PROJETS DE CHOISEUL — DUMOURIEZ À EPERIES — LA CONFÉDÉRATION — TROUPES ET CHEFS — LE PLAN DE DUMOURIEZ — AFFAIRE DE LANDSKRON — VIOMÉNIL.AU commencement de l'année 1770, Choiseul fit appeler Dumouriez. La Confédération dite de Bar, qui protestait contre l'élection du roi de Pologne, Stanislas Poniatowski, nommé sous la protection des baïonnettes moscovites, avait été dispersée et poursuivie par les Russes jusque sur le sol turc. Mais la noblesse polonaise, voyant la Turquie faire la guerre à la Russie, avait formé des confédérations particulières qui s'étaient groupées à Biala, sur les frontières de la Silésie autrichienne, en une Confédération générale, dont les chefs étaient le comte Pac et le prince Sapieha. De Biala, cette Confédération se transporta à Eperies, en Hongrie. Elle avait à Paris un ministre plénipotentiaire, le comte Wielhorski. Après avoir entendu Wielhorski, Choiseul, voulant savoir au juste ce qu'était cette Confédération, envoyait Dumouriez à Eperies. Dumouriez consulta tous ceux qui connaissaient la question polonaise, le comte de Broglie, Favier, Chauvelin, le chevalier de Taulès ; il lut les dépêches des agents de France depuis 1764 ; il s'entretint longuement avec Wielhorski, et, au mois de juillet 1770, il quittait Paris. Il eut, avant de partir, une conversation fort intéressante avec Choiseul. Le ministre avoua qu'il voulait ranimer la Confédération de Bar pour sauver les Turcs vaincus par les Russes, qu'il voulait opposer l'Autriche et la Saxe à la Prusse, qu'il voulait agiter la Suède ; qu'il voulait battre les Anglais ; tous les ressorts devaient jouer en 1771 ; la marine n'était-elle pas rétablie, l'armée réorganisée, un projet de descente préparé par le comte de Broglie et La Rozière ? Dumouriez était fier de la confiance que le ministre lui témoignait. Il admirait l'énergie et la clarté de sa parole ; il loua ses plans ; il jura de l'aider, de travailler, lui aussi, en grand, en très grand. Oui, reprenait le duc, mais ne vous livrez pas au désir de guerroyer, et, si les choses vous semblent aller mal, si votre présence n'est pas absolument utile, ne vous arrêtez qu'autant de temps qu'il faudra pour me faire un rapport exact ; revenez vite et je vous emploierai ailleurs. Je ne vous donne pas d'instructions. — Je vous défie bien de m'en donner, dit Dumouriez, vous ne savez pas plus que moi ce qu'il faut faire. Le duc se mit à rire. Mais Dumouriez avait compris que le duc pensait à son propre intérêt et que, menacé par l'intrigue, il tâchait de se rendre nécessaire en jetant le roi dans les embarras d'une vaste guerre. Dumouriez vit à Vienne Kaunitz et le ministre de France, Durand. Vous vous embarquez dans une mauvaise affaire, lui dit Kaunitz ; mais Dumouriez lui répondit qu'il avait les ordres les plus prudents et les plus sages. Durand, homme correct et froid, lui demanda son instruction : Je n'en ai pas. — Alors, vous ne pouvez continuer votre route. Pourtant, sur les instances de Dumouriez, il consentit à rédiger lui-même une instruction. Il la remit le 21 juillet. Elle commençait par cette phrase La semaine qui suit la moisson, étant celle qui est la plus favorable pour opérer en Pologne. Dumouriez ne put s'empêcher de rire. Le reste était plus sérieux : Dumouriez dirait qu'il venait s'instruire de la force des confédérés, de leurs arrangements ; il devrait se mettre de la partie et s'attirer la principale direction des manœuvres et opérations de guerre mais les Polonais comprendraient que la France, dans l'éloignement où elle était, ne pouvait faire tout ce qu'ils désiraient, et ils éviteraient de la compromettre parce qu'elle avait des mesures à garder avec ses alliés. Le jeune colonel partit avec un maréchal de la Confédération. Cet homme ne savait pas le français ; lui-même ignorait le polonais. On parla latin, et Dumouriez fit, comme il dit, toute cette guerre en latin. A la fin de juillet il arrivait à Eperies. Quel monde étrange ! Quel chaos de vices où les plus nobles personnages n'étaient certes pas les meilleurs Le comte Pac, maréchal général, homme de plaisir, faible, borné, qui devait son élévation à cinq ou six lâchetés ; le prince Ràdziwill, le plus grand seigneur de la Pologne, espèce de brute, que le premier venu pouvait conduire le comte Zamoïski, vieillard impotent, très simple, très honnête ; Bohusz, secrétaire général, le seul homme de tête qui fût à Eperies, éloquent, mais fourbe, affectant la dévotion et la simplicité des mœurs la comtesse Mniczek, fille du comte de Brühl, femme d'un fort riche sénateur et général de la grande Pologne, belle encore, spirituelle, adroite, mais ambitieuse, cherchant à obtenir de l'influence, à se rendre populaire. L'égoïsme, l'irrésolution, l'ignorance, l'obstination régnaient dans le Conseil. Il n'y avait ni prudence ni raison dans l'assemblée composée de cent cinquante membres, dont aucun n'observait le secret. Beaucoup pêchaient en eau trouble et quelques honnêtes gens gémissaient. Partout, mensonge et perfidie ; rien de plus affectueux et de moins sincère ; pas de fierté républicaine trop de souplesse et trop peu d'âme. Ces Asiatiques de l'Europe ne' faisaient que brelander, musiquer et mentir. Ils ne vivaient même pas en bonne intelligence. Tous se dénigraient, chacun disait à Dumouriez du mal de son camarade, et nul n'avait tort. Cette Confédération était une hydre à cent têtes, qui toutes sifflaient sur un ton discordant. Aux prétentions outrées répondaient des moyens puérils. A l'entendre, la Confédération disposait de 40.000 hommes. En réalité, elle n'avait que 16.000 hommes, insubordonnés, mal armés, mal montés, mal vêtus, divisés en corps épars et indépendants qui se méfiaient les uns des autres et parfois se battaient entre eux. Bref, une bande de voleurs, une troupe de bandits dont la moitié au moins étaient colonels, capitaines, officiers tous d'ailleurs ruinés et dénués de ressources. Au bout de quinze jours, Dumouriez voulut s'en aller. Il se jugeait inutile ; il ne croyait pas qu'il pût rien opérer de bon. Comment faire la guerre avec de pareilles gens ? Comment rester avec une assemblée dont la faiblesse finirait par une dissolution totale ? Sa présence ne donnait-elle pas à ces misérables de fausses espérances ? Les vérités qu'il leur prodiguait ne lui vaudraient-elles pas leur colère et leur haine ? Il partirait donc pour ne pas se déshonorer, pour ne pas compromettre sa cour ; il pria, Durand de le rappeler. Pourtant, il demeura. Fallait-il venir si loin, presque à l'extrémité du monde, et s'éloigner si promptement ? J'avais cru, disait-il, trouver là ma gloire. N'y aurait-il pas quelque gloire à débrouiller cette affaire de Pologne qui, après tout, n'était pas entièrement désespérée ? Cette Confédération, dont l'existence ne paraissait qu'un souffle, ne serait-il pas possible de la ranimer ? Pour la fortifier, pour la rendre respectable et la mettre en état d'agir l'année suivante, ne suffisait-il pas d'une somme de cent mille écus ? Fort de l'argent qu'il distribuerait, Dumouriez établirait la paix entre les Polonais, les empêcherait de se diviser en factions, mènerait la partie militaire, imposerait des règlements à cette cohue et lui donnerait un ensemble ; puis, après avoir fait de petits coups, il exécuterait un plan de hardiesse. Tout cependant avait l'air de se tourner contre lui. Un quintumvirat, dont l'âme était la comtesse Mniczek, prétendait annuler la Confédération d'Eperies. Les Russes battaient les Turcs. L'Autriche prenait possession de la starostie de Zips et plantait ses aigles dans une partie du palatinat de Cracovie. Dumouriez prévoyait le démembrement dès le 19 septembre, il écrivait que les Autrichiens commençaient par un envahissement, que le roi de Prusse les imiterait et que cela finirait par un traité de partage. N'importe. Il avait pris son parti. Il se réconcilia avec Pac et Bohusz qui se plaignaient de sa mauvaise humeur et de sa dureté. Puis, le 13 octobre, il fit proclamer l'interrègne ou la déchéance de Stanislas. Cette mesure extrême, et qui déjouait les manœuvres du quintumvirat, ôtait tout prétexte aux cabales. Mais ce qui prouve l'incurable étourderie des Polonais, c'est que Bohusz, en leur lisant l'acte de l'interrègne, s'avisa plaisamment, dans l'éloge du roi Auguste, de remplacer ce nom par celui de Stanislas Poniatowski, et que personne ne s'en aperçut ! Pour que la Confédération eût une forme de gouvernement, Dumouriez confia le pouvoir exécutif à quatre conseils un Conseil de justice, un Conseil de finances, un Conseil des affaires étrangères et un Conseil de la guerre. Il obtint la suspension du liberum veto. Il donna deux forteresses aux confédérés Czenstochowa que Pulawski réussit à surprendre et le vieux château de Landskron, situé à six lieues de Cracovie. Il leur donna de l'artillerie qu'il acheta en Hongrie ou déterra chez des seigneurs du pays. Déjà s'ébauchait dans sa tête un projet d'opérations pour la campagne de 177 1. Il aurait marché soit sur la Podolie pour inquiéter les derrières de l'armée russe et détruire ses magasins, soit sur Varsovie pour y établir le siège de la Confédération pendant que le comte Oginski, à la tête d'une armée dite de la Lithuanie, se serait dirigé sur Smolensk et Moscou. Quelle audace Et l'audace était d'autant plus grande que d'Aiguillon avait, à la fin de décembre 1770, renversé Choiseul. Or, si d'Aiguillon n'osait pas rappeler Dumouriez, il le desservait sous main. Il remplaçait à Dresde par un simple secrétaire notre ministre Zuckmantel, qui devait faciliter à Dumouriez, son ami, la levée d'un corps de 6.000 hommes licenciés par la cour de Saxe. Il défendait à notre ministre en Bavière d'envoyer 22.000 fusils commandés par Dumouriez à Munich. Mais Dumouriez comptait quand même soulever la Lithuanie et mettre tout en feu dans la Pologne. N'apportait-il pas aux confédérés l'ordre, des conseils et l'argent ? Le ministre de la guerre, Monteynard, ne lui marquait-il pas que le roi, désirant susciter des embarras aux Russes et donner aux confédérés le plus grand degré possible de consistance, leur accordait un subside mensuel de 60.000 livres ? Monteynard ne lui envoyait-il pas des officiers réformés de toutes armes et des canonniers, la crème des aventuriers ? Dumouriez se disait que, s'il réussissait, il empêchait le partage de la Pologne en opérant une révolution dans le système du Nord et que, s'il échouait, il n'empirait pas le sort des Polonais,. Jeune, ardent, confiant en lui-même, il espérait triompher des difficultés. Qu'il se rende maître de la rive gauche de la Vistule, qu'il établisse la Confédération à Cracovie, et les désordres cesseront, les ordonnances seront suivies, les revenus publics ne seront plus volés et dissipés, on pourra avec la caisse militaire lever des troupes pour représenter la République, les puissances étrangères prendront meilleure opinion, les secours viendront, les garants se déclareront, les négociations seront plus faciles et faites avec plus de dignité. Mais que pouvait-il contre l'indiscipline des troupes et contre l'humeur indépendante de leurs chefs ? Zaremba, Pulawski, Walewski et Miaczynski étaient les principaux de ces chefs. Vieux, pillard, très fin et homme de guerre, Zaremba avait 4.000 cavaliers et cinq pièces de canon. S'il écrivit à Dumouriez, il refusa toujours de s'aboucher avec lui ; les Russes ne l'attaquaient pas il se gardait de les inquiéter. Fier, impétueux, plus vaniteux qu'ambitieux, intrépide, mais imprévoyant, léger et docile aux avis de ses entours, nullement avide, pillant pour faire des largesses, libéral du bien d'autrui, répandant à pleines mains l'argent et les grades, Pulawski avait sous ses ordres une foule de détachements épars dont il ignorait la force et la position. Walewski, conseiller du palatinat de Cracovie, plus rusé que brave, avait des vues profondes et plus suivies qu'on n'en trouve d'ordinaire dans une tête polonaise. Se faire élire maréchal du palatinat de Cracovie, s'attribuer en. cette qualité l'autorité du maréchal général de la couronne et la direction des affaires, tel était son plan. Il disposait de 400 hommes d'infanterie très bien tenus et de 500 cavaliers. Miaczynski, maréchal de Belz, issu d'une grande famille, probe, courageux, le seul chef que Dumouriez ait trouvé fidèle et honnête, mais faible, borné ; paresseux, avait deux bons lieutenants un jeune prince Sapieha, très vaillant, et le colonel Schütz qui commandait un régiment de hussards. Ces chefs et d'autres encore formaient, s'ils se réunissaient, une armée d'environ 10.000 hommes que Dumouriez appelait l'armée du palatinat de Cracovie. Il fallait, à vrai dire, la payer, l'armer, lui fournir des munitions de guerre et de bouche. Mais Dumouriez comptait sur le subside mensuel ainsi que sur l'argent des confiscations et des impositions militaires. Une fois qu'elle aurait pris une position hardie en avant des palatinats de Sandomir et de Lublin, cette armée pourrait 'avoir des places d'armes et des magasins de subsistances. Le 7 avril 1771, Dumouriez entra en Pologne à Rabka. C'était une épreuve qui durerait deux mois. Si, pendant les deux mois, les Polonais se montraient disciplinés et s'ils avaient les mœurs de guerriers policés, il partagerait avec joie leurs dangers et courrait la même fortune. S'ils faisaient une guerre de brigandage, il les quitterait. Il se rendit d'abord à Landskron. Il y trouva Miaczynski, Pulawski et Walewski, dont la cavalerie, dispersée dans les petites villes de la montagne, n'osait descendre dans la plaine de Cracovie entièrement occupée par les Russes. Il enflamma les courages ; il répandit le bruit qu'il aurait bientôt un renfort de six cents dragons allemands il recommanda de multiplier sur la cime des collines les feux et les gardes. L'infanterie manquait ; il proposa et cette proposition vigoureuse pouvait changer l'esprit de la nation de vendre 2.500 chevaux en Hongrie 2.500 cavaliers seraient désormais fantassins les gentilshommes polonais refusèrent fièrement de servir à pied. Il fit alors un exemple éclatant. Trois nobles, après avoir violé une femme, lui avaient coupé le bras, et ils avaient maltraité leur colonel qui les blâmait. Ils furent jugés par des chefs qui burent et plaisantèrent avec eux. Dumouriez vint et ordonna de les garrotter tous les trois et de les conduire sur des canons à Skawina où il obtint d'un conseil de guerre leur condamnation. La petite armée se mit en bataille sur deux côtés ; Dumouriez s'adossait aux maisons de Skawina avec 200 chasseurs et deux pièces chargées à cartouches. Le plus coupable des trois, Bronikowski, fut fusillé Dumouriez, mêlant la clémence à la sévérité, déclara qu'au nom du roi de France, il graciait les deux autres ; puis il harangua les Polonais et leur représenta que le vrai courage est le compagnon de l'ordre, de la justice, de l'humanité. Ils furent touchés, et Dumouriez, profitant de l'énergie qu'il leur avait inspirée, les mena sur-le-champ vers Cracovie. Les Russes, intimidés, repassèrent en hâte la Vistule après avoir coupé le pont. Les Polonais occupèrent la rive droite, les salines et le petit bourg de Biala. Ils tenaient trente lieues de pays. A la droite et en tête de leurs quartiers se postèrent 300 hommes de Miaczynski ; à Skawina et devant le pont de Cracovie, 400 hommes de Pulawski ; à une lieue au-dessous de Cracovie, à l'abbaye de Tyniec, dans une presqu'île formée par la Vistule, sur une colline qui dominait cette abbaye et qui fut garnie d'une redoute, 400 fantassins de Walewski, 40 dragons et 16 pièces d'artillerie, sous le commandement d'un officier français, très intelligent, nommé Lisbin. Le quartier général et le conseil de guerre étaient à Biala. De là, Dumouriez veillait à tout, et tout semblait assurer le succès de bonnes positions, des rivières que la fonte des neiges avait gonflées et qui se gardaient elles-mêmes, les fonds considérables que promettait l'exploitation des mines de sel. Par malheur, il n'avait pas une troupe régulière qui pût exécuter ses décisions et celles du conseil de guerre ; les chefs s'appropriaient l'argent des salines et des contributions. Aussi, lorsque l'ennemi revint de son émoi et que les eaux écoulées rendirent les rivières plus guéables, le plan de Dumouriez fut, en un clin d'œil, renversé. Le 20 mai, les Russes, conduits par Drewitz et Souvorov, marchèrent contre les Polonais qui plièrent partout. Pulawski était allé à Czenstochowa chercher des renforts. Il reçut de Dumouriez l'ordre de rebrousser chemin au plus tôt. Mais il n'avait d'autre dessein que de brigander ; ses 600 cavaliers s'attardaient à ravager les endroits où ils passaient et il ne menait avec lui que cent fantassins et deux canons. Sitôt qu'il vit les progrès des Russes et le péril de Miaczynski qu'il jalousait, il recula sur Rabka, et vainement Dumouriez lui dépêcha courrier sur courrier pour lui rappeler sa réputation et son honneur. Walewski s'était jeté dans Tyniec ; il y résista durant la nuit du 21 au 22 mai à de furieux assauts. Mais les Russes entrèrent dans la redoute de la colline ; le prussien Ried, qui commandait l'ouvrage, les laissa pénétrer sans combat. Désespéré ; Walewski résolut de faire une sortie ; trois officiers français, Duclos, Desprez et Maréchal, se mirent à la tête de 200 hommes et s'emparèrent de la redoute ; les Russes, pris de panique, abandonnèrent l'attaque de Tyniec, et Walewski courut vers Landskron, à l'aide de Miaczynski. Le 23, à 7 heures du matin, Dumouriez rejoignit Walewski et Miaczynski. Mais déjà les Russes paraissaient. Dumouriez avait sur une montagne 900 hommes dont 70 chasseurs à pied et un canon ; les chasseurs, postés dans un bois, se sauvèrent à l'approche de l'ennemi. De même, la cavalerie qui formait la gauche. De même, les hussards de Schütz qui, après avoir déchargé leurs carabines, se rompirent entièrement. Tout le monde fuyait Dumouriez suivit le torrent. Le. jeune Sapieha périt et Miaczynski tombant de cheval fut fait prisonnier. Dumouriez n'avait plus d'armée. Dégoûté de cette guerre indigne, il regagna la frontière de Hongrie. Pourtant, de retour à Eperies, il conseilla la Confédération et géra les affaires avec la même activité. Il fit la paix avec Pulawski, qui lui jura d'exécuter désormais ses ordres. Mais il avait demandé son rappel et il l'obtint. Le comte de Broglie, qui dirigeait la diplomatie secrète de Louis XV, écrivait au roi que l'affaire de Landskron avait un peu effarouché le duc d'Aiguillon, que Dumouriez n'aurait pas dû se commettre avec des Polonais rassemblés au hasard contre des Russes enrégimentés, et d'Aiguillon blâmait. Dumouriez d'avoir méconnu le caractère des Polonais qui devaient, non pas faire une guerre régulière, mais voltiger sans cesse. Le baron de Vioménil vint remplacer Dumouriez ; il le rencontra le 31 août, à Teschen. Il y eut dans les premières entrevues beaucoup de réserve et de froideur. Peu à peu la glace se fondit. Lorsque les deux hommes se séparèrent, ils étaient contents l'un de l'autre Vioménil mandait à Versailles que Dumouriez l'avait éclairé sur tous les points, qu'il méritait les bontés du ministre par sa conduite et son zèle, qu'il avait du courage et des talents, qu'il était rempli d'esprit et de connaissances, que ses comptes offraient la plus grande netteté. Dumouriez avait en 1770-1771 agité les Polonais plus qu'il ne les avait menés. Mais il montra dans sa mission de belles qualités fermeté, vigueur, décision. Il prit sur lui, comme il dit, et, à un instant, il entraîna la Confédération, si méprisable qu'elle fût ; lui imprima un grand élan. C'est, écrivait plus tard Miaczynski à Dumouriez, par vous et sous vos yeux qu'elle prenait une existence. |