait de justifier les choix de Custine et revendiquait pour tous l'accès aux fonctions publiques ; Theyer lui ripostait avec vigueur et démontrait que les indigènes, les enfants du pays, les Landeskinder, étaient négligés et laissés de côté[48]. Brusquement, avec cette terrible franchise qui faisait sa force, Hofmann déclara, dans la séance du 10 janvier 1793, en face des commissaires de la Convention, que les Mayençais refusaient d'adopter les principes de la liberté et de l'égalité parce que les clubistes n'étaient ni sincères ni honnêtes. Il allait, disait-il, trancher dans le vif ; quand l'estomac est gâté, on le guérit, non par des douceurs, mais par des remèdes amers. Tous les membres du club, depuis les matadors jusqu'aux personnages les plus infimes, furent l'objet de ses sarcasmes et de ses mordantes invectives. La Société, affirmait-il, recevait de mauvais sujets ; elle passait tout son temps à faire des motions absurdes et de vains commérages ; au lieu de réfuter ses adversaires elle leur fermait la bouche ; elle laissait Dorsch, Wedekind et Forster tailler et rogner, former un club dans le club, créer des comités qu'ils convoquaient dans leur propre maison et menaient à leur guise. Wedekind et Forster n'avaient-ils pas obtenu la présidence en semant des billets qui portaient leur nom ?

Dorsch se leva pour répondre. Mais il dut se rasseoir aussitôt. On m'a mis, criait Adam Lux, un de ces billets dans la main ! Les partisans de Dorsch voulaient interrompre Lux. Le jeune homme persista dans son dire : Laissez parler Hofmann, conclut-il, ou, si l'on ne désire plus entendre la vérité, je me fais rayer du club ; je me nomme Adam Lux et je suis citoyen de Kostheim !

Hofmann reprit son discours, et de plus en plus agressif et rude, il flétrit ce Georges Pape qui ne savait que médire et blasphémer. Oui, Pape était un sot et un méchant ; il fallait l'expulser et sauver ainsi l'honneur de la Société. Pape tenta de répliquer. On l'accueillit de tous côtés par des murmures, des sifflets, des trépignements. Exaspéré, il déclara qu'il cessait d'appartenir au club ; mais que, comme membre et représentant des jacobins de Strasbourg, il resterait correspondant de la Société de Mayence.

Puis Hofmann, s'enhardissant, attaqua les commissaires de l'armée Villemanzy et Blanchard. Ces deux hommes avaient commis de grandes injustices envers les habitants du Rheingau ; ils avaient fait enlever comme otages les notables de Walluf qu'ils accusaient faussement de connivence avec les Prussiens ; ils s'opposaient à la tenue des assemblées primaires pour traiter le pays hostilement et le piller à leur aise ; ils pressuraient le peuple des campagnes ; ils ne payaient personne, ne remboursaient personne, et l'administration générale, négligeant ses devoirs, n'osait protester contre de pareilles iniquités. Bien plus, ils compromettaient par leurs propos la cause de la liberté ; Blanchard et un secrétaire de Villemanzy avaient lâché cette imprudente parole, que Mayence ouvrirait un jour ou l'autre ses portes aux alliés et que les Français ne pourraient longtemps défendre la ville.

Merlin de Thionville bondit à ces mots et s'écria : Ce n'est pas vrai ! Reubell retint son fougueux collègue. Merlin, dit-il, a cru que l'orateur exprimait sa propre opinion, et sans se départir de son calme habituel, il harangua les clubistes en langue allemande. Il loua Hofmann, sa loyauté, son patriotisme, les services, qu'il rendait à la République, et qui lui valaient l'amour du bon peuple mayençais. Il reconnut que ses imputations étaient malheureusement fondées. Mais pourquoi Hofmann ne s'adressait-il pas d'abord aux commissaires de la Convention qui, dès leur arrivée, avaient prié tous les citoyens de leur révéler les abus ? Il ajouta que la France n'abandonnerait pas les Mayençais et qu'elle se sentait assez forte pour les protéger contre leurs ennemis ; quiconque prétendait le contraire était un misérable ! Le discours de Reubell fut applaudi. Il a, rapporte un auditeur, la voix pleine, puissante, sonore, de la cordialité, du geste, de la mine ; il me donne la vivante idée de ce que les orateurs de la Convention ont de solennel et d'énergique.

Mais Hofmann n'avait pas terminé son réquisitoire. Derechef il assaillit Dorsch. Il lui reprocha d'avoir sollicité la première magistrature du pays sans posséder les connaissances nécessaires, d'avoir livré les emplois subalternes à ses amis et complaisants, d'avoir pris des tableaux de Schütz, de Knobel et de Berghem dans le palais électoral. Il lui reprocha de se souvenir des injures passées et de traiter indignement le vicariat, de persécuter les ecclésiastiques, bons et mauvais, sans distinction, uniquement parce qu'ils appartenaient au clergé. Il lui reprocha de courtiser les femmes, lui reprocha d'aspirer à la mitre d'archevêque. Il finit par cette virulente apostrophe : Tu aurais mérité d'être chassé de la ville, et si le club avait le pouvoir de bannir, je te dirais, comme Cicéron à Catilina, egredere ex urbe Catilina, mais nous n'avons pas ce pouvoir. Je propose donc simplement de t'expulser du club, à cause de tes crimes, comme un membre nuisible, et il descendit de la tribune : Vous savez tout le mal, guérissez-le, et bonne nuit !

Dorsch se hâta de prononcer quelques mots : si tous les reproches de Hofmann étaient vrais, il mériterait d'être chassé de la ville comme Catilina ; or, il se déclarait prêt à les réfuter séance tenante. Mais on lui cria qu'il se faisait tard. Il remit sa défense au lendemain. Hofmann lui donna le brouillon de son discours : Je souhaite, lui dit-il, que tu te justifies, mais je crains, Dorsch, je crains que tu ne le puisses pas. La séance fut close par une allocution du président Forster qui annonça la prochaine démission de l'administration générale.

La harangue de Hofmann avait produit la plus grande impression. L'audace et la vigueur de l'attaque, la fermeté du ton, un accent de grave et pénétrante tristesse qui se mêlait parfois à ces éclats de brutale éloquence, le noble orgueil avec lequel le matador affirmait son propre désintéressement et prenait ses auditeurs à témoin qu'il n'avait jamais flagorné personne, tout cela, joint à sa réputation d'incorruptible probité, avait gagné les cœurs de l'assistance. Un silence religieux régnait dans la salle. Forster insinua que l'orateur persiflait. Quoi ! s'écria Hofmann, un honnête homme persiflerait quand le destin du pays est en jeu ! et Forster se tint coi.

Les principaux adversaires de Hofmann lui répondirent dans la séance du lendemain. Wedekind parut le premier à la tribune : il rappela ses services et prétendit que les comités du club ne s'assemblaient dans sa maison que parce qu'ils n'avaient pu trouver nulle part un abri. Custine demanda la parole après Wedekind. Il menaça Hofmann de le faire périr par la corde : Hofmann avait découragé les habitants, Hofmann avait calomnié la nation française en avançant que Mayence ne résisterait pas longtemps aux alliés ; je peux l'écraser, poursuivit Custine, je lui pardonne, mais à l'avenir le premier qui tiendra de semblables propos sera pendu. Il assura que Dorsch ne l'avait pas circonvenu, qu'il n'était pas homme à se laisser mener à la lisière, et que lui-même avait prêté les meubles et tableaux de l'Electeur au président de l'administration générale. Il ajouta qu'il avait pris, lui aussi, des effets dans les appartements du palais, mais qu'il ne voulait que les étaler, les offrir aux regards des amateurs, donner envie de les acheter.

Hofmann traduisit en allemand le discours de Custine ; puis, fièrement, il déclara que son devoir était de se justifier, et, sans quitter la tribune, il démontra que Custine ne l'avait pas compris ; il exposa tous ses actes qui n'étaient dictés que par son zèle pour la bonne cause ; il invoqua de nouveau le témoignage des assistants et conclut si vous avez encore besoin de moi, vous n'avez qu'à m'avertir !

Custine sortit de la salle après avoir adressé quelques mots au bureau : Hofmann aurait dû dire hier ce qu'il dit aujourd'hui. Pape entreprit alors de se défendre ; il soutint que ses discours étaient raisonnables et n'avaient fait aucun mal ; il attaqua Hofmann ; mais les traits qu'il lança ne portèrent pas.

Dorsch remplaça Pape à la tribune. Il glissa sur les reproches de Hofmann et, se détournant de son sujet, il se plaignit amèrement du clergé de Mayence. Il croyait gagner les clubistes en flattant leur haine contre les prêtres. Mais on l'interrompit. Dorsch, fidèle à sa manière doucereuse et fade d'exprimer les choses, parlait des fleurs qui sont rongées par les guêpes ; on lui cria : Trop de fleurs ! Il protestait de sa vertu et en appelait à Patocki : on éclata de rire. Il eut l'imprudence de dire que Hofmann avait acheté les applaudissements : on lui répondit par une clameur d'indignation, et pour apaiser les colères, il dut assurer qu'il avait en vue le public des galeries. Il fit allusion à des complots et insinua que Hofmann était attaché, dans le secret de son âme, au coadjuteur et que son parti conspirait le retour de Dalberg : on haussa les épaules.

Forster présidait ; il n'intervint aucunement dans le débat et, à la fin de la soirée, il conseilla l'union, la fraternité, l'oubli des discordes ; la querelle résultait, selon lui, d'une méprise et d'un malentendu. Sur sa proposition, les procès-verbaux des deux séances furent arrachés du registre et détruits.

Mais l'émotion qu'avaient causée ces disputes tumultueuses, ne se calma point. Le 11 janvier, les amis et disciples de Hofmann l'escortèrent jusqu'à sa maison et s'engagèrent à lui porter secours s'il était en péril. Les commissaires prirent le matador sous leur protection et parurent approuver sa violente sortie. Un officier de l'état-major demandait, dans la séance du 12 janvier, que les membres du club promissent par serment de se comporter avec modération et de ne plus se livrer à des personnalités. Reubell déclara qu'il ne fallait prêter d'autre serment que le serment prescrit par les statuts de la Société ; le mot modération ne signifiait qu'une nullité parfaite ; un patriote devait toujours s'expliquer avec franchise sur les personnes ; lui-même, Reubell, blâmait la conduite de Custine, son ami ; Custine pouvait venir au club, comme citoyen, réfuter des erreurs par des raisons, mais non comme général, réfuter des raisons par des injonctions despotiques ; il pouvait faire des proclamations au dehors, mais non violer le temple de la liberté et y menacer de la potence des gens qui s'assemblaient sous les auspices de la loi. Merlin appuya Reubell. Il conjura les clubistes de s'unir, de n'avoir d'autre pensée que celle du bien public, d'ensevelir les haines particulières. Il s'éleva contre les démêlés frivoles et scandaleux de la Société. Vous avez mis, dit-il, les hommes à la place des choses, vous vous êtes aigris et vous avez prêté à rire à vos ennemis ! Mais, ajoutait-il, l'envie ne devait plus distiller ses poisons et le club ferait bien d'entendre dans le silence le membre qui aurait le courage de forcer un autre à se justifier. Le surlendemain, 14 janvier, un clubiste proposa de retracer dans le procès-verbal les mérites de Hofmann. Un ami de Dorsch objecta qu'un patriote n'avait pas besoin de récompense. Hofmann lui-même déclara qu'il ne recherchait pas les louanges sous la nouvelle constitution, comme sous l'ancienne. Mais ses partisans avaient décidément l'avantage. Un long éloge de Hofmann fut transcrit sur le protocole de la séance. Dorsch, Pape, Wedekind, durent lui faire amende honorable, rétracter les injures dont ils l'avaient couvert, le reconnaître comme le meilleur des républicains. L'étudiant Lehné prononça le panégyrique de son maître : Hofmann avait été l'ami désintéressé et hardi de la patrie ; il s'était signalé par sa haine contre les despotes ; depuis dix ans il défendait les droits de l'homme contre tous les ennemis, courtisans, prêtres, jésuites et autres ; il avait proclamé que la monarchie était le poison de la liberté, et le républicanisme, l'âme des actions généreuses et le chemin de la perfection ; par ses écrits, par ses discours, il attisait la flamme sacrée ![49]

 

VI. A ces brouilleries et animosités entre clubistes, se joignait la haine qu'inspiraient Böhmer et Stamm. Ces deux jeunes gens qui passaient pour les intimes confidents de Custine et pour ses âmes damnées, et que lui-même nommait ses coopérateurs[50], choquaient tout le monde, dit Simon, par leur impéritie, leur ineptie et leur hauteur révoltante[51]. Böhmer faisait ostentation de sa faveur et tranchait du potentat. Il gourmandait l'administration générale et prétendait la régenter. Il écrivait au bourgmestre de Laubenheim qui refusait une musique aux paysans : bourgmestre de Laubenheim, la musique ou ta tête ![52] Mais ce qu'on lui reprochait surtout, c'était son livre rouge et son livre noir. Cette invention, rapporte Forster, indigne chacun et semble plutôt appropriée à l'imagination allégorique de l'Orient qu'à l'esprit froid des Allemands ; c'est la plus dure contrainte qu'on puisse imposer, et il accusait Böhmer de myopie et d'imprévoyance. Le club se plut à l'humilier. Un jour, Dorsch déclara qu'il avait abusé du nom de Custine, et que le livre rouge n'était pas un cadeau du général ; Böhmer dut avouer qu'il avait menti, et, à sa grande confusion, la Société décida que le livre noir serait cassé et que le livre rouge, qui s'appellerait dorénavant le livre des amis de la Constitution de la République française, devrait être autorisé par Custine[53]. Böhmer, marquait Simon à Le Brun, est plus ardent que sage, et il a péché contre les premières règles de prudence, en jetant les fondements du club ; il s'y est pris si gauchement, que beaucoup de bons patriotes répugnent à s'y inscrire et que d'autres, qui l'ont fait, s'en éloignent insensiblement[54].

Stamm excitait la même aversion. Comme Böhmer, il s'érigeait en maître et ne parlait qu'avec arrogance. Il avait mission de surveiller le pont du Rhin, et on le nommait ironiquement le grand amiral de Mayence ; mais, sous prétexte qu'on ne pouvait contenir les bateliers par de douces paroles, il les traitait si brutalement qu'ils auraient déserté, sans l'intervention de Merlin et des représentants, ses collègues. Il écrivait une fois à la municipalité mayençaise, en son nom propre et privé : Je vous ordonne. Custine lut le billet et assura qu'il ne se permettrait pas un pareil ton envers un caporal. Stamm reçut une verte réprimande et dut s'excuser. Mais il avait toujours l'oreille de Custine et il continua, comme on disait, à faire la pluie et le beau temps dans Mayence et à promener partout ses grands airs impérieux. Tantôt il promettait de dompter les partisans de l'Électeur, tantôt il morigénait les patriotes : il y a un tas de gens ici, mandait-il à Custine, qui ne font rien que des motions et qui vexent sans rime ni raison ; j'ai dit à la municipalité que je respecte plus un aristocrate qui fait bien son service qu'un patriote intrigant[55].

Custine n'était pas moins exécré. Non seulement on lui reprochait ses créatures, Böhmer, Stamm, Dorsch. Mais on répétait qu'il n'avait pas les mains absolument nettes[56]. Les brocards ne l'épargnaient pas. On se moquait de sa grosse moustache, de sa tournure bizarre, du luxe qu'il étalait. On faisait toute sorte de cancans sur sa maîtresse, une Mayençaise délurée, fille du coutelier Zittier et femme d'un docteur Daniels qui recevait, en récompense de sa longanimité conjugale, le grade de chirurgien-major[57]. On chansonnait sa future défaite : qu'il regagne Landau, disait-on, sinon, gare Spandau[58] ! On le qualifiait de tyran ; on assurait qu'il dépassait en orgueil et en violence un nabab des Indes, un ministre de l'ancien régime, un général des jésuites, et, témoigne Simon, il avait des manières dures et parfois despotiques. Lorsqu'il sut que les Mayençais désiraient le départ des Français comme une délivrance, il fit élever quatre gibets sur les places principales et déclara que tout homme, assez hardi pour parler de capitulation, serait pendu sur-le-champ, à quelque caste qu'il appartint[59]. Les Mayençais lui répondirent en suspendant aux gibets des chats morts, coiffés du bonnet rouge, et un matin on vit se balancer à l'une des potences la silhouette du général avec cette inscription : Voilà le premier coquin de la ville, et Dorsch et Pape devraient lui tenir compagnie[60]. Les clubistes mêmes finirent par murmurer contre celui qu'ils avaient nommé leur héros et leur libérateur. Custine ne les fréquentait pas et semblait oublier : leur existence, a Jamais, remarque Simon, il ne les admit à sa table et ses alentours étaient composés de gens qui montraient autant de hauteur que de mépris pour les Allemands. a Il agissait à Mayence et dans l'Électorat, comme en pays conquis. Il fit vendre aux enchères, contre espèces sonnantes, les chevaux, les voitures, les équipages, les meubles et les vins de l'Électeur. Les patriotes protestèrent ; ces effets, disaient-ils, appartenaient à l'État, et les Mayençais devaient élever la voix, ne pas ajourner, parler sur cet important objet, prouver qu'ils étaient libres. L'État, répliqua Custine, l'État est la nation française pour le compte de laquelle ces effets se vendent[61]. Il laissa les soldats dissiper toutes choses comme à plaisir et brûler le bois, non pour se chauffer, mais pour le voir brûler ; il les laissa couper tous les arbres fruitiers pour faire des abatis ; il les laissa donner du foin pour litière à leurs chevaux ; il les laissa vivre à discrétion, comme s'ils n'avaient qu'une semaine à demeurer dans la contrée et comme si rien ne devait rester derrière eux[62]. Durant les premiers jours qui suivirent la capitulation, au grand scandale des Mayençais, d'énormes meules de fourrage furent exposées en plein air aux intempéries et abandonnées au pillage[63]. Officiers, commissaires, employés, prenaient ce qu'ils trouvaient à leur gré ou réquisitionnaient sans relâche à tort et à travers. Que de vols, dit Legrand, et que de gaspillages il y eut à Mayence, et que de friponneries sans nombre ![64] L'administration générale osa porter plainte. Ne sommes-nous donc, s'écriait Forster, que les huissiers et les recors de l'armée, que les exécuteurs des ordres militaires dictés par la nécessité ou par le bon plaisir ? Ne sommes-nous que les instruments aveugles d'une puissance ennemie ? Et, dans une vigoureuse adresse, il montrait le commerce entravé, les bateaux arrêtés, la garnison s'emparant des moulins de la ville et des provisions de combustible, dix mille Mayençais réclamant du pain et accusant de rigueur et de despotisme l'administration générale que les Français accusaient de faiblesse[65].

Nul n'était plus malheureux, plus mécontent que l'habitant des campagnes. Les paysans se croyaient d'abord débarrassés de leurs corvées, et, dans le commencement de l'occupation française, on les avait généreusement récompensés de leurs services. Mais bientôt ils furent foulés et, avoue Merlin, écrasés. Comme l'avait dit Hofmann, on leur enlevait leurs fourrages, leur bois, leurs vivres, sans les payer. On les tourmentait et violentait de toutes façons. S'ils venaient à Mayence, on les retenait dans la ville, et durant huit jours, leurs chevaux allaient à Kastel traîner des palissades ; on ne les leur rendait que fourbus et incapables de marcher. On a, lisons-nous dans un rapport de Simon, donné de l'aversion pour la Révolution française aux habitants du plat pays, en les traitant avec la plus grande injustice ; tous se plaignaient des vexations des commissaires Villemanzy et Blanchard ; plusieurs me disaient, les larmes aux yeux, qu'on leur faisait mille chicanes. Le village de Framersheim, dans le comté de Falkenstein, fut taxé trois fois, et vainement Dorsch suppliait Custine d'envoyer les ordres les plus précis aux agents qui levaient les contributions, vainement il dénonçait les excès innombrables des militaires qui devenaient de jour en jour plus répréhensibles. Forster confessait que l'administration générale n'entendait plus que gémissements et lamentations, que tout le monde demandait justice, protection, dédommagement, remboursement ; le laboureur est accablé ; il vend ou abat son bétail ; on lui a promis liberté et bien-être ; on le charge de fardeaux insupportables, et il écrivait à Custine : Les réclamations arrivent de toutes parts. Le brigandage des employés subalternes n'a que trop bien réussi à détourner les esprits du projet de se donner à la France. Les décrets de la Convention sont violés de toutes les manières ; les campagnes sont dévastées, les pauvres sont dépouillés, les chaumières retentissent de leurs sanglots, de leurs plaintes amères, de leurs imprécations contre des oppresseurs d'autant plus cruels qu'ils avaient d'abord gagné leur confiance par des protestations de fraternité ! Ah ! on les aurait moins cruellement trompés si on leur eût dit en arrivant : nous venons pour tout prendre, nous ne voulons point de votre réunion, nous rejetons toute liaison avec vous, nous userons des droits de la guerre ![66]

C'est ainsi que Mayence et le pays rhénan, à l'exception d'une poignée de clubistes, passait de l'indifférence ou de la curiosité sympathique à l'inimitié. Stamm, Wimpffen, le représentant Couturier, Böhmer ne s'abusaient pas sur ces sentiments hostiles de la population. Stamm voyait de jour en jour les têtes se monter. Wimpffen déclarait que les Mayençais s'armeraient contre nous, sitôt qu'ils le pourraient avec impunité, qu'ils n'écoutaient que leurs prêtres, qu'ils remplissaient dès quatre heures du matin les sacristies et les confessionnaux ; Couturier, qu'ils n'aimaient pas les Français et qu'ils agiraient comme avaient agi les Francfortois, dès que l'occasion se présenterait ; Böhmer, que les Allemands des bords du Rhin manquaient d'énergie et ne comprenaient pas encore le bonheur de la liberté, que l'esprit de caste et de coterie était profondément enraciné dans leurs âmes, que les aristocrates s'efforçaient en secret de les garder à la chaîne. On trompe la Convention, mandait un capitaine de l'armée des Vosges, quand on lui dit que les Mayençais aiment la liberté, qu'ils aiment les Français et veulent le devenir. Si cela était vrai, le peuple se serait déjà formé en assemblées primaires, aurait choisi des représentants, des magistrats, et n'aurait pas laissé à Custine le soin de casser de sa propre autorité la régence et les tribunaux, pour leur substituer des administrateurs de son choix, et presque tous étrangers. Les malheurs de la guerre frappent plus fortement l'imagination du peuple que la suppression des dîmes et l'abolition du régime féodal. Il ne demande pas la liberté, il n'en veut point ; ce nom sacré frappe son oreille et ne va pas jusqu'à son cœur[67].

 

VII. Mais les commissaires de la Convention, Haussmann, Merlin, Reubell, n'avaient cure des doléances du ci-devant Electorat. Ils croyaient, avec Cambon et Danton, qu'on ne pouvait entretenir la guerre qu'à force d'assignats émis sur les biens nationaux, et plus que jamais ils déclaraient que l'intérêt politique de la France exigeait la prompte exécution de la loi du 15 décembre. Un instant, ils craignirent que le décret ne fût retiré. Mais ils protestèrent avec vivacité contre les retards du Comité de défense générale et du Conseil des ministres. Annuler le décret, n'était-ce pas faire un pas rétrograde ? N'était-ce pas abandonner le pouvoir révolutionnaire qui, seul, pouvait établir une distinction entre les amis et les ennemis de la liberté ? N'était-ce pas laisser dans l'esclavage les partisans de la France et s'exposer soi-même à retomber en servitude[68] ?

La Convention prit enfin son parti. Elle céda au désir d'ajouter de nouvelles conquêtes à celles de la monarchie et, comme disait La Barolière, à la manie de républicaniser l'Europe[69]. Le 31 janvier, dans une séance mémorable où Danton proposait d'étendre la frontière jusqu'au Rhin, l'Assemblée décidait que le décret du 45 décembre serait immédiatement exécuté, en dépit des adversaires du peuple, dans tous les lieux où entraient et entreraient les armées françaises ; que les généraux convoqueraient les assemblées primaires ou communales ; que ses commissaires trancheraient toutes les questions de détail que soulèveraient les opérations électorales ; que les populations, ainsi consultées, devraient émettre leur vœu sur la forme de gouvernement qu'elles voulaient adopter ; que, si elles ne se réunissaient pas dans la quinzaine qui suivrait la promulgation du décret, elles seraient regardées et traitées comme ennemies de la France[70]. Le 14 février, elle proclamait à la face de l'Europe le principe des réunions ou annexions. Monaco et, quelques villages situés à la lisière des départements de la Moselle et du Bas-Rhin[71], avaient émis un vœu de réunion. Carnot, chargé du rapport, affirma très nettement que la République, arrêtée par de vaines subtilités diplomatiques, avait tort d'user de douceur et qu'elle aurait dû porter plus de vigueur et d'inflexibilité dans l'exécution de la loi du 15 décembre. Toute mesure politique, commandée par le salut de l'Etat, ne devenait-elle pas légitime ? La France négligerait-elle un seul moyen de défendre efficacement ses frontières, d'avancer jusqu'au Rhin, son ancienne et naturelle limite, de ressaisir les parties de son domaine autrefois démembrées par l'usurpation ? Refuserait-elle d'accueillir les peuples, jadis frères des Français, animés aujourd'hui de l'esprit de liberté et réclamant d'une voix unanime la réunion de leur territoire à la République ? L'Assemblée décréta l'annexion.

Déjà les commissaires à l'armée du Rhin, Haussmann, Merlin, Reubell, avaient fait main basse sur le duché de Deux-Ponts. Ce duché était neutre depuis le commencement de la guerre et, à diverses reprises, le Conseil exécutif provisoire et le ministre de la guerre avaient ordonné de ne pas s'y conduire hostilement[72]. Mais les représentants s'élevèrent contre ces ménagements qu'ils jugeaient inutiles et dangereux. Les princes, disaient-ils, doivent nous livrer ce qu'ils ont de trop en subsistances. S'ils ne le font pas de bon gré, il faut les y contraindre et empêcher que le surplus ne serve d'aliment à l'adversaire. On n'est pas neutre quand on fournit à l'Empire des contingents en hommes ou en argent. Ces princes n'ont pas encore la force et l'occasion d'être ouvertement nos ennemis et, par la nature des choses, ne peuvent être nos amis. Le 8 février, sur l'injonction des commissaires, le général Landremont entrait dans le Deux-Ponts. Il avait reçu des instructions précises : arrêter le duc Charles et sa cour dans le château de Carlsberg, s'emparer de l'arsenal et des écuries, dresser procès-verbal de tous les effets, remonter sa cavalerie avec les chevaux, vendre à ses officiers les bêtes de luxe, envoyer dans les haras de France les juments et les poulains, parler aux troupes deux-pontaises le langage de la liberté et, au besoin, les réduire par la violence. Landremont fit marcher ses colonnes dans le plus profond secret. Le 9 février, à dix heures du soir, la légion de la Moselle se portait sur Hombourg. Mais le duc fut averti. A onze heures, il s'échappait en toute hâte, à travers les bois, et gagnait Mannheim. Le prince et la princesse, disait le Moniteur, ont à peine eu le temps de se couvrir de quelques vêtements et de s'enfuir comme Adam et Eve. Trente minutes plus tard, les cavaliers de la légion arrivaient au grand galop. Ils aperçurent au loin dans la forêt la flamme des torches qui guidaient la course des fugitifs ; ils questionnèrent les gens du Carlsberg qui leur répondirent que cette lueur venait d'un four à chaux. Ils désarmèrent le corps de garde. Dubourg, aide-de-camp de Landremont, suivi de plusieurs hussards, le sabre nu, envahit le château et pénétra dans la chambre à coucher. On raconte qu'il se vautra, tout botté et éperonné, sur le -lit ducal, en tenant les propos les plus grossiers et qu'il prit une perruche qu'il destinait à sa femme. Au matin, l'infanterie deux-pontaise, qui comptait environ mille hommes, se vit cernée dans ses casernes ; les uns retournèrent dans leurs foyers, les autres s'enrôlèrent dans les bataillons français et ne manquèrent pas de déserter. Les décrets du 15 décembre 1792 et du 31 janvier 1793 furent publiés. Le ministre d'Esebeck, qui protestait contre cette violation de la neutralité, fut jeté dans la prison militaire de Metz[73].

On ne tarda pas à réunir une partie du duché. Deux commissaires de la Convention, Couturier et Dentzel, étaient alors en Alsace. Dentzel, pasteur de Landau, avait des intelligences dans le pays rhénan ; il vint s'aboucher avec les patriotes et le maire de Bergzabern, Adam Mayer. Les habitants des villages insurgés déclarèrent qu'ils renonçaient à leur seigneur et à ses vampires, et qu'ils demandaient leur incorporation à la République française. Dentzel rédigea son rapport et, dans la séance du 14 mars, la Convention décréta la réunion de Bergzabern et de trente et une communes. Ces localités, disait Dentzel, interceptaient la communication entre Wissembourg et Landau sur l'espace de trois lieues ; ne devaient-elles pas naturellement dépendre de Landau, dont elles formaient comme la ceinture[74] ?

Il fallait annexer pareillement Mayence et le territoire qui s'étend de la Nahe à la Queich. Mais comment pourrait-on obtenir des populations une résolution définitive[75] ? Emploierait-on les mêmes procédés que dans les Pays-Bas ? La Belgique était alors en proie aux commissaires nationaux qui municipalisaient violemment les villes et les bourgs. On assemblait dans l'église de l'endroit, au milieu des baïonnettes, une poignée d'électeurs : un commissaire prononçait un discours ; les clubistes applaudissaient et, sur-le-champ, par acclamation, votaient la réunion ; il y avait un registre de protestations, où personne ne s'avisait de s'inscrire. L'annexion des Pays-Bas s'opérait donc, pour ainsi dire, fragmentairement et en détail. On n'aurait osé la faire proclamer par une Convention. Donner aux Belges une assemblée, c'était leur fournir un point de ralliement et un foyer de révolte, c'était constituer leur unité.

On ne craignait pas de la région rhénane un semblable danger. Il y avait un patriotisme belge ; il n'y avait pas de patriotisme allemand. Le caractère national se façonnait à peine dans ce pays entre Rhin et Moselle, qui ne portait même pas un nom général, comme celui de Souabe, de Franconie, de Wetteravie. La langue seule rappelait aux habitants qu'ils étaient de même race.

Aucun peuple de l'Allemagne, remarque Girtanner, n'a les traits moins accusés que ces Rhénans ; ni grandes vertus ni grands vices ; pas de passions saillantes, mais une faiblesse de caractère, une légèreté d'esprit produite et entretenue sans doute par la mollesse et les fièvres du climat, par des végétaux qui manquent de vigueur, par un vin acide qui ne donne pas de ressort. Du reste, la contrée était partagée entre plus de vingt états et seigneuries qui toutes, à l'exception des deux cités impériales de Worms et de Spire, appartenaient à un maître absolu, et ces petits états se croisaient, s'emmêlaient tellement qu'on ne faisait pas quatre à cinq lieues de chemin sans passer par plusieurs territoires. Villes et bourgades se touchaient, mais demeuraient étrangères les unes aux autres, et bien loin d'avoir un intérêt commun, se jalousaient, se taquinaient sans cesse. De là des procès qui se multipliaient à l'infini ; de là une bureaucratie nombreuse et absorbée par sa besogne. Ces localités, ajoute Girtanner, étaient de menues fourmilières, occupées à de misérables tracasseries de glande legenda qu'apaisait le maire du village, à des querelles d'étiquette et de juridiction qui se décidaient à coups de plume[76].

Les Français ne redoutaient donc pas de former sur le Rhin un noyau d'assemblée nationale qui demanderait l'annexion du pays ou, comme on disait, la réunion départementaire à la France. Le point essentiel était d'envoyer à cette Convention rhénane les clubistes de Mayence et les patriotes des campagnes.

 

 

 



[1] En réalité, le huitième de l'archevêché. Le comté de Falkenstein était une terre patrimoniale, dernier héritage de la maison de Lorraine (Pallain, Talleyrand sous le Directoire, 1891, p. 198). Il renfermait, outre le bourg de Falkenstein et la petite ville de Winnweiler, siège d'un grand bailliage, plusieurs villages comme Imsbach, Saint-Alban, Ilbesheim, Eckelsheim, etc.

[2] Cf. l'article de la Strasb. Zeitung du 3 déc. 1792 (qu'on supposa rédigé par Hofmann), et la réponse de Cotta dans la Mainzer Zeitung du 17 déc. ; Die Franz. am Rheinstrome, I, 36 ; Rede an die Bürger zu Mainz, nicht abgelsen, nur gedruckt im Jahre 1792, p. 10 ; Nau, IV, 232-235.

[3] Müller, Sämmtl. Wecke, XXXI, 51-53 et 62, XXXVIII, 160-162.

[4] Kremer était secrétaire du sénat de Worms ; Schraut, syndic du chapitre de Worms (il devint, en l'an VIII, juge au tribunal civil de Mayence ; cf. le Verzeichniss des clubistes qui le nomme un brave homme et s'étonne de le voir dans la galère de l'administration ; Remling, I, 100 ; Bockenheimer, Gesch., 165) ; Witt fils, agriculteur et membre du sénat de Worms (cf. Mainzer Zeitung, 2 mars 1793) ; Charles Holzmann, président du club de Spire (il fut, en 1798, agent national ; cf. Remling, II, 126, 161, 166, 269-271. 365).

[5] Voir sur Conrad de Winckelmann la Mainzer Zeitung, du 17 janvier 1793, les Beiträge zur Revolutionsgesch. von Worms et les Franz, am Rheinstr., I, 34-35 qui font son éloge (cf. Mainz im Genusse der Freiheit, p. 257-258). Mais Girtanner ignorait le républicanisme fervent de Winckelmann qui, à diverses reprises, sollicitait Aubert-Dubayet de faire arrêter comme otages les anciens magistrats de Worms (Dubayet à Custine, 31 janv. 1793. A. G.). Winckelmann devint agent de la Société patriotique fondée à Coblenz par Gerhards et Görres, agent national près l'arrondissement de Worms, membre de l'administration centrale du Mont-Tonnerre, notaire du canton de Worms (Remling, II, 349 ; Bockenheimer, Gesch., 97, 167). Le Moniteur du 9 juin 1793, le nomme un des esprits les plus droits et les plus éclairés dans toute la révolution rhéno-germanique.

[6] Sur Stephan Lœwer, qui signe aussi Lever et qui fut député de Roxheim à la convention rhéno-germanique, voir Laukhard, III, 392-423 ; il devint juge de paix à Wöllstein.

[7] Cf. sur Petersen qui devint adjoint à l'administration centrale de Kreuznach, membre de l'administration centrale du Mont-Tonnerre, sous-préfet de Kaiserslautern, le tome II de Remling, 343, 393, 445, 491, et Bockenheimer, Gesch., 95, 96, 100. Il était né à Bergzabern, le 3 juin 1746. Rudler le jugea très bon administrateur, probe et actif, et Shée assurait que les généraux et les représentants rendaient de ce citoyen les comptes les plus avantageux (A. N.).

[8] Ce Buhot, né à Paris, fils d'un ancien officier, avocat au parlement (1780), troisième sous-lieutenant sans appointement au régiment d'Orléans (1781), commissaire des guerres (1784), employé à Strasbourg, puis en Bretagne, devint ordonnateur pendant la campagne de 1793, se trouvant le plus ancien commissaire parmi ses camarades ; destitué, à Phalsbourg, par Baudot (10 ventôse an II), réintégré par Féraud et Neveu (vendémiaire an III), il fut nommé ordonnateur de l'armée du Rhin par Merlin de Thionville, qui le jugeait un sujet distingué ; il avait fait un voyage en Allemagne (1788) et séjourné dix-huit mois en Angleterre, pour apprendre l'allemand et l'anglais.

[9] Remling, I, 110-112.

[10] Cf. Sur Custine et Mayence, par un citoyen manqué, p. 5. Il y en a qui viennent de loin, mais il ne suffit pas d'avoir fait le tour du monde ; il faut être reconnaissant, surtout quand on a reçu des bienfaits qu'on n'a pas trop bien mérités ; la reconnaissance vaut mieux que la littérature, et Ein Paar Worte des Dr Gottlieb Teutsch (noch einige Worte für Heren Forster den Patrioten), 11.

[11] Jean-Christophe Blessmann avait alors 33 ans. Après avoir été précepteur des enfants de l'envoyé de Hanovre, il avait donné des leçons d'allemand aux émigrés. Il reçut l'année suivante, comme Hauser, une mission à Huningue, aux appointements mensuels de 300 livres. Reubell, Haussmann, Hofmann lui donnèrent des certificats, et ce dernier lui reconnut un civisme à toute épreuve. (29 sept. 1793. A. E.). Il devint, comme Pierre, interprète-juré du tribunal de première instance de l'arrondissement de Mayence. Cf. Ueber die Verf. von Mainz, 8, note ; Forster, VIII, 300-301 ; Darst., 302 ; Gesch., 228.

[12] Rivals à Le Brun, 20 déc. 1792 (A. E.) ; Forster, VIII, 304, 305, 323 ; Gesch., 220 ; An das deutsche Publikum, von einem Freunde der Wahrheit, 6-8.

[13] Forster, VIII, 279, 282, 297, discours du 1er janvier 1793 (Nau, IV, 238-239), et Briefwechsel mit Sömmerring, 602 ; Darst., 447 et b03 ; Mainzer Zeitung, 17 décembre 1792 ; Nau, V, 535 ; le mot Furcht peur, revient désormais à tout instant dans les séances du club.

[14] Cf. Custine, 200-201 ; Nau, IV, 109-118 ; Klein, 380-381, et Forster in Mainz, 464 ; Forster, VIII, 296.

[15] Offenherzige Zuschrift an Fr. W. Hohenzollern dermalen König aus Preussen, von Friedrich Georg Pape, neufränkischen Republikaner. Il signe ton ennemi et celui de tous les tiens, le républicain Pape, membre des Sociétés de la liberté et de l'égalité de Mayence, Strasbourg, Schlestadt, Colmar et Munster, correspondant des clubs secrets des Etats prussiens.

[16] Mainzer Zeitung, 17 janvier 1793, et Nau, V, 537-538.

[17] Forster, VIII, 279, 282, 284, 296 ; cf. Nau, V, 564, mot d'un clubiste die Konstitution befchlsweise einführen.

[18] Forster, VIII, 291 ; Darst., 480-487 et 508-512.

[19] Zech, Anrede, 21 déc. 1792, p. 9 ; la corporation des tailleurs voulut exclure deux de ses membres qui s'étaient fait inscrire au club (Nau, V, 548).

[20] Der Bürgerfreund, p. 83, 25 déc. 1792.

[21] Von der Staatsverfassung in Frankreich zum Unterrichte fur die Bürger und Bewohner im Erzbisthume Mainz und den Bisthümern Worms und Speier, 1792, 14 pages.

[22] Wie gut es die Leute am Rhein und an der Mosel jetzt haben können, 1792, 14 pages ; cf. Darst., 353.

[23] Auch die Wormser und Speyerer hönnen et jetzt besser haben (cf. Remling, I, 204-208).

[24] Klein, 371 et 602 ; Laukhard, III, 346 ; Nau, V, 569, 574, 579 ; le Verzeichniss des clubistes indique, parmi les habitants de Wöllstein, le paysan Korndörffer et le curé Münch (ce dernier est sans doute l'auteur de la lettre qui fut lue au club le 15 février).

[25] Nau, V, 540.

[26] Cf. sur Weisenau et Zahlbach, Preuss. Augenzeuge, 279.

[27] Lettre de Wedekind, Journal de la Montagne, 4 sept. 1793 (à propos de Lux) ; Mainzer Zeitung, 29 nov. 1792 ; Die Franz. am, Rheinstrome, II, 136 ; souvenirs d'un officier, publiés par Czeltritz, Zeitschr. für Kunst, Wiss. u. Gesch. des Krieges, 1844, I, p. 69 (il visita Kostheim, le 29 mars 1793, et atteste que beaucoup d'habitants, surtout les jeunes gens, ivres de liberté freiheitstrunken voyaient de mauvais œil la garnison prussienne).

[28] Forster, VIII. 299 et 303 ; Custine à Pache, 1er déc. 1792 (A. G.) ; Darst., 488 ; Nau, V, 545.

[29] Jemappes, 198 ; proclamation de Custine ; Nau, V, 546 ; Darst., 499. Cf. sur Jean-Frédéric Simon, né à Strasbourg, en 1747, jacobin, membre du comité qui prépara l'insurrection du 10 août, rédacteur du journal Geschichte der gegenwärtigen Zeit, qui commença le 10 octobre 1790, pour cesser la veille de son arrivée à Mayence, le 30 janvier 1793, et où il avait, disait-il, dans une lettre du 25 septembre, à Deforgues, travaillé l'Electeur de la belle manière, les Notes biographiques d'E. Barth, 496-498 et l'Argos, de Schneider, n° IX, 1er février 1793, p. 71-72. Le collègue de Simon, Gabriel Grégoire, était de Thionville. Dès le 31 janvier, il tomba malade ; ses forces physiques ne pouvaient suffire à la tâche ; il donna, le 7 février, sa démission qui fut agréée dix jours plus tard, et, le 5 mars, il regagnait Thionville (cf. sa correspondance avec Le Brun)

[30] Rapport de Simon, 13 août (A. E.), et lettre du 20 février 1793 (A. N. F. Ie, 40-41).

[31] Custine, 207.

[32] Darst., 578-585 ; Mainzer Zeitung, 14 janv. 1793 ; Klein, Forster in Mainz., 417 et 433.

[33] Darst., 589 (603), 593 (607), 595 (609), 598 ; Nau, V, 551, 559, 560 ; Discours de Merlin, p. 2.

[34] Lettre des commissaires, 6 janvier 1793 (Moniteur du 12).

[35] Nau, V, 565.

[36] Rede von den Ursachen der bis noch jetzt getheilten Meinungen ueber die Revolutionssache der Mainzer, par Metternich, p. 7-8.

[37] Rivals à Le Brun, 20 déc. 1792 (A. E.) ; cf. Forsters Briefw. mit Sömmerring, 605, et Nau, V, 541 et 565.

[38] Cf. Ueber die Verfassung von Mainz, 44 ; Ein Wort an die Mainzer, 2-3.

[39] Voir ce mandat, du 19 décembre 1792, dans le Moniteur, du 21 février 1793.

[40] Wimpffen à Custine, 7 janvier 1793 (A. G.) ; Der Mainzer an seine deutschen Mitbürger, 16.

[41] Desportes à Le Brun, 11 déc. 1792 (A. E.) ; rapport de Simon, 13 août (A. E.), et lettre du 20 février (A. N.) ; Darst., 584 (598), 601-603 (cf. Klein, 340-343) ; Preuss. Augenzeuqe, 158 ; Mainz. im Genusse der Freiheit, 64 ; Schöne Rarit., I, 3 ; Die Franzosen am Rheinstrome, I, 61 ; Ihlee, Tagebuch von der Einnahme Frankfurts durch die Neufranken, 32 ; personne, à Francfort, ne voulait coucher les Français, les blanchisseuses leur renvoyaient leur linge, et ils le lavaient eux-mêmes sur les radeaux du Mein.

[42] Darst., 589 (603) ; Preuss. Augenzeuge, 153, les clubistes soulevèrent les âmes par leur conduite tyrannique et nuisirent plus à l'extension du système français que le système même et les Français ; cf. Revolutions-Almanach von 1794, 144.

[43] Forster, VI, 402 ; VIII, 318, et surtout IX, 93 ; Darst., 470, 570 ; Gesch., 118 ; Der Mainzev an seine deutschen Mitbürger, 10 ; Die Franzosen am Rheinstrome, II, 147 ; Reubell à Merlin, 30 septembre 1793 : il y a parmi les clubistes réfugiés des gueux mal famés, qui n'avaient pas de souliers à se mettre ; ce sont ceux-là qui ont les prétentions les plus exagérées et qui crient le plus fort. Cf. l'arrêté de l'administration générale du 15 déc. 1792, qui prie les clubs de bien choisir leurs membres et de les prendre parmi ceux qui possèdent la confiance des citoyens et qui montrent de l'obéissance envers les lois et de la soumission envers les autorités existantes. (Darst., 460 et 506.)

[44] Ueber die Verfassung von Mainz, 13 ; Belagerung, 73 ; Geschichte, 152.

[45] Factum de 3 pages, sans titre, daté Mainz, am 11 Jänner 1793.

[46] Nau, V, 525.

[47] Darst., 321-322.

[48] Nau, V, 527 et 529.

[49] Darst.. 574-577 ; Forster, VIII, 323-324 et Briefw. mit Sömmerring, 603 ; note inédite de Mayençais communiquée à Legrand (A. G.) ; Journal de la Montagne, 5 et 6 juillet 1793 ; Merlin, Discours prononcé le 12 janvier 1793, p. 28 ; Die Fausse Couche des MainzerJacobiner u. Klubbisten 1793, p. 28 (acte III, scène IV) et surtout Bockenheimer, Zwei Sitz. der Mainzer Clubisten, 1868 (d'après la lettre de Schlemmer à Nicolas Vogt, lettre écrite aussitôt après les événements ; cf. id. les procès-verbaux du club.)

[50] Courrier des départements, 6 nov. 1792.

[51] Rapport de Simon, 13 août 1793 (A. E.).

[52] Mainz im Genusse der Freiheit, 20.

[53] Forster, VI, 405 ; Darst., 443 ; Mainzer Zeitung, 7 nov. 1792, et Metternich, Der Aristocrat auf Lïgen ertappt, p. 23 ; Nau, V, 532-533.

[54] Lettre du 20 février 1793 (A. N.) ; cf. Rapport du 13 août.

[55] Rapport de Simon (A. E.) ; Stamm à Custine, 1er févr. 1793 (A. G.) ; Moniteur, 28 août 1793 (procès de Custine) ; cf. Ihlee, 86.

[56] Outre Hofmann qui l'accusait à mots couverts de s'être approprié les effets de l'Électeur, outre Guiraud, commandant de Huningue, et lieutenant-colonel du 2e bataillon de l'Ain, qui lui fait le même reproche (janvier 1793, A. G.), Pache le blâme d'avoir permis à ses officiers, après l'affaire de Spire, d'acheter, au prix de 96 livres en assignats, les meilleurs chevaux des vaincus (7 déc. 1792, A. G.) et il lui interdit d'échanger contre des haridelles les magnifiques chevaux des écuries de Frédéric-Charles d'Erthal.

[57] Gesch., 231 ; Rapport de Couturier et de Dentzel, Suppl. du 3 juin 1793, p. 136-137 une aventurière dégourdie) ; Lettre de Marcus Anckerford (janv. 1793, A. G.). Vous souvient-il du citoyen général, comme il faisait les yeux doux à Mme Daniels ? Cette Mme Daniels a fait une grande fortune. Elle plut au général, le général lui plut, et comme il est très généreux, il lui fit cadeau d'un lit superbe et de deux belles pendules qui étaient à l'Électeur (Sur Custine et Mayence, par un citoyen manqué, 7-8) ; Preuss. Augenzeuge, 158 ; cf. sur Daniels et Zittier, les Listes des clubistes ; Pierre-Joseph Daniels, né le 29 déc. 1765, était, sous l'Empire, médecin à Winnweiler.

[58] Schaber, Mein Tagebuch der Belag. von Mainz, 1793, p. 22.

[59] Mainzer Zeitung, 20 déc. 1792 ; cf. la déclaration de Hofmann au procès de Custine et le frémissement d'horreur qui s'éleva dans l'assistance ; voir aussi An das deulsche Publikum, von einem Freunde der Wahrheit, p. 2-5.

[60] Darst., 571 et 585.

[61] Darst., 492-494, 514-515 (protestation de la Chambre des finances, de la municipalité, de l'administration générale) ; Gesch,, 205 ; Mainz im Genusse der Freiheit, 49 ; Nau, IV, 256-258, et V, 564 (séance du club, 27 janv. 1793) ; Klein, Forster in Mainz, 412.

[62] Die Framosen am Rheinstrome, I, 61.

[63] Belag., 58-59 ; Darst., 115.

[64] Note de Legrand (A. G.).

[65] Forster, VIII, 319 et Klein, Forster in Mainz., 413 ; les agents militaires, écrivait Simon le 20 février (A. N.), avaient pris un ton si despotique qu'ils n'avaient inspiré que la terreur ; cf. Eickemeyer, Denkw., 176.

[66] Merlin à Pache, 4 janvier 1793 ; Dorsch à Custine, 3 janv. (A. G.) ; témoignage de Simon (procès de Custine, Moniteur, 28 août 1793 ; Rapport du 13 août ; cf. lettre du 20 février les fournisseurs essuyaient toutes les difficultés possibles pour leur paiement) ; Forster, VIII, 293 et 312 ; Mémoire (Klein, Forster in Mainz, 406-416) ; Briefw. mit Sömmerring, 605 ; Belag., 58-59 ; Mainz im Genusse der Freiheit, 13-15, 52-53 ; Nau, IV, 247, 261-263 ; proclamation de Custine aux habitants des pays situés entre le Rhin, le Hundsrück et le duché de Deux-Ponts (23 janvier 1793, Mainzer Zeitung, du 24) ; cf. Custine, 136, et ajouter ce témoignage de l'auteur de Mainz nach der Wiedereinnahme, 48 ; il a ouvert les yeux aux Allemands et on devrait lui élever une colonne commémorative, avec une inscription assortie, sur les bords du Rhin. Nos principes de liberté, a dit Legrand, ont rencontré quelque opposition, moins par défaut de propension vers la Révolution qu'à cause de la manière vexatoire qui accompagnait la propagation de ces mêmes principes (A. G.).

[67] Lettres de Stamm et de Wimpffen, 27 et 4 janvier 1793 (A. G. ; cf. Nau, V, 584, séance du club, 23 fév.) ; Couturier, Supplément au rapport, 3 juin, p. 139 ; Mainzer Zeitung, 2 février (cf. Darst., 572 et Forster Briefw. mit Sömmerring, 602) ; Courrier des départements, 16 janvier (lettre de Mayence, du 6 janvier).

[68] Rec. Aulard, II, 68 ; cf. Jemappes, 224-226.

[69] La Barolière aux commissaires, 19 avril 1793 (A. G.).

[70] Jemappes, 226 ; Sorel, III, 280.

[71] C'étaient la partie inférieure du bailliage de Schambourg, dit le Bas-Office (au duc de Deux-Ponts) ; les communes du comté de Saarweiden et du bailliage de Harskirchen (un tiers à Nassau-Weilbourg et les deux autres tiers à Nassau-Sarrebruck) ; les communes de Créhange (au prince de Nassau-Sarrebrück) de Pontpierre et de Téting (au prince de Wied-Runkel), d'Assweiler (au seigneur de Cathcart), de Trulben, Kröppen, Hilst, Schweiz, Eppenbrunn, Obersteinbach, avec les châteaux de Lützelhard et d'Arnsberg (au landgrave de Hesse-Darmstadt) Cf. Et. Charavay, Correspondance de Carnot, I, 379.

[72] Rec. Aulard, I, 234 (arrêté du Conseil exécutif provisoire, 9 nov. 1792) ; lettres de sauvegarde expédiées, le 1er déc. 1792, par Desportes ; Pache à Beurnonville, 16 janvier 1793 (A. G.).

[73] Dès le 16 déc. 1792, Rühl proposait de mettre le séquestre sur les propriétés du duc (Moniteur, du 18). Cf. les commissaires au Comité des finances, 11 février 1793 ; lettre d'Esebeck, 14 février et protestation imprimée du même, 21 févr. (A.. E.) ; Ligniville à Landremont ; note de Legrand (A. G.) ; Horstmann, Die Franz. in Saarbrücken, 26-28 ; Moniteur, 25 févr., 16 et 20 mars ; Mainzer Zeit., 28 févr. ; Le Batave, n° 38.

[74] Rapport de Dentzel sur la réunion de trente-deux communes enclavées sur les bords du Rhin, p. 5 ; Remling, I, 160-161. Ces communes étaient les suivantes : 1° douze communes du grand bailliage de Bergzabern ; Bergzabern, Barbelrodt, Dierbach, Drussweiler, Kapellen, Ilbesheim, Hergersweiler, Mühlhofen, Nieder-Horbach, Oberhausen, Volmersweiler, Winden ; 2° quinze communes du grand bailliage de Germersheim : Appenhofen, Billigheim, Erlenbach, Gleishorbach, Gleiszellen, Heuchelheim, Klingen, Klingenmünster, Mörzneim, Oberhochstadt, Oberhofen, Pleisweiler, Rohrbach, Steinweiler, Wollmesheim ; 3° Altdorf, Freisbach et Gommersheim (qui appartenaient au comte de Degenfeld), Niederhochstadt (à l'ordre des chevaliers de S. Jean), Essingen (au baron de Dalberg). Elles devaient former le 5e district du Bas-Rhin et avoir Landau pour chef-lieu. Le 25 mars, un autre décret réunissait au département de la Moselle la commune de Denting (district de Boulay) et les communes de Biding et de Lelling-Empire (district de Sarreguemines).

[75] Moniteur, 25 janvier 1793 (lettres des commissaires du 14 janvier).

[76] Girtanner, Die Franz, am Rheintstrome, I, 80-82 ; cf. Jemappes, 213 et 248 ; Sorel, III, 288.